Pour les enfants - Manche Tourisme Professionnels

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Pour les enfants - Manche Tourisme Professionnels
Maurice DENIS, au fil de l’eau…
Exposition 21 avril - 22 septembre 2013
Dans le cadre du festival Normandie Impressionniste
L’exposition Maurice Denis, au fil de l’eau s’inscrit dans le cadre du festival Normandie
impressionniste, consacré en 2013 au thème de l’eau, et propose une lecture de l’œuvre de
Maurice Denis sous cet angle. De nombreuses œuvres de l’artiste intègrent en effet la
présence de l’eau sous ses différents aspects, souvent associée à une symbolique précise et
utilisée pour ses différentes possibilités de traitement plastique. L’exposition a pour ambition
de donner une vision d’ensemble de l’œuvre de Maurice Denis au travers de ce prisme
particulier, avec une sélection remarquable de ses œuvres. Différentes formes d’expression
artistiques seront abordées : peinture, arts décoratifs (vitrail, papier peint, paravent, éventail),
grands décors, illustration de livres, cette multiplicité d’expressions étant une composante
essentielle du travail de Maurice Denis.
Bateaux à Granville, Maurice Denis, Coll. Musée d’Autun, © Adagp, Paris 2013
Une quarantaine de peintures, complétées de
dessins, estampes, manuscrits et livres illustrés
sont présentées autour de quatre sections. Après
une introduction biographique, la première
section « l’eau, surface réfléchissante de
couleurs » présente des croquis de jeunesse de
l’artiste réalisés à Granville, sa ville natale. Ces
peintures de petit format montrent des
préoccupations
proches
des
artistes
impressionnistes ou néo impressionnistes.
Belvédère à Granville, Falaises de Granville, le soir ou encore Bateaux à Granville rendent
compte des effets du soleil sur l’eau, des irisations qu’elle produit, des effets différents de la
lumière selon les heures de la journée. Maurice Denis poursuivra ces recherches tout au long
de sa vie.
Dans la deuxième section : « l’eau, ornement de la composition », l’eau est un élément
important de la composition sans en être le motif principal. Utilisée pour ses différentes
possibilités de traitement plastique, l’eau est traitée en aplats colorés ou en volutes décoratives
qui abolissent les plans à la manière des œuvres japonisantes comme dans Les Bateaux roses,
La Visitation au colombier, Régates à Perros Guirec.
Régate à Perros, Maurice Denis, Coll. Particulière, © Adagp,
Paris 2013
Cet ensemble rappellera l’appartenance de Maurice Denis au
mouvement nabi et au courant symboliste à la fin du XIXème
siècle mais permettra aussi de comprendre que Maurice Denis
ne s’enferme pas pour autant dans une école ou un style. Il
expérimente au contraire des techniques de représentation
différentes tout au long de sa vie sans jamais abandonner
complètement l’une ou l’autre, en les faisant parfois cohabiter
dans une même œuvre.
Baignade au pardon de Sainte-Anne-la-Palud, Maurice Denis, 1905,
Coll. Particulière, © Adagp, Paris 2013
La troisième section : « l’eau porteuse de
symbole » permet de rappeler que Maurice
Denis est un artiste chrétien. L’eau est utilisée
principalement
dans
les
compositions
religieuses, pour la symbolique à laquelle elle est
associée. Dans les scènes de plage se mêlent
profane et sacré, personnages mythologiques et
figures réelles dans une atmosphère de jardin
primitif. Le traitement plastique de la mer varie
d’une œuvre à l’autre ; formes des vagues et
couleur de la mer contribuent à l’atmosphère
sacrée que cherche à restituer Maurice Denis.
La dernière section consacrée au « Voyage d’Urien d’André Gide », est un ouvrage illustré
par Maurice Denis, ou l’eau occupe une place dominante. Il fera l’objet d’une présentation
approfondie pour l’importance qu’il revêt dans l’œuvre de l’artiste et plus généralement dans
la bibliophilie du XXème siècle dont il est une pièce essentielle.
Commissariat :
Brigitte Richart, Conservatrice du musée
Assistance au commissariat :
Claire Denis, Fabienne Stahl (Catalogue raisonné de l’œuvre de Maurice Denis)
Communication :
Mélanie Gué, Chargée de communication
Catalogue : Maurice Denis, au fil de l’eau, 100 pages. Prix de vente 18€
Maurice DENIS, au fil de l’eau…
« Les impressionnistes nous avaient bien réellement révélé une sensibilité nouvelle, et une
méthode pour traduire par des contrastes de teintes des audaces de lumière assez
éclatantes »1. Maurice Denis a-t-il sa place dans un festival consacré à l’impressionnisme ?
Certes non si l’on restreint cet événement à la présentation d’artistes impressionnistes, ce qu’il
n’est assurément pas. Mais si l’on considère son œuvre dans un cadre élargi, en examinant les
rapports qu’il a entretenus avec le mouvement impressionniste, alors oui Maurice Denis y a
toute sa légitimité. Il n’a en effet que quelques années lorsque la toile de Claude Monet,
Impression soleil levant (1874), considérée comme l’acte de naissance officiel de
l’impressionnisme, est présentée au public. Manet, Renoir et Degas ont déjà livré plusieurs de
leurs chefs-d’œuvre. Ce n’est qu’à la fin du siècle, en 1897, que le mouvement connaîtra une
forme de consécration quand l’Etat acceptera, pour le musée du Luxembourg, le legs
d’œuvres impressionnistes par l’artiste Gustave Caillebotte. Maurice Denis a alors vingt six
ans. Pendant ses années de formation, il aura donc été témoin de l’ascension puis de la
reconnaissance d’un mouvement artistique à la suite duquel son œuvre s’inscrit, comme le
souligne le critique d’art Camille Mauclair : « Cher Monsieur Denis, Chargé par la revue
londonienne The Artist d’une étude sur les successeurs de l’impressionnisme, je viens vous
prier, désirant parler de votre œuvre avec toute la sympathie que je lui garde, de m’envoyer
les photographies de vos œuvres (…) »2 .
