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24>26 novembre 2016 LILLE GRAND PALAIS GASTROENTÉROLOGIE PROGRAMME GÉNÉRAL Bactéries et Diarrhée Bonnes et mauvaises indications d’une recherche bactérienne dans les selles Florence JUVET Dip. ECVIM-CA Un nombre et une variété infinis d’espèces microbiennes composent la flore intestinale canine et féline. Cette flore intestinale a de multiples rôles physiologiques: capacité fermentaire, pouvoir immunorégulateur, effets sur la motricité, la vascularisation et la trophicité intestinales, moyen efficace de défense contre les agents infectieux. La relation hôte/ flore est un modèle de symbiose qui définit “ l’écosystème intestinal “. Toutefois, l’équilibre de cet écosystème est fragile et sa rupture peut intervenir dans la physiopathologie de diverses affections digestives. L’importance de la flore a généré ces dernières années un effort de recherche considérable utilisant les techniques les plus modernes de la biologie moléculaire, la microbiologie et la médecine. La flore intestinale est constituée de bactéries résidentes et de bactéries en transit. La flore intestinale résidente se met en place à la naissance et colonise chaque segment digestif de manière différente en raison de différences anatomiques et physiologiques (variation de pH par exemple). Une fois installée, cette flore microbienne varie peu au cours du temps et lorsqu’elle varie en raison de circonstances environnementales transitoires (traitement antibiotique par exemple), elle retourne à sa composition originelle rapidement. La flore endogène intestinale est dans un état perpétuel d’équilibre grâce à des phénomènes de régulation complexes. Toute rupture de cet équilibre (régime alimentaire, stress, antibiothérapie, parasitisme, infections virales digestives...) entraîne des changements de la microflore physiologique. Ces derniers peuvent soit impliquer des bactéries endogènes qui peuvent devenir pathogènes (micro-organismes pathogènes occasionnels), soit des bactéries transitoires entéro-pathogènes provenant de l’environnement ou de l’alimentation, qui ont pu coloniser le tractus digestif car les conditions locales leur ont été favorables. Une fois que la colonisation a eu lieu, les bactéries pathogènes strictes ou occasionnelles peuvent se multiplier et induire une diarrhée. L’étude de la flore microbienne est basée sur l’utilisation de techniques de culture ou de techniques moléculaires. Le choix de la méthode dépend du but de l’étude (détection d’un pathogène spécifique dans un échantillon clinique versus étude et caractérisation de l’écosystème intestinal en général dans un cadre d’étude épidémiologique). Dans un cadre clinique, les techniques de culture et les PCRs spécifiques à l’espèce en question sont généralement recommandées. – Salmonella Quand suspecter une diarrhée infectieuse – Clostridium Une origine bactérienne devrait être suspectée en cas de diarrhée hémorragique, de signes cliniques de gravité, diarrhée aiguë persistant plus de trois jours en dépit d’un traitement symptomatique adéquat, forte probabilité d’avoir une diarrhée aiguë d’origine bactérienne (données de l’anamnèse telles que: Récent traitement antibiotique, Infection nosocomiale, Ingestion de produits contaminés (viandes crues, oreilles de cochon…), Séjour en chenil, chatterie, éleveur, refuge, Plusieurs chiens/chats en contact montrent des symptômes similaires, Diarrhée chez un membre de la famille, Récent stress, Jeune animal). Rarement, les diarrhées chroniques peuvent avoir une origine bactérienne. – Yersinia Quels sont les objectifs d’une recherche bactérienne dans les selles La finalité de la coproculture consiste à tenter d’isoler au sein d’une flore complexe un nombre limité d’espèces, réputées pathogènes, responsables de diarrhées. – Campylobacter – E. coli – (Shigella (chien)) Il est important de noter que tous ces organismes (a l’exception de Shigella) sont des organismes isolés chez le chien/chat sain et leur isolement chez un animal soufrant de diarrhée n’est pas preuve de