Télévision : la fin de l`âge d`or

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Télévision : la fin de l`âge d`or
Télévision : la fin de l’âge d’or
Écrit par Vladimir de Gmeline
Mercredi, 01 Juillet 2009 00:00
Câble, satellite, numérique, Internet, multiplication des canaux, le paysage audiovisuel subit des
transformations radicales. Les audiences des grandes chaînes « historiques » s’effritent. Cette mauvaise
passe n’est pas que la conséquence de la crise. Elle illustre une mutation du paysage audiovisuel et des
comportements vis-à-vis du petit écran. Elle marque aussi la fin d’une époque, véritable âge d’or où la
télévision régnait en maîtresse absolue sur les soirées des Français. Aujourd’hui, l’offre s’est démultipliée.
Le câble, le satellite et, surtout, la TNT gratuite proposent des dizaines d’alternatives aux grandes chaînes.
Et les jeunes, captivés par Internet, se détournent de « l’étrange lucarne ». En même temps, la mission de
la télévision s’est transformée. Jadis éducative, distrayante, et rassembleuse, elle tisse aujourd’hui un lien
affectif avec le téléspectateur en cultivant son narcissisme. Les grandes figures ont été remplacées par M.,
Mme et Mlle Tout-le-Monde, qui existent parce qu’ils sont à l’écran.
La « grand-messe » est terminée. Il y a un an à peine, tous les soirs, sur TF1, PPDA regardait «
la France dans les yeux ». La France, c'est-à-dire 39,5 % de part d’audience. Un rendez-vous
fédérateur, populaire, une image rassurante et proche. Depuis l’arrivée de Laurence Ferrari, le
journal télévisé a battu des records historiques à la baisse, passant, au mois d’octobre 2008,
sous la barre des 30 %. L’ex-star du Vingt-Heures, qui a pris son éviction comme un camouflet,
ne s’est pas privée de commentaires acerbes sur les piètres performances de sa consœur.
Invité de Médias, le magazine, sur France 5, il faisait remarquer au présentateur Thomas
Hugues que, lorsque Laurence Ferrari, le 17 septembre, rassemblait 7,1 millions de
spectateurs, il en réunissait 9,4 millions en 2007 : « Je n’ai pas à la juger. Je dis simplement
que le dernier journal qu’elle a présenté a fait 2,3 millions de moins que celui que j’ai présenté
le même jeudi de l’année dernière. »
En mai de cette année, TF1 a atteint sa plus basse audience mensuelle, 25,5 %, soit une chute
de 1,7 point, et enregistre une perte de 10 à 15 millions d’euros, là où les analystes tablaient
sur un bénéfice de 16 millions. Il y a dix ans, en 1999, TF1 réalisait, en une année, 95 des 100
meilleures audiences. Sa part de marché est progressivement grignotée par les petites chaînes
de la TNT (télévision numérique terrestre). Résultat, après avoir bénéficié de la confiance des
annonceurs publicitaires durant des années en raison de ses bonnes performances, la chaîne a
vu ses recettes chuter malgré l’arrêt de la publicité sur le service public.
A la mi-Juin, TF1 est passée à l’action. En rachetant pour 192 millions d’euros TMC et NT1,
elle reprend ainsi la main sur la TNT. En embauchant comme directeur général délégué Axel
Duroux, patron de RTL auréolé de son succès face à la montée de NRJ, pour épauler le
président-directeur général Nonce Paolini, elle cherche aussi bien à faire face à une situation
économique délicate qu’à trouver de nouveaux contenus et envisager la mutation du groupe
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vers Internet.
Illustration de cette recherche d’un nouveau souffle, une campagne publicitaire un peu
improbable est apparue sur les abribus parisiens. Sur un canapé, un couple on ne peut plus
bobo branché : une très belle jeune femme noire, coupe afro, une tasse qu’on imagine
contenant une tisane « équitable » à la main, son compagnon, barbe de deux jours, la tête
posée sur ses genoux. Tous les deux regardent dans la même direction une télévision que l’on
ne voit pas. Et ce slogan : « 20h15, on se retrouve sur TF1 ». Sur d’autres affiches, des
trentenaires devant le foot à 20 h 58, un papa avec son bébé à 3 h 52 devant Histoires
naturelles !