En effet, la décennie 1885/1895, qui suit immédiatement la période d’apogée de
l’impressionnisme, voit émerger simultanément différents courants artistiques. Le néoimpressionnisme, également appelé « pointillisme », est conduit par Georges Seurat et Paul
Signac et prolonge en les radicalisant les expériences des Impressionnistes. Paul Gauguin,
d’abord associé au mouvement impressionniste, est à l’origine quant à lui d’un courant
baptisé « cloisonnisme » ou « synthétisme », puis plus tard appelé École de Pont Aven par
allusion au village de Bretagne où une petite colonie d’artistes séjourne et travaille. Enfin, le
symbolisme, d’abord littéraire, va s’appliquer ensuite aux arts plastiques et à la musique, et
privilégie le monde intérieur et l’imaginaire à la représentation du réel. Les Nabis, tels qu’ils
se baptisent et dont Maurice Denis est le théoricien, s’enracinent dans ce mouvement.
C’est dans ce contexte foisonnant qu’il forge sa personnalité d’artiste, maniant autant la
plume que le pinceau comme le souligne son ami Paul Valéry : « J’aime beaucoup que le
peintre que vous êtes soit aussi l’écrivain qu’il est (…) »3. Tout au long de sa vie et au fil de
ses écrits, il fera référence au mouvement impressionniste, tantôt pour en reconnaître
l’influence sur son œuvre et sur celle de ses contemporains : « C’était vers 1885, à l’époque
des premières expositions des Indépendants. Les impressionnistes commençaient d’exercer
une influence »4, tantôt pour s’en démarquer comme l’a analysé avec précision Jean-Paul
Bouillon5 .
1
Maurice Denis. Du symbolisme au classicisme. Théorie. Textes réunis et présentés par Olivier Revault d’Allonnes, Paris, Editions Hermann, collection Miroirs de l’art,
1964, p.173
2
Maurice Denis. Du symbolisme au classicisme. Théorie. Textes réunis et présentés par Olivier Revault d’Allonnes, Paris, Editions Hermann, collection Miroirs de l’art,
1964, p.173
3
Lettre autographe signée de Paul Valéry à Maurice Denis, [s.d.], Saint Germain en Laye, Musée départemental Maurice Denis, MS 12290
4
5
Maurice Denis. Du symbolisme au classicisme. Théorie. Textes réunis et présentés par Olivier Revault d’Allonnes,op.cité, p.173
Jean-Paul Bouillon, « Denis à Giverny : l’oeil de Monet », catalogue de l’exposition Maurice Denis, l’Eternel printemps, Giverny, Musée des Impressionnismes, 2012
La thématique de l’eau, retenue pour cette deuxième édition du festival, offrait aussi
l’opportunité d’un regard nouveau sur l’œuvre de Maurice Denis car l’eau y est omniprésente,
de Bateaux à Granville en 1889 à L’Etang de Saint-Denis-sur Sarthon en 1942. Cette lecture
particulière permettait donc de n’occulter aucune période de sa production. En outre, la
représentation de l’eau sous ses différents aspects, souvent associée à une symbolique précise
et utilisée pour ses différentes possibilités de traitement plastique, s’est exercée sur des
supports différents. Une composante essentielle du travail de Maurice Denis est en effet
l’emploi d’une multiplicité de formes d’expressions artistiques – la peinture, les arts
décoratifs (vitrail, papier peint, paravent, éventail), les grands décors, les arts graphiques –
toutes représentées dans l’exposition.
Etang de Saint-Denis-sur-Sarthon, 1942, huile sur toile collée sur carton, 28 x 37,4 cm, coll. part
Repères biographiques
1870 : Maurice Denis naît le 25 novembre à Granville, au 136 rue Couraye.
1882-1887 : suit des études classiques au lycée Condorcet à Paris.
1884 : commence la rédaction de son Journal, qu’il ne cessera d’écrire jusqu’à sa mort.
Voyage d’une semaine fin août en Normandie.
1887 : séjourne à Granville, au mois d’août.
1888 : entre à l’Académie Julian, où il rencontre Paul Sérusier, Pierre Bonnard, Paul Ranson
et Henri-Gabriel Ibels. Ensemble, ils créent le groupe des Nabis.
1889 : commence l’illustration de Sagesse de Paul Verlaine.
Il séjourne à Granville au mois de septembre.
1890 : publie dans la revue Art et Critique son article intitulé « Définition du néotraditionnisme ».
1891 : expose pour la première fois au Salon des Indépendants. Grâce au peintre Henry
Lerolle, il rencontre les musiciens Ernest Chausson et Claude Debussy ainsi que les écrivains
André Gide et Francis Jammes.
1893 : épouse Marthe Meurier le 12 juin, dont il aura sept enfants.
Il illustre Le Voyage d’Urien d’André Gide, qui inaugure une longue série de livres illustrés
de lithographies et gravures sur bois.
1894-1895 : réalise le premier plafond peint pour l’hôtel particulier du musicien Ernest
Chausson, ainsi que des cartons de vitraux commandés par Siegfried Bing.
1895 : Premier voyage en Italie, avec Marthe.
1897-1898 : deuxième voyage en Italie. Découvre Rome avec André Gide.
1899 : reçoit sa première commande d’art religieux pour la chapelle du collège Sainte-Croix
du Vésinet (Yvelines).
1900 : peint L’Hommage à Cézanne (Musée d’Orsay).
1905 : réalise L’Eternel Eté, décoration pour le salon de musique de K. von Mutzenbecher, à
Wiesbaden.
1906 : rend visite à Paul Cézanne, Henri Edmond-Cross, Paul Signac, Louis Valtat et Auguste
Renoir lors d’un séjour en Provence.
1907 : quatrième voyage en Italie, avec sa famille.