causalité. • Problème posé par les porteurs asymptomatiques : Tous ces entéropathogènes sont des agents zoonotiques et en tant que tels peuvent être une source de contamination pour l’humain. En revanche en raison de l’absence de recommandations en ce qui concerne le traitement d’animaux sains porteurs et également parce que la sensitivité des méthodes de détection reste faible, il n’est pas recommandé de tester les animaux sains. De la même façon un dépistage chez l’animal dont le propriétaire a récemment eu un diagnostic de Campylobacter ou Clostridium n’est pas recommandé, a moins que l’animal ne présente des signes cliniques compatibles.. Démarche diagnostique Objectifs : • Confirmer la cause des symptômes cliniques chez l’individu atteint. • Guider le traitement (Obtenir un antibiogramme). • Évaluer le risque de transmission (éleveur, hôpital). • Sélection de donneur en vue d’un transfert fécal. • Évaluer le risque zoonotique. • Études épidémiologiques. Quels sont le principaux entéropathogènes chez le chien et le chat • Principales bactéries responsables de diarrhées : 1 A quel moment prélever un échantillon de selles au cours de l’épisode diarrhéique? Les chances d’isoler un entéropathogène responsable d’un épisode diarrhéique sont maximales durant la première semaine de maladie. L’excrétion bactérienne devient intermittente ou absente suivant les espèces durant les semaines suivantes. Il est important de ne pas administrer d’antibiotiques au préalable ou de médicaments susceptibles d’augmenter la durée du transit. En raison de la fréquence des faux négatifs, il est conseillé de récolter trois échantillons consécutifs dans le stade aigu de la diarrhée. Prélèvement Les échantillons soumis pour culture peuvent être prélevés à l’aide d’un doigt ganté directement dans le rectum ou dans la litière/sol. 24>26 novembre 2016 LILLE GRAND PALAIS Idéalement l’échantillon ne devrait pas être contaminé par de la litière ou sol/plantes… Remplacer la litière par du papier journal est conseillé. Alternativement un écouvillon rectal peut être utilisé. La quantité de selles et donc de bactéries prélevées à l’aide d’un écouvillon étant nettement inferieure à celle d’un échantillon de selles, il paraît plus probable d’obtenir un faux négatif qu’avec des selles fraîches. Ils sont à placer directement dans un milieu de transport présent dans un tube stérile. Deux à trois grammes de selles fraiches conservés entre 4 et 8°C jusqu’au moment de l’envoi au laboratoire suffisent. Un nombre important de polynucléaires neutrophiles sur un frottis fécal, lors de diarrhée hémorragique plaide en faveur d’une origine bactérienne impliquant un germe invasif (en particulier une salmonella ). La visualisation de spores en forme « d’épingle à nourrice » oriente vers une recherche de Clostridium perfringens lors de la coproculture. La sporulation de C. perfringens est en effet co régulée à la production d’entérotoxines. La présence de bactéries en forme d’ « aile de mouette » au frottis fécal oriente vers une suspicion de campylobactériose. Modalités de transport Les souches entérotoxinogènes de Clostridium perfringens et Clostridium difficile produisent des toxines responsables de l’apparition de la diarrhée par un mécanisme d’hypersécrétion. Elles peuvent être détectées dans les selles des chiens et chats atteints de diarrhée et ainsi, couplées à la coproculture, renforcer la suspicion de diarrhée causée par ces germes. Les tests immunologiques peuvent se faire, soit sur les selles, soit sur les souches bactériennes isolées par la coproculture. Toutes les souches de clostridies ne sont pas toxinogènes, il est alors essentiel de déterminer si celles qui ont été isolées à la coproculture le sont ou non. En l’absence de standardisation des méthodes de détection de toxines de Clostridium dans les selles, la découverte de toxines A ou B de C. difficile ne constitue pas une preuve d’infection et doit généralement être combinée aux résultats de culture. La principale toxine de C. perfringens est la toxine A, c’est donc celle qui