Vieillesse maltraitée : La justice et le droit
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Vieillesse maltraitée : La justice et le droit
4 ème journée d'étude d'ALMA Jeudi 23 mai 2002 UNESCO ________ Vieillesse maltraitée : La justice et le droit ________ Président : Professeur Olivier RODAT Modérateur : Professeur Robert HUGONOT ALMA France B.P. 1526 38 025 GRENOBLE CEDEX Tél. : 04 76 84 20 40 Fax. : 04 76 21 81 38 Le professeur Robert HUGONOT et l'équipe d'ALMA France remercient vivement les personnes qui ont participé à cette journée pour leur aimable collaboration les bénévoles des centres d'écoute ALMA les bénévoles d'ALMA Paris (en cours) les conférenciers l'équipe technique de l'UNESCO 2 / 92 SOMMAIRE Allocution d'ouverture p. 5-6 Professeur Olivier RODAT, président de la journée La protection des personnes âgées par la loi pénale Professeur Michel VERON, Doyen honoraire Université Paris XIII p. 7-10 L'abus de tutelles Monsieur Philippe DARRIEUX, Magistrat (Texte dit par Mme Brigitte LEFEVBRE, juge des tutelles, Conseillère juridique d'ALMA France.) p. 11-14 Pour une meilleure protection juridique Monsieur Jean FAVARD, Conseiller honoraire à la Cour de Cassation p. 15-17 Maltraitance et secret médical Docteur Jean POUILLARD, Vice-président de l'Ordre National des Médecins p. 24-30 Table ronde : Applications pratiques à partir d'expériences de terrain • La conciliation à l'hôpital Professeur Robert MOULIAS, président de la Commission "Droits et libertés des personnes âgées dépendantes" de la Fondation Nationale de Gérontologie p. 42-46 • Le service d'accès au droit Docteur Bernard DUPORTET, le président d'AGE ALMA (Essonne) • • Le respect du choix de vie de la personne protégée malgré la tutelle Monsieur Jean Jacques GEOFFROY, directeur du service des tutelles, La Roche-sur-Yon Le rôle du service social : alerter, accompagner, protéger Madame Maïté BUET, responsable d'un service social de gérontologie, Paris p. 47-50 p. 51-56 p. 57-61 • Les actions conduites par la Gendarmerie Nationale au profit des personnes âgées Colonel Christian PETIT, chef de bureau, Direction générale de la Gendarmerie Nationale, Paris p. 62-68 • Le médecin praticien face à la suspicion de maltraitance Docteur Albert SERVADIO, médecin généraliste, Paris p. 69-76 Conclusion "Doit-il exister un droit spécifique pour les personnes âgées dépendantes ?" Madame Geneviève LAROQUE, présidente de la Fondation Nationale de Gérontologie p. 81-84 Annexes 3 / 92 Préface Un domaine indissociable de celui de notre action d'écoute et de prévention Robert HUGONOT L'action d'ALMA touche un certain nombre de sujets très sensibles… des maltraitances dans une famille qui se déchire, des accusations parfois exactes, parfois excessives, parfois calomnieuses contre une institution, des plaignants qui devraient saisir la justice, et qui redoutent d'alerter les gendarmes, ou qui ne savent comment saisir le procureur, des personnes qui se voient protégées et qui risquent d'être maltraitées par leur protecteur (ou soi-disant tel), des personnes sous tutelle dont on ne protège que les biens en oubliant la personne qui se sent dépouillée de tous ses droits. Je pourrais poursuivre cette énumération, tant les cas de figure sont multiples. Chacun des acteurs d'ALMA, écoutants, référents, consultants, découvre par son attention un domaine où le social affronte le droit, le secret l'obligation de signalement, … un champ immense et complexe. Nous remercions tous ceux qui, ayant compris notre action, sont venus apporter leur compétence à cette réflexion. Nous remercions la Fondation de France qui nous a proposé de prendre en charge l'édition des conférences de cette journée ALMA, la IVème depuis 1996. Liste des journées d'Etude d'ALMA France : Oui ! des personnes âgées sont maltraitées ! Alors ! que faire ?, 1ère Journée d'Etude ALMA, septembre 1996 Mal traités et mal traitants en institutions gérontologiques, 2ème Journée d'Etude ALMA, février 2000 Maltraitance en famille: vieux maltraités, vieux maltraitants, 3ème Journée d'Etude ALMA, mars 2001. 4 / 92 Ouverture par le président de la journée Professeur Olivier RODAT Madame, Monsieur, "Ne pouvant avilir l'esprit, on se venge en le maltraitant" écrivait, il y a deux siècles Pierre Augustin CARON de BEAUMARCHAIS, il annonçait la Révolution française, l'émergence des Droits du citoyen et l'espoir d'une justice sociale. Si la Société s'est ensuite bâtie sur les fondements de la liberté, de l'égalité et de la fraternité, estelle pour autant apaisée ? Elle vit des crises et des soubresauts certains médiatiques et électoraux, d'autres plus intimes cachés et tus entre les murs d'un foyer, les silences d'une famille ou la complicité d'un entourage. Il en est ainsi des violences petites ou grandes où l'homme vulnérable par l'âge et l'épuisement de ses facultés de résistance vient à être heurté par l'autre. Les enfants et les femmes, par définition prioritaires dans ce naufrage de la cohésion sociale, ont vu leur détresse prise en compte dans des aménagements législatifs et réglementaires sans pour autant éteindre cet incendie de violence qui couve et sans cesse ressurgit comme l'hydre de Lerne. A l'autre extrémité de la vie, le constat du Council of Scientific affairs, publié en 1987 reste d'une cruelle actualité : "Si vous êtes américain de plus de 65 ans, que vous ayez eu la chance de ne pas avoir été un enfant battu, de ne pas avoir été une femme ou un mari battu, il vous reste 10 chances sur 100 d'être un vieillard battu." L'exemple vient-il toujours d'outre-Atlantique ? Je me réjouis d'avoir été le premier universitaire à susciter en 1988 une thèse de Médecine sur le thème des sévices à la personne âgée ; elle suivait de peu le premier colloque de la Commission des droits et libertés de la personne âgée, tenu à Lyon en 1987, sous l'autorité du Professeur MOULIAS. Depuis cette date, les travaux et les témoignages se multiplient, le vieillard devient un enjeu de santé publique, mais aussi un vaste marché prometteur pour la démence. La grande enquête faite outre-Atlantique par le National Elder Abuse Incidence Study (NEAIS) estimait en 1996 que les cas rapportés avaient augmenté de 150% en 10 ans. En France, seul le mouvement associatif conduit autour d'ALMA depuis 1995 par l'indestructible Professeur HUGONOT, offre un éclairage sur l'étendue des drames. Cette journée de travail est la quatrième d'ALMA France. Ceci est le temps choisi pour poser un instant le combiné téléphonique et écouter la réponse de la société. Trois juristes imminents apporteront l'éclairage de l'exécuteur de la loi ; Monsieur le Professeur VERON, Doyen honoraire de l'Université Paris XIII, parlera d'immunité familiale, des nouvelles qualifications du Code pénal en matière de vulnérabilité, de délaissement et d'abus frauduleux ; Monsieur Jean FAVARD, Conseiller honoraire près la Cour de Cassation, sera très écouté quant à ses propositions de toilettage ou de ravalement d'une loi vieille de 34 ans et Monsieur DARRIEUX, Magistrat, dira probablement que la tutelle est peut-être une forme de violence. 5 / 92 Il faudra aussi porter attention au Docteur POUILLARD qui nous rappellera comment l'exigence de la confidentialité laisse parfois le pas à l'ardente obligation du secours et de l'initiative. L'après-midi de cette réunion sera l'occasion de tables rondes et de différents témoignages ou initiatives venant d'horizons divers. Il y aura aussi le temps de la parole avec la salle, le temps des échanges où chacun pourra chercher la réponse à son questionnement ou à son interrogation. Nous terminerons cette journée avec l'enthousiasme juvénile de Madame LAROQUE, elle nous parlera d'un droit spécifique pour les personnes âgées dépendantes, il s'agit peut-être d'un droit d'être maltraité, encore faut-il pouvoir y consentir ! Je suis persuadé que cette journée sera riche, profuse en idées et en témoignages et que nous nous quitterons le cœur plein d'énergie pour poursuivre sur le chemin de la bienfaisance, du respect et de l'humanité. Robert HUGONOT Je voudrais vous dire maintenant que chacun des orateurs va disposer de vingt minutes. Il y a cependant un petit changement, que je vous prie de noter, Monsieur Philippe DARRIEUX, Magistrat, nous a fait savoir il y a quelques jours qu'il était empêché pour une raison grave. Et son texte sera lu par Madame Brigitte LEFEBVRE, ancien juge des tutelles, conseillère juridique d'ALMA France et présidente d'ALMA Isère. Nous donnons donc immédiatement la parole à Monsieur le Doyen Michel VERON. 6 / 92 La protection des personnes âgées par la loi pénale Monsieur Michel VERON Doyen honoraire de la faculté de droit de l'Université Paris Nord Monsieur le Président, j'ai noté que vous tenez à faire respecter l'horaire, je le respecterai, bien qu'il s'agisse d'un sujet extrêmement vaste. C'est une vue de l'esprit que de prétendre le traiter totalement en vingt minutes ; mais les questions qui vous intéressent et qui n'auront pas été abordées au cours de ces vingt minutes pourront l'être lors du débat qui clôturera cette matinée. Que la protection des personnes âgées doive être assurée par la loi pénale, nul ne s'en étonnera. Les abus de toutes sortes dont elles sont victimes doivent être sanctionnés. Mais, que la question de la protection par la loi pénale soit abordée dès le début de cette journée peut surprendre. On comprendrait mieux que soient d'abord examinées les questions relatives à la prévention, à l'écoute, au respect du choix de vie, à l'aide médicale, sociale ou juridique qu'il convient d'apporter aux personnes âgées et que la sanction pénale n'apparaisse que comme un ultime recours en cas d'échec des mesures de protection pour sanctionner des dérives inadmissibles et les actes de maltraitance dont les personnes âgées pourraient être victimes. Mais, cette présentation logique, voire purement intellectuelle, du problème ne peut résister au constat d'un échec de la prévention et de la protection et à la dure réalité des actes de maltraitance envers les personnes âgées. Comme en matière de pédophilie, un tabou est en train de disparaître. La maltraitance des personnes âgées ne demeure plus confinée dans le secret des questions dont on ne doit pas parler. Au cours de la dernière décennie, des faits de plus en plus nombreux et de plus en plus inquiétants sont apparus et le recours à la sanction pénale a été utilisé de plus en plus fréquemment pour punir les auteurs d'actes délictueux. Encore ne faut-il pas se leurrer. La majorité des cas de maltraitance physique, psychique ou morale demeurent encore très souvent ignorés des tribunaux, donc impunis. Il n'est donc pas inutile de faire connaître le contenu de la loi pénale en ce domaine. Les affaires qui ont donné lieu à des poursuites et à des condamnations pénales ne constituent véritablement que la partie émergée de l'iceberg. Puisse la menace de lourdes sanctions pénales avoir un effet dissuasif propre à protéger les personnes âgées. I – La lecture des textes conduit à faire quelques observations importantes. 1- Le Code pénal n'envisage pas les personnes âgées comme une catégorie qu'il convient tout particulièrement de protéger, comme une catégorie spécifique. Les personnes âgées sont intégrées dans un ensemble plus vaste, celui des personnes d'une "particulière vulnérabilité". Elles y retrouvent les mineurs. Ainsi, la vulnérabilité découlant du trop jeune âge est associée celle résultant du trop grand âge. Figurent aussi dans cet ensemble les personnes dont la vulnérabilité est due à la maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse. La vulnérabilité due à l'âge – au grand âge – n'est qu'une hypothèse parmi d'autres. D'ailleurs, on peut observer que plusieurs motifs de vulnérabilité peuvent se retrouver chez la même personne. 2- Le Code pénal ne protège pas les personnes âgées seulement contre des actes qui portent atteinte à leur intégrité physique ou psychique – la maltraitance, au sens strict du terme – mais 7 / 92 aussi contre les actes qui portent atteinte à leur patrimoine. L'examen de la jurisprudence révèle d'ailleurs que la grande majorité des affaires jugées par les tribunaux correctionnels concerne le cas de personnes isolées, souvent assez fortunées et dépouillées de leurs biens par un entourage avide et sans scrupule. 3- Le Code pénal envisage la vulnérabilité de deux façons au regard de la pure technique pénale. Dans de nombreux cas, le Code pénal fait de la vulnérabilité de la victime une circonstance aggravante d'une infraction de droit commun punissable quelle que soit la qualité de la victime. Cela signifie que la peine encourue par le coupable est sensiblement aggravée si la victime est une personne d'une particulière vulnérabilité due à l'âge ou à une autre circonstance. Ainsi en est-il des atteintes à l'intégrité physique des plus légères aux plus graves, des atteintes occasionnelles aux violences pratiquées de manière habituelle. Ainsi en est-il aussi des agressions sexuelles, du viol ou du proxénétisme. Mais, la même technique d'aggravation de la peine est utilisée pour sanctionner des atteintes aux biens ou au patrimoine commises au détriment des personnes vulnérables ou facilitées par leur état : vol, escroquerie, destructions ou dégradations. On notera, en ce domaine, que la loi pénale n'aggrave pas la peine encourue en cas d'abus de confiance, ce qui est regrettable, tant sont nombreux les abus, notamment de mandat, commis au préjudice de ces personnes. II – Mais la loi pénale fait aussi de la vulnérabilité l'élément constitutif d'une infraction particulière qui n'est donc punissable qu'en considération de la qualité de la victime. 1- Le délaissement L'article 223-3 du Code pénal a classé cette infraction parmi celles qui mettent une personne en danger. Elle consiste à "délaisser" en un lieu quelconque, une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique. La personne délaissée peut donc être abandonnée seule à son domicile, sans visites ou moyens de communication. Le texte ne sanctionne pas une simple négligence, mais un acte volontaire accompli sciemment par une personne qui a connaissance de l'état de la victime et de son incapacité à se protéger. Le délaissement peut avoir des conséquences physiques, matérielles, morales ou psychiques. Le délaissement constitue un délit puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 Euros d'amende. Mais, il devient un crime si le délaissement a entraîné une infirmité permanente ou la mort de la personne délaissée. 2- L'abandon de famille L'article 205 du Code civil dispose que les enfants doivent des aliments à leurs pères et mères ou autres ascendants qui sont dans le besoin. A défaut de versement volontaire, les enfants peuvent être condamnés à verser une pension alimentaire à leurs ascendants. L'article 227-3 du Code pénal incrimine sous le terme assez générique d'abandon de famille le fait de ne pas payer pendant plus de deux mois l'intégralité de l'obligation alimentaire mise à sa charge par une décision judiciaire exécutoire et dont on a connaissance. En outre, l'article 314-7 du Code pénal incrimine le fait d'organiser frauduleusement son insolvabilité pour ne pas payer cette dette alimentaire. L'abandon de famille est puni de deux ans d'emprisonnement et de 15 000 Euros d'amende, tandis que l'organisation de l'insolvabilité est punie de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 Euros d'amende. 8 / 92 3- Les violences habituelles Les violences exercées occasionnellement sur des personnes vulnérables sont punies de peines aggravées par rapport à celles encourues pour des violences exercées sur des personnes non vulnérables au sens du Code pénal. Mais, si les violences sont exercées "habituellement" sur ces personnes vulnérables, l'article 222-14 du Code pénal en fait l'élément constitutif d'une infraction distincte très sévèrement punie, souvent même de peines criminelles, lorsque l'atteinte à l'intégrité physique ou psychique de la victime est grave. L'application de ce texte soulève une question importante : quand peut-on dire qu'il y a habitude ? Une jurisprudence ancienne et constante de la Cour de cassation juge que, chaque fois qu'un texte fait de l'habitude un élément d'une infraction, il suffit de répéter deux fois l'acte incriminé pour caractériser l'habitude. 4- L'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de faiblesse - Evolution historique – Cette infraction avait été placée à l'origine dans le Livre III du Code pénal qui traite des crimes et délits contre les biens (art.313-4). Mais, elle a été déplacée et modifiée par la loi du 12 juin 2001 relative à la répression des mouvements sectaires. Devant la difficulté de définir une infraction nouvelle, celle de "manipulation mentale", le législateur s'est résolu à reprendre et à aménager cette infraction préexistante. En outre, il a transféré l'infraction modifiée dans le Livre II du Code pénal qui traite des crimes et délits contre les personnes (art.223-15-2 et suivants). Est-ce à dire que l'infraction a changé de nature et que les atteintes au patrimoine, qui constituaient jusqu'alors la quasi-totalité du contentieux pénal initié par ce texte, ne seront plus prises en compte ? Nous ne le pensons pas. - Les victimes – Ce sont, nous dit le texte, des personnes d'une particulière vulnérabilité due à l'âge. Mais, il faut en outre que cet âge ait placé la personne dans un état d'ignorance ou de faiblesse dont l'auteur des actes poursuivis a abusé. Il en résulte que cet état d'ignorance ou de faiblesse ne saurait être présumé du seul fait de l'âge de la victime. L'examen de la jurisprudence révèle que les tribunaux correctionnels ne prononcent la condamnation des prévenus qu'après avoir relevé très précisément et très complètement dans chaque cas d'espèce en quoi l'âge de la victime avait eu des conséquences spécifiques la plaçant en situation d'ignorance ou de faiblesse. Dieu merci, de nombreuses personnes âgées ont conservé vigueur physique et acuité intellectuelle. Elles ne sont ni ignorantes, ni faibles, ni vulnérables au sens de la loi pénale. - Les coupables – Dans toutes les affaires publiées dans les recueils de jurisprudence, il apparaît que les coupables sont des proches de la victime qui se sont immiscés dans la vie quotidienne de personnes isolées ou qui ont réussi à écarter les membres de la famille susceptibles d'entraver leur action : médecin traitant, garde-malade, personne logée au domicile de la victime, propriétaire de l'appartement, boulanger apportant le pain au cours de sa tournée quotidienne. - Les actes incriminés – Dans sa rédaction actuelle, le Code pénal incrimine le fait d'imposer à une personne vulnérable un acte qui lui soit "gravement préjudiciable". On pense immédiatement à un acte qui porte atteinte au patrimoine de la victime, acte à titre gratuit, tel qu'une donation, ou acte à titre onéreux en imposant à la personne âgée des acquisitions aussi inutiles que coûteuses. Mais, le transfert de l'infraction parmi les crimes et délits contre les personnes doit permettre d'utiliser le texte pour sanctionner aussi les actes gravement préjudiciables à la personne 9 / 92 même, c'est-à-dire les actes susceptibles d'avoir des conséquences pour sa vie, sa santé, son intégrité physique ou psychique. - L'intention coupable – Cet élément de l'infraction est fortement souligné par le texte qui ne sanctionne pas celui qui agit par insouciance et légèreté, mais volontairement et en pleine connaissance de cause. Il faut à la fois que la situation qui place la victime en situation particulièrement vulnérable soit "apparente et connue" du coupable, que celui-ci ait commis un acte d'abus "frauduleux" de l'état d'ignorance ou de faiblesse de la victime et qu'il savait que l'acte qu'il lui imposait lui était gravement préjudiciable. Pour entrer en condamnation, le tribunal correctionnel devra donc motiver son jugement sur tous ces points. La rigoureuse exigence du texte risque de limiter la portée de l'incrimination et de laisser en dehors de son champ d'application le cas de celui qui a seulement "profité" de l'imprudence ou de la négligence d'une personne âgée. - La répression – Les personnes physiques encourent une peine de trois ans d'emprisonnement et de 375 000 Euros d'amende, peines portées à cinq ans et 750 000 Euros si l'infraction est commise par le dirigeant de fait ou de droit d'un groupement qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou d'exploiter la sujétion psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités. Elles encourent en outre les nombreuses peines complémentaires prévues par l'article 223-15-3, parmi lesquelles on relèvera l'interdiction d'exercer une fonction publique ou l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice de laquelle l'infraction a été commise. Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables de cette infraction. Elles encourent l'amende et toutes les peines complémentaires prévues par l'article 131-39 du Code pénal, parmi lesquelles on mentionnera la fermeture d'établissement, l'interdiction d'exercice de l'activité professionnelle ou sociale, voire la dissolution si la personne morale a été créée ou détournée de son objet pour commettre l'infraction. Conclusion : La loi pénale comporte aujourd'hui un arsenal assez impressionnant de dispositions destinées à sanctionner toutes les modalités possibles d'atteintes à la personne ou au patrimoine des personnes devenues vulnérables en raison de leur âge. Ces dispositions sont, dans l'ensemble, assorties de peines lourdes et diversifiées. Mais, sont-elles dissuasives ? C'est soulever la question de l'effectivité de la loi pénale. Ces textes sont-ils destinés à rester lettre morte ou sont-ils réellement mis en œuvre ? Leur utilité et leur efficacité supposent que la maltraitance des personnes âgées ne demeure plus un sujet tabou, mais soit abordée avec courage et lucidité. Je vous remercie. Olivier RODAT Merci, Monsieur le Doyen, pour la clarté de votre exposé qui nous a bien montré l'extraordinaire arsenal thérapeutique et une certaine inefficacité. Alors peut-être que Monsieur SARKOZY va faire des brigades spéciales pour rechercher la violence des personnes âgées, mais je crois que c'est important d'avoir connaissance de ces dispositifs qui sont des dispositifs répressifs et qui sont utiles à connaître. Monsieur le Professeur Robert HUGONOT veut, je crois, faire un message. 10 / 92 Robert HUGONOT Je voulais simplement vous dire que cette réunion a pu se tenir grâce à quelques généreux donateurs et en particulier le soutien financier de l'AGRR et aussi de l'UGRR, c'est à dire la part de l'AGRR concernant l'Ile de France. Je voulais vous dire aussi que les textes des orateurs seront publiés dans un fascicule qui sera édité grâce à l'aide financière de la Fondation de France. Cela ne vous dispense pas de prendre des notes, bien entendu, mais n'oublions pas que tout à l'heure vous aurez également des questions à poser, donc vous pouvez les préparer à l'avance ; parce que nous allons vous proposer ceci : maintenant deux orateurs vont se succéder, Monsieur Jean FAVARD, Conseiller honoraire à la Cour de Cassation et Madame Brigitte LEFEBVRE, ancien Juge des Tutelles, Conseillère juridique d'ALMA France et présidente d'ALMA Isère qui lira le texte de Monsieur Philippe DARRIEUX. Et c'est après ces deux interventions sur les tutelles que je vous propose un premier temps de discussion de vingt minutes. Nous pourrons parler ensuite du secret médical avec le Docteur Jean POUILLARD. Madame Brigitte LEFEBVRE Ancien juge des Tutelles – conseillère Juridique d'ALMA France Nous avons pensé qu'il serait plus logique et plus positif de parler d'abord de l'abus des tutelles et ensuite de la meilleure protection juridique pour vous laisser tout de même sur une impression plus favorable des tutelles que ce que je vais vous exposer maintenant, en étant, vous l'avez compris, le porte-parole de Monsieur Philippe DARRIEUX, qui m'a transmis son texte et qui intervient à la première personne, donc la première personne ce n'est pas moi, c'est lui. 11 / 92 L'abus de tutelles Monsieur Philippe DARRIEUX Magistrat (Ancien Juge des Tutelles) Je remercie vivement ma collègue, Madame Brigitte LEFEBVRE de bien vouloir porter à votre connaissance ces quelques lignes, témoignage d’un ancien juge des tutelles et de l’ancien Président de l’Association Nationale des Juges d’Instance, organisation professionnelle qui a oeuvré depuis de très nombreuses années pour une meilleure protection judiciaire des majeurs. Je vous prie également de bien vouloir excuser mon absence, ce jour, des engagements professionnels ne m’ont pas permis de prendre part à cette manifestation importante organisée par ALMA France dont je tiens à saluer l’action militante dans sa lutte contre la maltraitance des personnes plus particulièrement vulnérables. Tout d’abord, une précision terminologique : ce qu’il convient d’appeler la « tutelle » au sens général correspond au dispositif de protection judiciaire issu principalement de la loi du 18 octobre 1966 et, surtout, de la loi du 3 janvier 1968 relative aux droits des incapables majeurs. Lorsque ce dernier texte a vu le jour et est entré en application en janvier 1969, ce fut une révolution : en effet, il substituait à l’ancien régime de l’ « interdiction » régime d’incapacité au sens strict, un régime de protection à la fois souple, facile à mettre en oeuvre, à moduler, faisant intervenir à la fois le Juge, le Médecin (traitant et spécialisé), la famille et le majeur à protéger lui-même. Le doyen Carbonnier, à l’origine de l’élaboration de ce texte, soulignait lui-même qu'« au régime de l’interdiction allait se substituer un régime de liberté civile avec un équilibre tout à fait délicat entre le familial, le médical et le judiciaire » . Trente trois années ont passé depuis l’entrée en vigueur de ce texte dont j’aurais souhaité, si j’en avais eu le temps, vous vanter les mérites liés à ses qualités de rédaction et aux possibilités nouvelles qu’il offrait aux magistrats dans le dispositif de protection des majeurs. Comme de nombreux magistrats, je reste un farouche défenseur de son esprit, n’en ayant pas moins constaté au fil de mes dix années passées comme Juge d’Instance et Juge des Tutelles les nombreuses dérives et les abus qu’il a permis d’engendrer et qu’il m’a été demandé de vous présenter brièvement. J’évoquerai donc successivement en deux parties tout d’abord le constat et les facteurs générateurs d’abus, pouvant entraîner des maltraitances dans le dispositif de la « tutelle » avant de vous proposer, à défaut de réforme réclamée depuis si longtemps et à laquelle aucun de nos dirigeants n’a voulu s’atteler, des solutions pour lutter contre ces abus et, en définitive, optimiser la protection judiciaire des majeurs. 12 / 92 I°PARTIE Le Constat : les abus engendrés par la protection judiciaire des majeurs. J’examinerai successivement les dérives procédurales avant d’aborder la gestion proprement dite des mesures 1°) Les dérives procédurales. Ces dérives sont de trois types : elles interviennent au niveau de la saisine du juge d’une part, de l’instruction du dossier et, enfin, du contrôle de l’exercice des mesures de protection. La saisine du Juge : au principe de la saisine par requête pouvant intervenir, il convient de le rappeler à la demande du majeur lui-même, s’est substituée une généralisation de la saisine « d’office » laquelle émane, le plus souvent soit de l’équipe de soins, soit de l’encadrement social de la personne. Aucun contrôle strict n’existe et les Parquets, souvent occupés à d’autres tâches ne s’interrogent pas sérieusement sur l’opportunité de cette saisine…plus largement s’il est fait application au sens strict du principe de nécessité et du principe de subsidiarité des mesures de protection. Cette saisine d’office (statistiques commentées en décembre 1999 lors des assises de la tutelle) aboutissant dans plus de 80% des dossiers à l’ouverture d’une mesure de protection. L’instruction du dossier : elle n’est pas non plus exempte de critiques. Pointée successivement dans une étude interministérielle de juillet 1998 puis dans les conclusions du rapport du Conseiller FAVARD en mars 2000, il convient de rappeler que de nombreux majeurs ne font pas l’objet d’une audition par le Juge. (les rapports susvisés parlent de 1/3), l’avocat est le plus souvent absent (ou ignorant du dossier qu’il consulte au greffe dans les minutes qui précèdent l’entrevue avec le magistrat) le greffier assiste rarement le juge… L’audience de jugement elle-même, et quand elle existe, n’est nullement un lieu de débats et les décisions sont prises le plus souvent à l’avance, compte tenu, il faut le reconnaître, des charges auxquelles doivent faire face nos tribunaux d’instance sans cesse plus sollicités par le législateur ces dernières années. 2°) Les dérives dans la gestion elle-même. Si la tutelle « familiale » reste en définitive la mesure choisie par le juge dans plus de 50% des dossiers, il n’en demeure pas moins que la gestion de la mesure n’est pas soumise à un réel contrôle : le majeur protégé, lui-même, par postulat, ne le peut puisqu'il est incapable, le tuteur dispose d’une grande liberté dans son choix de gestion courante (même s’il doit en référer au juge pour les opérations importantes) et le contrôle des comptes a posteriori reste assez aléatoire même si une réforme récente et salutaire a déchargé le juge de cette tâche énorme et très ingrate. Aucun contrôle de l’opportunité du maintien de la mesure n’existe même si, bien évidemment, comme le prévoit le Code Civil (articles 507 et 509) « la tutelle » doit cesser lorsque les causes qui ont motivé son ouverture ont disparu…mais bien souvent la poursuite du régime de protection, qui reste, ne l’oublions pas, un régime d’incapacité, peut présenter pour des tiers ou la famille elle-même, surtout si elle est tutrice, un certain intérêt. 13 / 92 Je n’évoquerai enfin que pour mémoire les affaires dont vous avez tous eu connaissance…le tuteur escroc…l’association tutélaire incompétente…la famille intéressée…etc… L’ensemble de ces réflexions me conduisent, au terme de cette première partie à attirer votre attention sur les points suivants : - les textes actuels, dont il convient d’envisager peut être une réforme complète mais à minima un « toilettage », ne sont pas toujours correctement appliqués et sont souvent dévoyés au motif que la « tutelle » n’est pas toujours considérée comme un enjeu judiciaire ou social important. - les dérives dans la gestion des mesures proviennent, à mes yeux, du manque de contrôle qu’il est facile de dénoncer (mais auquel il sera difficile de remédier rapidement sauf à multiplier par cinq le nombre de magistrats et de greffiers) et d’un manque de formation des professionnels et des familles face aux problèmes posés par la « tutelle » - enfin, l’absence ou l’inégalité du financement des prises en charge et de l’assistance en justice du majeur porte en germe tous les abus ou les risques d’abus évoqués précédemment. Mais existe-t-il des moyens pour lutter contre les abus générés par la tutelle ou, à minima pour les limiter ? 