1908 : attaché à la côte bretonne, il achète la maison Silencio à Perros-Guirec (Côtesd’Armor). Création de l’Académie Ranson, où il enseignera jusqu’en 1921.
1912 : peint L’Histoire de la musique, décor pour la coupole du Théâtre des Champs-Elysées
à Paris. Il publie Théories 1890-1910. Du symbolisme et de Gauguin vers un nouvel ordre
classique, recueil de ses principaux articles.
1914 : achète l’ancien hôpital de Saint-Germain-en-Laye, qu’il baptise « Le Prieuré », où il
habitera avec sa famille jusqu’à sa mort.
1919 : Marthe décède le 22 août.
Il fonde les Ateliers d’art sacré avec George Desvallières.
1922 : publie ses Nouvelles Théories sur l’art moderne, sur l’art sacré, 1914-1921. Le 2
février, il épouse Elisabeth Graterolle. Ils auront deux enfants.
1924 : importante rétrospective de ses œuvres à l’Union centrale
décoratifs, au Pavillon de Marsan (Paris). Visites à Claude Monet, à Giverny.
des
arts
1925 : réalise le décor Histoire de l’art français pour la coupole Dutuit du musée du Petit
Palais, à Paris.
1926 : est nommé commandeur de la Légion d’honneur.
1927 : voyage en Amérique du nord (Etats-Unis et Canada).
1932 : est élu membre de l’Institut de France.
1933 : publie Charmes et leçons de l’Italie.
1939 : publie L’Histoire de l’art religieux.
1943 : meurt à Paris, renversé le 13 novembre par un camion.
L’eau
L’eau surface réfléchissante de couleurs
couleurs
Maurice Denis à Granville
En 1884, lors d’un bref séjour à Granville et ses environs, Maurice Denis, qui n’a pas
quatorze ans, croque sur le motif paysages, personnages et saynètes observées sur la plage :
« J’aime la mer, ses vagues rugissantes, cette chose qui ne change jamais et qui intéresse
toujours. On s’assied près des bains de Saint-Pair : il y a foule sur la plage, foule dans l’eau.
Je croque une vue d’ensemble plus ou moins ratée : rien de drôle comme ces plages
mouvementées, que d’études morales à faire sur ce monde des bains de mer (…). Je disais
donc que j’avais fait un croquis : confiant dans mon crayon je descends vers l’eau et je fais
une multitude de types qui me tombent sous les yeux. Je confesse ici un peu de vanité : il me
semblait que tous me regardaient avec admiration ; que dirai-je de plus clair ?
J’ai fait l’artiste (…) »6.
Falaises de Granville, le soir, 1889, huile sur carton, 14,5 x 24 cm, coll. part.
Couleurs du soleil sur l’eau
Quelques années plus tard, en 1889, il peint ce paysage maritime sans cesse changeant, à la
fois par les mouvements incessants des flots et grâce aux différentes lumières du jour. Sur ces
œuvres de jeunesse, la mer est prépondérante et les autres motifs, de couleur sombre,
contrastent avec l’eau aux teintes claires comme dans Bateaux à Granville (1889) ou Falaises
de Granville, le soir (1889). Sur ces petites études, on voit peu ou pas de personnages.
Maurice Denis cherche avant tout à restituer sur la toile les reflets du soleil sur la mer, les
irisations qu’il produit sur l’eau, les effets de couleur induits par sa lumière, suivant en cela
les travaux des artistes impressionnistes : « on ne pouvait plus nier l’immense talent de
Claude Monet dont toute l’œuvre est un perpétuel cantique à la louange du soleil, comme ses
6
Maurice Denis, Journal, dimanche 31 août 1884, TI, Paris, Editions du Vieux Colombier, 1957, page 22
séries en sont les litanies. Il semblait qu’avant les impressionnistes la peinture eût ignoré les
joies de la lumière »7. En reproduisant un même motif à des moments différents, ils
cherchaient eux aussi à rendre compte des effets de lumière changeant la perception d’un
même paysage. Plus tard il portera un regard critique sur le caractère systématique de leurs
travaux : « La notion du soleil. L’impressionnisme a vécu du soleil. Le néo impressionnisme
l’a mis en coupe réglée : violet, jaune, orange, bleu, impossible de sortir de là. Elle se perd en
s’exaspérant »8.
Maurice Denis représentera tout au long de sa vie les effets des astres et de leur lumière sur
l’eau. Ses séjours fréquents en Bretagne, qu’il découvre très jeune et où il fera l’acquisition
d’une maison à Perros-Guirec en 1908, lui offrent des paysages propices à ses recherches.
Tantôt c’est la lumière du soleil - ou de la lune - qui se reflète directement sur l’eau en une
bande colorée jaune ou orangée se détachant sur un fond bleuté, au centre de la composition
dans Reflet de soleil sur la mer en vert et jaune (1909), ou dans Saint-Guirec, le ver de lune
(1915). Ce même principe est à l’œuvre sur la composition Reflet de soleil sur la rivière
(1932). La masse colorée des nuages et du soleil mêlés sur le ciel gris se reflète en une bande
colorée jaune vif qui serpente le long de la rivière bleu pâle, éclairant l’ensemble de la
composition. C’est également le cas dans Reflet de soleil dans l’étang (1940), petite étude
tardive où le soleil et son reflet sur l’eau, traités en aplats jaunes que viennent seulement
couper le tronc de l’arbre et son image, constituent deux points lumineux sur la gauche de
l’œuvre.
Saint-Guirec (lever de lune), 1915, huile sur carton, 49,5 x 75 cm, coll. part.