fait l’objet des techniques de détections disponibles. L’entérotoxine de type A peut être détectée par la méthode ELISA ou la méthode d’agglutination passive. Cette dernière n’est pas conseillée en raison des nombreux faux positifs générés en comparaison de la technique ELISA. Les échantillons fécaux analysés par cette technique doivent idéalement être analysés le plus vite possible pour réduire le risque de faux négatifs. Un milieu tampon de stabilisation peut être ajouté à l’échantillon fécal lors de délais pressentis. Le potentiel pathogène de C. difficile est dû principalement a deux toxines : A et B. Certaines souches pathogènes peuvent être négative pour la toxine A et positives pour la B. La plupart des tests disponibles détectent uniquement la toxine A. Les tests permettant de détecter la toxine B sont rarement utilisés en raison de leur coût élevé et des délais associés. En raison du grand nombre de faux positifs associé au test ELISA, idéalement un diagnostic de diarrhée due a C. devrait être basé non seulement sur l’isolement de toxines A ou/et B mais aussi sur la démonstration de la présence de C par culture ou PCR. Le nombre de faux positifs associé au test ELISA sur les selles canines peut être expliqué par une liaison non spécifique de certaines protéines présentes dans les selles aux anticorps utilisés dans le test. Même si, en pratique, les laboratoires d’analyses vétérinaires n’exigent pas de milieu de transport pour les selles fraîches, il est quand même conseillé pour ce type de prélèvement. En effet, les bactéries sont sensibles aux variations de température, de pH, de pression en oxygène et sont détruites dans un environnement qui ne leur est pas favorable et doivent donc être conservées dans des milieux adaptés. Les écouvillons rectaux sont systématiquement envoyés avec un milieu de transport bactérien classique dans un tube ou un sachet hermétique de transport, stériles. Pour résumer, voici quelques principes qui sont recommandés pour le transport et la conservation des échantillons : Les échantillons devraient être envoyés au laboratoire sous couvert du froid (+4°C) dans les 24 à 48 heures après leur collecte. Les milieux de transport pour les selles fraîches sont fortement recommandés : Cary Blair, Amies ou Stuart,... Il faut éviter les écarts de température, l’exposition à la lumière et à l’oxygène atmosphérique des prélèvements. Techniques parallèles à la coproculture Cytologie La cytologie peut également donner des renseignements précieux incitant à la réalisation d’une coproculture. Les selles sont étalées en couche très fine. Si l’échantillon est trop épais, la coloration ne sera pas optimale. On peut aussi prélever les selles à l’aide d’un coton tige que l’on aura introduit dans le rectum puis que l’on fera rouler sur la lame. La lame est ensuite séchée à l’air libre (un sèche-cheveux peut aussi être utilisé au besoin pour accélérer le séchage) pour préserver la morphologie cellulaire. Les colorations utilisées sont des colorations rapides (Diff-Quick®) ou de WrightGiemsa. Les morphologies cellulaires et les bactéries sont le mieux appréciées au plus fort grossissement avec immersion. D’autres colorations peuvent être utilisées selon la suspicion du clinicien. Si une diarrhée d’origine bactérienne est fortement suspectée une coloration de Gram sera préférée. Immunodétection de toxines (ELISA) 2 Le nombre important de faux négatifs lorsqu’on utilise le test ELISA (en raison d’une faible sensibilité) sur les selles canines est expliqué par trois facteurs importants: la présence de certains inhibiteurs fécaux, la présence de protéases fécales dégradant les toxines et la présence de la toxine à des niveaux inférieurs au seuil de détection du test. Escherichia coli peut produire de nombreuses toxines (7), les toxines relevantes en matière de diarrhée sont: les toxines entérotoxinogènes (ECET) et vérotoxinogènes (ECVT). Les recherches de toxines des différents pathotypes d’Escherichia coli ne se font pas de manière routinière dans les laboratoires d’analyses