le harcelement moral - Solidaires Assurances
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INSTITUT DU TRAVAIL / SOLIDAIRES LE HARCELEMENT MORAL Mercredi 27 novembre 2013 (Pessac) Philippe HELIS 1 2 Chapitre I : Les différentes situations de harcèlement moral Il convient d’aborder dans un premier temps la définition du harcèlement moral (§1) puis les caractéristiques de ce harcèlement (§2) avant de s’interroger sur les auteurs du harcèlement (§3). §1 : La définition du harcèlement moral Le harcèlement moral dans sa forme la plus classique est défini par l’article L. 1152-1 du code du travail. C. trav., art. L. 1152-1 : « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ». Cette définition est quasiment identique à celle offerte par le droit pénal. C. Pén, art. 222-33-2 : « Le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende. ». Cette définition est toutefois très générale. Des attitudes, des comportements extrêmement variés peuvent être assimilés à du harcèlement. Il est donc revenu aux juges la charge de préciser la notion afin d’éviter que toute situation déstabilisante pour le salarié ne soit qualifiée harcèlement moral. La difficulté tient en effet à ce que la notion de harcèlement peut être extrêmement subjective et dépend donc beaucoup des personnes. D’abord parce que certains comportements peuvent être mal vécus alors qu’il n’y a aucune intention malveillante derrière ces comportements. Ensuite parce que nous n’avons pas tous la même résistance face à de tels comportements, certains salariés pouvant supporter beaucoup plus de choses que d’autres. Cela n’est en rien une excuse pour protéger les auteurs de 3 harcèlement mais explique seulement qu’il soit parfois difficile de définir convenablement le harcèlement puisque, par définition, son ressenti peut varier d’une personne à une autre. Une difficulté supplémentaire est apparue à l’occasion de la loi du 27 mai 2008. En effet, ce texte qui porte principalement sur les discriminations reprend pourtant une définition du harcèlement avec, rappelons-le, la possibilité de reconnaître l’existence d’un harcèlement en présence d’un acte isolé, à condition que le harcèlement soit guidé par un motif discriminatoire. La Cour de cassation a commencé par poser une ébauche de définition du harcèlement moral qui s’inspire incontestablement des critères posés par la loi à l’article L. 1152-1. Dans un arrêt du 27 octobre 2004, elle met en évidence la nécessité d’éléments objectifs (tenant au comportement du harceleur) mais aussi d’éléments subjectifs (conséquences sur la victime). Cass. Soc. 27 oct. 2004, sté Mât de misaine c/ Mme Claudie POUVREAU Sur le moyen unique : Attendu que Mme X... a été engagée par la société Mât de misaine le 2 novembre 2000 par contrat à durée déterminée en qualité d'animatrice de magasin ; que son contrat de travail a été renouvelé le 31 janvier 2001 pour une durée de onze mois ; que la salariée a saisi la juridiction prud'homale de demandes en requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée et en paiement de diverses indemnités notamment pour harcèlement moral ; Attendu que la société Mât de misaine fait grief à l'arrêt attaqué (Rennes, 27 novembre 2003) d'avoir retenu l'existence d'un harcèlement moral, alors, selon le moyen : 1 / qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que les attestations de cinq salariés de la société relatant avoir été victimes de harcèlement moral "n'apportent aucun éclairage sur la façon dont Mme Y... se comportait à l'égard de Mme X..." ; que dès lors, en relevant que "ces divers éléments établissent qu'il a été porté atteinte, par leur conjonction et leur répétition, à la dignité et à la santé psychique de Mme X...", pour dire que la salariée a été victime de harcèlement moral, la cour d'appel s'est manifestement contredite en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; 2 / que nul ne peut se constituer de preuve à lui-même ; que la société Mât de misaine faisait observer que le certificat médical en date du 25 septembre 2001 ainsi que les arrêts de travail versés aux débats par la salariée n'étaient pas susceptibles de justifier de l'origine professionnelle de la dépression subie, dont il n'avait d'ailleurs pas été fait état auprès ni de la médecine du travail ni de l'entreprise, dans la mesure où le docteur Z..., auteur du certificat médical, n'avait fait sur ce point que reprendre les propres déclarations de la salariée ; qu'en se fondant sur ces pièces pour retenir que la dépression avait une origine 4 professionnelle et en déduire que la salariée avait été victime de harcèlement moral, sans rechercher comme y était pourtant invitée si l'auteur du certificat médical ne s'était pas borné à reproduire les déclarations de la salariée quant à l'origine de sa dépression, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1315 du Code civil ; 3 / que la société Mât de misaine contestait fermement tant le contenu des attestations versées aux débats que le fait qu'elle ait confié à la salariée des tâches bien inférieures à ses compétences ainsi que le fait que la salariée ait été victime d'attaques humiliantes dégradantes et récurrentes ; qu'en affirmant que la société ne contestait pas les faits dénoncés par la salariée, la cour d'appel a ainsi dénaturé les conclusions d'appel de l'exposante en violation des articles 4 du nouveau Code de procédure civile ; Mais attendu que la cour d'appel, qui sans se contredire, a constaté que la salariée avait fait l'objet d'un retrait sans motif de son téléphone portable à usage professionnel , de l'instauration d'une obligation nouvelle et sans justification de se présenter tous les matins au bureau de sa supérieure hiérarchique, de l'attribution de tâches sans rapport avec ses fonctions, faits générateurs d'un état dépressif médicalement constaté nécessitant des arrêts de travail, a, par une appréciation souveraine, estimé que la conjonction et la répétition de ces faits constituaient un harcèlement moral ; que le moyen n'est pas fondé ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ; La Cour de cassation s’est cependant arrêtée là dans son travail de définition et a abandonné le contrôle de la qualification de harcèlement aux juges du fond, comme l’illustre par exemple un arrêt du 7 mars 2007. Cela signifiait que chaque juridiction du fond pouvait apprécier souverainement si les caractères du harcèlement moral étaient ou non réunis. Cass. Soc. 7 mars 2007, pourvoi n°0640.386 Attendu que Mme X... a été engagée à compter du 3 mars 1997 par la société Servant Soft qui commercialisait des logiciels, en qualité d'hôtesse standardiste pour devenir ensuite téléprospectrice à compter de mai 1997 puis assistante commerciale à compter du 1er janvier 1999 ; que la convention collective applicable était celle des bureaux d'études techniques-cabinets d'ingénieurs-conseils dite Syntec ; que son contrat de travail a été transféré en application de l'article L. 122-12 du code du travail à la société Cegid à compter du 1er janvier 2000 ; que la salariée a été licenciée pour faute le 3 avril 2003 pour avoir refusé la prolongation de son affectation temporaire partielle à un poste de standardiste hôtesse d'accueil décidée par l'employeur jusqu'au 30 juin 2003 ; que contestant la régularité de son licenciement et estimant avoir été victime de harcèlement moral, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement de diverses sommes ; 5 Sur le moyen unique du pourvoi principal de l'employeur : Attendu que la société Cegid fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 17 novembre 2005) d'avoir dit que le licenciement de Mme X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse et de l'avoir condamnée en conséquence à lui payer la somme de 20 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alors, selon le moyen : 1 / que si un salarié est toujours en droit de refuser une modification de son contrat de travail, le motif de la modification peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement dans l'hypothèse où l'employeur décide de licencier le salarié qui refuse la modification proposée ; qu'il appartient aux juges du fond de rechercher si la nécessité de procéder à la modification du contrat de travail était justifiée ; qu'en se bornant à énoncer que le refus de la salariée, dépourvu de tout caractère fautif, ne pouvait justifier son licenciement, sans toutefois rechercher si la nécessité de procéder à la modification du contrat de travail était justifiée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-14-3 du code du travail ; 2 / qu'elle faisait valoir qu'"au cas particulier, le souci de l'entreprise d'éviter un recrutement pour ces quelques heures, sachant que le potentiel des ressources humaines comme le niveau d'activité du SAT le permettait est pour le moins légitime et s'inscrit dans le cadre d'une gestion courante et normale des emplois" ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen péremptoire de nature à justifier la nécessité et la légitimité de la modification, la cour d'appel a privé sa décision de motif en violation de l'article 455 du nouveau code de procédure civile ; Mais attendu qu'en application de l'article 8 de la convention collective des bureaux d'études techniques-cabinets d'ingénieurs conseils dite Syntec, la décision de l'employeur d'affecter temporairement un salarié à la suite de circonstances particulières résultant de la situation de travail dans l'entreprise à une fonction inférieure à la sienne sans diminution de sa classification et de ses appointements mais pour une durée supérieure à six mois constitue une modification du contrat de travail qui, si elle n'est pas acceptée par l'intéressé, équivaut à un licenciement du fait de l'employeur ; Et attendu que la cour d'appel qui a constaté, d'une part, que Mme X... justifiait par les pièces versées aux débats, qu'après avoir été engagée en tant que standardiste au coefficient 240, elle avait exercé des fonctions d'assistante, exécutant des tâches tant administratives que commerciales et avait vu son coefficient porté à 310, d'autre part, qu'elle avait assumé les fonctions de standardiste au standard général durant plus de six mois du 8 juillet 2002 au 31 janvier 2003 qui étaient indiscutablement inférieures aux siennes, a pu en déduire que la décision de l'employeur de prolonger son affectation jusqu'en juin 2003 constituait une modification du contrat de travail ; que le moyen n'est pas fondé ; Sur le moyen unique du pourvoi incident de la salariée : Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes tendant à l'indemnisation du préjudice subi du fait du harcèlement moral de l'employeur alors, selon le moyen : 1 / que la circonstance selon laquelle plusieurs salariés sont victimes des mêmes agissements n'implique pas qu'ils ne puissent être qualifiés d'actes de harcèlement moral ; qu'en omettant par conséquent de rechercher si, comme il était soutenu, les affectations partielles, présentées comme provisoires mais systématiquement reconduites par l'employeur, ne constituaient pas des agissements répétés de nature à détériorer ses conditions de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-49 du code du travail ; 6 2 / qu'en s'abstenant de rechercher si, comme il était soutenu, l'employeur n'avait pas vidé le poste qu'elle continuait à occuper en dehors de son remplacement au standard général de toute substance, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-49 du code du travail ; Attendu que la cour d'appel a souverainement retenu, par une décision motivée, que le comportement de l'employeur n'avait pas été constitutif d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 122-49 du code du travail ; que le moyen n'est pas fondé ; PAR CES MOTIFS : REJETTE les pourvois tant principal qu'incident ; Cette position suscita de nombreuses interrogations, principalement parce que les solutions des juges du fond se trouvèrent alors très variables, certains conseils de prud’hommes adoptant une conception souple du harcèlement, d’autres une conception étroite. Si bien que pour des faits apparemment identiques et des situations très comparables, un salarié pouvait bénéficier de la protection contre le harcèlement moral dans tel conseil et un autre en être privé dans tel autre conseil. Face aux incertitudes liées à cette instabilité, la Cour de cassation finit par reprendre la main et affirma désormais son contrôle sur la qualification de harcèlement moral dans un arrêt rendu le 24 septembre 2008. Comme la Cour de cassation l’énonçait dans un communiqué publié sur son site internet, elle a décidé de « renforcer la nature de son contrôle, d’harmoniser les pratiques des différentes cours d’appel et de préciser les règles qui conduisent la charge de la preuve ». Cass. soc., 24 septembre 2008, n° 0645.747 Sur le moyen unique du pourvoi de l'employeur : (…) Mais sur le pourvoi de la salariée : Vu les articles L. 122-49 et L. 122-52 du code du travail devenus les articles L. 1152-1 et 1154-1 du même code ; Attendu que pour débouter la salariée de sa demande, la cour d'appel a retenu qu'aucune des pièces produites par la salariée, qui consistaient essentiellement dans des échanges de courriers entre elle et la RATP et des certificats médicaux dans lesquels les praticiens reprenaient les dires de leur patiente sur les origines des troubles, ne permettaient de faire présumer un quelconque harcèlement de l'employeur à son encontre depuis sa réintégration ; Qu'en se déterminant ainsi, sans tenir 7 compte de l'ensemble des éléments établis par la salariée, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur le point de savoir si les faits établis n'étaient pas de nature à faire présumer un harcèlement moral au sens des textes susvisés ; PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE A partir de cette décision, de très nombreuses affaires ont été portées à la Cour de cassation en matière de harcèlement. Ces décisions apportent à la fois des précisions sur les comportements qui peuvent caractériser un harcèlement moral mais surtout sur quelques éléments caractéristiques du harcèlement moral. 8 §2 : Caractéristiques et illustrations du harcèlement moral Un point rapide d’abord sur les caractéristiques du harcèlement moral (A) avant de dresser un panorama non exhaustif des comportements qui peuvent caractériser un harcèlement (B). A – Caractéristiques du harcèlement 1) Fait isolé ou agissements répétés ? Nous l’avons vu, les deux définitions du harcèlement semblent s’opposer. L’article L. 1152-1 du code du travail exige l’existence de plusieurs agissements de harcèlement alors que la loi du 27 mai 2008 se contente d’un fait isolé. D’une manière générale, sauf à démontrer l’existence d’un motif discriminatoire, c’est donc des agissements répétés de harcèlement qui doivent être démontrés. La Cour de cassation a jugé que le refus répété de l’employeur à une même demande d’une salariée ne pouvait constituer des agissements répétés. Il s’agissait d’une affaire dans laquelle une salariée avait été rétrogradée et avait demandé quatre fois à son employeur de revenir sur sa décision, demandes à laquelle l’employeur opposa quatre refus. Ces quatre refus ne sont pas considérés par la chambre sociale comme des agissements répétés de harcèlement (Cass. soc., 9 déc. 2009, n° 07-45.521). Cass. soc., 9 déc. 2009, n° 07-45.521 LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., épouse Y..., a été engagée le 9 juillet 1998 en qualité de secrétaire d'agence par la société Qualiconsult ; qu'elle est devenue attachée commerciale de la région Côte-d'Azur suivant avenant du 29 mars 2004 ; qu'alors qu'elle se trouvait en congé maladie depuis le 6 décembre 2004, l'employeur l'a rétrogradée unilatéralement dans ses fonctions initiales à compter de 9 janvier 2005 et a établi des bulletins de salaire faisant état de sa qualité de secrétaire et de la baisse de salaire correspondante ; qu'après avoir protesté contre cette modification par lettres des 15 décembre 2004, 15 mars 2005 et 25 mars 2005, et après que l'inspection du travail fut intervenue sans succès par courriers des 7 avril et 25 avril 2005, la salariée a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 6 mai 2005 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale le même jour aux fins d'obtenir paiement de diverses sommes à titre d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts ; Sur le moyen unique du pourvoi principal de l'employeur, pris en sa première branche : Vu l'article L. 122-49 devenu L. 1152-1 du code du travail ; Attendu que, pour condamner l'employeur à payer à la salariée des dommages-intérêts au titre de harcèlement moral, la cour d'appel retient que l'insistance mise pendant quatre mois par l'employeur, au moyen de la délivrance de bulletins de salaire erronés, à rétrograder de manière injustifiée la salariée dans les fonctions de secrétaire, avec baisse de salaire et perte des avantages liés à sa fonction d'attachée principale, en dépit des protestations de l'intéressée et des courriers de l'inspection du travail, caractérise des actes répétés de harcèlement moral ayant contribué à la dégradation d'un état de santé déjà fragile ; Attendu, cependant, qu'aux termes de l'article L. 122-49, devenu L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'il en résulte que ne peut s'analyser en agissements répétés constitutifs de harcèlement moral, une décision de l'employeur de rétrograder un salarié, peu important que, répondant aux protestations réitérées de celui-ci, il ait maintenu par divers actes sa décision ; Qu'en statuant comme elle a fait, sans avoir constaté d'autres agissements que la décision maintenue de rétrogradation, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'existence d'un harcèlement moral, a violé le texte susvisé ; (…) PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deuxième et troisième branches du moyen unique du pourvoi principal, non plus que sur les autres branches du premier moyen et le deuxième moyen du pourvoi incident de la salariée : CASSE ET ANNULE S’il est donc nécessaire que le salarié montre l’existence d’agissements répétés (répétés, c’est à partir de 2 !), il n’est en revanche pas nécessaire que ces agissements aient perduré pendant une longue durée. Le harcèlement peut être caractérisé même sur une très brève période. Dans une affaire jugée au mois de mai 2010, un salarié avait été en arrêt pour une longue maladie. A son retour, jugé apte par le médecin du travail, l’employeur ne confie au salarié que des tâches subalternes. En l’espace de deux mois, le salarié subit des menaces et des 10 propos dégradants ainsi qu’une rétrogradation. La cour d’appel refuse de reconnaître l’existence d’un harcèlement en raison de la trop brève période pendant laquelle se sont déroulés les agissements. Or, l’article L. 1152-1 du code du travail exige une condition, celle que les agissements soient « répétés ». Or, il suffit de deux comportements déviants pour que les agissements soient répétés, peu importe la durée sur laquelle ils sont intervenus. C’est la position qu’adopte la Cour de cassation dans son arrêt rendu le 26 mai 2010 : la durée n’est pas un critère du harcèlement (Cass. soc., 26-05-2010, n° 08-43.152). Cass. soc., 26-05-2010, n° 08-43.152 Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 28 décembre 2001 en qualité de vendeur / acheteur de véhicules accidentés par la société Autocasse Bouvier ; qu'estimant que l'employeur avait modifié son contrat de travail à son retour d'une longue absence pour maladie malgré l'avis d'aptitude émis par le médecin du travail lors de la visite de reprise, il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur ; qu'il a demandé le versement d'une somme à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral devant la cour d'appel ; Sur le moyen unique du pourvoi principal de l'employeur : Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail avec les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen : 1° / que la résiliation judiciaire du contrat de travail ne peut être prononcée aux torts de l'employeur qu'à la condition que soient caractérisés à sa charge des manquements suffisamment graves pour la justifier ; qu'en l'espèce, en décidant de résilier le contrat de travail aux torts de l'employeur en s'appuyant sur une modifications des fonctions de M X... lors de son retour dans l'entreprise après son arrêt de travail, tout en constatant que la modification ne s'était appliquée que pendant une très brève période de temps, qu'elle portait sur des tâches qui n'étaient ni dégradantes ni incompatibles avec la qualification de M. X... et que l'employeur avait satisfait à son obligation de proposer à M. X..., déclaré apte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment à l'issue à l'issue d'une très longue période de suspension du contrat de travail consécutive à un accident, un autre emploi approprié à ses capacités et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé la gravité d'un manquement de l'employeur à ses obligations contractuelles n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 122-14-3 (recodifié dans les articles L. 1232-1, L. 1233-2, L. 1235-1 et L. 1235-9) et L. 122-14-4 (recodifié dans les articles L. 1235-2, L. 1235-3 et L. 1235-2) du code du travail, ensemble de l'article L. 122-24-4, alinéa 1, du code du travail, recodifié en article L. 1226-2 du même code ; 2° / qu'en décidant de résilier le contrat de travail aux torts de l'employeur, sans rechercher, comme elle y était invitée, si M. X... n'avait pas interrompu les relations de travail après une très brève période de temps parce qu'il souhaitait, en réalité, ainsi qu'il l'avait indiqué à son employeur avant même de rejoindre son poste et 11 déclaré au médecin du travail, qui avait attesté en ce sens, que celui-ci le licencie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions susvisées, ensemble celles de l'article 1134, dernier alinéa, du code civil ; Mais attendu qu'ayant