Tantôt le chatoiement de l’eau, fruit de l’éclat du soleil, est restitué par une surface colorée
plus uniforme et présentant une dominante de couleur adaptée à l’atmosphère voulue par
l’artiste. Ainsi le rouge orangé de Baigneuses au crépuscule (1912) traduit cette ambiance
vespérale, et les baigneuses du premier plan, aux corps violacés, se fondent presque dans la
mer. A l’inverse, le jaune franc de Jongleuse devant la mer (1894) correspond au plein jour, et
la silhouette féminine – simplifiée à l’extrême à la façon d’une ombre – se découpe sur ce
fond vif. Pour Port de Brest (1932) Maurice Denis a choisi une teinte mauve sur laquelle il a
posé des points de couleur blanche, effets sur l’eau du soleil à son zénith. Pour ces trois
œuvres, la touche de l’artiste se fait pointilliste, une touche que l’artiste utilise jusqu’à la fin
de sa vie lorsqu’elle lui semble appropriée.
7
8
Maurice Denis. Du symbolisme au classicisme. Théorie. Textes réunis et présentés par Olivier Revault d’Allonnes, op. cité, p.173
10 Maurice Denis, Journal 1905-1920, TII, octobre 1906, Paris, Editions du Vieux Colombier, 1957, page 47
Ombres et reflets
Danse des pêcheurs de goémon, vers 1899, huile sur toile, 25 x 45 cm, coll. part.
Petite vue du port de Perros à marée basse (1897) et Danse des pêcheurs de goémon (1899)
sont deux petites études ayant pour cadre l’estran. Cet espace intermédiaire entre la mer et la
terre permet à Maurice Denis de traiter différemment, par la couleur et le jeu des reflets, les
zones où la mer s’est totalement retirée et celles où elle est encore présente sous forme de
flaques, dans une harmonie colorée faite de bleu, de vert et de mauve.
La présence du soleil s’exerce aussi indirectement par les reflets des motifs sur l’eau, ceux des
maisons comme dans Quai à Lannion (1914). L’eau est pour le peintre l’élément qui
transforme des motifs solides et identifiables - les constructions le long du quai - en un
assemblage de couleurs aux contours indistincts - leur projection sur la mer. Elle peut être
aussi un miroir plus fidèle, semant la confusion chez le spectateur à son premier coup d’œil
entre les motifs représentés et leur reflet, ainsi dans La Barque garde - voie (1914). Seule une
observation plus attentive permet de distinguer les limites entre le paysage et son image sur la
rivière. Les deux personnages sur la barque au premier plan, selon une composition
audacieuse, constituent l’élément de stabilité de ce paysage mouvant.
La comparaison de deux œuvres, réalisées à plus de quarante années d’écart, est intéressante.
Le Remorqueur rose à Port Marly (1899) et Etang de Saint-Denis-sur-Sarthon (1942)
présentent un sujet similaire : une rangée d’arbres se reflétant dans l’eau. Composition,
cadrage et palette colorée y sont très proches tandis que la facture a évolué. Maurice Denis
montre ainsi une constance dans sa sensibilité qui lui fait porter un regard comparable sur un
même motif, tandis que le traitement pictural a changé.
Vasque de la Villa Médicis, vers 1898, huile sur carton, 27 x 48 cm, Beauvais, Musée
départemental de l’Oise.
L’artiste s’intéresse au motif de la vasque, qu’il représentera à de nombreuses reprises. A
partir de son premier séjour à Rome en 1898, véritable révélation et point de départ de ce
qu’on nommera son « tournant classique », il peindra plusieurs fois sous le même angle la
Vasque de la Villa Médicis dite Vasque de Corot . Il la représente à des moments différents du
jour, comme Claude Monet le faisait de la cathédrale de Rouen ou du bassin aux nymphéas de
son jardin de Giverny. Aux variations de couleur du ciel selon l’heure de la journée, il associe
une tonalité de bleu différente pour l’eau contenue dans la vasque, comme on peut le voir sur
trois versions, celles de 1898, 1904 et 1928 : le ciel est y est bleu pâle, jaune ou bleu
turquoise. Seul élément en mouvement dans ce paysage où les personnages, lorsqu’ils sont
présents, ne sont que silhouettes esquissées et statiques, l’eau symbolise la vie comme en
témoigne Maurice Denis lui-même : « Je sors de la Villa un peu tard. La Vasque de Corot
éclate d’un bleu de turquoise dans l’ombre des chênes verts dorés par les réverbères. Il y a
encore des lueurs verdâtres dans le ciel au-dessus des dômes de la ville endormie. On
n’entend plus que le bruit du jet d’eau. Quelle solitude ! Quelle exaltation ! »9.
9
Maurice Denis. Du symbolisme au classicisme. Théorie. Textes réunis et présentés par Olivier Revault d’Allonnes, op. cité, p. 138
L’eau ornement de la composition
Les possibilités décoratives que permet la représentation de l’eau vont être mises à profit dans
de nombreuses œuvres de la période dite nabie, principalement de 1890 à 1897.
L’Etang au bois rouge (1890) peut être rapproché du Talisman de Paul Sérusier (1888), l’une
des œuvres symbole du mouvement nabi, donnée par Sérusier à Maurice Denis. Elles
témoignent de recherches parallèles et analogues des deux artistes à cette période, au cours de
laquelle Maurice Denis a proposé une définition du néo traditionnisme - appellation qu’il
préfère à celle de symbolisme. La phrase introductive en est devenue célèbre : « Se rappeler
qu’un tableau - avant d’être un cheval de bataille, une femme nue ou une quelconque
anecdote – est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre
assemblées »10. Si le paysage de L’Etang au bois rouge, en arrière-plan, rappelle ceux de
tableaux plus anciens (rangées d’arbres et maisonnettes se reflétant sur l’eau), les deux tiers
de la composition au premier plan sont constitués d’aplats colorés ne faisant qu’évoquer le
paysage qui a servi de point de départ au tableau, comme c’est également le cas pour Le
Talisman. L’artiste doit en effet chercher « non pas à reproduire la nature, mais à la
représenter par des équivalents plastiques »11. Le format très proche des deux œuvres (16 x 27
cm pour l’Etang au bois rouge, 27 x 21 cm pour Le Talisman) ainsi que leur support - deux
planchettes de bois sommaire - accentuent la parenté entre les deux tableaux.