vétérinaires mais plutôt dans le cadre d’études épidémiologiques. PCR Des méthodes génomiques peuvent être utilisées pour détecter les gènes codant pour les toxines bactériennes mais aussi pour d’autres gènes directement en lien avec le pouvoir pathogène de la bactérie. Les méthodes moléculaires permettent ainsi d’identifier l’agent pathogène directement dans l’échantillon, de distinguer des souches toxinogènes de celles qui ne le sont pas et de distinguer des facteurs de virulence spécifiques à certains agents. Ces méthodes ont souvent une haute sensibilité et spécificité. En revanche, étant donné qu’elles détectent aussi bien organismes morts que vivants et que la plupart ne sont pas quantitatives, ces méthodes ne peuvent remplacer la coproculture. Interprétation Examen direct Coloration Gram, cytologie Il permet : Identification (suspicion) de certaines bactéries (Campylobacter) Identification d’un déséquilibre de la flore, normalement constituée majoritairement de bacilles à Gram négatif. L’appréciation globale du déséquilibre de la flore microbienne intestinale peut se faire à l’examen direct après coloration de Gram. Cet examen doit être interprété en fonction de l’espèce animale, de son âge, de l’alimentation, des commémoratifs... La perturbation de la flore physiologique peut se faire par l’appréciation semi-quantitative du nombre de bactéries ou par la présence de certaines bactéries normalement absentes. L’examen direct n’est pas une numération mais on peut considérer que la lecture d’une coloration standard effectuée par un personnel compétent donne une bonne appréciation semi- quantitative des populations bactériennes. Ainsi on peut observer une prolifération importante des populations bactériennes dans leur ensemble ou de certaines d’entre elles seulement, conséquence d’une rupture de l’équilibre de la flore endogène intestinale. 24>26 novembre 2016 LILLE GRAND PALAIS Identification de leucocytes, qui attestent de l’inflammation pariétale et oriente avant tout vers des germes entéroinvasifs ; l’absence de leucocytes ne saurait les exclure. Hématies : idem. En revanche, la présence de ces cellules incitent à procéder à une recherche très active et méticuleuse. Coproculture Culture négative Le fait de ne pouvoir isoler aucune bactérie n’est pas normal et peut être interprété comme un résultat faussement négatif et résulter de nombreux facteurs incluant le mode de prélèvement de l’échantillon, le mode de transport, un milieu de transport inapproprié, un délai de transport trop long, une antibiothérapie avant le prélèvement... Cela peut aussi résulter d’un traitement inapproprié des prélèvements au laboratoire lorsqu’il s’agit de micro-organismes difficiles à cultiver et nécessitant des techniques particulières (anaérobies stricts, bactéries micro- aérophiles). Si les germes sont observés sur un frottis de selles (comme Campylobacter spp. par exemple) mais qu’ils ne sont ensuite pas isolés, le mode de transport et la méthode de mise en culture devraient être réévalués. Absence de germe pathogène spécifique Il est plus pertinent de savoir que le laboratoire a orienté ses recherches sur tel ou tel germe entéropathogène mais qu’il a été incapable de les isoler plutôt que de recevoir un rapport de résultats indiquant les micro-organismes présents à la culture. Ainsi, un rapport de résultats d’une coproculture indiquant qu’aucune salmonelle ou campylobactérie n’a été retrouvée est plus utile qu’un rapport énumérant plusieurs espèces de la flore endogène microbienne intestinale. En effet, cela indique que des techniques particulières ont été mises en œuvre par le laboratoire pour rechercher et identifier ces pathogènes dans l’échantillon. Culture bactérienne pure Le rapport peut indiquer la croissance d’une espèce bactérienne pathogène particulière. Etant donné que la plupart des espèces bactériennes pathogènes sont également présentes chez l’animal sain, leur isolement n’est pas toujours synonyme de causalité. Le laboratoire doit indiquer si la croissance est légère, modérée ou