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ISKO-France, Grenoble, 3-4 juillet 2003 LES REPRÉSENTATIONS LEXICO-SÉMANTIQUES (RLS), MOYEN DE STRUCTURATION DES CONNAISSANCES DANS LES DOMAINES SPÉCIALISÉS 1 Jeanne Dancette Professeur Département de linguistique et de traduction Université de Montréal CP 6128 succ. Centre-Ville Montréal, Qu. H2C 3J7, Canada [email protected] Publié dans : in Y. Politis, G. Henneron, R. Palermiti, L’organisation des connaissances; approches conceptuelles, pp. 83-96, 2005. ___________________________________________________________________ Résumé : Nos propos portent sur la structuration du contenu sémantique d’un dictionnaire bilingue de la distribution. Nous présentons un modèle de relations lexico-sémantiques permettant de relier chaque terme à un ensemble d’autres termes du même champ. Les liens que l’on cherche à formaliser sont conceptuels (cause, instrument, but, agent, lieu typique, etc.) ou ontologiques (hiérarchie, partie-tout, synonymes, antonymes), paradigmatiques ou syntagmatiques. Notre hypothèse est que l’accès à l’information relative aux concepts peut être facilitée par leur structuration au moyen d’un tableau de RLS. Mots-clés : relations lexico-sémantiques, dictionnaire spécialisé, distribution ____________________________________________________________________ Abstract : This article deals with the structuring of the semantic contents of a bilingual dictionary of retailing. We present a model of lexico-semantic relations that 1 L’information contenue dans cet article a été présentée dans ses grandes lignes lors du séminaire «Multilingual Terminography : Towards Intelligent Dictionaries?», organisé par Erasmus Hogeschool, en février 2003 ( http://ltc.ehb.be ). Nous remercions notre collègue Marie-Claude L’Homme qui a grandement collaboré à l’élaboration du modèle présenté, et nos assistantes Sonia Halimi et Amélie Legault qui ont participé à cette recherche. Nos travaux ont été subventionnés par le Conseil de recherche en sciences humaines (Canada) et le FCAR (Québec). 1 ISKO-France, Grenoble, 3-4 juillet 2003 highlights the links between the terms of the same semantic field. The links we try to formalize are conceptual (cause, instrument, goal, agent, typical place), or ontological (hierarchy, part-whole, synonyms and antonyms), and they are either paradigmatic or at the phrase level. Our hypothesis is that both the description of a concept and the information on word combinations can be reached by retrieving lexical-semantic relations. Keywords : lexico-semantic relationships, specialized dictionary, retailing __________________________________________ ________________________ 1. Introduction La structuration des connaissances a des fondements solides en psychologie cognitive, et les retombées en sciences de l’éducation sont bien connues [Scardamelia & Bereiter, 1997]. Notre point de départ réside dans un champ proche, celui de la pédagogie de la traduction spécialisée et de la terminologie. La recherche documentaire et terminologique est un volet essentiel du travail du traducteur qui doit comprendre les concepts évoqués dans un texte et être en mesure de les nommer dans l’autre langue. Sa recherche ne peut en aucune façon se limiter à la consultation de dictionnaires qui ne donneraient qu’un répertoire de termes. La définition, voire la description des notions, la mise en relation des termes du même champ et l’explicitation des nuances de sens, sont des rubriques indispensables au traducteur pour faciliter la compréhension des notions. Le présent article traite de l’élaboration d’un outil de connaissances, dans le domaine de la distribution et des étapes du processus de structuration des connaissances. Nous évoquerons d’abord le travail de structuration du domaine qui se reflète dans le Dictionnaire analytique de la distribution – Analytical Dictionary of Retailing [Dancette & Réthoré, 2000]. Tout dictionnaire spécialisé, aussi simple soit-il, résulte d’un effort de structuration, tant pour l’organisation de sa macrostructure que de sa microstructure. L’ouvrage que nous présentons est un dictionnaire à base de connaissances élargie, à cheval entre l’ouvrage linguistique et l’ouvrage encyclopédique. Nous montrerons que les différentes rubriques des articles sont des éléments d’organisation des connaissances du domaine. Nous exposerons ensuite le modèle de relations lexico-sémantiques (RLS) par lequel nous rattachons les termes vedettes au plus grand nombre possible de mots reliés. Intégrant ce modèle à la version électronique du dictionnaire, nous espérons bâtir un outil plus formel et plus rapide d’extraction des connaissances que celui qu’offre la version papier. 2 ISKO-France, Grenoble, 3-4 juillet 2003 2. Brève présentation du Dictionnaire Le Dictionnaire s’adresse à un public de professionnels de la distribution, de professeurs et étudiants en commerce et de traducteurs. Ses principaux objectifs sont la structuration des connaissances, la description des réalités et l’établissement de la terminologie (1er ouvrage bilingue dans le domaine). La macrostructure comprend 350 articles; il s’agit des notions clés du domaine, 2 celles qui structurent le champ conceptuel . A cela s’ajoutent tous les termes reliés figurant dans le corps des articles et repris dans les index (environ 3500). Au niveau microstructurel, les articles sont organisés en neuf rubriques. L’intention est de répartir dans les champs les plus appropriés l’information de nature linguistique et celle de nature conceptuelle, et, ce faisant, de pousser au maximum la description des notions et l’explicitation des nuances. Ces rubriques sont : Vedette anglaise, Vedette française, Définition, Précisions sémantiques, Relations internotionnelles, Compléments d’information, Informations linguistiques, Contextes, et Exemples. Nous donnons en annexe une entrée type. 3. Exploitation des RLS dans la version électronique (travail en cours) La question était de trouver un formalisme qui donne accès à toute la richesse de l’information du Dictionnaire, en la systématisant afin de permettre à l’utilisateur de l’exploiter au maximum. 3.1. Conception des pages web Le Dictionnaire sera en ligne dans son intégralité. On accédera à un article (la vedette) par le moteur de recherche qui conduira à tous les mots du lexique dans chaque langue. La page de chaque vedette contiendra, comme l’indique la figure cidessous, les équivalents, les définitions et les contextes dans les deux langues ; de plus, elle donnera accès aux quatre autres rubriques : Précisions sémantiques, Compléments d’information, Informations linguistiques et Relations inter notionnelles. La fonctionnalité Mots reliés ouvrira une fenêtre supplémentaire qui n’était pas prévue dans la version papier, à savoir la liste de tous les mots associés à la vedette par classe de RLS. Ainsi, la version électronique offrira l’accès à l’information par mots clés (les 3500 termes dans chaque langue), par rubriques et par classes de liens entre les termes. 2 Les sous domaines sont : le point de vente, le commerce de gros, le commerce électronique, l’implantation du point de vente, le comportement du consommateur et la gestion du point de vente. 