2° PARTIE Les moyens pour optimiser la protection judiciaire des majeurs et réduire les abus engendrés par la « tutelle » S’il est indéniable que la « tutelle » est un moyen préventif de lutte contre la maltraitance permettant une meilleure gestion des ressources et des biens du majeur et (théorie jurisprudentielle) de la personne, il faut que le dispositif de protection judiciaire des majeurs reste conforme à son esprit originel. Dans l’attente d’une hypothétique réforme dont la priorité est annoncée depuis plus de cinq ans la vigilance de chacun au respect de principes élémentaires, figurant tant dans les Codes Civil, et de Procédure Civile que dans une recommandation du Conseil de l’Europe de mars 1999, devrait permettre de réduire ces abus. Tout d’abord les grandes lignes des réformes annoncées ont fait l’objet, depuis longtemps, d’un très large consensus et paraissent donc d’ores et déjà applicables. Il faudrait tout d’abord, en vertu de ces principes de nécessité et de subsidiarité évoqués précédemment, éviter de recourir de façon trop systématique au Juge des Tutelles pour des difficultés principalement sociales et donc réactiver l’accompagnement familial ou social des majeurs en situation de détresse. Par ailleurs, et toujours sur un plan général, il faudrait aboutir à un système garantissant que la mesure de protection ne dépende que du besoin concret de protection de la personne et non pas comme actuellement de son seul patrimoine. 14 / 92 Plus concrètement, il convient que chacun veille au respect des procédures et ne pas hésiter à s’informer en recourant aux services d’un Conseil ou de Services d’Informations tutélaires qui se mettent progressivement en place dans de nombreuses villes (Services d’aide aux tuteurs familiaux …par exemple) .Une procédure dans laquelle un majeur n’est pas entendu sauf exception strictement définie par le Code - est nulle .D’autre part pour qu’un meilleur contrôle des comptes de gestion puisse s’opérer il faudrait prévoir, par exemple, l’intervention de Commissaires aux comptes ou d’experts comptables au sein des associations. Enfin, n’oublions pas que si le « tuteur » a une responsabilité directe dans le cadre de la gestion des biens du Majeur, il ne saurait, dans le cadre de sa mission légale, avoir une responsabilité totale dans l’accompagnement de la personne considérée, par la Justice, comme plus particulièrement vulnérable. C’est donc en ce sens que la famille, les médecins et les acteurs sociaux doivent tous ensemble être vigilants pour limiter ces abus. Olivier RODAT Merci, Madame, d'avoir porté la parole, d'avoir posé les enjeux, et nous allons tout de suite demander à Monsieur le Conseiller FAVARD d'enclencher dans la logique de la présentation et de nous ouvrir les portes de la réforme de cette loi. Pour une meilleure protection juridique Monsieur Jean FAVARD Conseiller honoraire à la Cour de cassation Merci, Monsieur le Professeur, j'adhère tout à fait à ce qui a été dit par monsieur Philippe DARRIEUX. A part peut-être, la multiplication par cinq du nombre des juges ; parce que s'ils sont saisis moins souvent et s'ils peuvent mieux travailler sur une masse moins grande, en pure logique, on devrait escompter qu'il n'y a pas besoin qu'ils soient plus nombreux. Mais pour le reste le diagnostic est précis, vrai, et je n'ai donc rien à dire de plus. Je vais donc essayer de ne pas répéter la même chose et vous convier à nous tourner vers l'avenir et ce que l'on peut espérer à cet égard. Peut-être aussi vous proposer quelques idées générales qui peuvent être un peu les nôtres à tous puisque nous avons ce fond commun, qui est que nous sommes tous appelés non seulement à mourir mais à vieillir d'abord, et que les régimes que nous créons nous seront appliqués. Il vaudrait donc mieux être respectueux des droits, car si nous maltraitons aujourd'hui, d'autres viendront nous maltraiter à leur tour et ce sera justice. L'une des difficultés de notre sujet – indépendamment du fait que la vulnérabilité n'est pas l'apanage des personnes âgées – c'est que celles-ci ne constituent pas elles-mêmes, en soi, une catégorie de personnes vulnérables. Il serait d'ailleurs absurde de fixer un âge particulier à cet égard, même si l'on sait statistiquement que c'est aux alentours de 75-80 ans que s'accélèrent les courbes de dégradation physique et mentale. Il n'empêche que le Baron Pierre-Paul Nicolas HENRION DE PANSEY fut nommé Premier président de la Cour de cassation à l'âge de 86 ans, en 1928, et que s'il mourut un an plus tard, ce fut dans le plein exercice de ses fonctions. Mais ce qui était alors très exceptionnel ne l'est plus, puisque l'espérance de vie à 60 ans est aujourd'hui de 20,2 ans pour les hommes et de 25,6 ans pour les femmes. Et ce n'est pas fini puisque – selon l'INSEE – cette espérance de vie 15 / 92 devrait encore augmenter de cinq ans et demi d'ici 2040, portant ainsi ce chiffre pour les hommes ayant atteint 60 ans à la hauteur de celui d'HENRION DE PANSEY ! Quant aux centenaires, s'il n'y en avait qu'une centaine au début du XXème siècle, ils étaient quelque 9.000 à la fin du même siècle. Et l'on prévoit que le tiers des filles nées en 2000 mourra centenaire. Il n'en faut pas moins se garder du danger de l'équation : vieillesse = prise en charge de la personne et intervention dans ses affaires. Car cet heureux recul de l'échéance fatale a eu pour corollaire que l'heure de l'accélération de la dégradation a été, elle aussi, très notablement différée ! Ainsi a-t-on pu estimer, même si ce ne sont là que des approximations, que 79 ans d'aujourd'hui correspondent à peu près à 65 ans de 1936. C'est dire que les schémas classiques, y compris juridiques, ne correspondent souvent plus, et de loin, à ce qui a été construit pour une autre société ne connaissant pas ce phénomène de "vieillesse de masse". Sans doute disposons-nous d'un système élaboré de protection des majeurs, avec la sauvegarde de justice, la tutelle et la curatelle. Mais, ayant tout prévu pour les cas d'altération des facultés mentales et lorsqu'il y a nécessité d'une représentation ou d'une assistance continue, il n'est heureusement pas d'application générale et n'a pas vocation à une extension au-delà du strict nécessaire. Telles ont été en tout cas les conclusions du groupe de travail interministériel que j'ai eu l'honneur de présider de juin 1999 à avril 2000. Respect de la dignité de la personne, préservation maximale de sa capacité, prééminence de ses intérêts et de son bien-être, fût-ce par une gestion et une utilisation de ses biens qui ne soit pas prioritairement tournée vers leur sauvegarde au profit de la famille, tels apparaissent les principes fondamentaux d'une meilleure protection des majeurs que devrait assurer le recadrage proposé de l'institution judiciaire sur sa mission de garant des libertés. A quoi s'ajoutent la mise en place d'une formation des personnes chargées d'exercer les mesures de protection et un meilleur contrôle des comptes de gestion des majeurs. Tout cela en parfaite harmonie avec la Recommandation du Conseil de l'Europe du 23 février 1999 à ce sujet. Bien que ce projet de réforme ait fait l'objet d'une communication au Conseil des ministres le 30 janvier 2002, le projet de loi correspondant n'a pas encore été déposé. Ce n'est sans doute que partie remise mais, du coup, même la très modeste réforme qui aurait permis au juge des tutelles d'autoriser les personnes sous tutelle en mesure de le faire à exercer seules leur droit de vote n'a pas vu le jour. Alors qu'elle avait été votée au sénat, à l'unanimité et avec l'accord du Gouvernement, dès le 23 novembre 1999 ! Cependant, même si cette réforme n'a que trop traîné en longueur, elle ne saurait épuiser le sujet, tant il est vrai que le respect des droits de la personne et la protection de celles qui sont vulnérables ne sauraient-être cantonnés aux domaines de la tutelle et de la curatelle. C'est ce qui explique que l'on ait vu fleurir des circulaires telles que celle du 26 août 1997 relative à la prévention et au traitement des violences et des maltraitances au sein de l'Education Nationale, ou celle du 3 juillet 2001 concernant les institutions sociales et médicosociales accueillant des mineurs ou des personnes vulnérables. 16 / 92 Les ingrédients en sont bien connus : c'est la mise en œuvre d'un contrôle accentué des structures, le renforcement de la vigilance nécessaire au niveau du recrutement des professionnels intervenants, l'information des personnes accueillies et l'accompagnement des victimes de violences ou de maltraitance. Plus généralement, la récente réforme relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, par la loi du 4 mars 2002, vient de réaffirmer les droits de la personne à la protection de sa santé, au respect de sa dignité, au soulagement de sa douleur, et à la mise en œuvre par les professionnels de santé "de tous les moyens à leur disposition pour assurer à chacun une vie digne jusqu'à la mort". Désormais, "lors de toute hospitalisation dans un établissement de santé", il doit être proposé au patient de désigner "une personne de confiance", qui peut être un parent, un proche ou le médecin traitant, pour qu'elle soit consultée au cas où l'intéressé serait "hors d'état d'exprimer sa volonté et de recevoir l'information nécessaire à cette fin". S'il s'agit d'une personne placée sous tutelle, il revient au juge des tutelles de confirmer la mission de la personne de confiance déjà désignée, ou de la révoquer. On le voit, lorsqu'une mesure de protection juridique a été ordonnée, on en retrouve naturellement les organes et le jeu institutionnel. En dehors de ce cadre, tous les professionnels ou institutions concernés ont une mission générale à cet égard et ne sauraient s'en abstraire. De même qu'il convient de faire en sorte d'assurer une meilleure protection de ceux qui en ont besoin, quoique capables de rester seuls à leur domicile (ce qu'il convient d'ailleurs de favoriser, dans l'intérêt général, avec la nécessaire professionnalisation des aidesménagères et le contrôle que cela implique). Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, permettez-moi de conclure en soulignant que le respect de la personne ne s'arrête pas à un âge quelconque. Et que l'on ne cesse pas d'être citoyen lorsqu'on devient vieux de corps et d'esprit. Même s'il est vrai, comme le disait Erasme en 1508 dans son Eloge de la Folie (il avait alors 41 ans et mourut à 69 ans), que "plus on vieillit, plus on se rapproche de l'enfance, jusqu'à ce que l'on s'éteigne, comme l'enfant, sans regretter la vie, sans redouter la mort". Merci. Robert HUGONOT Je remercie les trois premiers orateurs et une première période de discussions va donc commencer. Nous allons essayer de la limiter à une vingtaine de minutes. La parole est maintenant à vous. Intervention d'un participant Je voudrais poser une question à Monsieur VERON. Je crois que l'on peut voler sa grandmère sans avoir d'ennuis judiciaires, qu'il y a une certaine ambiguïté, qu'il y a une certaine impunité, une immunité familiale qui peut entretenir quand même une forme de violence. Je voudrais avoir un éclaircissement sur cet aspect, Monsieur le Doyen. Michel VERON C'est ce que l'on appelle l'immunité familiale. L'immunité familiale signifie que lorsqu'il y a relation familiale entre l'auteur et la victime, l'infraction n'existe pas, elle est couverte par 17 / 92 cette immunité. Le Code Pénal prévoit l'immunité familiale pour un certain nombre d'infractions, le point de départ en est le vol entre époux. Cette immunité provient de la difficulté à prouver ce qui est à toi de ce qui est à moi en raison de la communauté de vie et donc du doute sur la possession. En réalité, le texte a été étendu par la jurisprudence puis par le Code Pénal nouveau à d'autres infractions comme l'escroquerie et d'autres infractions en matière d'atteinte aux biens. Mais il existe aussi une immunité en matière de dénonciation, car on revient à la question évoquée tout à l'heure de l'effectivité de la loi pénale. Or l'effectivité de la loi pénale dépend du point de savoir si les juridictions pénales vont être informées des faits susceptibles de tomber sous le coup de la loi pénale. Alors comment en sont-ils informés ? Je crois qu'ici il faut distinguer entre la maltraitance physique et l'atteinte au patrimoine. En deux mots, l'atteinte au patrimoine, et cela explique pourquoi je vous disais tout à l'heure que la jurisprudence ne fait état que d'affaires d'atteinte au patrimoine, c'est parce que ce sont les héritiers qui sont les victimes. Victimes de l'entourage de la personne âgée, qui a fait main basse sur sa fortune. Les héritiers découvrant cela portent plainte. Pour les maltraitances physiques, la question est plus délicate, parce que finalement, ceux qui sont au courant, c'est l'entourage qui sont les auteurs des infractions et qui ne vont pas se dénoncer eux-mêmes. Il existe là aussi une certaine immunité. On ne peut pas imposer au mari de dénoncer sa femme ou à la femme de dénoncer son mari. Aujourd'hui d'ailleurs, l'extension par le nouveau code pénal porte aussi sur ceux qui vivent en communauté de vie, donc les couples non mariés. Je signale que le texte ne vise pas les personnes pacsées et que la loi pénale étant en interprétation stricte, on ne peut pas appliquer aux personnes pacsées ce qui est appliqué aux personnes mariées et que d'ailleurs la loi sur le PACS prend bien soin dans le code civil de définir le PACS comme un contrat totalement différent du mariage. Donc tant que la loi ne l'aura pas dit, avec le PACS cela ne marche pas. Il y a donc des immunités qui sont des immunités familiales prévues par des textes qui ne peuvent pas sanctionner pénalement le défaut de dénonciation lorsqu'il y a ce lien familial qui est entre ascendants et descendants et conjoints. Le texte dit "sauf s'ils sont séparés de corps bien entendu ou autorisés à vivre séparément. Donc entre couple marie et femme, parents et enfants. Pas seulement le vol, mais aussi la non-dénonciation de crimes, de délits, d'atteintes. Et lorsque la personne liée par le lien familial est l'auteur de l'infraction, elle ne veut pas non plus être poursuivie. Tout cela limite l'effectivité de la loi pénale. Intervention d'une participante Ma question porte sur la différence que je comprends très mal entre tutelle aux biens et la tutelle à la personne. C'est une situation qui ne concerne pas seulement les personnes âgées, bien entendu. Jean FAVARD Lorsqu'on lit le code, on y trouve surtout la conception ancienne qui était plutôt une tutelle aux biens. Mais, il y a déjà dix ans que la cour de cassation a dit que cela ne se limite pas aux biens, mais concerne aussi la personne. Mais c'est la cour de cassation qui l'a dit, pas le législateur. Cela ne suffit plus. Aujourd'hui, que ce soit la recommandation européenne ou que ce soient les propositions que nous avons, on met à égalité biens et personnes. C'est pour cela qu'est proposé une visite régulière, d'entendre aussi la personne. Il ne faut plus séparer biens et personnes ; et même, à la limite, maintenant la personne vient avant les biens. Ce qui veut dire par ailleurs que cela aura un coût. Parce que la professionnalisation et une mission plus large se traduiront par un coût plus élevé pour une protection meilleure et plus respectueuse 18 / 92 des droits de la personne. Donc attendez-vous, si j'ose dire, à ce que la personne vienne au centre, et c'est normal puisque c'est sa liberté que l'on protège, c'est elle dont on veut éviter la maltraitance, la question des biens étant dès lors en passe de venir après. Brigitte LEFEBVRE Monsieur le Conseiller, je voudrais compléter un petit peu cette question, parce qu'ayant exercé les fonctions de Juge des Tutelles pendant de nombreuses années, un peu comme Philippe DARRIEUX, j'ai été bien-sûr confrontée à ces problèmes de protection de la personne, voire de tutelle à la personne. Je pense que bien-sûr la protection de la personne est une création jurisprudentielle, mais qu'elle est quand même inscrite dans les textes puisque le premier rôle du tuteur est de protéger la personne. C'est donc bien inscrit dans le code civil et je me suis toujours appuyée sur cette définition au-delà des décisions de la Cour de cassation. Mais qu'en est-il dans les projets de texte de la tutelle à la personne, c'est à dire des décisions qui pourront être prises concernant la personne à son insu si elle est totalement hors d'état de manifester sa volonté ? C'est une situation qui n'est pas rare dans le cas de personnes âgées, qu'il s'agisse d'une entrée en établissement, d'une intervention chirurgicale ou autre décision très importante et je crois que nous sommes très souvent confrontés à ce genre de problème, alors comment le projet de loi intègre-t-il ces problèmes ? Jean FAVARD Lorsque la personne ne peut plus du tout exprimer sa volonté, il faut bien que quelqu'un le fasse à sa place. C'est en ce sens que le référent doit donner cet avis pour elle. Tout le problème est d'avoir une garantie suffisante, que l'on se soit bien assuré que telle est bien, et qu'il y ait un contrôle de la part des juges pour le cas où il y aurait des abus. Je vous ai parlé tout à l'heure de cette nouvelle institution de la personne de confiance qui est désignée. On entre là dans le cadre de la situation, qui est déjà dans la loi 2002, de ce qu'on appelle la démocratie dans l'hôpital par la nomination d'une personne de confiance à qui on demandera, si la personne ne peut plus s'exprimer, de répondre à sa place. Etant observé que le juge pourra la révoquer en cas de tutelle ou que l'on pourra saisir le juge pour dire que cette personne de confiance ne mérite plus la confiance, etc. Nous-mêmes, dans nos propositions, nous avions suggéré de créer "le mandat sur incapacité future". Au lieu de la situation actuelle, où l'on peut donner mandat mais dès qu'il y a incapacité on en est réduit à provoquer une mesure de tutelle, lorsqu'on serait en pleine possession de ses moyens et de sa santé mentale et physique, on désignerait d'avance une personne. On ferait un mandat sur incapacité future : "lorsque je serai incapable, ce sera telle personne qui sera mon mandataire et qui continuera à être mandataire d'une manière très large". Sous réserve bien entendu qu'elle ne soit pas devenue un mandataire infidèle et que de nouveau on saisisse le juge. Les dispositions envisagées à cet égard sont de nature à permettre à la fois de bien s'assurer que l'on ait fait tout ce que l'on pouvait, compte tenu de l'état de la personne, pour respecter sa volonté, à défaut de quoi il faut bien qu'il y ait un référent, mais qui doit être sous contrôle. Ce sont évidemment des problèmes délicats parce qu'il n'y a pas de réponse claire et universelle. Je cite souvent cet exemple qui m'a toujours paru si caricatural, que je me suis procuré le jugement tant je n'en croyais pas mes yeux : un juge a été saisi, sur le rapport d'une assistante sociale, pour demander qu'on enlève toutes les dents d'une personne qui mordait, notamment le personnel médical, comme si cela était plus grave de mordre le personnel médical que d'autres personnes. L'on reste perplexe devant de telles requêtes. Le juge a répondu que ce n'était pas prévu par la loi, ce qui montre que les juges servent quand même à quelque chose, et qu'il fallait trouver d'autres solutions pour résoudre un tel problème. 19 / 92 Intervention d'une participante Je fais partie d'un service de soins à domicile et je voudrais savoir comment se fait le recrutement, je ne sais pas si le terme est bien approprié, des tuteurs. Sur quels critères est-on tuteur et comment les paie-t-on ? Jean FAVARD Notre rapport a largement développé ces deux questions. A l'heure actuelle, le recrutement se fait d'une manière spontanée. Une certaine professionnalisation résulte du fait que des associations se sont constituées, qu'il y a des groupements qui au fil du temps sont devenus suffisamment professionnels. Il y a aussi de grands organismes qui sont spécialisés en la matière. La diversité est extrême. Notre idée est de dire que puisqu'il faut une inscription sur une liste des personnes qui vont exercer une tutelle, puisque c'est sous le contrôle des juges, il convient d'établir une liste nationale. Et l'on ne peut pas être inscrit sur une liste si l'on n'a pas un certificat national de compétence. Actuellement, il y a deux systèmes, l'un est obligatoire, l'autre ne l'est pas. Une seule formation obligatoire est à prévoir pour tous sans pouvoir être inscrit sur la liste si l'on n'a pas cette formation. Je mets à part les mesures transitoires qu'il faudrait prendre pour ceux qui travaillent actuellement. Mais il me semble qu'ainsi on arrivera forcément à la professionnalisation et au contrôle sur l'ensemble du territoire. Bien-sûr cela aura des conséquences sur le financement, surtout si l'on a une mission plus large. Un service se paie au coût du service. Une grande discussion demeure : faut-il payer à l'acte ou avec une enveloppe globale ? Chaque système a ses avantages et ses inconvénients. Actuellement, c'est un coût à l'acte, et quand c'est le gouvernement qui doit payer, il paie très peu. On se rattrape donc par le nombre, parfois avec des astuces de calcul extrêmement critiquables sur lesquelles les juges ferment les yeux parce qu'ils ne peuvent pas faire autrement, sinon rien ne marcherait. C'est pourquoi nous disons : un seul système, un coût unique applicable pour tout le monde. L'usine à gaz existante doit cesser d'être une usine à gaz pour devenir un système cohérent. Puisque nous nous engageons dans une démarche à long terme on sait bien que l'on aura assez de vieillards, même s'ils seront mieux conservés et que leur affaiblissement sera plus tardif. Il faut une vision cohérente. Notre société cherche des emplois désespérément. Ici, on peut en trouver, et c'est dans l'intérêt de tout le monde. Car cela peut permettre de maintenir les personnes à domicile, à un coût moins cher à la société que des hospitalisations ou hébergement en maisons spécialisées. Intervention d'une participante Je me permets de réagir par rapport à ce que vient de dire Monsieur FAVARD, puisque je suis moi-même responsable d'un service dans une association tutélaire. J'aurais souhaité que Monsieur FAVARD fasse la différence entre les gérants privés et les délégués à la tutelle qui sont recrutés dans les associations et qui sont eux des professionnels du travail social ou des juristes. Cela me paraissait quand même important de le dire. Les gérants privés sont inscrits sur une liste et habilités par le Procureur, c'est le Procureur qui les choisit après enquête. Les personnes qui gèrent des tutelles dans les associations sont des travailleurs sociaux, des éducateurs, des assistantes sociales, des conseillères en économie sociale et familiale, ou des juristes qui ont tous Bac+3. Ce qui est quand même une différence avec des gérants privés qui finalement peuvent déposer un dossier sans montrer patte blanche ou sans avoir une formation spécifique. 20 / 92 Jean FAVARD Comment répondre à une question aussi complexe ? L'ennui naquit un jour de l'uniformité diton. Il faut se garder de tout dogmatisme, il y a des gens qui travaillent bien et d'autres mal dans tous les systèmes. Comme il y a hélas des malhonnêtes partout, mais heureusement il n'y a pas que des malhonnêtes. On n'évitera jamais les accidents et il n'y a pas de système idéal. Mais un système englobé dans une association qui a plus de moyens financiers, plus de possibilités de professionnaliser, donne quand-même un peu plus de sécurité, surtout s'il y a ensuite un bon contrôle des comptes. L'on abandonne les mauvaises pratiques, comme les comptes pivot. Nous avons demandé cela d'une manière instante, parce que ces comptes pivot permettaient de faire fonctionner au profit des associations les comptes des personnes sous tutelle. Les assurances m'avaient proposé des assurances vie. Il y a là tout un halo économique un peu dangereux par les tentations qu'il offre, c'est pourquoi il m'importe qu'il y ait une règle de base de formation, de compétences et que tout le monde soit à égalité, qu'il soit dans un système privé ou public. Lorsqu'il reçoit une mission de l'autorité judiciaire, il est délégué à la protection de cette personne pour une tutelle, pour une curatelle, et cela sous le contrôle du juge. Il n'est pas propriétaire de cette personne. Peu importe quel est son statut, mais on lui demande pour être inscrit qu'il ait au moins le certificat national de compétence. Brigitte LEFEBVRE Je voulais juste ajouter que le personnel des associations a une formation sociale importante, mais il n'est pas non plus certain qu'il ait toute la compétence suffisante pour gérer par exemple des fortunes, des patrimoines financiers très importants et il est vrai qu'il y a aussi, peut-être plus rarement, des personnes qui demandent pour la gestion de leurs affaires, des tuteurs qui ont une très grande compétence en matière de gestion financière par exemple, en tout cas une compétence suffisante pour pouvoir discuter avec les banques et les gestionnaires. Vous voyez donc, c'est pour confirmer ce que dit Monsieur le Conseiller FAVARD, les juges ont besoin d'une diversité de formations. Intervention d'une participante Je travaille dans une maison de retraite, je voulais évoquer un problème. Dans un établissement de 135 lits, il y a un gérant de tutelle qui gère 40 dossiers de résidents de l'établissement, c'est une personne qui exerce d'autres fonctions dans l'établissement et je trouve que cela pose deux problèmes. A un moment donné, pour certaines décisions, il se trouve à la fois juge et partie, personnel de l'établissement et tuteur des résidents, et ensuite c'est une tutelle qui est gérée de très loin parce que 40 dossiers, je pense que pour être près de la personne c'est très difficile. Jean FAVARD Cela veut dire quoi, 40 dossiers ? Les juges en ont beaucoup plus que cela. Quelquefois un seul dossier suffit à vous troubler pendant des années, les gestions ne sont pas toutes les mêmes. Si c'est une personne qui a une toute petite pension de rien du tout il est peut-être plus 21 / 92 important d'aller la voir. Si l'on ajoute cette obligation, avec 40 dossiers cela fera peut-être beaucoup. Mais pour le moment, ce n'est pas le cas. Par contre une seule personne qui a une entreprise ou des immeubles, peut mobiliser énormément. Alors je me méfie un peu de ces critères par le nombre même si ce sont des arguments qui ont leur valeur. Je parlerais plutôt en termes de difficultés de contrôle, de nature du dossier à gérer. Il est certain que, normalement, il ne faudrait pas les accumuler au point que l'on ne puisse même plus les ouvrir. Cela m'est arrivé d'aller dans un tribunal, de piocher au hasard pour voir depuis quand avait été contrôlé le dernier compte. Je me suis arrêté au quatrième tellement j'étais terrifié, parce que dans le meilleur des cas cela faisait deux ans. Cela fait beaucoup deux ans sans que rien ne se passe. Ce n'était pas de la faute du juge, car il y avait une montagne de dossiers. Mais que ce soient les juges, les gérants, les médecins ou autres, il y a des gens qui travaillent plus ou moins vite, plus ou moins bien. Ce n'est pas commode à analyser. En tout cas il n'y a rien de pire que l'indifférence d'un système, une routine sans clignotant, ni contrôle. C'est cela qui est important. Pour le reste, on aura toujours des bons et des mauvais. Et il y a heureusement, plus de bons que de mauvais. Intervention d'un participant Je suis militant anti-âgisme depuis 25 ans. Je dénonce la maltraitance, je m'attaque aux pouvoirs publics qui font tout pour étouffer ce problème. J'ai prononcé le mot âgisme qu'on ne connaît pas, c'est un mot tabou, je suis sûrement en France le seul militant anti-âgisme, c'est à dire contre la discrimination des personnes âgées, contre le racisme anti-vieux selon l'expression de Monsieur HUGONOT dans le Figaro. Depuis 25 ans je cherche parmi les milliers d'associations en France, un volontaire pour venir avec moi, pour créer une association, parce que je suis une association à moi tout seul, je n'ai encore trouvé personne et j'ai 77 ans. Olivier RODAT Merci de votre engagement, Monsieur. Intervention d'un participant Je représente une association caritative qui s'occupe des personnes âgées et j'ai deux questions à poser au Professeur VERON. La première : est-ce que l'épouse d'un tuteur peut être bénéficiaire d'un testament, ce sont malheureusement des choses que nous rencontrons de temps en temps ; la deuxième : de temps en temps nous sommes légataires de personnes qui ont légué en notre faveur et on s'aperçoit que la situation est déficitaire à la suite des agissements d'aigrefins. Est-ce que, bien que nous ayons renoncé à la succession parce que le passif est trop important, nous pouvons exercer quand même une action contre ces aigrefins ? Merci. 22 / 92 Michel VERON Je ne peux pas répondre précisément à votre première question et je me tourne vers Madame LEFEBVRE. Brigitte LEFEBVRE Tout d'abord, une personne sous tutelle ne peut pas faire un testament valable, c'est déjà un premier obstacle. On voit bien qu'une personne sous tutelle qui ne peut pas gérer ses biens, ne peut pas non plus disposer de ses biens après sa mort. Là, vous parlez peut-être d'une personne sous curatelle, qui conserve une grande capacité, reconnue par le jugement, la capacité effectivement de faire un testament au profit de la personne de son choix, quelle qu'elle soit. Il n'y a aucun obstacle légal aux dispositions testamentaires que peut faire une personne sous curatelle. Michel VERON Un tel testament pourrait être attaqué comme un acte qui constitue un abus de faiblesse ou de vulnérabilité. On peut l'attaquer a posteriori, comme on peut attaquer n'importe quoi : le fait d'avoir fait souscrire par une personne vulnérable en raison de son âge, un abonnement à des livraisons périodiques de grande valeur, ou comme je l'ai vu une fois, le fait de lui avoir fait acheter une quantité astronomique de bouteilles d'un grand cru bordelais alors qu'elle ne buvait que de l'eau. C'est donc l'attaquer a posteriori comme un acte qui constitue un abus frauduleux de l'état de faiblesse. Jean FAVARD On peut malgré tout avoir des soupçons très vite sur de choses de ce genre, dès lors qu'il y a un suivi. En tout cas, si la personne veut donner ses biens, conseillez-lui de les donner à une ligue conte le cancer ou toute autre institution d'intérêt général, plutôt qu'à vous-même. Car le tuteur ne se grandit pas dans ces cas-là, même si rien n'interdit de le faire. Intervention d'une participante Je suis gérante de tutelle privée et je voudrais répondre à la personne qui était déléguée d'une association. Il faut qu'on arrête cette guerre entre associations et gérants de tutelle privés, parce que moi-même je suis une professionnelle, je ne suis effectivement pas assistante sociale mais j'ai d'autres diplômes et j'ai également fait une formation de gérant de tutelle privé de 300 heures. Par contre, on nous refuse de faire le CNC, donc j'adhère à une association de gérants de tutelle privés où l'on se bat pour qu'il existe effectivement une seule formation, unique aussi bien pour les associations que pour les gérants de tutelle privés. 