constaté que le salarié avait été affecté à son retour d'arrêtmaladie, bien qu'ayant été déclaré apte à son poste de travail par le médecin du travail, à l'exécution de tâches subalternes qu'il n'avait jamais exercées auparavant et qu'il lui avait été interdit de prospecter pour acheter des véhicules accidentés, la cour d'appel, qui a retenu que le salarié avait subi une rétrogradation ayant un impact sur sa rémunération caractérisant une modification de son contrat de travail, a pu en déduire que la demande de résiliation judiciaire du contrat était fondée ; que le moyen ne peut être accueilli ; Mais sur le pourvoi incident du salarié : Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ; Attendu que pour rejeter la demande du salarié en paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral, l'arrêt retient que s'il a été rétrogradé et mis à l'écart à partir du 6 novembre 2006, si des menaces ou des propos dégradants ont pu être tenus par l'employeur à son égard au cours de la seconde semaine après la reprise et principalement lors d'un entretien le 21 septembre 2004, ces événements qui se sont déroulés au cours d'une très brève période de temps, compte tenu des arrêts maladie postérieurs à la reprise, sont insuffisants pour caractériser un harcèlement moral ; Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel qui, d'une part, a ajouté au texte légal une condition qu'il ne prévoit pas, et, d'autre part, n'a pas pris en compte l'ensemble des éléments établis par le salarié parmi lesquels les documents médicaux relatifs à une altération de son état de santé, a violé les textes susvisés ; Attendu qu'il résulte du premier de ces articles que les faits constitutifs de harcèlement moral peuvent se dérouler sur une brève période ; PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, 12 2) Des agissements intentionnels ? Autre question posée à la chambre sociale de la Cour de cassation : le harcèlement doit-il découler de comportements intentionnels du harceleur. Autrement dit, faut-il être méchant pour être condamné ou suffit-il d’être bête ? La question est importante, au moins pour deux raisons. • d’abord parce que certaines situations de harcèlement sont certainement le fait de petits chefs ou d’employeurs dont l’intention n’est pas d’altérer l’état de santé du salarié. C’est de la bêtise, du jeu d’adolescent, sans conscience du danger encouru. Il était donc indispensable de se poser la question • ensuite parce que la position de la Cour de cassation pouvait ouvrir en grand la porte à un nouveau type de harcèlement : le harcèlement managérial ou organisationnel. En effet, c’est là un grand argument de ceux qui se défendent de procéder à du harcèlement quand ils se contentent de mettre une forte pression sur la salariés : le but n’est pas de nuire au salarié, au contraire, c’est de le stimuler… Et il est sûr que certains d’entre eux sont de bonne foi. Cependant, si l’intention de harceler n’est pas exigée, peu importe la bonne ou la mauvaise foi, l’important, c’est le résultat ! L’article L. 1152-2 du code du travail vise des agissements qui ont « pour objet ou pour effet » une dégradation des conditions de travail. Cette formule semblait signifier que les agissements de harcèlement pouvaient ou non être délibérés, l’important étant donc qu’ils entraînent une dégradation des conditions de travail. Malgré ces termes sans ambigüité, la Cour de cassation a très longtemps refusé de caractériser l’existence d’un harcèlement moral lorsque l’employeur ou le supérieur hiérarchique n’avait pas eu d’intention malveillante, ne cherchait pas à nuire au salarié (ex. Cas. soc., 21 juin 2006, n° 05-43.914). La Cour de cassation est récemment revenue sur sa position et accepte qu’un harcèlement soit reconnu sans qu’aucune intention malveillante n’ait guidé le harceleur (ex. Cass. soc., 10 nov. 2009). Dans cet arrêt, la chambre sociale juge que le harcèlement moral est constitué indépendamment de l’intention de son auteur, à condition que soient caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d’altérer sa santé ou de compromettre 13 son avenir professionnel (Cass. soc., 10 novembre 2009, n° 08-41.497). Il n’est donc pas nécessaire, comme l’avait exigé la cour d’appel, que les agissements de l’employeur « relèvent d'une démarche gratuite, inutile et réfléchie destinée à l'atteindre ». Cass. soc., 10 novembre 2009, n° 0841.497 Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée le 1er septembre 1965 par la société Crédit commercial de France, devenue la société HSBC France, et exerçant en dernier lieu les fonctions de sous directrice d'agence, a été placée en arrêt de travail pour maladie entre le 16 octobre 2002 et le 16 octobre 2005 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire pour, notamment, harcèlement moral, et de diverses demandes indemnitaires ; qu'elle a été licenciée pour inaptitude le 28 mars 2006 ; Sur les quatrième, cinquième et sixième moyens du pourvoi principal de la salariée : Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ; Sur le moyen unique du pourvoi incident de l'employeur : Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement de dommages intérêts pour refus de souscription à l'augmentation du capital social, alors, selon le moyen : 1° / que le juge ne peut modifier les termes du litige tels que déterminés par les prétentions des parties ; qu'en l'espèce, il soutenait que Mme X... ne pouvait participer à l'augmentation de capital réservée aux salariés de l'entreprise en 2005, ayant atteint le plafond des versements volontaires qu'elle était susceptible d'effectuer au titre de l'année 2005 et ce, après avoir versé en octobre 2005 la somme de 1 562, 60 euros sur le Plan d'Epargne d'Entreprise (PEE) de la société HSBC ; que Mme X... ne contestait aucunement ce versement et le fait que le plafond des versements volontaires avait été atteint au titre de l'année 2005 ; qu'en affirmant que la société HSBC n'établissait pas que la salariée avait versé en octobre 2005 la somme de 1 562, 60 euros sur le PEE pour ensuite allouer à cette dernière des dommages intérêts en raison du prétendu préjudice causé par l'absence d'information par l'employeur de l'opération relative à l'augmentation de capital en 2005, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige en violation des articles 4 et 7 du vode de procédure civile ; 2° / que les juges du fond doivent répondre aux moyens formulés par les parties ; que pour s'opposer à la demande de la salariée, la société HSBC faisait valoir, sans que ce fait soit contesté par Mme X... que l'intéressée avait pu effectuer un versement volontaire complémentaire de 5 000 euros sur le PEE, alors même qu'elle avait d'ores et déjà dépassé le plafond des versements volontaires qu'elle pouvait effectuer, dépassement qui lui avait permis de bénéficier du montant maximal de l'abondement susceptible d'être versé, ce qui compensait très largement le prétendu « préjudice » de Mme X... de ne pas avoir été informée d'une opération d'augmentation de capital à laquelle elle ne pouvait participer ; qu'en décidant néanmoins d'indemniser ce « préjudice », sans répondre au moyen péremptoire de la 14 société, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; Mais attendu qu'ayant relevé que la salariée faisait valoir qu'elle n'avait pas été informée de l'augmentation de capital, et qu'elle réclamait de ce chef des dommages intérêts, ce dont il se déduisait qu'elle contestait avoir été remplie de ses droits à ce titre, la cour d'appel a, sans encourir les griefs du moyen, légalement justifié sa décision ; Mais sur les premier et deuxième moyens réunis du pourvoi principal : Vu les articles L. 1152 1 et L. 1154 1 du code du travail ; Attendu qu'il résulte du premier de ces textes que le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l'intention de son auteur, dés lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel ; que, selon le second, dans sa rédaction alors applicable, la charge de la preuve d'un harcèlement moral ne pèse pas sur le salarié ; Attendu que pour débouter Mme X... de ses demandes en paiement de dommages intérêts pour harcèlement moral et de résiliation judiciaire du contrat de travail, l'arrêt retient que les agissements dont elle se plaint ne peuvent être considérés comme des agissements répétés de harcèlement moral et s'inscrivent dans l'exercice du pouvoir de direction de l'employeur, tant qu'il n'est pas démontré par la salariée qu'ils relèvent d'une démarche gratuite, inutile et réfléchie destinée à l'atteindre et permettant de présumer l'existence d'un harcèlement ; Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le troisième moyen du pourvoi principal, qui est subsidiaire : CASSE ET ANNULE, B – Illustrations jurisprudentielles Le fait d’imposer à une salariée des tâches incompatibles avec les prescriptions du médecin du travail peut constituer des faits de harcèlement. En effet, constitue un harcèlement moral le fait pour un employeur d'imposer à une salariée de manière répétée, au mépris des prescriptions du médecin du travail, d'effectuer des tâches de manutention lourde qui avaient provoqué de nombreux arrêts de travail (Cass. soc., 28 janvier 2010). Cass. soc., 28 janv. 2010, n° 08-42.616 Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 27 mars 2008), que Mme Ronnel, engagée par la société Leroy Merlin France le 6 15 novembre 1989, occupait en dernier lieu les fonctions de responsable du rayon décoration du magasin d'Osny ; qu'à la suite d'un accident du travail survenu le 19 décembre 2002, la salariée a été déclarée lors de la visite médicale de reprise, le 7 mars 2003, apte à reprendre son poste, le médecin du travail précisant "durant trois mois, pas de port de manutention répétée, pas de port de charges lourdes, siège assisdebout impératif" ; qu'à plusieurs reprises la salariée a été revue par le médecin du travail à l'occasion de rechutes ou de nouvel accident en relation avec l'accident initial, le praticien concluant à chaque fois à l'aptitude de la salariée à son poste de travail mais avec des restrictions toujours plus importantes ; qu'après avoir refusé un poste d'employée administrative, un poste en comptabilité fournisseur, un poste d'hôtesse service client et un poste d'hôtesse aux matériaux, la salariée a été licenciée le 30 mai 2005 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour harcèlement moral ; Sur le premier moyen : Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'avoir dit que le licenciement de Mme Ronnel avait été prononcé en méconnaissance des dispositions de l'article L. 1226-8 du code du travail , alors, selon le moyen : 1°/ que le salarié qui n'est déclaré apte à reprendre son poste qu'avec des restrictions incompatibles avec l'exercice de son emploi dans l'entreprise n'a pas à être réintégré dans son poste ; qu'en l'espèce, le poste de responsable de rayon nécessitant que son titulaire assure la responsabilité de "la gestion quotidienne, de l'organisation et de l'approvisionnement de la gamme de produits suivant les critères établis dans la société" et doive "assurer, au sein du rayon, la coordination du travail au quotidien", ce poste impose à son titulaire d'effectuer, au moins ponctuellement, des tâches de manutention de sorte que les restrictions qui interdisent au salarié d'effectuer toute tâche de manutention un tant soit peu importante sont incompatibles avec l'emploi de responsable de rayon ; qu'en jugeant pourtant que le poste de responsable de rayon excluait la réalisation de tâches de manutention, de sorte que Mme Ronnel aurait dû être réintégrée à un tel poste, la Cour d'appel a violé les dispositions conventionnelles régissant le poste de responsable de rayon et l'article L. 122-32-4 du code du travail devenu l'article L. 1226-8 du même code ; 2°/ que le salarié qui n'est déclaré apte à reprendre son poste qu'avec des restrictions incompatibles avec l'exercice de son emploi dans l'entreprise n'a pas à être réintégré dans son poste ; qu'aux termes des dispositions conventionnelles, le poste de responsable de rayon nécessite que son titulaire assure la responsabilité de "la gestion quotidienne, de l'organisation et de l'approvisionnement de la gamme de produits suivant les critères établis dans la société" et doive "assurer, au sein du rayon, la coordination du travail au quotidien" ; qu'en jugeant que le poste de responsable de rayon excluait la réalisation de tâches de manutention, de sorte que Mme Ronnel aurait dû être réintégrée à un tel poste, sans rechercher s'il ne résultait pas des règles établies dans la société que le responsable de rayon doive effectuer des tâches de manutention, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions conventionnelles régissant le poste de responsable de rayon et de l'article L.122-32-4 du code du travail devenu l'article L. 1226-8 du même code ; Mais attendu qu'il résulte de l'article L. 1226-8 du code du travail, que si le salarié est déclaré apte par le médecin du travail, il retrouve son emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente ; que selon les dispositions de l'article L. 4624-1 dudit code, le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles, telles que mutations ou transformations de poste, justifiées par des considérations relatives notamment à 16 l'âge, la résistance physique ou à l'état de santé des travailleurs ; que le chef d'entreprise est tenu de prendre en considération ces propositions ; Et attendu que la cour d'appel a constaté que, si pour chacun des avis relatifs à l'aptitude de la salariée à occuper son emploi et qui n'avaient pas été contestés, le médecin du travail avait émis d'importantes réserves, il n'avait cependant jamais rendu un avis d'inaptitude de l'intéressée aux fonctions de responsable de rayon ; qu'elle a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ; Sur le second moyen : Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt d'avoir dit que Mme Ronnel avait été victime de harcèlement moral de la part de la société Leroy Merlin France, alors, selon le moyen : 1°/ que le harcèlement moral suppose que soient caractérisés des actes de l'employeur constitutifs d'une atteinte délibérée aux droits et à la dignité du salarié ; qu'en l'espèce, pour conclure à l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel a reproché à l'employeur d'avoir imposé à la salariée des tâches de manutention qui ne rentraient pas dans ses attributions puis de lui avoir proposé des solutions de reclassement à un niveau inférieur ; que pourtant, la réalisation de certaines tâches de manutention étant inhérente aux fonctions de responsable de rayon, l'employeur n'avait commis aucune faute en imposant de telles tâches à la salariée puis en mettant tout en oeuvre pour chercher à la reclasser dès lors qu'il apparaissait qu'elle ne pouvait pas accomplir ces tâches de manutention, de sorte qu'en retenant l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel a violé l'article L. 122-49 du code du travail, devenu l'article L. 1152-1 du même code ; 2°/ que le harcèlement moral suppose que soient caractérisés des actes de l'employeur constitutifs d'une atteinte délibérée aux droits et à la dignité du salarié ; qu'en l'espèce, pour conclure à l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel a reproché à l'employeur d'avoir imposé à la salariée des tâches de manutention qui ne rentraient pas dans ses attributions puis de lui avoir proposé des solutions de reclassement à un niveau inférieur ; que même à supposer que les tâches de manutention ne rentrent effectivement pas dans les fonctions d'un responsable de rayon, le seul fait de demander à un salarié d'effectuer de telles tâches et de chercher à le reclasser dès lors qu'il ne pouvait pas accomplir ces tâches ne suffisait pas à caractériser une atteinte délibérée aux droits et à la dignité de ce salarié, de sorte qu'en statuant par des motifs qui ne permettent pas de caractériser l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 12249 du code du travail, devenu l'article L. 1152-1 du même code ; Mais attendu qu'il résulte de l'article L. 1152-1 du code du travail, que le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l'intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel ; Et attendu, qu'en retenant que l'employeur avait imposé à la salariée de manière répétée, au mépris des prescriptions du médecin du travail, d'effectuer des tâches de manutention lourde qui avaient provoqué de nombreux arrêts de travail puis, au vu des avis médicaux successifs, qu'il avait proposé des postes d'un niveau inférieur à celui d'agent de maîtrise, en particulier à cinq reprises le poste d'hôtesse au service client qui était luimême incompatible avec les préconisations du médecin du travail, la cour d'appel a caractérisé le 17 harcèlement moral dont la salariée avait été victime ; PAR CES MOTIFS : D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ; REJETTE le pourvoi ; L’existence d’attestations retenues par la cour et qui relatent que le chef de service a eu un comportement déplacé à l'égard de son assistante, qu'il s'emportait et devenait violent, permet de caractériser l’existence d’un harcèlement moral (Cass. soc., 10 févr. 2009). Cass. soc., 10-02-2009, n° 07-44.953 Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., qui avait été engagé le 17 septembre 1990 par la société Y... France en qualité de directeur des ressources humaines, a été licencié le 15 mars 2003 pour faute grave en raison du harcèlement sexuel et moral qu'il aurait exercé sur son assistante Mme Z... ; que celle-ci est intervenue volontairement devant la juridiction prud'homale saisie par le salarié d'une demande de paiement de diverses sommes au titre de la rupture, pour lui réclamer des dommages-intérêts ; Sur le premier moyen : (…) Mais sur le deuxième moyen : Vu l'article L. 122-49 devenu L. 1152-1 du code du travail ; Attendu que pour dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et allouer au salarié diverses sommes à ce titre, l'arrêt a relevé qu'il résultait d'un ensemble d'attestations que les rapports entre l'assistante et son chef de service se situaient dans un contexte de très grande exigence professionnelle ; Qu'en statuant ainsi, alors que les attestations retenues par la cour relatent que M. X..., qui traitait "rudement" ses collaborateurs, a eu un comportement déplacé à l'égard de Mme Z... qui a été vue sortant en larmes de son bureau, qu'il s'emportait et devenait violent à son égard et qu'elle a manifesté auprès d'une collègue la peur qu'elle ressentait, comportement qui caractérisait des agissements répétés de harcèlement moral ayant eu pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail de la plaignante de nature à porter atteinte à sa dignité et à altérer sa santé, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le troisième moyen : CASSE ET ANNULE, 18 Constitue une attitude de harcèlement la succession de procédures de licenciement exercées à l'encontre de la salariée caractérisant un acharnement de l'employeur à l'égard d'une salariée protégée. Cass. soc., 19-05-2009, n° 07-41.084 Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-enProvence, 25 janvier 2007), que Mme X..., engagée à compter du 29 avril 1974 par la Société nationale immoblière (SNI), y exerçait jusqu'en 1997 les fonctions d'adjointe au chef de service gestion administrative ; qu'alors qu'elle était titulaire d'un mandat de déléguée du personnel, l'employeur lui a proposé le 30 octobre 1998 un avenant entraînant modification de son contrat de travail et lui confirmant qu'à compter du 1er janvier 1999, elle assumerait les fonctions de chargé de clientèle sur le secteur de Marseille dont le contour géographique et l'importance pourraient être modifiés dans le temps ; que soutenant que son contrat de travail avait été modifié unilatéralement et qu'elle avait fait l'objet de harcèlement moral ainsi que de discrimination syndicale, Mme X... a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant à la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur et au paiement de diverses indemnités ; Sur le premier moyen : Attendu que la société reproche à l'arrêt d'avoir prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail, alors selon le moyen : 1°/ que si l'intention de nover ne se présume pas, il n'est pas nécessaire qu'elle soit exprimée en termes formels dès lors qu'elle est certaine et résulte des faits de la cause ; qu'en exigeant de l'employeur qu'il produise, pour caractériser l'acceptation de la salariée, un avenant signé, cependant qu'il résultait du comportement de la salariée que cette dernière avait accepté la modification proposée, la cour d'appel a violé l'article L. 121-1 du code du travail, et l'article 1273 du code civil ; 2°/ que la preuve de l'acceptation du salarié peut être rapportée par tout moyen ; que l'aveu judiciaire est la déclaration que fait en justice une partie, il fait pleine foi contre celui qui l'a fait, ne peut être divisé contre lui, et ne peut être révoqué, à moins qu'on ne prouve qu'il a été la suite d'une erreur de fait ; que la société SNI faisait valoir, dans ses écritures d'appel, que Mme X... avait accepté cette modification de son contrat de travail puisque de son propre aveu, Mme X... avait admis dans les écritures qu'elle avait soumises tant aux premiers juges qu'à la cour d'appel qu'elle avait accepté la modification de son contrat de travail ; qu'en écartant l'aveu judiciaire sans rechercher si la salariée rapportait la preuve qu'il avait été la suite d'une erreur de fait, la cour d'appel a violé l'article 1356 du code civil ; 3°/ que la contrainte économique est un cas particulier du vice de violence à la condition que le cocontractant ait abusé de la situation pour imposer des circonstances défavorables à l'autre partie ; qu'en estimant que le consentement de la salariée n'avait pas été donné librement dès lors qu'il avait été donné dans la "peur de perdre son emploi", la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé en quoi l'employeur aurait agi de façon illégitime pour lui soutirer son consentement, a violé l'article 1109 et 1112 du code civil ; Mais attendu que sous le couvert de griefs non fondés de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des faits et des preuves par la cour d'appel, qui a estimé que la salariée n'avait pas donné son accord 19 à la modification de son contrat de travail, laquelle lui avait ainsi été imposée ; que le moyen n'est pas fondé ; Sur le second moyen : Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à la salariée des dommages-intérêts pour discrimination syndicale et harcèlement moral, alors, selon le moyen, que la loi ne dispose que pour l'avenir ; qu'elle n'a point d'effet rétroactif ; qu'en faisant application des dispositions de l'article L. 122-49 du code du travail issues de la loi du 17 janvier 2002 aux faits survenus avant l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, la cour d'appel a violé le principe de nonrétroactivité des lois nouvelles posé par l'article 2 du code civil, ensemble l'article L. 122-49 du code du travail ; Mais attendu que la cour d'appel, qui n'a pas fondé sa décision sur les dispositions de l'article L. 122-49 du code du travail, non applicable à des faits antérieurs à la loi du 17 janvier 2002 dont il est issu, a retenu, d'une part, que la succession de procédures de licenciement exercées à l'encontre de Mme X... caractérisait un acharnement de l'employeur à l'égard d'une salariée protégée, d'autre part, que la société avait évincé celle-ci en lui diminuant ses responsabilités ; qu'elle a pu en déduire que l'employeur avait, par cette attitude discriminatoire et de harcèlement, manqué à ses obligations ; que le moyen n'est pas fondé ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ; Constitue un harcèlement moral le fait, pour un employeur, de se livrer de manière répétée et dans des termes humiliants à une critique de l'activité de cette dernière en présence d'autres salariés (Cass. soc., 08-07-2009, n° 08-41.638). Cass. soc., 08-07-2009, n° 08-41.638 Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée le 11 juin 1991 par la société Distribution Casino France en qualité d'employée de libre-service a présenté sa démission le 29 novembre 2006, invoquant des agissements de son supérieur hiérarchique ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale en réparation d'un harcèlement moral et pour voir requalifier sa démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse ; Sur le pourvoi principal de l'employeur : Attendu que la société Distribution Casino France fait grief à l'arrêt de dire que Mme X... a été victime de faits fautifs de la part de son supérieur hiérarchique, de requalifier la démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse et de la condamner à payer diverses sommes alors, selon le moyen : 1° / que le fait, pour un supérieur hiérarchique, de faire des reproches à son subordonné en présence de ses collègues de travail ne constitue pas, en soi, un comportement fautif ; qu'en l'espèce, pour condamner l'exposante, la cour d'appel a retenu que M. Z..., qui n'avait pas harcelé moralement Mme X..., lui avait fait des reproches devant ses collègues ; qu'en statuant par tels motifs impropres à caractériser une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'employeur, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ; 20 2° / que l'obligation de sécurité de résultat à laquelle est tenu l'employeur en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, et notamment en matière de harcèlement moral, n'est applicable que lorsque la santé et la sécurité des travailleurs est menacée ; qu'en l'espèce, pour dire l'exposante responsable des reproches faits en public par M. Z..., la cour d'appel a retenu qu'elle était soumise à une " obligation de sécurité de résultat en matière de protection " ; qu'en statuant ainsi, quand elle avait constaté que les agissements M. Z... ne s'étaient pas traduits par un harcèlement moral, et qu'elle n'avait relevé aucune atteinte à la santé ou à la sécurité de la salariée, la cour a violé le principe susvisé ; 3° / que lorsque le salarié démissionne en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture constitue une prise d'acte et produit soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient et étaient suffisamment graves pour justifier la rupture, soit, dans le cas contraire, d'une démission ; qu'en l'espèce, Mme X... avait démissionné en raison des reproches qui lui auraient été adressés par son supérieur hiérarchique (M. Z...) et prétendait, au soutien de ses demandes, qu'elle aurait fait l'objet d'un harcèlement ; qu'en retenant, pour dire que la démission devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse, non que les faits étaient suffisamment graves pour justifier la rupture, mais simplement que le supérieur hiérarchique de Mme X..., qui n'était pas coupable de harcèlement moral à son endroit, avait " manqué de doigté dans ses rapports " avec elle, " en lui faisant des reproches répétés devant ses collègues " et ce pendant une période qui " n'avait pas duré plus de trois mois et demi ", la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L. 122-4 et L. 122-14-3, alinéa 1er, devenus les articles L. 1231-1 et L. 1235-1 du code du travail ; 4° / que lorsque le salarié demande luimême à effectuer son préavis dans la lettre par laquelle il prend acte de la rupture à raison de faits qu'il reproche à l'employeur, il en résulte nécessairement que lesdits faits ne peuvent être suffisamment graves pour justifier une rupture aux torts de ce dernier ; qu'en l'espèce, Mme X... avait sollicité, dans la lettre de prise par laquelle elle prenait acte de la rupture, à effectuer un mois de préavis, ce qu'a constaté la cour d'appel ; qu'en décidant néanmoins de faire produire à la rupture les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse, la cour d'appel a violé les articles L. 122-4 et L. 122-14-3, alinéa 1er, devenus les articles L. 1231-1 et L. 1235-1 du code du travail ; 5° / que l'employeur soutenait que la salariée avait rompu son contrat, non en raison du comportement de son supérieur hiérarchique, mais pour entrer au service de la commune de Villemandeur ; qu'en effet Mme X... qui avait quitté l'entreprise le 30 décembre 2006, ayant demandé à rester en poste jusqu'à cette date, avait débuté ses fonctions à la " halte garderie " communale, institution auprès de laquelle elle avait effectuée un stage de formation lorsqu'elle était encore salariée de l'exposante, le 1er janvier suivant, ainsi qu'en attestait l'arrêté municipal produit aux débats ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef des conclusions de l'employeur, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; Mais attendu que la cour d'appel, appréciant souverainement la réalité et la gravité des manquements que la salariée imputait à l'employeur, a constaté que le supérieur hiérarchique de Mme X... s'était livré de manière répétée et dans des termes humiliants à une critique de l'activité de cette dernière, en présence d'autres salariés ; qu'elle a estimé que ces faits, qui engageaient l'employeur, caractérisaient un manquement de celuici à ses obligations suffisamment grave pour justifier la prise d'acte, en sorte que la rupture du contrat de travail qui en était résultée produisait les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ; 21 Mais sur le pourvoi incident de la salariée : Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ; Attendu que pour limiter le montant des dommages-intérêts accordés à Mme X... et juger que celle-ci avait été victime non de harcèlement moral mais de faits fautifs de la part de son supérieur hiérarchique, l'arrêt énonce que le harcèlement moral est insuffisamment caractérisé dès lors que les attestations produites par la salariée ne décrivent pas de faits précis dont elle aurait été victime mais qu'à défaut de harcèlement moral, le supérieur hiérarchique avait manqué de doigté envers Mme X... en lui faisant des reproches répétés devant ses collègues ; Qu'en statuant ainsi alors qu'elle avait constaté des faits constituant un harcèlement moral, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, Constitue une attitude de harcèlement moral le fait d'envoyer de nombreuses lettres de mise en demeure injustifiées évoquant de manière explicite une rupture du contrat de travail et reprochant ses absences au salarié, en arrêt de maladie prolongé (Cass. soc., 07-07-2009, n° 08-40.034). Cass. soc., 07-07-2009, n° 08-40.034 Sur le premier moyen : Attendu, selon l'arrêt attaqué (Dijon, 8 novembre 2007), que M. X... a été engagé le 22 avril 1983 en qualité de pâtissier par la société La Brioche dorée ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur et la condamnation de ce dernier au paiement du salaire de la mise à pied, d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts ; Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts et de l'avoir condamné au paiement d'une indemnité de licenciement, d'une indemnité compensatrice de préavis avec congés payés afférents et de dommagesintérêts, alors selon le moyen : 1° / qu'en retenant, pour conclure à l'existence d'un harcèlement moral, que les courriers envoyés au salarié durant son arrêt maladie prolongé les 17 et 24 février 2006, 14 mars 2006 et 23 août 2006 auraient été injustifiés, sans avoir préalablement constaté que, conformément à l'article 22 du règlement intérieur, le salarié avait non seulement fait parvenir les avis de prolongation de son arrêt de travail visés par lesdits courriers dans les trois jours de ceux-ci, mais également prévenu son employeur de ces prolongations dès qu'il en avait eu connaissance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-49 devenu L. 1152-1 du code du travail ; 2° / que l'article 22 du règlement intérieur de la société dispose que « pour éviter de perturber l'organisation de l'établissement, tout salarié empêché de se présenter au travail doit immédiatement sauf en cas de force majeure, prévenir ou faire prévenir la direction de l'établissement en précisant la cause de son absence et, en cas de maladie, lui faire parvenir un certificat médical, ou un avis d'arrêt de travail dans les trois jours, sauf cas de force majeure. En cas de 22 prolongation de l'arrêt de travail, dès qu'il en a connaissance, le salarié en avise la direction de l'établissement dans les délais définis ci-dessus pour l'arrêt de travail " et impose donc au salarié d'une part, de prévenir immédiatement son employeur de son absence pour maladie et de la prorogation de celle-ci dès qu'il en a connaissance, et d'autre part, de lui faire parvenir l'arrêt de travail initial ou de prolongation dans les trois jours ; qu'à supposer que la cour d'appel ait adopté le motif du jugement selon lequel l'exigence de l'employeur d'être informé avant le dernier jour de l'arrêt de travail sur la prolongation de celui-ci dépassait les dispositions de l'article 22 du règlement intérieur, elle a alors dénaturé ce document et violé l'article 1134 du code civil ; 3° / qu'en tout état de cause, l'envoi à un salarié en arrêt maladie prolongé de courriers injustifiés évocateurs d'une rupture de contrat ne suffit pas à caractériser un harcèlement moral ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 122-49 devenu L. 1152-1 du code du travail ; du travail que peuvent constituer un harcèlement moral des agissements ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; Et attendu que la cour d'appel, qui, sans dénaturer l'article 22 du règlement de la société, a retenu par motifs propres et adoptés que le salarié, en arrêt de maladie prolongé, avait reçu de nombreuses lettres de mise en demeure injustifiées évoquant de manière explicite une rupture du contrat de travail et lui reprochant ses absences, a pu décider que ces faits caractérisaient l'existence d'un harcèlement moral ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi : Mais attendu qu'il résulte des dispositions de l'article L. 1152-1 du code REJETTE le pourvoi ; Le fait qu'une salariée soit installée avec une collègue dans un bureau restreint, qu'elle soit laissée pour compte et que son travail se limite à l'archivage et à des rectificatifs de photocopies, permet de présumer l'existence d'un harcèlement moral (Cass. soc., 10-112009, n° 07-42.849). Cass. soc., 10-11-2009, n° 07-42.849 Sur le premier moyen : Attendu que pour débouter la salariée de sa demande en paiement de dommages intérêts pour discrimination, la cour d'appel a retenu que la salariée se bornait à 23 affirmer avoir subi un ralentissement de carrière de nature discriminatoire sans fournir le moindre élément de comparaison avec d'autres collègues de statut identique, qu'elle avait refusé des propositions de mutation, et que des attestations de ses supérieurs hiérarchiques faisaient état de ses difficultés de concentration et d'organisation et de son autoritarisme à l'origine de conflits avec les agents placés sous sa responsabilité ; Attendu, cependant, que l'existence d'une discrimination n'implique pas nécessairement une comparaison avec la situation d'autres salariés ; Qu'en se déterminant comme elle a fait, sans rechercher si le ralentissement de la carrière de la salariée et les difficultés auxquelles elle a été confrontée, dès après sa participation à un mouvement de grève, ne laissaient pas supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ; Sur le second moyen : Vu les articles 1152 1 et 1154 1, ensemble l'article L. 1221 1, du code du travail ; Attendu qu'après avoir constaté que Mme X... avait été installée avec une collègue dans un bureau aux dimensions restreintes, qu'elle était laissée pour compte, et que le travail qui lui était confié se limitait à l'archivage et à des rectificatifs de photocopies, la cour d'appel a dit que de tels manquements ne caractérisaient pas un harcèlement moral mais constituaient un manquement de l'employeur à son obligation de loyauté, puis a rejeté la demande à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral tout en allouant à la salariée une somme à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail ; Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations la preuve de faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles 1152 1 et 1154 1 du code du travail par refus d'application et l'article L. 1221 1 du même code par fausse d'application ; PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE Le fait d'adresser 3 lettres contenant des observations partiellement injustifiées, d'engager une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle et de provoquer dans une période de 3 mois 3 contrôles médicaux est constitutif de harcèlement (Cass. soc., 13-042010, n° 09-40.837). Cass. soc., 13-04-2010, n° 09-40.837 Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée le 1er janvier 2000 en qualité de pharmacienne assistante par la société Pharmacie de Carnel, a saisi la prud'homale pour obtenir la judiciaire de son contrat de l'indemnisation du préjudice 24 juridiction résiliation travail et lié à un harcèlement moral ; qu'elle a été, par la suite, licenciée pour inaptitude ; Sur le premier moyen, pris en sa première branche : Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ; trois mois, trois contrôles médicaux destinés à vérifier si l'état de santé de l'intéressée le justifiait, ce dont il résulte que la salariée fournissait des éléments permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; Et sur le second moyen : Attendu que pour débouter la salariée de ses demandes de résiliation judiciaire et de paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral, l'arrêt retient que le harcèlement moral n'est pas caractérisé ; Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'employeur avait adressé à la salariée trois lettres contenant des observations partiellement injustifiées, avait engagé une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle à laquelle il avait renoncé et avait provoqué, dans une période de Attendu que la cassation sur le premier moyen emporte la cassation par voie de conséquence sur les dispositions de l'arrêt relative au rejet implicite mais nécessaire des demandes portant sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents ; PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres branches du premier moyen : CASSE ET ANNULE, La liste de ces exemples pourrait être allongée tant le nombre de décisions rendues est important. La Cour de cassation a donné un véritable élan à la lutte contre le harcèlement moral depuis plusieurs années. S’il paraît désormais plus facile de reconnaître l’existence d’un harcèlement moral, la Cour de cassation a également détaillé quelques critères du harcèlement. §3. Le harcèlement « organisationnel » moral « managérial » ou Le harcèlement managérial est parfois présenté comme étant une autre forme de harcèlement moral. Longtemps, on a entendu des discours sur le « stress normal et stimulant », la pression nécessaire dans la vie de l’entreprise, les conditions de travail « à flux tendu », etc. De nombreuses personnes ont longtemps considéré qu’il ne s’agissait pas là de harcèlement moral mais de l’exercice par l’employeur de son pouvoir de direction. A partir du moment où l’employeur n’adoptait pas une démarche gratuite et méchante, mais se contentait de pousser ses salariés pour remplir les objectifs, il ne s’agissait pas de harcèlement. 25 Cependant, devant la montée du nombre de dépression, de tentatives de suicide, de vies détruites du fait de l’impossibilité de gérer des stress aussi intenses, il a fallu que des réactions se produisent. La première réaction fut l’œuvre des partenaires sociaux qui conclurent un accord national interprofessionnel sur le stress au travail le 24 novembre 2008. Cet accord tente de définir le stress au travail. Surtout, il a pour objectif de fournir à tous les acteurs du travail un cadre permettant de détecter, prévenir, éviter et faire face aux problèmes de stress au travail. ANI du 24 novembre 2008 sur le stress au travail, art. 1er : « Le stress peut affecter potentiellement tout lieu de travail et tout travailleur, quels que soient la taille de l’entreprise, le domaine d’activité, le type de contrat ou de relation d’emploi. En pratique, tous les lieux de travail et tous les travailleurs ne sont pas nécessairement affectés. La lutte contre le stress au travail doit conduire à une plus grande efficacité et une amélioration de la santé et de la sécurité au travail, avec les bénéfices économiques et sociaux qui en découlent pour les entreprises, les travailleurs et la société dans son ensemble. Il importe de tenir compte de la diversité des travailleurs, des situations de travail et de la responsabilité des employeurs dans la lutte contre les problèmes de stress au travail ». art. 2 : « Un état de stress survient lorsqu’il y a déséquilibre entre la perception qu’une personne a des contraintes que lui impose son environnement et la perception qu’elle a de ses propres ressources pour y faire face. L’individu est capable de gérer la pression à court terme mais il éprouve de grandes difficultés face à une exposition prolongée et répétée à des pressions intenses. En outre, différents individus peuvent réagir de manière différente à des situations similaires et un même individu peut, à différents moments de sa vie, réagir différemment à des situations similaires. Le stress n’est pas une maladie mais une exposition prolongée au stress peut réduire l’efficacité au travail et peut causer des problèmes de santé. (… ) Le stress lié au travail peut être provoqué par différents facteurs tels que le contenu et l’organisation du travail, l’environnement de travail, une mauvaise communication, etc. ». La deuxième pierre de l’édifice fut posée par la chambre sociale de la Cour de cassation. Entr’ouverte avec l’arrêt de la chambre sociale reconnaissant que le harcèlement n’exige pas l’intention de son auteur, elle s’est grande ouverte à l’occasion d’autres arrêts eux aussi rendu le 10 novembre 2009. 