importante. La quantification de la croissance bactérienne permet d’aider à donner ou non une signification aux résultats. L’interprétation des résultats de la coproculture peut également être facilitée si le laboratoire fournit une estimation globale du nombre de bactéries pathogènes par rapport à la flore endogène. La croissance importante et pure d’un germe pathogène connu ou d’un membre de la flore endogène est significative, d’autant plus que le résultat du laboratoire est en adéquation avec les signes cliniques (par exemple, diarrhée profuse hémorragique et culture pure d’un grand nombre de Clostridium perfringens). Il ne faut pas non plus oublier qu’une forte croissance peut aussi être la conséquence d’un transport de l’échantillon inadéquat ou d’un écouvillonnage trop vigoureux. Une croissance légère d’un germe potentiellement pathogène au sein d’une flore mixte obtenue après une méthode d’enrichissement plaide en faveur de la flore physiologique ou d’une inhibition par un traitement antibiotique avant le prélèvement. Ce type de résultat est souvent difficile à interpréter. Un isolement de quatre (et plus) micro-organismes aérobies est aussi en faveur d’une flore physiologique. De tels résultats n’ont pas de signification univoque. Si la croissance est importante et pure on procède à l’isolement et l’identification du germe, potentiellement responsable des symptômes. 3 Antibiogramme La coproculture permet, après isolement et identification d’un germe, la réalisation d’un antibiogramme pour adapter le traitement spécifique de la diarrhée. Ce dernier est réalisé en pratique lorsque, à la coproculture, une population bactérienne prédominante a été isolée et qu’elle semble dans le contexte clinique pouvoir être mise en lien avec les symptômes motifs de la demande. Bibliographie Garcia-Mazcorro J.F. 2013 Arch Med Vet 45, 111-124 Gastrointestinal microorganisms in cats and dogs: a brief review Marks S. L. 2011 J Vet Intern Med 2011;25:1195–1208 ACVIM Consensus Statement Enteropathogenic Bacteria in Dogs and Cats: Diagnosis, Epidemiology, Treatment, and Control Fox. J. 2012 Chapitre 37 Infectious diseases of the dog and cat 4th Edition St Louis Elsevier Saunders Washabau R.J. 2013 Canine and Feline gastroenterology St Louis Elsevier Saunders Lauret A. Intérêts et limites de la coproculture dans le diagnostic des diarrhées d’origine bactérienne du chien et le chat, Thèse de doctorat vétérinaire Lyon 2011. Déclaration publique d’intérêts sous la responsabilité du ou des auteurs : • Aucun conflit d'intérêt 24>26 novembre 2016 LILLE GRAND PALAIS GASTROENTÉROLOGIE PROGRAMME GÉNÉRAL Bactéries et diarrhée Mise à jour des connaissances concernant quelques entéropathies : entéropathie répondant aux antibiotiques, colite histiocytaire du Boxer Marine HUGONNARD DV, PhD Service de Médecine Interne des Animaux de Cie - Maître de Conférences VetAgro Sup, Campus Vétérinaire de Lyon - 1 Avenue Bourgelat - F-69280 MARCY-L’ÉTOILE Nombre d’entéropathies seraient la résultante d’une altération de l’écosystème digestif générée par des interactions néfastes entre le microbiote intestinal, l’alimentation et la réponse immunitaire chez un individu prédisposé. La réponse à l’enrofloxacine des Boxers atteints de colite histiocytaire et la réponse aux antibiotiques d’un certain nombre de chiens, en particulier de Bergers Allemands, atteints de diarrhée chronique idiopathique est une illustration du rôle potentiellement pathogène du microbiote intestinal dans un contexte de prédisposition génétique. Colite histiocytaire La colite histiocytaire canine est une maladie infectieuse, assez rare, longtemps classée, à tort, dans le groupe des maladies inflammatoires chroniques intestinales idiopathiques (MICI). Elle a été décrite pour la première fois en 1965 par Van Kruiningen dans un élevage de Boxers. Encore appelée colite granulomateuse, elle est due à des souches entéro-invasives d’E. coli susceptibles d’induire une réponse immunitaire inadaptée, excessive et inapte à les éradiquer chez l’animal infecté. Une prédisposition