le harcelement moral - Solidaires Assurances

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le harcelement moral - Solidaires Assurances
INSTITUT DU TRAVAIL / SOLIDAIRES
LE HARCELEMENT MORAL
Mercredi 27 novembre 2013 (Pessac)
Philippe HELIS
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Chapitre I : Les différentes situations
de harcèlement moral
Il convient d’aborder dans un premier temps la définition du harcèlement moral (§1) puis les
caractéristiques de ce harcèlement (§2) avant de s’interroger sur les auteurs du harcèlement
(§3).
§1 : La définition du harcèlement moral
Le harcèlement moral dans sa forme la plus classique est défini par l’article L. 1152-1 du code
du travail.
C. trav., art. L. 1152-1 :
« Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de
harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de
ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et
à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de
compromettre son avenir professionnel ».
Cette définition est quasiment identique à celle offerte par le droit pénal.
C. Pén, art. 222-33-2 :
« Le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant
pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail
susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa
santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir
professionnel, est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 €
d'amende. ».
Cette définition est toutefois très générale. Des attitudes, des comportements extrêmement
variés peuvent être assimilés à du harcèlement. Il est donc revenu aux juges la charge de
préciser la notion afin d’éviter que toute situation déstabilisante pour le salarié ne soit
qualifiée harcèlement moral. La difficulté tient en effet à ce que la notion de harcèlement
peut être extrêmement subjective et dépend donc beaucoup des personnes. D’abord parce
que certains comportements peuvent être mal vécus alors qu’il n’y a aucune intention
malveillante derrière ces comportements. Ensuite parce que nous n’avons pas tous la même
résistance face à de tels comportements, certains salariés pouvant supporter beaucoup plus
de choses que d’autres. Cela n’est en rien une excuse pour protéger les auteurs de
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harcèlement mais explique seulement qu’il soit parfois difficile de définir convenablement le
harcèlement puisque, par définition, son ressenti peut varier d’une personne à une autre.
Une difficulté supplémentaire est apparue à l’occasion de la loi du 27 mai 2008. En effet, ce
texte qui porte principalement sur les discriminations reprend pourtant une définition du
harcèlement avec, rappelons-le, la possibilité de reconnaître l’existence d’un harcèlement en
présence d’un acte isolé, à condition que le harcèlement soit guidé par un motif
discriminatoire.
La Cour de cassation a commencé par poser une ébauche de définition du harcèlement
moral qui s’inspire incontestablement des critères posés par la loi à l’article L. 1152-1. Dans
un arrêt du 27 octobre 2004, elle met en évidence la nécessité d’éléments objectifs (tenant
au comportement du harceleur) mais aussi d’éléments subjectifs (conséquences sur la
victime).
Cass. Soc. 27 oct. 2004, sté Mât de
misaine c/ Mme Claudie POUVREAU
Sur le moyen unique :
Attendu que Mme X... a été engagée par
la société Mât de misaine le 2 novembre
2000 par contrat à durée déterminée en
qualité d'animatrice de magasin ; que son
contrat de travail a été renouvelé le 31
janvier 2001 pour une durée de onze mois ;
que la salariée a saisi la juridiction
prud'homale
de
demandes
en
requalification de son contrat de travail en
contrat à durée indéterminée et en
paiement
de
diverses
indemnités
notamment pour harcèlement moral ;
Attendu que la société Mât de misaine
fait grief à l'arrêt attaqué (Rennes, 27
novembre 2003) d'avoir retenu l'existence
d'un harcèlement moral, alors, selon le
moyen :
1 / qu'il résulte des propres constatations
de l'arrêt attaqué que les attestations de
cinq salariés de la société relatant avoir été
victimes de harcèlement moral "n'apportent
aucun éclairage sur la façon dont Mme Y...
se comportait à l'égard de Mme X..." ; que
dès lors, en relevant que "ces divers
éléments établissent qu'il a été porté
atteinte, par leur conjonction et leur
répétition, à la dignité et à la santé
psychique de Mme X...", pour dire que la
salariée a été victime de harcèlement
moral, la cour d'appel s'est manifestement
contredite en violation de l'article 455 du
nouveau Code de procédure civile ;
2 / que nul ne peut se constituer de
preuve à lui-même ; que la société Mât de
misaine faisait observer que le certificat
médical en date du 25 septembre 2001
ainsi que les arrêts de travail versés aux
débats par la salariée n'étaient pas
susceptibles de justifier de l'origine
professionnelle de la dépression subie,
dont il n'avait d'ailleurs pas été fait état
auprès ni de la médecine du travail ni de
l'entreprise, dans la mesure où le docteur
Z..., auteur du certificat médical, n'avait
fait sur ce point que reprendre les propres
déclarations de la salariée ; qu'en se
fondant sur ces pièces pour retenir que la
dépression
avait
une
origine
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professionnelle et en déduire que la
salariée avait été victime de harcèlement
moral, sans rechercher comme y était
pourtant invitée si l'auteur du certificat
médical ne s'était pas borné à reproduire
les déclarations de la salariée quant à
l'origine de sa dépression, la cour d'appel a
privé sa décision de base légale au regard
de l'article 1315 du Code civil ;
3 / que la société Mât de misaine
contestait fermement tant le contenu des
attestations versées aux débats que le fait
qu'elle ait confié à la salariée des tâches
bien inférieures à ses compétences ainsi
que le fait que la salariée ait été victime
d'attaques humiliantes dégradantes et
récurrentes ; qu'en affirmant que la société
ne contestait pas les faits dénoncés par la
salariée, la cour d'appel a ainsi dénaturé les
conclusions d'appel de l'exposante en
violation des articles 4 du nouveau Code
de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui
sans se contredire, a constaté que la
salariée avait fait l'objet d'un retrait
sans motif de son téléphone portable à
usage professionnel , de l'instauration
d'une obligation nouvelle et sans
justification de se présenter tous les
matins au bureau de sa supérieure
hiérarchique, de l'attribution de tâches
sans rapport avec ses fonctions, faits
générateurs
d'un
état
dépressif
médicalement constaté nécessitant des
arrêts de travail, a, par une appréciation
souveraine, estimé que la conjonction et
la répétition de ces faits constituaient un
harcèlement moral ; que le moyen n'est
pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
La Cour de cassation s’est cependant arrêtée là dans son travail de définition et a abandonné
le contrôle de la qualification de harcèlement aux juges du fond, comme l’illustre par
exemple un arrêt du 7 mars 2007. Cela signifiait que chaque juridiction du fond pouvait
apprécier souverainement si les caractères du harcèlement moral étaient ou non réunis.
Cass. Soc. 7 mars 2007, pourvoi n°0640.386
Attendu que Mme X... a été engagée à
compter du 3 mars 1997 par la société
Servant Soft qui commercialisait des
logiciels, en qualité d'hôtesse standardiste
pour devenir ensuite téléprospectrice à
compter de mai 1997 puis assistante
commerciale à compter du 1er janvier
1999 ; que la convention collective
applicable était celle des bureaux d'études
techniques-cabinets d'ingénieurs-conseils
dite Syntec ;
que son contrat de travail a été transféré
en application de l'article L. 122-12 du
code du travail à la société Cegid à
compter du 1er janvier 2000 ; que la
salariée a été licenciée pour faute le 3 avril
2003 pour avoir refusé la prolongation de
son affectation temporaire partielle à un
poste de standardiste hôtesse d'accueil
décidée par l'employeur jusqu'au 30 juin
2003 ; que contestant la régularité de son
licenciement et estimant avoir été victime
de harcèlement moral, la salariée a saisi la
juridiction prud'homale de demandes en
paiement de diverses sommes ;
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Sur le moyen unique du pourvoi
principal de l'employeur :
Attendu que la société Cegid fait grief à
l'arrêt attaqué (Paris, 17 novembre 2005)
d'avoir dit que le licenciement de Mme X...
était dépourvu de cause réelle et sérieuse et
de l'avoir condamnée en conséquence à lui
payer la somme de 20 000 euros à titre
d'indemnité pour licenciement sans cause
réelle et sérieuse alors, selon le moyen :
1 / que si un salarié est toujours en droit
de refuser une modification de son contrat
de travail, le motif de la modification peut
constituer une cause réelle et sérieuse de
licenciement
dans
l'hypothèse
où
l'employeur décide de licencier le salarié
qui refuse la modification proposée ; qu'il
appartient aux juges du fond de rechercher
si la nécessité de procéder à la
modification du contrat de travail était
justifiée ; qu'en se bornant à énoncer que le
refus de la salariée, dépourvu de tout
caractère fautif, ne pouvait justifier son
licenciement, sans toutefois rechercher si
la nécessité de procéder à la modification
du contrat de travail était justifiée, la cour
d'appel a privé sa décision de base légale
au regard de l'article L. 122-14-3 du code
du travail ;
2 / qu'elle faisait valoir qu'"au cas
particulier, le souci de l'entreprise d'éviter
un recrutement pour ces quelques heures,
sachant que le potentiel des ressources
humaines comme le niveau d'activité du
SAT le permettait est pour le moins
légitime et s'inscrit dans le cadre d'une
gestion courante et normale des emplois" ;
qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen
péremptoire de nature à justifier la
nécessité et la légitimité de la modification,
la cour d'appel a privé sa décision de motif
en violation de l'article 455 du nouveau
code de procédure civile ;
Mais attendu qu'en application de
l'article 8 de la convention collective des
bureaux
d'études
techniques-cabinets
d'ingénieurs conseils dite Syntec, la
décision
de
l'employeur
d'affecter
temporairement un salarié à la suite de
circonstances particulières résultant de la
situation de travail dans l'entreprise à une
fonction inférieure à la sienne sans
diminution de sa classification et de ses
appointements mais pour une durée
supérieure à six mois constitue une
modification du contrat de travail qui, si
elle n'est pas acceptée par l'intéressé,
équivaut à un licenciement du fait de
l'employeur ;
Et attendu que la cour d'appel qui a
constaté, d'une part, que Mme X... justifiait
par les pièces versées aux débats, qu'après
avoir été engagée en tant que standardiste
au coefficient 240, elle avait exercé des
fonctions d'assistante, exécutant des tâches
tant administratives que commerciales et
avait vu son coefficient porté à 310, d'autre
part, qu'elle avait assumé les fonctions de
standardiste au standard général durant
plus de six mois du 8 juillet 2002 au 31
janvier 2003 qui étaient indiscutablement
inférieures aux siennes, a pu en déduire
que la décision de l'employeur de
prolonger son affectation jusqu'en juin
2003 constituait une modification du
contrat de travail ; que le moyen n'est pas
fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi
incident de la salariée :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt
d'avoir rejeté ses demandes tendant à
l'indemnisation du préjudice subi du fait du
harcèlement moral de l'employeur alors,
selon le moyen :
1 / que la circonstance selon laquelle
plusieurs salariés sont victimes des mêmes
agissements n'implique pas qu'ils ne
puissent être qualifiés d'actes de
harcèlement moral ; qu'en omettant par
conséquent de rechercher si, comme il était
soutenu, les affectations partielles,
présentées comme provisoires mais
systématiquement
reconduites
par
l'employeur, ne constituaient pas des
agissements répétés de nature à détériorer
ses conditions de travail, la cour d'appel a
privé sa décision de base légale au regard
de l'article L. 122-49 du code du travail ;
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2 / qu'en s'abstenant de rechercher si,
comme il était soutenu, l'employeur n'avait
pas vidé le poste qu'elle continuait à
occuper en dehors de son remplacement au
standard général de toute substance, la cour
d'appel a derechef privé sa décision de base
légale au regard de l'article L. 122-49 du
code du travail ;
Attendu que la cour d'appel a
souverainement retenu, par une décision
motivée, que le comportement de
l'employeur n'avait pas été constitutif
d'un harcèlement moral au sens de
l'article L. 122-49 du code du travail ;
que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois tant principal
qu'incident ;
Cette position suscita de nombreuses interrogations, principalement parce que les solutions
des juges du fond se trouvèrent alors très variables, certains conseils de prud’hommes
adoptant une conception souple du harcèlement, d’autres une conception étroite. Si bien
que pour des faits apparemment identiques et des situations très comparables, un salarié
pouvait bénéficier de la protection contre le harcèlement moral dans tel conseil et un autre
en être privé dans tel autre conseil.
Face aux incertitudes liées à cette instabilité, la Cour de cassation finit par reprendre la main
et affirma désormais son contrôle sur la qualification de harcèlement moral dans un arrêt
rendu le 24 septembre 2008. Comme la Cour de cassation l’énonçait dans un communiqué
publié sur son site internet, elle a décidé de « renforcer la nature de son contrôle,
d’harmoniser les pratiques des différentes cours d’appel et de préciser les règles qui
conduisent la charge de la preuve ».
Cass. soc., 24 septembre 2008, n° 0645.747
Sur le moyen unique du pourvoi de
l'employeur
:
(…)
Mais sur le pourvoi de la salariée :
Vu les articles L. 122-49 et L. 122-52 du
code du travail devenus les articles L.
1152-1 et 1154-1 du même code ;
Attendu que pour débouter la salariée de sa
demande, la cour d'appel a retenu
qu'aucune des pièces produites par la
salariée, qui consistaient essentiellement
dans des échanges de courriers entre elle et
la RATP et des certificats médicaux dans
lesquels les praticiens reprenaient les dires
de leur patiente sur les origines des
troubles, ne permettaient de faire présumer
un quelconque harcèlement de l'employeur
à son encontre depuis sa réintégration ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans tenir
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compte de l'ensemble des éléments établis
par la salariée, la cour d'appel n'a pas
mis la Cour de cassation en mesure
d'exercer son contrôle sur le point de
savoir si les faits établis n'étaient pas de
nature à faire présumer un harcèlement
moral au sens des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE
A partir de cette décision, de très nombreuses affaires ont été portées à la Cour de cassation
en matière de harcèlement. Ces décisions apportent à la fois des précisions sur les
comportements qui peuvent caractériser un harcèlement moral mais surtout sur quelques
éléments caractéristiques du harcèlement moral.
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§2 : Caractéristiques et illustrations du harcèlement
moral
Un point rapide d’abord sur les caractéristiques du harcèlement moral (A) avant de dresser
un panorama non exhaustif des comportements qui peuvent caractériser un harcèlement
(B).
A – Caractéristiques du harcèlement
1) Fait isolé ou agissements répétés ?
Nous l’avons vu, les deux définitions du harcèlement semblent s’opposer. L’article L. 1152-1
du code du travail exige l’existence de plusieurs agissements de harcèlement alors que la loi
du 27 mai 2008 se contente d’un fait isolé.
D’une manière générale, sauf à démontrer l’existence d’un motif discriminatoire, c’est donc
des agissements répétés de harcèlement qui doivent être démontrés.
La Cour de cassation a jugé que le refus répété de l’employeur à une même demande d’une
salariée ne pouvait constituer des agissements répétés. Il s’agissait d’une affaire dans
laquelle une salariée avait été rétrogradée et avait demandé quatre fois à son employeur de
revenir sur sa décision, demandes à laquelle l’employeur opposa quatre refus. Ces quatre
refus ne sont pas considérés par la chambre sociale comme des agissements répétés de
harcèlement (Cass. soc., 9 déc. 2009, n° 07-45.521).
Cass. soc., 9 déc. 2009, n° 07-45.521
LA
COUR
DE
CASSATION,
CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt
suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme
X..., épouse Y..., a été engagée le 9 juillet
1998 en qualité de secrétaire d'agence par
la société Qualiconsult ; qu'elle est
devenue attachée commerciale de la région
Côte-d'Azur suivant avenant du 29 mars
2004 ; qu'alors qu'elle se trouvait en congé
maladie depuis le 6 décembre 2004,
l'employeur l'a rétrogradée unilatéralement
dans ses fonctions initiales à compter de
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janvier 2005 et a établi des bulletins de
salaire faisant état de sa qualité de
secrétaire et de la baisse de salaire
correspondante ; qu'après avoir protesté
contre cette modification par lettres des 15
décembre 2004, 15 mars 2005 et 25 mars
2005, et après que l'inspection du travail
fut intervenue sans succès par courriers des
7 avril et 25 avril 2005, la salariée a pris
acte de la rupture de son contrat de travail
le 6 mai 2005 ; qu'elle a saisi la juridiction
prud'homale le même jour aux fins
d'obtenir paiement de diverses sommes à
titre d'indemnités de rupture et de
dommages-intérêts ;
Sur le moyen unique du pourvoi
principal de l'employeur, pris en sa
première branche :
Vu l'article L. 122-49 devenu L. 1152-1
du code du travail ;
Attendu
que,
pour
condamner
l'employeur à payer à la salariée des
dommages-intérêts au titre de harcèlement
moral, la cour d'appel retient que
l'insistance mise pendant quatre mois par
l'employeur, au moyen de la délivrance de
bulletins de salaire erronés, à rétrograder
de manière injustifiée la salariée dans les
fonctions de secrétaire, avec baisse de
salaire et perte des avantages liés à sa
fonction d'attachée principale, en dépit des
protestations de l'intéressée et des courriers
de l'inspection du travail, caractérise des
actes répétés de harcèlement moral ayant
contribué à la dégradation d'un état de
santé déjà fragile ;
Attendu, cependant, qu'aux termes de
l'article L. 122-49, devenu L. 1152-1 du
code du travail, aucun salarié ne doit subir
les agissements répétés de harcèlement
moral qui ont pour objet ou pour effet une
dégradation de ses conditions de travail
susceptible de porter atteinte à ses droits et
à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou
mentale ou de compromettre son avenir
professionnel ; qu'il en résulte que ne
peut s'analyser en agissements répétés
constitutifs de harcèlement moral, une
décision de l'employeur de rétrograder
un salarié, peu important que,
répondant aux protestations réitérées de
celui-ci, il ait maintenu par divers actes
sa décision ;
Qu'en statuant comme elle a fait, sans
avoir constaté d'autres agissements que la
décision maintenue de rétrogradation, la
cour d'appel, qui n'a pas caractérisé
l'existence d'un harcèlement moral, a violé
le texte susvisé ;
(…)
PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu
de statuer sur les deuxième et troisième
branches du moyen unique du pourvoi
principal, non plus que sur les autres
branches du premier moyen et le deuxième
moyen du pourvoi incident de la salariée :
CASSE ET ANNULE
S’il est donc nécessaire que le salarié montre l’existence d’agissements répétés (répétés, c’est
à partir de 2 !), il n’est en revanche pas nécessaire que ces agissements aient perduré
pendant une longue durée. Le harcèlement peut être caractérisé même sur une très brève
période.
Dans une affaire jugée au mois de mai 2010, un salarié avait été en arrêt pour une longue
maladie. A son retour, jugé apte par le médecin du travail, l’employeur ne confie au salarié
que des tâches subalternes. En l’espace de deux mois, le salarié subit des menaces et des
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propos dégradants ainsi qu’une rétrogradation. La cour d’appel refuse de reconnaître
l’existence d’un harcèlement en raison de la trop brève période pendant laquelle se sont
déroulés les agissements. Or, l’article L. 1152-1 du code du travail exige une condition, celle
que les agissements soient « répétés ». Or, il suffit de deux comportements déviants pour
que les agissements soient répétés, peu importe la durée sur laquelle ils sont intervenus.
C’est la position qu’adopte la Cour de cassation dans son arrêt rendu le 26 mai 2010 : la
durée n’est pas un critère du harcèlement (Cass. soc., 26-05-2010, n° 08-43.152).
Cass. soc., 26-05-2010, n° 08-43.152
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M.
X... a été engagé le 28 décembre 2001 en
qualité de vendeur / acheteur de véhicules
accidentés par la société Autocasse
Bouvier ; qu'estimant que l'employeur
avait modifié son contrat de travail à son
retour d'une longue absence pour maladie
malgré l'avis d'aptitude émis par le
médecin du travail lors de la visite de
reprise, il a saisi la juridiction prud'homale
d'une demande de résiliation judiciaire de
son contrat de travail aux torts de
l'employeur ; qu'il a demandé le versement
d'une somme à titre de dommages et
intérêts pour harcèlement moral devant la
cour d'appel ;
Sur le moyen unique du pourvoi
principal de l'employeur :
Attendu que l'employeur fait grief à
l'arrêt d'avoir prononcé la résiliation
judiciaire du contrat de travail avec les
effets d'un licenciement sans cause réelle et
sérieuse, alors, selon le moyen :
1° / que la résiliation judiciaire du
contrat de travail ne peut être prononcée
aux torts de l'employeur qu'à la condition
que soient caractérisés à sa charge des
manquements suffisamment graves pour la
justifier ; qu'en l'espèce, en décidant de
résilier le contrat de travail aux torts de
l'employeur en s'appuyant sur une
modifications des fonctions de M X... lors
de son retour dans l'entreprise après son
arrêt de travail, tout en constatant que la
modification ne s'était appliquée que
pendant une très brève période de temps,
qu'elle portait sur des tâches qui n'étaient
ni dégradantes ni incompatibles avec la
qualification de M. X... et que l'employeur
avait satisfait à son obligation de proposer
à M. X..., déclaré apte par le médecin du
travail à reprendre l'emploi qu'il occupait
précédemment à l'issue à l'issue d'une très
longue période de suspension du contrat de
travail consécutive à un accident, un autre
emploi approprié à ses capacités et aussi
comparable que possible à l'emploi
précédemment occupé, la cour d'appel, qui
n'a pas caractérisé la gravité d'un
manquement de l'employeur à ses
obligations
contractuelles
n'a
pas
légalement justifié sa décision au regard
des articles L. 122-14-3 (recodifié dans les
articles L. 1232-1, L. 1233-2, L. 1235-1 et
L. 1235-9) et L. 122-14-4 (recodifié dans
les articles L. 1235-2, L. 1235-3 et L.