La fameuse « ménagère de moins de cinquante ans » n’est pas oubliée pour autant dans le
spot diffusé jusque dans les cinémas, pas plus que les grands-parents, la voisine de palier, les
groupes de copines et le petit garçon qui, par la porte entrebâillée du salon, essaie de suivre le
film que regardent ses parents. La chaîne y remercie les téléspectateurs, mais personne n’est
dupe : elle leur demande surtout d’arrêter de partir… Et surtout que tous ces jolis jeunes gens,
une partie du cœur de cible des publicitaires, arrêtent de regarder des séries en DVD, en VOD
(vidéo à la demande), des documentaires et des vieux films sur des chaînes thématiques, des
clips et des vidéos « faites à la maison » sur des sites de partage en ligne comme Youtube et
Dailymotion ! Ou en tout cas, qu’ils le fassent moins, et n’oublient pas ces fameux «
rendez-vous ». Le lien social s’effrite, TF1 aimerait le reconstituer… Si ce n’est pas encore la
panique, on sent comme une inquiétude du côté du vaisseau amiral du quai du Point-du-Jour, à
Boulogne, siège de la chaîne du groupe Bouygues. De fait, le paysage audiovisuel est en train
de se transformer radicalement, de subir de profondes mutations qui mettent à mal la
domination des grandes chaînes hertziennes, publiques privées.
Jusqu’en 1984, début des émissions de Canal+, il y a donc à peine vingt-cinq ans, la France
ne disposait que de trois chaînes de télévision. Le téléspectateur, soumis à la volonté du
diffuseur, regardait ce qu’on lui proposait, à des heures imposées. Le lendemain matin, à l’école
ou au bureau, tout le monde avait regardé la même chose.
Aujourd’hui, l’offre est pléthorique. L’apparition sur le marché des chaînes payantes, puis du
câble, du satellite, du numérique et d’Internet, l’arrivée des opérateurs de télécommunications,
avec leur parc d’abonnés largement supérieur à celui des différents diffuseurs historiques, ont
considérablement changé la manière de « consommer de la télévision », selon l’expression
d’Alain Weill, P-DG de NextRadioTV, groupe de médias low-cost (RMC, BFM, BFM TV, La
Tribune) en pleine expansion. Aussi triviale soit-elle, elle n’en désigne pas moins avec justesse
la révolution en cours. Le consommateur de médias choisit ses programmes et ses horaires, il
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n’est plus un récepteur passif. C’est donc la relation du téléspectateur à l’émetteur qui est au
cœur de cette révolution. Le progrès technologique, l’évolution des modèles économiques et les
savoir-faire professionnels accompagnent cette mutation.
Pour comprendre ce processus, il faut effectuer un retour en arrière, jusqu’aux débuts de la «
petite lucarne » qui fut d’abord à la remorque de la presse écrite et de la radio avant de les
supplanter. Dans la Fin de la télévision, le sociologue Jean-Louis Missika, qui enseigne la
communication politique à Sciences po, distingue trois phases, selon une terminologie
empruntée à Umberto Eco dans la Guerre du faux : la « paléo-télévision », la « néo-télévision »
et la « post-télévision »: « La paléo-télévision parlait d’inaugurations présidées par des
ministres et s’assurait que le public n’apprît que des choses innocentes, quitte à dire des
mensonges », nous dit Eco. Ce premier âge coïncide évidemment avec le temps de la
découverte. C’est l’âge béni de l’émerveillement et de l’innocence, comme un âge d’or dans la
mémoire collective. »
Les premiers responsables sont des transfuges de l’enseignement, héritiers de « hussards
noirs de la République », investis de leur mission d’éducation des masses. Pour eux, le public
de la télévision est une nouvelle salle de classe. Et il semble évident que ce public va ainsi
découvrir, enfin mis à sa portée, les plaisirs de la culture. De cette période enchantée dans
l’imaginaire collectif, on retient des émissions emblématiques, Cinq Colonnes à la une, Lectures
pour tous ou Seize Millions de jeunes. Et des pionniers, comme Georges de Caunes, Pierre
Dumayet, Pierre Desgraupes ou Albert Ollivier. Le credo de l’ORTF, – informer, éduquer,
distraire –, fait ses preuves, et l’on s’émerveille que la diffusion des Perses d’Eschyle fédère
plusieurs centaines de milliers de téléspectateurs. Mais, comme le fait remarquer Jean-Louis
Missika, « ce que l’on oublie, c’est que, lorsqu’il y a une seule chaîne et que la télévision est
encore une technologie mystérieuse et nouvelle, ce n’est pas les Perses que l’on regarde, c’est
la télévision. »
Chaîne unique, fréquences de diffusion restreintes, l’offre commande à la demande. C’est la
caractéristique essentielle de la paléo-télévision, dont vont découler toutes les autres : le
spectateur est en position d’infériorité. Il y a donc une parole réservée aux détenteurs du
pouvoir, à la sphère politique, artistique et intellectuelle, et un auditoire duquel on attend
révérence et déférence. Posture que l’on retrouve dans l’attitude du public, silencieux et
maintenu à l’écart. On est loin des huées et de la bronca permanente d’émissions postérieures
comme Ciel mon mardi ! ou C’est mon choix, cette dernière étant l’illustration parfaite du
narcissisme triomphant à l’ère de la post-télévision.