génétique est probable. Majoritairement rencontrée chez le Boxer, la colite histiocytaire est aussi décrite dans d’autres races dont le Bouledogue Français, le Malamute et le Doberman. Elle touche principalement les jeunes Boxers, le plus souvent de moins de 4 ans. Elle s’exprime par une diarrhée chronique du côlon avec une fréquence très augmentée des défécations, souvent associée à une hémochésie, des selles mucoïdes, du ténesme et des épreintes. Contrairement aux autres causes de diarrhée du côlon, la colite histiocytaire est fréquemment associée à une perte de poids ou un retard de croissance, un abattement, une hypoalbuminémie et une anémie (Hostutler et al, 2004 ; Simpson et al, 2006). Pour étoffer une suspicion clinique, l’échographie est peu informative : elle met parfois en évidence un épaississement de la paroi du côlon et une adénomégalie colique ou mésentérique, mais ces anomalies sont peu spécifiques. Bien que des lésions érosives ou ulcératives soient fréquemment observées, il n’existe pas de lésion endoscopique caractéristique de colite histiocytaire. L’histologie de biopsies endoscopiques de côlon est indispensable pour établir le diagnostic. Une bactériologie avec antibiogramme sur biopsies coliques ou à défaut, sur écouvillonnage rectal, est également recommandée pour choisir le traitement le plus adapté. Lors de colite histiocytaire, sur le plan histologique, on observe un infiltrat inflammatoire mixte du chorion du côlon par des lymphocytes, des plasmocytes et des histiocytes. Cet infiltrat est à dominante histiocytaire. C’est la présence d’inclusions bacilliformes intra-histiocytaires colorées par l’acide périodique de Schiff (PAS) qui permet d’avoir un diagnostic de quasi certitude. Il faut donc demander la coloration PAS au laboratoire ou mentionner le contexte de suspicion de colite histiocytaire sur la fiche d’accompagnement des prélèvements biopsiques. Au-delà de la coloration PAS, la confirmation diagnostique peut faire appel à l’hybridation in situ en fluorescence avec des sondes reconnaissant E. coli sur tissus fixés au formol (technique FISH proposée par exemple par le laboratoire de microbiologie de Langford, Université de Bristol). La technique FISH repose sur le principe suivant : la région ciblée du génome de la bactérie est repérée par une sonde oligonucléotidique couplée à une molécule antigénique reconnue par un anticorps fluorescent. Sur les coupes histologiques de côlon de chiens atteints de colite histiocytaire, la FISH montre la présence d’E. coli intra-muqueux (Mansfield et al, 2009). Les souches d’E. coli isolées du côlon des chiens atteints de colite histiocytaire ne 4 diffèrent pas notoirement de celles des chiens sains (Craven et al, 2010). Cette observation appuie le fait que les chiens atteints d’entéropathie peuvent être victimes de leur propre microbiote intestinal en conditions (environnementales, génétiques…) défavorables. Le pronostic de la colite histiocytaire canine s’est nettement amélioré depuis que son origine infectieuse a été suspectée (Hostutler et al, 2004) puis démontrée à la fin des années 2000 (Simpson et al, 2006 ; Mansfield et al, 2009) : on la traitait auparavant avec des immunosuppresseurs avec un pronostic très défavorable, on utilise aujourd’hui des antibiotiques avec un pronostic plutôt favorable. L’éradication de la bactérie est associée à une rémission clinique et histologique. L’enrofloxacine est actuellement considérée comme le traitement de choix de la colite histiocytaire. Les souches d’E. coli sont toutefois fréquemment résistantes à l’enrofloxacine (environ 50 % dans l’étude de Craven et al, 2010), ce qui influence le pronostic. Dans l’étude de Craven, 6/6 chiens avec une réponse clinique complète avaient des E. coli sensibles à l’enrofloxacine, alors que 2/4 chiens avec une réponse partielle et 4/4 chiens avec une non réponse (qui ont dû être euthanasiés) hébergeaient des souches résistantes à l’enrofloxacine. La réponse clinique était négativement et significativement corrélée à la résistance des souches