3 ISKO-France, Grenoble, 3-4 juillet 2003 Vedette, équivalents et synonymes Définition anglaise et définition française Contextes(dans les deux langues) Mots reliés Précisions sémantiques Informations linguistiques Compléments d’informations Relations internotionnelles Figure 1. Page web 3.2. Deux modèles d’extraction des liens sémantiques Afin de mieux expliquer la démarche, nous présentons dans ce qui suit les étapes successives qui nous ont conduite au modèle des RLS : de la version papier (les phrases contiennent les relations sémantiques) à la méthode des traits sémantiques; puis de la méthode des fonctions lexicales au modèle actuel. Le raffinement des approches correspond à différents niveaux de structuration de l’information, en partant du degré minimal, celui des phrases dont voici quelques exemples extraits du Dictionnaire : According to life span, there is a distinction between durable goods, semidurable goods and non-durable goods. A category-killer is a big box store operated as a self-service and specializing in a non-food product category. Private brand = Brand attached to a product by the retailer who keeps an exclusive distribution right on the product or who grants this right to some other retailers. Clientele = All the customers of a store or a service retailer. Before adopting a new product, the consumer goes through a series of stages that define the adoption process. The adopter, namely the consumer who adopts a product, [...]. The label has a bar-code. The information on the bar-code is read by the optical reader. Ces phrases contiennent, respectivement, des relations de co-hyponymie, de spécifique-générique, d’agent, de collectif, de dérivation, de partie-tout et d’instrument. 4 ISKO-France, Grenoble, 3-4 juillet 2003 3.2.1. Le modèle des traits sémantiques Traits du concept « magasin » : politique de prix, type de vente, origine de la marchandise, aménagement du magasin, etc. Teme Traits sémantiques Terme apparenté Magasin de vente Politique de prix réduit Magasins de rabais de faillite Vente de détail Décor sommaire Provenance d’autres Centre de liquidation magasins Figure 2. Modèle de traits sémantiques Ce modèle fait apparaître les relations de synonymie et d’équivalence interlinguistique (traits identiques), la parenté sémantique (traits partagés et traits qui s’opposent), la hiérarchie (l’hyponyme a un trait spécifique que n’a pas l’hyperonyme). Ces distinctions sont essentielles pour la compréhension des notions et la perception des nuances de sens qui distinguent les unités terminologiques. La compréhension s’affine, pensons-nous, grâce au rapprochement de termes appartenant à une même classe. Nous devons donc insister sur l’importance des modèles de ce type, à la base des nombreuses décisions lexicales du traducteur. Toutefois, le modèle présente deux limites fondamentales. Il ne se prête pas à une généralisation, du fait qu’il y a autant de familles de traits qu’il y a de notions (ex. : les descripteurs du magasin ne sont pas ceux de la caisse enregistreuse ou de la gondole). L’autre limite tient à la nature des relations qu’il permet de saisir. S’il est excellent pour les relations ontologiques de base, il s’avère insuffisant pour de nombreuses autres relations sémantiques (cause, récipiendaire, agent, etc.), ainsi que pour les relations syntagmatiques et notamment les collocations verbales. 3.2.2. Modèle des FL (Mel’cuk et al.) La lexicologie explicative et combinatoire [Mel’cuk et al., 1995] rend compte des relations sémantiques (paradigmatiques et syntagmatiques) liant les termes les uns aux autres au moyen des fonctions lexicales. Les FL sont mises en application dans le Dictionnaire explicatif et combinatoire [Mel’cuk et al., 1984] ; elles ont aussi été appliquées au Robert & Collins, anglais-français, français-anglais [Fontenelle, 1995]. f(X) = Y, où f = FL, X = argument, Y = valeur Voici quelques exemples extraits de notre corpus : 5 ISKO-France, Grenoble, 3-4 juillet 2003 Anti(bien durable) = bien non durable ; Mult(client) = // clientèle ; S1(acheter) = acheteur ; S2(acheter) = vendeur ; S3(acheter) = marchandise ; V0(contrefaçon) = contrefaire ; Oper1(enseigne) = porter [ART ~]. Ce formalisme rend compte de nombreux types de relations et permet une très grande généralisation (nombre fini de FL). Il s’agit toutefois d’un modèle lexicologique qui s’adapte mal à la terminologie qui ne traite pas de mots mais de concepts. L’opérationalité s’est avérée limitée