23 / 92 Intervention d'une participante Je travaille au service du département du Nord et s'il y a effectivement peu de situations qui sont portées devant les tribunaux en matière de maltraitance physique, elle existe et elle commence à émerger, grâce notamment aux campagnes d'information qui commencent à être faites sur le sujet. Alors ma question est justement que fait-on aujourd'hui lorsqu'on est sollicité par une personne âgée saine d'esprit, majeure, victime de maltraitance infra familiale, maltraitance physique et financière, qui refuse de porter plainte mais qui nous interpelle, que peut-on faire aujourd'hui face à cette situation si ce n'est que signaler au Procureur de la République, mais après, une fois que l'on a fait cela, comment protéger cette personne? Olivier RODAT Je pense que la réponse à cette question va arriver sans tarder dans l'intervention de Monsieur POUILLARD. C'est important, parce qu'effectivement, après l'éclairage juridique, la référence à la loi, au texte, il y a le quotidien dans l'exercice des soins, du soignant, l'ambiguïté entre l'exigence de la confidence et puis effectivement la possibilité de prendre des initiatives et la contrainte de ne pas s'immiscer dans les affaires de famille. Toutes ces ambiguïtés, avec son talent, Monsieur POUILLARD va nous les résoudre. La maltraitance des personnes âgées et le secret médical Docteur Jean POUILLARD Vice-président de l'Ordre National des Médecins Personne n'ose chercher la vérité. Ceux qui cependant la cherchent n'osent la trouver. Ceux qui cependant la trouvent n'osent pas la dire. Ceux qui la disent ne sont pas écoutés. Ceux qui écoutent ne sont pas en mesure d'agir. Alfred SAUVY Toute maltraitance, y compris celle des personnes âgées, est une réalité et une préoccupation de santé publique, physique et mentale mais aussi sociale, avec cette particularité de n'être le plus souvent qu'une simple suspicion clinique quand elle n'est pas ignorée totalement avant d'être une évidence diagnostique, tardive et médico-légale parfois. Il n'est pas exagéré de dire que le spectre du secret de la maltraitance réside déjà dans la difficulté à la rechercher, à la reconnaître, à "imaginer" même qu'elle puisse exister !…et à oser en parler… Que faut-il entendre par maltraitance en l'absence de définition juridique ? : "toute violence physique, tout abus sexuel, toute cruauté mentale, toute négligence lourde ayant des conséquences préjudiciables sur l'état de santé de la personne, toute condition qui suppose en plus l'intervention d'un ou plusieurs tiers". 24 / 92 Situation complexe sur le plan médical dont il faut avoir pleinement conscience, incluant : 1. Un polymorphisme de violences, brutalités, sévices tant physiques, voire sexuels que moraux à type de cruauté mentale, de négligences lourdes, tout en sachant qu'il n'est pas rare de constater également chez une même personne une ou deux modalités de ces maltraitances. 2. Le milieu environnemental, familial ou de voisinage, le personnel soignant parfois. 3. La difficulté du diagnostic de maltraitance ne reposant souvent que sur des soupçons qui justifient le "dépistage" systématique d'une maltraitance. Hormis un examen clinique soigneux, il faut alors s'attacher principalement à un interrogatoire minutieux et à une écoute des soignants, en recueillant avec circonspection, les confidences de l'entourage familial et médical, les réticences de la "victime". Ce doit être une préoccupation s'appuyant sur un travail pluridisciplinaire d'équipe, impliquant tous les acteurs environnementaux : médicaux, psychosociaux et familiaux. 4. Les conditions à risques de la maltraitance : elles doivent être recherchées systématiquement. La cohabitation, souvent source de conflits en raison du vieillissement de la population amenant les enfants de 55 à 65 ans à devoir prendre en charge leurs parents âgés de plus de 80 ans, le plus souvent au moment où ils espéraient "profiter d'un espace de liberté grâce à leur retraite". Cette situation devient une charge plus ou moins bien acceptée, demandant une grande tolérance et une adaptation entre les générations. Si un vieillard désorienté tombe, perd ses urines, devient exigeant ou tyrannique parfois, venant à bout des meilleures volontés, rien n'excuse les humiliations, les insultes ou les violences à son égard, que ce soit en milieu familial ou en institution. Enfin, il faut savoir qu'il existe une "généalogie de la maltraitance", le maltraité étant lui-même antérieurement un maltraitant et la violence familiale devenant une coutume habituelle regrettable. Ce qu'il ne faut pas méconnaître, c'est que : Tous ces éléments – délaissement et vulnérabilité – doivent parvenir à la connaissance des médecins, que ce soit le médecin traitant, médecin de ville ou médecin de garde, le médecin en institution publique ou privée comme à la connaissance également de tout le personnel soignant et doivent attirer l'attention sur l'éventualité d'un "situation de maltraitance" chez ces personnes âgées, situation qui justifie de rappeler impérativement trois articles du code pénal : 1. L'article 223-3 : "le délaissement, en un lieu quelconque, d'une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique est puni…". 2. L'article 223-4 : "Le délaissement qui a entraîné une mutilation ou une infirmité permanente – ou qui a provoqué la mort – est puni…". 3. L'article 222-24 : "concernant les circonstances aggravantes, du viol d'une "personne particulièrement vulnérable, en raison de son âge, d'une maladie, d'une infirmité physique ou psychique". 25 / 92 La maltraitance ainsi suspectée ou reconnue justifie alors, dans l'intérêt du patient, un signalement, c'est à dire la description chez une personne de son état physique qu'on veut faire reconnaître (et non une dénonciation) en sachant combien il faut agir avec prudence et non sans preuve, en s'entourant de témoignages réels, pertinents et concordants, de l'écoute des soignants, de leurs confidences, qui permettent d'apprécier l'état de vulnérabilité de la personne, la réalité de la maltraitance et parfois une situation de péril imminent justifiant d'intervenir sans retard pour soustraire la victime aux sévices : moment délicat mais indispensable, nécessitant des mesures de protection, souvent en urgence (hospitalisation), le pire étant, devant la perception d'une symptomatologie clinique de maltraitance, l'installation d'un véritable mur de silence, reflet d'un tabou intolérable dont les conséquences sont de l'ordre de la responsabilité morale et individuelle du praticien. Faut-il rappeler qu'il n'y a pas de fatalité dans ce domaine, que se taire c'est laisser faire, jusqu'au suicide parfois et dans l'indifférence générale souvent… ? LE SIGNALEMENT : il s'impose en tant qu'obligation morale, déontologique et juridique, d'assistance et de solidarité à l'égard des personnes les plus vulnérables. a. Soit la victime est "capable " d'agir personnellement en portant plainte : le médecin rédige alors sur sa demande à l'appui de sa plainte, conformément aux dispositions de l'article 4 du code de déontologie médicale concernant le secret professionnel, un certificat détaillé, en notant les constatations médicales observées, dans les formes habituelles d'un certificat objectif pour coups et blessures, en fixant une durée d'incapacité totale de travail (ITT) en fonction de la durée d'incapacité éprouvée pour les gestes de la vie courante. Le médecin se gardera de tout commentaire, d'allusions à des faits ou à des circonstances dont il n'a pas été témoin, et se gardera notamment de mentionner l'auteur – réel ou présumé – des sévices, que celui-ci en ait fait l'aveu au médecin ou qu'il ait été désigné par la victime ou un tiers : cette révélation étant exclusivement réservée au domaine de l'autorité judiciaire. Les doléances ou les "dires" ne peuvent être rapportés qu'avec la plus extrême réserve, en prenant soin de mentionner entre guillemets l'origine de ces propos, de sorte qu'ils ne puissent être attribués qu'à leur auteur et à lui seul et qu'il n'y ait pas la moindre équivoque attribuable au médecin rédacteur du certificat (art. 4 et 28 du code de déontologie médicale concernant les rapports tendancieux ou de complaisance). Ce certificat sera remis exclusivement en main propre au patient et non à un tiers, quel qu'il soit : parent, proche, juge, avocat, condition indispensable au respect du secret professionnel. b. Soit la victime est dans "l'incapacité d'agir", par peur, par indifférence, psychique ou non, tout contexte qui ne lui permet pas de se protéger elle-même et de prendre en charge le dépôt d'une plainte : Il appartient alors au médecin de procéder à un signalement aux autorités médicales administratives du département (médecin inspecteur DDASS) ou, en cas d'urgence, au Procureur de la République en sachant que cette intervention est réalisable de jour comme de nuit. Ce signalement, rédigé par lettre ou par certificat dans les mêmes conditions d'établissement que précédemment, doit se conformer aux dispositions du code de déontologie médicale, du code pénal, du code de santé publique, relatives au secret professionnel : 26 / 92 1. Les dispositions du code de déontologie médicale : • Article 2 : "Le médecin, au service de l'individu et de la santé publique, exerce sa mission dans le respect de la vie humaine, de la personne et de sa dignité". • Article 4 : "Le secret professionnel, institué dans l'intérêt des patients, s'impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi. Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l'exercice de sa profession, c'est à dire non seulement ce qui lui a été confié mais aussi ce qu'il a vu, entendu ou compris". • Article 9 : "Tout médecin qui se trouve en présence d'un malade ou d'un blessé en péril ou, informé qu'un malade ou un blessé est en péril, doit lui porter assistance ou s'assurer qu'il reçoit les soins nécessaires". • Article 28 : "La délivrance d'un rapport tendancieux ou d'un certificat de complaisance est interdite". • Article 44 : "Lorsqu'un médecin discerne qu'une personne auprès de laquelle il est appelé est victime de sévices ou de privations, il doit mettre en œuvre les moyens les plus adéquats pour la protéger en faisant preuve de prudence et de circonspection. S'il s'agit d'un mineur de quinze ans ou d'une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique il doit, sauf circonstances particulières qu'il apprécie en conscience, alerter les autorités judiciaires, médicales et administratives (DASS)". L'accord des intéressés n'est pas nécessaire (code de déontologie médicale art.10). • Article 69 : L'exercice de la médecine est personnel ; chaque médecin est responsable de ses décisions et de ses actes. 2. Les dispositions du code pénal : conformément aux dérogations inscrites dans les textes (loi du 15 juin 1971, loi du 22 juillet 1992 mise en application en 1994, loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002): • Article 223-6 : "quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l'intégrité corporelle de la personne s'abstient volontairement est puni… Sera puni des mêmes peines quiconque s'abstient volontairement de porter à une personne en péril l'assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours". • Article 226-13 : "la révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 100.000 F d'amende". • Article 226-14 : "L'article 226-13 n'est pas applicable dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret. En outre il n'est pas applicable : 27 / 92 - A celui qui informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives de sévices ou privations dont il a eu connaissance et qui ont été infligés à un mineur de quinze ans ou à une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique ; - Au médecin qui, avec l'accord de la victime, porte à la connaissance du procureur de la République les sévices qu'il a constatés dans l'exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences sexuelles de toute nature ont été commises. - Aucune sanction disciplinaire ne peut être prononcée du fait du signalement de sévices par le médecin aux autorités compétentes dans les conditions prévues au présent article. • Article 434-3 : "Le fait pour quiconque ayant eu connaissance de mauvais traitements ou privations infligées à un mineur de quinze ans ou à une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d'une maladie, d'une infirmité, d'une déficience physique ou psychique ou d'un état de grossesse, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives, est puni… Sauf lorsque la loi en dispose autrement, sont exceptées des dispositions qui précèdent les personnes astreintes au secret dans les conditions prévues par l'article 226-13. 3. Les dispositions du code de la santé publique : • Article L. 4124-6 : les peines disciplinaires que le Conseil régional peut appliquer, etc… "lorsque l'instance disciplinaire est informée de l'engagement, à la suite d'un tel signalement, de poursuites pénales pour violation du secret professionnel ou toute autre infraction commise à l'occasion de ce signalement, elle sursoit à statuer jusqu'à la décision définitive de la juridiction pénale". EN PRATIQUE : La question revient, pour le médecin, ou pour quiconque, à connaître les conditions d'un signalement, dans l'intérêt des victimes, aux autorités sanitaires et judiciaires, des maltraitances et privations constatées, sans violation du secret professionnel. 1. Dans un premier temps, la réponse se trouverait dans l'article 434-3 alinéa 2 du code pénal, lequel, dans ses dispositions, justifie pour quiconque l'information sous forme de "signalement" aux autorités judiciaires ou administratives, des mauvais traitements et privations infligées aux personnes atteintes de déficiences physiques ou psychiques, sous réserve que "sont exceptées des dispositions qui précèdent les personnes astreintes au secret dans les conditions prévues à l'article 226-13", lequel article précisément concerne le secret professionnel auquel il convient de se référer. C'est ainsi que la chambre criminelle de la Cour de Cassation (arrêt du 8 octobre 1997) a précisé que "les personnes astreintes au secret professionnel sont exceptées de l'obligation d'informer les autorités judiciaires ou administratives des cas de maltraitance ou de privation dont elles ont connaissance, sauf lorsque la loi en dispose autrement". La loi qui en dispose autrement est l'article 226-14 du code pénal qui dispose que l'article 226-13 relatif au secret professionnel 28 / 92 • "n'est pas applicable dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret", • "n'est pas applicable à celui qui informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives de sévices ou privations dont il a eu connaissance…", • "au médecin qui, avec l'accord de la victime, porte à la connaissance du procureur de la République les sévices qu'il a constatés dans l'exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences sexuelles de toutes natures ont été commises", • "aucune sanction disciplinaire ne peut être prononcée du fait du signalement de sévices par le médecin aux autorités compétentes dans les conditions prévues au présent article". Autrement dit, le médecin n'est pas tenu de signaler les sévices dont il a eu connaissance, mais s'il procède à un signalement, il ne sera pas poursuivi sur le plan pénal pour violation du secret professionnel : il s'agit là d'une dérogation légale au secret professionnel, permise par la loi. La responsabilité d'un signalement ou non est ainsi laissée par le code pénal à la libre appréciation du médecin. 2. Par contre, le médecin ne saurait en aucun cas, déroger aux dispositions de l'article 44 du code de déontologie médicale rappelant : • "dans le cas de personne victime de sévices ou de privations, le médecin doit mettre en œuvre les moyens les plus adéquats pour la protéger et il doit, sauf circonstances particulières appréciées en conscience, alerter les autorités judiciaires, médicales ou administratives", sous couvert des dérogations légales au secret professionnel (cf. plus haut article 226-14 du code pénal). 3. L'appréciation de sévices et de leurs conséquences doit tenir compte des deux dispositions, pénale et déontologique, concernant la notion de "non assistance à personne en danger" que rappellent : • l'article 223-6 du code pénal et l'article 9 du code de déontologie en rapport avec l'obligation faite au médecin, à l'égard des victimes, de leur porter secours et de prendre les mesures indispensables à préserver leur état de santé, rien n'empêchant bien entendu d'envisager à la fois le signalement et (ou) l'hospitalisation d'urgence. • En cas de violences sexuelles, l'article 222-23 et 222-24 du code pénal concerne le viol sans consentement caractérisé et le viol d'une personne vulnérable en raison de son âge, d'une maladie, d'une déficience physique ou psychique. L'article 226-14 du code pénal autorise la révélation des violences sexuelles avec l'accord de la victime aux autorités concernées, sans poursuite pour violation de secret professionnel. De plus, s'agissant de violences sexuelles infligées à une personne n'étant pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique, la révélation peut être faite aux autorités concernées, l'accord de la victime n'étant pas indispensable. Mais le médecin reste passible de sanctions disciplinaires si 29 / 92 des griefs concernent les circonstances et la manière dont le signalement a été fait : affirmation non vérifiée, absence d'examen, désignation nominale de "coupables supposés", conformément à l'article 4 et 28 du code de déontologie). Mais, on n'insistera jamais assez pour dire que lors de sévices et privations suspectées, les conditions de la rédaction du signalement destiné à la connaissance des autorités judiciaires, médicales ou administratives doivent être réelles, pertinentes et concordantes, et ne sauraient, en aucun cas, mentionner l'auteur, parfois seulement "présumé" de sévices (art.4 du code de déontologie médicale), cette révélation relevant uniquement de l'enquête de l'autorité judiciaire. Le signalement aux autorités prévues par la jurisprudence en cas de maltraitance est un acte qui engage la responsabilité du médecin (art.69 du code de déontologie). C'est un acte qui s'impose en cas de suspicion avérée de sévices et privations ou du risque de survenue d'un véritable "syndrome de menace" de maltraitance, sans méconnaître que soient respectées avec rigueur les dispositions du code pénal et celles établies par le code de déontologie médicale en matière de secret professionnel, de confidentialité, de respect de la personne malade comme de l'assistance à tout sujet en danger. Olivier RODAT Merci Monsieur POUILLARD. Vous avez donc abordé le problème particulier de l'exigence de la confidentialité dans le domaine du médecin, mais je crois que les interventions de la salle vont élargir le débat à un problème qui est plus quotidien, qui est grave, qui est celui du soignant non-médecin par rapport non seulement au signalement mais surtout à l'initiative qu'il doit prendre. Je rappelle, sous contrôle d'un doyen de la faculté de droit et en francs parce que je ne connais pas la valeur en euros, mais je crois que l'abstention fautive de porter assistance à personne en danger, c'est cinq ans de prison et 500.000 F d'amende ; la violation du secret professionnel, c'est un an de prison et 100.000 F d'amende, donc en fonction de vos ressources, vous choisissez, vous choisissez en fonction des sanctions ; tant il est vrai que la conduite de tout un chacun n'est pas motivée et animée par la peur de la sanction, mais par l'idée forte et supérieure de rendre service et de porter assistance à quelqu'un. Alors nous allons tout de suite passer la parole à la salle, parce qu'il y a des questions. 30 / 92 Intervention d'une participante Je voulais poser une question concernant le signalement des maltraitances, pas physiques, ni psychologiques, mais par exemple la kiné qui vient dix minutes et qui dit "je n'ai pas le temps" et qui repart, l'aide ménagère qui ne fait pas le repas correctement et qui dit "je n'ai pas le temps", toujours "je n'ai pas le temps", et la curatrice qui n'a pas le temps d'aller acheter des caleçons, des choses comme cela. Mais là, que peut-on faire ? Si l'on essaie d'intervenir et de faire que cela s'arrange – je suis bénévole – d'abord on empiète sur le terrain de la curatrice et cela ne lui plaît pas du tout et ensuite il y a toujours le risque que cela se retourne contre la personne âgée, alors comment faire ? Jean POUILLARD Je vais vous répondre en tant que médecin, je n'ignore pas l'impact que cela peut avoir dans un milieu de soignants, mais ce qui compte, c'est quand même – en dehors de l'urgence, mais l'urgence prime le droit – l'état de santé du patient, et c'est lui qui doit dominer sur toute autre considération. Olivier RODAT Je pense qu'il y a des institutions dans lesquelles il y a des dysfonctionnements, cela ne relève pas forcément d'une solution pénale. Il faut peut-être que chaque institution regarde ellemême ses propres dysfonctionnements et les règles avant de demander à justice de les régler. Intervention d'un participant Je suis praticien hospitalier, chef de service de gériatrie dans un centre hospitalier général et également médecin agréé pour les tutelles. Alors de deux choses l'une : soit on reçoit une ordonnance du juge qui nous demande de voir une personne et on renvoie notre compte rendu au juge et là il n'y a pas de problème, soit la personne elle-même vient à sa propre demande nous voir, elle a eu la liste des médecins agréés auprès du tribunal d'instance, pour faire une demande de protection. En général, c'est un membre de la famille qui l'amène et le juge nous demande de rendre notre rapport non pas directement à lui, mais à la personne qui demande la tutelle. En général ce rapport est adressé à la famille, à la personne qui fait effectivement la demande. C'est très embêtant, parce que sur le plan du secret professionnel, qu'en est-il ? Brigitte LEFEBVRE Je pense que vous soulevez un problème qui est lié à la procédure prévue par le code civil, mais qui se heurte aux règles du secret médical. Quand c'est la personne elle-même qui demande la protection, il n'y a aucun problème, mais quand c'est la famille qui fait une requête, cette requête doit effectivement être accompagnée du certificat médical dont vous parlez. Il m'apparaît qu'il y a un problème évident pour la personne de secret professionnel, de secret médical, mais je ne vois pas quelle est la solution apportée par le code civil à cette situation. Qu'en pense Monsieur FAVARD ? 31 / 92 Jean FAVARD Dans ce cas là, il faut un certificat médical qui explique que la personne est dans une situation mentale telle qu'elle a besoin d'une protection continue pour les actes de la vie civile. Encore faut-il que le médecin le dise. S'il ne dit pas cela, la requête devrait être rejetée par le juge. Car on ne peut saisir le juge sans fournir les éléments fondamentaux, qui permettent de justifier la mesure. Il est vrai que le juge peut ordonner une expertise, mais cela a un coût. Nous avons consulté l'Ordre des médecins qui nous a dit à très juste titre que c'était un peu délicat que le médecin soit choisi par la famille et honoré par elle. Nous avons cependant proposé au gouvernement de conserver ce système qui a l'avantage de la simplicité pour les cas les plus évidents. Mais il faut, pour le moins, dire pourquoi on demande une mesure de tutelle, c'est à dire que la personne est incapable de se gérer seule, car c'est fondamental. D'autre part, si la famille est en demande, au lieu de désigner elle-même le médecin, elle pourrait s'adresser au procureur qui choisirait le médecin. Dès lors ce serait l'Etat qui payerait le certificat. Intervention d'une participante Pour apporter un élément de réponse, étant dans la même situation que mon confrère, je n'envoie jamais le certificat détaillé à la famille. La famille a bien été s'adresser à un tribunal, le juge ou le tribunal a effectivement donné la liste des médecins experts auprès du procureur de la République, cela n'empêche quand-même pas, même si l'on est sollicité par la famille, d'envoyer le certificat médical complet au juge et non pas à la famille. Intervention d'un participant On a bien compris que la loi pénale cherchait, en matière de secret médical, à clarifier un petit peu la position du médecin pris entre l'obligation de signaler et les réserves du code de déontologie, mais l'article 226-14 dans son alinéa 2 indique bien que le médecin a cette levée du secret professionnel avec l'accord de la victime. Je voulais faire préciser quelle était la portée réelle de cet alinéa et si on se situait bien là uniquement dans des situations où il y avait l'accord de la victime. Et quand il n'y a pas l'accord de la victime, notamment dans le cadre de violences intra familiales, comment les choses se passent-elles pour le médecin ? Olivier RODAT Je vais faire un embryon de réponse : La deuxième partie de l'article 226-14, qui concerne exclusivement le problème des violences sexuelles, suppose le consentement de la personne, donc qu'elle soit apte à consentir, donc qu'elle soit majeure, un sujet incapable majeur est apte à consentir, donc le problème ne se pose pas. Je voudrais dire, pour bien comprendre l'esprit de la loi, qu'en matière de sévices et maltraitance à la personne âgée, le soignant se trouve devant une situation qui est clarifiée, comme pour les sévices aux enfants. La notion de secret s'estompe et le soignant est placé devant un choix. Soit pour des raisons personnelles qui sont liées à sa conscience il préfère ne rien dire et ne pas prendre d'initiative, soit au contraire il prend des initiatives. Mais comme l'a très bien dit Monsieur POUILLARD, nous n'avons pas d'obligation de dénonciation, cela n'a jamais été 32 / 92 écrit dans la loi, nous avons un devoir de signalement parce que notre situation de soignants est telle que nous avons plus que les autres la possibilité de repérer la maltraitance, nous avons plus que les autres la possibilité de l'identifier, nous avons accès au corps du malade et donc nous pouvons les repérer, et c'est en fonction de cela que la société exige de nous des initiatives parce que notre devoir est un devoir d'assistance. Mais il ne s'agit pas d'un devoir de dénonciation, c'est un devoir d'initiative pour porter assistance à la personne. Je crois que c'est très important. L'idée du secret s'estompe, n'est pas un argument pour stopper l'initiative, mais au contraire une barrière qui s'effondre pour ouvrir le champ des initiatives. Et là, toutes les initiatives sont les plus larges possibles, autorités médicale, judiciaire ou administrative. Je rappelle qu'effectivement, à la DDASS, il y a un médecin inspecteur de la santé qui est un partenaire de choix dans ces circonstances, il y a éventuellement l'Ordre des Médecins, et ultérieurement, en cas de danger gravissime, il y a le Procureur de la République, mais cela ne nous appartient pas. Nous, nous devons, s'il y a un problème, apporter la preuve que nous avons perçu le danger et que nous avons pris des initiatives qui, dans ces circonstances, nous paraissaient les mieux adaptées, parce que peut-être voulons-nous privilégier le lien qui nous relie à la famille et ne pas le rompre par des initiatives malencontreuses. Michel VERON Je voudrais apporter un petit complément à ce qui vient d'être dit sur ce sujet des relations entre le signalement et la dénonciation et le secret professionnel. Car la question est l'une des plus compliquées qui puissent se présenter en droit pénal pour la raison suivante : il y a d'une part dans le code pénal un texte qui dit que certaines personnes, en raison de leur fonction, de leur profession, sont tenues au secret professionnel. ; si elles parlent, elles vont en prison ; et il y a dans le code pénal plein d'autres textes qui disent "quiconque a connaissance de violences, de privations, de mauvais traitements doivent parler ; si ces personnes ne parlent pas, elles vont en prison. Par conséquent, si je parle, je vais en prison ; si je ne parle pas, je vais en prison. Comment concilier ? C'est là la question. Alors on a essayé de concilier parce que, comme on vous l'a bien expliqué tout à l'heure, il existe des textes qui relèvent du secret professionnel pour permettre de parler. Oui, mais alors c'est la balance dont on parlait ; je choisis de parler ou de ne pas parler. Et c'est là qu'intervient une jurisprudence très complexe qui établit une distinction entre les professions qui sont tenues à un secret professionnel absolu et les professions qui ne sont tenues qu'à un secret professionnel dit relatif. Les seuls qui bénéficient d'un secret professionnel absolu ce sont ceux qui ont la qualité de médecin et exclusivement de médecin. Comme on vient de vous le dire, ils choisissent totalement et librement en conscience. Si je parle, je ne commets aucune infraction, si je ne parle pas, je ne commets aucune infraction. Je suis totalement libre de ma décision. Les autres, qui ne sont tenus qu'à un secret professionnel relatif, lorsqu'ils sont relevés de ce secret par un texte qui leur dit par exemple "le fait pour quiconque ayant eu connaissance de privations, de mauvais traitements, d'atteinte sexuelle infligée, etc. à une mineure ou une personne ne le font pas, c'est trois ans d'emprisonnement". Ils sont obligés de le faire. La jurisprudence est très volumineuse sur les directeurs de centres, les responsables de services sociaux, les professionnels de l'aide sociale qui disent "j'ai préféré ne pas parler". Vous n'avez pas à préférer ne pas parler, vous êtes obligés de dénoncer. Mais si je travaille dans ces milieux, par exemple vis à vis de jeunes, que je dénonce, "je suis une balance", je perds toute crédibilité au milieu de ces gens qui vont dire "on ne lui parle plus puisqu'il va aller le dire à la Police". Et la Cour de Cassation juge que la perte de crédibilité n'est pas un fait justificatif du refus de dénoncer. Donc je crois être obligé de vous dire de la façon la plus nette parce que la composition de 33 / 92 cette assistance est assez variée, ceux qui ont la qualité de médecin peuvent, sous réserve de ce que dit le code de déontologie et au regard de la loi pénale, faire, en conscience, ce qu'ils veulent. En aucun cas, ils ne seront poursuivi pénalement. Les autres, non. A l'égard de la justice, l'obligation de parler l'emporte sur le droit de se taire, c'est indiscutable. Il faut y réfléchir, cela soulève évidemment des problèmes pratiques. Intervention d'une participante Je voulais compléter un peu ce qui vient d'être dit par rapport aux certificats médicaux. Je suis formatrice consultante avec les deux volets : intervenant auprès des intervenants tutélaires, mais aussi fort heureusement auprès des personnes qui bénéficient d'une mesure de protection et je leur rappelle bien-sûr leurs droits ; en particulier le droit de consulter le dossier au Tribunal d'Instance, quinze jours avant l'audience, jusqu'à la veille de l'audience. Et il faut savoir qu'aujourd'hui, la consultation de ce dossier est intégrale, c'est à dire que le majeur lui-même ou les requérants, donc sa famille, peuvent avoir accès à l'intégralité du dossier, y compris le certificat médical initial ou l'expertise demandée par le Juge des Tutelles. Je crois que dans le projet de réforme, si je ne me trompe pas, Monsieur FAVARD, il est prévu qu'en effet, sur la consultation du dossier, le Juge jugerait de l'opportunité de donner l'intégralité ou au contraire d'exclure certaines pièces à la consultation. Jean FAVARD Nous allons un peu plus loin que la législation actuelle où c'est le Juge qui décide, à un moment donné, s'il le fait ou ne le fait pas. Nous pensons que la personne que l'on met sous tutelle, si elle ne peut pas s'exprimer, doit bénéficier d'un avocat auquel on ne pourra pas refuser les pièces du dossier. Peut-on tout communiquer à tout le monde ? Sans doute pas. Mais c'est essentiel au plan des éléments de la défense. A ce moment là, c'est un dossier comme un autre, il n'y a pas de raison de l'occulter. Il n'y a pas de pièce secrète dans un dossier sinon tout est faussé. Ce sera donc à l'avocat de prendre ses responsabilités dans le cadre de sa propre déontologie. Intervention d'un participant J'ai été pendant des années médecin généraliste agréé et expert auprès des tribunaux. J'ai été très favorablement impressionné par cette décision du Juge des Tutelles demandant que le rapport du médecin expert soit confié à l'intéressé ou à sa famille. Parce que je ne peux pas m'empêcher de faire le rapprochement avec cette espèce de complicité hypocrite s'agissant du diagnostic des longues maladies qui consistait à rassurer la patient en lui disant "ce n'est pas grand chose, vous allez guérir", et à se tourner vers la famille en lui disant "vous savez, c'est l'affaire de quelques mois". Alors je pense que s'agissant d'une décision à prendre pour la protection juridique d'une personne, il faut que cette personne sache pourquoi et comment elle sera bénéficiaire ou non de cette protection, et il importe aussi que la famille sache, peut-être d'une manière raccourcie ou résumée, si la personne âgée susceptible de bénéficier d'une tutelle en bénéficiera raisonnablement ou ne peut pas en bénéficier. Je pense qu'un moyen de protéger peut-être le médecin contre des procédures abusives, serait de faire signer au préalable un protocole à la personne âgée si elle le peut, et à son environnement, je veux dire à sa famille, pour dire que les uns et les autres acceptent que la décision du médecin expert soit communiquée à la famille ou à l'intéressé. Je vous remercie. 