à l’enrofloxacine et à l’utilisation d’enrofloxacine avant établissement du diagnostic définitif. En raison des antibiorésistances fréquemment documentées chez E. coli, il est recommandé de réaliser une bactériologie avec antibiogramme sur les biopsies coliques des chiens atteints. Pour réduire le risque d’antibiorésistance, il est fortement déconseillé d’utiliser de l’enrofloxacine « en aveugle » lors de colites d’origine inconnue. En France, le décret et l’arrêté de Mars 2016 sur les antibiotiques critiques interdisent la prescription de fluoroquinolones sans antibiogramme en 24>26 novembre 2016 LILLE GRAND PALAIS médecine vétérinaire. La durée optimale du traitement de la colite histiocytaire est inconnue. Un traitement trop court pourrait favoriser l’apparition d’antibiorésistances. Sur les souches sensibles, on peut proposer un traitement de 10 à 15 mg/kg d’enrofloxacine PO SID pendant 8 semaines. La colite histiocytaire canine présente des analogies avec la maladie de Crohn chez l’homme : dans les deux cas, on observe une inflammation digestive granulomateuse due à des souches d’E. coli exprimant des propriétés d’adhérence et d’invasion tissulaire. Entéropathie répondant aux antibiotiques Chez le chien, il existe des cas de diarrhée chronique du grêle sans cause identifiée et qui répondent totalement à un traitement antibiotique. Pour les désigner, le terme de « syndrome de prolifération bactérienne idiopathique de l’intestin grêle » était anciennement utilisé. Il a été abandonné au début des années 2000 au profit de celui de diarrhée répondant aux antibiotiques (DRA) (German et al, 2003). Cette évolution de la terminologie est due au fait que, contrairement à la théorie communément admise dans les années 80, il est finalement peu vraisemblable qu’un nombre excessif de bactéries soit à l’origine de ces entéropathies guéries par les antibiotiques. Une dysbiose qui correspond à un déséquilibre de la flore commensale en est plus probablement à l’origine. L’implication de germes entéropathogènes pas encore identifiés n’est pas non plus écartée dans les hypothèses pathogéniques. Le terme de DRA a été utilisé de façon occasionnelle pour désigner des cas de diarrhée chronique du côlon répondant aux antibiotiques (Westermarck et al, 2005 ; Hall, 2011 ; Kilpinen et al, 2011) mais il désigne au départ les cas de diarrhée du grêle idiopathiques répondant aux antibiotiques. La DRA est principalement rencontrée chez les jeunes chiens de grande race, en particulier les Bergers Allemands. Dans cette race, la maladie s’accompagne d’une infiltration de la lamina propria par des lymphocytes T CD4+ avec une surexpression de certaines cytokines. Un dysfonctionnement immunitaire et peut-être une perte de tolérance envers des antigènes bactériens de la flore commensale sont suspectés. En effet, la guérison s’accompagne d’une diminution de la quantité de cytokines sans que la charge bactérienne ne semble diminuer. La DRA n’est pas une entité reconnue chez le chat. La plupart des chiens atteints de DRA sont polyphagiques, parfois coprophagiques, avec une perte de poids et un retard de croissance possibles dans les cas les plus graves. Le diagnostic de DRA ne repose sur aucun test biologique car tous se sont révélés décevants ou inadaptés (dosage des folates, de la vitamine B12, des acides biliaires déconjugués, de l’hydrogène expiré…). La coproculture ne permet pas non plus de diagnostiquer une DRA : elle n’est pas représentative de la flore de l’intestin grêle tant en qualité qu’en quantité. C’est véritablement la rémission de la diarrhée sous antibiotiques qui permet d’établir le diagnostic de DRA, avec exclusion préalable d’une cause identifiable (cause parasitaire et insuffisance pancréatique exocrine en particulier). Au bilan, les critères de diagnostic d’une DRA sont une réponse favorable à une cure d’antibiotiques, une rechute à l’arrêt du traitement (immédiate ou différée de plusieurs semaines à plusieurs mois) et une réponse favorable à la réintroduction des antibiotiques en l’absence de cause