26 Cette prise en compte du harcèlement managérial voit l’apparition d’une nouvelle forme de harcèlement en ce qu’il ne s’agit plus d’un harcèlement individuel, contre un salarié que l’on cherche à déstabiliser, mais d’une sorte de harcèlement collectif, visant l’ensemble des salariés par des méthodes de management et de gestion du personnel abusives. Cependant, même si ce harcèlement comporte une connotation collective, la Cour de cassation n’a pas exigé (heureusement) que les effets du harcèlement managérial soient eux aussi collectifs. Autrement dit, il n’est pas nécessaire de démontrer que plusieurs salariés de l’entreprise subissent des conséquences sur leur état de santé du fait des méthodes de management. Les troubles d’un seul salarié suffisent. Quelques illustrations. Pour la Cour de cassation, caractérisent un harcèlement moral les méthodes de gestion consistant, pour un supérieur hiérarchique, à soumettre ses subordonnés à une pression continuelle, des reproches incessants, des ordres et contre ordres dans l'intention de diviser l'équipe (Cass. soc., 10-11-2009, n° 07-45.321). Il n’est plus ici question d’une volonté de nuire à un salarié par une attitude de méchanceté gratuite, mais « seulement » de presser le citron des salariés et de diviser pour mieux régner. Pour la Cour de cassation, il s’agit néanmoins de harcèlement moral ! Cass. soc., 10-11-2009, n° 07-45.321 Sur le moyen unique : Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 8 octobre 2007), que M. X... a été engagé à compter du 10 janvier 1989 en qualité d'agent d'entretien, gardien de l'établissement et chauffeur par l'association des colonies de vacances et oeuvres de plein air de la ville de Salon de Provence (devenue l'association Salon Vacances Loisirs) qui gère un centre de vacances à Lus-la-Croix-Haute ; qu'au cours du mois de juin 2001, un nouveau directeur a pris la direction de l'établissement de Lus-la-Croix-Haute ; que M. X... a été en arrêt de travail du 21 août 2003 au 27 novembre 2003 puis à compter du 10 mai 2004 ; qu'à l'occasion du second examen médical de reprise, le médecin du travail l'a déclaré " inapte médicalement et définitivement à tous postes à Lus-La-Croix-Haute " précisant qu'il " serait apte à un poste sans contact avec son directeur actuel " ; que le salarié a été licencié pour inaptitude physique, le 9 mai 2005 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir la condamnation de l'employeur au paiement 27 de diverses sommes à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages-intérêts pour préjudice moral résultant de la détérioration des conditions de travail à l'origine directe de son inaptitude ; Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'avoir dit le licenciement nul et de l'avoir condamné au paiement de dommages-intérêts, alors, selon le moyen : 1° / qu'une méthode de gestion du personnel conduisant à donner des directives à un cadre subordonné par l'intermédiaire de tableaux ou à communiquer des ordres directement à un exécutant ne caractérise pas un harcèlement moral, lequel suppose des agissements répétés de harcèlement qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'en l'espèce, en se bornant à relever que la méthode de gestion de M. Y..., directeur du centre de loisirs dans lequel M. X... exerçait les fonctions de directeur technique, et qui consistait à communiquer parfois avec celui-ci à l'aide de tableaux ou de donner des directives au salarié placé sous l'autorité de M. X... indiquait une mise à l'écart et un mépris envers ce dernier, pour en déduire que le licenciement du salarié était nul, en ce qu'il aurait eu pour origine le comportement de M. Y..., sans caractériser précisément des agissements répétés de harcèlement moral à l'encontre du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-32-5, L. 122-49 et L. 122-51 du code du travail ; 2° / que l'employeur qui a pris des dispositions en vue de prévenir les actes de harcèlement d'un subordonné envers un de ses salariés ne peut se voir imputer les conséquences du licenciement pour inaptitude physique de ce dernier qui résulterait des actes en cause ; qu'en l'occurrence, la cour d'appel a constaté qu'après que M. X... se fut plaint pour la première fois, par courrier en date du 29 août 2003, du comportement de M. Y..., la présidente de l'association Salon Vacances Loisirs s'était efforcée à partir d'un courrier en date du 13 septembre 2003 de remédier aux difficultés ressenties par M. X... dans ses conditions de travail ; que l'arrêt attaqué a encore relevé que lorsque M. X... a réitéré ses critiques à l'encontre de M. Y... par courrier du 30 août 2004, la direction de l'association avait, par courrier du 10 septembre 2004, une fois encore indiqué qu'elle prendrait les mesures propres à prévenir tout acte de harcèlement ; qu'en affirmant néanmoins que le licenciement de M. X... pour inaptitude, en ce qu'il avait pour origine le harcèlement moral dont celui-ci avait été victime de la part de M. Y..., était nul, la cour d'appel a violé les articles L. 122-32-5, L. 122-49 et L. 12251 du code du travail ; Mais attendu que peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en œuvre par un supérieur hiérarchique dès lors qu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; Et attendu que la cour d'appel a relevé que le directeur de l'établissement soumettait les salariés à une pression continuelle, des reproches incessants, des ordres et contre-ordres dans l'intention de diviser l'équipe se traduisant, en ce qui concerne M. X..., par sa mise à l'écart, un mépris affiché à son égard, une absence de dialogue caractérisée par une communication par l'intermédiaire d'un tableau, et ayant entraîné un état très dépressif ; qu'ayant constaté que ces agissement répétés portaient atteinte aux droits et à la dignité du salarié et altéraient sa santé, elle a ainsi caractérisé un harcèlement moral, quand bien même 28 l'employeur aurait pu prendre des dispositions en vue de le faire cesser ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ; ; La même formule a été réutilisée dans un arrêt rendu le 3 février 2010 (Cass. soc., 3 février 2010, n° 08-44.107). Dans cette affaire, l’employeur soumettait les salariés (des vendeurs) à un management par objectifs intensifs et à des conditions de travail extrêmement difficiles. Ces méthodes se traduisaient par la mise en cause sans motif de leurs méthodes de travail notamment par des propos insultants et un dénigrement au moins à deux reprises en présence de collègues et ayant entraîné un état de stress majeur nécessitant un traitement et un suivi médical. Pour la Cour de cassation, il s’agit bel et bien de harcèlement moral. Cass. soc., 3 février 2010, n° 0844.107 Sur le moyen unique : Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 18 juin 2008), que M. X..., engagé en décembre 1986 par la société Socrec en qualité de vendeur, a démissionné par lettre du 16 décembre 2005 invoquant des faits de harcèlement moral ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale aux fins de requalification de la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamnations de l'employeur à lui payer diverses indemnités ; Attendu que la société Socrec fait grief à l'arrêt de faire droit à ces demandes et de la condamner également à rembourser aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à M. X..., alors, selon le moyen : 1°/ que la démission du salarié produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués caractérisent un manquement grave de l'employeur à ses obligations qui porte atteinte à l'intégrité physique ou morale de son salarié ; que cette atteinte à l'intégrité morale du salarié suppose des agissements répétés de l'employeur de nature à nuire à ses droits ou à sa dignité ; que les propos prétendument insultants et dénigrants tenus lors de deux réunions seulement sont insuffisants à établir le caractère répétitif des agissements de l'employeur et, partant, à caractériser le manquement grave requis pour lui imputer la rupture du contrat de travail ; qu'en en décidant autrement, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-1 du code du travail ; 2°/ que les juges du fond doivent rechercher si les éléments fournis par l'employeur sont de nature à écarter toute atteinte portée à l'intégrité morale du salarié ; qu'elle soutenait avoir tenté de dissuader son salarié de quitter l'entreprise jusqu'à l'audience de conciliation, qu'elle lui avait proposé de rencontrer le médecin du travail et n'avait jamais contesté ses compétences professionnelles, que M. X... ne s'était jamais plaint, était agressif, et n'avait jamais voulu s'expliquer sur ce qui n'allait pas, et qu'il avait trouvé au moment 29 de sa démission un emploi chez un concurrent; qu'en ne s'expliquant pas sur ces éléments, la cour d'appel a privé sa décision de motifs au regard du texte susvisé ; Mais attendu que peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en œuvre par un supérieur hiérarchique dès lors qu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; des conditions de travail extrêmement difficiles se traduisant, en ce qui concerne M. X..., par la mise en cause sans motif de ses méthodes de travail notamment par des propos insultants et un dénigrement au moins à deux reprises en présence de collègues et ayant entraîné un état de stress majeur nécessitant un traitement et un suivi médical ; qu'ayant constaté que ces agissements répétés portaient atteinte aux droits et à la dignité du salarié et altéraient sa santé, elle a caractérisé un harcèlement moral de l'employeur lui rendant imputable la rupture du contrat de travail ; D'où il suit que le moyen, inopérant en sa seconde branche, n'est pas fondé pour le surplus ; Et attendu que la cour d'appel a relevé que le directeur de la société Socrec soumettait les vendeurs à un management par objectifs intensifs et à PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi Autre affaire, plus récente encore (Cass. soc., 22 septembre 2010, n° 09-41.495). Un salarié avait été débouté devant une cour d'appel au motif que ses conditions de travail, même à l'origine d'un état dépressif réactionnel diagnostiqué le 12 octobre 2006, ne caractérisaient pas en soi des agissements de harcèlement moral. La Cour de cassation casse cette décision. Elle constate, d’abord, que la salariée avait subi une dégradation de son état de santé consécutive aux conditions de travail, ensuite que l'employeur l’avait obligé à travailler sept jours sur sept, pendant près de deux ans, tout en lui adressant de nombreux mails et jusqu'à trente-trois mails par jour pour l'inviter à accélérer son rythme de travail. De tels faits étaient de nature à faire présumer l’existence d’un harcèlement moral. Cass. soc., 22 septembre 2010, n° 0941.495 Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Tns Secodip, société spécialisée dans la communication et l'étude de marchés , a conclu, le 13 février 2005, avec Mme X..., travailleur indépendant inscrite au répertoire national des entreprises sous l'enseigne «Rédac presse», une convention aux termes de laquelle celle-ci s'engageait à enregistrer sur cassettes les programmes télévisés régionaux de France 3 Languedoc-Roussillon et M6 Montpellier 30 et à réaliser des journaux d'écoute de certaines éditions ; qu'une nouvelle convention a été signée le 29 mai 2006 étendant l'enregistrement des plages horaires et la réalisation de journaux d'écoute à France 3 Midi-Pyrénées, M6 Toulouse et TLT ; que les relations contractuelles ayant pris fin le 31 décembre 2006, Mme X... a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes notamment aux fins de requalification des relations contractuelles en un contrat de travail, de rappel de salaire et de dommages-intérêts pour rupture sans cause réelle et sérieuse ; Sur le moyen unique du pourvoi principal de la société Tns Secodip : Attendu que la société Tns Secodip fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer diverses sommes, alors, selon le moyen : 1°/ que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné et que le travail au sein d'un service organisé peut constituer un indice lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exercice du travail ; que la cour d'appel qui n'a aucunement caractérisé l'appartenance de Mme X... à un service organisé, cette dernière exerçant son activité à son domicile en toute autonomie, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ; 2°/ que le lien de subordination suppose que l'employeur dispose du pouvoir de sanctionner le salarié ; que la cour d'appel qui n'a pas constaté que la société Tns disposait du pouvoir disciplinaire à l'égard de Mme X... a violé l'article L. 1221-1 du code du travail ; faisaient valoir que le fait que le contrat de Mme X... lui permettait de se faire remplacer par un tiers excluait tout lien de subordination a entaché sa décision d'un défaut de motifs et violé l'article 455 du code de procédure civile ; Mais attendu que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que le travail au sein d'un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail ; Et attendu que la cour d'appel, analysant les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, a constaté que Mme X... ne disposait pas d'une totale liberté dans son travail puisqu'elle devait respecter des consignes précises contenues dans une charte du correspondant, que ses résumés étaient contrôlés par la société qui lui faisait des remarques pour lui demander de procéder à des rectifications, que si elle exerçait son activité de correspondant à son domicile, des horaires de travail lui étaient toutefois imposés, que le matériel nécessaire au travail lui était fourni, que sa rémunération résultait d'une grille tarifaire définie par la société , qu'enfin, elle n'avait pas la possibilité de se faire remplacer ; qu'en l'état de ces constatations, elle a pu en déduire, sans encourir les griefs du moyen, l'existence d'un contrat de travail ; Mais sur le premier moyen du pourvoi incident de Mme X... pris en ses troisième et quatrième branches, qui né de l'arrêt est recevable : Vu l'article R. 3243-3 du code du travail ; 3°/ que le contrat de travail est un contrat intuitu personae ; que la cour d'appel qui n'a pas répondu aux conclusions d'appel de la société Tns qui Attendu que l'arrêt limite à la somme de 11 035,56 euros le rappel de salaire dû à 31 Mme X... et à la somme de 3817,67 euros celle due au titre des congés payés ; Qu'en se déterminant ainsi, sans tenir compte des charges sociales supportées par l'intéressée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé ; Et sur le second moyen du pourvoi incident : Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ; Attendu que peuvent constituer un harcèlement moral des agissements ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; Attendu que pour débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts à titre de harcèlement moral , la cour d'appel a retenu que les conditions de travail subies par Mme X..., même à l'origine d'un état dépressif réactionnel diagnostiqué le 12 octobre 2006, ne caractérisent pas en soi des agissements de harcèlement moral ; Qu'en se déterminant ainsi, après avoir constaté l'altération de l'état de santé consécutive aux conditions de travail subies par la salariée, alors que Mme X... faisait valoir que l'employeur l'obligeait à travailler sept jours sur sept, pendant près de deux ans, tout en lui adressant de nombreux mails et jusqu'à trente-trois mails par jour pour l'inviter à accélérer son rythme de travail, la cour d'appel, qui devait rechercher si de tels agissements étaient établis et, dans l'affirmative, s'ils étaient de nature à faire présumer un harcèlement moral au sens des textes précités, n'a pas donné de base légale à sa décision ; PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les première et deuxième branches du premier moyen du pourvoi incident : CASSE ET ANNULE, Pour résumer. Les méthodes de management et de gestion du personnel mises en œuvre dans l’entreprise peuvent constituer des agissements répétés. Cette interprétation est entièrement logique puisque, comme le dispose l’article L. 1152-1 du code du travail, ces agissements ont pour « objet ou pour effet » une dégradation des conditions de travail. Si une atteinte à la dignité ou à la santé physique ou mentale du salarié est constatée, tous les éléments du harcèlement moral sont réunis. 32 Chapitre 2 : La lutte contre les comportements de harcèlement moral Les sanctions du harcèlement sexuel, du harcèlement moral ou du harcèlement managérial sont rigoureusement identiques. Cependant, avant de sanctionner le harcèlement, différents mécanismes de prévention peuvent être mis en œuvre (section 1). Des instruments de lutte contre le harcèlement sont mis à la disposition des salariés et des représentants du personnel dans les entreprises (section 2). Si malgré la prévention et le contrôle le harcèlement se produit, diverses sanctions peuvent intervenir (section 3). Section 1 : La prévention du harcèlement moral La prévention du harcèlement repose essentiellement sur les épaules de l’employeur (§1). Malgré tout, différentes institutions représentatives du personnel peuvent également intervenir pour prévenir le harcèlement dans l’entreprise (§2). §1 : Le rôle de prévention de l’employeur En matière de harcèlement, l’employeur est tenu à une obligation générale de prévention (A) à laquelle s’ajoute l’obligation d’introduire dans le règlement intérieur des informations relatives au harcèlement (B). A – L’obligation générale de prévention C’est sur l’employeur que pèse principalement la charge juridique de mettre en place des mesures de prévention du harcèlement moral. Ces obligations de prévention sont matérialisées par les articles L. 1152-4 et L. 1153-5 du code du travail. C. trav., art. L. 4121-1 : «L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. 33 Ces mesures comprennent : 1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ; 2° Des actions d'information et de formation ; 3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes ». C. trav., art. L. 4121-2 : « L'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants : 1° Eviter les risques ; 2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ; 3° Combattre les risques à la source ; 4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ; 5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ; 6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ; 7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ; 8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ; 9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs. C. trav., art. L. 1152-4 : « L'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral ». C. trav., art. L. 1153-5 : « L’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement sexuel ». Quelles sont, en pratique, les dispositions que l’employeur doit prendre pour répondre à son obligation de prévention ? Le texte n’en dit rien. D’après la circulaire DRT n° 93-2 du 11 février 1993, « ces actions de prévention pourront notamment consister à organiser une formation des salariés de l’entreprise sur les dispositions légales applicables ». L’accord cadre européen sur le harcèlement moral et la violence au travail du 26 avril 2007 insiste également sur la sensibilisation et la formation des travailleurs et de leur encadrement. On peut cependant se demander si ces efforts d’information, voire de formation, suffisent à assouvir l’obligation de prévention à la charge de l’employeur. S’agissant du harcèlement managérial, les efforts de prévention sont encore balbutiants. L’accord national interprofessionnel du 24 novembre 2008 semble exiger des entreprises la mise en place de processus de prévention du stress au travail. 34 Ainsi, dès qu’un problème de stress au travail est identifié, une action doit être entreprise pour le prévenir, l’éliminer ou, à défaut, le réduire. La responsabilité d’identifier les mesures appropriées incombe, selon l’accord, à l’employeur en association avec les institutions représentatives du personnel qui lui apportent leur soutien. La lutte contre les causes et les conséquences du stress peut être menée dans le cadre d’une procédure globale d’évaluation des risques, par une politique distincte en matière de stress, par des mesures spécifiques en cas d’identification d’un facteur de stress. L’accord insiste sur la nécessité de procéder à un examen régulier des mesures de lutte contre le stress. Le rôle du médecin du travail est réaffirmé ainsi que celui du CHSCT en la matière. Tout cela reste cependant assez flou et l’on peut raisonnablement se demander si l’accord comporte de véritables obligations pour l’employeur en la matière. La chambre sociale de la Cour de cassation a été beaucoup plus loin en matière de harcèlement moral, de violences psychologiques et de harcèlement sexuel. En effet, deux arrêts rendus au mois de février 2010 semble modifier l’obligation de sécurité de résultat à la charge de l’employeur et devrait avoir pour effet de renforcer le rôle de prévention de l’employeur. Dans l’une des affaires, une salariée avait été victime du harcèlement d’un chef d’établissement. Alerté par la salariée, l’employeur avait pris des mesures pour faire cesser le harcèlement. Il avait d’abord donné un avertissement au chef d’établissement. Puis il avait proposé à la salariée de la muter dans un autre établissement en application de sa clause de mobilité. Face au refus de la salariée (pour raisons familiales) de changer d’établissement, l’employeur avait finalement décidé de muter le chef d’établissement. Malgré ces mesures prises par l’employeur, la salariée avait pris acte de la rupture de son contrat de travail en estimant que l’employeur avait manqué à son obligation de sécurité de résultat. Contre toute attente, la chambre sociale accepte de considérer que la prise d’acte soit justifiée. En effet, avant cet arrêt, la Cour de cassation estimait que l’employeur n’avait pas manqué à son obligation de sécurité s’il avait pris les mesures nécessaires pour faire cesser l’atteinte à la sécurité du salarié. Dans ces arrêts, la chambre sociale décide qu’il y a manquement à l’obligation de sécurité quand bien même l’employeur aurait pris toutes les mesures nécessaires pour mettre fin à l’atteinte. Ce qu’il faut déduire de cet arrêt, c’est que désormais, l’employeur doit prévenir le harcèlement. Si le harcèlement intervient, il est trop tard, il aura manqué à son obligation de résultat. 