Pendant des années, la télévision est donc un vecteur de culture (Apostrophes) et de
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divertissement (la Tête et les jambes, Interville, les Jeux de vingt heures), mais elle reste
relativement discrète sur les questions de société et les préoccupations des Français. Les
débats de société se mettent en place à partir de 1974, avec des émissions comme Question
de temps, animée par la rédaction d’Antenne 2 et, au début des années 1980, la polémique fait
son apparition avec le mythique Droit de réponse (TF1), de Michel Polac (1982-1987). La
génération qui a grandi avec la télévision vit mal le fait d’être traitée comme un mineur tenu
d’obéir, elle n’a pas la vénération de ses aînés pour cet objet quasi sacré. Les producteurs
veulent essayer de nouvelles manières de travailler, et la pression des publicitaires, qui voient
dans les médias audiovisuels un formidable marché, est de plus en plus forte.
Tout bascule au milieu des années 1980, avec l’apparition simultanée des télévisions privées,
la Cinq et TF1, et de la première chaîne payante, Canal +. L’offre double brusquement, la voie
est libre pour que la télévision devienne un marché. Elément clé, il faut séduire le spectateur et
sortir du strict registre pédagogique. Pour cela, il faut qu’il s’identifie, et c’est pourquoi les
années 1980 seront les années du surgissement de l’intime, avec notamment l’apparition des
reality-shows, qui jouent sur le registre psycho-affectif. « La société des années 1980 est
caractérisée par la dissolution des réseaux de sociabilité traditionnels, explique Jean-Louis
Missika. Les liens anciens (religieux, maritaux, institutionnels ou familiaux…), qui assuraient
jusqu’alors la cohésion de la société, sont distendus. En découle une demande de prise en
charge que l’action politique laisse insatisfaite. La néo-télévision va s’arroger une fonction
consolatrice et, au-delà, se donner pour vocation de réparer le lien social […] Sa mission est
simple : gérer les crises, non de la société, mais de l’individu. Les crises de l’intimité, du couple
(divorce, séparation), de la sexualité (impuissance, infidélité, homosexualité), de la mauvaise
fortune (accident, maladie, agression). » Le héros devient notre voisin de palier, son discours
n’est pas encore aussi vide que celui de la télé-réalité, mais, déjà, l’emploi d’un langage
ordinaire, du registre familier, est valorisé comme un gage de sincérité.
La post-télévision ne rompt pas avec cette période, elle ne fait qu’accompagner une mutation,
celle qui fait de l’individu le centre de tout. Il est « désaffilié » de toute institution (Eglise,
syndicat, entreprise), la postmodernité a renoncé à toute idée de société structurée autour des
identités de classe. Avec la télé-réalité et sa totale vacuité, le spectacle surprenant d’une «
intimité sans intériorité », on assiste à l’avènement d’un individu qui n’existe que parce qu’il
passe à la télévision : celui que j’y vois n’est pas différent de moi, sauf que lui y est, et pas moi ;
à une époque où les rites de passage, qui font de chacun un individu à part entière, ont disparu,
le désir de « passer à la télé » fait figure de rite initiatique, en même temps qu’il est l’expression
parfaite d’un narcissisme de masse. Le principe d’élimination que l’on retrouve dans toutes ces
émissions, où l’on fait appel aussi bien au public qu’aux candidats entre eux, pose une question
essentielle : comment faire coïncider cette forme d’individualisme, qui passe par la disparition
de l’autre, avec la nécessité du « vivre ensemble » et le maintien du lien social ?