identifiée. Les récurrences des épisodes de diarrhée diminuent fréquemment avec l’âge. Les tétracyclines, le métronidazole (10 à 15 mg/kg PO BID) et la tylosine (25 mg/kg PO SID) sont les antibiotiques considérés comme les plus efficaces lors de DRA (Hall, 2011 ; Kilpinen et al, 2011). Une entéropathie répondant spécifiquement à la tylosine est suspectée. Elle présente plutôt des caractéristiques de diarrhée du côlon (Westermarck et al, 2005). La durée du traitement généralement recommandée lors de DRA est de 3 à 6 semaines, avec changement d’antibiotiques après deux semaines en cas de non réponse. Pour les diarrhées répondant à la tylosine, une durée de traitement d’une semaine pourrait suffire et les doses nécessaires lors de rechute pourraient être inférieures aux doses indiquées lors d’un premier épisode (Kilpinen et al, 2014). Les antibiotiques classiquement utilisés pour traiter une DRA ont en commun le fait d’être dotés, en plus de leurs propriétés bactéricides ou bactériostatiques, de propriétés immunorégulatrices. Ce fait étoffe la piste d’une hypothèse pathogénique impliquant un dérèglement de l’immunité locale. Le choix de la molécule est souvent guidé par la praticité d’utilisation, donc la galénique -elle-même fonction du pays-, le coût et le risque d’antibiorésistance plutôt que par des études d’efficacité comparée. Sur ce dernier point, on dispose de très peu de données publiées. Dans le groupe des entéropathies sensibles aux antibiotiques figurent des affections distinctes : les entéropathies dues à des bactéries entéropathogènes (Clostridies, Campylobactéries et Salmonelles en particulier), des 5 entéropathies liées à des germes commensaux en situation de dysbiose (DRA), des cas frontières (colite histiocytaire du boxer) et enfin des proliférations bactériennes au sens strict qui semblent toujours secondaires chez le chien (par exemple à une insuffisance pancréatique exocrine ou une sub-obstruction intestinale). A celles-ci il faut encore ajouter les MICI modérées pour lesquelles une cure de métronidazole assortie de mesures diététiques peut être curative. En gastro-entérologie canine, les antibiotiques présentent donc un intérêt certain même si leur utilisation demande à être précisée (notamment en matière de molécule, dose et durée) ce qui passe par un meilleur démembrement nosographique des entités et une meilleure compréhension des mécanismes pathogéniques. La problématique de l’antibiorésistance doit par ailleurs imprégner les réflexions autour de ces questions, dans une appréciation plus large des enjeux à l’échelle des populations et du concept de santé unique. Bibliographie 1. Craven M, Dogan B, Schukken A, Volkman M, Chandler A, McDonough PL, Simpson KW. Antimicrobial resistance impacts clinical outcome of granulomatous colitis in boxer dogs (2010). J Vet Intern Med, 24:819824. 2. German AJ, Day MJ, Ruaux CG, et al. Comparison of direct and indirect tests for small intestinal bacterial overgrowth and antibiotic-responsive diarrhea in dogs (2003). J Vet Intern Med, 17:33–43. 3. Hall EJ. Antibiotic-responsive diarrhea in small animals (2001). Vet Clin North Am Small Anim Pract, 41:273-286. 4. Hostutler RA, Luria BJ, Johnson SE, Weisbrode SE, Sherding RG, Jaeger JQ, Guilford WG. Antibiotic-responsive histiocytic ulcerative colitis in 9 dogs (2004). J Vet Intern Med, 18:499-504. 24>26 novembre 2016 LILLE GRAND PALAIS 5. Kilpinen S, Spillmann T, Syrjä P, Skrzypczak T, Louhelainen M, Westermarck E. Effect of tylosin on dogs with suspected tylosin-responsive diarrhea: a placebo-controlled, randomized, double-blinded, prospective clinical trial. (2011). Acta Vet Scand, 53:26. 6. Kilpinen S, Spillmann T, Westermarck E. Efficacy of two low-dose oral tylosin regimens in controlling the relapse of diarrhea in dogs with prospective, singleblinded, two-arm parallel, clinical field trial (2014). Acta Vet Scand, 56:43. 7. Mansfield CS, James FE, Craven M, Davies DR, O’Hara AJ, Nicholls PK, Dogan B, MacDonough SP, Simpson KW. 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