1235-2) du code du travail, ensemble de
l'article L. 122-24-4, alinéa 1, du code du
travail, recodifié en article L. 1226-2 du
même code ;
2° / qu'en décidant de résilier le contrat
de travail aux torts de l'employeur, sans
rechercher, comme elle y était invitée, si
M. X... n'avait pas interrompu les relations
de travail après une très brève période de
temps parce qu'il souhaitait, en réalité,
ainsi qu'il l'avait indiqué à son employeur
avant même de rejoindre son poste et
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déclaré au médecin du travail, qui avait
attesté en ce sens, que celui-ci le licencie,
la cour d'appel a privé sa décision de base
légale au regard des dispositions susvisées,
ensemble celles de l'article 1134, dernier
alinéa, du code civil ;
Mais attendu qu'ayant constaté que le
salarié avait été affecté à son retour d'arrêtmaladie, bien qu'ayant été déclaré apte à
son poste de travail par le médecin du
travail, à l'exécution de tâches subalternes
qu'il n'avait jamais exercées auparavant et
qu'il lui avait été interdit de prospecter
pour acheter des véhicules accidentés, la
cour d'appel, qui a retenu que le salarié
avait subi une rétrogradation ayant un
impact sur sa rémunération caractérisant
une modification de son contrat de travail,
a pu en déduire que la demande de
résiliation judiciaire du contrat était fondée
; que le moyen ne peut être accueilli ;
Mais sur le pourvoi incident du salarié :
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du
code du travail ;
Attendu que pour rejeter la demande
du salarié en paiement d'une somme à
titre de dommages-intérêts pour
harcèlement moral, l'arrêt retient que
s'il a été rétrogradé et mis à l'écart à
partir du 6 novembre 2006, si des
menaces ou des propos dégradants ont
pu être tenus par l'employeur à son
égard au cours de la seconde semaine
après la reprise et principalement lors
d'un entretien le 21 septembre 2004, ces
événements qui se sont déroulés au
cours d'une très brève période de temps,
compte tenu des arrêts maladie
postérieurs à la reprise, sont insuffisants
pour caractériser un harcèlement
moral ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel
qui, d'une part, a ajouté au texte légal
une condition qu'il ne prévoit pas, et,
d'autre part, n'a pas pris en compte
l'ensemble des éléments établis par le
salarié parmi lesquels les documents
médicaux relatifs à une altération de son
état de santé, a violé les textes susvisés ;
Attendu qu'il résulte du premier de ces
articles que les faits constitutifs de
harcèlement moral peuvent se dérouler sur
une brève période ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE,
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2) Des agissements intentionnels ?
Autre question posée à la chambre sociale de la Cour de cassation : le harcèlement doit-il
découler de comportements intentionnels du harceleur. Autrement dit, faut-il être méchant
pour être condamné ou suffit-il d’être bête ? La question est importante, au moins pour deux
raisons.
•
d’abord parce que certaines situations de harcèlement sont certainement le
fait de petits chefs ou d’employeurs dont l’intention n’est pas d’altérer l’état
de santé du salarié. C’est de la bêtise, du jeu d’adolescent, sans conscience
du danger encouru. Il était donc indispensable de se poser la question
•
ensuite parce que la position de la Cour de cassation pouvait ouvrir en grand
la porte à un nouveau type de harcèlement : le harcèlement managérial ou
organisationnel. En effet, c’est là un grand argument de ceux qui se
défendent de procéder à du harcèlement quand ils se contentent de mettre
une forte pression sur la salariés : le but n’est pas de nuire au salarié, au
contraire, c’est de le stimuler… Et il est sûr que certains d’entre eux sont de
bonne foi. Cependant, si l’intention de harceler n’est pas exigée, peu importe
la bonne ou la mauvaise foi, l’important, c’est le résultat !
L’article L. 1152-2 du code du travail vise des agissements qui ont « pour objet ou pour
effet » une dégradation des conditions de travail. Cette formule semblait signifier que les
agissements de harcèlement pouvaient ou non être délibérés, l’important étant donc qu’ils
entraînent une dégradation des conditions de travail.
Malgré ces termes sans ambigüité, la Cour de cassation a très longtemps refusé de
caractériser l’existence d’un harcèlement moral lorsque l’employeur ou le supérieur
hiérarchique n’avait pas eu d’intention malveillante, ne cherchait pas à nuire au salarié (ex.
Cas. soc., 21 juin 2006, n° 05-43.914). La Cour de cassation est récemment revenue sur sa
position et accepte qu’un harcèlement soit reconnu sans qu’aucune intention malveillante
n’ait guidé le harceleur (ex. Cass. soc., 10 nov. 2009).
Dans cet arrêt, la chambre sociale juge que le harcèlement moral est constitué
indépendamment de l’intention de son auteur, à condition que soient caractérisés des
agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles
de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d’altérer sa santé ou de compromettre
13
son avenir professionnel (Cass. soc., 10 novembre 2009, n° 08-41.497). Il n’est donc pas
nécessaire, comme l’avait exigé la cour d’appel, que les agissements de l’employeur
« relèvent d'une démarche gratuite, inutile et réfléchie destinée à l'atteindre ».
Cass. soc., 10 novembre 2009, n° 0841.497
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme
X..., engagée le 1er septembre 1965 par la
société Crédit commercial de France,
devenue la société HSBC France, et
exerçant en dernier lieu les fonctions de
sous directrice d'agence, a été placée en
arrêt de travail pour maladie entre le 16
octobre 2002 et le 16 octobre 2005 ; qu'elle
a saisi la juridiction prud'homale d'une
demande de résiliation judiciaire pour,
notamment, harcèlement moral, et de
diverses demandes indemnitaires ; qu'elle a
été licenciée pour inaptitude le 28 mars
2006 ;
Sur les quatrième, cinquième et sixième
moyens du pourvoi principal de la
salariée :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer
sur ces moyens qui ne seraient pas de
nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le moyen unique du pourvoi
incident de l'employeur :
Attendu que l'employeur fait grief à
l'arrêt de le condamner au paiement de
dommages intérêts pour refus de
souscription à l'augmentation du capital
social, alors, selon le moyen :
1° / que le juge ne peut modifier les
termes du litige tels que déterminés par les
prétentions des parties ; qu'en l'espèce, il
soutenait que Mme X... ne pouvait
participer à l'augmentation de capital
réservée aux salariés de l'entreprise en
2005, ayant atteint le plafond des
versements volontaires qu'elle était
susceptible d'effectuer au titre de l'année
2005 et ce, après avoir versé en octobre
2005 la somme de 1 562, 60 euros sur le
Plan d'Epargne d'Entreprise (PEE) de la
société HSBC ; que Mme X... ne contestait
aucunement ce versement et le fait que le
plafond des versements volontaires avait
été atteint au titre de l'année 2005 ; qu'en
affirmant que la société HSBC n'établissait
pas que la salariée avait versé en octobre
2005 la somme de 1 562, 60 euros sur le
PEE pour ensuite allouer à cette dernière
des dommages intérêts en raison du
prétendu préjudice causé par l'absence
d'information
par
l'employeur
de
l'opération relative à l'augmentation de
capital en 2005, la cour d'appel a dénaturé
les termes du litige en violation des articles
4 et 7 du vode de procédure civile ;
2° / que les juges du fond doivent
répondre aux moyens formulés par les
parties ; que pour s'opposer à la demande
de la salariée, la société HSBC faisait
valoir, sans que ce fait soit contesté par
Mme X... que l'intéressée avait pu effectuer
un versement volontaire complémentaire
de 5 000 euros sur le PEE, alors même
qu'elle avait d'ores et déjà dépassé le
plafond des versements volontaires qu'elle
pouvait effectuer, dépassement qui lui avait
permis de bénéficier du montant maximal
de l'abondement susceptible d'être versé, ce
qui compensait très largement le prétendu
« préjudice » de Mme X... de ne pas avoir
été
informée
d'une
opération
d'augmentation de capital à laquelle elle ne
pouvait participer ; qu'en décidant
néanmoins d'indemniser ce « préjudice »,
sans répondre au moyen péremptoire de la
14
société, la cour d'appel a violé l'article 455
du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la
salariée faisait valoir qu'elle n'avait pas été
informée de l'augmentation de capital, et
qu'elle réclamait de ce chef des dommages
intérêts, ce dont il se déduisait qu'elle
contestait avoir été remplie de ses droits à
ce titre, la cour d'appel a, sans encourir les
griefs du moyen, légalement justifié sa
décision ;
Mais sur les premier et deuxième
moyens réunis du pourvoi principal :
Vu les articles L. 1152 1 et L. 1154 1 du
code du travail ;
Attendu qu'il résulte du premier de
ces textes que le harcèlement moral est
constitué,
indépendamment
de
l'intention de son auteur, dés lors que
sont caractérisés des agissements répétés
ayant pour effet une dégradation des
conditions de travail susceptibles de porter
atteinte aux droits et à la dignité du salarié,
d'altérer sa santé ou de compromettre son
avenir professionnel ; que, selon le second,
dans sa rédaction alors applicable, la
charge de la preuve d'un harcèlement
moral ne pèse pas sur le salarié ;
Attendu que pour débouter Mme X... de
ses demandes en paiement de dommages
intérêts pour harcèlement moral et de
résiliation judiciaire du contrat de travail,
l'arrêt retient que les agissements dont elle
se plaint ne peuvent être considérés comme
des agissements répétés de harcèlement
moral et s'inscrivent dans l'exercice du
pouvoir de direction de l'employeur, tant
qu'il n'est pas démontré par la salariée
qu'ils relèvent d'une démarche gratuite,
inutile et réfléchie destinée à l'atteindre et
permettant de présumer l'existence d'un
harcèlement ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a
violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit
nécessaire de statuer sur le troisième
moyen du pourvoi principal, qui est
subsidiaire :
CASSE ET ANNULE,
B – Illustrations jurisprudentielles
Le fait d’imposer à une salariée des tâches incompatibles avec les prescriptions du médecin
du travail peut constituer des faits de harcèlement. En effet, constitue un harcèlement moral
le fait pour un employeur d'imposer à une salariée de manière répétée, au mépris des
prescriptions du médecin du travail, d'effectuer des tâches de manutention lourde qui
avaient provoqué de nombreux arrêts de travail (Cass. soc., 28 janvier 2010).
Cass. soc., 28 janv. 2010, n° 08-42.616
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles,
27 mars 2008), que Mme Ronnel, engagée
par la société Leroy Merlin France le 6
15
novembre 1989, occupait en dernier lieu
les fonctions de responsable du rayon
décoration du magasin d'Osny ; qu'à la
suite d'un accident du travail survenu le 19
décembre 2002, la salariée a été déclarée
lors de la visite médicale de reprise, le 7
mars 2003, apte à reprendre son poste, le
médecin du travail précisant "durant trois
mois, pas de port de manutention répétée,
pas de port de charges lourdes, siège assisdebout impératif" ; qu'à plusieurs reprises
la salariée a été revue par le médecin du
travail à l'occasion de rechutes ou de
nouvel accident en relation avec l'accident
initial, le praticien concluant à chaque fois
à l'aptitude de la salariée à son poste de
travail mais avec des restrictions toujours
plus importantes ; qu'après avoir refusé un
poste d'employée administrative, un poste
en comptabilité fournisseur, un poste
d'hôtesse service client et un poste
d'hôtesse aux matériaux, la salariée a été
licenciée le 30 mai 2005 ; qu'elle a saisi la
juridiction prud'homale d'une demande de
dommages-intérêts pour licenciement sans
cause réelle et sérieuse et pour harcèlement
moral ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à
l'arrêt d'avoir dit que le licenciement de
Mme Ronnel avait été prononcé en
méconnaissance des dispositions de
l'article L. 1226-8 du code du travail ,
alors, selon le moyen :
1°/ que le salarié qui n'est déclaré apte à
reprendre son poste qu'avec des restrictions
incompatibles avec l'exercice de son
emploi dans l'entreprise n'a pas à être
réintégré dans son poste ; qu'en l'espèce, le
poste de responsable de rayon nécessitant
que son titulaire assure la responsabilité de
"la gestion quotidienne, de l'organisation et
de l'approvisionnement de la gamme de
produits suivant les critères établis dans la
société" et doive "assurer, au sein du rayon,
la coordination du travail au quotidien", ce
poste impose à son titulaire d'effectuer, au
moins ponctuellement, des tâches de
manutention de sorte que les restrictions
qui interdisent au salarié d'effectuer toute
tâche de manutention un tant soit peu
importante sont incompatibles avec
l'emploi de responsable de rayon ; qu'en
jugeant pourtant que le poste de
responsable de rayon excluait la réalisation
de tâches de manutention, de sorte que
Mme Ronnel aurait dû être réintégrée à un
tel poste, la Cour d'appel a violé les
dispositions conventionnelles régissant le
poste de responsable de rayon et l'article L.
122-32-4 du code du travail devenu
l'article L. 1226-8 du même code ;
2°/ que le salarié qui n'est déclaré apte à
reprendre son poste qu'avec des restrictions
incompatibles avec l'exercice de son
emploi dans l'entreprise n'a pas à être
réintégré dans son poste ; qu'aux termes
des dispositions conventionnelles, le poste
de responsable de rayon nécessite que son
titulaire assure la responsabilité de "la
gestion quotidienne, de l'organisation et de
l'approvisionnement de la gamme de
produits suivant les critères établis dans la
société" et doive "assurer, au sein du rayon,
la coordination du travail au quotidien" ;
qu'en jugeant que le poste de responsable
de rayon excluait la réalisation de tâches de
manutention, de sorte que Mme Ronnel
aurait dû être réintégrée à un tel poste, sans
rechercher s'il ne résultait pas des règles
établies dans la société que le responsable
de rayon doive effectuer des tâches de
manutention, la cour d'appel a privé sa
décision de base légale au regard des
dispositions conventionnelles régissant le
poste de responsable de rayon et de l'article
L.122-32-4 du code du travail devenu
l'article L. 1226-8 du même code ;
Mais attendu qu'il résulte de l'article L.
1226-8 du code du travail, que si le salarié
est déclaré apte par le médecin du travail, il
retrouve son emploi ou un emploi similaire
assorti d'une rémunération au moins
équivalente ; que selon les dispositions de
l'article L. 4624-1 dudit code, le médecin
du travail est habilité à proposer des
mesures individuelles, telles que mutations
ou transformations de poste, justifiées par
des considérations relatives notamment à
16
l'âge, la résistance physique ou à l'état de
santé des travailleurs ; que le chef
d'entreprise est tenu de prendre en
considération ces propositions ;
Et attendu que la cour d'appel a constaté
que, si pour chacun des avis relatifs à
l'aptitude de la salariée à occuper son
emploi et qui n'avaient pas été contestés, le
médecin
du
travail
avait
émis
d'importantes réserves, il n'avait cependant
jamais rendu un avis d'inaptitude de
l'intéressée aux fonctions de responsable
de rayon ; qu'elle a, par ces seuls motifs,
légalement justifié sa décision ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il est encore fait grief à
l'arrêt d'avoir dit que Mme Ronnel avait été
victime de harcèlement moral de la part de
la société Leroy Merlin France, alors, selon
le moyen :
1°/ que le harcèlement moral suppose
que soient caractérisés des actes de
l'employeur constitutifs d'une atteinte
délibérée aux droits et à la dignité du
salarié ; qu'en l'espèce, pour conclure à
l'existence d'un harcèlement moral, la cour
d'appel a reproché à l'employeur d'avoir
imposé à la salariée des tâches de
manutention qui ne rentraient pas dans ses
attributions puis de lui avoir proposé des
solutions de reclassement à un niveau
inférieur ; que pourtant, la réalisation de
certaines tâches de manutention étant
inhérente aux fonctions de responsable de
rayon, l'employeur n'avait commis aucune
faute en imposant de telles tâches à la
salariée puis en mettant tout en oeuvre
pour chercher à la reclasser dès lors qu'il
apparaissait qu'elle ne pouvait pas
accomplir ces tâches de manutention, de
sorte qu'en retenant l'existence d'un
harcèlement moral, la cour d'appel a violé
l'article L. 122-49 du code du travail,
devenu l'article L. 1152-1 du même code ;
2°/ que le harcèlement moral suppose
que soient caractérisés des actes de
l'employeur constitutifs d'une atteinte
délibérée aux droits et à la dignité du
salarié ; qu'en l'espèce, pour conclure à
l'existence d'un harcèlement moral, la cour
d'appel a reproché à l'employeur d'avoir
imposé à la salariée des tâches de
manutention qui ne rentraient pas dans ses
attributions puis de lui avoir proposé des
solutions de reclassement à un niveau
inférieur ; que même à supposer que les
tâches de manutention ne rentrent
effectivement pas dans les fonctions d'un
responsable de rayon, le seul fait de
demander à un salarié d'effectuer de telles
tâches et de chercher à le reclasser dès lors
qu'il ne pouvait pas accomplir ces tâches
ne suffisait pas à caractériser une atteinte
délibérée aux droits et à la dignité de ce
salarié, de sorte qu'en statuant par des
motifs qui ne permettent pas de
caractériser l'existence d'un harcèlement
moral, la cour d'appel a privé sa décision
de base légale au regard de l'article L. 12249 du code du travail, devenu l'article L.
1152-1 du même code ;
Mais attendu qu'il résulte de l'article L.
1152-1 du code du travail, que le
harcèlement
moral
est
constitué,
indépendamment de l'intention de son
auteur, dès lors que sont caractérisés des
agissements répétés ayant pour effet une
dégradation des conditions de travail
susceptibles de porter atteinte aux droits et
à la dignité du salarié, d'altérer sa santé ou
de compromettre son avenir professionnel ;
Et attendu, qu'en retenant que
l'employeur avait imposé à la salariée de
manière répétée, au mépris des
prescriptions du médecin du travail,
d'effectuer des tâches de manutention
lourde qui avaient provoqué de
nombreux arrêts de travail puis, au vu
des avis médicaux successifs, qu'il avait
proposé des postes d'un niveau inférieur
à celui d'agent de maîtrise, en
particulier à cinq reprises le poste
d'hôtesse au service client qui était luimême
incompatible
avec
les
préconisations du médecin du travail, la
cour
d'appel
a
caractérisé
le
17
harcèlement moral dont la salariée avait
été victime ;
PAR CES MOTIFS :
D'où il suit que le moyen ne peut être
accueilli ;
REJETTE le pourvoi ;
L’existence d’attestations retenues par la cour et qui relatent que le chef de service a eu un
comportement déplacé à l'égard de son assistante, qu'il s'emportait et devenait violent,
permet de caractériser l’existence d’un harcèlement moral (Cass. soc., 10 févr. 2009).
Cass. soc., 10-02-2009, n° 07-44.953
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M.
X..., qui avait été engagé le 17 septembre
1990 par la société Y... France en qualité de
directeur des ressources humaines, a été
licencié le 15 mars 2003 pour faute grave
en raison du harcèlement sexuel et moral
qu'il aurait exercé sur son assistante Mme
Z... ; que celle-ci est intervenue
volontairement devant la juridiction
prud'homale saisie par le salarié d'une
demande de paiement de diverses sommes
au titre de la rupture, pour lui réclamer des
dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen :
(…)
Mais sur le deuxième moyen :
Vu l'article L. 122-49 devenu L. 1152-1
du code du travail ;
Attendu que pour dire le licenciement
sans cause réelle et sérieuse et allouer au
salarié diverses sommes à ce titre, l'arrêt a
relevé qu'il résultait d'un ensemble
d'attestations que les rapports entre
l'assistante et son chef de service se
situaient dans un contexte de très grande
exigence professionnelle ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les
attestations retenues par la cour relatent
que M. X..., qui traitait "rudement" ses
collaborateurs, a eu un comportement
déplacé à l'égard de Mme Z... qui a été
vue sortant en larmes de son bureau,
qu'il s'emportait et devenait violent à
son égard et qu'elle a manifesté auprès
d'une collègue la peur qu'elle ressentait,
comportement qui caractérisait des
agissements répétés de harcèlement
moral ayant eu pour objet ou pour effet
une dégradation des conditions de
travail de la plaignante de nature à
porter atteinte à sa dignité et à altérer sa
santé, la cour d'appel a violé le texte
susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit
nécessaire de statuer sur le troisième
moyen :
CASSE ET ANNULE,
18
Constitue une attitude de harcèlement la succession de procédures de licenciement exercées
à l'encontre de la salariée caractérisant un acharnement de l'employeur à l'égard d'une
salariée protégée.
Cass. soc., 19-05-2009, n° 07-41.084
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-enProvence, 25 janvier 2007), que Mme X...,
engagée à compter du 29 avril 1974 par la
Société nationale immoblière (SNI), y
exerçait jusqu'en 1997 les fonctions
d'adjointe au chef de service gestion
administrative ; qu'alors qu'elle était
titulaire d'un mandat de déléguée du
personnel, l'employeur lui a proposé le 30
octobre 1998 un avenant entraînant
modification de son contrat de travail et lui
confirmant qu'à compter du 1er janvier
1999, elle assumerait les fonctions de
chargé de clientèle sur le secteur de
Marseille dont le contour géographique et
l'importance pourraient être modifiés dans
le temps ; que soutenant que son contrat de
travail avait été modifié unilatéralement et
qu'elle avait fait l'objet de harcèlement
moral ainsi que de discrimination
syndicale, Mme X... a saisi la juridiction
prud'homale de demandes tendant à la
résiliation judiciaire de son contrat de
travail aux torts de l'employeur et au
paiement de diverses indemnités ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société reproche à l'arrêt
d'avoir prononcé la résiliation judiciaire du
contrat de travail, alors selon le moyen :
1°/ que si l'intention de nover ne se
présume pas, il n'est pas nécessaire qu'elle
soit exprimée en termes formels dès lors
qu'elle est certaine et résulte des faits de la
cause ; qu'en exigeant de l'employeur qu'il
produise, pour caractériser l'acceptation de
la salariée, un avenant signé, cependant
qu'il résultait du comportement de la
salariée que cette dernière avait accepté la
modification proposée, la cour d'appel a
violé l'article L. 121-1 du code du travail,
et l'article 1273 du code civil ;
2°/ que la preuve de l'acceptation du
salarié peut être rapportée par tout moyen ;
que l'aveu judiciaire est la déclaration que
fait en justice une partie, il fait pleine foi
contre celui qui l'a fait, ne peut être divisé
contre lui, et ne peut être révoqué, à moins
qu'on ne prouve qu'il a été la suite d'une
erreur de fait ; que la société SNI faisait
valoir, dans ses écritures d'appel, que Mme
X... avait accepté cette modification de son
contrat de travail puisque de son propre
aveu, Mme X... avait admis dans les
écritures qu'elle avait soumises tant aux
premiers juges qu'à la cour d'appel qu'elle
avait accepté la modification de son contrat
de travail ; qu'en écartant l'aveu judiciaire
sans rechercher si la salariée rapportait la
preuve qu'il avait été la suite d'une erreur
de fait, la cour d'appel a violé l'article 1356
du code civil ;
3°/ que la contrainte économique est un
cas particulier du vice de violence à la
condition que le cocontractant ait abusé de
la situation pour imposer des circonstances
défavorables à l'autre partie ; qu'en
estimant que le consentement de la salariée
n'avait pas été donné librement dès lors
qu'il avait été donné dans la "peur de
perdre son emploi", la cour d'appel, qui n'a
pas caractérisé en quoi l'employeur aurait
agi de façon illégitime pour lui soutirer son
consentement, a violé l'article 1109 et 1112
du code civil ;
Mais attendu que sous le couvert de
griefs non fondés de violation de la loi, le
moyen ne tend qu'à remettre en cause
l'appréciation souveraine des faits et des
preuves par la cour d'appel, qui a estimé
que la salariée n'avait pas donné son accord
19
à la modification de son contrat de travail,
laquelle lui avait ainsi été imposée ; que le
moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à
l'arrêt de l'avoir condamné à payer à la
salariée des dommages-intérêts pour
discrimination syndicale et harcèlement
moral, alors, selon le moyen, que la loi ne
dispose que pour l'avenir ; qu'elle n'a point
d'effet rétroactif ; qu'en faisant application
des dispositions de l'article L. 122-49 du
code du travail issues de la loi du 17
janvier 2002 aux faits survenus avant
l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, la
cour d'appel a violé le principe de nonrétroactivité des lois nouvelles posé par
l'article 2 du code civil, ensemble l'article
L. 122-49 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui n'a
pas fondé sa décision sur les dispositions
de l'article L. 122-49 du code du travail,
non applicable à des faits antérieurs à la loi
du 17 janvier 2002 dont il est issu, a
retenu, d'une part, que la succession de
procédures de licenciement exercées à
l'encontre de Mme X... caractérisait un
acharnement de l'employeur à l'égard d'une
salariée protégée, d'autre part, que la
société avait évincé celle-ci en lui
diminuant ses responsabilités ; qu'elle a pu
en déduire que l'employeur avait, par cette
attitude discriminatoire et de harcèlement,
manqué à ses obligations ; que le moyen
n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Constitue un harcèlement moral le fait, pour un employeur, de se livrer de manière répétée
et dans des termes humiliants à une critique de l'activité de cette dernière en présence
d'autres salariés (Cass. soc., 08-07-2009, n° 08-41.638).