L’Etang au bois rouge, 1890, huile sur bois, 16 x 27 cm, coll. part.
Ces compositions en aplats sont fréquentes après 1890, l’eau constituant un motif de choix.
Dans Petite blanchisseuse en rade de Perros (1897) ou encore La Visitation au colombier
(1894), les motifs d’oiseaux et de bateaux sont comme posés sur la mer. On trouve ce principe
« d’impression » dans des projets d’art décoratif. Ainsi dans Les Bateaux jaunes (1890) ou
Les Bateaux roses (1893), projets de papier peint - précisément destinés à être imprimés - le
motif du bateau est reproduit à l’identique sur toute la surface de la toile colorée qui
symbolise la mer. Des vaguelettes blanches en forme de virgules sur la première œuvre, une
ligne sinueuse formant une volute colorée sur la seconde unifient la composition en lui
donnant la dimension décorative recherchée par l’artiste. On observe ce même procédé sur un
autre projet de papier peint, Les Colombes (vers 1893). Le motif de la colombe y remplace
celui du bateau, un jeu de lignes courbes, reliant les oiseaux associés deux à deux, figure
l’onde à la surface de l’eau. Enfin, le projet de vitrail Femmes au ruisseau (1894) offre un
exemple remarquable d’utilisation décorative de l’élément liquide. Le ruisseau qui serpente
du haut en bas de la composition est représenté comme une tresse colorée, liant entre eux de
manière très originale les différents motifs de la composition.
10
11
Maurice Denis. Du symbolisme au classicisme. Théorie. Textes réunis et présentés par Olivier Revault d’Allonnes, op. cité, p. 33
Maurice Denis. Du symbolisme au classicisme. Théorie. Textes réunis et présentés par Olivier Revault d’Allonnes, op. cité, p. 14
Maurice Denis applique ainsi ses recherches à des projets d’art décoratif car, pour les Nabis,
l’art doit imprégner notre quotidien et s’appliquer aux objets qui en font partie. Le papier
peint Les Bateaux roses, qui fut imprimé par les Imprimeries Lemercier, tapisse le mur d’une
pièce de la maison des Denis comme on le voit sur le tableau Portrait de famille de 1902.
Petite blanchisseuse, rade de Perros, vers 1897, huile sur carton, 22 x 22 cm, Autun, Musée Rolin.
Les Bateaux roses (projet de papier peint) 1893, gouache sur
papier collée sur carton, 79 x 50 cm, Saint-Germain-en-Laye,
Musée départemental Maurice Denis.
La vague
Motif inlassablement traité par les artistes, la vague offre des possibilités variées de traitement
plastique. Chez les peintres de la génération romantique, elle peut incarner une mer furieuse
(Paul Huet, Brisants à Granville, vers 1852) ou servir de prétexte à une recherche purement
picturale (Eugène Isabey, Effet de vagues, non datée). Au cours de la deuxième moitié du
XIXème siècle, les peintres réalistes hissent paysages et portraits au rang de la peinture
d’histoire, la vague pouvant devenir un sujet à part entière, ainsi chez Gustave Courbet (La
Vague, non datée). Parce qu’elle est un motif de choix pour leurs recherches de formes et de
couleurs, la vague est souvent représentée chez les contemporains de Maurice Denis, ainsi
Claude Monet (Grosse mer à Etretat, dernier tiers du XIXème siècle), Maxime Maufra
(Houle, dernier tiers du XIXème siècle) ou encore Paul Gauguin, dont La plage au Pouldu
(1889) « l’une des rares marines pures connues du maître de l’Ecole de Pont Aven », comme
nous le rappelle Claire Frèches-Thory12, est sans doute la source d’inspiration de l’artiste nabi
Georges Lacombe pour Marine bleue, effet de vague (vers 1893). Les motifs ocellés au
premier plan seront mis à profit par d’autres peintres, comme Aristide Maillol (La Vague,
1898), et montrent l’influence du japonisme sur les artistes à la fin du XIXème siècle,
influence repérable également chez Maurice Denis, notamment dans ses œuvres de la période
nabie.
La Mère à la fenêtre ouverte (esquisse),
1899, huile sur toile, 68 x 45 cm, coll. part.
Dans le projet de vitrail Le Bateau (1894) la mer est représentée par une superposition de
volutes colorées roses, mauves, vertes ou jaunes représentant les vagues dans lesquelles se
fondent les motifs de bateaux, de naïades et d’oiseaux. Dans Broderie devant la mer (1896)
(ill. de couverture), l’un des panneaux composant le décor de la chambre à coucher de
Maurice Denis, les vaguelettes bleues sur un fonds blanc font apparaître la mer « comme en
négatif sur le fond bleuté de la campagne et du ciel »13. Une œuvre plus tardive, La Barque au
saint breton (1905) reprend ce traitement très décoratif de l’eau, uniformité bleue recouverte
d’une résille mauve sur laquelle évolue la barque au premier plan selon un cadrage très
japonisant. Bien différent est le rendu des vagues dans Cancalais en régates (1895) (ill. p. 94)
où la mer, de couleur grise, est striée de traits hachurés blancs qui se transforment à l’abord
des côtes en volutes blanches symbolisant l’écume. Ce même principe de stries, croisées pour
former un motif en chevrons, est utilisé pour représenter la mer en arrière-plan de la
composition La Mère à la fenêtre ouverte (1899).