34 / 92 Olivier RODAT De toute façon, toutes ces procédures civiles sont des procédures contradictoires, donc tous les gens ont accès au dossier et cela ne pose donc, à mon avis, aucun problème. Intervention d'un participant Mon intervention est d'ordre pratique et sera brève, elle ne se résume pas à vous exposer un cas ou telle situation. Le rôle d'ALMA étant beaucoup plus de s'occuper de la protection morale de la personne à protéger que de sa protection juridique qui dépend du service public à qui ALMA doit évidemment apporter un soutien, je pense qu'il serait bon de dresser un fichier des différentes décisions de justice se rapportant à la protection de la personne âgée, ce fichier pourrait servir de canevas à notre action. Intervention d'un participant Est-ce qu'un médecin, traitant ou non, peut faire quelque chose devant une personne âgée ou pas qui a toutes ses facultés et qui se met en danger elle-même en refusant de se soigner ou en faisant quelque chose ? Olivier RODAT Les gens sont libres. Je crois qu'il y a eu un texte sur les droits des malades qui traite parfaitement de la possibilité pour le malade de refuser les soins, c'est parfaitement clair. On a vécu l'ère du paternalisme médical, on est dans l'ère de l'autonomie du malade, de la démocratie sanitaire, mon cher Confrère, nous n'avons plus en face de nous des patients, nous avons des citoyens autonomes, participant aux choix, et nous sommes simplement là pour délivrer des prestations. Jean POUILLARD Si vous le permettez, je voudrais quand même répondre sur ce sujet parce qu'il est très important, cela rejoint tous les problèmes de grève de la faim, etc. Je crois que le médecin n'est pas simplement un individu qui signe des papiers lorsqu'il faut les signer, et à ne pas les signer lorsqu'il ne le faut pas. Il y a quand même une approche qui est humaniste et lorsqu'une personne malade refuse des soins, je crois qu'il appartient au médecin de contacter les proches et en particulier la famille, pour convaincre – et c'est dans le code de déontologie - article 35 et 36 - le patient qu'il doit se soigner. Parce que la personne malade est dans un état psychique qui fait qu'elle ne se rend pas bien compte, pour peu que l'information lui soit mal communiquée, - je ne dis pas qu'elle est toujours mal communiquée, mais elle est souvent communiquée de manière impropre ou incomplète, - je vous rappelle que l'information doit être claire, loyale et appropriée, or elle ne l'est pas toujours, il faut que la famille prenne le relais, c'est d'ailleurs les articles 35 et 36 du code de déontologie qui délient le médecin du secret professionnel en donnant la possibilité vis à vis de la famille de la tenir au courant de la maladie, en particulier dans les cas graves. J'ai, à titre personnel, le souvenir d'un détenu à la prison de Fresnes qui refusait de se soigner parce qu'il estimait qu'il préférait mourir, le médecin de Fresnes m'a téléphoné en me disant "je suis bien embêté, si jamais il décède, c'est 35 / 92 moi qui serais coupable", je lui ai dit "vous convoquez la famille", l'article 35 et l'article 36 du code de déontologie nous en laissent la possibilité. Ce médecin a convoqué la famille et le malade a suivi les soins, c'était une histoire d'insuffisance rénale, et il s'en est sorti. Donc je crois qu'il n'y a pas d'impossibilité et en matière de mineurs, je pense que le juriste ne me contredira pas en disant que l'on a la possibilité de prévenir le Procureur de la République, c'est en tous cas ce qui se fait dans les hôpitaux à ma connaissance, et qu'il y a toujours la possibilité d'intervenir. Je pense qu'on doit respecter - c'est dans le code de déontologie - la volonté du malade, mais jusqu'à un certain point, jusqu'au point où il n'y aurait plus assistance à personne en danger. Et cela, c'est dans le code de déontologie et dans le code pénal je le rappelle, vous ne pouvez pas passer outre à la non-assistance à personne en danger. Intervention d'un participant Je voudrais demander au Professeur RODAT ce qu'il pense de cette obligation qui était faite aux chefs de service par le code de santé publique de prendre toutes dispositions pour assurer la protection des biens d'un malade hospitalisé dans son service. Et si à sa connaissance il y a eu des plaintes contre un chef de service qui n'aurait pas pris les mesures adéquates pour assurer cette protection. Olivier RODAT Je vais parler là sous le contrôle de Monsieur FAVARD, parce qu'effectivement vous parlez du problème du déclenchement d'une mesure de protection. Il est tout à fait clair que s'il s'agit d'un malade qui est dans un établissement fixé sur une liste par décret, essentiellement établissements hospitaliers ou établissements accueillant des personnes âgées et en particulier les établissements psychiatriques, le médecin en a le devoir. Mais, la situation n'est pas symétrique ; parce que s'il s'agit d'un malade qui est à domicile et qu'il s'agit d'un médecin en médecine ambulatoire, alors là le médecin a le choix. Et il est vrai qu'effectivement, entre pouvoir et devoir, les deux exigences n'ont pas la même densité. Alors à ma connaissance, y at-il eu des procédures ? Il n'y a sanction que lorsque la sanction est prévue ; or à ma connaissance, ne pas initier une procédure, il n'y a pas, au niveau de la protection des personnes, de sanction prévue dans le code civil ou le code pénal. Il n'y a pas de sanction de prévue pour quelqu'un qui manquerait à cette obligation ; la loi pénale s'interprète de façon très restrictive, s'il n'y a pas de sanction, alors il n'y a pas de faute. Michel VERON Je voudrais réagir sur le mot "restrictif" qui me fait bondir : la loi pénale s'applique, rien que la loi, mais toute la loi. "Restrictif" voudrait dire que l'on reste en deçà de la loi. Elle est strictement appliquée. Mais pour ce qui a été évoqué à l'instant, le chef de service, s'il y a des vols dans les placards, peut éventuellement être poursuivi comme complice, mais la complicité suppose une aide et assistance par acte de commission. Le fait de ne rien faire n'est pas une complicité. Cela peut peut-être entraîner des sanctions administratives, des sanctions professionnelles, mais sur le plan pénal il est en dehors du coup. 36 / 92 Brigitte LEFEBVRE Je pense que sur le plan civil, une certaine responsabilité pourrait éventuellement être recherchée. Jean FAVARD Il y a eu quelques affaires, quelques sinistres pourrait-on dire, dans quelques hôpitaux publics - on ne sait d'ailleurs pas ce qui se passe dans les hôpitaux privés - qui étaient graves. Nous les avons développés dans notre rapport, sans faire de généralisation excessive, mais enfin il faut en retenir l'esprit qui est que, finalement, le système de contrôle existant dans l'hôpital n'était pas assez affiné. On se reposait trop sur l'idée que le juge devait contrôler tandis que le juge se reposait trop sur l'idée que c'était contrôlé à l'hôpital. C'est un cas où il y a deux contrôles et où finalement cela ne marche pas bien. Nous avons donc fait quelques propositions à ce sujet pour éviter de tels sinistres. Ils ne mettaient pas en cause le chef de service à ma connaissance en tant que tel, car, effectivement il faudrait un acte de complicité. Il s'agissait plutôt d'une mauvaise organisation et de quelque chose qui échappait au contrôle normal, que l'on peut améliorer et sur lequel il faut veiller plus particulièrement. Mais cela a quelquefois duré. J'ai un cas en tête où cela a duré pendant des années, avec utilisation des comptes de la personne alors qu'elle était morte depuis cinq ans ! Intervention d'un participant Il existe à ma connaissance une procédure qui est assez peu utilisée ou usitée par les médecins, qui tient peut-être au nouveau code de procédure civile et qui permet à tout médecin, par simple lettre au procureur de la République, de demander de placer la personne sous sauvegarde de justice. Qu'en est-il de cette procédure de saisine et dans quelles proportions est-elle employée ? Olivier RODAT Oui, le médecin a parfaitement l'initiative d'alerter le Procureur de la République pour déclencher une sauvegarde de justice. La décision de sauvegarde est un acte purement administratif, à partir du moment où elle est demandée, elle existe pour un temps donné. En revanche, la décision ultérieure de tutelle ou de curatelle est un acte juridique qui est sous la décision du Juge. Jean FAVARD C'est souvent très protecteur pour la personne parce que cela va vite et permet de répondre à des situations d'urgence. Après il faut résoudre le problème autrement, mais quelquefois cela sauve beaucoup de choses. Nous n'avons donc pas proposé de la modifier, pensant qu'elle a son utilité. 37 / 92 Intervention d'une participante Je suis conseiller socio-éducatif dans un service spécialisé en gérontologie en HauteSavoie, et je suis étonnée à travers ce que vous dites qu'il n'y ait aucune situation, en ce qui concerne les maltraitances, qui ait fait l'objet d'un traitement en jurisprudence. Je sais que dans notre département il y a eu des signalements qui ont été adressés au Procureur, qui émanaient du service social ou médico-social, soit de l'assistante sociale ou de l'infirmière qui avait constaté des choses à domicile, alors je ne suis pas sûre qu'il y ait eu à chaque fois un certificat médical, mais il n'y a pas eu de suite à ces signalements, donc je voulais savoir un peu ce que vous en dites, quels sont les moyens qui permettent d'intervenir et poser une question par rapport à la nécessité du certificat médical ou pas. Comment par exemple un travailleur médico-social qui constate des faits doit-il s'arranger pour obtenir ou faire envoyer un certificat médical, soit par un médecin traitant, soit par un médecin territorial ? Michel VERON Je vais répondre à votre question très précisément, elle est technique mais assez simple à comprendre tout de même : "comment mettre en mouvement une affaire pénale ?". La mise en mouvement de l'affaire pénale dépend du Procureur de la République qui décide de poursuites ou non. Alors comment est-il informé ? Il est informé soit de façon simple, par des lettres ou coups de téléphone ou par une plainte envoyée par la personne ellemême, qui lui raconte plus ou moins complètement ce qu'elle sait. Alors le Procureur de la République et ses services regardent ; si cela leur parait fantaisiste, il dit "on classe sans suite", si cela paraît un petit peu sérieux, le Procureur de la République peut ordonner ce que l'on appelle une enquête préliminaire. On peut alors faire convoquer la personne qui a envoyé la lettre au commissariat de police ou à la gendarmerie pour compléter ou confirmer. Le Ministère public en définitive estime que c'est sérieux et décide soit de renvoyer directement la personne qui est nommément désignée ou qu'il aura trouvé devant le tribunal correctionnel, on appelle cela une citation directe, soit il estime qu'il faut quandmême faire un petit peu d'instruction et il ouvre une information, désignation d'un juge d'instruction. Mais ce qu'il faut bien savoir, c'est que le ministère public dispose d'un pouvoir discrétionnaire, on appelle cela l'opportunité des poursuites, il peut donc décider de classer sans suite sur une simple plainte après ou sans enquête préliminaire. Alors pour contourner ce pouvoir considérable du classement sans suite, il y a la possibilité pour la victime d'obliger à ouvrir une information, c'est alors une procédure plus formaliste que l'on appelle la plainte avec constitution de partie civile. La victime consulte un avocat qui rédige une plainte et la plainte est adressée au doyen des juges d'instruction du tribunal concerné, plainte avec constitution de partie civile par le truchement d'un avocat auprès du doyen des juges d'instruction, avec simplement, pour que le juge d'instruction soit désigné, comme ce n'est plus l'Etat qui prend l'initiative des poursuites par l'intermédiaire du Procureur de la République, mais la partie civile, partie privée victime, va devoir faire l'avance des frais. Et lorsque la plainte avec constitution de partie civile arrive au service du Doyen des Juges d'instruction, il fixe le montant d'une consignation au Greffe, et ce n'est que contre récépissé du dépôt de la consignation au Greffe que l'instruction sera ouverte, sauf si la victime bénéficie de l'aide juridique en raison de ses ressources financières très faibles. Je suis désolé, j'ai peut-être été complexe, mais c'est comme cela que cela se passe. Soit la plainte avec une constitution de partie civile, soit la plainte simple ou l'information au Procureur. On aborde alors un problème fondamental dans les 38 / 92 débats en France à l'heure actuelle, qui est de savoir si le Procureur de la République est hiérarchiquement dépendant des supérieurs du Parquet et au sommet, du Garde des Sceaux, c'est à dire du pouvoir politique, est-ce qu'il va agir plus ou moins vite, plus ou moins strictement selon des instructions qui pourraient être données par le pouvoir politique ou par le supérieur hiérarchique, est-ce que dans tel ou tel domaine de criminalité, on a des instructions générales, pour poursuivre ou au contraire mettre la pédale douce, tout dépend un petit peu des circonstances et du moment. Alors si la maltraitance devient une question véritablement à l'ordre du jour, une question fondamentale pour le pouvoir politique, il y aura des instructions générales données par la voie hiérarchique descendante du Garde des Sceaux au Procureur de la République, d'agir sérieusement dans ce domaine chaque fois qu'ils seront informés. Intervention d'une participante Le certificat médical est-il nécessaire, obligatoire, quand il y a un signalement qui est adressé au Procureur ? Olivier RODAT Le certificat médical est une pièce annexe par rapport au témoignage ou à l'information qu'une personne a décidé de donner à une autorité pour aider une personne en détresse. Mais si le certificat médical est demandé au médecin traitant, il y a un grand principe déontologique qui est que le certificat est donné à la personne qui le sollicite. En revanche, s'il s'agit d'un constat médical demandé par une autorité, Procureur de la République ou Juge des Tutelles, le document est adressé à la personne qui a mandaté le médecin pour faire ces constatations, ce qui est complètement différent. Michel VERON Pour porter plainte entre les mains du Procureur de la République, la victime n'a pas nécessairement un certificat médical, elle écrit par exemple "Monsieur le Procureur de la République, j'ai l'honneur de porter à votre connaissance les faits suivants, tous les matins mon petit-fils me tape dessus, c'est pourquoi je porte plainte.". Selon la façon dont c'est rédigé, le Procureur de la République va peut-être convoquer ou faire convoquer le petitfils pour l'entendre, la victime, et s'il estime que c'est sérieux, il va ouvrir une instruction et le Juge d'instruction va désigner un médecin qui sera chargé d'examiner la victime. Mais au départ, on n'a pas du tout besoin d'un certificat médical. Intervention d'une participante Le problème, c'est quand la victime ne signale pas, c'est quand le travailleur médico-social constate effectivement des coups ou d'après les dires de la personne qui elle ne peut pas signaler. Et le médecin n'est pas forcément là, nous travaillons avec des travailleurs sociaux, des infirmières ou des assistantes sociales, qui peuvent faire des constats et entendre des choses de la part de la personne âgée ou adulte qui peut ne pas pouvoir signaler elle-même la situation. 39 / 92 Michel VERON Oui, mais le code pénal impose sous peine de sanctions lourdes, à quiconque ayant connaissance, de dénoncer. Intervention d'une participante Pour compléter ce que veut dire ma collègue, je suis aussi conseiller socio-éducatif dans un Conseil Général, je travaille avec des assistants sociaux, avec des médecins experts pour l'allocation autonomie, et le gros problème que nous avons aujourd'hui, c'est le constat fait par les travailleurs sociaux d'une nécessité de protection, et la non-collaboration – le terme est fort volontairement – des médecins, soit territoriaux, soit de ville, soit hospitaliers, à établir des certificats qui pourraient nous permettre d'aider à la prise en charge de personnes qui ne peuvent pas faire elles-mêmes la démarche. Olivier RODAT Les travailleurs socio-éducatifs sont des majeurs vaccinés qui n'ont pas besoin de s'abriter derrière un certificat médical pour se donner bonne conscience et prendre les initiatives qui leur incombent. Intervention d'une participante Nous ne nous abritons pas derrière un certificat médical, mais je pense qu'aujourd'hui en gérontologie on parle de travail pluridisciplinaire et de coordination et je vois mal comment aider les personnes âgées sans cette pluridisciplinarité et sans cette coordination. Intervention d'une participante Excusez-moi, mais je reprends ma question de tout à l'heure, parce que vous avez répondu sur le plan médical, mais elle n'était pas médicale. C'est une personne qui a alerté les services sociaux sur une situation de maltraitance qu'elle vit, qui est largement connue dans sa commune puisque la gendarmerie, le médecin, le maire, tout le monde est déjà intervenu, mais personne n'a signalé, or on nous demande de signaler, nous l'avons fait, et je pose la question non pas en jugeant les autres sur ce qu'ils ont fait ou pas fait, c'est sur ce que l'on peut faire en termes de prise en charge de cette situation aujourd'hui. Pour les enfants, on a évoqué le problème, il ne suffit pas de déposer une plainte pour traiter le problème, pour les personnes âgées la situation est la même aujourd'hui, il ne suffit pas de déposer plainte, que peut-on faire pour aider cette personne, socialement, économiquement et juridiquement, puisqu'on demande aux services sociaux, aux médecins de signaler, posons-nous tout de suite la question, puisqu'on a déjà eu l'expérience en matière d'enfance, de ce que l'on fait une fois que l'on a déclenché le processus judiciaire. 40 / 92 Michel VERON La réponse n'est pas du tout juridique, si j'ai bien compris la question, c'est très bien de porter plainte, on fait cesser des actes qui sont condamnables, on peut faire éventuellement condamner celui qui est l'auteur de ces actes, mais qu'est-ce qu'on fait de la personne ? Je ne suis pas spécialiste des services sociaux, je ne sais pas ce qui est prévu ou quelles sont les lacunes de la législation française en la matière, car étant donné que les auteurs des actes de maltraitance sont presque toujours l'immédiat entourage, on va donc séparer la victime des auteurs des actes. Elle se retrouve alors toute seule, qu'est-ce qu'on en fait ? Je n'ai pas la réponse. Robert HUGONOT Il y a une infinité de solutions, que seul un dialogue de tous les participants, de tout ceux qui connaissent le cas ou qui sont autour de ce cas, permet de trouver la meilleure, et il n'y en a pas toujours qui soient excellentes. Maintenant, la matinée est close en ce qui concerne nos travaux, donc bon appétit et à tout à l'heure. φδ TABLE RONDE OUVERTURE DE LA DEUXIEME SEANCE Robert HUGONOT Certains d'entre vous m'ont demandé "mais qui est donc ce Professeur Olivier RODAT que vous avez là à votre droite ?". Et bien Monsieur Olivier RODAT est à Nantes, professeur de médecine légale, mais aussi – et il est le seul de son espèce - chef d'un service de gériatrie. De sorte qu'il est à la fois gériatre, gérontologue, et professeur de médecine légale. C'est évidemment une compétence très élargie et c'est la raison pour laquelle ALMA France lui a demandé d'être le président de la commission scientifique, commission de recherches d'ALMA France. J'ai maintenant répondu à vos demandes. Monsieur RODAT je vous passe la parole. Olivier RODAT Merci, Monsieur HUGONOT. Cet après-midi, c'est une table ronde avec des intervenants venant d'horizons divers et variés, qui apportent leur expérience, un éclairage à tout ce qui va alimenter une réflexion et qui va donner effectivement des informations à tous ceux qui en attendent. Il y a en plus sur cette table ronde un militaire, on est donc soumis à une exigence de la règle, les intervenants seront donc limités à quinze minutes pour pouvoir donner lieu à des échanges après les six interventions qui vont avoir lieu. Pour la première intervention, 41 / 92 j'appelle Monsieur le Professeur Robert MOULIAS, président de la commission Droits et Libertés de la personne âgée dépendante de la Fondation Nationale de Gérontologie qui va aborder un sujet récent, en évolution, qui est aussi l'image d'un souci d'améliorer la communication entre l'institution et ses usagers, et qui va nous parler de son expérience de la conciliation à l'hôpital. Monsieur MOULIAS, c'est à vous. Le médecin conciliateur ; son rôle en gériatrie Professeur Robert MOULIAS Conciliateur à l'hôpital Sainte-Perrine Conciliateur adjoint à l'hôpital Charles Foix La brève expérience de la commission de conciliation et du médecin conciliateur aura au moins démontré que ce système était bienvenu. Il était probablement trop tôt pour jeter aux orties ce système tout neuf, simple, libéral, non contraignant, peu onéreux (la fonction n'étant pas rémunérée). Le remplacer par une "usine à gaz", complexe et coûteuse, comme les cabinets ministériels se complaisent à en inventer, risque de prendre du temps et de l'argent La nouvelle loi (1er trimestre 2002) prévoit le remplacement du conciliateur - médecin, par un médiateur -, juriste. C'est tout un programme Rôle du médecin conciliateur Il est offert à toute personne se plaignant des soins reçus, la possibilité de rencontrer le conciliateur médical. Bien sûr le conciliateur n'est concerné que par les plaintes concernant les soins. Le conciliateur doit pouvoir informer, expliquer de façon sincère, loyale et véridique. La plupart des rares affaires qu'il a à traiter concernent une mauvaise information, un dialogue insuffisant, une famille laissée en souffrance parce qu'elle n'a pas compris ou n'a pas voulu comprendre. En aucun cas, le conciliateur n'a à se substituer à une procédure juridique ou à une procédure à l'amiable. Le rôle du conciliateur s'arrête dès qu'il y a un contentieux en cours. Il peut tenter d'éviter les contentieux inutiles liés à l’incompréhension ou à l’incommunicabilité. Cette ouverture d'une possibilité de dialogue supplémentaire a tenu son rôle vis-à-vis de l'institution : éviter des procédures sans objet, coûteuses et douloureuses pour les deux parties. Le principal résultat en gériatrie, a été de diminuer la souffrance des familles plaignantes, et d'apaiser quelques conflits par manque de dialogue entre équipes et familles ou par troubles relationnels entre les deux parties ; chacune peut avoir ses torts. Les familles peuvent ne pas oser parler ou ne pas savoir. A l’inverse certaines savent se rendre odieuses, faisant fuir le dialogue. Par exemple j'ai déjà vu un fils de malade venir accompagné de son avocat, non pas pour attaquer l'hôpital, mais pour se protéger au cas où se matérialiseraient les multiples plaintes du personnel contre lui pour harcèlement moral et sexuel. Certaines maladresses du personnel peuvent être ressenties de façon dramatique : par exemple "vu son état, votre mère est mieux là où elle est maintenant" envoyé à une fille au décès de sa mère. Si le résultat quantitatif a été mince, vu le petit nombre de plaintes, le résultat qualitatif a été très positif, vis-à-vis des quelques plaignants. 42 / 92 Pourquoi y a-t-il si peu de plaintes médicales en gériatrie ? Les gériatres ont une bonne expérience professionnelle de l'écoute des familles, en particulier les chefs de service et les cadres infirmiers, qui savent les prendre en charge y compris les plaignants pathologiques. Ce côté positif est certain, mais il masque une face cachée. Il n'y a pas de plainte parce que malades et familles ont peur de représailles pour les malades confinés dans les unités de Soins de Longue Durée, ou même de Soins de Suite. Il y a aussi le fait que les héritiers se plaignent rarement du préjudice qui leur aurait été porté par le décès du testateur. Le fait capital est que la mal-practice médicale survient d'habitude avant : médecine de ville, urgences de ville, urgences hospitalières, court séjour non gériatrique. Nos malades ne savent pas, ne peuvent pas dire, les familles n'osent pas, ne savent pas ou ont peur. Ce n'est pas une conspiration du silence, c'est le silence des agneaux. On peut assister à des situations tout à fait scandaleuses qui n’entraînent pas la moindre protestation. Etat des lieux après deux ans La commission de conciliation est amenée à connaître toutes les plaintes. En gériatrie, ces plaintes concernent surtout les vols, les pertes d'appareils (auditifs, dentaires, lunettes), la qualité des repas, le manque de personnel, soir et week-end notamment, le comportement des malades voisins. Le dément dérangeant c'est toujours l'autre malade. Parmi les plaintes médicales certaines sont délirantes : le couple infernal mère démente - fils schizophrène paranoïaque reste trop souvent le seul plaignant alors qu'il y a tant et tant de plaintes qui seraient pleinement justifiées La conciliation facilite l'expression de la famille, cette écoute de sa souffrance a pu soulager certains syndromes de deuil, certains sentiments de culpabilité : "comment est-elle morte ?" "Est-ce que cela aurait pu être évité ?" "L'avait-on placé(e) en de bonnes mains ?" Ce dialogue, ces informations élémentaires, que le conciliateur puise dans le dossier, les médecins du service les avaient déjà pratiqués. Mais les informations données par cette tierce personne extérieure, à priori neutre et bien informée, peut faire tomber certaines tensions. Demain il n'en sera pas de même Le malade gériatrique reste largement victime de mal-practice en amont de la gériatrie et parfois hélas en gériatrie : diagnostics non faits, diagnostics futiles omettant le principal problème de santé. Qui dit diagnostic futile dit traitement futile, inutile, au mieux ; dangereux trop souvent : erreurs sur les doses, erreurs sur les contre-indications. Les pathologies nosocomiales ne seront plus acceptées : non pas tant les inévitables portages et contaminations, que les dépression, dénutrition, ataxie, grabatisation, escarre, confusion, etc. Toutes complications parfois inéluctables mais si souvent étroitement liées à l'absence de connaissance sur le soin gériatrique. Il y a ceux qui croient savoir et ceux qui ne savent même pas qu'ils ne savent pas. Le monde change. Les vieux changent très vite. Les nouveaux vieux n'accepteront plus ces trajectoires pathogènes à tout coup : arrivée non programmée aux Urgences dans l'affolement, vidange des Urgences n'importe où vers un service de Médecin Interne au mieux, un service de spécialité pointue (ex ORL) ou une maison de convalescence (donc sans soins) dans un premier temps. Ceci entraîne trop régulièrement d’autres dysfonctionnements. - retour au domicile non organisé pour une personne ayant perdu ses fonctionnalités - ou orientation vers un Soin de Suite non gériatrique, voire placement n'importe où, là où il y a de la place, transfèrement de la personne conçue comme un désencombrement d'objet dont il faut se débarrasser. Cela ne sera plus possible ou sera l'occasion de plaintes multiples où l'hôpital perdra à tous coups, ne pouvant se justifier que par son imprévoyance. 