Cass. soc., 08-07-2009, n° 08-41.638
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme
X..., engagée le 11 juin 1991 par la société
Distribution Casino France en qualité
d'employée de libre-service a présenté sa
démission le 29 novembre 2006, invoquant
des agissements de son supérieur
hiérarchique ; qu'elle a saisi la juridiction
prud'homale
en
réparation
d'un
harcèlement moral et pour voir requalifier
sa démission en licenciement sans cause
réelle et sérieuse ;
Sur le pourvoi principal de l'employeur :
Attendu que la société Distribution
Casino France fait grief à l'arrêt de dire que
Mme X... a été victime de faits fautifs de la
part de son supérieur hiérarchique, de
requalifier la démission en licenciement
sans cause réelle et sérieuse et de la
condamner à payer diverses sommes alors,
selon le moyen :
1° / que le fait, pour un supérieur
hiérarchique, de faire des reproches à son
subordonné en présence de ses collègues
de travail ne constitue pas, en soi, un
comportement fautif ; qu'en l'espèce, pour
condamner l'exposante, la cour d'appel a
retenu que M. Z..., qui n'avait pas harcelé
moralement Mme X..., lui avait fait des
reproches devant ses collègues ; qu'en
statuant par tels motifs impropres à
caractériser une faute susceptible d'engager
la responsabilité de l'employeur, la cour
d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
20
2° / que l'obligation de sécurité de
résultat à laquelle est tenu l'employeur en
matière de protection de la santé et de la
sécurité des travailleurs, et notamment en
matière de harcèlement moral, n'est
applicable que lorsque la santé et la
sécurité des travailleurs est menacée ;
qu'en l'espèce, pour dire l'exposante
responsable des reproches faits en public
par M. Z..., la cour d'appel a retenu qu'elle
était soumise à une " obligation de sécurité
de résultat en matière de protection " ;
qu'en statuant ainsi, quand elle avait
constaté que les agissements M. Z... ne
s'étaient pas traduits par un harcèlement
moral, et qu'elle n'avait relevé aucune
atteinte à la santé ou à la sécurité de la
salariée, la cour a violé le principe susvisé ;
3° / que lorsque le salarié démissionne
en raison de faits qu'il reproche à son
employeur, cette rupture constitue une
prise d'acte et produit soit les effets d'un
licenciement sans cause réelle et sérieuse si
les faits invoqués la justifiaient et étaient
suffisamment graves pour justifier la
rupture, soit, dans le cas contraire, d'une
démission ; qu'en l'espèce, Mme X... avait
démissionné en raison des reproches qui
lui auraient été adressés par son supérieur
hiérarchique (M. Z...) et prétendait, au
soutien de ses demandes, qu'elle aurait fait
l'objet d'un harcèlement ; qu'en retenant,
pour dire que la démission devait produire
les effets d'un licenciement sans cause
réelle ni sérieuse, non que les faits étaient
suffisamment graves pour justifier la
rupture, mais simplement que le supérieur
hiérarchique de Mme X..., qui n'était pas
coupable de harcèlement moral à son
endroit, avait " manqué de doigté dans ses
rapports " avec elle, " en lui faisant des
reproches répétés devant ses collègues " et
ce pendant une période qui " n'avait pas
duré plus de trois mois et demi ", la cour
d'appel n'a pas tiré les conséquences
légales de ses constatations et a violé les
articles L. 122-4 et L. 122-14-3, alinéa 1er,
devenus les articles L. 1231-1 et L. 1235-1
du code du travail ;
4° / que lorsque le salarié demande luimême à effectuer son préavis dans la lettre
par laquelle il prend acte de la rupture à
raison de faits qu'il reproche à l'employeur,
il en résulte nécessairement que lesdits
faits ne peuvent être suffisamment graves
pour justifier une rupture aux torts de ce
dernier ; qu'en l'espèce, Mme X... avait
sollicité, dans la lettre de prise par laquelle
elle prenait acte de la rupture, à effectuer
un mois de préavis, ce qu'a constaté la cour
d'appel ; qu'en décidant néanmoins de faire
produire à la rupture les effets d'un
licenciement sans cause réelle ni sérieuse,
la cour d'appel a violé les articles L. 122-4
et L. 122-14-3, alinéa 1er, devenus les
articles L. 1231-1 et L. 1235-1 du code du
travail ;
5° / que l'employeur soutenait que la
salariée avait rompu son contrat, non en
raison du comportement de son supérieur
hiérarchique, mais pour entrer au service
de la commune de Villemandeur ; qu'en
effet Mme X... qui avait quitté l'entreprise
le 30 décembre 2006, ayant demandé à
rester en poste jusqu'à cette date, avait
débuté ses fonctions à la " halte garderie "
communale, institution auprès de laquelle
elle avait effectuée un stage de formation
lorsqu'elle était encore salariée de
l'exposante, le 1er janvier suivant, ainsi
qu'en attestait l'arrêté municipal produit
aux débats ; qu'en s'abstenant de répondre
à ce chef des conclusions de l'employeur,
la cour d'appel a violé l'article 455 du code
de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel,
appréciant souverainement la réalité et la
gravité des manquements que la salariée
imputait à l'employeur, a constaté que le
supérieur hiérarchique de Mme X...
s'était livré de manière répétée et dans
des termes humiliants à une critique de
l'activité de cette dernière, en présence
d'autres salariés ; qu'elle a estimé que
ces faits, qui engageaient l'employeur,
caractérisaient un manquement de celuici à ses obligations suffisamment grave
pour justifier la prise d'acte, en sorte
que la rupture du contrat de travail qui
en était résultée produisait les effets
d'un licenciement dépourvu de cause
réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas
fondé ;
21
Mais sur le pourvoi incident de la
salariée :
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du
code du travail ;
Attendu que pour limiter le montant des
dommages-intérêts accordés à Mme X... et
juger que celle-ci avait été victime non de
harcèlement moral mais de faits fautifs de
la part de son supérieur hiérarchique, l'arrêt
énonce que le harcèlement moral est
insuffisamment caractérisé dès lors que les
attestations produites par la salariée ne
décrivent pas de faits précis dont elle aurait
été victime mais qu'à défaut de
harcèlement
moral,
le
supérieur
hiérarchique avait manqué de doigté envers
Mme X... en lui faisant des reproches
répétés devant ses collègues ;
Qu'en statuant ainsi alors qu'elle avait
constaté des faits constituant un
harcèlement moral, la cour d'appel a violé
les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE,
Constitue une attitude de harcèlement moral le fait d'envoyer de nombreuses lettres de mise
en demeure injustifiées évoquant de manière explicite une rupture du contrat de travail et
reprochant ses absences au salarié, en arrêt de maladie prolongé (Cass. soc., 07-07-2009, n°
08-40.034).
Cass. soc., 07-07-2009, n° 08-40.034
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Dijon, 8
novembre 2007), que M. X... a été engagé
le 22 avril 1983 en qualité de pâtissier par
la société La Brioche dorée ; qu'il a saisi la
juridiction prud'homale pour obtenir la
résiliation judiciaire du contrat de travail
aux torts de l'employeur et la
condamnation de ce dernier au paiement
du salaire de la mise à pied, d'indemnités
de rupture et de dommages-intérêts ;
Attendu que l'employeur fait grief à
l'arrêt d'avoir prononcé la résiliation
judiciaire du contrat de travail à ses torts et
de l'avoir condamné au paiement d'une
indemnité
de
licenciement,
d'une
indemnité compensatrice de préavis avec
congés payés afférents et de dommagesintérêts, alors selon le moyen :
1° / qu'en retenant, pour conclure à
l'existence d'un harcèlement moral, que les
courriers envoyés au salarié durant son
arrêt maladie prolongé les 17 et 24 février
2006, 14 mars 2006 et 23 août 2006
auraient été injustifiés, sans avoir
préalablement constaté que, conformément
à l'article 22 du règlement intérieur, le
salarié avait non seulement fait parvenir les
avis de prolongation de son arrêt de travail
visés par lesdits courriers dans les trois
jours de ceux-ci, mais également prévenu
son employeur de ces prolongations dès
qu'il en avait eu connaissance, la cour
d'appel a privé sa décision de base légale
au regard de l'article L. 122-49 devenu L.
1152-1 du code du travail ;
2° / que l'article 22 du règlement
intérieur de la société dispose que « pour
éviter de perturber l'organisation de
l'établissement, tout salarié empêché de se
présenter au travail doit immédiatement
sauf en cas de force majeure, prévenir ou
faire
prévenir
la
direction
de
l'établissement en précisant la cause de son
absence et, en cas de maladie, lui faire
parvenir un certificat médical, ou un avis
d'arrêt de travail dans les trois jours, sauf
cas de force majeure. En cas de
22
prolongation de l'arrêt de travail, dès qu'il
en a connaissance, le salarié en avise la
direction de l'établissement dans les délais
définis ci-dessus pour l'arrêt de travail " et
impose donc au salarié d'une part, de
prévenir immédiatement son employeur de
son absence pour maladie et de la
prorogation de celle-ci dès qu'il en a
connaissance, et d'autre part, de lui faire
parvenir l'arrêt de travail initial ou de
prolongation dans les trois jours ; qu'à
supposer que la cour d'appel ait adopté le
motif du jugement selon lequel l'exigence
de l'employeur d'être informé avant le
dernier jour de l'arrêt de travail sur la
prolongation de celui-ci dépassait les
dispositions de l'article 22 du règlement
intérieur, elle a alors dénaturé ce document
et violé l'article 1134 du code civil ;
3° / qu'en tout état de cause, l'envoi à un
salarié en arrêt maladie prolongé de
courriers injustifiés évocateurs d'une
rupture de contrat ne suffit pas à
caractériser un harcèlement moral ; qu'en
jugeant le contraire, la cour d'appel a violé
l'article L. 122-49 devenu L. 1152-1 du
code du travail ;
du travail que peuvent constituer un
harcèlement moral des agissements ayant
pour objet ou pour effet une dégradation
des conditions de travail susceptibles de
porter atteinte aux droits et à la dignité du
salarié, d'altérer sa santé physique ou
mentale ou de compromettre son avenir
professionnel ;
Et attendu que la cour d'appel, qui, sans
dénaturer l'article 22 du règlement de la
société, a retenu par motifs propres et
adoptés que le salarié, en arrêt de
maladie prolongé, avait reçu de
nombreuses lettres de mise en demeure
injustifiées évoquant de manière
explicite une rupture du contrat de
travail et lui reprochant ses absences, a
pu décider que ces faits caractérisaient
l'existence d'un harcèlement moral ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé
;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait
lieu de statuer sur les autres moyens qui ne
seraient pas de nature à permettre
l'admission du pourvoi :
Mais attendu qu'il résulte des
dispositions de l'article L. 1152-1 du code
REJETTE le pourvoi ;
Le fait qu'une salariée soit installée avec une collègue dans un bureau restreint, qu'elle soit
laissée pour compte et que son travail se limite à l'archivage et à des rectificatifs de
photocopies, permet de présumer l'existence d'un harcèlement moral (Cass. soc., 10-112009, n° 07-42.849).
Cass. soc., 10-11-2009, n° 07-42.849
Sur le premier moyen :
Attendu que pour débouter la salariée de
sa demande en paiement de dommages
intérêts pour discrimination, la cour d'appel
a retenu que la salariée se bornait à
23
affirmer avoir subi un ralentissement de
carrière de nature discriminatoire sans
fournir le moindre élément de comparaison
avec d'autres collègues de statut identique,
qu'elle avait refusé des propositions de
mutation, et que des attestations de ses
supérieurs hiérarchiques faisaient état de
ses difficultés de concentration et
d'organisation et de son autoritarisme à
l'origine de conflits avec les agents placés
sous sa responsabilité ;
Attendu, cependant, que l'existence
d'une discrimination n'implique pas
nécessairement une comparaison avec la
situation d'autres salariés ;
Qu'en se déterminant comme elle a fait,
sans rechercher si le ralentissement de la
carrière de la salariée et les difficultés
auxquelles elle a été confrontée, dès après
sa participation à un mouvement de grève,
ne laissaient pas supposer l'existence d'une
discrimination directe ou indirecte, la cour
d'appel n'a pas donné de base légale à sa
décision ;
Sur le second moyen :
Vu les articles 1152 1 et 1154 1,
ensemble l'article L. 1221 1, du code du
travail ;
Attendu qu'après avoir constaté que
Mme X... avait été installée avec une
collègue dans un bureau aux dimensions
restreintes, qu'elle était laissée pour
compte, et que le travail qui lui était
confié se limitait à l'archivage et à des
rectificatifs de photocopies, la cour
d'appel a dit que de tels manquements
ne caractérisaient pas un harcèlement
moral
mais
constituaient
un
manquement de l'employeur à son
obligation de loyauté, puis a rejeté la
demande à titre de dommages et intérêts
pour harcèlement moral tout en allouant à
la salariée une somme à titre de dommages
et intérêts pour manquement à l'obligation
d'exécuter de bonne foi le contrat de travail
;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il
résultait de ses constatations la preuve
de faits permettant de présumer
l'existence d'un harcèlement moral, la
cour d'appel, qui n'a pas tiré les
conséquences
légales
de
ses
constatations, a violé les articles 1152 1
et 1154 1 du code du travail par refus
d'application et l'article L. 1221 1 du même
code par fausse d'application ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE
Le fait d'adresser 3 lettres contenant des observations partiellement injustifiées, d'engager
une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle et de provoquer dans une
période de 3 mois 3 contrôles médicaux est constitutif de harcèlement (Cass. soc., 13-042010, n° 09-40.837).
Cass. soc., 13-04-2010, n° 09-40.837
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme
X..., engagée le 1er janvier 2000 en qualité
de pharmacienne assistante par la société
Pharmacie de Carnel, a saisi la
prud'homale pour obtenir la
judiciaire de son contrat de
l'indemnisation du préjudice
24
juridiction
résiliation
travail et
lié à un
harcèlement moral ; qu'elle a été, par la
suite, licenciée pour inaptitude ;
Sur le premier moyen, pris en sa
première branche :
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du
code du travail ;
trois mois, trois contrôles médicaux
destinés à vérifier si l'état de santé de
l'intéressée le justifiait, ce dont il résulte
que la salariée fournissait des éléments
permettant de présumer l'existence d'un
harcèlement moral, la cour d'appel a violé
les textes susvisés ;
Et sur le second moyen :
Attendu que pour débouter la salariée de
ses demandes de résiliation judiciaire et de
paiement de dommages-intérêts pour
harcèlement moral, l'arrêt retient que le
harcèlement moral n'est pas caractérisé ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait
constaté que l'employeur avait adressé à la
salariée trois lettres contenant des
observations partiellement injustifiées,
avait
engagé
une
procédure
de
licenciement
pour
insuffisance
professionnelle à laquelle il avait renoncé
et avait provoqué, dans une période de
Attendu que la cassation sur le premier
moyen emporte la cassation par voie de
conséquence sur les dispositions de l'arrêt
relative au rejet implicite mais nécessaire
des demandes portant sur l'indemnité
compensatrice de préavis et les congés
payés afférents ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit
nécessaire de statuer sur les autres
branches du premier moyen :
CASSE ET ANNULE,
La liste de ces exemples pourrait être allongée tant le nombre de décisions rendues est important. La
Cour de cassation a donné un véritable élan à la lutte contre le harcèlement moral depuis plusieurs
années. S’il paraît désormais plus facile de reconnaître l’existence d’un harcèlement moral, la Cour de
cassation a également détaillé quelques critères du harcèlement.
§3. Le harcèlement
« organisationnel »
moral
« managérial »
ou
Le harcèlement managérial est parfois présenté comme étant une autre forme de
harcèlement moral. Longtemps, on a entendu des discours sur le « stress normal et
stimulant », la pression nécessaire dans la vie de l’entreprise, les conditions de travail « à flux
tendu », etc. De nombreuses personnes ont longtemps considéré qu’il ne s’agissait pas là de
harcèlement moral mais de l’exercice par l’employeur de son pouvoir de direction. A partir
du moment où l’employeur n’adoptait pas une démarche gratuite et méchante, mais se
contentait de pousser ses salariés pour remplir les objectifs, il ne s’agissait pas de
harcèlement.
25
Cependant, devant la montée du nombre de dépression, de tentatives de suicide, de vies
détruites du fait de l’impossibilité de gérer des stress aussi intenses, il a fallu que des
réactions se produisent.
La première réaction fut l’œuvre des partenaires sociaux qui conclurent un accord national
interprofessionnel sur le stress au travail le 24 novembre 2008. Cet accord tente de définir le
stress au travail. Surtout, il a pour objectif de fournir à tous les acteurs du travail un cadre
permettant de détecter, prévenir, éviter et faire face aux problèmes de stress au travail.
ANI du 24 novembre 2008 sur le stress au travail, art. 1er :
« Le stress peut affecter potentiellement tout lieu de travail et
tout travailleur, quels que soient la taille de l’entreprise, le domaine
d’activité, le type de contrat ou de relation d’emploi. En pratique,
tous les lieux de travail et tous les travailleurs ne sont pas
nécessairement affectés.
La lutte contre le stress au travail doit conduire à une plus
grande efficacité et une amélioration de la santé et de la sécurité au
travail, avec les bénéfices économiques et sociaux qui en découlent
pour les entreprises, les travailleurs et la société dans son ensemble.
Il importe de tenir compte de la diversité des travailleurs, des
situations de travail et de la responsabilité des employeurs dans la
lutte contre les problèmes de stress au travail ».
art. 2 :
« Un état de stress survient lorsqu’il y a déséquilibre entre la
perception qu’une personne a des contraintes que lui impose son
environnement et la perception qu’elle a de ses propres ressources
pour y faire face. L’individu est capable de gérer la pression à court
terme mais il éprouve de grandes difficultés face à une exposition
prolongée et répétée à des pressions intenses.
En outre, différents individus peuvent réagir de manière
différente à des situations similaires et un même individu peut, à
différents moments de sa vie, réagir différemment à des situations
similaires. Le stress n’est pas une maladie mais une exposition
prolongée au stress peut réduire l’efficacité au travail et peut causer
des problèmes de santé.
(… )
Le stress lié au travail peut être provoqué par différents facteurs
tels que le contenu et l’organisation du travail, l’environnement de
travail, une mauvaise communication, etc. ».
La deuxième pierre de l’édifice fut posée par la chambre sociale de la Cour de cassation.
Entr’ouverte avec l’arrêt de la chambre sociale reconnaissant que le harcèlement n’exige pas
l’intention de son auteur, elle s’est grande ouverte à l’occasion d’autres arrêts eux aussi
rendu le 10 novembre 2009.
26
Cette prise en compte du harcèlement managérial voit l’apparition d’une nouvelle forme de
harcèlement en ce qu’il ne s’agit plus d’un harcèlement individuel, contre un salarié que l’on
cherche à déstabiliser, mais d’une sorte de harcèlement collectif, visant l’ensemble des
salariés par des méthodes de management et de gestion du personnel abusives.
Cependant, même si ce harcèlement comporte une connotation collective, la Cour de
cassation n’a pas exigé (heureusement) que les effets du harcèlement managérial soient eux
aussi collectifs. Autrement dit, il n’est pas nécessaire de démontrer que plusieurs salariés de
l’entreprise subissent des conséquences sur leur état de santé du fait des méthodes de
management. Les troubles d’un seul salarié suffisent.
Quelques illustrations.
Pour la Cour de cassation, caractérisent un harcèlement moral les méthodes de gestion
consistant, pour un supérieur hiérarchique, à soumettre ses subordonnés à une pression
continuelle, des reproches incessants, des ordres et contre ordres dans l'intention de diviser
l'équipe (Cass. soc., 10-11-2009, n° 07-45.321). Il n’est plus ici question d’une volonté de
nuire à un salarié par une attitude de méchanceté gratuite, mais « seulement » de presser le
citron des salariés et de diviser pour mieux régner. Pour la Cour de cassation, il s’agit
néanmoins de harcèlement moral !
Cass. soc., 10-11-2009, n° 07-45.321
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble,
8 octobre 2007), que M. X... a été engagé à
compter du 10 janvier 1989 en qualité
d'agent
d'entretien,
gardien
de
l'établissement
et
chauffeur
par
l'association des colonies de vacances et
oeuvres de plein air de la ville de Salon de
Provence (devenue l'association Salon
Vacances Loisirs) qui gère un centre de
vacances à Lus-la-Croix-Haute ; qu'au
cours du mois de juin 2001, un nouveau
directeur a pris la direction de
l'établissement de Lus-la-Croix-Haute ;
que M. X... a été en arrêt de travail du 21
août 2003 au 27 novembre 2003 puis à
compter du 10 mai 2004 ; qu'à l'occasion
du second examen médical de reprise, le
médecin du travail l'a déclaré " inapte
médicalement et définitivement à tous
postes à Lus-La-Croix-Haute " précisant
qu'il " serait apte à un poste sans contact
avec son directeur actuel " ; que le salarié a
été licencié pour inaptitude physique, le 9
mai 2005 ; qu'il a saisi la juridiction
prud'homale aux fins d'obtenir la
condamnation de l'employeur au paiement
27
de diverses sommes à titre d'indemnité
pour licenciement sans cause réelle et
sérieuse et de dommages-intérêts pour
préjudice
moral
résultant
de
la
détérioration des conditions de travail à
l'origine directe de son inaptitude ;
Attendu que l'employeur fait grief à
l'arrêt d'avoir dit le licenciement nul et de
l'avoir condamné au paiement de
dommages-intérêts, alors, selon le moyen :
1° / qu'une méthode de gestion du
personnel conduisant à donner des
directives à un cadre subordonné par
l'intermédiaire de tableaux ou à
communiquer des ordres directement à un
exécutant
ne
caractérise
pas
un
harcèlement moral, lequel suppose des
agissements répétés de harcèlement qui ont
pour objet ou pour effet une dégradation
des conditions de travail susceptible de
porter atteinte à ses droits et à sa dignité,
d'altérer sa santé physique ou mentale ou
de compromettre son avenir professionnel ;
qu'en l'espèce, en se bornant à relever que
la méthode de gestion de M. Y..., directeur
du centre de loisirs dans lequel M. X...
exerçait les fonctions de directeur
technique, et qui consistait à communiquer
parfois avec celui-ci à l'aide de tableaux ou
de donner des directives au salarié placé
sous l'autorité de M. X... indiquait une
mise à l'écart et un mépris envers ce
dernier, pour en déduire que le
licenciement du salarié était nul, en ce qu'il
aurait eu pour origine le comportement de
M. Y..., sans caractériser précisément des
agissements répétés de harcèlement moral
à l'encontre du salarié, la cour d'appel a
privé sa décision de base légale au regard
des articles L. 122-32-5, L. 122-49 et L.
