Little Miss Sunshine
Transcription
Little Miss Sunshine
Les infiltrés. Film de Martin Scorsese (The Departed, USA, 2006). 145 mn. VM. Inédit. Scénario : William Monahan. Avec Leonardo DiCaprio : Billy. Matt Damon : Colin. Jack Nicholson : Costello. Que Martin Scorsese se soit inspiré du film hongkongais Infernal Affairs n'a aucune importance, tant il a imprégné l'intrigue de son style à lui, ce mélange d'hystérie spectaculaire et de moralisme plus ou moins secret. Colin et Billy ne sont pas des frères de sang, mais ils sont jumeaux dans l'âme. Les deux postulent pour entrer dans la police de Boston. Mais si Colin est accueilli avec respect au sein des Enquêtes spéciales, Billy est humilié par ses chefs, qui ne l'engagent que pour jouer les sous-marins, les espions, les infiltrés - bref, les méprisables - auprès de Frank Costello, parrain vieillissant de la toute-puissante pègre irlandaise. Nul ne sait, cependant, que Colin, fils spirituel du mafioso, lui rapporte tout... Durant deux heures trente qui passent en un éclair, en scènes courtes, ardentes, avides, dans une adéquation parfaite entre la violence des images, des dialogues et des actes, Scorsese filme la peur. Celle qui étreint ces êtres sans foi ni loi jouant à pas vu, pas pris, en se traquant les uns les autres. Terreur incrédule de Matt Damon, contraint peu à peu d'ourdir des plans machiavéliques pour éviter de se retrouver piégé. Horreur de DiCaprio (son meilleur rôle), découvrant que l'un des hommes de confiance du parrain, tué lors d'une fusillade, était un infiltré comme lui, cherchant à lui sauver la vie. Plus encore que dans Les Affranchis, on est dans un univers qui ne veut plus rien dire, où l'ordre social ne repose que sur des simulacres (la police honore en grande pompe des flics qu'elle a fait assassiner) et où les fils n'existent, en fait, que pour tuer des pères qui les auront mis au monde pour les berner et les trahir. Pierre Murat – Télérama le 29/11/2006. Little Miss Sunshine Film de Jonathan Dayton et Valerie Faris (Little Miss Sunshine, USA, 2006). Scénario : Michael Arndt. 100 mn. VF. Avec Greg Kinnear : le père. Toni Collette : la mère. Steve Carell : l'oncle. Paul Dano : Dwayne. Sur le papier, Little Miss Sunshine est la chronique d'une famille de losers caractérisés. On craint une énième critique du rêve américain, typique du cinéma indépendant. On voit venir le mot d'ordre hypocrite qui conclut d'habitude ce genre de charge : « Soyez vous-même : c'est le meilleur moyen de rencontrer le succès... » Or le film propose tout autre chose, une échappée drolatique, une thérapie de groupe impromptue, sauvage et ambulante. Ladite famille est en effet forcée de cohabiter dans un van brinquebalant pour traverser l'Amérique et conduire la benjamine sur le lieu d'un concours de mini-Miss - qui sera le clou du film. Les innombrables incidents de parcours ne sont pas qu'une suite de gags efficaces. Ils participent de ce remarquable travail d'affinage des personnages auquel se livre la troupe d'acteurs. Greg Kinnear, le père pathétique, Toni Collette, la mère malmenée, Steve Carell, l'oncle suicidaire, acquièrent une humanité imprévisible dans semblable satire. Cette fois, les perdants ne se transformeront pas en gagnants in extremis ou par l'absurde : ils découvriront les charmes insoupçonnés du hors-jeu. Témoin, cette séquence récurrente qui montre la smala poussant le van hors d'âge pour le faire redémarrer. D'une contrainte humiliante ( pas même un véhicule en état de rouler, comme tout bon Américain) découle un élan, une joie à être ensemble qu'aucun membre de la famille n'avait vu venir. Ainsi, le chaos peut-il tourner à la fête, et la désunion faire la force. Rien ne va, et pourtant, soudain, tout roule. Louis Guichard