Dépenses de logement, de réception, de restaurant et de spectacle
Transcription
Dépenses de logement, de réception, de restaurant et de spectacle
24 FISCALITÉ reflexion Dépenses de logement, de réception, de restaurant et de spectacle Récupération de la TVA Le Conseil des communautés européennes avait, par une décision du 28 juin 1989, autorisé la France à exclure du droit à déduction la TVA ayant grevé les dépenses de logement, restaurant, réception et spectacles (1). La Cour de justice des communautés européennes, par un arrêt du 19 septembre 2000, a invalidé cette décision (2). Les dépenses de logement, de réception, de restaurant et de spectacles engagées au profit de tiers à l’entreprise (clients notamment) ouvrent en conséquence droit à déduction de la TVA. DEPENSES ENCORE EXCLUES DU DROIT A DEDUCTION Demeurent cependant exclues du droit à déduction de la taxe (3) : • a/ les dépenses de logement des dirigeants ou du personnel de l’entreprise ; • b/ les dépenses de réception, de restaurant et de spectacles des dirigeants ou du personnel de l’entreprise exposées pour la satisfaction des besoins individuels de ces derniers. Pour l’appréciation de l’étendue de l’exclusion b), un choix est offert aux entreprises : • suivre la position de l’administration fiscale : non-récupération de la TVA sur dépenses b) R.F.C. 328 Décembre 2000 • adopter la position résultant des commentaires de certains spécialistes : récupération de la TVA sur dépenses b). Position de l’administration fiscale L’administration n’admet la déduction des frais de réception, de restaurant et de spectacles que s’ils sont engagés au profit de tiers à l’entreprise et subordonne celle-ci à des conditions très strictes, notamment à la production de pièces justificatives très précises (indication du nom des bénéficiaires de la dépense). Bien entendu, la TVA afférente aux dépenses en cause exposées au profit de tiers n’est admise en déduction que si les dépenses ont été supportées dans l’intérêt de l’exploitation. Pour les dépenses exposées concurremment au bénéfice de tiers – ouvrant droit à déduction – et au bénéfice de dirigeants et/ou de salariés – n’ouvrant pas droit à déduction –, l’administration admet que le montant de la taxe déductible soit déterminé en proportion du nombre de tiers par rapport à l’ensemble des personnes ayant bénéficié des dépenses portées sur la facture. Par exemple, un repas de 1 000 F HT pour trois personnes, dont une de l’entreprise et deux clients, ouvrira droit à une TVA récupérable pour : 0,196 x 1000 X 2/3 = 130 F. Commentaires de certains spécialistes La Cour de justice des communautés européennes considère comme antinomiques la notion Abstract 1. The Council of the European Community, by a decision of 28th June 1989, authorised France to exclude from the right to deductibility VAT charged in respect of hotel, entertainment, restaurant and theatre expenses (4). The European Court of Justice, by a decree dated 19th September 2000, has invalidated that decision (5). Hotel, entertainment, restaurant and theatre expenses incurred in respect of third parties to the enterprise (notably clients) consequently are VAT deductible. Cf. article 236 de l’annexe II au CGI. 2. CJCE 19 septembre 2000, aff. C177/99 et C-1/81/99 ; Ampafrance SA et Sanofi-Synthélabo. 3. La CJCE considère en effet que ces exclusions, prévues par les articles 7 et 11 du décret n° 67-604 du 27 juillet 1967 (dispositions applicables avant l’entrée en vigueur de la 6e directive), sont couvertes par la clause de gel ("standstill") prévue à l’article 17 § 6 de la directive, qui prévoit le maintien des exclusions nationales du droit à déduction de la TVA qui étaient applicables avant l’entrée en vigueur de cette directive (1er janvier 1979). 4. Cf. article 236 of appendix II of CGI. 5. CJCE 19 September 2000, aff. C177/99 and C-1/81/99 ; Ampafrance SA and Sanofi-Synthélabo. FISCALITÉ CONDITIONS FORMELLES Mentions sur les factures de dépenses engagées à des fins professionnelles et celle de dépenses assurant la satisfaction de besoins individuels : les frais de réception, de restaurant et de spectacles ne sont exclus du droit à récupération de TVA que s’ils ont été « exposés pour assurer la satisfaction des besoins individuels des dirigeants ou du personnel de l’entreprise » (6). Si le Conseil d’État devait se considérer, au terme de la procédure en cours, comme juridiquement tenu de suivre l’interprétation du juge communautaire, s’agissant d’un texte national antérieur à la sixième directive, il interpréterait la décision de la CJCE contrairement à la position actuelle de l’administration. Serait alors déductible la TVA concernant les dépenses de restaurant, de réception et de spectacles exposées : • simultanément en faveurs des tiers et des dirigeants ou du