122-51 du code du travail ;
2° / que l'employeur qui a pris des
dispositions en vue de prévenir les actes de
harcèlement d'un subordonné envers un de
ses salariés ne peut se voir imputer les
conséquences du licenciement pour
inaptitude physique de ce dernier qui
résulterait des actes en cause ; qu'en
l'occurrence, la cour d'appel a constaté
qu'après que M. X... se fut plaint pour la
première fois, par courrier en date du 29
août 2003, du comportement de M. Y..., la
présidente de l'association Salon Vacances
Loisirs s'était efforcée à partir d'un courrier
en date du 13 septembre 2003 de remédier
aux difficultés ressenties par M. X... dans
ses conditions de travail ; que l'arrêt
attaqué a encore relevé que lorsque M. X...
a réitéré ses critiques à l'encontre de M. Y...
par courrier du 30 août 2004, la direction
de l'association avait, par courrier du 10
septembre 2004, une fois encore indiqué
qu'elle prendrait les mesures propres à
prévenir tout acte de harcèlement ; qu'en
affirmant néanmoins que le licenciement
de M. X... pour inaptitude, en ce qu'il avait
pour origine le harcèlement moral dont
celui-ci avait été victime de la part de M.
Y..., était nul, la cour d'appel a violé les
articles L. 122-32-5, L. 122-49 et L. 12251 du code du travail ;
Mais
attendu
que
peuvent
caractériser un harcèlement moral les
méthodes de gestion mises en œuvre par
un supérieur hiérarchique dès lors
qu'elles se manifestent pour un salarié
déterminé par des agissements répétés
ayant pour objet ou pour effet d'entraîner
une dégradation des conditions de travail
susceptibles de porter atteinte à ses droits
et à sa dignité, d'altérer sa santé physique
ou mentale ou de compromettre son avenir
professionnel ;
Et attendu que la cour d'appel a relevé
que le directeur de l'établissement
soumettait les salariés à une pression
continuelle, des reproches incessants, des
ordres et contre-ordres dans l'intention
de diviser l'équipe se traduisant, en ce
qui concerne M. X..., par sa mise à
l'écart, un mépris affiché à son égard,
une absence de dialogue caractérisée par
une communication par l'intermédiaire
d'un tableau, et ayant entraîné un état
très dépressif ; qu'ayant constaté que ces
agissement répétés portaient atteinte aux
droits et à la dignité du salarié et altéraient
sa santé, elle a ainsi caractérisé un
harcèlement moral, quand bien même
28
l'employeur aurait pu prendre des
dispositions en vue de le faire cesser ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
;
La même formule a été réutilisée dans un arrêt rendu le 3 février 2010 (Cass. soc., 3 février
2010, n° 08-44.107). Dans cette affaire, l’employeur soumettait les salariés (des vendeurs) à
un management par objectifs intensifs et à des conditions de travail extrêmement difficiles.
Ces méthodes se traduisaient par la mise en cause sans motif de leurs méthodes de travail
notamment par des propos insultants et un dénigrement au moins à deux reprises en
présence de collègues et ayant entraîné un état de stress majeur nécessitant un traitement
et un suivi médical. Pour la Cour de cassation, il s’agit bel et bien de harcèlement moral.
Cass. soc., 3 février 2010, n° 0844.107
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens,
18 juin 2008), que M. X..., engagé en
décembre 1986 par la société Socrec en
qualité de vendeur, a démissionné par lettre
du 16 décembre 2005 invoquant des faits
de harcèlement moral ; que le salarié a
saisi la juridiction prud'homale aux fins de
requalification de la rupture du contrat de
travail en licenciement sans cause réelle et
sérieuse et de condamnations de
l'employeur à lui payer diverses indemnités
;
Attendu que la société Socrec fait grief
à l'arrêt de faire droit à ces demandes et de
la condamner également à rembourser aux
organismes concernés des indemnités de
chômage versées à M. X..., alors, selon le
moyen :
1°/ que la démission du salarié produit
les effets d'un licenciement sans cause
réelle et sérieuse si les faits invoqués
caractérisent un manquement grave de
l'employeur à ses obligations qui porte
atteinte à l'intégrité physique ou morale de
son salarié ; que cette atteinte à l'intégrité
morale du salarié suppose des agissements
répétés de l'employeur de nature à nuire à
ses droits ou à sa dignité ; que les propos
prétendument insultants et dénigrants tenus
lors de deux réunions seulement sont
insuffisants à établir le caractère répétitif
des agissements de l'employeur et, partant,
à caractériser le manquement grave requis
pour lui imputer la rupture du contrat de
travail ; qu'en en décidant autrement, la
cour d'appel a violé l'article L. 1232-1 du
code du travail ;
2°/ que les juges du fond doivent
rechercher si les éléments fournis par
l'employeur sont de nature à écarter toute
atteinte portée à l'intégrité morale du
salarié ; qu'elle soutenait avoir tenté de
dissuader son salarié de quitter l'entreprise
jusqu'à l'audience de conciliation, qu'elle
lui avait proposé de rencontrer le médecin
du travail et n'avait jamais contesté ses
compétences professionnelles, que M. X...
ne s'était jamais plaint, était agressif, et
n'avait jamais voulu s'expliquer sur ce qui
n'allait pas, et qu'il avait trouvé au moment
29
de sa démission un emploi chez un
concurrent; qu'en ne s'expliquant pas sur
ces éléments, la cour d'appel a privé sa
décision de motifs au regard du texte
susvisé ;
Mais
attendu
que
peuvent
caractériser un harcèlement moral les
méthodes de gestion mises en œuvre par
un supérieur hiérarchique dès lors
qu'elles se manifestent pour un salarié
déterminé par des agissements répétés
ayant pour objet ou pour effet
d'entraîner une dégradation
des
conditions de travail susceptibles de
porter atteinte à ses droits et à sa
dignité, d'altérer sa santé physique ou
mentale ou de compromettre son avenir
professionnel ;
des conditions de travail extrêmement
difficiles se traduisant, en ce qui
concerne M. X..., par la mise en cause
sans motif de ses méthodes de travail
notamment par des propos insultants et
un dénigrement au moins à deux
reprises en présence de collègues et
ayant entraîné un état de stress majeur
nécessitant un traitement et un suivi
médical ; qu'ayant constaté que ces
agissements répétés portaient atteinte aux
droits et à la dignité du salarié et altéraient
sa santé, elle a caractérisé un harcèlement
moral de l'employeur lui rendant imputable
la rupture du contrat de travail ;
D'où il suit que le moyen, inopérant en
sa seconde branche, n'est pas fondé pour le
surplus ;
Et attendu que la cour d'appel a relevé
que le directeur de la société Socrec
soumettait
les
vendeurs
à
un
management par objectifs intensifs et à
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi
Autre affaire, plus récente encore (Cass. soc., 22 septembre 2010, n° 09-41.495). Un salarié
avait été débouté devant une cour d'appel au motif que ses conditions de travail, même à
l'origine d'un état dépressif réactionnel diagnostiqué le 12 octobre 2006, ne caractérisaient
pas en soi des agissements de harcèlement moral. La Cour de cassation casse cette décision.
Elle constate, d’abord, que la salariée avait subi une dégradation de son état de santé
consécutive aux conditions de travail, ensuite que l'employeur l’avait obligé à travailler sept
jours sur sept, pendant près de deux ans, tout en lui adressant de nombreux mails et jusqu'à
trente-trois mails par jour pour l'inviter à accélérer son rythme de travail. De tels faits étaient
de nature à faire présumer l’existence d’un harcèlement moral.
Cass. soc., 22 septembre 2010, n° 0941.495
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la
société Tns Secodip, société spécialisée
dans la communication et l'étude de
marchés , a conclu, le 13 février 2005, avec
Mme X..., travailleur indépendant inscrite
au répertoire national des entreprises sous
l'enseigne «Rédac presse», une convention
aux termes de laquelle celle-ci s'engageait
à enregistrer sur cassettes les programmes
télévisés régionaux de France 3
Languedoc-Roussillon et M6 Montpellier
30
et à réaliser des journaux d'écoute de
certaines éditions ; qu'une nouvelle
convention a été signée le 29 mai 2006
étendant l'enregistrement des plages
horaires et la réalisation de journaux
d'écoute à France 3 Midi-Pyrénées, M6
Toulouse et TLT ; que les relations
contractuelles ayant pris fin le 31
décembre 2006, Mme X... a saisi la
juridiction prud'homale de diverses
demandes notamment aux fins de
requalification des relations contractuelles
en un contrat de travail, de rappel de
salaire et de dommages-intérêts pour
rupture sans cause réelle et sérieuse ;
Sur le moyen unique du pourvoi
principal de la société Tns Secodip :
Attendu que la société Tns Secodip fait
grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer
diverses sommes, alors, selon le moyen :
1°/ que le lien de subordination est
caractérisé par l'exécution d'un travail sous
l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir
de donner des ordres et des directives, d'en
contrôler l'exécution et de sanctionner les
manquements de son subordonné et que le
travail au sein d'un service organisé peut
constituer un indice lorsque l'employeur
détermine unilatéralement les conditions
d'exercice du travail ; que la cour d'appel
qui
n'a
aucunement
caractérisé
l'appartenance de Mme X... à un service
organisé, cette dernière exerçant son
activité à son domicile en toute autonomie,
a privé sa décision de base légale au regard
de l'article L. 1221-1 du code du travail ;
2°/ que le lien de subordination suppose
que l'employeur dispose du pouvoir de
sanctionner le salarié ; que la cour d'appel
qui n'a pas constaté que la société Tns
disposait du pouvoir disciplinaire à l'égard
de Mme X... a violé l'article L. 1221-1 du
code du travail ;
faisaient valoir que le fait que le contrat de
Mme X... lui permettait de se faire
remplacer par un tiers excluait tout lien de
subordination a entaché sa décision d'un
défaut de motifs et violé l'article 455 du
code de procédure civile ;
Mais attendu que le lien de
subordination
est
caractérisé
par
l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un
employeur qui a le pouvoir de donner des
ordres et des directives, d'en contrôler
l'exécution et de sanctionner les
manquements de son subordonné ; que le
travail au sein d'un service organisé peut
constituer un indice du lien de
subordination
lorsque
l'employeur
détermine unilatéralement les conditions
d'exécution du travail ;
Et attendu que la cour d'appel, analysant
les éléments de fait et de preuve qui lui
étaient soumis, a constaté que Mme X... ne
disposait pas d'une totale liberté dans son
travail puisqu'elle devait respecter des
consignes précises contenues dans une
charte du correspondant, que ses résumés
étaient contrôlés par la société qui lui
faisait des remarques pour lui demander de
procéder à des rectifications, que si elle
exerçait son activité de correspondant à
son domicile, des horaires de travail lui
étaient toutefois imposés, que le matériel
nécessaire au travail lui était fourni, que sa
rémunération résultait d'une grille tarifaire
définie par la société , qu'enfin, elle n'avait
pas la possibilité de se faire remplacer ;
qu'en l'état de ces constatations, elle a pu
en déduire, sans encourir les griefs du
moyen, l'existence d'un contrat de travail ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi
incident de Mme X... pris en ses troisième
et quatrième branches, qui né de l'arrêt est
recevable :
Vu l'article R. 3243-3 du code du travail
;
3°/ que le contrat de travail est un
contrat intuitu personae ; que la cour
d'appel qui n'a pas répondu aux
conclusions d'appel de la société Tns qui
Attendu que l'arrêt limite à la somme de
11 035,56 euros le rappel de salaire dû à
31
Mme X... et à la somme de 3817,67 euros
celle due au titre des congés payés ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans tenir
compte des charges sociales supportées par
l'intéressée, la cour d'appel n'a pas donné
de base légale à sa décision au regard du
texte susvisé ;
Et sur le second moyen du pourvoi
incident :
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du
code du travail ;
Attendu que peuvent constituer un
harcèlement moral des agissements ayant
pour objet ou pour effet une dégradation
des conditions de travail susceptibles de
porter atteinte aux droits et à la dignité du
salarié, d'altérer sa santé physique ou
mentale ou de compromettre son avenir
professionnel ;
Attendu que pour débouter la salariée de
sa demande de dommages-intérêts à titre
de harcèlement moral , la cour d'appel a
retenu que les conditions de travail subies
par Mme X..., même à l'origine d'un état
dépressif réactionnel diagnostiqué le 12
octobre 2006, ne caractérisent pas en soi
des agissements de harcèlement moral ;
Qu'en se déterminant ainsi, après
avoir constaté l'altération de l'état de
santé consécutive aux conditions de
travail subies par la salariée, alors que
Mme X... faisait valoir que l'employeur
l'obligeait à travailler sept jours sur
sept, pendant près de deux ans, tout en
lui adressant de nombreux mails et
jusqu'à trente-trois mails par jour pour
l'inviter à accélérer son rythme de
travail, la cour d'appel, qui devait
rechercher si de tels agissements étaient
établis et, dans l'affirmative, s'ils étaient
de nature à faire présumer un
harcèlement moral au sens des textes
précités, n'a pas donné de base légale à
sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit
nécessaire de statuer sur les première et
deuxième branches du premier moyen du
pourvoi incident :
CASSE ET ANNULE,
Pour résumer. Les méthodes de management et de gestion du personnel mises en œuvre
dans l’entreprise peuvent constituer des agissements répétés. Cette interprétation est
entièrement logique puisque, comme le dispose l’article L. 1152-1 du code du travail, ces
agissements ont pour « objet ou pour effet » une dégradation des conditions de travail. Si
une atteinte à la dignité ou à la santé physique ou mentale du salarié est constatée, tous les
éléments du harcèlement moral sont réunis.
32
Chapitre 2 : La lutte contre les
comportements de harcèlement moral
Les sanctions du harcèlement sexuel, du harcèlement moral ou du harcèlement managérial
sont rigoureusement identiques. Cependant, avant de sanctionner le harcèlement, différents
mécanismes de prévention peuvent être mis en œuvre (section 1). Des instruments de lutte
contre le harcèlement sont mis à la disposition des salariés et des représentants du
personnel dans les entreprises (section 2). Si malgré la prévention et le contrôle le
harcèlement se produit, diverses sanctions peuvent intervenir (section 3).
Section 1 : La prévention du
harcèlement moral
La prévention du harcèlement repose essentiellement sur les épaules de l’employeur (§1).
Malgré tout, différentes institutions représentatives du personnel peuvent également
intervenir pour prévenir le harcèlement dans l’entreprise (§2).
§1 : Le rôle de prévention de l’employeur
En matière de harcèlement, l’employeur est tenu à une obligation générale de prévention (A)
à laquelle s’ajoute l’obligation d’introduire dans le règlement intérieur des informations
relatives au harcèlement (B).
A – L’obligation générale de prévention
C’est sur l’employeur que pèse principalement la charge juridique de mettre en place des
mesures de prévention du harcèlement moral. Ces obligations de prévention sont
matérialisées par les articles L. 1152-4 et L. 1153-5 du code du travail.
C. trav., art. L. 4121-1 :
«L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et
mentale des travailleurs.
33
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;
2° Des actions d'information et de formation ;
3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances
et tendre à l'amélioration des situations existantes ».
C. trav., art. L. 4121-2 :
« L'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes
généraux de prévention suivants :
1° Eviter les risques ;
2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
3° Combattre les risques à la source ;
4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail
ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue
notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la
santé ;
5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;
6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du
travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment
les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L.
1152-1 et L. 1153-1 ;
8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de
protection individuelle ;
9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.
C. trav., art. L. 1152-4 :
« L'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de
prévenir les agissements de harcèlement moral ».
C. trav., art. L. 1153-5 :
« L’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de
prévenir les agissements de harcèlement sexuel ».
Quelles sont, en pratique, les dispositions que l’employeur doit prendre pour répondre à son
obligation de prévention ? Le texte n’en dit rien. D’après la circulaire DRT n° 93-2 du 11
février 1993, « ces actions de prévention pourront notamment consister à organiser une
formation des salariés de l’entreprise sur les dispositions légales applicables ». L’accord cadre
européen sur le harcèlement moral et la violence au travail du 26 avril 2007 insiste
également sur la sensibilisation et la formation des travailleurs et de leur encadrement. On
peut cependant se demander si ces efforts d’information, voire de formation, suffisent à
assouvir l’obligation de prévention à la charge de l’employeur.
S’agissant du harcèlement managérial, les efforts de prévention sont encore balbutiants.
L’accord national interprofessionnel du 24 novembre 2008 semble exiger des entreprises la
mise en place de processus de prévention du stress au travail.
34
Ainsi, dès qu’un problème de stress au travail est identifié, une action doit être entreprise
pour le prévenir, l’éliminer ou, à défaut, le réduire. La responsabilité d’identifier les mesures
appropriées incombe, selon l’accord, à l’employeur en association avec les institutions
représentatives du personnel qui lui apportent leur soutien. La lutte contre les causes et les
conséquences du stress peut être menée dans le cadre d’une procédure globale d’évaluation
des risques, par une politique distincte en matière de stress, par des mesures spécifiques en
cas d’identification d’un facteur de stress.
L’accord insiste sur la nécessité de procéder à un examen régulier des mesures de lutte
contre le stress. Le rôle du médecin du travail est réaffirmé ainsi que celui du CHSCT en la
matière.
Tout cela reste cependant assez flou et l’on peut raisonnablement se demander si l’accord
comporte de véritables obligations pour l’employeur en la matière.
La chambre sociale de la Cour de cassation a été beaucoup plus loin en matière de
harcèlement moral, de violences psychologiques et de harcèlement sexuel. En effet, deux
arrêts rendus au mois de février 2010 semble modifier l’obligation de sécurité de résultat à la
charge de l’employeur et devrait avoir pour effet de renforcer le rôle de prévention de
l’employeur.
Dans l’une des affaires, une salariée avait été victime du harcèlement d’un chef
d’établissement. Alerté par la salariée, l’employeur avait pris des mesures pour faire cesser le
harcèlement. Il avait d’abord donné un avertissement au chef d’établissement. Puis il avait
proposé à la salariée de la muter dans un autre établissement en application de sa clause de
mobilité. Face au refus de la salariée (pour raisons familiales) de changer d’établissement,
l’employeur avait finalement décidé de muter le chef d’établissement. Malgré ces mesures
prises par l’employeur, la salariée avait pris acte de la rupture de son contrat de travail en
estimant que l’employeur avait manqué à son obligation de sécurité de résultat. Contre toute
attente, la chambre sociale accepte de considérer que la prise d’acte soit justifiée. En effet,
avant cet arrêt, la Cour de cassation estimait que l’employeur n’avait pas manqué à son
obligation de sécurité s’il avait pris les mesures nécessaires pour faire cesser l’atteinte à la
sécurité du salarié. Dans ces arrêts, la chambre sociale décide qu’il y a manquement à
l’obligation de sécurité quand bien même l’employeur aurait pris toutes les mesures
nécessaires pour mettre fin à l’atteinte. Ce qu’il faut déduire de cet arrêt, c’est que
désormais, l’employeur doit prévenir le harcèlement. Si le harcèlement intervient, il est trop
tard, il aura manqué à son obligation de résultat.