43 / 92 Ce n'est que de l'absence de plaintes que survit ce système créateur de pathologies et de dépendance où chacun fait ce qu'il ne sait pas faire ; parfois en très bonne foi, souvent en parfaite mauvaise foi. Il faut bien remplir ses lits de Court Séjour, même si ce sont des malades que l'on refuse de prendre en charge, ceci en connivence avec l'administration hospitalière qui veut faire "tourner ses lits". On prend n'importe qui, n'importe où, et l'on fait sortir n'importe où, n'importe comment ; on a beaucoup de points ISA et on est bien vu des gestionnaires et des collègues. Est-ce de la médecine ? La gériatrie a aussi ses faiblesses : accepter de collaborer à des procédures illégales, non scientifiquement démontrées ; isolement des porteurs de germes non pathogènes, écouvillonnage rectal à la poursuite du BMR caché, alors qu'on ne fera rien du résultat ; participation à des circuits illégaux âge/dépendants. J'ai vu un hôpital parisien se proposer d'adresser à 30 km tous les plus de 60 ans se présentant aux Urgences pour assurer le remplissage d'une unité de Court séjour d'un hôpital gériatrique périphérique et dépourvu de tout plateau technique. Le syndrome de Nicholson frappe toujours. Pire, on peut lire des instructions illégales telle une CPAM donnant des instructions aux services de soins à domicile pour que, chez les malades âgés, les actes de soins soient remplacées par des aides (pour les mêmes actes) et pour que l'APA remplace la Sécurité Sociale pour les malades âgés (j'ai le document). Demain peut être les innombrables associations de consommateurs ou les ligues des droits de l'homme donneront enfin de la voix pour le déni des droits des vieux. Demain les choses seront plus difficiles. Comment fera-t-on la preuve de l'absence de faute ? La preuve de la faute est déjà bien difficile, mais celle de son absence est une prouesse si tout n'est pas documenté. Dans les exemples cités, le "défaut d'assistance de personne en danger" ou même la très large "mise en danger de la vie d'autrui" pourra s'appliquer. Celui qui acceptera de travailler avec des moyens insuffisants (notre cas, pour pratiquement tous les gériatres). Celui qui refusera de le faire relèvera de la "mise en danger de la vie d'autrui". Les deux relèvent de procédures pénales ! Le médecin qui ne pourra démontrer sa compétence, l'institution qui ne pourra démontrer qu'elle a fourni les moyens des missions données, seront en danger Il est probable que cette transformation aura de nombreux effets négatifs, mais un effet positif capital : l'ensemble des acteurs de santé aura intérêt à adresser le malade gériatrique en gériatrie. L'intérêt de ce malade et celui du système coïncideront enfin. Protection de l'équipe Le conciliateur est le premier défenseur de l'équipe soignante ; il sait ce qui permet d'éviter les réclamations injustifiées, les plaintes délirantes. Il sait aussi découvrir où se trouve l'éventuelle faute. Si elle a bien eu lieu, il est plus facile de la discuter, de l'expliquer en toute transparence que d'essayer de la cacher, motif de suspicion et d'agressivité. Tout dossier bien tenu est facile à expliquer (je n'ai pas eu à "défendre", car il y a rarement lieu de défendre, mais de faire comprendre). Lorsque les motifs des décisions sont donnés, les évènements notés, il ne peut y avoir de problème. Tenez vos dossiers médicaux et vos dossiers de soins avec clarté. Le malade y gagnera et vous aussi ; vous travaillerez à l'abri de tout risque. Notez aussi les réactions d'hostilité ou de satisfaction de la famille. Les plaintes, cela se sent venir et cela se prévient, rien n’est inévitable. 44 / 92 Il faut savoir informer et dialoguer avant la plainte ; beaucoup d'équipes gériatriques savent très bien le faire. Il ne faut pas limiter le dialogue à ceux qui récriminent en permanence ; il vous faut aussi le dialogue avec ceux qui ne le demandent pas et restent dans leur coin. Cela leur fera plaisir et sera plus remontant pour l'équipe que de ne rencontrer que les plaignants. Parfois ce sont ceux qui n'ont rien demandé qui vont éclater dans une situation de crise. On s'aperçoit, trop tard, qu'elle fait suite à un long silence où chacun était resté de son coté. Allez au-devant des familles, y compris de celles qui se taisent. La participation de l'équipe à une démarche qualité est aussi un élément important. Dans tous les cas, quand il y a plainte ou conflit, et que la plainte parvient au conciliateur, le premier rôle du conciliateur est de rétablir la confiance. Plus il interviendra tard, plus cela sera difficile, mais ce n'est jamais tout à fait impossible si le conciliateur connaît les équipes, et dispose de dossiers bien tenus. Le conciliateur ne peut rien contre l'appât du gain Le plaignant a peu à gagner en gériatrie, où il est difficile de démontrer que le décès d'un proche très âgé dont on hérite vous a causé un préjudice majeur, même s'il y avait eu faute médicale majeure. Autant le conciliateur peut informer, rasséréner, conseiller, rendre confiance, psychothéraper, déculpabiliser, autant le conciliateur ne peut rien contre l'appât du gain. Il ne peut rien non plus contre la faute énorme, massive, incontestable. A l'administration de choisir entre dédommagement amiable et procès. En fait même dans ces cas, il n'y a le plus souvent aucune plainte, alors que … Le conciliateur ne peut rien non plus contre l'aléa thérapeutique sans faute, s'il y a de l'argent à récupérer. Dans ce domaine d'une aussi grande incertitude que le nôtre, où le terrain de l'Evidence Based Medicine reste si étroit et où la preuve elle-même (Evidence) est un fait tellement discutable, cela est inquiétant. Les indemnités écrasantes et démesurées, bref déraisonnables, décidées par la justice joueront sur les coûts de la santé, comme c'est le cas aux USA où il est banal que l'assurance professionnelle d'un médecin dépasse très largement (de plusieurs fois) le montant de son revenu restant, toutes charges payées. En fin de compte c'est toujours le patient qui paie et, en France, le contribuable et le cotisant : vous et moi. Les Français sont-ils prêts à payer de leur poche l'enrichissement de quelquesuns grâce à leurs déboires médicaux ? Mais cela dépasse les compétences du médecin conciliateur, lui, se contente d’informer et d’expliquer. Conclusion La conciliation médicale est un utile outil de dialogue qui permet de résoudre des situations conflictuelles. La compétence médicale du conciliateur est essentielle à ce rôle. La prévention de ces situations de conflit paraît plutôt satisfaisante en gériatrie où la plupart des problèmes relationnels sont traités avec succès en amont de l'intervention du conciliateur. Il faut s'attendre à une montée rapide des plaintes concernant les malades gériatriques, mais surtout en amont de la gériatrie. On se demande avec inquiétude ce que pourra faire le nouveau médiateur, juriste, dépourvu à priori de connaissances médicales. Les familles de nos malades demandent plus d’information et de dialogue. La chicane n’est jamais la première intention. Merci de votre attention. 45 / 92 Olivier RODAT Merci, Monsieur MOULIAS. Vous avez abordé un sujet évolutif, qui va subir des applications de la loi de mars 2002 et des décrets qui viennent de sortir, le conciliateur était en quelque sorte – dans un terme un peu vulgaire – le lubrifiant de l'institution, qui permettait d'apaiser les choses, il est vrai qu'il a disparu, qu'il n'avait aucun pouvoir de conciliation, d'autre part il est vrai que les problèmes de responsabilité changent, mais enfin il ne faut pas non plus jouer à se faire peur, parce que je ne suis pas tout à fait sûr que l'on connaîtra en France ce qui se passe aux Etats-Unis. Cela pourra faire d'ailleurs une nouvelle séance de travail d'ALMA, Monsieur HUGONOT. Je vous invite à noter dès maintenant les questions que l'intervention de Monsieur MOULIAS pourrait susciter, car on essayera de les reprendre dans l'ordre, ce sera plus logique. Je vais passer tout de suite la parole à Monsieur DUPORTET qui, sur ses larges épaules, porte ALMA Essonne, pour nous parler du service d'accès au droit. 46 / 92 Le service d’accès au droit des personnes âgées Docteur Bernard DUPORTET Association gérontologique de l’Essonne Opération Age-Alma Merci Monsieur le Président. Ce dont j'ai à vous parler aujourd'hui, c'est de l'activité encore relativement expérimentale puisqu'elle ne date que du mois de janvier 2001, de l'incorporation d'un service d'accès au droit à l'intérieur de l'organisation que nous avons mise en place dans notre département, dans le cadre de l'association gérontologique de l'Essonne et donc de l'opération AGE-ALMA que nous faisons évoluer depuis maintenant un peu plus de trois ans. Le cadre conceptuel Il est double : Le schéma départemental des personnes âgées du département de l’Essonne, La politique publique d’accès au droit précisée par la loi du 18 décembre 1998. Le schéma départemental des personnes âgées Voté en 1999, le schéma gérontologique départemental stipule dans son préambule que " Toute personne âgée quel que soit son degré d’autonomie ou de dépendance doit pouvoir : Conserver sa dignité, être respectée et reconnue, Faire reconnaître sa citoyenneté par l’exercice de ses droits, devoirs et libertés, Vivre dans un environnement lui apportant le bien-être physique et moral, la sécurité physique et psychologique, Etre intégrée et participer à la vie sociale." Cette volonté, relayée par l’association gérontologique de l’Essonne, devait tout naturellement intégrer la nécessité d’une structure adaptée à la prévention et la résolution des problèmes juridiques posés aux personnes âgées. La politique publique d’accès au droit Dans le même temps se développe et s’organise une recherche politique essentielle sur les dispositions les plus à même de maintenir, développer et bien souvent restaurer la citoyenneté des différentes catégories sociales. L’évolution démographique et sociologique de la population âgée s’impose au législateur comme aux acteurs de terrain et leur demande de concevoir et mettre en œuvre une nouvelle justice en cohérence avec les besoins de cette population. Couvrir les différents domaines du droit et favoriser un égal accès pour tous. Pour ce faire : intervenir directement sur les problèmes posés, anticiper en traitant les problèmes en amont, établir de nouvelles relations entre citoyens et institutions, renforcer le lien social fondé non sur des rapports de force mais sur un rapport au droit. Connaître et réduire les conditions du « non recours » au droit : Ignorance, Eloignement géographique, Pression sociale, Pudeur ou honte, Peur. 47 / 92 Répondre aux besoins fondamentaux et aux attentes exprimées : Attentes d’écoute et de considération, Besoin d’égalité, de prise en compte et d’efficacité des institutions, Besoin de repères dans la loi et dans les procédures. Tels sont les éléments qui ont présidé à la conception et à la mise en œuvre d’une véritable politique d’accès au droit. Le cadre organisationnel Convention tripartite Elle associe le CDAD, le Conseil général et l’Association gérontologique de l’Essonne. Elle a, entre autres, le grand mérite de donner une légitimité aux actions menées dans le cadre associatif et dans le même temps de mettre celles-ci en cohérence avec les actions strictement institutionnelles, celles de l’Etat et celles des départements. Le Conseil départemental d’accès au droit (CDAD) Composition Le Préfet représentant l’Etat, Le Procureur de la République, Le Conseil général, Le Barreau, La Chambre des huissiers, La Chambre des notaires, Les responsables communaux, Une association. Mission Définir une politique départementale d’accès au droit, Etablir le partenariat avec les acteurs concernés, Fédérer les financements, Piloter et coordonner les actions engagées. L’Association gérontologique de l’Essonne Le service « Droit des personnes âgées » est totalement intégré dans l’équipe opérationnelle de l’Association qui est l’employeur et qui comprend par ailleurs en sus de son Comité de pilotage et de son Comité technique permanent, tous deux bénévoles un personnel salarié composé de Une psychologue, directrice de l’Association, Une psychologue, coordonnatrice des opérations départementales, Une psychologue spécifique pour la population des familles Alzheimer (en cours de recrutement). Une assistante de direction administrative et comptable, Une secrétaire employée administrative, Et 5 formatrices et formateurs vacataires. 48 / 92 Le poste Service téléphonique d’information et d’orientation juridique « Droit des personnes âgées ». Un juriste, bac + 5, dans le cadre du dispositif « Emplois jeunes », temps plein. Permanence téléphonique les lundi, mardi, jeudi et vendredi de 14 h à 16h30, répondeur en dehors de ces plages horaires avec rappel systématique des personnes appelantes.. L’activité Deux niveaux d’intervention : Appels directs au numéro « accès au droit », Intervention dans le cadre des dossiers de signalements reçus au numéro « maltraitance ». A ce titre, l’Agent d’accès au droit participe à l’ensemble des travaux du Comité technique permanent Les appels directs « Accès au droit » Ils sont restreints en nombre mais touchent à peu près à tous les chapitres du droit. Ils proviennent majoritairement de l’entourage de la personne âgée et des professionnels concernés. Ils surviennent rarement à froid mais le plus souvent en période de crise et expriment des demandes d’assistance immédiate. Ils s’inscrivent souvent dans une histoire d’évolution lente, dont l’origine est volontiers ancienne, comme bon nombre de situations de maltraitance, et posent le problème d’une activité de médiation organisée. Les interventions dans les dossiers « maltraitance » Sur l’exercice social 2001, 31 dossiers de maltraitance soulevaient à titre principal un problème juridique. Ils ont été traités, à titre de référent, par l’Agent d’accès au droit. Ces dossiers comportaient pour la plupart des questionnements multiples avec en particulier : Procédure civile = 30 dossiers et dans 16 cas une mesure de protection juridique, Procédure pénale = 13 dossiers et dans 5 cas signalement au Procureur de la République, Droit de la famille = 6 dossiers, Droit immobilier = 4 dossiers, Droit de la consommation = 2 dossiers. Pour 44 autres dossiers, l’Agent d’accès au droit est intervenu ponctuellement. Là encore les questionnements étaient multiples mais on relève essentiellement : Procédure civile = 29 dossiers, Procédure pénale = 22 dossiers, Procédure administrative = 5 dossiers, Droit de la Santé = 6 dossiers, Droit immobilier = 5 dossiers, Droit de la famille = 3 dossiers. Les enseignements A la différence des autres dispositifs d’accès au droit, le service « Droit des personnes âgées » ne gagne pas à être un dispositif autonome. Il nous paraît devoir s’intégrer dans un dispositif plus vaste tel que celui que nous tentons de mettre en place et ceci nous paraît bien correspondre aux caractéristiques de la population âgée qui présente le plus souvent des 49 / 92 problèmes intriqués dans les champs somatique, psychologique, familial, social et économique. Les actions de communication nous paraissent devoir porter préférentiellement sur les différents acteurs médicaux, sociaux, juridiques bien plutôt que sur les personnes âgées ellesmêmes. Les perspectives A l'instar des postes de psychologues déjà en place pour le traitement des dossiers de maltraitance et pour la mise en œuvre des actions de prévention devant conduire du travail sur la maltraitance à une véritable promotion de la bien-traitance, le ou les postes d’Agent d’accès au droit, nous paraissent devoir être pérennisés. La démonstration nous semble en effet faite de leur utilité intrinsèque et leur absolue nécessité dans ces dispositifs multidisciplinaires destinés à répondre tout à la fois aux interrogations des personnes âgées elles-mêmes et à celles des acteurs de terrain qui sont si souvent démunis face à des situations que leur formation spécifique ne prédispose pas à appréhender dans leur complexité. En conclusion Il existe un véritable besoin de faciliter aux personnes âgées l’accès à tous leurs droits. Il ne doit pas s’agir d’un nouveau dispositif autonome et isolé dans la constellation des diverses structures qui ont à connaître des personnes âgées mais bien plutôt d’un élément important d’un dispositif plus vaste destiné à réinsérer la personne âgée dans son tissu social et dans sa citoyenneté. Il faut se garder d’instrumentaliser les personnes âgées en clamant la défense de leurs droits et les marginaliser dans un statut de sous-citoyen. La fonction d’information directe semble bien moins importante que l’assistance aux démarches juridico-judiciaires, le suivi des dossiers et surtout que l’information et la formation de l’ensemble des professionnels concernés. Plus que d’un ensemble législatif, réglementaire ou procédural c’est d’une véritable mutation de l’esprit social et politique dont les personnes âgées ont besoin. Je vous remercie. Olivier RODAT Merci, Monsieur DUPORTET d'avoir bien rappelé que la personne âgée n'est pas un citoyen de deuxième classe, n'est pas un citoyen assisté, c'est un citoyen qui a le droit de savoir, il faut lui faire savoir, il faut connaître et faire connaître, et vous avez bien montré les différents dispositifs et leur implication et comment le télescopage des situations que nous connaissons en matière de maltraitance implique toutes formes du droit. On va maintenant aller au-delà et demander à Monsieur Jean-Jacques GEOFFROY, directeur du service de tutelles de La Roche-sur-Yon de nous présenter le sujet du respect du choix de vie d'une personne protégée malgré, à cause ou en faveur de la tutelle. 50 / 92 Le respect du choix de vie de la personne protégée malgré la tutelle Monsieur Jean Jacques GEOFFROY Directeur du service des tutelles, La Roche-sur-Yon Merci, Monsieur le Président. Je dirige un service de tutelles et un service d'insertion à la sauvegarde en Vendée ; auparavant j'ai exercé des responsabilités dans un service de protection de l'enfance et conduit une recherche-action sur la maltraitance et les violences sexuelles en famille avec parution d'un ouvrage en 1995, pour vous dire que je suis assez sensibilisé aux questions des maltraitances, maltraitance des enfants, des personnes âgées et aussi des personnes handicapées. D’une certaine façon, tout est dit dans le titre de mon intervention, notamment avec l’expression « malgré la tutelle » ! Une mesure judiciaire peut-elle aller à l’encontre du respect du choix de vie d’une personne et de ses libertés individuelles ? N’est-ce pas, à tout le moins, un paradoxe ? Quelle est la finalité d’une mesure de tutelle au titre de la loi de janvier 1968 ? I - L’esprit de la loi de 1968 - ses évolutions - les perspectives de reforme Nous ne reviendrons pas sur l’intervention de ce matin de Monsieur FAVARD, mais l’évolution des pratiques des services des tutelles est étroitement liée aux modifications de scontextes dans lesquelles s’inscrivent ces mesures. 3 janvier 1968 : réforme du droit des incapables majeurs. Article 488 : « Est néanmoins protégé par la loi, soit à l’occasion d’un acte particulier, soit d’une manière continue, le majeur qu’une altération de ses facultés personnelles met dans l’impossibilité de pourvoir seul à ses intérêts. Peut pareillement être protégé, le majeur qui, par sa prodigalité, son intempérance ou son oisiveté, s’expose à tomber dans le besoin ou compromet l’exécution des ses obligations familiales ». Les autres articles du Code Civil ne font que préciser les aménagements possibles de la mesure en fonction de l’état de la personne à protéger et de la consistance de son patrimoine. Enfin, l’article 496 précise que « l’époux est tuteur de son conjoint ». La mesure de tutelle, en priorité, est déférée à la famille. Cette loi qui entend préserver les intérêts de personnes déficitaires ou vulnérables révèle trois principes essentiels : Nécessité et subsidiarité de la mesure. Individualisation de la mesure en s’appuyant principalement sur le rôle central de sa famille. Aucune disposition particulière quant à la protection de la personne pour sa vie privée. 51 / 92 Plus de trente ans après, beaucoup de changements, de bouleversements sont survenus dans notre société. J’en retiendrai quatre qui me paraissent essentiels et qui expliquent, en grande partie, les pratiques tutélaires d’aujourd’hui : Les difficultés économiques et la montée de la précarité ayant des effets plus directs, immédiats et profonds pour les personnes les plus vulnérables. Pour près de 75 % des mesures en cours en 1999, les ressources disponibles se situent entre le R.M.I. et le S.M.I.C. 1 La famille en 2002 est sensiblement différente de celle de 1968 : familles monoparentales, recomposées, « pacsées », etc… Beaucoup moins de familles élargies. Désertification des campagnes, etc… Les politiques d’extériorisation des secteurs psychiatriques Entreprenant de lutter contre l’enfermement (abusif ?) et d’agir en milieu ouvert sur un territoire, à condition que le malade soit demandeur. Pour les autres, à domicile, qui ne demandent rien et qui souffrent de troubles psychiatriques, quelles réponses leur apporter ? Le vieillissement de la population Nous vivons de plus en plus longtemps, mais nous ne conservons pas tous et pas toujours, nos capacités. En l’absence de proches bienveillants et capables (au plein sens juridique du terme) nous sommes tous des majeurs à protéger en puissance … Ces différentes évolutions ont eu inévitablement des répercussions sur la protection juridique des majeurs : Le nombre de mesures de tutelles a cru de façon considérable (+ 44 %) entre 1992 et 1999 2. Les mesures de tutelles confiées aux services habilités se sont complexifiées : outre les questions de gestions financières classiques, est apparu un ensemble de questions (psychologiques ou psychiatriques, affectives et relationnelles, sociales, culturelles) liées aux choix de vie de la personne protégée. Impossible de ne pas rencontrer régulièrement les personnes protégées, d’échanger avec elles, de passer du temps, de les accompagner dans certaines démarches, d’où la nécessité de mener des actions d’accompagnement de proximité des personnes. Une nécessaire clarification, simplification, et remise en ordre dans l’exercice des mesures de tutelles, en rappelant notamment le principe de base de la mesure : nécessité et subsidiarité. 1 2 Analyse sociologique - Didier AURIOL et Marion CARREL - UNAF, Réalités Familiales - 3ème trimestre 1999 Allocution du Garde des Sceaux lors des Assises Nationales de la Tutelle en décembre 1999. 52 / 92 Toutefois, il est légitime de s’interroger sur la notion d’urgence de la réforme de la protection juridique des majeurs quand on se rappelle que le premier rapport (réalisé par F.O.R.S.) commandité par le Ministère du Travail et des Affaires Sociales est de mai 1997, le second rapport (triple inspections : Inspection Générale des Affaires Sociales, Inspection générale des finances, Inspection générale des services juridiques) est de juillet 1998, et enfin le rapport du groupe de travail interministériel présidé par Monsieur FAVARD est d’avril 2000 … Cinq ans d’études, de recherches, de consultations diverses, et pendant ce temps-là, les services de tutelles ont continué d’œuvrer auprès des majeurs protégés … II - Les pratiques des services de tutelles - Les questions qui se posent En fonction des évolutions décrites précédemment, afin de pouvoir poursuivre leurs missions en intégrant le profond décalage entre les besoins croissants des populations disposant de mesures de tutelle et l’absence totale d’évolution de la législation et des financements (l’augmentation des crédits de l’Etat a été totalement absorbée par l’augmentation du nombre de mesures de tutelles), les services de tutelles se sont adaptés, et certains, il est vrai, ont eu recours à des pratiques pour le moins contestables : La pratique du compte pivot producteur d’intérêts non redistribués aux adultes dont les ressources cumulées ont généré ces intérêts. La pratique (avec parfois la complicité des magistrats) des doubles mesures systématiques (t.p.s.a. + t.m.p.) pour des situations où la pertinence d’une action éducative budgétaire était loin d’être démontrée, notamment pour des personnes vivant en établissement. La pratique des requêtes aux Juges, pour les adultes disposant d’un patrimoine, sollicitant des financements sur les ressources de l’adulte sans toujours justifier l’authenticité du temps passé… D’une certaine manière, le fonctionnement du service et sa pérennité devenait prioritaire par rapport aux besoins individuels des personnes protégées. Si ces dérives ont existé, outre les questions bien réelles des financements des services, c’est probablement aussi que la mesure de protection juridique était bien trop réduite à une mesure de gestion des biens, dans sa seule dimension financière. La première phrase de la première partie du rapport FAVARD (page 7) est la suivante : « Il importe de placer la personne, avant même la sauvegarde de ses biens, au cœur de toute évolution du dispositif de protection des majeurs ». En décembre 1999, Madame le Garde des Sceaux déclarait : « La prise en compte de la personne doit se traduire par le respect de sa volonté et de sa dignité ». Exercer une mesure de tutelle auprès d’une personne âgée vivant à domicile ou en établissement, c’est partir de sa situation personnelle, de ses choix, de ses croyances, de ses désirs, chaque fois que c’est possible bien sûr en fonction de l’état et des capacités de la 53 / 92 personne, et construire avec elle son projet de vie ou de fin de vie. La gestion financière n’est plus une finalité, mais un outil au service des intérêts de la personne. Même si la réforme de la protection juridique des majeurs s’avère indispensable et est attendue depuis plusieurs années, elle ne réglera pas pour autant les pratiques des professionnels qui interviennent auprès des personnes protégées. A l’époque, des projets d’établissement ou de service, des projets personnalisés, de la démarche qualité, voire de certification ISO, il n’existe quasiment plus aucun établissement ou service qui n’affiche une volonté de respecter les choix de vie des personnes, leur dignité, et finalement leur façon de vivre. Mais qu’en est-il réellement sur le terrain ? Je vous livre à présent notre expérience vendéenne. III - Notre démarche de recherche-action en Vendée Notre Service a été confronté aux mêmes questions que j’ai évoquées précédemment et nous n’avons pas trouvé de recette miracle ! Chez nous, un délégué à la tutelle à plein temps travaille 35 H par semaine et intervient auprès de soixante personnes protégées. Impossible, dans ces conditions, de parler sérieusement d’accompagnement social. Et puis, un délégué à la tutelle, doit-il et peut-il tout prendre en charge ? Sûrement pas, mais il doit tout prendre en compte sinon son projet d’action ne sera que parcellaire. Il y a maintenant près de deux ans, nous avons identifié deux types de situations qui demeuraient très insatisfaisantes dans leur prise en charge car : il nous fallait intervenir dans l’urgence, les problèmes posés dépassaient nos champs de compétence, la parole et les choix de la personne protégée étaient peu pris en compte. Ces deux types de situations concernent : Les adultes, présentant des troubles psychiatriques, pouvant adopter comportements violents voire dangereux pour eux-mêmes ou pour des tiers. des Les personnes âgées vivant à domicile dans des conditions limites de sécurité, d’hygiène et de soins et qui ne veulent pas quitter leur logement. Nous étions confrontés entre le respect du choix de vie des personnes et l’obligation de porter assistance à personne en danger. La question ne concernait pas uniquement notre service, mais aussi les médecins, les forces de police et de gendarmerie, les services sociaux de secteur, les services d’aide à domicile, les coordinations gérontologiques, les élus. Pour confronter nos points de vue sur ces sujets délicats, nous nous sommes rapprochés des deux autres Associations vendéennes gérant des services de tutelles : l’U.D.A.F. et l’A.P.A.J.H.. 54 / 92 Nos constats se rejoignaient point par point et nous avons décidé de nous unir à partir de DEUX AXES FORTS guidant nos interventions : La nécessité de faire participer directement la personne protégée aux décisions influant sur ses choix de vie : hébergement, santé, relations familiales et sociales, loisirs. Par exemple, une personne âgée vivant à domicile avec des ressources correctes, mais dont le logement est rudimentaire, et qui manifeste clairement que ses conditions lui conviennent et qui refuse des travaux d’amélioration, ce choix est respecté et …. expliqué à l’environnement familial et social qui ne comprend pas vraiment à quoi sert une mesure de tutelle … La nécessité de coordonner les acteurs médico-sociaux. Les actions des professionnels sont beaucoup trop cloisonnées. En cas de situation difficile ou grave, chacun a tendance à rejeter la responsabilité sur l’autre … Notre ambition est de construire, dans notre département, un RESEAU DEPARTEMENTAL DE (médecin, assistant social, coordination gérontologique, aide à domicile, délégué à la tutelle) dans chaque bassin de vie afin d’anticiper les situations de crises et de construire ensemble des réponses coordonnées avec la participation de la personne concernée. PERSONNES RESSOURCES Avec le concours de l’Etat (D.D.A.S.S.), du département (D.S.F.), des municipalités, des services de psychiatrie, des coordinations gérontologiques et des CLIC, des services d’aide à domicile, nous avons créé deux comités de pilotage : L’un concernant la problématique des personnes âgées L’autre traitant de la question des adultes ayant des troubles mentaux. Des Associations d’usagers (UNAFAM notamment) sont conviées à rejoindre ces comités de pilotage. Dans le même temps, en janvier 2002, les Présidents de nos trois Associations (A.P.A.J.H., U.D.A.F., SAUVEGARDE) ont signé une Charte Inter-Associative validant des orientations communes quant à la prise en charge de personnes en difficulté ou vulnérables. La construction d’un réseau d’intervenants opérationnels est une opération complexe et difficile, qui nécessite du temps. L’année 2002 est consacrée à la mise à plat des pratiques différenciées des différents professionnels. Il s’agit d’une phase de connaissance, puis de reconnaissance, afin de pouvoir ensuite interroger et modifier certaines pratiques paraissant peu adaptées. L’année 2003 devrait nous permettre d’apporter des réponses concrètes et de construire un réseau opérationnel pour début 2004. Les bénéfices escomptés de cette approche en réseau de professionnels auprès de la personne âgée sont multiples : La participation directe de la personne protégée aux décisions de choix de vie permet de mieux lutter contre certaines décisions arbitraires et privatives de liberté (ex. : placement en établissement sans l’accord de la personne). 