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Une partie de la réponse est donnée par le formidable développement d’Internet, vers lequel se
tournent les jeunes générations, qui regardent de moins en moins la télévision. On y voit et
produit des films, des clips, des émissions de débat, issus de la télévision ou directement
d’Internet. Mais surtout des communautés s’y recréent, au risque certain, cependant, de
nouveaux communautarismes. Elles se choisissent, se construisent : la télévision ne peut plus
rien imposer. Seule solution pour elle : ne pas combattre, trouver de nouvelles formes
d’interactivité. Car la télévision est encore seule capable de produire des émissions de qualité :
le succès des fictions de France 2, adaptées de la littérature classique, en est la preuve. En les
rediffusant sur le Net, elle occupe le terrain et met en valeur ses capacités de production.
La fin de la télévision telle que nous l’avons connue peut susciter des inquiétudes, du fait
même des difficultés de contrôle du contenu. Mais elle réserve aussi de bonnes surprises,
lorsque la culture y prend des détours qui n’auraient jamais été possible, sans Internet. Ainsi de
cette petite fille de neuf ans qui, un beau matin, vient chanter à son père, passablement surpris,
Ces gens-là, de Jacques Brel. Explication : n’ayant pas eu le droit de regarder la Nouvelle Star
sur M6, pour cause de diffusion trop tardive, elle l’a vue le lendemain sur le site M6 Replay, et
découvert ainsi la chanson de Brel, reprise par un des candidats. Séduite, et désirant en savoir
plus sur l’interprète original, elle a fini par trouver un de ses concerts, en noir et blanc, sur
Youtube.
Une véritable révélation pour la petite fille qui, du coup, a appris la chanson par cœur.
Condition sine qua non, la mère surveillait : sur Youtube, en effet, on trouve un peu de tout…
Hit-Parade
De Cinq colonnes à la une à Koh Lanta, en passant par Champs-Elysées, une sélection des émissions
préférées des Français.
Reportages, documentaires, jeux, débats et télé-réalité, parmi les centaines de programmes
diffusés depuis le début des années 1950, certains sont devenus des mythes. Leur nom fait
partie de la mémoire collective, et la nostalgie qu’ils inspirent explique aujourd’hui le succès
d’émissions comme les Enfants de la télé. Au-delà de cet aspect, ils furent aussi des marqueurs
sociologiques d’une époque.
Lectures pour tous
Ancêtre d’Apostrophes, diffusée de 1953 à 1958 sur l’unique chaîne de la RTF, cette première
émission littéraire est l’archétype de ce que voulait être la télévision au cours de ces années
pionnières : un vecteur de culture et d’éducation pour le plus grand nombre. Elle est la simple
transposition télévisuelle de Domaine français, un programme radio créé et animé par Pierre
Desgraupes et Pierre Dumayet, qu’ils reprennent à l’écran en compagnie de Max-Paul Fouchet,
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écrivain, résistant et poète. Desgraupes et Dumayet ont fait des études de philosophie, leur
goût de la littérature les a rapprochés. Le décor est minimaliste, on laisse les auteurs s’exprimer
simplement, sur le mode de la conversation : 1 386 d’entre eux passeront sur le plateau, parmi
lesquels Mauriac, Aragon, Céline, Duras, Borges ou Nabokov.
Ce sont aussi les débuts, en 1957, de La caméra explore le temps, émission historique d’André
Castelot, Alain Decaux et Stellio Lorenzi.
Cinq colonnes à la une
Le titre de cette émission, référence absolue du reportage télévisé, montre à quel point la
presse écrite était encore le média dominant à la fin des années 1960. Cinq colonnes fut
diffusée sur la RTF, puis l’ORTF, de 1959 à 1968. L’idée venait de Pierre Lazareff, patron de
France Soir – succès de presse phénoménal avec un million d’exemplaires vendus chaque jour
–, qui voulait « transposer sur le plan du magazine télévisé la vie et la diversité d’un journal. »
Desgraupes et Dumayet en seront l’âme, avec Igor Barrère, ancien assistant de René Clair et
d’Orson Wells. Ce qui fera le succès de l’émission – jusqu’à vider les salles de cinéma le soir de
sa diffusion ! –, c’est l’association des compétences des journalistes avec celles des
réalisateurs (Louis Malle, Pierre Schoendoerffer, Frédéric Rossif…) : la rigueur des enquêtes
des premiers est renforcée par la capacité des seconds à introduire une vraie dramaturgie, à
rendre le réel aussi palpitant qu’une fiction. Les années 1960 sont aussi celles de la Tête et les
jambes, présentée par Pierre Bellemare, et de Dim Dam Dom, émission hebdomadaire produite
par Daisy de Galard, plutôt destinée aux femmes.