35
Cass. soc., 3 février 2010, n° 08-40.144
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1231-1, L. 1232-1 et
L. 4121-1 du code du travail ;
Attendu, d'abord, que lorsqu'un salarié
prend acte de la rupture de son contrat de
travail, en raison de faits qu'il reproche à
son employeur, cette rupture produit les
effets soit d'un licenciement sans cause
réelle et sérieuse si les faits invoqués la
justifiaient, soit, dans le cas contraire,
d'une démission ;
Attendu, ensuite, que l'employeur, tenu
d'une obligation de sécurité de résultat en
matière de protection de la santé et de la
sécurité des travailleurs, manque à cette
obligation lorsqu'un salarié est victime sur
le lieu de travail de violences physiques ou
morales, exercées par l'un ou l'autre de ses
salariés, quand bien même il aurait pris des
mesures en vue de faire cesser ces
agissements ;
Attendu que Mme Vigoureux a été
engagée le 1er août 1996 par la société Les
Hôtels de Paris, occupant à compter de
1998 la fonction de responsable de la
cafétéria de l'établissement Comfort Hôtel
Villiers Etoile ; qu'à la suite d'un incident
avec le directeur de l'établissement survenu
le 19 août 2003, elle a été mutée dans un
autre hôtel ; qu' elle a pris acte de la
rupture de son contrat de travail le 3
décembre 2003 en reprochant à son
employeur sa situation personnelle
particulièrement pénible en raison des
consignes données au personnel de ne pas
lui adresser la parole, le refus de
l'employeur de reconnaître qu'elle avait été
victime d'une agression constitutive d'un
accident de travail, le non paiement de ses
salaires depuis le mois d'août 2003,
l'absence d'envoi de documents par
l'employeur à la caisse de sécurité sociale
et le harcèlement subi à son travail ; qu'elle
a saisi la juridiction prud'homale d'une
demande tendant à faire juger que la prise
d'acte
produisait
les
effets
d'un
licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que pour dire que la prise d'acte
de la rupture du contrat de travail de la
salariée produisait les effets d'une
démission, l'arrêt retient notamment que
l'employeur n'encourt une obligation de
sécurité de résultat que dans l'hypothèse
où, ne pouvant ignorer le danger auquel
était exposé le salarié, il n'a pas pris les
mesures nécessaires pour l'en préserver ;
qu'en l'absence de tout précédent de son
directeur,
l'employeur
était
dans
l'incapacité
absolue
de
prévenir
l'altercation du 19 août ; qu'ayant
connaissance des faits, à tout le moins de
l'emportement du directeur de l'hôtel, qui a
toujours contesté les actes de violence,
commis en l'absence de tout témoin, la
société Les Hôtels de Paris a délivré à ce
salarié un avertissement, puis, pour
prévenir tout nouvel incident, muté la
salariée dans l'établissement Péreire,
comme l'autorisait son contrat de travail ;
que devant les réserves encore émises par
la salariée pour des raisons familiales, elle
déplaçait le directeur à la résidence
Monceau Etoile ; que dans ces conditions,
ayant pris la mesure de la difficulté, la
société a adopté l'attitude d'un employeur
responsable pour prévenir tout nouveau
conflit entre les antagonistes et qu'aucun
reproche ne saurait lui être adressé de ce
chef ;
Qu'en statuant comme elle a fait, la cour
d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE
36
Cass. soc., 3 février 2010, n° 08-44.019
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1152-1, L. 1152-4 et
L. 4121-1 du code du travail ;
Attendu, d'abord, que lorsqu'un salarié
prend acte de la rupture de son contrat de
travail en raison de faits qu'il reproche à
son employeur, cette rupture produit les
effets, soit d'un licenciement sans cause
réelle et sérieuse si les faits invoqués la
justifiaient, soit, dans le cas contraire,
d'une démission ;
Attendu, ensuite, que l'employeur, tenu
d'une obligation de sécurité de résultat en
matière de protection de la santé et de la
sécurité des travailleurs, manque à cette
obligation, lorsqu'un salarié est victime sur
le lieu de travail d'agissements de
harcèlement moral ou sexuel exercés par
l'un ou l'autre de ses salariés, quand bien
même il aurait pris des mesures en vue de
faire cesser ces agissements ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme
Margotin, engagée par la société Stratorg,
le 17 décembre 2002, a pris acte de la
rupture de son contrat de travail, le 31 mars
2005, reprochant à l'employeur de n'avoir
pas pris ses responsabilités pour la protéger
de harcèlements moral puis sexuel qu'elle
subissait du fait de M. Pizaferri, directeur
associé ; qu'elle a saisi la juridiction
prud'homale pour voir juger que la rupture
produisait les effets d'un licenciement sans
cause réelle et sérieuse et demander le
paiement de diverses sommes ;
Attendu que pour dire que la rupture du
contrat de travail à l'initiative de Mme
Margotin devait produire les effets d'une
démission et la débouter en conséquence
de l'ensemble de ses demandes, l'arrêt
retient
que, le 31 mars 2005, la salariée a pris
acte de la rupture de son contrat de travail,
que, d'une part, la rencontre qui s'est
produite le 17 mars 2005 entre Mme
Margotin et M. Pizaferri au sein de la
société Stratorg est purement fortuite, que,
d'autre part, dès le moment où l'employeur
a eu connaissance de la teneur des écrits
adressés par M. Pizzaferri à Mme Margotin
et de la " détresse ", selon ses propres
expressions qui en résultait pour celle-ci, il
a mis en oeuvre des mesures conservatrices
et protectrices destinées à permettre à la
salariée de poursuivre son activité
professionnelle au sein de la société en
toute sérénité et sécurité, que le reproche
fait par la salariée à l'employeur de n'avoir
pas sanctionné M. Pizaferri au mépris des
dispositions de l'article L. 1152-5 du code
du travail ne peut être retenu, M. Pizzaferri
ayant démissionné de lui-même et quitté la
société, que les mesures prises par
l'employeur étaient adaptées à la situation ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a
violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE
B – La prévention par le biais du règlement intérieur
A cette obligation générale de prévention, le code du travail ajoute une obligation
d’information du personnel sur les règles relatives au harcèlement au travail. Cette
37
information a vocation à prévenir les salariés de l’entreprise des conséquences d’un
harcèlement afin que les supérieurs hiérarchiques s’abstiennent de tout agissement de
harcèlement. Cette disposition du règlement intérieur est établie par l’article L. 1321-2 du
code du travail.
C. trav., art. L. 1321-2 :
« Le règlement intérieur rappelle :
1° Les dispositions relatives aux droits de la défense des salariés
définis aux articles L. 1332-1 à L. 1332-3 ou par la convention
collective applicable ;
2° Les dispositions relatives aux harcèlem ents moral et sexuel
prévues par le présent code ».
Cette information est cependant très insuffisante, cela pour plusieurs raisons. D’abord parce
que la mise en place d’un règlement intérieur n’est obligatoire que pour les entreprises d’au
moins vingt salariés. Ensuite, et surtout, parce que ce texte ne paraît pas se conformer aux
obligations du droit communautaire en la matière.
En effet, un code de pratique annexé à la recommandation n° 92/131/CEE du 27 novembre
1991 impose de communiquer une « déclaration de principe à l’ensemble des salariés ». De
la même manière, l’accord cadre européen sur le harcèlement moral et la violence au travail
signé le 26 avril 2007 invite également les entreprises à spécifier clairement que le
harcèlement et la violence ne sont pas tolérés. On peut véritablement douter que
l’information par le biais du règlement intérieur soit suffisante pour se conformer aux règles
communautaires en la matière.
Outre le rôle logiquement attribué à l’employeur en matière de lutte contre le harcèlement
au travail, une mission de prévention peut également être assumée par les représentants du
personnel au sens large.
38
§2 : Le rôle de prévention
représentatives du personnel
des
institutions
A - Le comité d’entreprise et les délégués du personnel
Le comité d’entreprise pourra intervenir à l’occasion de l’adoption du règlement intérieur puisqu’il est
nécessairement consulté lorsque l’employeur élabore ce règlement. S’il n’existe pas de comité
d’entreprise, ce sont les délégués du personnel qui seront consulté au sujet de l’adoption ou d’une
modification du règlement intérieur.
C. trav., art. L. 1321-4 :
« Le règlement intérieur ne peut être introduit qu’après avoir été
soumis à l’avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du
personnel ainsi que, pour les matières relevant de sa compétence, à
l’avis du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail.
(… )
Ces dispositions s’appliquent également en cas de modification
ou de retrait des clauses du règlement intérieur ».
Le comité d’entreprise peut-il prendre l’initiative de mettre en place des actions de nature à
permettre la prévention du harcèlement moral (par ex., la création de cellules d’accueil,
d’écoute et de conseil des salariés en situation de souffrance, animées par des psychologues,
des médecins ou des juristes) et de les financer sur son budget « activités sociales et
culturelles », ou revendiquer la gestion, au titre des activités sociales et culturelles, d’actions
de prévention mises en place par l’employeur ? De telles actions peuvent, à n’en point
douter, être rattachées à l’amélioration des conditions de bien-être visée par l’article R. 232320 du code du travail et plus largement, à « l’amélioration des conditions collectives d’emploi,
de travail et de vie du personnel » au sein de l’entreprise, qui caractérise la notion d’activité
sociale et culturelle. Cependant, toute réalisation sociale incombant légalement à
l’employeur échappe normalement à la gestion du comité d’entreprise. Or, la prévention du
harcèlement est une obligation incombant à l’employeur, il n’est donc pas certain que de
telles mesures puissent être adoptées par le comité.
Bien entendu, les délégués du personnel peuvent eux aussi faire un certain nombre de
remarques à l’employeur dans le cadre de leur pouvoir classique de réclamation. Ces
observations peuvent évidemment porter sur les risques de harcèlement dans l’entreprise et
seront présentées à l’occasion des réunions mensuelles prévues par l’article L. 2315-8 du
code du travail.
39
B – Le CHSCT
Le CHSCT joue aujourd’hui un rôle central en matière de prévention et de protection de la
santé des travailleurs.
L’article L. 4612-1 du code du travail donne pour mission au CHSCT de contribuer à la
protection de la santé « physique et mentale » et de la sécurité des salariés de
l’établissement et de ceux mis à sa disposition par une entreprise extérieure. Dans ce cadre,
il procède à l’analyse des risques professionnels auxquels peuvent être exposés les salariés
de l’établissement, ainsi qu’à l’analyse des conditions de travail ; il contribue à la promotion
de la prévention des risques professionnels dans l’établissement, et suscite toute initiative
qu’il estime utile dans cette perspective. Il peut notamment proposer, à cet effet, des actions
de prévention du harcèlement moral. Le refus de l’employeur doit être motivé. Le CHSCT doit
également être consulté lors de l’introduction dans le règlement intérieur de dispositions
relatives au harcèlement moral, ce dernier sujet faisant bien partie « des matières relevant
de sa compétence ».
C. trav., art. L. 4612-1 :
« Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail a
pour mission :
1° De contribuer à la protection de la santé physique et m entale
et de la sécurité des travailleurs de l'établissem ent et de ceux mis à
sa disposition par une entreprise extérieure ;
2° De contribuer à l'am élioration des conditions de travail ,
notamment en vue de faciliter l'accès des femmes à tous les emplois et
de répondre aux problèmes liés à la maternité ;
3° De veiller à l'observation des prescriptions légales prises en
ces matières ».
C. trav., art. L. 4612-3 :
« Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail
contribue à la promotion de la prévention des risques professionnels
dans l'établissement et suscite toute initiative qu'il estime utile dans
cette perspective. Il peut proposer notamm ent des actions de
prévention du harcèlem ent moral et du harcèlem ent sexuel. Le refus
de l'em ployeur est motivé ».
C. trav., art. L. 1321-4 :
« Le règlem ent intérieur ne peut être introduit qu'après avoir été
soumis à l'avis du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du
personnel ainsi que, pour les m atières relevant de sa com pétence, à
l'avis du com ité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ».
40
Rappelons en outre que le CHSCT dispose du pouvoir de recourir à un expert agréé en
application de l’article L. 4614-12 du code du travail. Le texte habilite le CHSCT à recourir à
une expertise, dont la charge incombe à l’employeur, lorsqu’un risque grave est constaté
dans l’établissement ou en cas de projet important modifiant les conditions d’hygiène et de
sécurité ou les conditions de travail.
Dans les situations de stress généralisé, de harcèlement managérial, le recours par le CHSCT
à une telle expertise pour évaluer les risques encourus par les salariés du fait des conditions
d’organisation du travail et de gestion managériale est tout à fait envisageable. Le recours à
l’expertise est peut-être plus délicat en cas de faits isolés de harcèlement contre un ou une
salariée car il est plus difficile de considérer que les conditions de travail, d’hygiène ou de
sécurité des salariés dans l’établissement sont altérés de manière générale. Cependant, si
une situation de harcèlement s’est produite une fois, il n’est pas de raison qu’elle ne se
reproduise pas si bien que le recours à l’expertise pourrait malgré tout être justifié.
C. trav., art. L. 4614-12 :
« Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail
peut faire appel à un expert agréé :
1° Lorsqu'un risque grave, révélé ou non par un accident du
travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est
constaté dans l'établissement ;
2° En cas de projet important modifiant les conditions de santé
et de sécurité ou les conditions de travail, prévu à l'article L. 46128 ».
Si, malgré la mise en place de mécanismes de prévention, le harcèlement survient, différents
moyens de lutte contre cette situation ont été institués par le droit du travail.
Section 2 : La lutte contre le
harcèlement
La lutte contre le harcèlement intervient par le biais de différents moyens d’action (§1)
même s’il faut déplorer que le système de preuve attaché au harcèlement reste le tendon
d’Achille de la protection (§2).
41
§1 : Les moyens d’action contre le harcèlement
Parmi les différents moyens d’action contre le harcèlement, on trouve d’abord l’existence de
différents droits d’alerte (A), une intervention potentielle du médecin du travail (B) et, enfin,
un rôle essentiel des syndicats (C).
A – Les droits d’alerte
Le premier droit d’alerte est celui conféré aux délégués du personnel qui disposent d’un rôle
extrêmement important, mais encore trop méconnu, en cas d’atteinte aux libertés ou à la
santé des salariés dans l’entreprise. Ce droit d’alerte est prévu par l’article L. 2313-2 du code
du travail :
C. trav., art. L. 2313-2 :
« Si un délégué du personnel constate, notamment par l'intermédiaire d'un salarié, qu'il existe une
atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans
l'entreprise qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnée au but
recherché, il en saisit immédiatement l'employeur. Cette atteinte peut notamment résulter de faits de
harcèlement sexuel ou moral ou de toute mesure discriminatoire en matière d'embauche, de
rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de classification, de qualification, de
promotion professionnelle, de mutation, de renouvellement de contrat, de sanction ou de licenciement.
L'employeur procède sans délai à une enquête avec le délégué et prend les dispositions nécessaires
pour remédier à cette situation.
En cas de carence de l'employeur ou de divergence sur la réalité de cette atteinte, et à défaut de
solution trouvée avec l'employeur, le salarié, ou le délégué si le salarié intéressé averti par écrit ne s'y
oppose pas, saisit le bureau de jugement du conseil de prud'hommes qui statue selon la forme des
référés.
Le juge peut ordonner toutes mesures propres à faire cesser cette atteinte et assortir sa décision d'une
astreinte qui sera liquidée au profit du Trésor. ».
Ce texte est très important. En cas d’atteinte à la santé physique ou mentale d’un salarié, ce
qui est le cas dans la majeure partie des hypothèses de harcèlement, les délégués du
personnel peuvent interpeler l’employeur qui doit procéder à une enquête pour mettre fin à
la situation de harcèlement.
Si l’employeur reste inactif ou juge que l’alerte lancée par les délégués du personnel est
injustifiée, les délégués du personnel pourront saisir le bureau de jugement du conseil de
prud’hommes qui statuera en la forme des référés et pourra ordonner toute mesure pour
faire cesser l’atteinte, si nécessaire sous astreinte.
42
Un deuxième droit d’alerte est ouvert cette fois au comité d’hygiène, de sécurité et des
conditions de travail par l’article L. 4131-2 du code du travail.
C. trav., art. L. 4131-2 :
« Le représentant du personnel au comité d'hygiène, de sécurité
et des conditions de travail, qui constate qu'il existe une cause de
danger grave et imminent, notamment par l'intermédiaire d'un
travailleur, en alerte immédiatement l'employeur selon la procédure
prévue au premier alinéa de l'article L. 4132-2 ».
C. trav., art. L. 4132-2 :
« Lorsque le représentant du personnel au comité d'hygiène, de
sécurité et des conditions de travail alerte l'employeur en application
de l'article L. 4131-2, il consigne son avis par écrit dans des
conditions déterminées par voie réglementaire.
L'employeur procède immédiatement à une enquête avec le
représentant du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de
travail qui lui a signalé le danger et prend les dispositions
nécessaires pour y remédier ».
La procédure d’alerte peut être déclenchée, selon le texte, en cas de danger grave et
imminent pour la vie ou la santé des salariés. Un processus harcelant peut, à l’évidence, être
à l’origine d’un tel danger.
Enfin, l’alerte peut être donnée par un salarié de l’entreprise sans le soutien des institutions
représentatives du personnel.
D’abord, les salariés de l’entreprise sont autorisés à dénoncer ou signaler des faits de
harcèlement dans l’entreprise, que ce soit pour le harcèlement moral ou le harcèlement
sexuel. En effet, les articles L. 1152-2 et L. 1153-3 du code du travail protègent le salarié qui
témoigne ou qui relate des faits de harcèlement :
C. trav., art. L. 1152-2 :
« Aucun salarié ne peut être sanctionné , licencié ou faire l'objet
d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en
matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation,
de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de
mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de
subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir
tém oigné de tels agissem ents ou les avoir relatés ».
C. trav., art. L. 1153-3 :
« Aucun salarié ne peut être sanctionné , licencié ou faire l'objet
d'une mesure discriminatoire pour avoir tém oigné des agissem ents de
harcèlem ent sexuel ou pour les avoir relatés ».
43
Une telle dénonciation peut intervenir aussi bien en interne auprès d’un supérieur
hiérarchique ou de l’employeur directement qu’en externe auprès de l’inspection du travail,
des autorités judiciaires ou du Procureur de la République.
Une limite a tout de même été posée par la Cour de cassation : il ne faut pas que le salarié
qui dénonce les faits de harcèlement soit de mauvaise foi. Cependant, la mauvaise foi n’est
pas démontrée par le seul fait que les faits dénoncés ne sont pas établis (Cass. soc., 10 mars
2009, n° 07-44.092 et Cass. soc., 31 mars 2010, n° 07-44.675).
Cass. soc., 10 mars 2009, n° 07-44.092
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M.
X... a été engagé le 20 janvier 2004, en
qualité de chef d'équipe, par la société
entreprise dijonnaise de Bourgogne ; que
par courrier du 5 mai 2004, le salarié s'est
plaint auprès de son employeur de divers
"faits illégaux" tenant notamment au défaut
de respect d'une promesse de promotion,
au paiement des heures supplémentaires
sous forme de primes exceptionnelles, à la
variation du taux horaire, à la présentation
d'accidents de travail comme des situations
de maladies et à des agissements de
harcèlement moral imputés à un supérieur
hiérarchique ; qu'à la suite de ce courrier, il
a été licencié pour faute grave par lettre du
3 juin 2004 ; que le salarié a saisi la
juridiction prud'homale de demandes en
contestation de son licenciement et en
paiement d'indemnités, de rappels de
salaires et d'heures supplémentaires ;
Sur le moyen relevé d'office après
l'avertissement prévu à l'article 1015 du
code de procédure civile :
Vu les articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du
code du travail ;
Attendu qu'aux termes du premier de
ces textes aucun salarié ne peut être
sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une
mesure
discriminatoire,
directe
ou
indirecte, notamment en matière de
rémunération,
de
formation,
de
reclassement,
d'affectation,
de
qualification,
de
classification,
de
promotion professionnelle, de mutation ou
de renouvellement de contrat, pour avoir
subi ou refusé de subir des agissements
répétés de harcèlement moral ou pour avoir
témoigné de tels agissements ou les avoir
relatés ; que selon le second, toute rupture
de contrat de travail intervenue en
méconnaissance des articles L. 1152-1 et
L. 1152-2 du code du travail, toute
disposition ou tout acte contraire est nul ;
qu'il s'en déduit que le salarié qui relate
des faits de harcèlement moral ne peut
être licencié pour ce motif, sauf
mauvaise foi, laquelle ne peut résulter de
la seule circonstance que les faits
dénoncés ne sont pas établis ;
Attendu que pour décider que le
licenciement de M. X... reposait sur une
cause réelle et sérieuse et le débouter de sa
demande de dommages-intérêts pour
rupture abusive, l'arrêt retient que le fait
pour un salarié d'imputer à son employeur,
après en avoir averti l'inspection du travail,
des irrégularités graves dont la réalité n'est
pas établie, et de reprocher des faits de
harcèlement à un supérieur hiérarchique
44
sans les prouver, caractérise un abus dans
l'exercice de la liberté d'expression et
constitue une cause réelle et sérieuse de
licenciement ;
à lui seul la nullité de plein droit du
licenciement, la cour d'appel a violé les
textes susvisés ;
(…)
Qu'en statuant ainsi, alors que le grief
tiré de la relation des agissements de
harcèlement moral par le salarié, dont la
mauvaise foi n'était pas alléguée, emportait
Cass. soc., 31 mars 2010, n° 07-44.675
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme
Beninel engagée le 2 juillet 1990 en qualité
de clerc de notaire par la société Millet et
Montazeaud (la société) a été licenciée
pour faute le 9 juin 2005 ;
Sur le troisième moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer
sur ce moyen qui ne serait pas de nature à
permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que Mme Beninel fait grief à
l'arrêt de la débouter de l'ensemble de ses
demandes, alors, selon le moyen :
1°/ qu'aucun salarié ne doit subir les
agissements répétés de harcèlement moral
qui ont pour objet ou pour effet une
dégradation des conditions de travail
susceptible de porter atteinte à ses droits et
à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou
mentale ou de compromettre son avenir
professionnel ; que dès lors que le salarié
concerné établit des faits qui permettent de
présumer l'existence d'un harcèlement, il
incombe à la partie défenderesse, au vu de
ces éléments, de prouver que ces
agissements ne sont pas constitutifs d'un tel
harcèlement et que sa décision est justifiée
par des éléments objectifs étrangers à tout
harcèlement ; que l'exposante avait
notamment fait valoir, en assortissant ses
moyens d'offre de preuves, que
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE,
l'employeur avait instauré une politique de
surveillance systématique et de délation,
qu'il avait pris un malin plaisir à exiger au
dernier moment des travaux contraignants
et encore qu'il avait cru bon de remettre en
cause son hygiène corporelle ; qu'en
retenant que "ces faits ne sont corroborés
par aucun élément objectif" et partant que,
"force est de constater que ces faits ne
permettent pas de présumer l'existence d'un
harcèlement moral", la cour d'appel a fait
peser sur la salariée la charge exclusive de
la preuve de la réalité des faits de
harcèlement moral dont elle avait été
victime en violation des articles L. 122-52
et L. 122-49 du code du travail, recodifiés
aux articles L. 1154-1 et L. 1152-1, L.
1152-2, L. 1152-3 dudit code ;
2°/ qu'à l'issue de son congé parental le
salarié retrouve son emploi précédent ou
un emploi similaire avec une rémunération
équivalente et a droit à bénéficier d'une
action de formation professionnelle,
notamment en cas de changements de
technique ou de méthodes de travail ; que
l'exposante avait fait valoir, au titre du
harcèlement moral dont elle avait été
victime, qu'à l'issue de son congé parental,
elle avait été contrainte de travailler sur le
site de l'Hay-les-Roses et s'était vu
imposer, au terme d'un entretien
d'évaluation, sous couvert d'une prétendue
"incapacité à remplir des missions
habituelles, obligation d'un effort important
personnel de remise à niveau, nécessité de
la reformer en urgence", de prendre en
45
charge notamment l'accueil téléphonique
de l'annexe et ce alors même qu'avant son
congé parental, elle occupait des fonctions
de clerc de notaire première catégorie,
correspondant à ses diplômes et comptait
plus de onze ans d'ancienneté ; qu'ayant
constaté que la salariée exerçait, avant son
congé, les fonctions de clerc première
catégorie, la cour d'appel qui, pour
conclure que la salariée ne pouvait soutenir
qu'en l'affectant au bureau annexe de
l'Hay-les-Roses, sous le contrôle de Mme
Leroy, clerc expérimenté, à la gestion de
l'accueil téléphonique ainsi qu'à la gestion
des dossiers en vue d'une remise à niveau,
elle aurait subi une rétrogradation, se borne
à constater "qu'il n'est pas contesté qu'après
sa longue période d'absence une remise à
niveau s'imposait étant précisé que depuis
son départ plus d'une dizaine de réformes
législatives sont intervenues justifiant cette
remise à niveau", sans nullement
rechercher ni préciser d'où il ressortait
qu'au retour du congé parental de
l'exposante son précédent emploi de clerc
première catégorie n'était plus disponible
ni, à défaut, si l'affectation au bureau
annexe de l'Hay-les-Roses, à la gestion
notamment de l'accueil téléphonique, était
un emploi similaire à celui de clerc
première catégorie qu'elle occupait
précédemment, la cour d'appel a privé sa
décision de base légale au regard de
l'article L. 122-28-3 du code du travail,
recodifié aux articles L. 1225-55 et L.