pour plusieurs raisons : 1) la description des lexèmes est trop complexe à des fins de terminologie ; elle suppose la définition linguistique rigoureuse de chaque lexème et l’identification de tous les actants ; 2) nos articles de dictionnaire contiennent des relations indirectes (2e niveau ou parenté sémantique faible) que le modèle ne peut saisir ; 3) la pertinence de certaines FL est discutable : la fonction de synonymie avec intersection n’est pas assez précise pour des besoins de terminologie (on veut savoir si un terme est synonyme ou pas; et s’il ne l’est pas, en quoi il se distingue); par ailleurs, les fonctions qui décrivent le modificateur adverbial ou adjectival sont bien moins pertinentes que celles qui s’appliquent au substantif (voir plus loin). Ces questions étaient déjà abordées dans Dancette & L’Homme [2002], où il était fait mention d’adaptations nécessaires, et dans L’Homme [2002, 2003]. Depuis, les adaptations apportées au modèle font que nous ne pouvons plus nous référer à la lexicologie explicative et combinatoire, sauf pour dire que nous nous en sommes inspirées. (Si la dictionnairique bénéficie aujourd’hui du rapprochement entre la lexicologie et la terminologie, les objets d’étude et les finalités restent foncièrement différents.) 3.3. Modèle des RLS, attentes et résultats Notre approche emprunte aux courants développés en terminologie : ontologies [Feliu et al. 2001], bases de connaissance [Meyer et al. 1997], réseaux conceptuels [Otman, 1996], extraction de collocations dans les domaines spécialisés [Heid & Freibott 1991, L’Homme 2000]. La méthode consiste à définir et à nommer toutes les classes de RLS rendant compte du domaine. (Un échantillon des critères de catégorisation est donné en annexe.) Notre modèle vise à tester l’hypothèse selon laquelle un nombre fini de classes de RLS permet de représenter l’ensemble des termes renvoyant aux notions clés d’un domaine. Après avoir extrait toutes les RLS pertinentes du Dictionnaire (env. 7000), nous avons établi le nombre minimum de classes à quelque 25. Il s’agit surtout de relations conceptuelles, d’ontologie et d’association ; essentiellement des noms, quelques verbes, très peu d’adjectifs 3 , pas d’adverbe. Notons tout de suite qu’il ne faut pas voir dans ce modèle un outil rigoureusement scientifique de représentation 3 Nous avons relevé peu d’adjectifs ; la raison en est que, lorsque l’adjectif se combine à un nom, nous le traitons comme une collocation terminologique. Par exemple, durable ne nous intéresse que s’il est relié à bien, marchandise ou produit. 6 ISKO-France, Grenoble, 3-4 juillet 2003 conceptuelle d’un domaine. Nous y cherchons plutôt un système permettant d’organiser des connaissances de la manière la plus logique et la plus économique qui soit. Or, étant rattachées aux situations personnelles et sociales qui les mettent en œuvre et les activent, les connaissances sont, par définition, floues, fluctuantes et en évolution. De ce fait, elles s’inscrivent dans un nombre infini de discours, et les concepts qui en rendent compte sont rarement décrits – et encore moins définis – sous une forme canonique, complète, définitive. Cela est particulièrement vrai des champs du savoir humain fortement dépendants des facteurs culturels (sciences humaines). Nous insistons donc sur le fait que le modèle a une valeur essentiellement heuristique. 3.3.1. Valeur des RLS en tant qu’outil de connaissances L’utilisation des cartes conceptuelles a été testée en psychologie cognitive et en sciences de l’éducation [Eggen & Kauchak, 1999], ainsi qu’en interprétation [Nguyen, 1998] et en traduction [Dancette 1995, 1997]. Elles servent de soutien au travail de décodage ou d’analyse des textes et a fortiori de justification des choix lexicaux. Prenons les exemples «grand magasin» et «enchères» tirés de notre corpus pour montrer différents types de présentation des concepts en tant qu’éléments de construction des connaissances. Tout texte commercial décrivant le concept « grand magasin » va plus ou moins faire resortir les mêmes types de relations, comme le montre le réseau conceptuel fait sur la base non seulement de notre article de dictionnaire mais aussi d’un autre texte tiré de l’Encyclopédie Encarta. 