12
13
Claire Frèches Thory, Nabis 1888-1900, catalogue d’exposition, Galeries nationales du Grand Palais, Paris 1993-1994, p. 182
Agnès Delannoy à propos du décor L’Amour et la vie d’une femme, extrait de Maurice Denis, catalogue d’exposition du Musée d’Orsay Paris,
Musée d’Orsay 2006/2007, Réunion des musées nationaux, p. 245
L’eau porteuse de symbole
Maurice Denis, artiste chrétien
Maurice Denis réalise de nombreuses compositions religieuses, généralement transposées
dans des paysages familiers. Le traitement de l’eau, lorsque la scène se déroule dans un cadre
maritime, vise à en renforcer l’atmosphère sacrée. C’est le cas dans le Magnificat (1908),
esquisse qui a pour cadre la maison des Denis, Silencio, et la baie de Trestrignel qu’elle
surplombe. A propos de la version définitive de cette œuvre, réalisée en 1909, le critique
Pierre Goujon écrivait : « (...) des flots d’or liquide s’étendent lentement dans le rivage
découpé (…)»14. Un même traitement en aplat coloré jaune d’or caractérise le Christ aux
enfants (1910), œuvre où les personnages au premier plan, l’artiste, son épouse Marthe et ses
enfants, apparaissent dans une pénombre contrastant avec la couleur vive de la mer et du ciel
en arrière-plan.
Magnificat (première pensée) 1908, huile sur toile, 121 x 98 cm, Granville, Musée du Vieux Granville.
Bien différent est le rendu des flots dans La Solitude du Christ (1918), où « (…) la mer
tourmentée, l’écume blanche des vagues japonisantes brisant sur les rochers couverts d’algues
brunes évoquent un monde incertain et insaisissable »15. La vague d’esprit japonisant sera
reprise dans plusieurs œuvres d’époques différentes, comme par exemple La Naissance de
Vénus (vers 1930). Ainsi Maurice Denis se dote d’un vocabulaire décoratif qu’il reprend tout
au long de sa vie et dont on retrouve les termes d’une œuvre à l’autre.
L’eau, symbole de vie, est représentée dans plusieurs projets de grands décors peints, pour
certains aujourd’hui disparus ou ôtés des espaces pour lesquels ils avaient été conçus,
maintenant démolis. Dans La Source (vers 1912), élément de décor intérieur d’un
appartement parisien, L’Age d’Or , une femme et une jeune fille, en partie dévêtues, se
désaltèrent à une même source coulant en cascade depuis des rochers. Dans une œuvre
14
Pierre Goujon, La Gazette des beaux-arts,1909, cité par Fabienne Stahl à propos du Magnificat, extrait de Maurice Denis, catalogue d’exposition,
Paris, Musée d’Orsay 2006/2007, Réunion des musées nationaux, p. 220
15
Fabienne Stahl, notice à propos de La Solitude du Christ extrait de Maurice Denis, catalogue d’exposition, Paris, Musée d’Orsay, Réunion des musées nationaux,
Paris, 2006, page 226
beaucoup plus tardive, Mutualité ou La Source captée (composée par Maurice Denis pour le
décor du pavillon de la Mutualité construit pour l’Exposition Internationale des Arts et
Techniques dans la Vie Moderne, en 1937 - et dont il subsiste une esquisse) l’eau jaillit en
cascade dans la partie supérieure de la composition pour être recueillie en partie inférieure,
par les fidèles dans des jarres auxquelles ils s’abreuvent ou à sa sortie dans le bassin
rectangulaire où elle se déverse. Dans les deux œuvres, l’eau est l’élément central ou principal
de la composition, le point vers lequel convergent gestes et regards des personnages.
Transmise de l’un à l’autre, elle est le symbole de la solidarité entre les êtres.
La Source (esquisse pour l’Age d’or) 1912, huile sur carton, 35,5 x 26,5 cm, Beauvais, Musée départemental de l’Oise.
Dans les commandes que reçoit Maurice Denis pour des édifices religieux, l’eau en tant que
symbole chrétien est un motif prépondérant. Pour l’église Saint-Nicaise de Reims, il orne le
baptistère dont les esquisses, Le Baptême du Christ et l’Arche d’alliance (1934), donnent la
dominante bleutée. Il a alors à l’esprit l’œuvre du « Maître » de l’impressionnisme, Claude
Monet : « Ce petit baptistère me plaît. Je voudrais faire ce que Monet rêvait pour ses
nénuphars, une pièce d’eau. Qu’en entrant on comprenne la noblesse biblique et évangélique
de l’eau, et la douceur de l’eau comme signe de la Rédemption »16.
Original est le rendu de l’eau dans le tableau Le Baptême du Christ (1922) conservé par le
musée des Années trente, carton de la mosaïque murale décorant le baptistère de l’église Saint
Paul à Genève. Maurice Denis représente l’eau du baptême comme des filaments verticaux
tombant des nuages et contrastant avec la forme des vaguelettes du Jourdain dans lequel le
Christ est en partie immergé.
16
Maurice Denis, Lettre au Père Couturier, 10 octobre 1934, Archives dominicaines de France, Bibliothèque du Saulchoir, fonds des archives Couturier, cote C – 5B 33
Une atmosphère de jardin d’Eden
Cherchant à voir en toute chose la marque du divin, Maurice Denis présente un univers où le
profane et le sacré sont étroitement imbriqués. Non seulement il représente des scènes
religieuses dans des paysages familiers mais, allant plus loin, il donne à des figures religieuses
les traits de ses proches. Ainsi, dans de nombreuses scènes de plage, un des sujets de
prédilection de l’artiste, les personnes réelles côtoient les personnages mythologiques ou les
figures religieuses - quand ils ne les incarnent pas. La jeune femme allaitant son enfant dans
La Plage à l’épagneul (1903) est bien Marthe, la première épouse, mais elle est représentée à
la manière d’une madone. Ariane au crépuscule (1913) ou Nausicaa (1914) semblent de
prime abord des scènes de plage sur la côte bretonne, n’étaient ces figures à demi nues et ces
vêtements à l’antique. La confusion est à l’œuvre, confusion pour celui qui regarde mais non
pour l’artiste, pour qui « la beauté de la nature est une preuve de Dieu »17.