1225-59 dudit code, ensemble les articles
L. 122-52 et L. 122-49 du code du travail,
recodifiés aux articles L. 1154-1 et L.
1152-1, L. 1152-2, L. 1152-3 dudit code ;
3°/ que les juges du fond doivent
apprécier dans leur ensemble les faits
dénoncés par le salarié à titre de
harcèlement moral et rechercher s'ils
permettent de présumer l'existence d'un tel
harcèlement ; que l'exposante, au titre du
harcèlement moral dont elle avait été
victime, avait fait valoir que deux jours
après son retour de congé parental, elle
avait fait l'objet d'une rétrogradation, étant
contrainte de travailler sur le site de l'Hay-
les-Roses et d'accepter une modification de
ses fonctions consistant notamment à
prendre en charge l'accueil téléphonique de
l'étude alors même qu'elle comptait plus de
treize ans d'ancienneté dans l'étude et avait
occupé, antérieurement à son congé
parental, les fonctions de "clerc de notaire
première catégorie" correspondant à ses
diplômes et ce, à la pleine satisfaction des
précédents notaires, qu'elle avait fait
l'objet, à son retour de congé parental, de
"brimades quotidiennes" de la part de ses
employeurs, caractérisées par l'obligation
de pointer et de faire contrôler ses horaires
de travail par d'autres salariés de l'étude, le
refus opposé par l'employeur de lui donner
un double des clés de l'étude, la
contraignant ainsi à attendre le retour de
ses collègues pendant la pause déjeuner,
l'obligation qui lui avait été imposée, au
décès d'un membre de sa famille proche,
de fournir une copie intégrale de l'acte de
décès pour être autorisée à se rendre aux
obsèques, qu'elle avait été l'objet d'une
politique de surveillance systématique et
de délation par ses collègues de travail,
l'obligation qui lui était faite d'effectuer, au
dernier moment, des
travaux la
contraignant à travailler le week-end ou le
soir pour les rendre et encore les remarques
parfaitement déplacées qu'elle avait du
subir de la part de son employeur quant à
son hygiène corporelle, l'employeur l'ayant
accusé de "sentir mauvais ou de ne pas
changer régulièrement ses habits" ; qu'en
n'appréciant pas, dans leur ensemble, les
faits ainsi dénoncés par l'exposante afin de
déterminer s'ils permettaient de présumer
l'existence du harcèlement allégué, la cour
d'appel a privé sa décision de base légale
au regard des articles L. 122-52 et L. 12249 du code du travail, recodifiés aux
articles L. 1154-1 et L. 1152-1, L. 1152-2,
L. 1152-3 dudit code ;
4°/ que les juges du fond sont tenus de
tenir compte et d'apprécier l'ensemble des
éléments et faits invoqués par la salariée
tendant à démontrer l'existence du
harcèlement moral dont elle était victime ;
que l'exposante avait fait valoir que
46
lorsqu'elle avait subi un décès d'un membre
de sa proche famille, elle avait été
contrainte de fournir, devant les exigences
de son employeur, une copie intégrale de
l'acte de décès pour être autorisée à se
rendre aux obsèques ; qu'en ne se
prononçant pas sur ce fait, la cour d'appel
qui n'a pas tenu compte de l'ensemble des
éléments établis par la salariée n'a pas mis
la Cour de cassation en mesure d'exercer
son contrôle sur le point de savoir si les
faits établis n'étaient pas de nature à faire
présumer un harcèlement moral et a privé
sa décision de base légale au regard des
articles L. 122-52 et L. 122-49 du code du
travail, recodifiés aux articles L. 1154-1 et
L. 1152-1, L. 1152-2, L. 1152-3 dudit
code ;
Mais attendu que, sans inverser la
charge de la preuve, la cour d'appel qui a
retenu que les faits avancés par la salariée
comme permettant de présumer l'existence
d'un harcèlement moral n'étaient pas
établis ou étaient justifiés par des éléments
objectifs étrangers à tout harcèlement, ne
pouvait prendre en considération le fait
unique portant sur la demande de
l'employeur de lui fournir une copie
intégrale d'un acte de décès pour être
autorisée à se rendre à des obsèques ; que
le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen :
Vu les articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du
code du travail ;
Attendu qu'aux termes du premier de
ces textes aucun salarié ne peut être
sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une
mesure
discriminatoire,
directe
ou
indirecte, notamment en matière de
rémunération,
de
formation,
de
reclassement,
d'affectation,
de
qualification,
de
classification,
de
promotion professionnelle, de mutation ou
de renouvellement de contrat, pour avoir
subi ou refusé de subir des agissements
répétés de harcèlement moral ou pour avoir
témoigné de tels agissements ou les avoir
relatés ; que selon le second, toute rupture
de contrat de travail intervenue en
méconnaissance des articles L. 1152-1 et
L. 1152-2 du code du travail, toute
disposition ou tout acte contraire est nul ;
qu'il s'en déduit que le salarié qui relate des
faits de harcèlement moral ne peut être
licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi ,
laquelle ne peut résulter de la seule
circonstance que les faits dénoncés ne sont
pas établis ;
Attendu que pour décider que le
licenciement de Mme Beninel reposait
sur une cause réelle et sérieuse et la
débouter
de
ses
demandes
indemnitaires, l'arrêt retient que le fait
pour la salariée d'avoir adressé à deux
associations
copie
d'une
lettre
reprochant
des
agissements
de
harcèlement à son employeur portait
atteinte à l'honneur de celui-ci ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le
grief de la relation à deux associations
des agissements de harcèlement moral
dénoncés par la salariée, dont la
mauvaise foi n'était pas alléguée,
emportait à lui seul la nullité de plein
droit du licenciement, la cour d'appel a
violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit
nécessaire de statuer sur les autres
branches du moyen :
CASSE ET ANNULE,
Un salarié, victime de harcèlement moral, peut-il valablement se retirer de son poste de
travail. On sait en effet que l’article L. 4131-1 du code du travail permet au salarié dans une
47
situation de danger d’exercer son droit de retrait, de cesser de travailler en raison du risque
qu’encourt sa santé.
C. trav., art. L. 4131-1 :
« Le travailleur alerte immédiatement l'employeur de toute
situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle
présente un danger grave et imm inent pour sa vie ou sa santé ainsi
que de toute défectuosité qu'il constate dans les systèmes de
protection.
Il peut se retirer d'une telle situation.
L'employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de
son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de
travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment
d'une défectuosité du système de protection ».
La difficulté est que ce texte ne vise pas spécialement la santé mentale du salarié et est
généralement utilisé pour les hypothèses de danger immédiat sur la vie ou sur la sécurité
physique des salariés. Le code du travail utilise régulièrement la formule « santé physique et
mentale » lorsque le législateur a souhaité protéger tous les aspects de la santé du salarié.
Malgré ces arguments, la santé du salarié est évidemment mise en jeu en cas de
harcèlement puisque la définition même du harcèlement (notamment du harcèlement
moral) implique une atteinte à la santé du travailleur. La possibilité d’utiliser le droit de
retrait nous semble donc envisageable.
Il faut cependant demeurer très prudent en la matière. En effet, la chambre sociale de la
Cour de cassation a jugé que l’employeur peut opérer une retenue sur la rémunération d’un
salarié qui a, de façon illégitime, invoqué son droit de retrait, sans qu’il soit nécessaire de
saisir préalablement la juridiction prud’homale pour faire constater l’absence pour le salarié
de motif raisonnable de penser que sa situation de travail présentait un danger grave et
imminent pour sa vie ou sa santé (Cass. soc., 25 nov. 2008, n° 07-87.650).
Cass. soc., 25 nov. 2008, n° 07-87.650
Sur le moyen unique de cassation,
commun aux demandeurs, pris de la
violation des articles L. 122-42, L. 152-15, L. 231-8, L. 231-8-1 et L. 231-9 du code
du travail, 591 et 593 du code de procédure
pénale, défaut de motifs, manque de base
légale ;
" en ce que l'arrêt infirmatif a relaxé
Guy A... du chef d'instauration de sanction
pécuniaire à l'encontre de salariés et, par
48
voie de conséquence, rejeté les demandes
de dommages-intérêts des parties civiles ;
" aux motifs qu'à la suite de difficultés
rencontrées par la société Connex Nancy
dans l'utilisation de bus fonctionnant au
gaz, et notamment d'un incendie survenu
au début du mois d'août 2005 sur l'un des
bus à gaz, dont la presse s'est fait l'écho, le
CHSCT a initié une procédure d'alerte pour
danger grave et imminent, sur le
fondement de l'article L. 231-9 du code du
travail, et a saisi l'inspection du travail ;
que, selon un courrier en date du 18 août
2005, l'inspection du travail a décidé que le
recours à la procédure d'alerte pour danger
grave et imminent était maintenu pour la
série dite " Montbéliard ", mais qu'il était
levé pour les véhicules Volvo au fur et à
mesure de leur contrôle et de l'avis
technique des services de la DRIRE ; que
les réserves relatives aux bus à gaz GNV
de type " Montbéliard " ont été levées par
l'inspection du travail au fur et à mesure
des contrôles et conclusions réalisés par le
CETIM par décisions des 29 août, 8
septembre, 13 octobre et 7 novembre
2005 ; que la société Connex Nancy a dans
ces conditions demandé aux conducteurs
d'assurer leur service ; que Didier X...,
Didier C..., Olivier Y... et Michel Z... ont
toutefois refusé d'obtempérer, au cours de
la période s'étendant de septembre à
novembre 2005, en invoquant le droit de
retrait individuel prévu à l'article L. 231-8
du code du travail, lequel texte dispose que
« le salarié signale immédiatement à
l'employeur ou à son représentant toute
situation dont il a un motif raisonnable de
penser qu'elle présente un danger grave et
imminent pour sa vie ou pour sa santé » ;
que l'article L. 231-8 du même code
dispose qu'aucune sanction, aucune retenue
sur salaire ne peut être prise à l'encontre
d'un salarié qui s'est effectivement retiré
d'une telle situation de travail ; qu'informée
de la situation de Didier X... et Olivier Y...,
qui avaient refusé d'assurer leur service sur
les bus qui leur étaient affectés, lors de leur
prise de service le samedi 3 septembre
2005 jusqu'à la fin de leur service, et
avaient par conséquent été inoccupés
pendant toute la journée, l'inspection du
travail a, par courrier adressé à la société
Connex Nancy, le 8 septembre 2005,
donné raison aux intéressés, en énonçant
que, même si les deux autobus en cause
avaient fait l'objet d'une levée du droit
d'alerte dans le cadre de l'article L. 231-9
du code du travail, tout salarié peut faire
valoir un droit de retrait individuel au titre
de l'article L. 231-8 du code du travail, s'il
a un motif raisonnable de penser qu'une
situation de travail présente un danger
grave et imminent pour sa vie et sa santé ;
que ce courrier précisait que seuls les juges
du fond ont compétence pour apprécier si
l'exercice de ce droit est fondé ou non,
dans l'hypothèse où l'employeur en
conteste l'existence, et rappelait les
dispositions de l'article L. 231-8-1 du code
du travail ; qu'il ajoutait que c'est a
posteriori, une fois établi l'exercice non
fondé de ce droit qu'une sanction (non
pécuniaire) peut éventuellement être
prononcée ; que ce point de vue n'a pas été
admis par la société Connex Nancy, qui a
considéré que le droit de retrait opposé par
Didier
X...
et
Olivier Y...,
et
postérieurement par Michel Z... et Didier
C..., n'était pas justifié, et a en conséquence
opéré des retenues sur leurs salaires
respectifs ; que, le 16 février 2006,
l'inspection du travail a en définitive établi
un procès-verbal, dans lequel elle énonce
que sont contraires aux dispositions de
l'article L. 231-8-1 du code du travail, les
faits consistant pour un employeur à
contester le bien-fondé d'un droit de retrait
et à opérer immédiatement une retenue
pour absence irrégulière, alors même qu'il
prend acte que les conducteurs concernés
se sont déclarés disponibles pour exercer
leur métier sur un autre véhicule que celui
incriminé et sans que ladite contestation ne
fasse l'objet d'une saisine du juge ; que le
rédacteur de ce procès-verbal concluait
que, dans de telles conditions, les retenues
opérées sur les salaires des conducteurs
concernés ne sauraient trouver leur
justification dans une absence irrégulière,
et relèvent alors des sanctions pécuniaires
prohibées par l'article L. 122-42 du code
du travail, lequel texte est sanctionné par
49
l'article L. 152-1-5 du même code, qui
dispose que « toute infraction aux
dispositions de l'article L. 122-42 est punie
d'une amende de 3. 750 euros, et, en cas de
récidive, d'une amende de 7 500 euros » ;
qu'à la suite de ce procès-verbal, Guy A... a
été cité devant le tribunal de grande
instance de Nancy, qui est entré en voie de
condamnation à son encontre, par le
jugement déféré ; (?) ; qu'en droit, il résulte
de la jurisprudence interprétative de
l'article L. 231-8 du code du travail, à
laquelle se réfère l'inspection du travail,
que l'employeur peut opérer une retenue
sur salaire pour exercice non fondé du droit
de retrait, une telle retenue ne constituant
pas une sanction pécuniaire prohibée, mais
la simple contrepartie de l'absence de
fourniture de travail ; que, toutefois,
aucune disposition légale ou réglementaire
n'impose à l'employeur, préalablement à
une retenue sur salaire opérée en raison de
l'exercice non fondé du droit de retrait, de
saisir le juge fond en vue d'apprécier la
légitimité ou non de cet exercice ; qu'en
l'occurrence, il est constant qu'à l'époque
de l'exercice des droits de retraits
individuels litigieux l'inspection du travail
avait levé Ie recours à la procédure d'alerte
pour danger grave et imminent pour les
véhicules appartenant à la série dite "
Montbéliard ", et avait levé les réserves
concernant les bus articulés Volvo, d'où il
suit que la société Connex Nancy pouvait
légitimement demander aux conducteurs
d'assurer leur service ; qu'il ne résulte pas
du dossier qu'à l'époque de l'exercice de
leur droit de retrait individuel, un motif
raisonnable autorisait Didier X..., Olivier
Y... et Michel Z..., à penser qu'en dépit de
la levée du recours de la procédure d'alerte,
décidée par l'inspection du travail, leur
situation de travail présentait un danger
grave et imminent pour leur vie ou leur
santé ; qu'il suit de là que le droit de retrait
individuel exercé par les intéressés était
dépourvu de légitimité, et que l'employeur
était fondé à pratiquer sur leurs salaires les
retenues opérées ;
" 1) alors que l'article L. 122-42 du code
du travail interdit à l'employeur de
pratiquer une retenue sur salaire pour
sanctionner le refus du salarié d'exécuter
certaines de ses tâches ; que le salarié, qui
fait usage de son droit de retrait pour
l'exercice de certaines tâches qu'il estime à
tort dangereuses, mais reste à la disposition
de l'employeur pour accomplir d'autres
tâches sans abandonner son poste, ne peut
dès lors voir sanctionner ce refus
d'exécution par une retenue sur salaire ;
qu'en retenant que les retenues sur salaire
pratiquées par la société Connex, en raison
du refus de Didier X..., Olivier Y... et
Michel Z... d'assurer leur service sur les
bus à gaz, ne constituaient pas une sanction
pécuniaire interdite, quand elle constatait
que les salariés étaient restés à la
disposition
de
l'employeur,
sans
abandonner leur poste, et « se sont déclarés
disponibles pour exercer leur métier sur un
autre véhicule que celui incriminé », la
cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" 2) alors subsidiairement que, selon
l'article L. 231-8-1 du code du travail,
aucune retenue de salaire ne peut être prise
à l'encontre d'un salarié qui s'est retiré
d'une situation de travail dont il avait un
motif raisonnable de penser qu'elle
présentait un danger grave et imminent
pour sa vie ou sa santé ; que l'exercice de
ce droit de retrait est contrôlé par le juge
qui apprécie si le salarié a un motif
raisonnable de se croire en danger ; que la
société Connex ne pouvait dès lors
pratiquer une retenue sur les salaires de
Didier X..., Olivier Y... et Michel Z..., en
raison de l'exercice de leur droit de retrait,
sans avoir obtenu au préalable une décision
du juge prud'homal constatant qu'ils
n'avaient pas de motif raisonnable de se
penser en danger lors de la conduite des
bus à gaz ; qu'en décidant le contraire, la
cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et
des pièces de procédure, qu'à la suite
d'incendies survenus dans des autobus
fonctionnant au gaz appartenant à la
société Connex Nancy chargée du réseau
des transports urbains, divers chauffeurs,
dont les trois demandeurs au pourvoi, ont
50
exercé leur droit de retrait individuel ; que
des retenues sur leur salaire ont été
pratiquées par l'employeur ; que ce dernier
a été cité directement par le procureur de la
République
devant
le
tribunal
correctionnel, sur le fondement de l'article
L. 122-42 devenu L. 1331-1 du code du
travail, pour avoir opéré des sanctions
pécuniaires interdites ; que le prévenu a été
condamné et qu'il a été statué sur les
intérêts civils ;
l'absence de fourniture de travail, et aucune
disposition n'imposant préalablement à
l'employeur de saisir le juge ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations,
la cour d'appel a justifié sa décision ;
Qu'en effet, d'une part, lorsque les
conditions du droit de retrait individuel
ne sont pas réunies, le salarié s'expose à
une retenue sur salaire, peu important
qu'il reste à la disposition de
l'employeur,
que,
d'autre
part,
l'employeur n'est pas tenu de saisir
préalablement le juge sur l'appréciation
du bien-fondé de l'exercice du droit de
retrait par le salarié ;
Attendu que, sur l'appel de toutes les
parties et du ministère public, pour relaxer
le prévenu et débouter les parties civiles de
leurs demandes, l'arrêt retient qu'au
moment de l'exercice du droit de retrait
individuel par les chauffeurs, il n'existait
pas de motif raisonnable permettant à
ceux-ci de penser, qu'en dépit de la levée
de la procédure d'alerte, leur situation de
travail présentait un danger grave et
imminent pour leur vie et leur santé ; que
les juges ajoutent que l'employeur était
fondé à opérer une retenue sur leur salaire
celle-ci s'analysant en une contrepartie de
D'où il suit que le moyen ne saurait être
admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la
forme ;
REJETTE
B – L’intervention du médecin du travail
La mission de la médecine du travail est exclusivement préventive : le médecin du travail doit
éviter toute altération de la santé des salariés du fait de leur travail en surveillant leurs
conditions d’hygiène au travail, les risques auxquels ils sont soumis et leur état de santé.
C. trav., art. L. 4622-3 :
« Le rôle du médecin du travail est exclusivement préventif. Il
consiste à éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait
de leur travail, notamment en surveillant leurs conditions d'hygiène
au travail, les risques de contagion et leur état de santé ».
Lorsque le médecin du travail constate qu’un salarié est soumis à des risques ou des menaces
sur son état de santé, il dispose de la faculté de proposer des mesures de transformation de
poste que l’employeur sera tenu de prendre en considération. Ces propositions peuvent
intervenir y compris en cas d’altération de l’état de santé mentale du salarié, altération qui
peut découler d’un harcèlement.
51
C. trav., art. L. 4624-1 :
« Le médecin du travail est habilité à proposer des mesures
individuelles telles que mutations ou transformations de postes,
justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la
résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des
travailleurs.
L'employeur est tenu de prendre en considération ces
propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui
s'opposent à ce qu'il y soit donné suite.
En cas de difficulté ou de désaccord, l'employeur ou le salarié
peut exercer un recours devant l'inspecteur du travail. Ce dernier
prend sa décision après avis du médecin inspecteur du travail ».
Pour le dire autrement, lors de la visite médicale, qu’il s’agisse d’une visite d’embauche,
d’une visite périodique ou d’une visite de reprise, le médecin du travail peut préconiser des
transformations ou des aménagements du poste de travail du salarié lorsqu’il constate que
l’état de santé du salarié est altéré en raison d’un harcèlement.
Si de tels aménagements s’avèrent impossibles, l’employeur pourra refuser d’y procéder,
mais à la condition de justifier l’empêchement qui le contraint à ne pas donner suite aux
propositions du médecin. Le texte ne dit pas à qui cette justification doit être donnée. On
peut cependant estimer qu’il soit nécessaire que l’employeur donne cette justification tant
au salarié qu’au médecin du travail (sur cette obligation, v. par ex. Cass. soc., 28 janv. 2004, n°
01-46.913).