7 ISKO-France, Grenoble, 3-4 juillet 2003 Gener ?tablissement commercial Loc Obj centre ville produits haut de gamme Prop assortiment technique de vente non-alimentaire etc. Grand magasin Mult chaÓne de grands magasins Contr magasin minimarge grande surface magasin ö prix r ?duits etc . Part rayon rayon phare service Spec grand magasin de luxe Figure 3. Réseau du concept « Grand magasin » Gener = générique ; Loc = lieu typique ; Obj = objet visé ; Part = partie ; Contr = concept opposé ; Spec = spécifique ; Mult = le collectif ; Prop = le propre de Le tableau suivant donne la liste complète des mots anglais et français reliés à «grand magasin» dans l’article du Dictionnaire. Extraction des RLS de l’article « grand magasin » 8 ISKO-France, Grenoble, 3-4 juillet 2003 Gener Etablissement commercial, commercial concern Prop Assortiment (large, profond), assortment (broad, deep) Prédominance non alimentaire, mainly non food Technique de vente (plusieurs), selling technique (various) : - vente traditionnelle, full-service selling - vente en libre-sélection, self-selection selling - vente en libre-service, self-service selling - positionnement, positioning - stratégie commerciale, commercial strategy Contr Magasin minimarge, discount store Magasin spécialisé, specialty store Grande surface, mass merchandiser Magasin à prix réduits, discounted price Hypermarché, hypermarket Ag Vendeur, salesperson Démonstrateur, demonstrator Spec Grand magasin à assortiment complet, senior department store Grand magasin traditionnel, senior department store Grand magasin de luxe, upscale department store Grand magasin succursaliste national, national chain department store Grand magasin succursaliste régional, regional chain department store Part Rayon, department Rayon phare, flagship department Service, service : - agence de voyage, travel agency - bureau de poste, post office - salon de coiffure, hair dresser - studio de photographie, photographic studio Loc Centre-ville, downtown OU Centre commercial, shopping center Mult Chaîne nationale de grands magasins, department store national chain Chaîne régionale de grands magasins, department store regional chain Tableau 1. Mots reliés au concept « grand magasin » Ce tableau montre que les mots sont reliés à deux niveaux (technique de vente parmi les Prop et service parmi les Spec introduisent des spécifiques : vente traditionnelle, vente en libre sélection, etc. et agence de voyage, bureau de poste, etc.). Le modèle permet ainsi de hiérarchiser les termes afin de ne rien perdre d’essentiel. L’exemple de «enchères», réalisé avec le logiciel MindManager, illustre le passage d’un niveau de structuration à un autre (fol enchérisseur est un spécifique de l’agent enchérisseur). Mettant en évidence des relations de deuxième ou troisième, voire quatrième degré, on peut montrer des structures hiérarchiques complexes. 9 ISKO-France, Grenoble, 3-4 juillet 2003 Figure 4. Mots reliés à la vedette « Auction » 3.3.2. Introduction des RLS dans le dictionnaire électronique La version électronique prévoit différents modes de recherche des RLS : par classe de RLS (permet de retrouver tous les termes du Dictionnaire entrant dans une relation d’une classe donnée, par ex. : Ag,, Instr, Mult, Gener); par classe associée à un concept (permet de retrouver, par exemple, Spec + magasin ou Part + caisse enregistreuse). Mais, comme la lecture d’un modèle formel n’a pas la subtilité de la phrase, nous avons aussi prévu que l’accès à l’information pouvait encore se faire par la phrase contenant le mot relié (chaque mot relié renvoie à la phrase d’où il est extrait). Ainsi, «magasin minimarge» a pour spécifiques : magasin minimarge généraliste et hypermarché. L’utilisateur accède à ces termes en activant la fenêtre «Mots reliés» où chaque terme renvoie à la phrase du Dictionnaire qui l’exprime : « Les magasins minimarges sont classés en quatre catégories. Le magasin minimarge généraliste 10 ISKO-France, Grenoble, 3-4 juillet 2003 (général discount store), qui propose un vaste choix de marchandises diverses. Citons l’hypermarché (HYPERMARKET)… » Cette décision de permettre le renvoi à la phrase illustre la complémentarité de deux approches aussi indispensables l’une que l’autre : la langue naturelle exprime à la perfection les nuances, précautions oratoires, réserves et incertitudes (les experts de qui nous tirons les informations ne sont pas toujours unanimes quant aux classements ou à la définition des notions). Le formalisme va à l’encontre du respect des nuances. 4. Quelques commentaires et quelques conclusions Nous avons posé comme évidente l’utilité des classes de RLS pour la compréhension des notions et la recherche des équivalents en traduction. Toutefois, des tests seraient à effectuer auprès des traducteurs et des usagers du Dictionnaire pour en calculer la valeur heuristique. Une autre question se pose, celle de la généralisation de notre modèle de RLS à d’autres domaines. Est-il possible que les classes soient les mêmes ou aient la même pertinence d’un domaine à l’autre ? Nous n’avons pas cette naïveté. Il appert que de nombreux concepts échappent à une catégorisation de nature aristotélicienne (privilégiant les classes de genre, espèces rapprochées, propriétés, etc.). Entre autres exemples, les concepts mathématiques, scientifiques ou philosophiques (ex. : théorème, zéro, variance, éthique) ne se décrivent pas par classes d’objet et leur définition peut être uniquement fonctionnelle. Pour discuter de la transportabilité des classes de RLS à d’autres domaines de spécialité, il faudrait absolument prendre des domaines très limités, très circonscrits, à l’instar du domaine de la distribution, et présentant des similarités conceptuelles avec celui-ci. Aux fins de la discussion3/, nous avons néanmoins appliqué notre modèle à une dizaine de notions du domaine médical et en avons vite constaté les limites pour un champ aussi vaste que celui de la médecine. Par exemple, chaque fois que la notion renvoie à une pathologie, les relations «traitement», «cause» et «symptôme» s’imposent, alors qu’elles ne sont pas pertinentes dans le domaine de la distribution. Toutefois, certaines classes de RLS semblent convenir dans une première approximation. (Voir en annexe le réseau du concept «anasarque».) Pour conclure, nous ramenons le modèle à sa première utilité : servir de méthode pour faciliter l’acquisition et l’organisation des connaissances, dans des situations de résolution de problèmes. Le traducteur à la recherche d’un équivalent, d’un synonyme ou d’un générique, l’étudiant en sciences commerciales qui a besoin d’information sur les nuances distinguant des réalités proches, ou le professionnel qui doit fournir la liste de tous les types de magasins peuvent trouver le modèle efficace. A la différence d’un dictionnaire papier où l’accès à l’information est tributaire de l’ordonnancement linéaire des pages, la version électronique permet de chercher à partir de n’importe quelle rubrique de dictionnaire, de n’importe quel mot, ou classe de mots (mots affectés d’une RLS). En définitive, si notre recherche n’en est pas encore à un stade où l’on pourrait trouver des applications 11 ISKO-France, Grenoble, 3-4 juillet 2003 généralisables, nous pensons que le modèle de relations lexico-sémantiques ouvre de nouvelles voix en terminologie et en recherche documentaire. 