35 Cass. soc., 3 février 2010, n° 08-40.144 Sur le moyen unique : Vu les articles L. 1231-1, L. 1232-1 et L. 4121-1 du code du travail ; Attendu, d'abord, que lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail, en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission ; Attendu, ensuite, que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette obligation lorsqu'un salarié est victime sur le lieu de travail de violences physiques ou morales, exercées par l'un ou l'autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris des mesures en vue de faire cesser ces agissements ; Attendu que Mme Vigoureux a été engagée le 1er août 1996 par la société Les Hôtels de Paris, occupant à compter de 1998 la fonction de responsable de la cafétéria de l'établissement Comfort Hôtel Villiers Etoile ; qu'à la suite d'un incident avec le directeur de l'établissement survenu le 19 août 2003, elle a été mutée dans un autre hôtel ; qu' elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 3 décembre 2003 en reprochant à son employeur sa situation personnelle particulièrement pénible en raison des consignes données au personnel de ne pas lui adresser la parole, le refus de l'employeur de reconnaître qu'elle avait été victime d'une agression constitutive d'un accident de travail, le non paiement de ses salaires depuis le mois d'août 2003, l'absence d'envoi de documents par l'employeur à la caisse de sécurité sociale et le harcèlement subi à son travail ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale d'une demande tendant à faire juger que la prise d'acte produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; Attendu que pour dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de la salariée produisait les effets d'une démission, l'arrêt retient notamment que l'employeur n'encourt une obligation de sécurité de résultat que dans l'hypothèse où, ne pouvant ignorer le danger auquel était exposé le salarié, il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; qu'en l'absence de tout précédent de son directeur, l'employeur était dans l'incapacité absolue de prévenir l'altercation du 19 août ; qu'ayant connaissance des faits, à tout le moins de l'emportement du directeur de l'hôtel, qui a toujours contesté les actes de violence, commis en l'absence de tout témoin, la société Les Hôtels de Paris a délivré à ce salarié un avertissement, puis, pour prévenir tout nouvel incident, muté la salariée dans l'établissement Péreire, comme l'autorisait son contrat de travail ; que devant les réserves encore émises par la salariée pour des raisons familiales, elle déplaçait le directeur à la résidence Monceau Etoile ; que dans ces conditions, ayant pris la mesure de la difficulté, la société a adopté l'attitude d'un employeur responsable pour prévenir tout nouveau conflit entre les antagonistes et qu'aucun reproche ne saurait lui être adressé de ce chef ; Qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE 36 Cass. soc., 3 février 2010, n° 08-44.019 Sur le moyen unique : Vu les articles L. 1152-1, L. 1152-4 et L. 4121-1 du code du travail ; Attendu, d'abord, que lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission ; Attendu, ensuite, que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette obligation, lorsqu'un salarié est victime sur le lieu de travail d'agissements de harcèlement moral ou sexuel exercés par l'un ou l'autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris des mesures en vue de faire cesser ces agissements ; Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Margotin, engagée par la société Stratorg, le 17 décembre 2002, a pris acte de la rupture de son contrat de travail, le 31 mars 2005, reprochant à l'employeur de n'avoir pas pris ses responsabilités pour la protéger de harcèlements moral puis sexuel qu'elle subissait du fait de M. Pizaferri, directeur associé ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale pour voir juger que la rupture produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et demander le paiement de diverses sommes ; Attendu que pour dire que la rupture du contrat de travail à l'initiative de Mme Margotin devait produire les effets d'une démission et la débouter en conséquence de l'ensemble de ses demandes, l'arrêt retient que, le 31 mars 2005, la salariée a pris acte de la rupture de son contrat de travail, que, d'une part, la rencontre qui s'est produite le 17 mars 2005 entre Mme Margotin et M. Pizaferri au sein de la société Stratorg est purement fortuite, que, d'autre part, dès le moment où l'employeur a eu connaissance de la teneur des écrits adressés par M. Pizzaferri à Mme Margotin et de la " détresse ", selon ses propres expressions qui en résultait pour celle-ci, il a mis en oeuvre des mesures conservatrices et protectrices destinées à permettre à la salariée de poursuivre son activité professionnelle au sein de la société en toute sérénité et sécurité, que le reproche fait par la salariée à l'employeur de n'avoir pas sanctionné M. Pizaferri au mépris des dispositions de l'article L. 1152-5 du code du travail ne peut être retenu, M. Pizzaferri ayant démissionné de lui-même et quitté la société, que les mesures prises par l'employeur étaient adaptées à la situation ; Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE B – La prévention par le biais du règlement intérieur A cette obligation générale de prévention, le code du travail ajoute une obligation d’information du personnel sur les règles relatives au harcèlement au travail. Cette 37 information a vocation à prévenir les salariés de l’entreprise des conséquences d’un harcèlement afin que les supérieurs hiérarchiques s’abstiennent de tout agissement de harcèlement. Cette disposition du règlement intérieur est établie par l’article L. 1321-2 du code du travail. C. trav., art. L. 1321-2 : « Le règlement intérieur rappelle : 1° Les dispositions relatives aux droits de la défense des salariés définis aux articles L. 1332-1 à L. 1332-3 ou par la convention collective applicable ; 2° Les dispositions relatives aux harcèlem ents moral et sexuel prévues par le présent code ». Cette information est cependant très insuffisante, cela pour plusieurs raisons. D’abord parce que la mise en place d’un règlement intérieur n’est obligatoire que pour les entreprises d’au moins vingt salariés. Ensuite, et surtout, parce que ce texte ne paraît pas se conformer aux obligations du droit communautaire en la matière. En effet, un code de pratique annexé à la recommandation n° 92/131/CEE du 27 novembre 1991 impose de communiquer une « déclaration de principe à l’ensemble des salariés ». De la même manière, l’accord cadre européen sur le harcèlement moral et la violence au travail signé le 26 avril 2007 invite également les entreprises à spécifier clairement que le harcèlement et la violence ne sont pas tolérés. On peut véritablement douter que l’information par le biais du règlement intérieur soit suffisante pour se conformer aux règles communautaires en la matière. Outre le rôle logiquement attribué à l’employeur en matière de lutte contre le harcèlement au travail, une mission de prévention peut également être assumée par les représentants du personnel au sens large. 38 §2 : Le rôle de prévention représentatives du personnel des institutions A - Le comité d’entreprise et les délégués du personnel Le comité d’entreprise pourra intervenir à l’occasion de l’adoption du règlement intérieur puisqu’il est nécessairement consulté lorsque l’employeur élabore ce règlement. S’il n’existe pas de comité d’entreprise, ce sont les délégués du personnel qui seront consulté au sujet de l’adoption ou d’une modification du règlement intérieur. C. trav., art. L. 1321-4 : « Le règlement intérieur ne peut être introduit qu’après avoir été soumis à l’avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel ainsi que, pour les matières relevant de sa compétence, à l’avis du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. (… ) Ces dispositions s’appliquent également en cas de modification ou de retrait des clauses du règlement intérieur ». Le comité d’entreprise peut-il prendre l’initiative de mettre en place des actions de nature à permettre la prévention du harcèlement moral (par ex., la création de cellules d’accueil, d’écoute et de conseil des salariés en situation de souffrance, animées par des psychologues, des médecins ou des juristes) et de les financer sur son budget « activités sociales et culturelles », ou revendiquer la gestion, au titre des activités sociales et culturelles, d’actions de prévention mises en place par l’employeur ? De telles actions peuvent, à n’en point douter, être rattachées à l’amélioration des conditions de bien-être visée par l’article R. 232320 du code du travail et plus largement, à « l’amélioration des conditions collectives d’emploi, de travail et de vie du personnel » au sein de l’entreprise, qui caractérise la notion d’activité sociale et culturelle. Cependant, toute réalisation sociale incombant légalement à l’employeur échappe normalement à la gestion du comité d’entreprise. Or, la prévention du harcèlement est une obligation incombant à l’employeur, il n’est donc pas certain que de telles mesures puissent être adoptées par le comité. Bien entendu, les délégués du personnel peuvent eux aussi faire un certain nombre de remarques à l’employeur dans le cadre de leur pouvoir classique de réclamation. Ces observations peuvent évidemment porter sur les risques de harcèlement dans l’entreprise et seront présentées à l’occasion des réunions mensuelles prévues par l’article L. 2315-8 du code du travail. 39 B – Le CHSCT Le CHSCT joue aujourd’hui un rôle central en matière de prévention et de protection de la santé des travailleurs. L’article L. 4612-1 du code du travail donne pour mission au CHSCT de contribuer à la protection de la santé « physique et mentale » et de la sécurité des salariés de l’établissement et de ceux mis à sa disposition par une entreprise extérieure. Dans ce cadre, il procède à l’analyse des risques professionnels auxquels peuvent être exposés les salariés de l’établissement, ainsi qu’à l’analyse des conditions de travail ; il contribue à la promotion de la prévention des risques professionnels dans l’établissement, et suscite toute initiative qu’il estime utile dans cette perspective. Il peut notamment proposer, à cet effet, des actions de prévention du harcèlement moral. Le refus de l’employeur doit être motivé. Le CHSCT doit également être consulté lors de l’introduction dans le règlement intérieur de dispositions relatives au harcèlement moral, ce dernier sujet faisant bien partie « des matières relevant de sa compétence ». C. trav., art. L. 4612-1 : « Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail a pour mission : 1° De contribuer à la protection de la santé physique et m entale et de la sécurité des travailleurs de l'établissem ent et de ceux mis à sa disposition par une entreprise extérieure ; 2° De contribuer à l'am élioration des conditions de travail , notamment en vue de faciliter l'accès des femmes à tous les emplois et de répondre aux problèmes liés à la maternité ; 3° De veiller à l'observation des prescriptions légales prises en ces matières ». C. trav., art. L. 4612-3 : « Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail contribue à la promotion de la prévention des risques professionnels dans l'établissement et suscite toute initiative qu'il estime utile dans cette perspective. Il peut proposer notamm ent des actions de prévention du harcèlem ent moral et du harcèlem ent sexuel. Le refus de l'em ployeur est motivé ». C. trav., art. L. 1321-4 : « Le règlem ent intérieur ne peut être introduit qu'après avoir été soumis à l'avis du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel ainsi que, pour les m atières relevant de sa com pétence, à l'avis du com ité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ». 40 Rappelons en outre que le CHSCT dispose du pouvoir de recourir à un expert agréé en application de l’article L. 4614-12 du code du travail. Le texte habilite le CHSCT à recourir à une expertise, dont la charge incombe à l’employeur, lorsqu’un risque grave est constaté dans l’établissement ou en cas de projet important modifiant les conditions d’hygiène et de sécurité ou les conditions de travail. Dans les situations de stress généralisé, de harcèlement managérial, le recours par le CHSCT à une telle expertise pour évaluer les risques encourus par les salariés du fait des conditions d’organisation du travail et de gestion managériale est tout à fait envisageable. Le recours à l’expertise est peut-être plus délicat en cas de faits isolés de harcèlement contre un ou une salariée car il est plus difficile de considérer que les conditions de travail, d’hygiène ou de sécurité des salariés dans l’établissement sont altérés de manière générale. Cependant, si une situation de harcèlement s’est produite une fois, il n’est pas de raison qu’elle ne se reproduise pas si bien que le recours à l’expertise pourrait malgré tout être justifié. C. trav., art. L. 4614-12 : « Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail peut faire appel à un expert agréé : 1° Lorsqu'un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l'établissement ; 2° En cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, prévu à l'article L. 46128 ». Si, malgré la mise en place de mécanismes de prévention, le harcèlement survient, différents moyens de lutte contre cette situation ont été institués par le droit du travail. Section 2 : La lutte contre le harcèlement La lutte contre le harcèlement intervient par le biais de différents moyens d’action (§1) même s’il faut déplorer que le système de preuve attaché au harcèlement reste le tendon d’Achille de la protection (§2). 41 §1 : Les moyens d’action contre le harcèlement Parmi les différents moyens d’action contre le harcèlement, on trouve d’abord l’existence de différents droits d’alerte (A), une intervention potentielle du médecin du travail (B) et, enfin, un rôle essentiel des syndicats (C). A – Les droits d’alerte Le premier droit d’alerte est celui conféré aux délégués du personnel qui disposent d’un rôle extrêmement important, mais encore trop méconnu, en cas d’atteinte aux libertés ou à la santé des salariés dans l’entreprise. Ce droit d’alerte est prévu par l’article L. 2313-2 du code du travail : C. trav., art. L. 2313-2 : « Si un délégué du personnel constate, notamment par l'intermédiaire d'un salarié, qu'il existe une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l'entreprise qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnée au but recherché, il en saisit immédiatement l'employeur. Cette atteinte peut notamment résulter de faits de harcèlement sexuel ou moral ou de toute mesure discriminatoire en matière d'embauche, de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de classification, de qualification, de promotion professionnelle, de mutation, de renouvellement de contrat, de sanction ou de licenciement. L'employeur procède sans délai à une enquête avec le délégué et prend les dispositions nécessaires pour remédier à cette situation. En cas de carence de l'employeur ou de divergence sur la réalité de cette atteinte, et à défaut de solution trouvée avec l'employeur, le salarié, ou le délégué si le salarié intéressé averti par écrit ne s'y oppose pas, saisit le bureau de jugement du conseil de prud'hommes qui statue selon la forme des référés. Le juge peut ordonner toutes mesures propres à faire cesser cette atteinte et assortir sa décision d'une astreinte qui sera liquidée au profit du Trésor. ». Ce texte est très important. En cas d’atteinte à la santé physique ou mentale d’un salarié, ce qui est le cas dans la majeure partie des hypothèses de harcèlement, les délégués du personnel peuvent interpeler l’employeur qui doit procéder à une enquête pour mettre fin à la situation de harcèlement. Si l’employeur reste inactif ou juge que l’alerte lancée par les délégués du personnel est injustifiée, les délégués du personnel pourront saisir le bureau de jugement du conseil de prud’hommes qui statuera en la forme des référés et pourra ordonner toute mesure pour faire cesser l’atteinte, si nécessaire sous astreinte. 42 Un deuxième droit d’alerte est ouvert cette fois au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail par l’article L. 4131-2 du code du travail. C. trav., art. L. 4131-2 : « Le représentant du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, qui constate qu'il existe une cause de danger grave et imminent, notamment par l'intermédiaire d'un travailleur, en alerte immédiatement l'employeur selon la procédure prévue au premier alinéa de l'article L. 4132-2 ». C. trav., art. L. 4132-2 : « Lorsque le représentant du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail alerte l'employeur en application de l'article L. 4131-2, il consigne son avis par écrit dans des conditions déterminées par voie réglementaire. L'employeur procède immédiatement à une enquête avec le représentant du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail qui lui a signalé le danger et prend les dispositions nécessaires pour y remédier ». La procédure d’alerte peut être déclenchée, selon le texte, en cas de danger grave et imminent pour la vie ou la santé des salariés. Un processus harcelant peut, à l’évidence, être à l’origine d’un tel danger. Enfin, l’alerte peut être donnée par un salarié de l’entreprise sans le soutien des institutions représentatives du personnel. D’abord, les salariés de l’entreprise sont autorisés à dénoncer ou signaler des faits de harcèlement dans l’entreprise, que ce soit pour le harcèlement moral ou le harcèlement sexuel. En effet, les articles L. 1152-2 et L. 1153-3 du code du travail protègent le salarié qui témoigne ou qui relate des faits de harcèlement : C. trav., art. L. 1152-2 : « Aucun salarié ne peut être sanctionné , licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir tém oigné de tels agissem ents ou les avoir relatés ». C. trav., art. L. 1153-3 : « Aucun salarié ne peut être sanctionné , licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire pour avoir tém oigné des agissem ents de harcèlem ent sexuel ou pour les avoir relatés ». 43 Une telle dénonciation peut intervenir aussi bien en interne auprès d’un supérieur hiérarchique ou de l’employeur directement qu’en externe auprès de l’inspection du travail, des autorités judiciaires ou du Procureur de la République. Une limite a tout de même été posée par la Cour de cassation : il ne faut pas que le salarié qui dénonce les faits de harcèlement soit de mauvaise foi. Cependant, la mauvaise foi n’est pas démontrée par le seul fait que les faits dénoncés ne sont pas établis (Cass. soc., 10 mars 2009, n° 07-44.092 et Cass. soc., 31 mars 2010, n° 07-44.675). Cass. soc., 10 mars 2009, n° 07-44.092 Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 20 janvier 2004, en qualité de chef d'équipe, par la société entreprise dijonnaise de Bourgogne ; que par courrier du 5 mai 2004, le salarié s'est plaint auprès de son employeur de divers "faits illégaux" tenant notamment au défaut de respect d'une promesse de promotion, au paiement des heures supplémentaires sous forme de primes exceptionnelles, à la variation du taux horaire, à la présentation d'accidents de travail comme des situations de maladies et à des agissements de harcèlement moral imputés à un supérieur hiérarchique ; qu'à la suite de ce courrier, il a été licencié pour faute grave par lettre du 3 juin 2004 ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes en contestation de son licenciement et en paiement d'indemnités, de rappels de salaires et d'heures supplémentaires ; Sur le moyen relevé d'office après l'avertissement prévu à l'article 1015 du code de procédure civile : Vu les articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail ; Attendu qu'aux termes du premier de ces textes aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés ; que selon le second, toute rupture de contrat de travail intervenue en méconnaissance des articles L. 1152-1 et L. 1152-2 du code du travail, toute disposition ou tout acte contraire est nul ; qu'il s'en déduit que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis ; Attendu que pour décider que le licenciement de M. X... reposait sur une cause réelle et sérieuse et le débouter de sa demande de dommages-intérêts pour rupture abusive, l'arrêt retient que le fait pour un salarié d'imputer à son employeur, après en avoir averti l'inspection du travail, des irrégularités graves dont la réalité n'est pas établie, et de reprocher des faits de harcèlement à un supérieur hiérarchique 44 sans les prouver, caractérise un abus dans l'exercice de la liberté d'expression et constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement ; à lui seul la nullité de plein droit du licenciement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; (…) Qu'en statuant ainsi, alors que le grief tiré de la relation des agissements de harcèlement moral par le salarié, dont la mauvaise foi n'était pas alléguée, emportait Cass. soc., 31 mars 2010, n° 07-44.675 Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Beninel engagée le 2 juillet 1990 en qualité de clerc de notaire par la société Millet et Montazeaud (la société) a été licenciée pour faute le 9 juin 2005 ; Sur le troisième moyen : Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ; Sur le deuxième moyen : Attendu que Mme Beninel fait grief à l'arrêt de la débouter de l'ensemble de ses demandes, alors, selon le moyen : 1°/ qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que l'exposante avait notamment fait valoir, en assortissant ses moyens d'offre de preuves, que PAR CES MOTIFS CASSE ET ANNULE, l'employeur avait instauré une politique de surveillance systématique et de délation, qu'il avait pris un malin plaisir à exiger au dernier moment des travaux contraignants et encore qu'il avait cru bon de remettre en cause son hygiène corporelle ; qu'en retenant que "ces faits ne sont corroborés par aucun élément objectif" et partant que, "force est de constater que ces faits ne permettent pas de présumer l'existence d'un harcèlement moral", la cour d'appel a fait peser sur la salariée la charge exclusive de la preuve de la réalité des faits de harcèlement moral dont elle avait été victime en violation des articles L. 122-52 et L. 122-49 du code du travail, recodifiés aux articles L. 1154-1 et L. 1152-1, L. 1152-2, L. 1152-3 dudit code ; 2°/ qu'à l'issue de son congé parental le salarié retrouve son emploi précédent ou un emploi similaire avec une rémunération équivalente et a droit à bénéficier d'une action de formation professionnelle, notamment en cas de changements de technique ou de méthodes de travail ; que l'exposante avait fait valoir, au titre du harcèlement moral dont elle avait été victime, qu'à l'issue de son congé parental, elle avait été contrainte de travailler sur le site de l'Hay-les-Roses et s'était vu imposer, au terme d'un entretien d'évaluation, sous couvert d'une prétendue "incapacité à remplir des missions habituelles, obligation d'un effort important personnel de remise à niveau, nécessité de la reformer en urgence", de prendre en 45 charge notamment l'accueil téléphonique de l'annexe et ce alors même qu'avant son congé parental, elle occupait des fonctions de clerc de notaire première catégorie, correspondant à ses diplômes et