Cass. soc., 28 janv. 2004, n° 01-46.913
Attendu que M. de X... Y..., engagé le
30 janvier 1989 en qualité de découpeur de
films par la société Signaux Girod, a été
victime d'un accident du travail le 26 mai
1995 suivi d'une rechute le premier juillet
1998 ; que le médecin du travail, par avis
des 10 juillet et 18 août 1998, a déclaré le
salarié inapte à son poste de travail et a
formulé des réserves quant aux postes de
reclassement à lui proposer ;
que l'inspecteur du travail, saisi par le
salarié, a confirmé le 11 septembre 1998 l'
inaptitude et a préconisé un reclassement
sur un poste aménagé pouvant bénéficier
de l'aide de l'AGEFIPH à condition que le
salarié demande la reconnaissance de
travailleur handicapé auprès de la Cotorep
et que l'entreprise sollicite cette aide ; que
le salarié a été licencié le 24 septembre
1998 pour inaptitude physique et
impossibilité du reclassement ; que le
salarié, reconnu travailleur handicapé le 6
octobre 1998, a saisi la juridiction
prud'homale ;
Sur le premier moyen :
vu les articles L. 122-32-5 et L. 241-101 du Code du travail ;
Attendu que, selon le premier de ces
textes, si le salarié est déclaré par le
médecin du travail inapte à reprendre, à
52
l'issue des périodes de suspension,
l'emploi qu'il occupait précédemment,
l'employeur est tenu de lui proposer,
compte tenu des conclusions écrites du
médecin du travail et des indications
qu'il formule sur l'aptitude du salarié à
exercer l'une des tâches existant dans
l'entreprise et après avis des délégués du
personnel, un autre emploi approprié à
ses capacités et aussi comparable que
possible à l'emploi précédemment
occupé, au besoin par la mise en oeuvre
de mesures telles que mutations,
transformations
de
postes
ou
aménagement du temps de travail ; que
selon l'alinéa 3 du même texte, les
transformations de postes peuvent donner
lieu à attribution d'une aide financière de
l'Etat dans les conditions fixées au dernier
alinéa de l'article L. 323-9 du Code du
travail ; que selon l'article L. 241-10-1 du
Code du travail, le médecin du travail est
habilité à proposer des mesures
individuelles telles que mutations ou
transformations de postes, justifiées par
des considérations relatives notamment
à l'âge, à la résistance physique ou à
l'état de santé physique et mentale des
travailleurs ; le chef d'entreprise est
tenu de prendre en considération ces
propositions et, en cas de refus, de faire
connaître les motifs qui s'opposent à ce
qu'il soit donné suite ; en cas de
difficulté ou de désaccord, la décision est
prise par l'inspecteur du travail après
avis du médecin- inspecteur du travail ;
Attendu que pour décider que le
licenciement reposait sur une cause réelle
et sérieuse, la cour d'appel a retenu, d'une
part, que les réserves émises par le
médecin du travail avaient rendu le
reclassement du salarié impossible malgré
les recherches effectuées par l'employeur
tant dans son entreprise que dans ses
filiales, et, d'autre part, que l'employeur
n'avait pas à subordonner sa décision de
licencier à une autorisation préalable de
l'inspecteur du travail et que la saisine de
ce dernier n'avait pas suspendu le délai
d'un mois imparti pour procéder au
licenciement en cas d'impossibilité du
reclassement ;
Attendu, cependant, que si l'exercice du
recours prévu à l'article L. 241-10-1 du
Code du travail ne subordonne pas le
licenciement du salarié à une autorisation
préalable de l'inspecteur du travail et ne
suspend pas le délai d'un mois imparti à
l'employeur pour procéder au licenciement
du salarié déclaré par le médecin du travail
inapte à son emploi, il résulte des
constatations de l'arrêt que l'employeur a
procédé de façon prématurée au
licenciement sans prendre en considération
la possibilité retenue par l'inspecteur du
travail, saisi en raison de la contestation
élevée par le salarié, de reclasser ce dernier
sur un poste aménagé moyennant une aide
financière qu'il lui appartenait de
solliciter ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, la
cour d'appel, qui n'a pas tiré les
conséquences légales de ses propres
constatations, a violé le texte susvisé ;
Sur le second moyen :
Vu l'article L. 212-5-1 du Code du
travail ;
Attendu que pour débouter le salarié de
sa demande de dommages-intérêts au titre
des repos compensateurs, l'arrêt infirmatif
de ce chef énonce que les premiers juges
ont accordé au salarié sur ses seules
allégations une somme au titre des repos
compensateurs
en
estimant
que
l'employeur s'était soustrait à la législation
relative aux repos compensateurs mais que
le salarié ne justifie par aucune pièce ni par
une quelconque démonstration qu'il a subi
un préjudice réparable ;
Qu'en statuant ainsi, alors que lorsque
l'employeur se soustrait à la législation
relative aux repos compensateurs, le salarié
subit nécessairement un préjudice, la cour
d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE
53
S’il existe un désaccord entre l’employeur et le salarié sur la possibilité d’adapter un poste
dans l’entreprise à l’état de santé du salarié, l’un comme l’autre peuvent saisir l’inspecteur du
travail afin que celui-ci prenne une décision après avoir consulté le médecin du travail.
Il s’agit donc d’une véritable obligation pour l’employeur d’adapter le poste du travail du
salarié à son état de santé. Si l’employeur ne procède pas à un tel aménagement alors qu’il
en avait la possibilité, l’éventuel licenciement qui sera ultérieurement prononcé contre le
salarié sera dépourvu de cause réelle et sérieuse, la Cour de cassation jugeant dans une telle
hypothèse que le manquement de l’employeur à cette obligation d’adaptation s’apparente à
un manquement à l’obligation de reclassement qui intervient dans le cadre du licenciement
pour inaptitude.
C – L’action de syndicats
Souvent particulièrement fragile en raison des pratiques harcelantes dont il a été, ou
continue à être, la victime, le salarié n’a pas toujours la force physique et mentale, ou
simplement l’envie, d’engager une procédure judiciaire. C’est pour cette raison qu’il a été
institué dans ce domaine une action en substitution en faveur des syndicats représentatifs,
qu’il s’agisse de harcèlement moral ou de harcèlement sexuel.
C. trav., art. L. 1154-2 :
« Les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise
peuvent exercer en justice toutes les actions résultant des articles L.
1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4.
Elles peuvent exercer ces actions en faveur d'un salarié de
l'entreprise dans les conditions prévues par l'article L. 1154-1, sous
réserve de justifier d'un accord écrit de l'intéressé.
L'intéressé peut toujours intervenir à l'instance engagée par le
syndicat et y mettre fin à tout moment ».
Les règles de preuve imposées au syndicat sont les mêmes que celles imposées par l’article L.
1154-1 au salarié qui agit seul et sont donc plus favorables que les règles de droit commun.
L’accord écrit du salarié est nécessaire pour que l’action en substitution puisse intervenir, ce
qui n’est pas toujours le cas d’autres actions en substitution pour lesquelles il suffit que le
salarié, informé de l’action syndicale, ne s’y oppose pas. Ici, on veut être certain que le
salarié souhaite qu’une action soit engagée.
54
En revanche, contrairement à ce qui existe en matière de discrimination, il n’est pas possible
qu’une association de défense des victimes de harcèlement puisse se substituer à l’action du
salarié. Sur l’action en substitution en matière de discrimination ouverte aux association de
lutte contre les discriminations, v. C. trav., art. L. 1134-3.
Outre cette action en substitution, les syndicats disposent également de leur traditionnel
droit d’action pour la défense des intérêts collectifs de la profession. La difficulté de cette
action tient à ce qu’elle ne peut être employée pour défendre l’intérêt particulier d’un
salarié. Il faut une atteinte globale aux intérêts de l’ensemble de la profession.
C. trav., art. L. 2132-3 :
« Les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice.
Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits
réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice
direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils
représentent ».
L’atteinte sera caractérisée lorsqu’il s’agira d’une situation de harcèlement moral collectif
sous la forme d’un harcèlement managérial. Dans ce cas de figure en effet, il n’est pas
question de défendre un salarié en particulier, mais les salariés de la profession dans une
entreprise déterminée qui subissent des conditions de travail stressantes.
La question est plus délicate lorsqu’il s’agit d’un harcèlement individuel, moral ou sexuel.
Dans un cas de harcèlement sexuel concernant une seule salariée, la chambre criminelle de
la Cour de cassation a semblé refuser l’action des syndicats en défense des intérêts de la
profession (Cass. crim., 23 janv. 2002, n° 01-83.559). Il n’en demeure pas moins qu’un
harcèlement peut constituer une atteinte à la dignité d’un salarié et que toute atteinte à la
dignité des travailleurs nous semble constituer un intérêt légitime à l’intervention des
syndicats.
Cass. crim., 23 janv. 2002, n° 01-83.559
Vu l'article 575, alinéa 2, du Code de
procédure pénale ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris
de la violation des articles L. 411-11 du
Code du travail, 222-33 du Code pénal, 2,
3 et 593 du Code de procédure pénale,
défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré un
syndicat, le syndicat X..., irrecevable en sa
constitution de partie civile dans une action
55
relative à des faits de viols et de
harcèlement sexuel ;
" aux motifs que, par ordonnance du 31
juillet 2000 dont appel, le juge
d'instruction a déclaré irrecevable la
constitution de partie civile du syndicat
X... dans une information ouverte des chefs
de viols et harcèlement sexuel, sur plainte
avec constitution de partie civile de Z... ;
que le magistrat instructeur a motivé sa
décision par le fait que le plaignant ne
justifie d'aucun préjudice personnel et
direct résultant des infractions en cause
s'agissant des viols et du harcèlement
sexuel, et qu'en outre, les faits visés
n'entrent pas dans les prévisions de l'article
L. 411-11 du Code du travail ; que
l'information a été ouverte sur plainte avec
constitution de partie civile de la victime
des infractions dénoncées de viols et de
harcèlement sexuel, à savoir Z... ; que
l'intervention du syndicat demandeur, qui
ne peut, en raison de la nature même des
infractions, arguer d'un préjudice personnel
et direct, ne pourrait être fondée que sur les
dispositions de l'article L. 411-11 du Code
du travail qui autorise les syndicats
professionnels à "exercer tous les droits
réservés à la partie civile relativement aux
faits portant un préjudice direct ou indirect
à l'intérêt collectif de la profession qu'ils
représentent" ; que, contrairement à ce que
soutient le syndicat demandeur, le fait que
les agissements délictueux reprochés au
mis en examen se soient produits dans le
cadre du travail qu'accomplissait la victime
au restaurant d'entreprise et qu'ils aient été
commis par son supérieur hiérarchique ne
suffit pas à caractériser, au sens de l'article
L. 411-11 du Code du travail, une atteinte à
l'intérêt collectif des salariés du secteur de
l'Energie Chimie de l'Ile-de-France que
représente le syndicat ; que celui-ci n'est
pas davantage recevable à agir sur la base
des articles L. 123-1, L. 123-6 et L. 122-46
du Code du travail également invoqués
dans son mémoire qui visent les actions
permises à un syndicat en cas de pratiques
discriminatoires fondées notamment sur le
sexe, mais qui ne l'autorisent pas à se
constituer directement partie civile du chef
du délit de harcèlement sexuel ; qu'il
convient, en conséquence, de confirmer
l'ordonnance d'irrecevabilité entreprise ;
" alors que la violation de dispositions
destinées à assurer la sécurité et la dignité
des salariés dans leur emploi ainsi que la
sécurité de leur emploi est de nature à
causer un préjudice matériel et moral aux
intérêts collectifs de la profession à
laquelle ils appartiennent ; qu'ainsi, la cour
d'appel n'a pas légalement justifié sa
décision " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué
que le syndicat X... s'est constitué partie
civile, dans l'information ouverte des chefs
de viols et harcèlement sexuel sur plainte
avec constitution de partie civile de Z..., en
faisant valoir que les faits auraient été
perpétrés sur le lieu de travail de la victime
et par son supérieur hiérarchique ;
Attendu
que,
pour
confirmer
l'ordonnance du juge d'instruction
déclarant irrecevable cette constitution
de partie civile, la chambre de
l'instruction relève, notamment, que les
circonstances de la commission des faits
dénoncés ne suffisent pas à caractériser
une atteinte à l'intérêt collectif des
salariés du secteur de l'Energie Chimie
de l'Ile-de-France que représente le
syndicat ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, les
juges ont justifié leur décision ;
Qu'en effet, si, aux termes de l'article L.
411-11 du Code du travail, les syndicats
professionnels peuvent, devant toutes les
juridictions, exercer tous les droits réservés
à la partie civile, c'est à la condition que les
faits déférés au juge portent par euxmêmes un préjudice direct ou indirect à
l'intérêt collectif de la profession qu'ils
représentent ;
Que, tel n'étant pas le cas en l'espèce, le
moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la
forme ;
REJETTE le pourvoi.
56
57
§2 : La preuve du harcèlement moral
Le régime de la preuve du harcèlement est prévu à l’article L. 1154-1 du Code du travail et
régit les faits de harcèlement moral et sexuel. Il s’inspire du régime de preuve établi par le
code du travail en matière de discrimination (C. trav., art. L. 1134-1), lequel découle
directement de règles de droit communautaire (Dir. n° 97/80/CE du Conseil du 15 déc. 1997
relative à la charge de la preuve dans le cas de discrimination fondée sur le sexe).
La loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 avait érigé un régime de la preuve
relativement favorable au salarié. En effet, celui-ci , n’avait qu’à invoquer des éléments de fait
laissant supposer l’existence d’un harcèlement et l’employeur quant à lui devait démontrer
que ses agissements étaient extérieurs à tout harcèlement et étaient justifiés par des motifs
objectifs. Ainsi, l’article L. 122-52 en vigueur à cette époque était rédigé comme suit :
Ancien article L. 122-52 du Code du travail :
« En cas de litige relatif à l’application des articles L. 122-46 et
L. 122-49, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant
supposer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il
incombe à la partie défenderesse de prouver que ses agissements ne
sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est
justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le
juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes
les mesures d’instruction qu’il estime utiles ».
Mais la loi Fillon du 3 janvier 2003 (article 4) a réorienté le régime de la preuve du
harcèlement en défaveur du salarié. Les salariés doivent établir les faits qui permettent de
présumer (et non plus de laisser supposer ) l’existence d’un harcèlement. Il incombe ensuite
à la partie défenderesse de prouver que ses agissements ne sont pas constitutifs d’un tel
harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout
harcèlement.
C. trav., art. L.1154-1 :
«Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L.
1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi,
à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié
établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un
harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de
prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel
harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs
étrangers à tout harcèlement.
58
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de
besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ».
La recodification en 2008 n’a pas modifié l’esprit de la loi Fillon.
On constate ici un recul dans le mécanisme de preuve qui est défavorable au salarié. Il faut
en effet dans cette nouvelle mouture que le salarié établisse des faits et non des éléments de
fait qui laissent présumer.
Concrètement, comment cela se passe-t-il ? Le salarié doit démontrer l’existence de faits
laissant présumer l’existence d’un harcèlement. Ces faits relèvent de deux domaines :
•
le salarié doit d’abord prouver qu’il existe dans l’entreprise des
comportements qui peuvent être constitutifs de harcèlement moral. S’il
s’agit d’un harcèlement moral classique, il faudra montrer l’existence de
mesures vexatoires, d’humiliations, de brimades, de maltraitances physiques
ou psychiques, de mise au placard, etc. S’il s’agit d’un harcèlement
managérial, il faudra démontrer les conditions de stress et de pression
auxquelles sont soumis les salariés. S’il s’agit de harcèlement sexuel, il faudra
démontrer l’existence de propos ou de gestes déplacés, une recherche de
faveurs sexuelles.
•
le salarié doit également prouver que ces agissements ont eu des
conséquences sur son état de santé, ont constitué une atteinte à sa dignité
ou compromettent son avenir professionnel. Dans la plus grande majorité
des cas, c’est l’atteinte à la santé physique et surtout mentale (dépression)
qui devra être démontrée.
L’analyse des décisions de jurisprudence ayant admis le harcèlement démontre que c’est le
plus souvent grâce à des attestations de collègues de travail que la preuve des faits laissant
présumer un harcèlement est rapportée. Il peut également s’agir de témoignages de clients
de l’entreprise, de salariés des fournisseurs ou des sous-traitants, de toute personne ayant
pu à un moment où à un autre être en contact avec le salarié dans son milieu de travail.
59
En revanche, les attestations provenant de proches qui ne sont pas dans l’entreprise sont
généralement écartées. Il en va de même des preuves que le salarié tente de se préconstituer : ainsi par exemple, les cours d’appel ne se contentent généralement pas de
courriers que le salarié victime a adressés à son employeur. Tout au plus de tels courriers
peuvent servir d’indices supplémentaires si d’autres éléments laissent déjà penser que les
faits sont peut-être avérés.
S’agissant de la preuve de l’état de santé altéré du salarié, c’est évidemment par le biais d’un
certificat médical que cette preuve doit être apportée. Attention cependant : le médecin
traitant ne dispose pas des moyens d’établir le lien entre le harcèlement et l’état de santé et
doit donc être très prudent dans la rédaction de son certificat sous peine qu’il soit refusé
d’en tenir compte devant le juge. En effet, le médecin n’est pas dans l’entreprise. Il peut
attester de l’état de santé du salarié, mais il ne peut pas affirmer avec certitude (l’emploi du
conditionnel est ici plus habile) que les faits de harcèlement ont existé.
CA Montpellier, 21 juin 2006, no 05/02243
« Il n’appartient pas au médecin de se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral
qu’il n’a pas lui-même constaté »
Bien entendu, d’autres éléments peuvent être produits par le salarié : documents issus de
constats de l’inspection du travail, compte rendus de réunions des DP ou du CHSCT évoquant
des problèmes de harcèlement, existence d’autres cas de harcèlement dans l’entreprise pour
lesquels l’employeur a ou n’a pas été condamné, amélioration subite de l’état de santé du
salarié à partir du moment où il a quitté l’entreprise.
Les modes de preuve sont relativement souples en la matière, tellement souples d’ailleurs
que dans une affaire de harcèlement sexuel, la chambre sociale a accepté que la preuve des
faits laissant supposer l’existence d’un harcèlement soit apportée par SMS.
La Cour de cassation a pu admettre des preuves telles l’envoi de SMS.
Cass. soc. 23 mai 2007 pourvoi n° 0643.209
Sur le premier moyen :
Attendu que la SCP notariale fait grief à
l'arrêt d'avoir décidé que le licenciement ne
60
reposait pas sur une faute grave, alors,
selon le moyen, que commet une faute
grave le salarié d'un office notarial qui
abuse de ses fonctions, à des fins
personnelles, au préjudice des clients de
l'étude ; qu'en l'espèce, ayant constaté que
la salariée, négociatrice immobilière
chargée de commercialiser un terrain, avait
proposé au vendeur de l'acheter pour son
propre compte en déclarant faussement
vouloir y établir son habitation, avait tenté
dans le même temps de le revendre à un
tiers à un prix très supérieur et avait ainsi
utilisé son poste pour tenter de réaliser une
opération à son seul profit contrairement à
l'éthique de sa profession, la cour d'appel
devait en dé-duire que le licenciement de
cette salariée était justifié par une faute
grave ; qu'en décidant au contraire que
seule une cause réelle et sérieuse devait
être retenue, elle n'a pas tiré les
conséquences légales de ses propres
constatations et a ainsi violé les articles L.
122-6, L. 122-8 et L. 122-9 du code du
travail.
Mais attendu que la cour d'appel, qui a
retenu que le fait reproché à la salariée
n'avait suscité aucune remarque de la part
de l'employeur, a pu en déduire que son
comportement n'empêchait pas son
maintien dans l'entreprise pendant la durée
du préavis et ne constituait pas une faute
grave ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que la SCP notariale et M. Y...
font grief à l'arrêt d'avoir déclaré établi le
harcèlement sexuel de la salariée et de lui
avoir alloué une somme à ce titre, alors
selon le moyen :
1 / que l'enregistrement et la
reconstitution d'une conversation ainsi que
la retranscription de messages, lorsqu'ils
sont effectués à l'insu de leur auteur,
constituent des procédés déloyaux rendant
irrecevables en justice les preuves ainsi
obtenues; que, dès lors, en se fondant sur
des messages téléphoniques d'août 1998
reconstitués et retranscrits par un huissier à
l'insu de leur auteur et sur l'enregistrement
d'un entretien d'avril 2000 effectué par la
salariée sur une microcassette à l'insu de
son employeur, la cour d'appel a violé les
articles 9 du nouveau code de procédure
civile et 6 de la Convention de sauvegarde
des droits de l'homme et des libertés
fondamentales ;
2 / qu'en imposant à M. Y... de rapporter
la preuve qu'il n'était pas l'auteur des
messages envoyés à partir de son téléphone
portable, la cour d'appel a inversé la charge
de la preuve et violé l'article 1315 du code
civil ;
3 / que le juge ne peut statuer par voie
de pure affirmation ;
que, dès lors, en se fondant sur ce que
les pressions de M. Y... s'étaient "traduites
par un état dépressif de la salariée", "qu'à
compter de la mi-juin elle a été informée
qu'elle n'avait plus de bureau "et que le
harcèlement avait eu des "conséquences
sur les conditions de travail de la salariée
et son état de santé", sans analyser ni
même préciser les pièces dont elle
déduisait ces affirmations, la cour d'appel a
violé l'article 455 du nouveau code de
procédure civile ;
Mais attendu que si l'enregistrement
d'une conversation téléphonique privée,
effectué à l'insu de l'auteur des propos
invoqués, est un procédé déloyal rendant
irrecevable en justice la preuve ainsi
obtenue, il n'en est pas de même de
l'utilisation par le destinataire des
messages
écrits
téléphoniquement
adressés, dits S.M.S., dont l'auteur ne
peut ignorer qu'ils sont enregistrés par
l'appareil récepteur ;
Et attendu qu'abstraction faite du motif
surabondant tiré de l'enregistrement d'une
conversation téléphonique ultérieure, la
cour d'appel a constaté, par une
appréciation souveraine, que les messages
écrits adressés téléphoniquement à la
salariée le 24 août 1998 et les autres
éléments de preuve soumis à son examen
établissaient l'existence d'un harcèlement ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé
;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
61
Une fois cette preuve apportée, le défendeur, c’est-à-dire celui qui est soupçonné de
harcèlement, pourra adopter deux postures pour se défendre :
•
il peut d’abord contester la réalité des faits invoqués par le salarié victime.
C’est ici souvent que s’engage une bataille de témoignages et attestations
diverses
•
il peut, ensuite, tenter de justifier les faits par des éléments objectifs. Par
exemple, il a été jugé en 2008 que des faits vécus par un salarié comme du
harcèlement étaient en réalité justifiés par la situation économique de
l’entreprise… (Cass. soc., 24 sept. 2008, n° 06-43.504).
Section 3 : Les différentes sanctions du
harcèlement
§1 : Le rôle de l’inspecteur du travail
Tout salarié victime de harcèlement moral à la possibilité de saisir l’inspection du travail. Il
peut, à ce titre, utiliser le modèle de lettre suivant :
NOM ET Prénom
Adresse
Profession
Date
Monsieur l’inspecteur du travail
Adresse
Monsieur l’inspecteur,
Je travaille dans l’entreprise… (dénomination et adresse) où j’occupe l’emploi de… (indiquer
l’emploi occupé et votre qualification professionnelle) depuis le … (date).
Je voudrais attirer votre attention sur un certain nombre de faits dont je suis
personnellement victime dans mon entreprise. Depuis quelques temps, mes supérieurs
hiérarchiques ont à mon égard (ajouter le cas échéant « et à l’égard d’autres salariés de mon
62
entreprise ou de mon département ») un comportement que j’estime portant atteinte à ma
dignité de salarié.
En effet, ceux-ci se livrent à… (indiquer précisément les brimades dont vous estimez être
victime comme, par exemple, des réflexions qui s’apparentent à des menaces sur votre
devenir dans l’entreprise ou à une dévalorisation de votre travail, méthodes d’isolement,
mise à l’index, etc). Indiquez aussi les effets concrets : fragilité psychologique, arrêt maladie,
situation tendue dans votre service, peur du travail, etc.
(Ajoutez, si cela est possible : je vous prie , d’ailleurs, de trouver ci-joint des témoignages de
mes (ou de mon) collègues de travail qui corroborent ces affirmations (ou tous autres
moyens de preuve).
Je tenais à porter ces faits à votre connaissance que je considère comme étant du
harcèlement moral. Je vous serais reconnaissant de bien vouloir mener une enquête et,
éventuellement, d’intervenir auprès de mon employeur afin de faire cesser ces
comportements qui n’ont rien à voir avec le comportement normal d’une hiérarchie et la
bonne marche de l’entreprise.
Veuillez agréer, Monsieur l’inspecteur, mes salutations distinguées.