55 / 92 La coordination des acteurs est une garantie de respect global du projet de la personne, avec une mutualisation des compétences, en évitant les risques d’excès de pouvoir d’un service. La connaissance générale des besoins et des difficultés des personnes âgées, sur un territoire est bien mieux appréhendée, ce qui facilite les réponses innovantes. Face à des situations individuelles difficiles, l’intervenant (médical ou social) n’est plus seul. Les risques de maltraitance par défaut, omission, méconnaissance, s’éloignent. Les professionnels enrichissent leurs connaissances et leurs pratiques au contact des autres professionnels de disciplines différenciées. Conclusion Le législateur ne peut pas tout faire. A lui d’avancer dans la réforme de la protection juridique des majeurs en fonction de l’évolution des questions sociétales. A nous, services de tutelles, d’interroger nos pratiques, remettre en cause certaines actions, et faire une place à l’innovation. Quand elle est utilisée à bon escient, la mesure de tutelle est une mesure fort utile et efficace. Pourtant elle est encore trop méconnue et peu valorisée. Alors qu’elle se trouve à la croisée du juridique, de l’économique, du médical et du social, elle n’apparaît nulle part dans la loi sur l’exclusion de 1998 et pas davantage dans la loi de janvier 2002 relative à la rénovation de l’action sociale et médico-sociale. Nous demeurons persuadés que l’amélioration des situations implique que ces personnes soient beaucoup plus associées aux personnelle, tout en coordonnant les actions des différents acteurs que le travail médico-social progressera vers l’émergence d’une empruntant probablement des voies nouvelles. Je vous remercie. des personnes protégées choix concernant leur vie impliqués. C’est à ce prix, compétence collective, en Olivier RODAT Merci, Monsieur GEOFFROY, d'avoir insisté sur ce lien, sur ces réseaux, sur ce travail d'anticipation. Merci aussi d'avoir dit combien il fallait aussi que les partenaires se rapprochent et se comprennent. Je pense que beaucoup de personnes ici présentes vont rebondir sur votre propos. La table ronde est un peu machiste, Monsieur le Président HUGONOT, et pour présenter la prochaine intervention il fallait votre autorité. 56 / 92 Robert HUGONOT Madame Maïté BUET qui va intervenir maintenant est, comme indiqué sur votre programme, responsable d'un Point Emeraude à Paris ; je lui laisserai le soin de vous dire ce qu'est un Point Emeraude. Mais je voudrais vous dire que c'est également une des chevilles ouvrières de l'association ALMA Paris, constituée il y a peu de temps, dont la présidente, Madame BEAUGRAND, est présente ici dans cette salle, ainsi que Monsieur DE PLINVAL qui en est le trésorier. Il y a un instant, Monsieur DE PLINVAL m'a chargé de vous annoncer que le lancement officiel d'ALMA Paris aura lieu à l'occasion d'une conférence publique de démarrage que je donnerai moi-même sur le thème de la maltraitance, dans une salle de l'Hôtel de Ville de Paris le jeudi 10 octobre prochain à 16 heures. Maintenant, nous laissons Madame Maïté BUET vous parler du rôle du service social ; mais d'abord, dites-nous ce qu'est un Point Emeraude. Le Rôle du Service Social : Alerter, Accompagner, Protéger Madame Maïté BUET Responsable d'un service Social de Gérontologie – Paris XXème Merci, Monsieur le Professeur, je vais essayer. Par contre, en ce qui concerne le Point Paris Emeraude, pour ne pas trop amputer mon temps de parole, je le laisserai expliquer à Madame DEBRET de la DASES, présente dans la salle, qui pourra beaucoup mieux que moi exprimer ce qu'a été la volonté de la ville de Paris lorsqu'elle a souhaité créer les Points Paris Emeraude. En deux mots, c'est un lieu où se trouve de l'information, où l'on a la possibilité d'être orienté pour les personnes âgées et les familles, pour tout ce qui peut concerner les problèmes liés au vieillissement, pour le meilleur vieillissement possible. Mon propos aujourd'hui se situe dans le cadre d’un service social spécialisé d’un quartier populaire de Paris dont la mission est de s’occuper des personnes âgées à domicile. Je n’apporterai pas de recette, mais un témoignage de terrain avec ses pratiques, son questionnement et ses éléments de réponse. Il faut beaucoup d’humilité quand on parle de maltraitance car nous sommes le plus souvent sur fonds de détresse humaine. Les travailleurs sociaux sont souvent confrontés à des situations de maltraitance soupçonnée ou avérée soit par le biais de signalements émanant d’autres professionnels ou de l’entourage de la personne âgée, soit qu’au cours d’un suivi, un événement ou un élément fasse surgir des interrogations. Avant d’imaginer un quelconque recours à la loi ou à la justice, il est nécessaire d’approfondir la situation. Nous savons qu’une maladie, un accident, le grand âge peuvent altérer les capacités physiques et mentales d’une personne. Une personne âgée est une personne adulte et elle ne bénéficie pas pour « raison d’âge » de la protection légale mise en place pour les mineurs. Pourtant, souvent des personnes âgées très affaiblies, malades ont une vulnérabilité qui nécessite une vigilance et une protection particulière. L’assistance qui lui est apportée spontanément par ses proches ne suffit pas, et en tout cas ne garantit pas de facto sa protection réelle. 57 / 92 D’autre part, il arrive que cette personne refuse toute aide ne se rendant pas compte qu’elle en a besoin et qu’elle se met en danger en la refusant. Ce sont en fait la nature et l’éventuel cumul des incapacités à ne plus faire ou ne plus être, les conséquences qui en découlent ainsi que le contexte dans lequel elle vit qui vont caractériser sa vulnérabilité. Sa faculté de détermination, de volonté est considérablement émoussée et de ce fait une personne âgée peut se retrouver privée de ses droits, prise en « otage » plus ou moins consciemment par des proches ou une structure. D’autres fois, ce ne sont pas seulement ses droits qui sont bafoués car elle est réellement maltraitée physiquement, psychologiquement, financièrement ou mal traitée, c’est à dire négligée, insuffisamment ou mal soignée, son entourage prenant mal soin d’elle volontairement ou non. Comment nous arrivent les signalements de maltraitance, comment en avons-nous connaissance ou comment détectons-nous des situations où les personnes sont maltraitées, abusées et leurs droits mis à mal ? - un membre de la fratrie , de la famille (mais attention aux jalousies, aux conflits…) - un professionnel qui se rend compte qu’il se « passe quelque chose » - le gardien, un voisin, un proche qui perçoit aussi « quelque chose » - un(e) bénévole prend contact avec nous, quelquefois anonymement, ne « voulant pas y être mêlé, mais quand même il faut faire quelque chose… », et nous raconte avec plus ou moins de précision ce qui paraît relever d’un abus, d’une maltraitance, d’une spoliation, ou d’une négligence, avec le sentiment de se dégager en parlant de cette responsabilité de savoir. Cela peut être aussi à l’occasion d’une demande de prestations ou d’une régularisation administrative, pendant un entretien ou une visite à domicile qu’une évaluation ou le suivi va mettre à jour des suspicions ou des manifestations de maltraitance. Alors commence le plus souvent un travail de fourmi pour étayer, conforter ce qui a été perçu, dans un contexte souvent d’ambivalence, de secret, de dissimulé, résultat quelquefois d’une longue relation (familiale ou non) et nous n’avons pas toujours la participation ou le consentement de la personne maltraitée. Ambivalence bien compréhensible et bien palpable due à l’aspect affectif qui se mélange à la peur, à la méconnaissance des droits, à la résignation et à la fatigue de la vie. Peut-être aussi, liée à une lucide résignation qui fera penser à la personne âgée qu’elle ne sera pas crue, et que de toute façon elle n’en a plus pour longtemps… Secret d’autant plus difficile à faire tomber que nous sommes dans la sphère privée. D’autre part, nous ne savons pas toujours quelle est la part fiable de ce qui nous est dit, d’autant plus quand il y a altération des facultés cognitives, et nous savons très bien de quelle fragilité sont de plus entachés ces dires. Le travailleur social devra écouter, devra inciter la personne à parler, à se confier dans un climat de confiance. Il faudra respecter le rythme de la personne âgée dans ses révélations ou son absence de révélation. 58 / 92 Et pendant ce temps, quelquefois souffrir de la pression de l’entourage qui ne comprend pas « comment on peut laisser quelqu’un comme ça ? ». Il sera dur aussi de se rendre compte que quelle que soit sa souffrance, la personne âgée ne dira rien, ne voudra pas dénoncer, ne voudra pas ou n’aura pas le courage d’engager démarches et procédures envers le maltraitant, ou même faciliter un simple éloignement qui nous paraît pourtant hautement salvateur. Que faire ? Notre approche professionnelle devrait nous mettre à l’abri de trop d’émotions et nous permettre de respecter le choix du silence. Mais jusqu’où n’avons nous pas l’impression d’être à notre corps défendant le complice du maltraitant ? surtout quand il nous semble voir le regard implorant de la personne âgée qui paraît démentir ses paroles quand elle dit que tout va bien… Comment pouvons-nous et devons-nous lui imposer une dénonciation ou toute autre action ou changement qui peut avoir, qui aura, physiquement, psychologiquement et/ou matériellement des conséquences non négligeables et qui peuvent aussi être dramatiques ou vécues comme telles ? Comment préserver la liberté, le choix de vie de la personne âgée, alors que nous doutons de sa capacité à bien les exercer ou à les faire respecter ? Comment la protéger en préservant sa liberté, alors que la notion de protection l’entache peutêtre déjà ? Mais le Code Pénal nous oblige aussi à faire savoir. Comment faire ? Avant d’aborder le recours à la Loi, qui a été brillamment développé par le Professeur VERON ce matin, nous pouvons par le travail en concertation arriver à des solutions ou des éléments de solutions. Indépendant, le travailleur social n’est pas pour autant un solitaire et il sait depuis longtemps que le partenariat n’est pas un vain mot. Notre expérience montre que le travail en coordination, en partenariat ou en réseau conduit à une meilleure connaissance les uns des autres, tant au niveau des personnes qu’à celui des compétences, des contraintes et induit un respect et une confiance mutuels permettant d’échanger non seulement sur cette problématique, mais aussi et surtout sur une situation nominative et donc singulière concernant Mme X ou Mr Y dans son contexte particulier. Ces contacts et ces échanges complètent le travail « d’investigation » engagé auprès et/ou avec la personne âgée, car chaque partenaire – lorsqu’il existe – est un collecteur potentiel d’informations et son approche professionnelle différente de celle des autres permet de diversifier et de capitaliser toutes les données. 59 / 92 La concertation en permettra une analyse et une évaluation partagées, que l’on peut imaginer plus sûre. Ce partage renforce la nécessité d’être bien formés sur nos métiers, d’être informés sur la maltraitance et de savoir partager l’information. S’il n’y a pas de partenaire, la situation peut nécessiter un suivi social. Cet accompagnement, s’il est régulier, va naturellement instaurer une vigilance plus grande qui va quelquefois suffire à « déranger » le maltraitant ou va instaurer une autre dynamique qui va faire diminuer ou cesser les maltraitances ou négligences. Notamment quand il s’agit de « maltraitants opportunistes » qui ne sont pas des maltraitants dans l’âme mais qui peuvent être tentés de profiter d’un vieillard dépendant parce que c’est facile, de « maltraitants épuisés » que la charge lourde de la dépendance d’un parent âgé entraîne dans des moments d’agacement ou d’exaspération générateurs de mauvais soins ou de « maltraitants cas sociaux » eux-mêmes en grande souffrance ou en colère, ou en incapacité de comprendre les besoins de leur aîné et qui par méconnaissance et/ou découragement les maltraitent. Malheureusement, certains maltraitants sont des malades ou des délinquants qui agissent sciemment en tirant des satisfactions psychologiques et/ou matérielles, et pour lesquels un dispositif de vigilance ou de soulagement ne sera pas suffisant. Les maltraitants peuvent être aussi des professionnels, le Docteur SERVADIO en parlera dans quelques instants. D’où le retour indispensable au recours nécessaire à la loi. Nous avons à notre service la Constitution, le Code Civil, le Code Pénal, (code de la Sécurité Sociale, le code de l'action sociale et des familles, le code de la Santé Publique), le Code de Déontologie des Médecins, le Droit des Malades, le Code de la Consommation qui posent un cadre et qui peuvent être utilisés, mais on sait qu’en France la justice n’est pas si accessible que cela, d’autant plus quand on est affaibli… Personnellement, et notre contexte local y est certainement pour beaucoup, je n’ai jamais utilisé le signalement au procureur. Par contre dans un grand nombre de cas, les maltraitances sont mêlées, et la maltraitance financière n’en étant pas la moindre, une mesure de protection juridique a permis que le maltraitant soit neutralisé ou écarté sans drame. Mais nous bénéficions d’une coordination gérontologique depuis longtemps implantée, d’une association tutélaire spécialisée dans l’accompagnement des personnes âgées et d’un juge disponible et à l’écoute. Il est vrai que les situations complexes de l’ordre du pénal qui exige que des preuves soient fournies impliquent des résolutions moins évidentes, plus lentes et plus aléatoires. Le rôle du travailleur social, sans se transformer en policier ou en juge, sera d’accompagner la personne âgée dans ce parcours de maltraitance, de la rassurer, de la guider à travers les 60 / 92 textes, les démarches, les instances et les procédures en respectant ses choix et en veillant au suivi des différentes actions entamées. Son rôle sera aussi de se rapprocher de la famille, voire du maltraitant en proposant ou initiant des aides (humaines, financières, psychologiques…) qui pourront faire évoluer la situation. Nous devons aussi participer à l’effort d’information et de formation, à la diffusion d’une meilleure connaissance du phénomène maltraitance, tant au niveau de nos partenaires que d’un public plus large qui comprend les familles. Mais avant de terminer mon propos, je voudrais évoquer une chose qui est pour moi essentielle, le travailleur social doit aider la personne âgée à se faire entendre, à éviter qu’on lui confisque sa parole ou qu’on l’occulte. L’entourage – proche ou professionnel (et nous en sommes tous !) – a tellement tendance à parler à la place de et pour le bien de… Avec les plus parfaites bonne foi et intentions… Et sans vouloir banaliser la maltraitance et certaines violences faites aux personnes âgées vulnérables, la première des bientraitances est d’écouter, de tenir compte des personnes âgées dépendantes et de prendre soin d’elles, en le faisant nous-mêmes et en aidant les autres à le faire. Je vous remercie. Olivier RODAT Madame, la chaleur des applaudissements montre que vous avez employé les mots justes. Je voudrais rebondir sur ce que vous avez dit en rappelant l'ambiguïté de la situation, c'est l'affection du bourreau et de la victime qui crée des difficultés et cette pudeur qui pose éventuellement le droit, dont nous parlera Madame LAROQUE, d'être maltraité. Je pense qu'il y aura beaucoup de questions sur votre intervention, Madame. Nous allons poursuivre avec Monsieur le Colonel Christian PETIT, parce que la gendarmerie est un acteur de terrain extrêmement important, qui collecte des informations, qui est un facteur d'apaisement et comme vous le voyez, ce n'est pas le képi qui fait le militaire, et je crois que l'intervention de Monsieur PETIT sur les actions conduites par la Gendarmerie Nationale au profit des personnes âgées, c'est un voile que l'on ouvre et je ne pense pas qu'il ait été déjà ouvert devant cette association. 61 / 92 La gendarmerie nationale face à la maltraitance des personnes âgées : Constat et perspectives d'action Colonel Christian PETIT Chef du bureau de la police administrative et de la circulation routière de la direction générale de la gendarmerie nationale Merci, Monsieur le Président, à la fois de votre invitation et de la présentation que vous venez de faire. On peut être étonné dans cette enceinte de trouver un gendarme qui va parler de la maltraitance des personnes âgées, effectivement ce n'est pas tout à fait notre compétence première, même pas du tout. Il n'en demeure pas moins que nous intervenons, là aussi comme vous tous, au profit de gens qui sont dans le besoin, dans le malheur. La première question qui me vient à l’esprit est la suivante : qu’est-ce qu’une personne âgée? Faut-il considérer l’âge de la retraite sachant qu’elle diffère selon les professions? Faut-il considérer l’âge physiologique en sachant que de plus en plus de personnes vivent bien, longtemps et en bonne santé et que l’on parle de 3ème voire de 4ème âge ? Faut-il considérer un seuil par rapport à l’espérance de vie, qui recule d’année en année ? On constate que trouver une juste définition est difficile. Qu’en est-il pour la gendarmerie ? Ce seuil pour la gendarmerie est de 60 ans. C'est en effet cet âge qui est pris en compte depuis une trentaine d’année en matière de statistiques de service. En quoi cette catégorie de personnes se distingue-t-elle des autres ? Essentiellement par sa vulnérabilité accrue que ce soit pour des raisons physique, matérielle, morale voire mentale. Dès lors elle constitue une proie de choix pour les malfaiteurs, qui plus est dans une société qui se caractérise par la montée de la violence et de la délinquance ainsi que par la baisse corrélative de nombre de valeurs (respect, honnêteté, désintéressement, responsabilité, famille, travail, solidarité, etc.). Or notre société vieillit. Il paraît donc légitime de craindre, à moyen terme, un accroissement du nombre de personnes âgées victimes. Qu’en est-il dans la réalité actuelle ? C’est ce constat que je vais dresser pour ce qui concerne les zones où la gendarmerie exerce seule les missions de paix et de sécurité publique avant de vous indiquer quelles sont les actions qu’elle mène dans son secteur. I. Constat Le vieillissement de la population allié aux pertes de valeurs morales de la société est une réalité susceptible d'entraîner à la hausse les situations de maltraitance des personnes âgées. Cependant, si, sur un plan judiciaire, le nombre de victimes de plus de 60 ans est important, leur proportion parmi les victimes est stable et inférieure à ce qu’elles représentent dans la population nationale. Par ailleurs, les faits graves qui les concernent augmentent beaucoup moins que pour le reste des Français. .1. Un vieillissement inéluctable de la population Selon les projections de l’INSEE, la croissance démographique française durant le prochain demi-siècle (augmentation de 5 millions de personnes) s'accompagnera inéluctablement d'un vieillissement de la population. En 2050 la France comptera 22,4 millions d'habitants de plus 62 / 92 de 60 ans (soit 35% de la population totale) alors qu'au dernier recensement de 1999, cette catégorie représentait 12 millions d’individus, soit 21% de la population. Corrélativement, l'espérance de vie sera en constante augmentation. Pour 2000, elle est estimée à 75,2 années pour les hommes et 82,7 pour les femmes. En 2035, toujours selon l’INSEE, ces nombres seraient respectivement de 81,9 et 89 ans. La gendarmerie nationale assure la surveillance de 95 % du territoire national au profit de 50 % de la population. Le nombre de personnes âgées vivant dans sa zone de compétence peut être évalué à 6 millions en ce début de millénaire. Il est à craindre que le nombre de victimes, parmi cette catégorie de population amenée à s’accroître, soit susceptible d’augmenter. .2. Les personnes âgées sont des victimes "idéales" Le facteur essentiel de cette victimisation est "la faiblesse", qu’elle soit physique, morale, psychologique voire matérielle. Par ailleurs, dans tous les pays industrialisés, force est de constater que les personnes du 4e âge (au-delà de 75 ans) sont en constante augmentation (le nombre d'octogénaires a doublé en France entre 1975 et 1999), et peuvent, grâce aux aides sociales ainsi qu'à l'assistance médicale à domicile, espérer finir leur vie chez eux. Cette double vulnérabilité, faiblesse et isolement durant certaines périodes de la journée, favorise inévitablement les risques d'agression. .3. L'action répressive de la gendarmerie est encadrée par les dispositions du code pénal Les actes de maltraitance des personnes âgées revêtent des aspects nombreux et révoltants : violences physiques (coups, gifles, brûlures, etc.), psychologiques (insultes, menaces, rétorsions diverses), financières (vols, extorsions de fonds ou de signatures, etc.), médicamenteuses (abus de neuroleptiques ou privation de médicaments) et civiques (privation des droits élémentaires du citoyen, séquestration de papiers d'identité, etc.) mais aussi négligences actives (privation des aides indispensables à la vie quotidienne) et passives (oubli, abandon, etc.). Cependant l'action répressive de la gendarmerie ne peut être mise en mouvement que lorsque trois conditions sont réunies : ces actes doivent être dénoncés ou faire l’objet d’une plainte, constituer une infraction prévue et réprimée par le code pénal et être prouvables (preuves matérielles, témoignages, etc.). Les principaux crimes et délits constatés par la gendarmerie sont les suivants: Les homicides et les tentatives, souvent précédés d'actes de torture voire de viols, afin d'obtenir des renseignements sur l’existence de biens matériels négociables (bijoux, objets d’art, argent, etc.) ; Les viols et les agressions sexuelles qui parfois précèdent le meurtre et accompagnent les cambriolages ; Les vols avec violence (vols à l'arraché, vols carte bancaire lors retrait au DAB, cambriolages, etc.) ; Les vols par ruse (recherche d’animaux, demande d'un service, visite d’un soit disant ami de la famille, vente de produits divers, etc.) ; Les vols par fausse qualité (artisans, policiers ou gendarmes, employés du gaz, de l’électricité ou des télécommunications, profession médicale, etc.). 63 / 92 .4. Bilan des victimes de plus de 60 ans et des affaires pénales graves depuis deux ans Les statistiques montrent une augmentation de 14 % des victimes de plus de 60 ans dans les affaires pénales diligentées par les militaires de la gendarmerie entre 2000 et 2001 soit plus que la hausse de la totalité des faits (+ 12,3 %). Il faut néanmoins remarquer qu’au regard de leur représentativité dans la population nationale (21%), elles sont plutôt moins victimes que les plus jeunes. ANNEES 2000 2001 CRIMES ET DELITS CONSTATES TOTAL VICTIMES DE + 60 ANS 1.032.343 155.929 1.159.003 (+ 12,3 %) 177.810 (+ 14 %) Proportion 15,49 % 15,34 % En revanche, les principaux faits constatés par la gendarmerie et perpétrés au préjudice des personnes âgées sont en augmentation de 10,9% entre 1999 et 2001. Toutefois, en comparaison du total des faits constatés en zone gendarmerie, il y a lieu, là encore, de ne pas dramatiser la situation. En effet, alors que les faits de délinquance graves augmentent dans des proportions importantes entre 1999 et 2001 (de l’ordre de 36%), la part des faits dont sont victimes les personnes âgées est en hausse beaucoup plus faible, la presque totalité de celle-ci étant liée aux vols par fausse qualité. Par ailleurs, 75 % de ces faits sont commis sans violence. FAITS Homicides et tentatives Agressions sexuelles - viols Vols avec violence Vols par ruse Vols par fausse qualité TOTAL 1999 2000 2001 Constatés/Total 70/610 Constatés/Total 57/759 Constatés/Total 60/833 Evolution 172/3577 159/4623 162/4912 -5,8% 711/7538 1.246/3856 1.274 693/8246 1.361/4696 1.491 724/10471 1.244/5043 1.660 +1,8% -0,1% +11,3% 3.473/16855 3.761/19815 3.850/22919 10,9%/36% -14,3% .5. Victimologie Les auteurs : Les malfaiteurs chevronnés se caractérisent par leur mobilité d'action sur le territoire national et par la qualité de la préparation de leurs forfaits. Ils choisissent leurs objectifs en fonction du gain à en attendre. Les faits sont commis soit avec violence, soit avec emploi de subterfuges. Les auteurs sont bien souvent issus de minorités ethniques non sédentarisées (MENS) ou appartiennent à des organisations provenant des pays de l'Est, notamment de Roumanie ; 64 / 92 Les malfaiteurs occasionnels (bien souvent des mineurs toxicomanes) opèrent dans des secteurs géographiques restreints sur des objectifs ne présentant pas de risque. Ils recherchent des gains limités mais faciles. La répétition de leurs actes criminels leur procure des gains substantiels. Les modes opératoires : Vols commis avec violences au domicile des victimes : les auteurs agissent la nuit encagoulés, gantés et armés. Ils pénètrent avec effraction dans les habitations pendant le sommeil des occupants qu'ils ligotent, bâillonnent, violentent voire torturent ou violent. Parfois, l'opération se solde par un meurtre ; Vols commis avec violence sur la voie publique : la pratique la plus courante est le vol à l'arraché ; Vols par ruse : les stratagèmes utilisés par les malfaiteurs pour tromper les victimes sont très variés (fausse vente - 58 % des faits constatés en 2001-, demande ou offre de service - 12 % des faits constatés en 2001-, recherche d'un animal, présence de parasites dans les matelas, échange d’argent avant le passage à l'euro, etc.) et leurs méthodes changent continuellement. Les auteurs, y compris des femmes, opèrent le plus souvent par trois, après un repérage préalable de l’environnement. L'un s'arrange pour éloigner ou distraire la future victime pendant que l'autre fouille les pièces. Le troisième reste dans un véhicule stationné à l'écart du domicile de la victime. Des voies de fait sont parfois commises. Enfin, ces vols ont lieu principalement les jours ouvrables entre 8 et 12 heures ; Vols par fausse qualité : les professions les plus souvent imitées sont respectivement les faux policiers (29% des faits constatés en 2001), les faux agents des eaux, d’EDF, des télécoms (22,5 % des faits constatés en 2001), les faux artisans (19% des faits constatés en 2001), les faux agents administratifs, les faux amis, etc. Les auteurs, entre 1 et 4, opèrent suivant un scénario bien préparé. Sauf à de rares exceptions, ils n'exercent aucune violence, même en cas d'opposition de leurs victimes. Ils utilisent soit leurs véhicules personnels sous une fausse immatriculation, soit des véhicules volés. Ces vols sont commis généralement les jours ouvrables en milieu de semaine (mardi, mercredi ou jeudi) et dans la tranche horaire 08-12 heures. Les victimes : Les femmes sont plus exposées que les hommes ; Les actes de violence sont rares mais, lorsqu'il y en a, les conséquences corporelles sont graves, surtout sur le plan physique, compte tenu de l'âge et de la fragilité des victimes ; Les actes d'autodéfense sont dangereux pour la victime car ils entraînent inévitablement des réactions violentes de la part des auteurs ; Les répercussions psychologiques chez la victime sont importantes. Le stress provoqué par la soudaineté de l'acte et son intensité est parfois pathogène. Des déséquilibres intellectuels, qui influaient encore peu sur les actes de la vie quotidienne, peuvent s'aggraver et évoluer vers un état dépressif (angoisses, peurs, claustration, etc.), voire démentiel. En outre, peuvent s'ajouter des difficultés financières et sentimentales liées au préjudice ; Il convient par ailleurs de ne pas négliger les conséquences sociales (culpabilisation de la famille, dégradation des rapports au sein du couple ou de la famille qui se renvoie les responsabilités, moqueries de la part du voisinage, etc.). 65 / 92 Ce constat, un peu sombre il est vrai, mérite d’être tempéré à la fois par les données chiffrées, qui relativisent l'étendue du phénomène, mais aussi par le fait que la gendarmerie, dans ses zones de compétence, est loin d’être inactive. Dès qu’elle a connaissance d’un fait infractionnel, elle déploie en effet ses moyens pour rechercher et appréhender les auteurs. Mais l’effort qu’elle entend mener à moyen terme concerne le domaine de la prévention. II. Les actions menées par la Gendarmerie La gendarmerie, grâce à son maillage territorial (il existe 3558 brigades sur la base d’une par canton) et à la polyvalence de ses personnels à la fois enquêteur, agent de renseignement ou de prévention, médiateur parfois, maintient quotidiennement la sécurité publique. Elle utilise pour cela ses modes d’action traditionnels, qui ont fait leurs preuves y compris à l’égard des personnes âgées. Mais pour faire face à l’évolution de cette problématique elle s’adapte en développant des actions coordonnées et concertées avec ses principaux partenaires et en mettant en place des dispositifs de formation et d’information. 2.1 Les modes d’action traditionnels : la surveillance générale et le renseignement Les personnels de la gendarmerie sont en contact quotidien avec la population lors des multiples patrouilles qu’ils effectuent le jour comme la nuit. A cette occasion ils surveillent leur circonscription et recueillent des renseignements sur des faits ou des comportements anormaux. Bien sûr ils ne peuvent rendre visite à tous les habitants de leur zone d’action mais ils en voient un certain nombre. Les personnes âgées en font partie plus particulièrement lorsqu’elles se sont signalées à la brigade de gendarmerie pour porter plainte ou faire part de faits anormaux. Il faut également savoir que chaque brigade de gendarmerie assure une permanence de l’accueil du public 24 heures sur 24. Même s’il est parfois difficile pour une personne âgée de se déplacer, il ne faut pas hésiter à le faire quand elle l’estime nécessaire. Elle sera écoutée et son problème pris en considération. A défaut, elle peut se faire représenter ou téléphoner si elle est seule. 