comptait plus de onze ans d'ancienneté ; qu'ayant constaté que la salariée exerçait, avant son congé, les fonctions de clerc première catégorie, la cour d'appel qui, pour conclure que la salariée ne pouvait soutenir qu'en l'affectant au bureau annexe de l'Hay-les-Roses, sous le contrôle de Mme Leroy, clerc expérimenté, à la gestion de l'accueil téléphonique ainsi qu'à la gestion des dossiers en vue d'une remise à niveau, elle aurait subi une rétrogradation, se borne à constater "qu'il n'est pas contesté qu'après sa longue période d'absence une remise à niveau s'imposait étant précisé que depuis son départ plus d'une dizaine de réformes législatives sont intervenues justifiant cette remise à niveau", sans nullement rechercher ni préciser d'où il ressortait qu'au retour du congé parental de l'exposante son précédent emploi de clerc première catégorie n'était plus disponible ni, à défaut, si l'affectation au bureau annexe de l'Hay-les-Roses, à la gestion notamment de l'accueil téléphonique, était un emploi similaire à celui de clerc première catégorie qu'elle occupait précédemment, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-28-3 du code du travail, recodifié aux articles L. 1225-55 et L. 1225-59 dudit code, ensemble les articles L. 122-52 et L. 122-49 du code du travail, recodifiés aux articles L. 1154-1 et L. 1152-1, L. 1152-2, L. 1152-3 dudit code ; 3°/ que les juges du fond doivent apprécier dans leur ensemble les faits dénoncés par le salarié à titre de harcèlement moral et rechercher s'ils permettent de présumer l'existence d'un tel harcèlement ; que l'exposante, au titre du harcèlement moral dont elle avait été victime, avait fait valoir que deux jours après son retour de congé parental, elle avait fait l'objet d'une rétrogradation, étant contrainte de travailler sur le site de l'Hay- les-Roses et d'accepter une modification de ses fonctions consistant notamment à prendre en charge l'accueil téléphonique de l'étude alors même qu'elle comptait plus de treize ans d'ancienneté dans l'étude et avait occupé, antérieurement à son congé parental, les fonctions de "clerc de notaire première catégorie" correspondant à ses diplômes et ce, à la pleine satisfaction des précédents notaires, qu'elle avait fait l'objet, à son retour de congé parental, de "brimades quotidiennes" de la part de ses employeurs, caractérisées par l'obligation de pointer et de faire contrôler ses horaires de travail par d'autres salariés de l'étude, le refus opposé par l'employeur de lui donner un double des clés de l'étude, la contraignant ainsi à attendre le retour de ses collègues pendant la pause déjeuner, l'obligation qui lui avait été imposée, au décès d'un membre de sa famille proche, de fournir une copie intégrale de l'acte de décès pour être autorisée à se rendre aux obsèques, qu'elle avait été l'objet d'une politique de surveillance systématique et de délation par ses collègues de travail, l'obligation qui lui était faite d'effectuer, au dernier moment, des travaux la contraignant à travailler le week-end ou le soir pour les rendre et encore les remarques parfaitement déplacées qu'elle avait du subir de la part de son employeur quant à son hygiène corporelle, l'employeur l'ayant accusé de "sentir mauvais ou de ne pas changer régulièrement ses habits" ; qu'en n'appréciant pas, dans leur ensemble, les faits ainsi dénoncés par l'exposante afin de déterminer s'ils permettaient de présumer l'existence du harcèlement allégué, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-52 et L. 12249 du code du travail, recodifiés aux articles L. 1154-1 et L. 1152-1, L. 1152-2, L. 1152-3 dudit code ; 4°/ que les juges du fond sont tenus de tenir compte et d'apprécier l'ensemble des éléments et faits invoqués par la salariée tendant à démontrer l'existence du harcèlement moral dont elle était victime ; que l'exposante avait fait valoir que 46 lorsqu'elle avait subi un décès d'un membre de sa proche famille, elle avait été contrainte de fournir, devant les exigences de son employeur, une copie intégrale de l'acte de décès pour être autorisée à se rendre aux obsèques ; qu'en ne se prononçant pas sur ce fait, la cour d'appel qui n'a pas tenu compte de l'ensemble des éléments établis par la salariée n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur le point de savoir si les faits établis n'étaient pas de nature à faire présumer un harcèlement moral et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-52 et L. 122-49 du code du travail, recodifiés aux articles L. 1154-1 et L. 1152-1, L. 1152-2, L. 1152-3 dudit code ; Mais attendu que, sans inverser la charge de la preuve, la cour d'appel qui a retenu que les faits avancés par la salariée comme permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral n'étaient pas établis ou étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, ne pouvait prendre en considération le fait unique portant sur la demande de l'employeur de lui fournir une copie intégrale d'un acte de décès pour être autorisée à se rendre à des obsèques ; que le moyen n'est pas fondé ; Mais sur le premier moyen : Vu les articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail ; Attendu qu'aux termes du premier de ces textes aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés ; que selon le second, toute rupture de contrat de travail intervenue en méconnaissance des articles L. 1152-1 et L. 1152-2 du code du travail, toute disposition ou tout acte contraire est nul ; qu'il s'en déduit que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi , laquelle ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis ; Attendu que pour décider que le licenciement de Mme Beninel reposait sur une cause réelle et sérieuse et la débouter de ses demandes indemnitaires, l'arrêt retient que le fait pour la salariée d'avoir adressé à deux associations copie d'une lettre reprochant des agissements de harcèlement à son employeur portait atteinte à l'honneur de celui-ci ; Qu'en statuant ainsi, alors que le grief de la relation à deux associations des agissements de harcèlement moral dénoncés par la salariée, dont la mauvaise foi n'était pas alléguée, emportait à lui seul la nullité de plein droit du licenciement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres branches du moyen : CASSE ET ANNULE, Un salarié, victime de harcèlement moral, peut-il valablement se retirer de son poste de travail. On sait en effet que l’article L. 4131-1 du code du travail permet au salarié dans une 47 situation de danger d’exercer son droit de retrait, de cesser de travailler en raison du risque qu’encourt sa santé. C. trav., art. L. 4131-1 : « Le travailleur alerte immédiatement l'employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imm inent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu'il constate dans les systèmes de protection. Il peut se retirer d'une telle situation. L'employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d'une défectuosité du système de protection ». La difficulté est que ce texte ne vise pas spécialement la santé mentale du salarié et est généralement utilisé pour les hypothèses de danger immédiat sur la vie ou sur la sécurité physique des salariés. Le code du travail utilise régulièrement la formule « santé physique et mentale » lorsque le législateur a souhaité protéger tous les aspects de la santé du salarié. Malgré ces arguments, la santé du salarié est évidemment mise en jeu en cas de harcèlement puisque la définition même du harcèlement (notamment du harcèlement moral) implique une atteinte à la santé du travailleur. La possibilité d’utiliser le droit de retrait nous semble donc envisageable. Il faut cependant demeurer très prudent en la matière. En effet, la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que l’employeur peut opérer une retenue sur la rémunération d’un salarié qui a, de façon illégitime, invoqué son droit de retrait, sans qu’il soit nécessaire de saisir préalablement la juridiction prud’homale pour faire constater l’absence pour le salarié de motif raisonnable de penser que sa situation de travail présentait un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé (Cass. soc., 25 nov. 2008, n° 07-87.650). Cass. soc., 25 nov. 2008, n° 07-87.650 Sur le moyen unique de cassation, commun aux demandeurs, pris de la violation des articles L. 122-42, L. 152-15, L. 231-8, L. 231-8-1 et L. 231-9 du code du travail, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ; " en ce que l'arrêt infirmatif a relaxé Guy A... du chef d'instauration de sanction pécuniaire à l'encontre de salariés et, par 48 voie de conséquence, rejeté les demandes de dommages-intérêts des parties civiles ; " aux motifs qu'à la suite de difficultés rencontrées par la société Connex Nancy dans l'utilisation de bus fonctionnant au gaz, et notamment d'un incendie survenu au début du mois d'août 2005 sur l'un des bus à gaz, dont la presse s'est fait l'écho, le CHSCT a initié une procédure d'alerte pour danger grave et imminent, sur le fondement de l'article L. 231-9 du code du travail, et a saisi l'inspection du travail ; que, selon un courrier en date du 18 août 2005, l'inspection du travail a décidé que le recours à la procédure d'alerte pour danger grave et imminent était maintenu pour la série dite " Montbéliard ", mais qu'il était levé pour les véhicules Volvo au fur et à mesure de leur contrôle et de l'avis technique des services de la DRIRE ; que les réserves relatives aux bus à gaz GNV de type " Montbéliard " ont été levées par l'inspection du travail au fur et à mesure des contrôles et conclusions réalisés par le CETIM par décisions des 29 août, 8 septembre, 13 octobre et 7 novembre 2005 ; que la société Connex Nancy a dans ces conditions demandé aux conducteurs d'assurer leur service ; que Didier X..., Didier C..., Olivier Y... et Michel Z... ont toutefois refusé d'obtempérer, au cours de la période s'étendant de septembre à novembre 2005, en invoquant le droit de retrait individuel prévu à l'article L. 231-8 du code du travail, lequel texte dispose que « le salarié signale immédiatement à l'employeur ou à son représentant toute situation dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou pour sa santé » ; que l'article L. 231-8 du même code dispose qu'aucune sanction, aucune retenue sur salaire ne peut être prise à l'encontre d'un salarié qui s'est effectivement retiré d'une telle situation de travail ; qu'informée de la situation de Didier X... et Olivier Y..., qui avaient refusé d'assurer leur service sur les bus qui leur étaient affectés, lors de leur prise de service le samedi 3 septembre 2005 jusqu'à la fin de leur service, et avaient par conséquent été inoccupés pendant toute la journée, l'inspection du travail a, par courrier adressé à la société Connex Nancy, le 8 septembre 2005, donné raison aux intéressés, en énonçant que, même si les deux autobus en cause avaient fait l'objet d'une levée du droit d'alerte dans le cadre de l'article L. 231-9 du code du travail, tout salarié peut faire valoir un droit de retrait individuel au titre de l'article L. 231-8 du code du travail, s'il a un motif raisonnable de penser qu'une situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie et sa santé ; que ce courrier précisait que seuls les juges du fond ont compétence pour apprécier si l'exercice de ce droit est fondé ou non, dans l'hypothèse où l'employeur en conteste l'existence, et rappelait les dispositions de l'article L. 231-8-1 du code du travail ; qu'il ajoutait que c'est a posteriori, une fois établi l'exercice non fondé de ce droit qu'une sanction (non pécuniaire) peut éventuellement être prononcée ; que ce point de vue n'a pas été admis par la société Connex Nancy, qui a considéré que le droit de retrait opposé par Didier X... et Olivier Y..., et postérieurement par Michel Z... et Didier C..., n'était pas justifié, et a en conséquence opéré des retenues sur leurs salaires respectifs ; que, le 16 février 2006, l'inspection du travail a en définitive établi un procès-verbal, dans lequel elle énonce que sont contraires aux dispositions de l'article L. 231-8-1 du code du travail, les faits consistant pour un employeur à contester le bien-fondé d'un droit de retrait et à opérer immédiatement une retenue pour absence irrégulière, alors même qu'il prend acte que les conducteurs concernés se sont déclarés disponibles pour exercer leur métier sur un autre véhicule que celui incriminé et sans que ladite contestation ne fasse l'objet d'une saisine du juge ; que le rédacteur de ce procès-verbal concluait que, dans de telles conditions, les retenues opérées sur les salaires des conducteurs concernés ne sauraient trouver leur justification dans une absence irrégulière, et relèvent alors des sanctions pécuniaires prohibées par l'article L. 122-42 du code du travail, lequel texte est sanctionné par 49 l'article L. 152-1-5 du même code, qui dispose que « toute infraction aux dispositions de l'article L. 122-42 est punie d'une amende de 3. 750 euros, et, en cas de récidive, d'une amende de 7 500 euros » ; qu'à la suite de ce procès-verbal, Guy A... a été cité devant le tribunal de grande instance de Nancy, qui est entré en voie de condamnation à son encontre, par le jugement déféré ; (?) ; qu'en droit, il résulte de la jurisprudence interprétative de l'article L. 231-8 du code du travail, à laquelle se réfère l'inspection du travail, que l'employeur peut opérer une retenue sur salaire pour exercice non fondé du droit de retrait, une telle retenue ne constituant pas une sanction pécuniaire prohibée, mais la simple contrepartie de l'absence de fourniture de travail ; que, toutefois, aucune disposition légale ou réglementaire n'impose à l'employeur, préalablement à une retenue sur salaire opérée en raison de l'exercice non fondé du droit de retrait, de saisir le juge fond en vue d'apprécier la légitimité ou non de cet exercice ; qu'en l'occurrence, il est constant qu'à l'époque de l'exercice des droits de retraits individuels litigieux l'inspection du travail avait levé Ie recours à la procédure d'alerte pour danger grave et imminent pour les véhicules appartenant à la série dite " Montbéliard ", et avait levé les réserves concernant les bus articulés Volvo, d'où il suit que la société Connex Nancy pouvait légitimement demander aux conducteurs d'assurer leur service ; qu'il ne résulte pas du dossier qu'à l'époque de l'exercice de leur droit de retrait individuel, un motif raisonnable autorisait Didier X..., Olivier Y... et Michel Z..., à penser qu'en dépit de la levée du recours de la procédure d'alerte, décidée par l'inspection du travail, leur situation de travail présentait un danger grave et imminent pour leur vie ou leur santé ; qu'il suit de là que le droit de retrait individuel exercé par les intéressés était dépourvu de légitimité, et que l'employeur était fondé à pratiquer sur leurs salaires les retenues opérées ; " 1) alors que l'article L. 122-42 du code du travail interdit à l'employeur de pratiquer une retenue sur salaire pour sanctionner le refus du salarié d'exécuter certaines de ses tâches ; que le salarié, qui fait usage de son droit de retrait pour l'exercice de certaines tâches qu'il estime à tort dangereuses, mais reste à la disposition de l'employeur pour accomplir d'autres tâches sans abandonner son poste, ne peut dès lors voir sanctionner ce refus d'exécution par une retenue sur salaire ; qu'en retenant que les retenues sur salaire pratiquées par la société Connex, en raison du refus de Didier X..., Olivier Y... et Michel Z... d'assurer leur service sur les bus à gaz, ne constituaient pas une sanction pécuniaire interdite, quand elle constatait que les salariés étaient restés à la disposition de l'employeur, sans abandonner leur poste, et « se sont déclarés disponibles pour exercer leur métier sur un autre véhicule que celui incriminé », la cour d'appel a violé les textes susvisés ; " 2) alors subsidiairement que, selon l'article L. 231-8-1 du code du travail, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l'encontre d'un salarié qui s'est retiré d'une situation de travail dont il avait un motif raisonnable de penser qu'elle présentait un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ; que l'exercice de ce droit de retrait est contrôlé par le juge qui apprécie si le salarié a un motif raisonnable de se croire en danger ; que la société Connex ne pouvait dès lors pratiquer une retenue sur les salaires de Didier X..., Olivier Y... et Michel Z..., en raison de l'exercice de leur droit de retrait, sans avoir obtenu au préalable une décision du juge prud'homal constatant qu'ils n'avaient pas de motif raisonnable de se penser en danger lors de la conduite des bus à gaz ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ; Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure, qu'à la suite d'incendies survenus dans des autobus fonctionnant au gaz appartenant à la société Connex Nancy chargée du réseau des transports urbains, divers chauffeurs, dont les trois demandeurs au pourvoi, ont 50 exercé leur droit de retrait individuel ; que des retenues sur leur salaire ont été pratiquées par l'employeur ; que ce dernier a été cité directement par le procureur de la République devant le tribunal correctionnel, sur le fondement de l'article L. 122-42 devenu L. 1331-1 du code du travail, pour avoir opéré des sanctions pécuniaires interdites ; que le prévenu a été condamné et qu'il a été statué sur les intérêts civils ; l'absence de fourniture de travail, et aucune disposition n'imposant préalablement à l'employeur de saisir le juge ; Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision ; Qu'en effet, d'une part, lorsque les conditions du droit de retrait individuel ne sont pas réunies, le salarié s'expose à une retenue sur salaire, peu important qu'il reste à la disposition de l'employeur, que, d'autre part, l'employeur n'est pas tenu de saisir préalablement le juge sur l'appréciation du bien-fondé de l'exercice du droit de retrait par le salarié ; Attendu que, sur l'appel de toutes les parties et du ministère public, pour relaxer le prévenu et débouter les parties civiles de leurs demandes, l'arrêt retient qu'au moment de l'exercice du droit de retrait individuel par les chauffeurs, il n'existait pas de motif raisonnable permettant à ceux-ci de penser, qu'en dépit de la levée de la procédure d'alerte, leur situation de travail présentait un danger grave et imminent pour leur vie et leur santé ; que les juges ajoutent que l'employeur était fondé à opérer une retenue sur leur salaire celle-ci s'analysant en une contrepartie de D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ; REJETTE B – L’intervention du médecin du travail La mission de la médecine du travail est exclusivement préventive : le médecin du travail doit éviter toute altération de la santé des salariés du fait de leur travail en surveillant leurs conditions d’hygiène au travail, les risques auxquels ils sont soumis et leur état de santé. C. trav., art. L. 4622-3 : « Le rôle du médecin du travail est exclusivement préventif. Il consiste à éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail, notamment en surveillant leurs conditions d'hygiène au travail, les risques de contagion et leur état de santé ». Lorsque le médecin du travail constate qu’un salarié est soumis à des risques ou des menaces sur son état de santé, il dispose de la faculté de proposer des mesures de transformation de poste que l’employeur sera tenu de prendre en considération. Ces propositions peuvent intervenir y compris en cas d’altération de l’état de santé mentale du salarié, altération qui peut découler d’un harcèlement. 