Les Captifs (souvenir du Lido et du Voyage d’Urien) 1907, huile sur toile, 80,2 x 120,6 cm, Reims, Musée
des beaux-arts
Ces bords de mer inlassablement représentés par Maurice Denis plongent le spectateur dans
une atmosphère de jardin d’Eden, maritime. Ils sont le cadre d’une vie de famille idéalisée par
l’artiste. La présence de sujets mythologiques ou surgis de l’Antiquité aux côtés de ceux qui
lui sont chers donne à ces derniers un caractère d’éternité. La mer, en arrière-plan de ces
scènes de plage, contribue à cette atmosphère. Le ressac, mouvement répété depuis l’origine
de la Création, symbolise en effet l’éternité face à la brièveté de l’existence humaine. Pour
représenter les flots, le peintre recourt à des moyens plastiques variés : l’aplat bleu sur lequel
se découpent figures et motifs, ainsi dans Nausicaa (1914) ; la touche « impressionniste » qui
vise à restituer les effets de la lumière sur l’eau, comme dans Ariane au crépuscule (1913) ;
ou les reflets des motifs en un effet miroir comme dans Les Captifs (1907). Les corps nus ou
en partie dénudés rappellent le jardin primitif, les gestes alanguis sont ceux d’êtres insouciants
dont l’existence n’a pas de fin. Et c’est à ce bonheur infini que veut croire Maurice Denis
lorsqu’il peint son épouse et ses enfants jouant sur la plage.
17
Maurice Denis. Du symbolisme au classicisme. Théorie. Textes réunis et présentés par Olivier Revault d’Allonnes, op. cité, p. 19
Maurice Denis un artiste
aux multiples facettes
Le Voyage d’Urien
Maurice Denis a illustré de nombreux livres, parmi lesquels les représentations de l’eau sont
nombreuses. Le Voyage d’Urien d’André Gide, publié en 1893, tient une place particulière
dans la production de l’artiste et dans l’histoire du livre illustré dont il est une pièce
essentielle. « Expression du symbolisme de l’époque, [l’ouvrage] requiert l’intelligence
abstraite de la lecture et les données concrètes de l’image pour les faire coopérer (…) à la
manifestation d’une même pensée » selon François Chapon18. Il reflète en effet autant
l’univers de l’artiste que celui de l’écrivain : « Mais l’illustration, c’est la décoration d’un
livre ! (…). Trouver cette décoration sans servitude du texte, sans exacte correspondance de
sujet avec l’écriture ; mais plutôt une broderie d’arabesques sur les pages, un
accompagnement de lignes expressives »19. Cette conception rejoint celle d’André Gide,
comme l’attestent les nombreuses correspondances échangées avec Maurice Denis pendant la
genèse de l’ouvrage : « Car enfin c’est une collaboration, et ce mot d’illustration semble
impliquer une subordination de la peinture à la littérature qui me scandalise »20. La dédicace
de l’auteur au peintre sur son exemplaire du Vo ya g e d ’Ur i e n dit bien ce cheminement
parallèle : « A mon cher Maurice Denis, ce voyage vraiment fait ensemble, son ami André
Gide ». Trente lithographies deux couleurs de Maurice Denis accompagnent le texte d’André
Gide. Selon une esthétique caractéristique de la période nabie, les flots y sont représentés de
manière très décorative par un jeu de courbes, de sinuosités et de volutes semblables à celles
que l’on peut retrouver sur des peintures de la même période.
Couverture, 1893, 20,4 x 19,3 cm, coll. part.
Livres illustrés
L’illustration de livres fut une part importante de l’activité de
Maurice Denis tout au long de sa vie. Dès 1889, il réalise des
bois gravés pour Sagesse de Paul Verlaine, ouvrage qui ne sera
finalement publié qu’en 1911 par le célèbre marchand de
tableaux Ambroise Vollard. La parution du Voyage d’Urien en
1893 sera suivie de celle d’une cinquantaine de livres, dont vingt-trois gravés par les frères
Beltrand, en particulier Jacques qui deviendra un ami très proche et dont le talent lui permet
de traduire avec exactitude les dessins de l’artiste. Au gré des projets et des collaborations, il
sera amené à illustrer des textes anciens et modernes : Dante, Ronsard, Alfred de Vigny, Paul
Claudel, André Suarès…
18
19
20
François Chapon, Le peintre et le livre, l’Age d’Or du livre illustré en France 1870-1970, Paris, Flammarion, p. 41
Maurice Denis. Du symbolisme au classicisme. Théorie. Textes réunis et présentés par Olivier Revault d’Allonnes, op. cité, p. 44
André Gide, Lettre à Maurice Denis, 11 mai 1893, André Gide - Maurice Denis. Correspondance 1892-1945, Paris, Gallimard, 2006, p. 85
Motif de prédilection pour les artistes impressionnistes, l’eau est aussi très présente dans
l’œuvre de Maurice Denis. Certaines œuvres de jeunesse semblent proches de l’esprit d’un
Claude Monet. Rappelons d’ailleurs, comme le souligne Claire Maingon21, « la nature ténue
de la frontière entre les tendances de l’art moderne » à la fin du XIXème siècle, « le caractère
imbriqué entre impressionnisme, divisionnisme et symbolisme ». Plusieurs expositions dans
les années 1890, notamment chez le galeriste Le Barc de Boutteville, rassemblèrent d’ailleurs
les peintres impressionnistes et symbolistes. La limite entre les courants artistiques est
d’autant plus difficile à cerner que Maurice Denis lui-même reconnaît l’influence des
Impressionnistes sur des points aussi essentiels que le rapport au réel et reconnaît s’être «
libéré de toutes les entraves que l’idée de copier apportait à nos instincts de peintre »22,
notamment grâce à Paul Gauguin. Cependant, il se distingue des artistes impressionnistes par
une différence fondamentale de conception de l’art, différence partagée par les autres artistes
du mouvement nabi, et qui s’appuie sur les notions d’équivalence et de synthèse – notion
également chère à Gauguin qui se plaisait à l’écrire « sintaize ». L’art de Maurice Denis se
veut synthétique car « l’idéal de l’Art c’est de condenser, de résumer en un petit nombre de
formes claires et concises les rapports infiniment variés que nous percevons dans la nature »23.