2.2 La coopération entre tous les acteurs du service public et les élus Chaque année, les préfets en partenariat avec les magistrats du parquet et les forces de sécurité établissent un plan départemental de sécurité qui dresse un bilan général de la sécurité sur le département et détermine des priorités d'action. La problématique des personnes âgées peut naturellement y être abordée si c'est le cas. Ces plans sont ensuite déclinés en plans locaux au niveau des arrondissements. Les conseils départementaux et locaux de prévention et de lutte contre la délinquance constituent également des plates-formes idéales pour lutter contre la délinquance qui touche les aînés. Ils associent non seulement les acteurs institutionnels mais aussi les élus, les services sociaux et les associations intéressées par la prévention. Ils peuvent notamment proposer aux pouvoirs publics les mesures jugées nécessaires et les moyens à mettre en œuvre. Ils s’appuient en particulier sur les contrats locaux de sécurité, dispositifs qui visent, sur un secteur géographique donné, à lutter contre toute forme de délinquance. Certains de ces C.L.S prennent déjà en compte les personnes âgées (système d’accompagnement, interventions régulières dans des foyers, etc.). 66 / 92 Plus récemment le ministre de l’intérieur vient de décider la création de groupes d’intervention régionaux, dont une des missions sera de lutter contre la criminalité organisée et notamment les vols par ruse et les agressions à domicile contre les personnes âgées. 2.3 Les actions ciblées menées au profit des personnes âgées 2.3.1 L’information L'information des victimes potentielles d'agressions est primordiale et peut prendre diverses formes (reportages télévisés, spots publicitaires, diffusion de tracts, démarches d'information dans les maisons de retraite ou à domicile, exposés dans les salles communales, etc.). Il faut cependant veiller à ce qu’elle n’engendre pas, pour autant, une psychose ou une dramatisation susceptible d'entretenir un climat d'insécurité et, qu'au contraire, elle permette d'instaurer un climat de confiance et une participation active des personnes informées sur leur propre sécurité. C’est pourquoi elle doit être menée par des professionnels. C'est ce que fait la gendarmerie aux différents échelons. Ainsi, les unités territoriales de la gendarmerie mènent des actions locales de prévention au regard des affaires judiciaires. A titre d'exemple, le groupement de l'Aude en coopération avec la police nationale a élaboré un guide sur la sécurité dont une des fiches concerne les personnes âgées. On y trouve des conseils sur les comportements à adopter dans la rue ou les mesures à prendre à son domicile. La direction générale de la gendarmerie nationale adresse régulièrement des directives de mise en garde aux unités eu égard à un problème particulier : agressions de personnes ou démarchage à domicile, mise en place récente de l’euro. Ces directives préconisent l’information sous toutes ses formes : directe, voie de presse, distribution de guides, etc. Le service d'information et de relations publiques de la gendarmerie (SIRPA), en partenariat avec EDF-GDF et Groupama-assurances, a réalisé "un guide conseils" à destination des personnes âgées. Ce guide est disponible dans toutes les brigades territoriales. Il donne 15 conseils pour la sécurité autour de 4 thèmes : ne tentez pas les voleurs, limitez les risques, identifiez vos visiteurs, rompez votre isolement. Enfin, le service de productions audiovisuelles de la gendarmerie (SPAG) a réalisé et diffusé dans toutes les unités, début mars 2002, une cassette vidéo ayant trait aux vols par fausse qualité ou par ruse. Cette aide pédagogique de 17 minutes est un support permettant aux militaires de la gendarmerie de mener des actions de sensibilisation auprès du public concerné. 2.3.2 L’amélioration de l'information et de la formation des enquêteurs sur cette problématique Une cellule "personnes âgées - mineurs - atteintes aux mœurs" (PAMAM) a été créée en 1992 au sein du service technique de recherches judiciaires et de documentation (STRJD) de la gendarmerie à Rosny-sous-Bois. Elle est à la disposition des enquêteurs. Elle traite et recoupe les renseignements d’ordre judiciaire relatifs aux affaires dont sont victimes les personnes âgées aux fins d'orienter l'enquête dans les plus brefs délais. A titre d'exemple, son travail a permis en mars 2002 au groupement de l'Ille-et-Vilaine d'interpeller une équipe responsable de plusieurs vols par ruse. C’est cette cellule qui réalise les études relatives à la victimologie et aux modes opératoires des malfaiteurs dont je vous ai donné les résultats tout à l’heure. 67 / 92 Les difficultés des enquêteurs résident essentiellement dans le manque de fiabilité des témoignages. L’auteur ressemble bien souvent au gendarme qui recueille l’audition. C’est pourquoi ce service a constitué un album photographique des principaux auteurs de vols par ruse ou fausse qualité, mis à la disposition des unités confrontées à ce type d’infraction. Elle a également élaboré des fiches conseils destinées aux personnes âgées sur les conduites à tenir pour leur propre sécurité, sur la voie publique, à leur domicile ou en cas d’agression. Il existe également une cellule interministérielle de lutte contre la délinquance itinérante (CILDI), constituée entre autres de militaires de la gendarmerie, qui suit le phénomène des agressions de personnes âgées à leur domicile (APAG), notamment les vols commis par fausse qualité, par ruse ou par violence. Elle constitue une passerelle entre tous les services de police judiciaire. Enfin, le centre national de formation de la police judiciaire (CNFPJ) qui a pour vocation de former les enquêteurs de la gendarmerie (officiers et sous-officiers) a intégré dans son programme d'instruction la problématique des personnes âgées. Si cette démarche est concluante, il est envisagé de l'étendre à l'ensemble des écoles de formation des élèves sousofficiers. Les éléments que je viens de vous livrer vous démontrent, si besoin était, que la gendarmerie a, depuis longtemps, pris en compte dans son action quotidienne la problématique de la maltraitance des personnes âgées dans les domaines qui sont de sa compétence, c’est-à-dire essentiellement sous l’angle de la police judiciaire mais également sous l’angle de la prévention. Elle l’a un peu mieux ciblée depuis une dizaine d’années environ et fait actuellement un réel effort dans le domaine de la prévention. A cet égard, il existe, dans chaque département, un officier « prévention-partenariat » dont c’est le domaine d’action. Il n’en demeure pas moins que la seule action de la gendarmerie ou des forces de police n’est pas suffisante et qu’elle doit continuer, voire renforcer sa collaboration avec les autres partenaires de la sécurité mais aussi et de plus en plus avec les élus, les associations, dont ALMA. Enfin la collaboration la plus difficile à obtenir est souvent celle des citoyens concernés au premier chef qui ne doivent pas hésiter à appeler la brigade de gendarmerie, quand elles s’estiment en danger ou menacées ou pour leur faire part de leurs doutes sur le comportement de certains individus. Mesdames, Messieurs, je vous remercie de votre attention. Olivier RODAT Merci, Colonel, je crois qu'il était important que nous ayons ce témoignage, parce que ce n'est pas tous les jours que nous avons un discours pareil, mais merci de nous avoir donné des recettes et des idées, merci de nous avoir montré la turpitude de certains, pour les engagements à la Gendarmerie, vous verrez le Colonel, et puis, je crois que Monsieur HUGONOT a une affection particulière pour les gendarmes, expliquez-nous. Robert HUGONOT Pas seulement parce que j'ai eu un grand-père qui était gendarme, mais simplement pour vous dire que lorsque ALMA constate des délits du genre crimes, violences physiques sur des personnes âgées, il est évident que l'on fait appel à la Gendarmerie d'une manière prioritaire. Mais il faut que je vous dise aussi que si les victimes âgées apparaissent moins dans vos 68 / 92 statistiques que les autres âges, cela me paraît parfaitement normal parce que ce que nous révélons, avec les antennes ALMA, c'est que dans la grande majorité des cas les victimes âgées souffrent en silence. Ce sont des violences invisibles que nous concourrons à rendre visibles par notre action. Je ne vais pas développer davantage ce thème parce que cela serait trop long, mais je voudrais répondre à votre appel en vous disant que nous aimerions vraiment travailler davantage avec la gendarmerie, je vous demande, mon Colonel, de transmettre ce message à vos supérieurs, car dès 1995, quand nous avons commencé ALMA et quand nous avons commencé la formation des écoutants, des référents et d'autres personnes, nous avons utilisé des films fabriqués par la Gendarmerie… du Québec ! Et ces films étaient excellents, parce que justement ils montraient des personnes âgées expulsées par un logeur musclé ou des violences au sein de la famille. Je voudrais également que l'on se rapproche de vous, pas seulement pour vous demander peut-être que nous fassions ensembles des films d'éducation, encore que ce soit une tâche que nous pourrions mener en association ; surtout en milieu rural où vous êtes à vrai dire les seuls intervenants et où beaucoup d'antennes travaillent beaucoup dès maintenant avec la Gendarmerie. Donc merci de votre intervention. Olivier RODAT Merci, Monsieur HUGONOT. Nous allons passer la parole au dernier intervenant, qui va traiter de l'aspect clinique, le Docteur SERVADIO qui est médecin généraliste et qui va nous apporter l'éclairage de cette profession face à une situation qui est difficile, qui est souvent l'objet de déni de la part des médecins. Le Médecin Praticien face à la suspicion de maltraitance Docteur Albert SERVADIO Médecin généraliste Merci, Monsieur le Président. La maltraitance envers la personne âgée est rarement constatée par le médecin praticien. Il est le plus souvent sollicité pour des constats concernant la violence sur enfant ou celle touchant la femme. Dans le premier cas les symptômes se caractérisent par des troubles du comportement (agressivité, anorexie), une cassure brutale dans l’activité scolaire de l’enfant, des comportements régressifs(incontinences). Parfois les signes retrouvés sont des lésions corporelles( hématomes, brûlures, etc.). La violence envers les femmes se caractérise le plus souvent par des agressions physiques voire des conduites de harcèlement. Chez la personne âgée l’expression de la maltraitance peut prendre des aspects divers, elle est rarement l’expression d’une agression physique. 69 / 92 Quels sont les auteurs de maltraitance envers les personnes âgées à domicile ? I. L’environnement proche: On a l’habitude de faire un parallèle entre la personne isolée et la maltraitance. Paradoxalement, la personne âgée maltraitée, n’est pas obligatoirement celle qui est isolée, mais le plus souvent celle qui est entourée ou anormalement entourée. Cet entourage se compose de différentes strates qui vont de la famille la plus proche (conjoint, enfants) aux personnes qui les côtoient régulièrement ou occasionnellement. La maltraitance familiale est la plus difficile à déceler car l’attitude de la personne âgée vis à vis de sa famille est souvent une attitude de soumission, de silence et parfois même de défense du groupe. A domicile la maltraitance peut être la fait d’un individu isolé, d’un groupe d’individus ou même d’une structure de prise en charge. Cette maltraitance peut être soit inconsciente, soit volontaire et dans ces différentes situations la personne âgée va subir sans pouvoir se défendre les conséquences de ces actes. A / La famille: 1) Le conjoint peut avoir une attitude maltraitante. Syndrome d’épuisement lors d’une prise en charge d’une maladie chronique. Modification dans l’organisation relationnelle de la vie de couple, nécessité de suspendre certaines activités de la part du conjoint. Infantilisation et agressivité de la part du conjoint qui règle des problèmes anciens et qui reprend le dessus dans l’équilibre du couple. 2) Les enfants: Agressivité du fait de la nécessaire prise en charge de parent en difficulté. Chantage affectif dans le but d’obtenir des largesses injustifiées. Attitude de vengeance sur des situations refoulées remontant à l’enfance. Agressivité en réaction à l’inacceptation de la notion de dépendance du parent. Agressivité devant l’obligation légale d’aider financièrement le parent âgé. Restriction financière d’emblée alors que la personne âgée peut encore gérer ses besoins courants (suppression du chéquier, contrôle tatillon des dépenses en espèces). 3) Les petits-enfants: Attitude de chantage affectif : les visites se font en fonction des chèques remis. Comportement de spoliation surtout lorsqu’il s’agit d’individus dépendants de drogues licites (alcool) ou illicites. Abus d’hébergement de petits-enfants en difficulté sociale ou psychologique (marginalité). On peut étendre les mêmes items aux frères et sœurs de la personne âgée. 70 / 92 4) La famille éloignée: (Nièces, filleul, petite cousine, etc.) elle est souvent présente auprès de personnes âgées isolées et aisées par contre souvent absentes lorsque les conditions financières de la personne âgée sont insuffisantes. C’est souvent une pression financière qui est rencontrée avec comme chantage la visite du seul représentant familial. 5)La famille occasionnelle: Demi-frère ou demi-sœur de découverte récente; famille recomposée qui apparaît lorsque la personne âgée est aisée et isolée. B / Les amis: Souvent proches de la personne âgée, ils assurent une vigilance régulière dans la protection du patrimoine dont ils espèrent être les légataires en cas d’absence de famille. comportement de spoliation ingérence dans la vie de la PA C / Les relations de voisinage ou gardiennage : Chantage financier à la présence ou à la garde de clefs pour une intervention en cas de besoin la nuit. Intrusion dans l’intimité de la personne âgée : ouverture des tiroirs, des armoires, curiosité et questions injustifiées. Création d’une dépendance relationnelle en faisant remarquer à la personne âgée l’abandon par sa famille Spoliation possible(signature abusive, procuration sur le compte bancaire). II. L’environnement médico-social L’environnement médico-social devient prépondérant dans la prise en charge de la PA du fait : de l’accroissement de la durée de vie de la PA du désir de la PA de demeurer chez elle le plus longtemps possible de l’insuffisance du nombre de structures d’accueil de PA Cette situation de la PA entraîne la nécessité de l’intervention de nombreux professionnels d’horizons différents et dont les règles de conduite et la formation sont très variables. Toucher à l’intimité la plus profonde de la PA (toilette, soins divers) crée sur celle-ci un état de dépendance affective accrue dont les intervenants pourraient très facilement profiter. Les comportements de maltraitance peuvent revêtir différents aspects suivant la profession : 1) Médecin généraliste : Pilier de la prise en charge de la PA à domicile peut être maltraitant par : insuffisance de soins déni de la souffrance de la PA utilisation abusive de médications (tranquillisants, neuroleptiques) infantilisation non-respect des droits de la PA 71 / 92 abus financiers substitution à la famille non-signalement d’une situation anormale méconnaissance et ignorance des autres intervenants 2)Infirmière, kiné, orthophoniste, pédicure, etc…… non-exécution des actes prescrits par le médecin généraliste négligence langage ou actes brutaux non-signalement d’une situation anormale abus de faiblesse(spoliation) attitude protectrice sur-évaluée entraînant une atteinte à la liberté 3)Les services sociaux absence de diligence dans le suivi d’un signalement non-prise en compte des besoins d’aide(mauvaise écoute) 4)Les services à la personne : Ils intéressent le monde associatif mais aussi marginalement des structures commerciales. + Les associations prestataires : Elles adressent à la personne âgée un salarié de l’association pour aider cette dernière dans les actes de la vie courante. Ces structures sont en grande partie financées par les organismes de retraite (CNAV, Caisses de retraite complémentaires etc....) et en partie par la P A en fonction de ses revenus. ◊La maltraitance peut être en rapport avec la structure : Absence de choix ; situation locale de monopole. Mauvaise évaluation des besoins. Envoi de l’aide en fonction des disponibilités des personnels de la structure(créneau horaire non adapté aux besoins de la PA). Absence ou insuffisance de compétence du salarié adressé à la PA. Absence de contrôle et de suivi du salarié de l’association au domicile. Absence de réévaluation des besoins de la PA en cours de perte d’autonomie. Absence de prise en compte des désirs de la PA concernant le choix du salarié adressé. Changements intempestifs du personnel parfois sans prévenance ce qui peut perturber la PA ; cependant paradoxalement ces changements peuvent parfois être le moyen de révéler la maltraitance exercée par le salarié remplacé. ◊La maltraitance peut être le fait de l’employé de maison : Négligence dans la prise en charge Abus de faiblesse(autoritarisme, agressivité, chantage, travail illicite moyennant finance) Infantilisation et irrespect(non-respect de la pudeur) Spoliation et manipulation affective Manque de discrétion concernant les conditions de vie de la PA 72 / 92 +Associations mandataires : Contrairement à l’association prestataire, les intervenants recrutés par l’association sont les salariés de la personne âgée ,l’association mandataire assure le suivi administratif et la bonne marche de la prise en charge. Le personnel n’est pas forcément imposé à la PA qui en fait le choix. ◊La maltraitance peut être en rapport avec la structure : Son incompétence : manque de formation des dirigeants et de ses salariés pouvant créer des difficultés juridiques ou financières à la PA(contrats mal ou pas rédigés, non information sur les éléments juridiques inhérents à la qualité d’employeur de la PA). Absence ou mauvaise évaluation des besoins de la personne âgée dans un but captatif. Incompétence ou insuffisance dans la procédure de recrutement du personnel adressé. Absence de signalement de situations anormales de la PA aux autorités de protection (famille, juge de tutelle, assistante sociale, procureur de la république). Absence délibérée ou insuffisance d’écoute de la responsable de l’association. Non-exécution des termes du contrat de mandat entre la personne âgée et l’association. Non-respect du silence imposé sur les conditions financières, psychologiques ou familiales de la personne âgée. III. L’environnement habituel : Au-delà de l’environnement proche, il existe un environnement habituel, très important pour les personnes âgées dont les comportements peuvent être abusifs : 1)Les commerçants : abus de faiblesse (financier) 2)Les banquiers : passivité devant un comportement anormal (retrait d’espèces inhabituel, procuration à une personne étrangère) conseils bancaires de placements non conformes à l’âge et à la situation de la PA 3)Les notaires : actes non-conformes à l’intérêt de la PA ou/et de sa famille passivité devant des situations suspectes non-respect de la déontologie QUELS SONT LES SIGNES QUI PERMETTENT DE SUSPECTER UNE MALTRAITANCE ENVERS LES PERSONNES AGEES A DOMICILE ? 1)Modifications de l’état de santé qui ne trouvent pas une explication : phénomènes infectieux inhabituels douleurs anormales inefficacité brutale de traitements habituels 73 / 92 troubles nutritionnels troubles cutanés ( escarres, ulcères ) troubles de l’hydratation appels fréquents à des structures médicales d’urgence 2)Modifications neuropsychologiques : troubles de l’humeur (agressivité inexpliquée, apathie, syndrome dépressif) troubles cognitifs d’apparition récente troubles moteurs d’apparition récente sans systématisation troubles du sommeil ou au contraire hypersomnie syndrome dépressif d’apparition récente syndrome confusionnel attitude de retrait 3)Modifications physiques : amaigrissement récent comportement craintif avec réflexe de défense négligence de l’hygiène corporelle négligence vestimentaire constat de lésions suspectes pouvant faire craindre des sévices physiques 4)Modifications comportementales : refus de soins d’hygiène attitude régressive avec incontinence inhabituelle refus de la prise de traitement refus de mobilisation aggravation brutale de l’état de dépendance attitude de terreur En fait toute modification de l’état physique, psychique, comportemental, médical ou environnemental d’une personne âgée à domicile justifie de la part du praticien une vigilance particulière afin d’éliminer tout risque d’attitude maltraitante qu’elle soit volontaire ou inconsciente, d’autant plus qu’il s’agit d’une personne âgée dépendante. QUELLES DIFFICULTES POUR LE MEDECIN PRATICIEN ? 1) Difficultés dans la manière de gérer la situation : non-sensibilisation du praticien à la gérontologie non-sensibilisation du praticien à la maltraitance de la P.A par ignorance des procédures d’alerte et de signalement par ignorance des partenaires par ignorance des textes judiciaires difficulté d’accès aux soins médicaux et aux appareils et aux aides techniques 74 / 92 2) Crainte du médecin praticien de ne plus être le lien entre la personne âgée et l’extérieur : Bien que conscient d’une suspicion de maltraitance il craint d’être exclu de l’environnement de la P.A ce qui risque d’aggraver l’isolement de la personne âgée, le maltraitant volontaire ou non éliminant tout témoin « perturbateur ». 3) Difficulté pour le médecin praticien d’avoir un contact direct avec la personne âgée en l’absence de l’auteur de la maltraitance. Cette situation ne permettant pas le recueil des souffrances émanant du dialogue avec la personne âgée CONCLUSION Nous constatons donc que tout intervenant auprès de la PA ( individu ou structure) peut être à l’origine d’une maltraitance : Par attitude hostile. Par attitude trop protectrice. Par attitude de négligence. La mise en évidence d’une maltraitance est parfois particulièrement mal aisée en raison : Du niveau de dépendance de la PA et de son mode d’expression. De ses revenus ; si ceux-ci sont insuffisants ou au contraire importants. De l’absence de transparence de l’environnement familial. De la crainte de la personne âgée de perdre le seul lien avec le monde extérieur. Comment alors mettre en évidence les cas de maltraitance et comment apporter les solutions conduisant vers un risque sinon zéro, mais moindre de maltraitance des personnes âgées. La solution passe par l’existence de structures : 1) Centre d’écoute et d’aide ALMA Permettant de dénouer des situations particulièrement délicates : Du fait d’une situation de neutralité par rapport à l’environnement de la personne âgée, Par la compétence des écoutants, Par l’autorité de la structure en matière de compétences et de mobilisation des personnes ou des structures ressources. 2) Réseau gérontologique médico-social permettant : Une prise en charge multiprofessionnelle avec une approche sous différents angles et capable de fournir un faisceau de présomptions suffisant pour coordonner une action de protection. Une sensibilisation par la formation des différents professionnels à ce problème permettant une prise de conscience individuelle à son comportement. 75 / 92 Possibilité de créer un véritable « groupe Balint » de la maltraitance dans tous ses aspects, créant l’éveil face à des situations à risque et permettre la prévention. Olivier RODAT Merci, Monsieur SERVADIO. Merci d'avoir montré une chose qui est souvent ignorée, c'est que le déni du monde médical par rapport à la violence des personnes âgées procède très souvent d'une absence de formation. Aussi curieux que cela puisse paraître, l'enseignement de la gérontologie dans les facultés de médecine date de 1997. donc comment voulez-vous informer, alerter, sensibiliser les jeunes médecins et les étudiants en médecine à ce problèmelà, alors que cela ne fait que cinq ans que l'enseignement existe. Je sais qu'il y a eu des précurseurs, je vois Monsieur BECK qui a beaucoup œuvré dans ce sens-là. La formation pour la sensibilisation des soignants me paraît être une chose extrêmement importante. Robert HUGONOT J'aimerais dire un petit mot de complément. Je suis heureux que Monsieur SERVADIO ait parlé comme il l'a fait, car il est quand même extrêmement curieux de voir que sur les 10.000 dossiers (fin 2000) complets et certifiés en quelque sorte dont nous disposons actuellement à ALMA, il y a si peu de médecins qui ont opéré des signalements. A tel point qu'il y a deux ou trois semaines, alors que je suis allé parler devant un certain nombre de représentants du Conseil National de l'Ordre des Médecins, je me suis montré un peu agressif et leur ai demandé pour commencer pourquoi les médecins sont aveugles, sourds et muets devant la maltraitance des personnes âgées ? Il est certain que ce n'était pas très gentil pour le corps médical qui était en face de moi et qui m'écoutait, mais on a développé et on continue à développer ce propos en disant qu'évidemment le médecin va constater ce qu'il voit. S'il y a des ecchymoses, s'il y a différents troubles sur le malade qu'ils vont examiner à domicile, ceux qui lui ont été enseignés : il les voit. Mais il faudrait aussi de plus en plus que les soignants, tous les soignants ; (le médecin n'étant qu'un soignant parmi d'autres, et il est bon qu'il travaille avec tous les autres, en particulier ceux qui travaillent à domicile, je dirais que l'aide ménagère est aussi une soignante, les personnels de service dans les centres hospitaliers ou dans les maisons de retraite sont aussi des soignants, il s'agit là d'équipes soignantes) transfèrent sur les personnes âgées les résultats d'une étude qui a été publiée au début de l'an dernier par une équipe de gens qui savent ce que c'est que faire de la recherche, une équipe qui a associé le CNRS, l'INED et des chercheurs de l'Université de Paris V. Ils ont fait cette étude sur les femmes. Une de leurs conclusions, extrêmement frappante, qu'il faut inscrire en lettres d'or dans nos neurones, c'est que "les violences verbales et psychologiques répétées sont aussi destructrices que les violences physiques". Alors à partir de là, cela concerne aussi les médecins et, il faut aussi le leur enseigner. Il faut aussi leur apprendre comment faire : tout seuls il ne pourront pas, il faut donner à tous les médecins soignants le sens de la réunion pluridisciplinaire avec tous les autres soignants pour qu'ils comprennent qu'ils ne sont pas seuls à le faire. Il est évident que les médecins qui travaillent avec Monsieur SERVADIO dans l'association qu'il anime, savent que c'est dans ce sens-là qu'il faut se diriger. J'espère que cela se développera davantage. Nous allons d'ailleurs dans les mois à venir avoir davantage de rencontres avec ceux qui s'occupent de la maltraitance envers d'autres catégories de la 76 / 92 population. Nous avons déjà rencontré l'Office décentralisé de l'action sociale qui publie chaque année les résultats des études, du recensement des maltraitances sur enfants. Les enfants maltraités, les enfants en danger et ce qu'ils découvrent est également passionnant. Mais il y a d'autres catégories, telles que les autres handicapés, ceux qui ne sont pas des enfants dont s'occupe l'enfance maltraitée, ceux qui ne sont pas encore des vieux dont s'occupe ALMA, donc ceux du milieu. Il n'y a pas de raison, à partir du moment où nous dénonçons des violences familiales, dans ces climats délétères qui règnent dans une famille sur cinq d'après certaines études suédoises. Nous devons servir de révélateur devant des personnes qui souffrent en silence, ces violences invisibles, il faut les rendre visibles, et les rendre visibles à tout le monde et pas seulement aux professionnels. Olivier RODAT Vous voyez que Monsieur HUGONOT, c'est notre conscience. Nous avons maintenant une petite demi-heure devant nous après les six interventions de qualité pour peut-être dialoguer avec la salle si un certain nombre de questions émergent concernant les différents points qui ont été abordés. Alors comme toujours, la première question est difficile, et nous allons passer à la deuxième ! Intervention d'une participante Pour compléter un peu ce que j'ai dit ce matin, je voudrais dire au Professeur HUGONOT que parfois la maltraitance morale ou psychologique est plus dure que la maltraitance physique. Parce que la maltraitance physique, on la voit, alors que comme je le disais ce matin, une personne âgée à laquelle on dit toujours "je n'ai pas le temps" et pour laquelle rien n'est fait, n'ose rien dire, a l'impression que les gens sont là presque par pure bonté, c'est beaucoup plus dur de lutter contre cela. Etant bénévole chez les Petits Frères des Pauvres, je vois souvent cela. Et aussi la "camisole chimique" dans les maisons de retraite. Olivier RODAT Oui, et c'est vrai que pour rebondir sur ce que disait Monsieur SERVADIO, les stigmates physiques de la maltraitance chez le sujet âgé ont toujours une explication médicale. Sa peau s'est déchirée ? C'est normal, elle est fragile… Il tombe ? C'est normal, les vieux tombent… Il a des ecchymoses ? C'est normal, il a un traitement anticoagulant… Alors il y a des tas d'explications qui sont alimentées par la poly-pathologie et finalement on ne fait pas le pas en considérant que le stigmate physique est un symptôme qui doit nous alerter. Il est vrai qu'effectivement, par rapport à la violence psychique, à la négligence, celles-là ne laissent pas de trace sur le corps. Mais l'âme, c'est important aussi. Intervention d'une participante Je voudrais prendre la parole sur quelque chose dont on n'a pas parlé ce matin, c'est le problème des travailleurs professionnels qui n'osent pas signaler. Je travaille dans un CODERPA et nous avons quelquefois des plaintes, presque anonymes, avec des photos qui 77 / 92 sont vraiment épouvantables, on transmet à la DDASS, mais les gens ont peur de perdre leur emploi, ou ont peur d'autres choses, or je pense qu'il faudrait qu'il y ait une loi pour mieux protéger la personne qui signale. Je ne sais pas ce qu'ALMA compte faire, mais là, il y a quelque chose d'important à faire. Olivier RODAT Monsieur HUGONOT, l'intervenante demande qu'ALMA protège les personnes qui souhaitent informer les autorités des sujets qui sont maltraités. Effectivement, il y a une réticence, une hésitation lorsqu'on est dans une situation professionnelle instable avec des menaces, effectivement le silence est une façon de garder son emploi, surtout quand on est en CDD et donc effectivement, il y a là cette complicité. Monsieur VERON l'a bien dit ce matin, il y a effectivement un droit qui pèse encore plus fort sur les travailleurs sociaux par rapport au monde médical et qu'évidemment, tant qu'il n'y a pas de plainte, tant qu'il n'y a pas de connaissance, il n'y a pas de sanction. Mais vous avez devant vous, Madame, un magistrat qui va répondre. Brigitte LEFEBVRE Je voulais simplement préciser qu'il y a une loi qui est très protectrice du personnel, aussi bien à domicile qu'en institution, qui date de novembre 2001. Cette loi est passée et elle est très protectrice. Il paraît qu'il y a également des dispositions dans la loi du 2 janvier, mais en tout cas, la loi de novembre 2001 est très protectrice contre toutes sanctions de n'importe quelle sorte qui pourraient être prises à l'encontre de personnes qui auraient signalé des mauvais traitements. Olivier RODAT Madame, la personne qui est derrière vous souhaiterait connaître les références du texte. Intervention d'une participante Je peux vous dire que si je suis intervenue, c'est parce qu'on me l'a demandé. Les gens n'osent pas signaler, donc que peut-on faire pour informer, pour savoir comment faire ? Deuxième intervention, j'ai entendu parler d'une circulaire ou d'un décret, je ne sais pas, sur la maltraitance qui serait sorti le 3 mai. Alors j'aimerais savoir s'il sera appliqué, où on peut se le procurer, etc. On l'a par Internet, mais c'est tout. 78 / 92 Robert HUGONOT Il s'agit de la circulaire ministérielle, que Madame GUINCHARD-KUNSTLER a fait publier le 3 mai effectivement, et qui est en fait une partie des conclusions de la commission dont le Professeur DEBOUT, professeur de médecine légale à Saint-Etienne avait été chargé pour s'occuper de la maltraitance ; un certain nombre de personnes qui sont ici ont d'ailleurs fait partie de cette commission. Cette circulaire demande aux différentes autorités départementales de bien vouloir se pencher sur le problème de la maltraitance des personnes âgées en donnant comme référence le système de fonctionnement d'ALMA. Intervention d'une participante Je crois qu'ils demandent même un bilan, alors je voudrais savoir si cela va être appliqué, si on peut demander à nos Conseils Généraux d'appliquer cette circulaire. Robert HUGONOT De toute façon, Madame, si vous ne savez pas non plus quoi faire, si certains ne savent pas quoi faire devant tel ou tel cas de maltraitance suspectée, appelez l'antenne ALMA la plus proche. Il y en a trente actuellement sur le plan national, il y en a beaucoup d'autres en préparation, et selon les souhaits de la Direction Générale de l'Action Sociale, il devrait y en avoir une dans chaque département, on nous l'a demandé pour 2005, ce sera peut-être 2006 ou 2007 parce que c'est extrêmement délicat à mettre en place : nous travaillons avec un bénévolat presque exclusif, et toutes ces personnes doivent être formées, cela demande du temps, il ne faut pas de précipitation, il ne faut pas de bousculade, il faut faire les choses bien plutôt que de les faire rapidement et mal faites. Intervention d'un participant Monsieur le Professeur, je vous remercie d'avoir permis, pour un individu comme moi, d'être présent parmi vous aujourd'hui. J'ai lu beaucoup de vos écrits sur la maltraitance à personnes âgées, domaine dans lequel je me considère comme un novice. Mais est-ce que vous ne pensez pas que le caractère invisible que vous mettez en exergue chaque fois n'est pas simplement imputable au manque d'engagement des personnels soignants dans cette nouvelle bataille qu'est la maltraitance à personnes âgées ou du moins la lutte contre la maltraitance à personnes âgées ? 