personnel de l’entreprise, pour leur intégralité, sans qu’il y ait lieu d’effectuer un prorata ; • en faveur du personnel ou des dirigeants à condition qu’elles aient été engagées à des fins professionnelles. dépenses exposées du 1er décembre 1998 au 31 août 2000 pourront être imputées sur les déclarations CA3 déposées avant le 31 décembre 2001 (9). La taxe dont la déduction est ainsi opérée est obligatoirement reportée sur la ligne “Autre TVA à déduire” ou “Omissions ou complément de déduction”. • Par voie de réclamation contentieuse s’agissant de la taxe ayant grevé les dépenses supportées du 1er janvier 1996 au 30 novembre 1997, ainsi que, le cas échéant, de tout ou partie de la taxe ayant grevé les dépenses supportées du 1er décembre 1997 au 31 août 2000 si elle n’a pas pu être imputée sur les déclarations CA3 déposées avant le 31 décembre 2000. En toute hypothèse, le délai de réclamation expirera le 31 décembre 2002 (10). • L’administration a précisé que la taxe dont l’exclusion du droit à déduction était contestée dans le cadre d’une procédure contentieuse en cours à la date du 19 septembre 2000 peut faire l’objet d’une restitution quelle que soit la date à laquelle les dépenses correspondantes ont été supportées. MODALITES D’APPLICATION Dès maintenant La TVA afférente aux dépenses visées par la CJCE est déductible dans les conditions de droit commun. 6. Point 40 de l’arrêt CJCE du 19 septembre précité. Règlement du passé 8. La CJCE n’ayant pas limité les effets de sa décision dans le temps, celle-ci s’applique également pour les dépenses dont le droit à déduction est né à compter du 1er janvier 1996 (7). 9. De même, pour les dépenses exposées du 1er décembre 1999 au 31 août 2000, l’imputation pourra se faire sur les déclarations CA3 déposées avant le 31 décembre 2002. La récupération de la TVA s’effectuerait selon les modalités suivantes : 7. Article L 190 alinéa 3 du Livre des Procédures Fiscales. Article 224 de l’annexe II au CGI. 10. Article R 196-1 du Livre des Procédures Fiscales. 11. Article 278 – I – 3° du CGI. • Par imputation sur les déclarations CA3 de chiffres d’affaires déposées avant le 31 décembre 2000 en ce qui concerne les dépenses supportées du 1er décembre 1997 au 31 août 2000. 12. Articles 289 – II du CGI et 242 nonies de l’annexe II au CGI. Le cas échéant, la TVA ayant grevé les 14. Article 1732 du CGI. (8) 13. La taxe qui a grevé une dépense ne peut être admise en déduction que si elle figure distinctement sur une facture d’achat : Article 271 – II – 1 du CGI. En tout état de cause, la TVA ne pourra être déduite que dans la mesure où l’entreprise sera en possession d’une facture originale ou tout document en tenant lieu (11) comportant toutes les mentions obligatoires (12), à savoir notamment la date et le numéro de la facture, le montant HT, le taux et le montant de la TVA (13) et les noms du fournisseur et du client (ou désignation sociale), ainsi que leurs adresses respectives (ou lieu de siège social). Si elles entendent suivre la position de l’administration, les entreprises devront également porter sur les factures délivrées par les fournisseurs l’identité et la qualité des bénéficiaires des dépenses en cause. Pour le passé, les entreprises qui ne seraient pas en possession de factures établies dans les conditions ci-dessus précisées doivent se faire délivrer par leur fournisseur une facture rectificative comportant toutes les mentions requises. L’administration admet à cet égard que le fournisseur établisse, par année, un bordereau récapitulatif relatif aux dépenses de logement, de restaurant, de réception et de spectacles. Ce document doit être accompagné des factures originales sur lesquelles l’entreprise bénéficiaire aura mentionné l’identité et la qualité des tiers concernés, et comporter l’ensemble des mentions obligatoires exigées pour les factures rectificatives (date et références de la facture initiale, prix hors taxe, prix TTC). La “mention expresse” sur la déclaration de TVA ou en annexe à celle-ci Les contribuables qui entendraient déduire la TVA afférente aux dépenses de réception, de restaurant et de spectacles engagées à des fins professionnelles au profit des dirigeants et des salariés de l’entreprise, conformément à la position de la CJCE, s’exposent à un risque de contentieux. Dans ce cas de figure, ils auraient intérêt à faire connaître, par une déclaration expresse portée sur la déclaration CA3, ou dans une note y annexée, les raisons qui ont motivé leur décision (en citant les passages pertinents de l’arrêt de la CJCE du 19/09/2000 : point 40). Ainsi aucune pénalité pour insuffisance et aucun intérêt de retard ne pourront leur être appliqués (14). Patrick COLLIN Directeur chargé des questions fiscales au Conseil supérieur [email protected] R.F.C. 328 Décembre 2000 25