Les émissions de variétés de Maritie et Gilbert Carpentier
Leur nom est indissociable de tous ceux des chanteurs et comédiens les plus populaires en
France, de 1960 aux années 1990. Après ses débuts à Radio Luxembourg, le couple se lance
dans la production télévisée, en compagnie d’artistes comme Jean Poiret, Michel Serrault,
Jacqueline Maillan ou Jean-Claude Brialy. S’ensuivront une série d’émissions phares comme la
Grande Farandole, Sacha Show, Chapeau, Embarquement immédiat, Top à…, Numéro 1…
Souvent tournées en direct, elles mettaient en scène des chanteurs jouant la comédie et des
comédiens s’essayant à la chanson, des duos, une personnalité vedette… avec un principe :
s’affranchir de la promotion de l’actualité, ce qui permettait aux invités d’y participer en toute
liberté. C’est le divertissement dans sa forme la plus libre, la plus spontanée, et le succès de
cette formule ne se démentira jamais. Des émissions comme Top à…et Numéro 1 réunissaient
chaque semaine plus de quinze millions de téléspectateurs.
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Dans les années 1970-1980, les Dossiers de l’écran, émission créée par Armand Jammot,
permettent d’assister et de participer à un débat de société diffusé après un film. Et de 1975 à
1980, Roger Gicquel s’impose comme le présentateur vedette du journal de TF1.
Champs-Elysées
De 1982 à 1990, Michel Drucker anime ce rendez-vous hebdomadaire, successivement sur
TF1 et Antenne 2. Tous les samedis soirs, le pavillon Gabriel accueille chanteurs et acteurs, au
son d’un générique difficile à oublier. C’est le rendez-vous familial par excellence, convivial et
consensuel, comme son présentateur, qui aura cependant à faire face à des dérapages entrés
dans la légende. Le plus célèbre d’entre eux étant la proposition, pour le moins indécente, faite
en direct à la chanteuse Whitney Houston par Serge Gainsbourg…
De 1981 à 1985, Philippe de Dieuleveult anime, sur Antenne 2, une émission devenue
mythique, la Chasse aux trésors, qui amène le téléspectateur aux quatre coins du monde.
Perdu de vue
Ce fut un des programmes emblématiques de la néo-télévision, dans les années 1990. Elle est
l’incarnation de cette « télé-nounou » qui se substitue aux institutions lorsqu’elles s’avèrent
incapables de panser les blessures de la vie. Jacques Pradel offrait à des participants ayant,
parfois depuis plusieurs décennies, totalement « perdu de vue » un proche – père, mère,
enfant, ou simple ami – la chance de pouvoir le retrouver. Cette émission, qui, il faut le noter, a
permis la réouverture de l’enquête sur les « disparues de l’Yonne », a passionné les
téléspectateurs qui furent jusqu’à dix millions à la suivre.
L’ère de la télé-réalité : de Loft Story à Koh-Lanta
La première décennie du XXIe siècle aura été marquée par l’apparition des rats de laboratoire
télévisuels. A l’heure de la post-télévision, la téléréalité inaugure le règne de l’hypertrophie du
moi, de l’individualisme triomphant et du narcissisme absolu. Depuis 2001, le succès
phénoménal de Loft Story (M6, puis TF1) donne à voir le spectacle du vide, avec une dizaine
de jeunes gens enfermés durant des semaines dans un studio-maison avec piscine. Si,
aujourd’hui, le concept s’essouffle et que les audiences baissent, les producteurs n’en
continuent pas moins d’inventer de nouvelles approches. Koh-Lanta (TF1) qui, chaque été
depuis 2001, met en présence deux équipes rivales s’affrontant dans une nature hostile,
introduit le piment d’une prétendue aventure survivaliste dans le contexte d’un scénario pourtant
soigneusement balisé et contrôlé. Ainsi, le principe d’élimination des participants défaillants au
sein de chaque équipe donne-t-il lieu aux déchirements voulus par la production. Triomphe de
l’individualisme aboutissant à l’écrasement de l’« autre ». La télé-réalité réussit le tour de force
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d’être le miroir de la société contemporaine, où cohabitent narcissisme et instinct grégaire.
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