5. Bibliographie Dancette J., Parcours de traduction ; étude empirique du processus de compréhension, Presses universitaires de Lille, Lille, 1995. Dancette J., «Mapping Meaning and Comprehension in Translation: Theoretical and Experimental Issues», in J. Danks and al.: Cognitive Processes in Translating and Interpreting, Sage, Kent Psychology Forums, 1997. Dancette J., Réthoré C., Dictionnaire analytique de la distribution. Analytical Dictionary of Retailing, Les Presses de l’Université de Montréal, Montréal, 2000. Dancette J., L'Homme M.-C., «The gate to knowledge in a specialised multilingual dictionary», EURALEX 2002. Dancette J., L'Homme M.-C., «Modélisation des relations sémantiques dans un dictionnaire spécialisé bilingue», Meta, Beyrouth, 2001. Eggen P., Kauchak D., Educational Psychology : Windows on Classrooms, Merril, Prentice Hall, Upper Saddle river, Columbus, 1999. Feliu J., Vivaldi M.C., L’Homme M-C., Cabré T., Ontologies: A Review, Institut Universitary de Linguistica Aplicada, Barcelone, 2001. Fontenelle T., Turning a Bilingual Dictionary into a Lexical-Semantic Database, Thèse présentée, Univeresité de Liège, 1995. Heid U., Freibott G., «Collocations dans une base de données terminologique et lexicale», Meta, vol. 36, n° 1 , 1991, p. 77-91. L’Homme M.C., « Understanding Specialized Word Combinations », Terminology, vol. 6, n° 1, 2000, p. 89-110. L’Homme M.C., Fonctions lexicales pour représenter les relations sémantiques entre termes, Traitement automatique de la langue (TAL), 2002, 43/1, pp. 19-41. L'Homme M.C., « Using Explanatory and Combinatorial Terminology to Describe Terms », In Wanner. L. (ed.). Selected Lexical and Grammatical Topics in the Meaning-Text Theory. In Honour of Igor Mel’cuk, Amsterdam / Philadelphia: John Benjamins, 2003, forthcoming. Mel’cuk I. et al., Dictionnaire explicatif et combinatoire du français contemporain. Recherches lexico-sémantiques 1, Les Presses de l’Université de Montréal, Montréal, 1984. Mel’cuk I., A. Clas A., Polguère A., Introduction à la lexicologie explicative et combinatoire, Duculot / Aupelf - UREF, Louvain-la-Neuve (Belgique), 1995. Meyer I., Eck K., Skuce D., « Systematic Concept Analysis within a Knowledge-based Approach to Terminology », In S.E. Wright, & G. Budin (eds), Handbook of Terminology Management, John Benjamins, Amsterdam /´Philadelphia, 1997, p. 98-118. Nguyen T., Cartes conceptuelles et processus de compréhension en interprétation, Thèse de doctorat, Université de Montréal, 1998. 12 ISKO-France, Grenoble, 3-4 juillet 2003 Otman G., Les représentations sémantiques en terminologie, Masson, Paris, 1996. Sager J.C., A Practical Course in Terminology Processing, John Benjamins, Amsterdam / Philadelphia, 1990. Scardamalia M., Bereiter C., « Computer support for Knowledge-Building Communities », The Journal of the Learning Sciences, 1997, p. 265-283. Temmerman R., Towards New Ways of Terminology Description ; The sociocognitive Approach, Amsterdam, John Benjamins, 2000. 6. Annexes ENTRÉE TYPE DE DICTIONNAIRE HOME(-)IMPROVEMENT CENTER home(-)improvement store, building-and-renovation warehouse center grande surface de bricolage (Fr.), GSB (Fr.), maisonnerie (Fr.), centre de rénovation (Qué.) DÉFINITION Grande surface (MASS MERCHANDISER) spécialisée dans la vente d’outils, d’accessoires et de matériaux destinés à la décoration, à l’embellissement ou à la rénovation de la maison. PRÉCISIONS SÉMANTIQUES La rénovation est un secteur souvent cité pour illustrer les concepts de grande surface minimarge (BIG-BOX STORE) et de grande surface spécialisée minimarge (CATEGORY KILLER). RELATIONS INTERNOTIONNELLES Il ne faut pas confondre la grande surface de bricolage avec le magasin prêt-à-assembler (do-it-yourself store, DIY store) qu’illustre, par exemple, IKEA dans son rayon de mobilier. COMPLÉMENTS D’INFORMATION La grande surface de bricolage regroupe, principalement, les matériaux de construction (building materials), la quincaillerie (hardware), le rayon de bricolage (do-ityourself department) et le centre de jardinage (GARDENCENTER). INFORMATIONS LINGUISTIQUES Le terme maisonnerie a été normalisé par le Journal officiel du 12-2-1987. 