Par ailleurs, « Toute œuvre d’art est une transposition, un équivalent passionné, une caricature
d’une sensation reçue, ou plus généralement d’un fait psychologique »24. En outre, Maurice
Denis ne travaille pas sur le motif, il recompose une nouvelle réalité dans l’atelier après avoir
noté ce qu’il voit par des croquis, contrairement aux Impressionnistes qui « avaient conservé
l’usage du modèle, le travail d’après nature »25.
Selon cette conception de son art, Maurice Denis utilise le motif de l’eau pour ses qualités
plastiques, certes, mais toujours au service d’une idée. Il n’est pas simplement paysagiste
comme ont pu l’être Claude Monet (Marine, Le Havre, vers 1866) ou certains de ses
contemporains : Paul Signac (Bords de rivière, la Seine à Herblay, 1889), ou Pierre Bonnard
(Pleine mer, vers 1936). Associée à d’autres motifs, incluse dans un sujet plus large, l’eau
joue un rôle décoratif et symbolique à la fois. Pour le Nabi aux belles icônes - surnom qui lui
avait été donné par les autres artistes du groupe - le sens profond de la vie est sacré : si la
couleur de la mer est proche de celles des nus féminins dans Baigneuses au crépuscule , c’est
pour restituer l’ambiance vespérale mais également pour signifier l’idée d’une harmonie entre
la nature et les hommes, fruits de la création divine.
Chaque œuvre de Maurice Denis combine des éléments formels qui puisent à différentes
sources, se nourrit d’une puissante réflexion qui accompagne chaque pas de l’artiste, propose
plusieurs lectures, imbriquées les unes aux autres, rendant ainsi son art complexe, aussi
inclassable que passionnant.
21
Claire Maingon, « Henri-Edmond Cross et Maurice Denis : parcours croisé d’un néo-impressionniste et d’un symboliste », Actes du colloque d’Orléans, Revue de l’Aire
N°37, 2011
22 23 24 26
Maurice Denis. Du symbolisme au classicisme. Théorie. Textes réunis et présentés par Olivier Revault d’Allonnes, op. cité, p. 53, p. 140, p. 165, p. 102
Visuels libres de droit pour la presse
Bateaux à Granville, Maurice Denis, 1889, huile sur toile,
Coll particulière, © Adagp, Paris 2013
Les régates à Perros-Guirec, Maurice Denis, 1892, huile sur toile,
Coll particulière, © Adagp, Paris 2013
Baignade au pardon de Sainte-Anne-la-Palud, Maurice Denis,
1905, huile sur toile, Coll particulière, © Adagp, Paris 2013
Broderie devant la mer (détail), Maurice Denis, 1897/1899, huile sur
toile, Coll Musée départemental Maurice Denis, Saint Germain-enLaye,© Adagp, Paris 2013
Les activités culturelles autour de l’exposition
Maurice Denis, au fil de l’eau
Pour les enfants
2-6 ans
Balade contée : Les aventures de Shango
Jeudis 25 avril, 2 mai, et tous les jeudis de l’été du 11 juillet au 22 août à 11h.
Sur Réservation. Gratuit
7-13 ans
Atelier parent-enfant : La mer en peinture
Jeudis 25 avril, 2 mai, 25 juillet, 1er et 15 août à 15h
A quatre mains, parent et enfant partagent un moment de complicité
et de création.
Sur réservation, 6.20€ pour le couple. Matériel fourni
Pour les adultes
Conférence sur Maurice Denis par Fabienne Stahl
Dimanche 21 avril à 15h. Accès avec un billet d’entrée au musée
Nuit des musées
Samedi 18 mai de 20h à minuit. Gratuit. Visite commentée de l’expo
Maurice Denis à 21h
Normandy Day
Jeudi 6 juin de 11h à 18h. Entrée gratuite. Visite commentée de l’expo Maurice Denis à 11h
Concert de Harpe : « Jeux d’eau » par Albane Mahé
Dimanche 9 juin à 16h30. Accès avec un billet d’entrée au musée
Concert : « Maurice Denis et ses amis musiciens »
Samedi 22 juin à 16h30. Fête de la musique
Gratuit. Concert de l’Ecole Intercommunale de Musique
Concert : Ensemble de Saxophones
Jeudi 11 juillet à 16h. Gratuit. Concert sous la direction de Rémi Brun, professeur à l’Ecole
Intercommunale de Musique
Visite commentée de l’exposition Maurice Denis
Vendredis 12, 19, 26 juillet, 2, 9, 16, 23 août à 11h.
Accès avec un billet d’entrée au musée
Conférence sur Maurice Denis par Fabienne Stahl
Dimanche 8 septembre. Accès avec un billet d’entrée au musée
Journées Européennes du patrimoine
Samedi 14 et dimanche 15 septembre de 11h à 18h. Entrée gratuite
Visites commentées de l’expo Maurice Denis. Samedi à 15h, dimanche à 11h et 15h
Dernier jour de l’exposition Maurice Denis
Dimanche 22 septembre. Visite commentée à 15h. Accès avec un billet d’entrée au musée
Informations pratiques
Musée d’art moderne Richard Anacréon (MamRA)
La Haute ville
Place de l’Isthme
50400 GRANVILLE
Tel. 02 33 51 02 94
Mail. [email protected]
Exposition présentée du 22 avril au 31 mai du mercredi au dimanche de 14h à 18h.
Exposition présentée du 1 juin au 22 septembre du mardi au dimanche de 11h à 18h.
Tarif adulte : 3.00€ Tarif réduit : 1.50€
Gratuit pour les enfants jusqu’à 10 ans.
Boutique :
Librairie, papeterie, objet divers