Signature
Une telle correspondance (et éventuellement la réponse ou la réaction de l’inspecteur du
travail) permettra de constituer une ou plusieurs pièces du dossier.
§2 : La sanction pénale
La loi de modernisation sociale a introduit la répression du harcèlement moral dans le Code
pénal à l’article 222-33, sous les dispositions concernant le harcèlement sexuel. Définit dans
les mêmes termes que les agissements visés par l’article L. 1152-2 du Code du travail, le
harcèlement est passible d’une peine de deux ans d’emprisonnement et d’une amende de
30 000 euros. Les faits de harcèlement moral constituent donc un délit.
C. Pén, art. 222-33-2 :
« Le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant
pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail
susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa
santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir
professionnel, est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 €
d'amende. ».
63
l’inspecteur du travail, le filtrage du ministère public et le désintérêt relatif des magistrats.
Cependant, il doit demeurer une place à la sanction pénale à chaque fois qu’existe une
atteinte aux droits fondamentaux. Or, les discriminations, comme le harcèlement moral ou
sexuel sont des domaines qui ne sauraient supporter une dépénalisation.
Et pour les cas les plus graves, l’infraction de mise en danger de la vie d’autrui :
Article 223-1 du Code pénal :
« Le fait d'exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à
entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d'une
obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement est puni d'un an
d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende. »
Et pour les cas encore plus graves, comme par exemple des suicides dans l’entreprise,
l’infraction d’homicide involontaire :
Article 221-6 du Code pénal :
« Le fait de causer, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l'article 121-3, par
maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de
prudence imposée par la loi ou le règlement, la mort d'autrui constitue un homicide involontaire puni
de trois ans d'emprisonnement et de 45000 euros d'amende.
En cas de violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence
imposée par la loi ou le règlement, les peines encourues sont portées à cinq ans d'emprisonnement et
à 75000 euros d'amende. »
Face à la faible efficacité de la sanction pénale, il existe heureusement plusieurs sanctions
civiles du harcèlement.
§3 : Les conséquences sur le contrat de travail
Le premier type de sanction, très général, est déterminé par les articles L. 1152-2, L. 1152-3
et L. 1153-2 du code du travail.
C. trav., art. L. 1152-2 :
« Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet
d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en
matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation,
de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de
mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de
subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir
témoigné de tels agissements ou les avoir relatés ».
64
C. trav., art. L. 1152-3 :
« Toute rupture du contrat de travail intervenue en
méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2,
toute disposition ou tout acte contraire est nul ».
C. trav., art. L. 1153-2 :
« Aucun salarié, aucun candidat à un recrutement, à un stage ou
à une période de formation en entreprise ne peut être sanctionné,
licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou
indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de
reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de
promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de
contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements de
harcèlement sexuel ».
Autrement dit, toute mesure prise à l’encontre d’un salarié qui a subi un harcèlement, qui a
refusé de subir un harcèlement ou qui a témoigné pour dénoncer un harcèlement est
interdite. Mieux, le licenciement prononcé à la suite d’un harcèlement est nul.
Pour le salarié qui a subi le harcèlement :
S’il est licencié, le licenciement est nul. De tels licenciements ont pu parfois être prononcés
par exemple pour inaptitude. Un salarié qui a subi un harcèlement est en dépression, le
médecin le déclare inapte à son poste de travail, l’employeur le licencie pour inaptitude. La
Cour de cassation juge dans ce cas que le licenciement est nul car ce n’est en réalité pas
l’inaptitude qui a causé le licenciement mais le harcèlement (Cass. soc., 24 juin 2009, n° 0743.994).
Cass. soc., 24 juin 2009, n° 07-43.994
Sur le moyen unique :
Attendu selon l'arrêt attaqué (Rouen, 19
juin 2007), que M. X..., engagé le 30
septembre 1998 en qualité de responsable
commercial par la société Confreight, a
exercé les fonctions de responsable de
l'agence du Havre à compter du mois de
janvier 1999 ; que placé en arrêt maladie le
14 janvier 2002, il a été licencié le 15 juin
2002 en raison de son inaptitude totale à
tout poste dans l'entreprise ; qu'il a saisi la
juridiction prud'homale aux fins d'obtenir
la condamnation de l'employeur au
paiement de diverses sommes à titre de
rappel
de
salaire,
d'indemnité
compensatrice de préavis et de dommagesintérêts pour licenciement abusif lié aux
conditions de harcèlement moral et pour
préjudice moral lié à l'altération de son état
de santé ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt
de l'avoir condamné au paiement de
65
diverses sommes à titre d'indemnité pour
licenciement nul, d'indemnité de préavis et
de dommages-intérêts alors, selon le
moyen, que l'existence d'un harcèlement
moral suppose l'existence d'agissements
répétés ayant pour objet ou pour effet une
dégradation des conditions de travail
susceptible de porter atteinte aux droits du
salarié et à sa dignité, d'altérer sa santé
physique ou mentale ou de compromettre
son avenir professionnel ; que les juges du
fond doivent donc constater, avant
d'admettre l'existence d'un harcèlement
moral, la réalité d'actes répétés et
injustifiés caractérisant une violence
morale et psychologique de nature à nuire
au salarié ; qu'en se bornant à relever, pour
dire qu'il aurait été évincé et dénigré, et
ainsi victime d'un harcèlement moral, que
M. X... avait reçu des ordres et des
critiques d'une salariée qui se serait
comportée comme sa supérieure et lui
aurait lancé des quolibets d'une part, avait
été destinataire de courriers « insistants »
de son employeur les 27 et 28 septembre
2001 d'autre part, la cour d'appel, qui n'a
pas caractérisé une faute imputable à
l'employeur constitutive d'un harcèlement
moral, a privé sa décision de base légale au
regard de l'article L. 122-49 du code du
travail ;
Mais attendu que la cour d'appel qui a
retenu, d'une part, que M. X... avait fait
l'objet de brimades et de dénigrements
par sa collaboratrice qui l'avait privé de
ses responsabilités, d'autre part, que ces
agissements avaient gravement altéré sa
santé,
son
inaptitude
étant
la
conséquence directe de ceux-ci, a
exactement décidé que le licenciement de
ce salarié, victime de harcèlement, pour
une inaptitude dont l'employeur ne
pouvait se prévaloir, était nul ; que le
moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Une solution assez proche est adoptée lorsque l’employeur licencie un salarié en raison de la
désorganisation de l’entreprise pour absences répétées ou prolongées (Cass. soc., 11 oct.
2006, n° 04-48.314).
Cass. soc., 11 oct. 2006, n° 04-48.314
Sur le premier moyen :
Vu les articles L. 122-45 et L. 122-49,
ensemble l'article L. 122-14-3 du code du
travail ;
Attendu que M. X..., engagé le 9 mai
1989 par la société Cora en qualité de
stagiaire adjoint au responsable des
caisses, est devenu adjoint manager
surveillance ; qu'il a été licencié le 15
décembre 2000 ;
Attendu que pour faire droit à la
demande
d'indemnisation
pour
harcèlement mais débouter le salarié de sa
demande d'annulation de son licenciement
sur le fondement de l'article L. 122-45 du
code du travail, la cour d'appel a retenu
que celui-ci avait été humilié en présence
du
personnel
par
son
supérieur
hiérarchique qui lui adressait des
remontrances pour des futilités, l'obligeait
à remplacer tout surveillant absent et lui
avait retiré ses fonctions de chef de
service, que la dégradation de l'état de
santé du salarié était en lien direct avec ses
difficultés dans l'entreprise jusqu'à un
constat
d'inaptitude
professionnelle
66
temporaire par le médecin du travail le 28
avril 2000, pour un état dépressif qui sera
durable, mais que l'article L. 122-45 du
code du travail n'interdit pas que le
licenciement soit motivé par la situation
objective de l'entreprise qui se trouve dans
la nécessité de pourvoir au remplacement
d'un salarié dont l'absence prolongée
perturbe le fonctionnement de l'entreprise ;
Qu'en statuant ainsi, alors que
l'absence prolongée du salarié était la
conséquence du harcèlement moral dont
il avait été l'objet, ce qui excluait la
possibilité pour l'employeur de se
prévaloir de la perturbation que son
absence prolongée avait causé au
fonctionnement de l'entreprise, la cour
d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences
de ses constatations, a violé les textes
susvisés ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu à renvoi
du chef faisant l'objet de la cassation, la
Cour de cassation étant en mesure de
donner au litige sur ce point la solution
appropriée en application de l'article 627,
alinéa 2, du nouveau code de procédure
civile ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait
lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE,
On sait que les salariés victimes d’un licenciement illicite hésitent à demander leur
réintégration et préfèrent, pour nombre d’entre eux, placer leur action sur le terrain
indemnitaire. Plus grandes encore seront sans doute ces hésitations pour des salariés
victimes de harcèlement moral qui, souvent, n’auront ni l’envie ni la force de se retrouver de
nouveau face à leur agresseur. Si le salarié ne demande pas la réintégration, la nullité aura
tout de même un intérêt indemnitaire pour lui. Dans ce cas, le salarié a droit, « d’une part,
aux indemnités de rupture, d’autre part, à une indemnité réparant intégralement le préjudice
résultant du caractère illicite du licenciement, dont le montant est souverainement apprécié
par les juges du fond dès lors qu’il est au moins égal à celui prévu par l’article L. 122-14-4 du
code du travail (devenu art. L. 1235-3) » (Cass. soc. 27 juin 2000, n° 98-43.439).
Le salarié victime de harcèlement peut également prendre acte de la rupture de son contrat
de travail ou demander la résiliation judiciaire de celui-ci aux torts de l’employeur. On se
souviendra en effet que l’employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière
de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette obligation,
lorsqu'un salarié est victime sur le lieu de travail d'agissements de harcèlement moral ou
sexuel exercés par l'un ou l'autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris des mesures
en vue de faire cesser ces agissements (Cass. soc., 3 févr. 2010, n° 08-44.019). Le
manquement à cette obligation de sécurité justifie la prise d’acte.
La solution s’impose que l’employeur soit lui-même à l’origine du harcèlement (Cass. soc., 22
mars 2007, n° 04-48.308) ou qu’il n’ait rien fait pour empêcher le harcèlement d’un de ses
cadres (Cass. soc. 21 févr. 2007, n° 05-41.741).
67
Cass. soc., 3 févr. 2010, n° 08-44.019
cause réelle et sérieuse et demander le
paiement de diverses sommes ;
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1152-1, L. 1152-4 et
L. 4121-1 du code du travail ;
Attendu, d'abord, que lorsqu'un
salarié prend acte de la rupture de son
contrat de travail en raison de faits qu'il
reproche à son employeur, cette rupture
produit les effets, soit d'un licenciement
sans cause réelle et sérieuse si les faits
invoqués la justifiaient, soit, dans le cas
contraire, d'une démission ;
Attendu, ensuite, que l'employeur,
tenu d'une obligation de sécurité de
résultat en matière de protection de la
santé et de la sécurité des travailleurs,
manque à cette obligation, lorsqu'un
salarié est victime sur le lieu de travail
d'agissements de harcèlement moral ou
sexuel exercés par l'un ou l'autre de ses
salariés, quand bien même il aurait pris
des mesures en vue de faire cesser ces
agissements ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme
Margotin, engagée par la société Stratorg,
le 17 décembre 2002, a pris acte de la
rupture de son contrat de travail, le 31 mars
2005, reprochant à l'employeur de n'avoir
pas pris ses responsabilités pour la protéger
de harcèlements moral puis sexuel qu'elle
subissait du fait de M. Pizaferri, directeur
associé ; qu'elle a saisi la juridiction
prud'homale pour voir juger que la rupture
produisait les effets d'un licenciement sans
Attendu que pour dire que la rupture du
contrat de travail à l'initiative de Mme
Margotin devait produire les effets d'une
démission et la débouter en conséquence
de l'ensemble de ses demandes, l'arrêt
retient
que, le 31 mars 2005, la salariée a pris
acte de la rupture de son contrat de travail,
que, d'une part, la rencontre qui s'est
produite le 17 mars 2005 entre Mme
Margotin et M. Pizaferri au sein de la
société Stratorg est purement fortuite, que,
d'autre part, dès le moment où l'employeur
a eu connaissance de la teneur des écrits
adressés par M. Pizzaferri à Mme Margotin
et de la " détresse ", selon ses propres
expressions qui en résultait pour celle-ci, il
a mis en oeuvre des mesures conservatrices
et protectrices destinées à permettre à la
salariée de poursuivre son activité
professionnelle au sein de la société en
toute sérénité et sécurité, que le reproche
fait par la salariée à l'employeur de n'avoir
pas sanctionné M. Pizaferri au mépris des
dispositions de l'article L. 1152-5 du code
du travail ne peut être retenu, M. Pizzaferri
ayant démissionné de lui-même et quitté la
société, que les mesures prises par
l'employeur étaient adaptées à la situation ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a
violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE,
Cass. soc., 22 mars 2007, n° 04-48.308
Attendu que, selon l'arrêt attaqué
(Versailles, 14 octobre 2004), Mme X... a
été engagée le 2 octobre 2000 en qualité de
68
"responsable de projet" par la société Les
Pyramides ; qu'elle a fait l'objet
d'avertissements les 4 juin et 29 juillet
2002 ; qu'elle a été affectée à partir du 1er
septembre 2002 à la société Gastronomie
et tradition qui lui a notifié de nouveaux
avertissements les 30 septembre et 8
novembre 2002 ; qu'elle a saisi la
juridiction prud'homale d'une demande
tendant à l'annulation des avertissements, à
la résiliation du contrat de travail ainsi qu'à
la condamnation des sociétés Les
Pyramides et Gastronomie et tradition à lui
payer des sommes à titre de salaires, de
congés payés, de remboursement de frais,
d'indemnités de rupture et de dommagesintérêts pour harcèlement moral ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer
sur ce moyen, qui ne serait pas de nature à
permettre à lui seul l'admission du
pourvoi ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que les sociétés Les Pyramides
et Gastronomie et tradition font grief à
l'arrêt d'avoir prononcé la résiliation du
contrat de travail qui les liait à Mme X... et
de les avoir condamnées à lui payer
diverses indemnités, alors, selon le
moyen :
1 / que les sociétés Les Pyramides et
Gastronomie et tradition, contestant les
allégations de Mme X... sur le
comportement de M. Y... à son égard,
avaient expressément souligné la parfaite
correction de ce cadre en produisant
nombre de documents ; qu'en énonçant que
les "faits allégués par Mme X... n'avaient
pas été démentis par l'employeur", la cour
d'appel a omis les observations contraires
des sociétés et dénaturé purement et
simplement leurs conclusions et les
documents par elles produits ; qu'elle a
violé les articles 1134 du code civil et 455
du nouveau code de procédure civile ;
2 / que les sociétés Les Pyramides et
Gastronomie et tradition ont donné à Mme
X..., par l'intermédiaire de son supérieur
hiérarchique, des objectifs et des
instructions qu'elle a discutées sous le
prétexte d'une incorrection de M. Y... ; que
cette attitude fautive excluait que la
résolution judiciaire puisse être prononcée
aux torts de l'employeur ; que la cour
d'appel a violé les articles 1184 du code
civil et 455 du nouveau code de procédure
civile ;
3 / que les quatre avertissements,
réguliers, traduisaient l'opposition de Mme
X... et sa mauvaise exécution du contrat de
travail ; qu'ils ne permettaient pas ainsi de
retenir une résolution judiciaire aux torts
de l'employeur ; que la cour d'appel a violé
les articles 1184 du code civil et 455 du
nouveau code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui,
hors toute dénaturation, a constaté que
Mme X... était en butte à l'hostilité de son
supérieur hiérarchique qui l'avait menacée
en avril 2000 de harcèlement et relevé
qu'aucun des quatre avertissements dont
elle avait ensuite fait l'objet pendant la
période de juin à novembre 2002 n'était
fondé, a souverainement estimé que ces
faits constituaient des manquements de
l'employeur suffisamment graves pour
justifier la résiliation du contrat de travail ;
que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que les sociétés Les Pyramides
et Gastronomie et tradition font grief à
l'arrêt d'avoir dit que Mme X... avait été
victime d'un harcèlement moral et de les
avoir condamnées à lui payer des
dommages-intérêts à ce titre, alors, selon le
moyen :
1 / que les avertissements adressés à
Mme X..., fondés sur des données
objectives, ne pouvaient, par eux-mêmes,
traduire une dégradation des conditions de
travail ; qu'ils cherchaient au contraire à les
améliorer ; que les autres membres de
l'équipe commerciale n'ont d'ailleurs pas
constaté de dégradation ; que la cour
d'appel n'a pas donné de base légale à sa
décision au regard des articles L. 122-49 et
L. 122-52 du code du travail ;
2 / que les avis d'arrêt de travail
émanaient du médecin personnel de Mme
X..., relevant un état dépressif mais
n'établissant
pas
son
origine
professionnelle, sa relation de causalité
directe et certaine avec une dégradation
des conditions de travail ; que la
69
dépression réactionnelle consécutive à un
entretien avec M. Y... pouvait provenir de
la constitution physique, de la nervosité de
la salariée et ne découlait pas
nécessairement d'une pression quelconque
de M. Y... ou d'une dégradation des
conditions de travail ; qu'en l'absence de
faits indiscutables, dépourvus d'équivoque
et de constatations médicales complètes et
objectives, la cour d'appel n'a pas
caractérisé des agissements répétés de
harcèlement moral ; qu'elle n'a pas donné
de base légale à sa décision au regard des
articles L. 122-49 et L. 122-52 du code du
travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, après
avoir relevé que la salariée, qui n'avait
précédemment
fait
l'objet
d'aucun
reproche, avait été sanctionnée par quatre
avertissements dont aucun n'était fondé et
dont il était résulté une dégradation de ses
conditions de travail, a, par une
appréciation souveraine, estimé que ces
faits constituaient un harcèlement moral ;
que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi
Cass. soc. 21 févr. 2007, n° 05-41.741
Mais attendu d'abord que la cour d'appel
a constaté que Mme X... avait saisi
l'employeur de faits expressément qualifiés
de harcèlement et non de simple
mésentente avec une collègue, faits dont
elle a vérifié la matérialité par des
constatations souveraines ;
Et attendu que sans modifier les
termes du litige et sans avoir à
rechercher la preuve d'un manquement
fautif à ses obligations de la part d'un
employeur tenu en pareille matière à
une obligation de sécurité de résultat,
elle a fait ressortir l'absence, de la part
de la société Auvergne Denrées, de
mesures propres à mettre un terme aux
agissements en cause ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé
dans aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 1er
février 2005), que Mme X..., employée au
service après-vente de la société Auvergne
Denrées, a attrait son employeur en justice
aux fins de résiliation judiciaire de son
contrat de travail en faisant état de son
absence de réactions en présence d'un
harcèlement moral commis à son préjudice
;
Attendu que pour des motifs pris de la
violation des articles L. 122-4, L. 122-13,
L. 122-14-3 et L. 122-51 du code du
travail, 4 et 7 du nouveau code de
procédure civile et 1315 du code civil, la
société Auvergne Denrées fait grief à l'arrêt
d'avoir dit que la rupture du contrat de
travail lui était imputable et d'avoir alloué
des sommes à la salariée ;
Une sanction peut également intervenir contre un collègue ou un supérieur hiérarchique lui
aussi salarié qui se serait rendu coupable de harcèlement. Ces sanctions sont prévues par
l’article L. 1152-5 du Code du travail.
C. trav., art. L. 1152-5 :
« Tout salarié ayant procédé à des agissements de harcèlement
moral est passible d’une sanction disciplinaire »
70
Le juge ne peut cependant pas tout faire dans ce domaine… Dans une affaire jugée en 2009,
deux salariées d'une association subissaient des faits de harcèlement moral de la part de la
directrice de leur établissement. Elles avaient saisi le conseil de prud’hommes afin que la
directrice soit « écartée de ses fonctions ». La Cour de cassation juge que, si par application
de l'article L. 1152-4 du Code du travail l'employeur doit prendre toutes dispositions
nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral, il n'entre pas dans les
pouvoirs du juge d'ordonner la modification ou la rupture du contrat de travail du salarié
auquel sont imputés de tels agissements, à la demande d'autres salariés, tiers à ce contrat
(Cass. soc., 1er juillet 2009, n° 07-44.482).
Cass. soc., 1er juillet 2009, n° 0744.482
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans,
10 juillet 2007), que Mmes X... et Y...,
engagées par l'association Closravi
Hameau Saint-Michel respectivement en
qualité de maîtresse de maison en 1996 et
en qualité de permanente d'accueil en
1990, victimes de faits de harcèlement
moral par la directrice de l'établissement,
ont saisi le juge de demandes tendant,
d'une part, à la condamnation de leur
employeur à des dommages et intérêts et,
d'autre part, à ce qu'il soit ordonné à ce
dernier «d'écarter la directrice de ses
fonctions» ;
Attendu que Mmes X... et Y... font grief
à l'arrêt de les débouter de cette demande,
alors, selon le moyen, que la carence de
l'employeur en présence d'une atteinte à la
santé physique et mentale des salariés
autorise le juge prud'homal saisi par les
salariés concernés à ordonner toute mesure
propre à faire cesser cette atteinte ; qu'en
jugeant qu'elle n'était pas autorisée à se
substituer à l'employeur défaillant en
présence d'un harcèlement moral avéré
auquel il pouvait être mis un terme par la
mise à l'écart de l'auteur dudit harcèlement,
la cour d'appel a méconnu l'étendu de ses
pouvoirs au regard des articles L. 122-49,
L. 122-51, et L. 422-1-1 du code du travail
ainsi que de l'article L. 230-2 du code du
travail, interprété à la lumière de la
directive CEE n° 89/391 du 12 juin 1989,
concernant la mise en oeuvre de mesures
visant à promouvoir l'amélioration de la
sécurité et de la santé des travailleurs au
travail ainsi que de l'article R. 241-51 du
code du travail ;
Mais attendu que si, par application
de l'article L. 1152-4 du code du travail,
l'employeur
doit
prendre
toutes
dispositions nécessaires en vue de
prévenir les agissements de harcèlement
moral, il n'entre pas dans les pouvoirs
du juge d'ordonner la modification ou la
rupture du contrat de travail du salarié
auquel sont imputés de tels agissements,
à la demande d'autres salariés, tiers à ce
contrat ;
Que la cour d'appel ayant exactement
retenu que l'injonction qu'il lui était
demandé de délivrer à l'employeur
impliquait une modification du contrat de
travail de la directrice qui ne pouvait être
réalisée qu'avec l'accord de l'intéressée
ainsi que son licenciement en cas de refus,
c'est à bon droit qu'elle a débouté les
salariées de cette demande et renvoyé
l'employeur à ses obligations tirées de
l'article L. 1152-4 précité ;
PAR CES MOTIFS :
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