JAZZ in MARCIAC HISTOIRE D`UN FESTIVAL

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JAZZ in MARCIAC HISTOIRE D`UN FESTIVAL
JAZZ in MARCIAC
HISTOIRE D’UN FESTIVAL
Marciac, petite bastide fondée à la fin du XIIIe siècle. Aujourd’hui, une bourgade rurale de quelque
douze-cents âmes, nichée dans la verdure au cœur du Gers, à mi-chemin entre Auch et Tarbes. Avec sa
place qui a conservé des arcades médiévales, son lac où évoluent les planches à voile, son église dont
le clocher s’enorgueillit d’être le plus haut de la région. Et, chaque année, pendant quinze jours autour
du 15 août, un chapiteau géant dressé sur le terrain de sports, des rues en fête, des milliers de visiteurs
réunis dans la célébration d’une musique : c’est JAZZ in MARCIAC, un festival pas comme les
autres, dont la renommée a franchi les frontières.
Créé en 1978 à l’initiative d’une poignée d’amateurs, le festival, d’abord axé sur le jazz traditionnel,
accueille autour de Claude Luter des formations de style Nouvelle-Orléans avant d’étendre sa durée et
de diversifier sa formule sous l’impulsion d’un infatigable animateur, Jean-Louis Guilhaumon,
principal du collège local et stratège avisé d’une équipe de bénévoles de plus en plus nombreuse.
C’est ainsi que s’y produisent par la suite le Golden Gate Quartet, puis Bill Coleman et Guy Lafitte,
venus en voisins, et qui assumeront dans les années suivantes les charges de Présidents d’honneur.
Tandis que le succès s’accroît et que l’audience s’étend peu à peu à l’Europe entière, JAZZ in
MARCIAC invite, souvent en exclusivité, nombre de musiciens français et étrangers venus de
plusieurs continents, et des stars internationales de l’envergure de Lionel Hampton, Dizzy Gillespie,
Stan Getz, Oscar Peterson, le Modern Jazz Quartet, Stéphane Grappelli, Michel Petrucciani, Sonny
Rollins, Gerry Mulligan, Herbie Hancock, Keith Jarrett ou encore Wynton Marsalis, pour ne citer que
quelques noms parmi les plus prestigieux. Sans compter les meilleurs groupes de Gospel tels les
Sensational Nightingales ou les Barrett Sisters.
Si JAZZ in MARCIAC est devenu, en quelques années, l’un des festivals les plus importants et les
plus courus sur le plan européen, s’il est, incontestablement, LE festival du mois d’août, attirant un
public international toujours plus dense, il le doit à la conjonction de plusieurs facteurs qui en font
toute l’originalité.
Jean-Louis Guilhaumon, devenu depuis quelques années maire de Marciac, a su, avec son équipe de
bénévoles, rallier l’adhésion populaire, ce qui n’est pas une mince prouesse. Toute la communauté
villageoise vit, pendant le festival, à l’heure du jazz : commerçants, restaurateurs, logeurs, tout le
monde participe, d’une manière ou d’une autre, à la fête du swing. Toutes les bonnes volontés (et elles
ne manquent pas !) sont requises pour que la logistique soit à la hauteur de l’événement.
Si le chapiteau abrite tous les soirs plus de cinq mille spectateurs pour les concerts “ de prestige ”, bien
plus nombreux sont ceux qui fréquentent le festival “ Off ”. Toute la journée, en effet, la place du
bourg est le théâtre d’une animation continue et gratuite : orchestres se succédant sur le podium,
cinéma, foire à la brocante, stands de spécialités régionales et d’artisanat. Une atmosphère de kermesse
placée sous le signe exclusif du jazz et qui attire chaque année plus de cent mille visiteurs.
L’une des caractéristiques de JAZZ in MARCIAC, c’est la rigueur en matière de programmation. Ici,
pas de concession à la mode, pas de dérive démagogique. Pas de “ fourre-tout ” : le souci pédagogique
prévaut. Du jazz, sans exclusive de genre ni de style, jusqu’aux musiques cousines, mais sans
compromission.
Si depuis quelques années une place a été faite au blues, au rhythm’n’blues et à la soul music avec des
vedettes aussi représentatives que Lucky Peterson et Maceo Parker, ou au latin jazz avec Tito Puente,
Irakere ou Ray Barreto, si le festival s’est ouvert aux formes les plus contemporaines, du free jazz
d’Ornette Coleman ou de Michel Portal à la world music de Joe Zawinul, c’est pour répondre aux
attentes d’un public toujours plus large. Mais la même exigence de qualité demeure, avec la fidélité
aux racines : des soirées sont toujours consacrées au jazz traditionnel dans le cadre magique des
arènes, seconde scène qui s’ouvre aussi aux fanfares, au blues et à la salsa. Et l’église de Marciac
accueille rituellement, outre une messe du jazz, des concerts de negro spirituals et gospel songs.
Enfin, l’hospitalité gasconne, faite de chaleur et de simplicité, fait que ce festival ne ressemblant à
aucun autre a acquis une personnalité unique et que son image, largement diffusée, a fait connaître
Marciac dans le monde entier. La gastronomie gersoise, ses confits, ses foies gras, ses magrets arrosés
des vins des Côtes de Saint-Mont, contribue à la qualité de l’accueil. L’ambiance détendue, bon
enfant, propre à exalter les vertus du jazz, séduit non seulement le public mais les musiciens, y
compris les plus célèbres, qui demandent souvent à venir jouer, ou rejouer, à Marciac. Ils s’y sentent
chez eux : Wynton Marsalis, tombé amoureux du lieu et devenu la figure emblématique de JAZZ in
MARCIAC, n’hésite pas à disputer un match de basket avec les gamins du village avant d’animer,
pour le plaisir, une “ master class ” dans le somptueux auditorium du collège.
Le génie des organisateurs a été de comprendre très vite que le festival se devait de ne pas rester un
phénomène isolé, si prestigieux soit-il, mais constituer plutôt le couronnement d’une activité
permanente, première étape dans un projet de vaste envergure visant à faire de Marciac un pôle
culturel et touristique majeur de la région Midi-Pyrénées.
Ainsi ont vu le jour, d’octobre à juin, des concerts mensuels où se succèdent les musiciens les plus en
vue. Ces concerts sont couplés avec des stages de formation ouverts aux amateurs désireux de se
perfectionner, pendant tout un week-end, sous la houlette de musiciens confirmés. Il faut y ajouter les
“ Territoires du Jazz ”, étonnante réalisation qui met les techniques les plus modernes de l’audiovisuel
au service des visiteurs, pour un parcours “ initiatique ” dans l’univers de la musique négroaméricaine. Enfin, la création, pionnière en France, d’ateliers d’initiation à la musique de jazz au
collège, pépinière de talents qu’est venue récemment consacrer une Victoire du Jazz, contribue à faire
de Marciac un lieu-phare. Un de ces lieux qui, selon la formule consacrée, “ vaut le détour ”. Pour des
raisons qui allient, en une synthèse des plus harmonieuses, amour de la musique, attrait touristique et
culte de la gastronomie.
Jacques ABOUCAYA