79 / 92 Robert HUGONOT Ecoutez, ce n'est pas seulement cela. D'abord les victimes elles-mêmes ne se plaignent pas, c'est relativement rare qu'une personne âgée saisisse le téléphone et appelle ALMA. Sur l'ensemble des appels que nous avions reçus en l'an 2000, il n'y avait que 10% d'appels de personnes âgées. C'est un peu fluctuant, parce que si les journaux qu'elles reçoivent, par exemple le journal Notre Temps ou quelques-autres, font un reportage sur la maltraitance en donnant des numéros de téléphone, il y a une petite vague d'appels supplémentaires, mais autrement elles ne se plaignent pas elles-mêmes, pourquoi ? Mais parce que ceux qui les maltraitent à la maison, à domicile, là où elles vivent, ce sont leurs enfants, ou leurs petitsenfants. On ne va pas dénoncer son fils ou sa fille ou son petit-fils. Cela se passe en famille, c'est tabou, c'est secret. Et même lorsque, étant bousculées, elles tombent et se cassent le col du fémur, elles vont dire en arrivant à l'hôpital "j'ai glissé", c'est curieux comme les tapis, chez les vieilles dames, glissent facilement ! Et d'ailleurs les médecins, jusqu'à ces derniers temps, quand il s'agissait d'une fracture du col du fémur, ne donnaient comme explication que la chute accidentelle ! Ce n'est qu'à partir de cette année dans le Corpus de gériatrie, parce que l'on nous a demandé un papier à ce sujet, que vont apparaître parmi les causes de fracture du col du fémur, "la fracture provoquée". Elle a été bousculée, elle est déjà tombée peut-être cinquante fois, la cinquante et unième, elle se casse. Et quand elle rentre à l'hôpital, elle ne dira pas "j'ai été bousculée", cela reste un tabou. Et on ne le saura peut-être que parce que quelqu'un de la famille, va avouer "oui, c'est mon père qui, rentrant, après être passé par le bistrot, bouscule un peu tout le monde dans la famille. Il bouscule ses enfants, il bât sa femme et les vieux parents aussi avec". C'est le bourreau domestique qui a été décrit par certains. Les Marseillais avaient à une époque ouvert un centre d'examen et d'accueil des "bourreaux domestiques". Il s'agissait d'ailleurs uniquement d'hommes. Intervention d'une participante Je suis référente ALMA à Saint-Etienne, mais je voudrais quand même dire qu'il n'y a pas que le silence des familles, il y a aussi le silence des politiques, de l'administration, et le silence judiciaire qui nous permet d'avoir – nous sommes une des plus vieilles antennes – un certain nombre de dossiers classés sans suite et sans réponse qui me restent sur l'estomac, excusezmoi de le dire, mais c'est quand même scandaleux. Robert HUGONOT C'est Germaine CHANUT qui vient de parler, qui a été la fondatrice d'ALMA Saint-Etienne et qui est vice-présidente d'ALMA France. Olivier RODAT Il aurait fallu un homme politique à la table ronde, mais là on est en défaillance d'hommes politiques. 80 / 92 Robert HUGONOT Nous avions invité Madame la Secrétaire d'Etat aux personnes âgées, elle nous a dit qu'elle regrettait, mais qu'elle ne pouvait pas être avec nous. Brigitte LEFEBVRE Il n'y a plus de secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Olivier RODAT Est-ce qu'il y a d'autres questions ? Non, et bien écoutez, nous allons laisser la parole à celle que tout le monde attend, vous avez pu constater qu'elle s'était auto-maltraitée, vous connaissez la flamboyance de son verbe, l'enthousiasme de sa parole, Madame Geneviève LAROQUE, présidente de la Fondation Nationale de Gérontologie, c'est le paradigme, "doit-il exister un droit spécifique pour les personnes âgées dépendantes ?". Conclusion de la journée Madame Geneviève LAROQUE Présidente de la F.N.G. J'ai entendu deux ou trois fois que nous serions tous, les retraités, des "majeurs à protéger" en puissance. Cela m'a beaucoup intéressée et passablement traumatisée : je me suis dit que ce raisonnement pouvait avoir une base démographique : l'augmentation du nombre et du pourcentage de gens "plus âgés" que les autres dans la population. Que veut dire "plus âgé" ? Notre ami gendarme nous a dit que c'était 60 ans et plus. Cela nous a remplis d'allégresse, Bernard et moi qui faisons partie de cette catégorie de gens fragiles à protéger immédiatement. On peut dire que moi qui suis provisoirement infirme, j'ai quelques besoins. Cependant j'ai été très troublée parce que l'idée que nous sommes tous des "majeurs à protéger en puissance" semblerait militer en faveur d'un droit particulier aux personnes âgées fragiles, vulnérables ou dépendantes. Je n'aime pas le mot de "dépendant" appliqué exclusivement aux personnes âgées car la dépendance n'a rien de particulier dans la vieillesse, elle est liée à un certain nombre de situations de handicap qui peuvent survenir à n'importe quel âge. Donc, serions-nous tous des personnes âgées dépendantes à protéger (en puissance) parce que nous pouvons espérer vivre plus vieux et que - cela se chantait autour de Bicêtre - c'est la "vieillesse et la caducité" qui supposent que l'on soit protégé. Protégé contre ses propres sottises, protégé contre l'agression d'autrui, protégé contre la maltraitance éventuelle, protégé contre l'air du temps, probablement et s'il le faut, par un droit spécifique. J'ai lu des articles extrêmement sérieux sur le point de savoir s'il était opportun de supprimer systématiquement le permis de conduire ou telle ou telle possibilité d'action "à partir d'un certain âge". Je ne sais pas bien lequel, les avis sont très 81 / 92 variés, de façon à protéger ces pauvres vieux (et la société tout entière) contre tous les malheurs qui peuvent leur arriver. Alors, je n'ai pas interrogé en direct, mais j'ai relu et réécouté les discours de mes amis gériatres et notamment Robert MOULIAS à côté de moi, qui m'explique depuis plusieurs décennies - cela fait pas mal de temps que nous ramons sur le même bateau - que la dépendance est liée à la maladie, aux séquelles de la maladie, à un certain nombre d'affections ou d'accidents regrettables, dont certains sont curables et d'autres pas, mais que ce n'est pas lié à la seule avance en âge, sauf, peut-être, chez les "très âgés" et cette notion même bouge constamment. J'ai entendu, pas plus tard que ce matin, quelqu'un rappeler qu'à 75 ans en l'an 2000, on correspondait grossièrement à 60 ans en 1950 : peut-on espérer qu'en 2050, 85 ans ressembleront à 70 ans en 2000 ? Les septuagénaires d'aujourd'hui sont rarement déjà gravement impotents, sauf si très malades. Faut-il alors les protéger parce qu'âgés et avec des dispositifs particuliers parce qu'âgés, ou se trouve-t-on devant une situation de faiblesse qui touche effectivement plus fréquemment les gens plus âgés que les plus jeunes, mais qui touche des malades chroniques, des personnes frappées d'incapacités d'origine et de nature diverses et qui auraient à être protégées parce qu'elles ne correspondent pas à l'idéal de "l'humanité par défaut" ? Cette "humanité par défaut" (diraient les informaticiens) c'est un homme jeune d'environ 35eans, en bonne santé physique et mentale, de culture moyenne – ce n'est ni un intellectuel, ni un analphabète ; c'est un urbain - pas un rural - c'est un "de souche", il ne vient pas "d'ailleurs", ce n'est pas un vieux, ce n'est pas un gamin, ce n'est pas un nain (il y a en ce moment même, un colloque des personnes de petite taille) ; ce n'est pas un géant, ce n'est ni un malade ni un "handicapé" et, bien entendu, ce n'est pas une femme : la loi, les escaliers, le mobilier urbain, tout cela est fait pour lui, il est "l'humanité par défaut" et pourtant, il est TRES minoritaire. La loi doit-elle être faite pour lui et des lois d'exception pour chacune des autres catégories ou la loi doit-elle être faite pour la majorité ? Mais la majorité, c'est qui ? Comment faire une réglementation protectrice du maximum de population de manière à disposer d'une réglementation aussi égalitaire que possible ? Mais si les textes sont totalement égalitaires, c'est-à-dire si nous prétendons que ceux qui sont plus fragiles que la plupart des autres doivent être soumis à la même réglementation, parce qu'il faut adapter la société à leur handicap (ce qui est souvent revendiqué et permet d'humaniser la société) sans suffisamment essayer de compenser leur handicap, on risque de se trouver dans une situation de négation, de déni du handicap, de déni de la fragilité, de déni du besoin de protection, donc dans une situation de pire inégalité. Nous avons donc besoin d'un droit protecteur des plus faibles. La définition des "plus faibles" bouge, elle aussi. Pendant des siècles (sinon des millénaires) les femmes ont été considérées comme faibles (peut-être aussi, paradoxalement, comme dangereuses). Elles le sont encore dans certaines sociétés qui les protègent au point de ne plus rien leur laisser faire hors de la sphère domestique stricte). Le droit du travail protège la maternité (indispensable à la survie du groupe social). Les handicaps issus de déficiences personnelles donnent lieu à des mesures de protection ou de compensation diverses dans notre propre société. 82 / 92 Les vieux ne sont plus apparemment indispensables à la survie du groupe social et n'ont donc pas à être protégés à ce titre. Devraient-ils l'être par référence à la situation des personnes handicapées ? nous répétons que la vieillesse n'est pas une maladie et les personnes âgées récusent l'assimilation systématique au handicap. Cette vieille dame de 87 ans, rencontrée l'autre jour, un peu boiteuse à la suite de fractures de la hanche, mais souriante, autonome et joyeuse, heureuse de vivre, ne justifiait ni ne demandait protection. Peut-être, rendue infirme par ses fractures, aurait-elle eu besoin d'aide matérielle, peut-être perdant son autonomie mentale par une maladie aurait-elle eu besoin de protection juridique autant que l'aide au quotidien, mais il est bien évident que ces besoins seraient nés de son état de santé déficient et non d'abord de son âge. Nous avons donc à regarder de près si ces protections des plus faibles doivent s'appliquer de la même façon à ceux qui sont fragiles dans leur corps mais gardent leur capacité de choix et de décision sans avoir, trop souvent, la possibilité d'exécuter ou de faire exécuter ces choix ou ces décisions et à ceux qui, quelle que soit leur validité physique, perdent ou ont perdu leur capacité de choisir et de décider. On se pose alors la question des protections particulières qui n'est pas une question d'âge : l'âge n'a guère à voir dans l'affaire, sinon dans les statistiques . J'ai beau affirmer que "Grandir c'est Vieillir et que Vieillir c'est Grandir", l'accumulation des pertes subies au fil de l'avance en âge rend plus facilement vulnérable aux atteintes de la maladie ou de l'accident. Si nous voulons une société qui donne à chacun le maximum de chances, si nous voulons une société à la fois égalitaire, solidaire et libre, nous avons sans doute besoin de dispositifs de protection particulière et de dispositifs de discrimination positive. Pour développer ces mesures d'égalisation des chances, de compensation par le droit et par la loi, il me semble devoir le faire à partir de la situation de chacun et pas à partir de sa date de naissance. Si cette réglementation est aussi égalitaire que possible, c'est-à-dire qu'à situation égale (comparable) les droits ouverts sont les mêmes, cela peut permettre de mieux individualiser l'application, l'utilisation de ces droits envers chacune des personnes en cause. Il est certain que l'abord de telle personne fragile, vulnérable, qui a besoin d'aide est différent selon ses déficiences et incapacités, certes, mais aussi selon sa culture, ses références, selon son environnement, sa famille et qu'à partir de données plus ou moins "objectivables" semblables, on aura peut-être à aménager des réponses très différentes compte tenu de ce tissu qui forme la personne et lui permet d'entrer en relation avec les autres. On retrouve ici l'importance de l'âge dans la réponse proposée à telle personne, l'âge demeurant ainsi un paramètre important dans l'élaboration des réponses individuelles mais ne devant pas constituer le critère essentiel de la discrimination. Il est certain, aussi, que le regard que peuvent avoir les familles, les décideurs, les intervenants, voire le législateur à l'égard de la prise en compte des divers critères d'évaluation et, notamment, de l'âge, peut être lui-même infléchi par l'âge et par l'attitude de chacun à l'égard du vieillissement en général et du sien propre en particulier. C'est pourquoi il est souvent opportun que les groupes qui ont à traiter de la fragilité d'autrui soient transversaux aux générations aussi bien qu'aux professions ou spécialités de tous ordres. On retrouve alors, tout simplement, l'organisation et le fonctionnement d'une société composée d'humains titulaires des mêmes droits – ceci est fondamental – mais totalement 83 / 92 diversifiés par l'âge, le sexe, la culture, la fonction et toutes les particularités possibles. Comment, au quotidien, résoudre ce paradoxe de la survie et du développement du groupe, de cette société complexe et de la vie et du développement de chacun des membres, chacun absolument unique, de ce groupe ? Peut-être par la recherche de définitions communes des règles que chacun doit respecter pour pouvoir en bénéficier et qui laisse à chacun un espace suffisant de liberté et d'autonomie par rapport à son groupe même. Robert HUGONOT Et bien, pour terminer, je vous remercie tout d'abord d'avoir été là, aussi assidus et aussi nombreux. Nous continuerons, nous vous préviendrons. L'an prochain il y aura une autre réunion bien entendu, elle se fera quelque part en province puisque nous alternons Paris et province, je voudrais remercier le Professeur Olivier RODAT qui a mené la direction de ces débats, tous les intervenants bien entendu, et tout particulièrement Madame Françoise BUSBY, directrice d'ALMA France, secondée par Christian COLLIN et Céline FAURE, c'est l'équipe d'ALMA France qui est toute petite encore. Merci à tous et bon retour. Merci Rendez-vous à la 5 Journée d'Etude d'ALMA le 14 mai 2003 à Bordeaux. Thème : les négligences sont-elles une violence ? ème 84 / 92 ANNEXES Coordonnées des Centres d'écoute ALMA Bibliographie Extraits du code pénal Extrait du code de l'action sociale et des familles 85 / 92 Coordonnées des centres d'écoute ALMA ALMA 01 (Ain) 04 74 23 49 45 BP 1025 - 01 009 Bourg en Bresse cedex 09 Mardi 13h30 – 17h Jeudi 9h00 – 11h30 ALMALPES DE PROVENCE BP 54 – 04202 Sisteron Cedex 04 92 61 54 01 Mercredi 9h-12h Jeudi 14h-17h ALMAZUR (Alpes Maritimes) BP 81 - 06 404 Cannes cedex 04 93 68 58 09 Mardi et vendredi 9h - 11h30 ALMA AUBE BP 22 - 10 001 Troyes cedex 03 25 41 52 52 Lundi 14h - 16h Jeudi 9h30 - 11h30 ALMA 13 (Bouches du Rhône) 04 91 08 50 94 BP 53 - 13 191 Marseille cedex 20 Lundi 14h - 17h Vendredi 9h - 12h ALMA COTE D'OR BP 42550 – 21025 Dijon Cedex 03 80 66 42 94 Vendredi 9h-11h30 ALMA CORREZE BP 129 – 19104 Brive Cedex 05 55 17 20 20 Mardi 9h-11h Jeudi 14h30-16h30 ALMA CANTAL BP 522 - 15 005 Aurillac cedex 04 71 63 88 79 Lundi 13h30 - 16h Vendredi 9h - 11h30 ALMA 29 (Finistère) BP 46 603 - 29 266 Brest cedex 02 98 43 68 07 Mardi 9h30 - 11h30 ALMA GARD BP 41094 – 30 000 Nîmes 04 66 36 02 86 Mardi et jeudi 14h30 - 16h30 ALMA GIRONDE 05 56 01 02 18 Mardi 9h - 12h Vendredi 14h - 17h ALMA HERAULT 04 67 04 28 50 Lundi 14h - 17h Jeudi 9h - 12h ALMA ISERE 04 76 84 06 05 Mercredi 9h30 - 12h30 Jeudi 13h30 -16h30 ALMA SAINT ETIENNE (Loire) 04 77 38 26 26 Mardi 9h - 12h Jeudi 14h - 17h ALMA LOIRET 02 38 53 86 44 BP 36205 – 45062 Orléans Cedex 2 Lundi 14h-17h Jeudi 9h-12h 86 / 92 ALMA REIMS (Marne) BP 2089 - 51 073 Reims cedex 03 26 88 10 79 Lundi 14h - 17h Jeudi 9h - 12h ALMA LORRAINE 54 (Meurthe-Moselle) 03 83 32 12 34 BP 40 509 - 54 008 Nancy cedex Lundi 14h - 17h Jeudi 9h - 12h ALMA MOSELLE 57 BP 34 001 - 57 040 Metz cedex 1 03 87 37 25 25 Mardi 14h30 - 16h30 Jeudi 9h30 - 11h30 ALMA LILLE (Nord) BP 667 - 59 033 Lille cedex 03 20 57 17 27 Lundi 9h30 - 11h30 Jeudi 14h30 - 16h30 ALMA 65 (Hautes-Pyrénées) BP 1336 – 65013 Tarbes Cedex 9 05 62 56 11 00 Lundi 14h30-16h30 Jeudi 9h30-11h30 ALMA BAS RHIN BP 165 - 67 025 Strasbourg cedex 03 88 41 91 69 Mardi 14h30 - 17h Vendredi 9h - 12h ALMA HAUT RHIN 03 89 43 40 80 BP 2147 - 68 060 Mulhouse cedex Mardi 14h – 17h Vendredi 9h - 12h RHONALMA (Rhône) BP 3104 – 69 397 Lyon cedex 03 04 72 61 87 12 Lundi 14h - 17h Jeudi 9h - 12h ALMA 71 BP 171 – 71006 MACON Cedex 03-85-38-92-79 Vendredi 9h00 – 11h30 ALMA SARTHE 02 43 40 44 33 BP 21009 – 72001 Le Mans Cedex 1 Mardi 14h30 - 17h30 ALMA 81 (Tarn) BP 20 - 81 000 Albi 05 63 43 69 92 Jeudi 9h - 12h et 14h - 17h VAUCLUS'ALMA (Vaucluse) 04 90 03 37 74 en cours ALMA 87 (Haute Vienne) BP 379 - 87 010 Limoges cedex 05 55 79 60 88 Lundi 9h - 11h Jeudi 14h - 16h AGE ALMA (Essonne) BP 35 - 91 750 Champcueil 01 64 99 81 73 Lundi, mardi, jeudi et vendredi 8h30 - 12h ALMA REUNION (La Réunion) 02 62 41 53 48 Mardi 9h - 12h et 13h - 16h Alma Wallonie Bruxelles (Belgique) 00 32 081 420 150 Du lundi au vendredi 9h - 12h30 TAM (Italie) Mardi 14h30 - 16h30 Jeudi 10h00 – 12h00 00 39 02 28 900 602 87 / 92 BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE JOURNEE D'ETUDE DU 23 MAI 2002 I) Actes / Rapports / Mémoires 2002 "Prévenir la maltraitance envers les personnes âgées" – Rapport remis à Madame Guinchard-Kunstler par le groupe de travail sous la présidence du Professeur Debout. 2001 "Vieux oui, … mais adulte" Actes du 8ème congrès de l'AFDHA (7 et 8 juin) "Le vieillard devant ses juges" (p.21 à 47) Collectif " Le vieillard majeur protégé" (p.63 à 79) Collectif. 2000 "Rapport définitif du groupe de travail interministériel sur le dispositif de protection des majeurs" présidé par M. Favard (avril). 2000 "Les personnes âgées : une politique en mouvement" in échanges santé-social n°99. Histoire du droit des personnes âgées – J.P. Comiti (p.76 à 82). 1999 "Vulnérabilité et droit au risque" Actes du 7ème congrès de l'AFDHA (10 et 11 juin) Vulnérabilité et risque sur le plan juridique – Y. Samson (p.3 à 5). Restriction des libertés à des fins d'assistante – Pr. M. Debout (p.25 à 28). Vulnérabilité et droit au risque – Me G. Devers (p.101 à 111). 1998 "Approches de la violence" CREAI Provence Alpes Côte d'Azur et Corse (novembre). 1998 "Médiation et personnes vulnérables" Actes des 3èmes journées d'études du Conseil biterrois pour l'accès au droit, sous la direction d'A. Fulleda – 154 pages. 1998 "La vieille dame et l'arnaque" Mémoire de Gérontologie sociale de M. Hennuyer Les réponses juridiques face à l'abus de faiblesse (p.24 à 42). 1998 "Détresses cachées, vieux en danger" Actes du congrès de gérontologie (3 juin) à Nantes La commission de conciliation – N. Desmoulin (p.111 à 121). 1997 "La maltraitance des personnes âgées" Actes de la journée d'étude de l'UNASSAD (11 février) Aspects juridiques – Dr C. Jonas (p.59 à 65). 1977 "Maltraitance des personnes âgées Compte-rendu de la 9ème journée de gérontologie (23 octobre) Société de la Mayenne La loi au secours des personnes âgées maltraitées J. Bartholin (p.53 à 60). 1996 "Violence aux personnes âgées" Compte rendu de la journée d'étude (23 avril) de l'office rémois des retraités et personnes âgées. Aspects juridiques liés à la maltraitance – S. Dintroz (p.16 à 21). 1996 "La maltraitance des personnes âgées" Compte rendu de la journée d'action sociale (10 avril). Aspects juridiques – Mme Grasso (p.24 à 26). 88 / 92 1996 "Personnes âgées victimes d'abus au sein de la famille" mémoire de DESS – E. Olinger Droit des personnes âgées victimes d'abus (p.29 à 33). 1995 "Quels droits pour les personnes âgées ?" Actes du congrès de l'AFDHA (16 – 18 novembre). Les intervenants professionnels et le secret médical : principes, règles et pratique quotidienne – Dr J.P. Vignat (p.155 à 161). II) Revues 2000 "Tutelle : La réforme consensus" in décideurs gérontologiques n°28 Collectif (p.16 à 23). 1993 "La protection judiciaire de la personne âgée et le nouveau code pénal français" in gérontologie et société n°64 – N. Delpérée. III) Ouvrages 2001 "Risques, responsabilité, éthique dans les pratiques gérontologiques" – J.J. Amyot, A Villez, Ed. Dunod 216 pages. 2001 "Les actions en justice et les associations" S. Bailly Ed. Associations mode d'emploi – 131 pages. 2001 "Guide pratique : l'accès au droit, l'accès au juge" sous la direction de A. Fulleda édité par le Conseil biterrois pour l'accès au droit – 39 pages. 1999 "Vieillards martyrs, vieillards tirelires" sous la direction de Ch. De Saussure. Les règles de droit comme outils de protection contre la maltraitance des personnes âgées (réflexions à partir de l'expérience Suisse) – S. et S. Poitras (p.107 à 176). 2000 "La vieillesse maltraitée" Pr. R. Hugonot Ed. Dunod – 236 pages. 1998 "Droits de l'homme et pratiques soignantes" sous la direction d'E. Hirsch et P. Ferlender – Doin éditeurs – APHP – 368 pages. 1998 "Tutelles et curatelles, régimes juridiques de la protection des majeurs" P. Calloch – TSA Editions. 1996 "Les tutelles, protections juridique et sociale des enfants et des adultes" M. Bauer et T. Fossier – ESF Editeur – 367 pages. 1995 "Droits et libertés des personnes âgées hébergées" G. Brami Ed. Berger Levrault – 206 pages. 1991 "La protection des droits et des libertés des citoyens âgés" N. Delpérée Ed. CNP Assurances – 137 pages. 89 / 92 ARTICLES EXTRAITS DU CODE PENAL Article 222-14 Les violences habituelles sur un mineur de quinze ans ou sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de leur auteur sont punies de : 1. De trente ans de réclusion criminelle lorsqu'elles ont entraîné la mort de la victime ; 2. De vingt ans de réclusion criminelle lorsqu'elles ont entraîné une mutilation ou une infirmité permanente ; 3. De dix ans d'emprisonnement de 150 000 € d'amende lorsqu'elles ont entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours ; 4. De cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende lorsqu'elles n'ont pas entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours. Les deux premiers alinéas de l'article 132-23 relatif à la période de sûreté sont applicables aux cas prévus aux 1er et 2ème du présent article. Article 434-3 Le fait, pour quiconque ayant eu connaissance de privations, de mauvais traitements ou d'atteintes sexuelles infligés à un mineur de quinze ans ou à une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d'une maladie, d'une infirmité, d'une déficience physique ou psychique ou d'un état de grossesse, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45000 euros d'amende. Sauf lorsque la loi en dispose autrement, sont exceptées des dispositions qui précèdent les personnes astreintes au secret dans les conditions prévues par l'article 226-13. Article 226-13 La révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende. Article 226-14 L'article 226-13 n'est pas applicable dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret. En outre, il n'est pas applicable : 1° A celui qui informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives de privations ou de sévices, y compris lorsqu'il s'agit d'atteintes sexuelles dont il a eu connaissance et qui ont été infligés à un mineur de quinze ans ou à une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique ; 2° Au médecin qui, avec l'accord de la victime, porte à la connaissance du procureur de la République les sévices qu'il a constatés dans l'exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences sexuelles de toute nature ont été commises. Aucune sanction disciplinaire ne peut être prononcée du fait du signalement de sévices par le médecin aux autorités compétentes dans les conditions prévues au présent article. 90 / 92 Article 314-1 L'abus de confiance est le fait par une personne de détourner, au préjudice d'autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu'elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d'en faire un usage déterminé. L'abus de confiance est puni de trois ans d'emprisonnement et de 375 000 € d'amende. Article 226-1 Est puni d'un an d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende le fait, au moyen d'un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui : 1. En captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ; 2. En fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé. Lorsque les actes mentionnés au présent article ont été accomplis au vu et au su des intéressés sans qu'ils s'y soient opposés, alors qu'ils étaient en mesure de le faire, le consentement de ceux-ci est présumé. Article 226-2 Est puni des mêmes peines le fait de conserver, porter ou laisser porter à la connaissance du public ou d'un tiers ou d'utiliser de quelque manière que ce soit tout enregistrement ou document obtenu à l'aide de l'un des actes prévus par l'article 226-1. Lorsque le délit prévu par l'alinéa précédent est commis par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables. Le délit d'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de situation de faiblesse Article 223-15-2 Est puni de trois ans d'emprisonnement et de 375000 euros d'amende l'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de la situation de faiblesse soit d'un mineur, soit d'une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente et connue de son auteur, soit d'une personne en état de sujétion psychologique ou physique résultant de l'exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement, pour conduire ce mineur ou cette personne à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables. Lorsque l'infraction est commise par le dirigeant de fait ou de droit d'un groupement qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou d'exploiter la sujétion psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités, les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 750000 euros d'amende. 91 / 92 ARTICLE EXTRAIT DU CODE DE L'ACTION SOCIALE ET DES FAMILLES Par une loi récente (Loi du 2 janvier 2002 n°2002-2) il a été inséré dans le code de l'action sociale et des familles, un article ainsi rédigé : Article L. 313-24 Dans les établissements et services mentionnés à l'article L. 312-1, le fait qu'un salarié ou un agent a témoigné de mauvais traitements ou privations infligés à une personne accueillie ou relaté de tels agissements ne peut être pris en considération pour décider de mesures défavorables le concernant en matière d'embauche, de rémunération, de formation, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement du contrat de travail, ou pour décider la résiliation du contrat de travail ou une sanction disciplinaire. En cas de licenciement, le juge peut prononcer la réintégration du salarié concerné si celui-ci le demande. Nota : Ces dispositions sont applicables aux salariés d'une personne ou d'un couple accueillant (article L. 443-11) 92 / 92