51 C. trav., art. L. 4624-1 : « Le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs. L'employeur est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite. En cas de difficulté ou de désaccord, l'employeur ou le salarié peut exercer un recours devant l'inspecteur du travail. Ce dernier prend sa décision après avis du médecin inspecteur du travail ». Pour le dire autrement, lors de la visite médicale, qu’il s’agisse d’une visite d’embauche, d’une visite périodique ou d’une visite de reprise, le médecin du travail peut préconiser des transformations ou des aménagements du poste de travail du salarié lorsqu’il constate que l’état de santé du salarié est altéré en raison d’un harcèlement. Si de tels aménagements s’avèrent impossibles, l’employeur pourra refuser d’y procéder, mais à la condition de justifier l’empêchement qui le contraint à ne pas donner suite aux propositions du médecin. Le texte ne dit pas à qui cette justification doit être donnée. On peut cependant estimer qu’il soit nécessaire que l’employeur donne cette justification tant au salarié qu’au médecin du travail (sur cette obligation, v. par ex. Cass. soc., 28 janv. 2004, n° 01-46.913). Cass. soc., 28 janv. 2004, n° 01-46.913 Attendu que M. de X... Y..., engagé le 30 janvier 1989 en qualité de découpeur de films par la société Signaux Girod, a été victime d'un accident du travail le 26 mai 1995 suivi d'une rechute le premier juillet 1998 ; que le médecin du travail, par avis des 10 juillet et 18 août 1998, a déclaré le salarié inapte à son poste de travail et a formulé des réserves quant aux postes de reclassement à lui proposer ; que l'inspecteur du travail, saisi par le salarié, a confirmé le 11 septembre 1998 l' inaptitude et a préconisé un reclassement sur un poste aménagé pouvant bénéficier de l'aide de l'AGEFIPH à condition que le salarié demande la reconnaissance de travailleur handicapé auprès de la Cotorep et que l'entreprise sollicite cette aide ; que le salarié a été licencié le 24 septembre 1998 pour inaptitude physique et impossibilité du reclassement ; que le salarié, reconnu travailleur handicapé le 6 octobre 1998, a saisi la juridiction prud'homale ; Sur le premier moyen : vu les articles L. 122-32-5 et L. 241-101 du Code du travail ; Attendu que, selon le premier de ces textes, si le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre, à 52 l'issue des périodes de suspension, l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise et après avis des délégués du personnel, un autre emploi approprié à ses capacités et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail ; que selon l'alinéa 3 du même texte, les transformations de postes peuvent donner lieu à attribution d'une aide financière de l'Etat dans les conditions fixées au dernier alinéa de l'article L. 323-9 du Code du travail ; que selon l'article L. 241-10-1 du Code du travail, le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs ; le chef d'entreprise est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il soit donné suite ; en cas de difficulté ou de désaccord, la décision est prise par l'inspecteur du travail après avis du médecin- inspecteur du travail ; Attendu que pour décider que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a retenu, d'une part, que les réserves émises par le médecin du travail avaient rendu le reclassement du salarié impossible malgré les recherches effectuées par l'employeur tant dans son entreprise que dans ses filiales, et, d'autre part, que l'employeur n'avait pas à subordonner sa décision de licencier à une autorisation préalable de l'inspecteur du travail et que la saisine de ce dernier n'avait pas suspendu le délai d'un mois imparti pour procéder au licenciement en cas d'impossibilité du reclassement ; Attendu, cependant, que si l'exercice du recours prévu à l'article L. 241-10-1 du Code du travail ne subordonne pas le licenciement du salarié à une autorisation préalable de l'inspecteur du travail et ne suspend pas le délai d'un mois imparti à l'employeur pour procéder au licenciement du salarié déclaré par le médecin du travail inapte à son emploi, il résulte des constatations de l'arrêt que l'employeur a procédé de façon prématurée au licenciement sans prendre en considération la possibilité retenue par l'inspecteur du travail, saisi en raison de la contestation élevée par le salarié, de reclasser ce dernier sur un poste aménagé moyennant une aide financière qu'il lui appartenait de solliciter ; Qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ; Sur le second moyen : Vu l'article L. 212-5-1 du Code du travail ; Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts au titre des repos compensateurs, l'arrêt infirmatif de ce chef énonce que les premiers juges ont accordé au salarié sur ses seules allégations une somme au titre des repos compensateurs en estimant que l'employeur s'était soustrait à la législation relative aux repos compensateurs mais que le salarié ne justifie par aucune pièce ni par une quelconque démonstration qu'il a subi un préjudice réparable ; Qu'en statuant ainsi, alors que lorsque l'employeur se soustrait à la législation relative aux repos compensateurs, le salarié subit nécessairement un préjudice, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE 53 S’il existe un désaccord entre l’employeur et le salarié sur la possibilité d’adapter un poste dans l’entreprise à l’état de santé du salarié, l’un comme l’autre peuvent saisir l’inspecteur du travail afin que celui-ci prenne une décision après avoir consulté le médecin du travail. Il s’agit donc d’une véritable obligation pour l’employeur d’adapter le poste du travail du salarié à son état de santé. Si l’employeur ne procède pas à un tel aménagement alors qu’il en avait la possibilité, l’éventuel licenciement qui sera ultérieurement prononcé contre le salarié sera dépourvu de cause réelle et sérieuse, la Cour de cassation jugeant dans une telle hypothèse que le manquement de l’employeur à cette obligation d’adaptation s’apparente à un manquement à l’obligation de reclassement qui intervient dans le cadre du licenciement pour inaptitude. C – L’action de syndicats Souvent particulièrement fragile en raison des pratiques harcelantes dont il a été, ou continue à être, la victime, le salarié n’a pas toujours la force physique et mentale, ou simplement l’envie, d’engager une procédure judiciaire. C’est pour cette raison qu’il a été institué dans ce domaine une action en substitution en faveur des syndicats représentatifs, qu’il s’agisse de harcèlement moral ou de harcèlement sexuel. C. trav., art. L. 1154-2 : « Les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise peuvent exercer en justice toutes les actions résultant des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4. Elles peuvent exercer ces actions en faveur d'un salarié de l'entreprise dans les conditions prévues par l'article L. 1154-1, sous réserve de justifier d'un accord écrit de l'intéressé. L'intéressé peut toujours intervenir à l'instance engagée par le syndicat et y mettre fin à tout moment ». Les règles de preuve imposées au syndicat sont les mêmes que celles imposées par l’article L. 1154-1 au salarié qui agit seul et sont donc plus favorables que les règles de droit commun. L’accord écrit du salarié est nécessaire pour que l’action en substitution puisse intervenir, ce qui n’est pas toujours le cas d’autres actions en substitution pour lesquelles il suffit que le salarié, informé de l’action syndicale, ne s’y oppose pas. Ici, on veut être certain que le salarié souhaite qu’une action soit engagée. 54 En revanche, contrairement à ce qui existe en matière de discrimination, il n’est pas possible qu’une association de défense des victimes de harcèlement puisse se substituer à l’action du salarié. Sur l’action en substitution en matière de discrimination ouverte aux association de lutte contre les discriminations, v. C. trav., art. L. 1134-3. Outre cette action en substitution, les syndicats disposent également de leur traditionnel droit d’action pour la défense des intérêts collectifs de la profession. La difficulté de cette action tient à ce qu’elle ne peut être employée pour défendre l’intérêt particulier d’un salarié. Il faut une atteinte globale aux intérêts de l’ensemble de la profession. C. trav., art. L. 2132-3 : « Les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent ». L’atteinte sera caractérisée lorsqu’il s’agira d’une situation de harcèlement moral collectif sous la forme d’un harcèlement managérial. Dans ce cas de figure en effet, il n’est pas question de défendre un salarié en particulier, mais les salariés de la profession dans une entreprise déterminée qui subissent des conditions de travail stressantes. La question est plus délicate lorsqu’il s’agit d’un harcèlement individuel, moral ou sexuel. Dans un cas de harcèlement sexuel concernant une seule salariée, la chambre criminelle de la Cour de cassation a semblé refuser l’action des syndicats en défense des intérêts de la profession (Cass. crim., 23 janv. 2002, n° 01-83.559). Il n’en demeure pas moins qu’un harcèlement peut constituer une atteinte à la dignité d’un salarié et que toute atteinte à la dignité des travailleurs nous semble constituer un intérêt légitime à l’intervention des syndicats. Cass. crim., 23 janv. 2002, n° 01-83.559 Vu l'article 575, alinéa 2, du Code de procédure pénale ; Vu le mémoire produit ; Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 411-11 du Code du travail, 222-33 du Code pénal, 2, 3 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale : " en ce que l'arrêt attaqué a déclaré un syndicat, le syndicat X..., irrecevable en sa constitution de partie civile dans une action 55 relative à des faits de viols et de harcèlement sexuel ; " aux motifs que, par ordonnance du 31 juillet 2000 dont appel, le juge d'instruction a déclaré irrecevable la constitution de partie civile du syndicat X... dans une information ouverte des chefs de viols et harcèlement sexuel, sur plainte avec constitution de partie civile de Z... ; que le magistrat instructeur a motivé sa décision par le fait que le plaignant ne justifie d'aucun préjudice personnel et direct résultant des infractions en cause s'agissant des viols et du harcèlement sexuel, et qu'en outre, les faits visés n'entrent pas dans les prévisions de l'article L. 411-11 du Code du travail ; que l'information a été ouverte sur plainte avec constitution de partie civile de la victime des infractions dénoncées de viols et de harcèlement sexuel, à savoir Z... ; que l'intervention du syndicat demandeur, qui ne peut, en raison de la nature même des infractions, arguer d'un préjudice personnel et direct, ne pourrait être fondée que sur les dispositions de l'article L. 411-11 du Code du travail qui autorise les syndicats professionnels à "exercer tous les droits réservés à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent" ; que, contrairement à ce que soutient le syndicat demandeur, le fait que les agissements délictueux reprochés au mis en examen se soient produits dans le cadre du travail qu'accomplissait la victime au restaurant d'entreprise et qu'ils aient été commis par son supérieur hiérarchique ne suffit pas à caractériser, au sens de l'article L. 411-11 du Code du travail, une atteinte à l'intérêt collectif des salariés du secteur de l'Energie Chimie de l'Ile-de-France que représente le syndicat ; que celui-ci n'est pas davantage recevable à agir sur la base des articles L. 123-1, L. 123-6 et L. 122-46 du Code du travail également invoqués dans son mémoire qui visent les actions permises à un syndicat en cas de pratiques discriminatoires fondées notamment sur le sexe, mais qui ne l'autorisent pas à se constituer directement partie civile du chef du délit de harcèlement sexuel ; qu'il convient, en conséquence, de confirmer l'ordonnance d'irrecevabilité entreprise ; " alors que la violation de dispositions destinées à assurer la sécurité et la dignité des salariés dans leur emploi ainsi que la sécurité de leur emploi est de nature à causer un préjudice matériel et moral aux intérêts collectifs de la profession à laquelle ils appartiennent ; qu'ainsi, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ; Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que le syndicat X... s'est constitué partie civile, dans l'information ouverte des chefs de viols et harcèlement sexuel sur plainte avec constitution de partie civile de Z..., en faisant valoir que les faits auraient été perpétrés sur le lieu de travail de la victime et par son supérieur hiérarchique ; Attendu que, pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction déclarant irrecevable cette constitution de partie civile, la chambre de l'instruction relève, notamment, que les circonstances de la commission des faits dénoncés ne suffisent pas à caractériser une atteinte à l'intérêt collectif des salariés du secteur de l'Energie Chimie de l'Ile-de-France que représente le syndicat ; Attendu qu'en prononçant ainsi, les juges ont justifié leur décision ; Qu'en effet, si, aux termes de l'article L. 411-11 du Code du travail, les syndicats professionnels peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile, c'est à la condition que les faits déférés au juge portent par euxmêmes un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent ; Que, tel n'étant pas le cas en l'espèce, le moyen ne saurait être accueilli ; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ; REJETTE le pourvoi. 56 57 §2 : La preuve du harcèlement moral Le régime de la preuve du harcèlement est prévu à l’article L. 1154-1 du Code du travail et régit les faits de harcèlement moral et sexuel. Il s’inspire du régime de preuve établi par le code du travail en matière de discrimination (C. trav., art. L. 1134-1), lequel découle directement de règles de droit communautaire (Dir. n° 97/80/CE du Conseil du 15 déc. 1997 relative à la charge de la preuve dans le cas de discrimination fondée sur le sexe). La loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 avait érigé un régime de la preuve relativement favorable au salarié. En effet, celui-ci , n’avait qu’à invoquer des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement et l’employeur quant à lui devait démontrer que ses agissements étaient extérieurs à tout harcèlement et étaient justifiés par des motifs objectifs. Ainsi, l’article L. 122-52 en vigueur à cette époque était rédigé comme suit : Ancien article L. 122-52 du Code du travail : « En cas de litige relatif à l’application des articles L. 122-46 et L. 122-49, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ses agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles ». Mais la loi Fillon du 3 janvier 2003 (article 4) a réorienté le régime de la preuve du harcèlement en défaveur du salarié. Les salariés doivent établir les faits qui permettent de présumer (et non plus de laisser supposer ) l’existence d’un harcèlement. Il incombe ensuite à la partie défenderesse de prouver que ses agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. C. trav., art. L.1154-1 : «Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. 58 Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ». La recodification en 2008 n’a pas modifié l’esprit de la loi Fillon. On constate ici un recul dans le mécanisme de preuve qui est défavorable au salarié. Il faut en effet dans cette nouvelle mouture que le salarié établisse des faits et non des éléments de fait qui laissent présumer. Concrètement, comment cela se passe-t-il ? Le salarié doit démontrer l’existence de faits laissant présumer l’existence d’un harcèlement. Ces faits relèvent de deux domaines : • le salarié doit d’abord prouver qu’il existe dans l’entreprise des comportements qui peuvent être constitutifs de harcèlement moral. S’il s’agit d’un harcèlement moral classique, il faudra montrer l’existence de mesures vexatoires, d’humiliations, de brimades, de maltraitances physiques ou psychiques, de mise au placard, etc. S’il s’agit d’un harcèlement managérial, il faudra démontrer les conditions de stress et de pression auxquelles sont soumis les salariés. S’il s’agit de harcèlement sexuel, il faudra démontrer l’existence de propos ou de gestes déplacés, une recherche de faveurs sexuelles. • le salarié doit également prouver que ces agissements ont eu des conséquences sur son état de santé, ont constitué une atteinte à sa dignité ou compromettent son avenir professionnel. Dans la plus grande majorité des cas, c’est l’atteinte à la santé physique et surtout mentale (dépression) qui devra être démontrée. L’analyse des décisions de jurisprudence ayant admis le harcèlement démontre que c’est le plus souvent grâce à des attestations de collègues de travail que la preuve des faits laissant présumer un harcèlement est rapportée. Il peut également s’agir de témoignages de clients de l’entreprise, de salariés des fournisseurs ou des sous-traitants, de toute personne ayant pu à un moment où à un autre être en contact avec le salarié dans son milieu de travail. 59 En revanche, les attestations provenant de proches qui ne sont pas dans l’entreprise sont généralement écartées. Il en va de même des preuves que le salarié tente de se préconstituer : ainsi par exemple, les cours d’appel ne se contentent généralement pas de courriers que le salarié victime a adressés à son employeur. Tout au plus de tels courriers peuvent servir d’indices supplémentaires si d’autres éléments laissent déjà penser que les faits sont peut-être avérés. S’agissant de la preuve de l’état de santé altéré du salarié, c’est évidemment par le biais d’un certificat médical que cette preuve doit être apportée. Attention cependant : le médecin traitant ne dispose pas des moyens d’établir le lien entre le harcèlement et l’état de santé et doit donc être très prudent dans la rédaction de son certificat sous peine qu’il soit refusé d’en tenir compte devant le juge. En effet, le médecin n’est pas dans l’entreprise. Il peut attester de l’état de santé du salarié, mais il ne peut pas affirmer avec certitude (l’emploi du conditionnel est ici plus habile) que les faits de harcèlement ont existé. CA Montpellier, 21 juin 2006, no 05/02243 « Il n’appartient pas au médecin de se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral qu’il n’a pas lui-même constaté » Bien entendu, d’autres éléments peuvent être produits par le salarié : documents issus de constats de l’inspection du travail, compte rendus de réunions des DP ou du CHSCT évoquant des problèmes de harcèlement, existence d’autres cas de harcèlement dans l’entreprise pour lesquels l’employeur a ou n’a pas été condamné, amélioration subite de l’état de santé du salarié à partir du moment où il a quitté l’entreprise. Les modes de preuve sont relativement souples en la matière, tellement souples d’ailleurs que dans une affaire de harcèlement sexuel, la chambre sociale a accepté que la preuve des faits laissant supposer l’existence d’un harcèlement soit apportée par SMS. La Cour de cassation a pu admettre des preuves telles l’envoi de SMS. Cass. soc. 23 mai 2007 pourvoi n° 0643.209 Sur le premier moyen : Attendu que la SCP notariale fait grief à l'arrêt d'avoir décidé que le licenciement ne 60 reposait pas sur une faute grave, alors, selon le moyen, que commet une faute grave le salarié d'un office notarial qui abuse de ses fonctions, à des fins personnelles, au préjudice des clients de l'étude ; qu'en l'espèce, ayant constaté que la salariée, négociatrice immobilière chargée de commercialiser un terrain, avait proposé au vendeur de l'acheter pour son propre compte en déclarant faussement vouloir y établir son habitation, avait tenté dans le même temps de le revendre à un tiers à un prix très supérieur et avait ainsi utilisé son poste pour tenter de réaliser une opération à son seul profit contrairement à l'éthique de sa profession, la cour d'appel devait en dé-duire que le licenciement de cette salariée était justifié par une faute grave ; qu'en décidant au contraire que seule une cause réelle et sérieuse devait être retenue, elle n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi violé les articles L. 122-6, L. 122-8 et L. 122-9 du code du travail. Mais attendu que la cour d'appel, qui a retenu que le fait reproché à la salariée n'avait suscité aucune remarque de la part de l'employeur, a pu en déduire que son comportement n'empêchait pas son maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis et ne constituait pas une faute grave ; que le moyen n'est pas fondé ; Sur le second moyen : Attendu que la SCP notariale et M. Y... font grief à l'arrêt d'avoir déclaré établi le harcèlement sexuel de la salariée et de lui avoir alloué une somme à ce titre, alors selon le moyen : 1 / que l'enregistrement et la reconstitution d'une conversation ainsi que la retranscription de messages, lorsqu'ils sont effectués à l'insu de leur auteur, constituent des procédés déloyaux rendant irrecevables en justice les preuves ainsi obtenues; que, dès lors, en se fondant sur des messages téléphoniques d'août 1998 reconstitués et retranscrits par un huissier à l'insu de leur auteur et sur l'enregistrement d'un entretien d'avril 2000 effectué par la salariée sur une microcassette à l'insu de son employeur, la cour d'appel a violé les articles 9 du nouveau code de procédure civile et 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 2 / qu'en imposant à M. Y... de rapporter la preuve qu'il n'était pas l'auteur des messages envoyés à partir de son téléphone portable, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil ; 3 / que le juge ne peut statuer par voie de pure affirmation ; que, dès lors, en se fondant sur ce que les pressions de M. Y... s'étaient "traduites par un état dépressif de la salariée", "qu'à compter de la mi-juin elle a été informée qu'elle n'avait plus de bureau "et que le harcèlement avait eu des "conséquences sur les conditions de travail de la salariée et son état de santé", sans analyser ni même préciser les pièces dont elle déduisait ces affirmations, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau code de procédure civile ; Mais attendu que si l'enregistrement d'une conversation téléphonique privée, effectué à l'insu de l'auteur des propos invoqués, est un procédé déloyal rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue, il n'en est pas de même de l'utilisation par le destinataire des messages écrits téléphoniquement adressés, dits S.M.S., dont l'auteur ne peut ignorer qu'ils sont enregistrés par l'appareil récepteur ; Et attendu qu'abstraction faite du motif surabondant tiré de l'enregistrement d'une conversation téléphonique ultérieure, la cour d'appel a constaté, par une appréciation souveraine, que les messages écrits adressés téléphoniquement à la salariée le 24 août 1998 et les autres éléments de preuve soumis à son examen établissaient l'existence d'un harcèlement ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ; 61 Une fois cette preuve apportée, le défendeur, c’est-à-dire celui qui est soupçonné de harcèlement, pourra adopter deux postures pour se défendre : • il peut d’abord contester la réalité des faits invoqués par le salarié victime. C’est ici souvent que s’engage une bataille de témoignages et attestations diverses • il peut, ensuite, tenter de justifier les faits par des éléments objectifs. Par exemple, il a été jugé en 2008 que des faits vécus par un salarié comme du harcèlement étaient en réalité justifiés par la situation économique de l’entreprise… (Cass. soc., 24 sept. 2008, n° 06-43.504). Section 3 : Les différentes sanctions du harcèlement §1 : Le rôle de l’inspecteur du travail Tout salarié victime de harcèlement moral à la possibilité de saisir l’inspection du travail. Il peut, à ce titre, utiliser le modèle de lettre suivant : NOM ET Prénom Adresse Profession Date Monsieur l’inspecteur du travail Adresse Monsieur l’inspecteur, Je travaille dans l’entreprise… (dénomination et adresse) où j’occupe l’emploi de… (indiquer l’emploi occupé et votre qualification professionnelle) depuis le … (date). Je voudrais attirer votre attention sur un certain nombre de faits dont je suis personnellement victime dans mon entreprise. Depuis quelques temps, mes supérieurs hiérarchiques ont à mon égard (ajouter le cas échéant « et à l’égard d’autres salariés de mon 62 entreprise ou de mon département ») un comportement que j’estime portant atteinte à ma dignité de salarié. En effet, ceux-ci se livrent à… (indiquer précisément les brimades dont vous estimez être victime comme, par exemple, des réflexions qui s’apparentent à des menaces sur votre devenir dans l’entreprise ou à une dévalorisation de votre travail, méthodes d’isolement, mise à l’index, etc). Indiquez aussi les effets concrets : fragilité psychologique, arrêt maladie, situation tendue dans votre service, peur du travail, etc. (Ajoutez, si cela est possible : je vous prie , d’ailleurs, de trouver ci-joint des témoignages de mes (ou de mon) collègues de travail qui corroborent ces affirmations (ou tous autres moyens de preuve). Je tenais à porter ces faits à votre connaissance que je considère comme étant du harcèlement moral. Je vous serais reconnaissant de bien vouloir mener une enquête et, éventuellement, d’intervenir auprès de mon employeur afin de faire cesser ces comportements qui n’ont rien à voir avec le comportement normal d’une hiérarchie et la bonne marche de l’entreprise. Veuillez agréer, Monsieur l’inspecteur, mes salutations distinguées. Signature Une telle correspondance (et éventuellement la réponse ou la réaction de l’inspecteur du travail) permettra de constituer une ou plusieurs pièces du dossier. §2 : La sanction pénale La loi de modernisation sociale a introduit la répression du harcèlement moral dans le Code pénal à l’article 222-33, sous les dispositions concernant le harcèlement sexuel. Définit dans les mêmes termes que les agissements visés par l’article L. 1152-2 du Code du travail, le harcèlement est passible d’une peine de deux ans d’emprisonnement et d’une amende de 30 000 euros. Les faits de harcèlement moral constituent donc un délit. C. Pén, art. 222-33-2 : « Le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende. ». 