13 ISKO-France, Grenoble, 3-4 juillet 2003 CONTEXTES A home-improvement center is a category specialist that combines the traditional hardware store and lumber yard. It focuses on providing material and information that enable do-it-yourselfers to maintain and improve their homes. (Levy et Weitz 1996 : 33) Le Ro-Na l’entrepôt de Québec a fait l’acquisition du centre de rénovation de la famille Garon de Sainte-Foy qui est devenue par la même occasion l’actionnaire majoritaire de la quincaillerie à grande surface. (Le Soleil 12-6-97) EXEMPLES Réno-Dépôt (Canada); The Home Depot (États-Unis); Leroy Merlin, Bricomarché, Castorama (France) RLS Ag(mot défini) = mot relié Mult(mot défini) = mot relié Part(mot défini) = mot relié Obj(mot défini) = mot relié Prop(mot défini) = mot relié Rec(mot défini) = mot relié Définition proposée Agent = celui qui fait, qui est responsable, qui détient, ou émet (participe au procès) Collectif = regroupement d’unités homogènes Partie de = fait partie d’une entité globale Objet visé = objet auquel s’applique une activité, un processus, un calcul Propriété = propriété intrinsèque ou caractéristique qui définit ( le propre de, ce qui est impliqué) Récipiendaire = personne ou public visé, à qui ça s’adresse Mot défini vente vente de gros vente aux enchères vente aux enchères Mot relié vendeur grossiste enchérisseur commissaire-priseur client restaurant produit détaillant centre commercial société mère grand magasin indice de saturation clientèle aire de restauration gamme de produits chaîne de détaillants locomotive succursale produit haut de gamme zone de chalandise magasin assortiment vache à lait grande surface assortiment largeur forte rentabilité libre-service centre commercial de proximité publipostage clientèle de quartier client potentiel Tableau 2. Critères de classification pour quelques RLS 14 ISKO-France, Grenoble, 3-4 juillet 2003 Réseau conceptuel de «anasarque» L’article ci-dessus, extrait du Nouveau Larousse Médical, a donné lieu à une organisation sous forme de réseau. (Les flèches en traits continus indiquent les RLS que nous retrouvons dans notre modèle ; celles en traits discontinus sont spécifiques au domaine médical.) [Anasarque = ] Infiltration généralisée de sérosité dans le tissu cellulaire placé sous la peau, qui, par la suite, présente une enflure plus ou moins prononcée. La peau est généralement pâle et froide et peut être déprimée partout en godet par la pression du doigt […].La généralisation distingue l’anasarque de l’œdème, qui est une infiltration localisée. Causes : L’anasarque peut être primitive. Elle est alors due au froid. Plus souvent elle est secondaire : on l’observe dans les maladies du cœur (période souvent avancée) ; l’enflure alors débute par les pieds. Dans les maladies des reins ( mal de Bright), l’enflure commence d’ordinaire par les paupières. Dans les maladies du foie (cirrhose), l’ascite, ou hydropisie du péritoine, précède l’anasarque. Plus rarement dans les maladies fébriles, comme la rougeole et surtout la scarlatine (période de desquamation), ou le paludisme, s’accompagnent d’anasarque : il en est de même dans les états cachectiques […] Traitement : régime lacté, régime déchloruré. Sudorifiques, …etc. (p. 51) 15 ISKO-France, Grenoble, 3-4 juillet 2003 Infiltration de sérosité Œdème Tissu cellulaire sous la peau Gener Loc Syn∩ Anasarque Caus Spec Froid Maladies du cœur Maladies des reins Maladies du foie Maladies fébriles Etats cachectiques Anasarque primitive Anasarque secondaire Sympt Peau pâle, Peau froide Peau déprimée Trait Régime lacté Régime déchloruré Sudorifiques Diurétiques Etc. Figure 5. Réseau conceptuel de «anasarque» Sympt : symptôme Trait : traitement 16