63 l’inspecteur du travail, le filtrage du ministère public et le désintérêt relatif des magistrats. Cependant, il doit demeurer une place à la sanction pénale à chaque fois qu’existe une atteinte aux droits fondamentaux. Or, les discriminations, comme le harcèlement moral ou sexuel sont des domaines qui ne sauraient supporter une dépénalisation. Et pour les cas les plus graves, l’infraction de mise en danger de la vie d’autrui : Article 223-1 du Code pénal : « Le fait d'exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement est puni d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende. » Et pour les cas encore plus graves, comme par exemple des suicides dans l’entreprise, l’infraction d’homicide involontaire : Article 221-6 du Code pénal : « Le fait de causer, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l'article 121-3, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, la mort d'autrui constitue un homicide involontaire puni de trois ans d'emprisonnement et de 45000 euros d'amende. En cas de violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, les peines encourues sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 75000 euros d'amende. » Face à la faible efficacité de la sanction pénale, il existe heureusement plusieurs sanctions civiles du harcèlement. §3 : Les conséquences sur le contrat de travail Le premier type de sanction, très général, est déterminé par les articles L. 1152-2, L. 1152-3 et L. 1153-2 du code du travail. C. trav., art. L. 1152-2 : « Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés ». 64 C. trav., art. L. 1152-3 : « Toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul ». C. trav., art. L. 1153-2 : « Aucun salarié, aucun candidat à un recrutement, à un stage ou à une période de formation en entreprise ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements de harcèlement sexuel ». Autrement dit, toute mesure prise à l’encontre d’un salarié qui a subi un harcèlement, qui a refusé de subir un harcèlement ou qui a témoigné pour dénoncer un harcèlement est interdite. Mieux, le licenciement prononcé à la suite d’un harcèlement est nul. Pour le salarié qui a subi le harcèlement : S’il est licencié, le licenciement est nul. De tels licenciements ont pu parfois être prononcés par exemple pour inaptitude. Un salarié qui a subi un harcèlement est en dépression, le médecin le déclare inapte à son poste de travail, l’employeur le licencie pour inaptitude. La Cour de cassation juge dans ce cas que le licenciement est nul car ce n’est en réalité pas l’inaptitude qui a causé le licenciement mais le harcèlement (Cass. soc., 24 juin 2009, n° 0743.994). Cass. soc., 24 juin 2009, n° 07-43.994 Sur le moyen unique : Attendu selon l'arrêt attaqué (Rouen, 19 juin 2007), que M. X..., engagé le 30 septembre 1998 en qualité de responsable commercial par la société Confreight, a exercé les fonctions de responsable de l'agence du Havre à compter du mois de janvier 1999 ; que placé en arrêt maladie le 14 janvier 2002, il a été licencié le 15 juin 2002 en raison de son inaptitude totale à tout poste dans l'entreprise ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir la condamnation de l'employeur au paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaire, d'indemnité compensatrice de préavis et de dommagesintérêts pour licenciement abusif lié aux conditions de harcèlement moral et pour préjudice moral lié à l'altération de son état de santé ; Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné au paiement de 65 diverses sommes à titre d'indemnité pour licenciement nul, d'indemnité de préavis et de dommages-intérêts alors, selon le moyen, que l'existence d'un harcèlement moral suppose l'existence d'agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits du salarié et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que les juges du fond doivent donc constater, avant d'admettre l'existence d'un harcèlement moral, la réalité d'actes répétés et injustifiés caractérisant une violence morale et psychologique de nature à nuire au salarié ; qu'en se bornant à relever, pour dire qu'il aurait été évincé et dénigré, et ainsi victime d'un harcèlement moral, que M. X... avait reçu des ordres et des critiques d'une salariée qui se serait comportée comme sa supérieure et lui aurait lancé des quolibets d'une part, avait été destinataire de courriers « insistants » de son employeur les 27 et 28 septembre 2001 d'autre part, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé une faute imputable à l'employeur constitutive d'un harcèlement moral, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-49 du code du travail ; Mais attendu que la cour d'appel qui a retenu, d'une part, que M. X... avait fait l'objet de brimades et de dénigrements par sa collaboratrice qui l'avait privé de ses responsabilités, d'autre part, que ces agissements avaient gravement altéré sa santé, son inaptitude étant la conséquence directe de ceux-ci, a exactement décidé que le licenciement de ce salarié, victime de harcèlement, pour une inaptitude dont l'employeur ne pouvait se prévaloir, était nul ; que le moyen n'est pas fondé ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ; Une solution assez proche est adoptée lorsque l’employeur licencie un salarié en raison de la désorganisation de l’entreprise pour absences répétées ou prolongées (Cass. soc., 11 oct. 2006, n° 04-48.314). Cass. soc., 11 oct. 2006, n° 04-48.314 Sur le premier moyen : Vu les articles L. 122-45 et L. 122-49, ensemble l'article L. 122-14-3 du code du travail ; Attendu que M. X..., engagé le 9 mai 1989 par la société Cora en qualité de stagiaire adjoint au responsable des caisses, est devenu adjoint manager surveillance ; qu'il a été licencié le 15 décembre 2000 ; Attendu que pour faire droit à la demande d'indemnisation pour harcèlement mais débouter le salarié de sa demande d'annulation de son licenciement sur le fondement de l'article L. 122-45 du code du travail, la cour d'appel a retenu que celui-ci avait été humilié en présence du personnel par son supérieur hiérarchique qui lui adressait des remontrances pour des futilités, l'obligeait à remplacer tout surveillant absent et lui avait retiré ses fonctions de chef de service, que la dégradation de l'état de santé du salarié était en lien direct avec ses difficultés dans l'entreprise jusqu'à un constat d'inaptitude professionnelle 66 temporaire par le médecin du travail le 28 avril 2000, pour un état dépressif qui sera durable, mais que l'article L. 122-45 du code du travail n'interdit pas que le licenciement soit motivé par la situation objective de l'entreprise qui se trouve dans la nécessité de pourvoir au remplacement d'un salarié dont l'absence prolongée perturbe le fonctionnement de l'entreprise ; Qu'en statuant ainsi, alors que l'absence prolongée du salarié était la conséquence du harcèlement moral dont il avait été l'objet, ce qui excluait la possibilité pour l'employeur de se prévaloir de la perturbation que son absence prolongée avait causé au fonctionnement de l'entreprise, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses constatations, a violé les textes susvisés ; Et attendu qu'il n'y a pas lieu à renvoi du chef faisant l'objet de la cassation, la Cour de cassation étant en mesure de donner au litige sur ce point la solution appropriée en application de l'article 627, alinéa 2, du nouveau code de procédure civile ; PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen : CASSE ET ANNULE, On sait que les salariés victimes d’un licenciement illicite hésitent à demander leur réintégration et préfèrent, pour nombre d’entre eux, placer leur action sur le terrain indemnitaire. Plus grandes encore seront sans doute ces hésitations pour des salariés victimes de harcèlement moral qui, souvent, n’auront ni l’envie ni la force de se retrouver de nouveau face à leur agresseur. Si le salarié ne demande pas la réintégration, la nullité aura tout de même un intérêt indemnitaire pour lui. Dans ce cas, le salarié a droit, « d’une part, aux indemnités de rupture, d’autre part, à une indemnité réparant intégralement le préjudice résultant du caractère illicite du licenciement, dont le montant est souverainement apprécié par les juges du fond dès lors qu’il est au moins égal à celui prévu par l’article L. 122-14-4 du code du travail (devenu art. L. 1235-3) » (Cass. soc. 27 juin 2000, n° 98-43.439). Le salarié victime de harcèlement peut également prendre acte de la rupture de son contrat de travail ou demander la résiliation judiciaire de celui-ci aux torts de l’employeur. On se souviendra en effet que l’employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette obligation, lorsqu'un salarié est victime sur le lieu de travail d'agissements de harcèlement moral ou sexuel exercés par l'un ou l'autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris des mesures en vue de faire cesser ces agissements (Cass. soc., 3 févr. 2010, n° 08-44.019). Le manquement à cette obligation de sécurité justifie la prise d’acte. La solution s’impose que l’employeur soit lui-même à l’origine du harcèlement (Cass. soc., 22 mars 2007, n° 04-48.308) ou qu’il n’ait rien fait pour empêcher le harcèlement d’un de ses cadres (Cass. soc. 21 févr. 2007, n° 05-41.741). 67 Cass. soc., 3 févr. 2010, n° 08-44.019 cause réelle et sérieuse et demander le paiement de diverses sommes ; Sur le moyen unique : Vu les articles L. 1152-1, L. 1152-4 et L. 4121-1 du code du travail ; Attendu, d'abord, que lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission ; Attendu, ensuite, que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette obligation, lorsqu'un salarié est victime sur le lieu de travail d'agissements de harcèlement moral ou sexuel exercés par l'un ou l'autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris des mesures en vue de faire cesser ces agissements ; Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Margotin, engagée par la société Stratorg, le 17 décembre 2002, a pris acte de la rupture de son contrat de travail, le 31 mars 2005, reprochant à l'employeur de n'avoir pas pris ses responsabilités pour la protéger de harcèlements moral puis sexuel qu'elle subissait du fait de M. Pizaferri, directeur associé ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale pour voir juger que la rupture produisait les effets d'un licenciement sans Attendu que pour dire que la rupture du contrat de travail à l'initiative de Mme Margotin devait produire les effets d'une démission et la débouter en conséquence de l'ensemble de ses demandes, l'arrêt retient que, le 31 mars 2005, la salariée a pris acte de la rupture de son contrat de travail, que, d'une part, la rencontre qui s'est produite le 17 mars 2005 entre Mme Margotin et M. Pizaferri au sein de la société Stratorg est purement fortuite, que, d'autre part, dès le moment où l'employeur a eu connaissance de la teneur des écrits adressés par M. Pizzaferri à Mme Margotin et de la " détresse ", selon ses propres expressions qui en résultait pour celle-ci, il a mis en oeuvre des mesures conservatrices et protectrices destinées à permettre à la salariée de poursuivre son activité professionnelle au sein de la société en toute sérénité et sécurité, que le reproche fait par la salariée à l'employeur de n'avoir pas sanctionné M. Pizaferri au mépris des dispositions de l'article L. 1152-5 du code du travail ne peut être retenu, M. Pizzaferri ayant démissionné de lui-même et quitté la société, que les mesures prises par l'employeur étaient adaptées à la situation ; Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, Cass. soc., 22 mars 2007, n° 04-48.308 Attendu que, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 14 octobre 2004), Mme X... a été engagée le 2 octobre 2000 en qualité de 68 "responsable de projet" par la société Les Pyramides ; qu'elle a fait l'objet d'avertissements les 4 juin et 29 juillet 2002 ; qu'elle a été affectée à partir du 1er septembre 2002 à la société Gastronomie et tradition qui lui a notifié de nouveaux avertissements les 30 septembre et 8 novembre 2002 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale d'une demande tendant à l'annulation des avertissements, à la résiliation du contrat de travail ainsi qu'à la condamnation des sociétés Les Pyramides et Gastronomie et tradition à lui payer des sommes à titre de salaires, de congés payés, de remboursement de frais, d'indemnités de rupture et de dommagesintérêts pour harcèlement moral ; Sur le premier moyen : Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen, qui ne serait pas de nature à permettre à lui seul l'admission du pourvoi ; Sur le deuxième moyen : Attendu que les sociétés Les Pyramides et Gastronomie et tradition font grief à l'arrêt d'avoir prononcé la résiliation du contrat de travail qui les liait à Mme X... et de les avoir condamnées à lui payer diverses indemnités, alors, selon le moyen : 1 / que les sociétés Les Pyramides et Gastronomie et tradition, contestant les allégations de Mme X... sur le comportement de M. Y... à son égard, avaient expressément souligné la parfaite correction de ce cadre en produisant nombre de documents ; qu'en énonçant que les "faits allégués par Mme X... n'avaient pas été démentis par l'employeur", la cour d'appel a omis les observations contraires des sociétés et dénaturé purement et simplement leurs conclusions et les documents par elles produits ; qu'elle a violé les articles 1134 du code civil et 455 du nouveau code de procédure civile ; 2 / que les sociétés Les Pyramides et Gastronomie et tradition ont donné à Mme X..., par l'intermédiaire de son supérieur hiérarchique, des objectifs et des instructions qu'elle a discutées sous le prétexte d'une incorrection de M. Y... ; que cette attitude fautive excluait que la résolution judiciaire puisse être prononcée aux torts de l'employeur ; que la cour d'appel a violé les articles 1184 du code civil et 455 du nouveau code de procédure civile ; 3 / que les quatre avertissements, réguliers, traduisaient l'opposition de Mme X... et sa mauvaise exécution du contrat de travail ; qu'ils ne permettaient pas ainsi de retenir une résolution judiciaire aux torts de l'employeur ; que la cour d'appel a violé les articles 1184 du code civil et 455 du nouveau code de procédure civile ; Mais attendu que la cour d'appel, qui, hors toute dénaturation, a constaté que Mme X... était en butte à l'hostilité de son supérieur hiérarchique qui l'avait menacée en avril 2000 de harcèlement et relevé qu'aucun des quatre avertissements dont elle avait ensuite fait l'objet pendant la période de juin à novembre 2002 n'était fondé, a souverainement estimé que ces faits constituaient des manquements de l'employeur suffisamment graves pour justifier la résiliation du contrat de travail ; que le moyen n'est pas fondé ; Sur le troisième moyen : Attendu que les sociétés Les Pyramides et Gastronomie et tradition font grief à l'arrêt d'avoir dit que Mme X... avait été victime d'un harcèlement moral et de les avoir condamnées à lui payer des dommages-intérêts à ce titre, alors, selon le moyen : 1 / que les avertissements adressés à Mme X..., fondés sur des données objectives, ne pouvaient, par eux-mêmes, traduire une dégradation des conditions de travail ; qu'ils cherchaient au contraire à les améliorer ; que les autres membres de l'équipe commerciale n'ont d'ailleurs pas constaté de dégradation ; que la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 122-49 et L. 122-52 du code du travail ; 2 / que les avis d'arrêt de travail émanaient du médecin personnel de Mme X..., relevant un état dépressif mais n'établissant pas son origine professionnelle, sa relation de causalité directe et certaine avec une dégradation des conditions de travail ; que la 69 dépression réactionnelle consécutive à un entretien avec M. Y... pouvait provenir de la constitution physique, de la nervosité de la salariée et ne découlait pas nécessairement d'une pression quelconque de M. Y... ou d'une dégradation des conditions de travail ; qu'en l'absence de faits indiscutables, dépourvus d'équivoque et de constatations médicales complètes et objectives, la cour d'appel n'a pas caractérisé des agissements répétés de harcèlement moral ; qu'elle n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 122-49 et L. 122-52 du code du travail ; Mais attendu que la cour d'appel, après avoir relevé que la salariée, qui n'avait précédemment fait l'objet d'aucun reproche, avait été sanctionnée par quatre avertissements dont aucun n'était fondé et dont il était résulté une dégradation de ses conditions de travail, a, par une appréciation souveraine, estimé que ces faits constituaient un harcèlement moral ; que le moyen n'est pas fondé ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi Cass. soc. 21 févr. 2007, n° 05-41.741 Mais attendu d'abord que la cour d'appel a constaté que Mme X... avait saisi l'employeur de faits expressément qualifiés de harcèlement et non de simple mésentente avec une collègue, faits dont elle a vérifié la matérialité par des constatations souveraines ; Et attendu que sans modifier les termes du litige et sans avoir à rechercher la preuve d'un manquement fautif à ses obligations de la part d'un employeur tenu en pareille matière à une obligation de sécurité de résultat, elle a fait ressortir l'absence, de la part de la société Auvergne Denrées, de mesures propres à mettre un terme aux agissements en cause ; D'où il suit que le moyen n'est fondé dans aucune de ses branches ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ; Sur le moyen unique : Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 1er février 2005), que Mme X..., employée au service après-vente de la société Auvergne Denrées, a attrait son employeur en justice aux fins de résiliation judiciaire de son contrat de travail en faisant état de son absence de réactions en présence d'un harcèlement moral commis à son préjudice ; Attendu que pour des motifs pris de la violation des articles L. 122-4, L. 122-13, L. 122-14-3 et L. 122-51 du code du travail, 4 et 7 du nouveau code de procédure civile et 1315 du code civil, la société Auvergne Denrées fait grief à l'arrêt d'avoir dit que la rupture du contrat de travail lui était imputable et d'avoir alloué des sommes à la salariée ; Une sanction peut également intervenir contre un collègue ou un supérieur hiérarchique lui aussi salarié qui se serait rendu coupable de harcèlement. Ces sanctions sont prévues par l’article L. 1152-5 du Code du travail. C. trav., art. L. 1152-5 : « Tout salarié ayant procédé à des agissements de harcèlement moral est passible d’une sanction disciplinaire » 70 Le juge ne peut cependant pas tout faire dans ce domaine… Dans une affaire jugée en 2009, deux salariées d'une association subissaient des faits de harcèlement moral de la part de la directrice de leur établissement. Elles avaient saisi le conseil de prud’hommes afin que la directrice soit « écartée de ses fonctions ». La Cour de cassation juge que, si par application de l'article L. 1152-4 du Code du travail l'employeur doit prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral, il n'entre pas dans les pouvoirs du juge d'ordonner la modification ou la rupture du contrat de travail du salarié auquel sont imputés de tels agissements, à la demande d'autres salariés, tiers à ce contrat (Cass. soc., 1er juillet 2009, n° 07-44.482). Cass. soc., 1er juillet 2009, n° 0744.482 Sur le moyen unique : Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 10 juillet 2007), que Mmes X... et Y..., engagées par l'association Closravi Hameau Saint-Michel respectivement en qualité de maîtresse de maison en 1996 et en qualité de permanente d'accueil en 1990, victimes de faits de harcèlement moral par la directrice de l'établissement, ont saisi le juge de demandes tendant, d'une part, à la condamnation de leur employeur à des dommages et intérêts et, d'autre part, à ce qu'il soit ordonné à ce dernier «d'écarter la directrice de ses fonctions» ; Attendu que Mmes X... et Y... font grief à l'arrêt de les débouter de cette demande, alors, selon le moyen, que la carence de l'employeur en présence d'une atteinte à la santé physique et mentale des salariés autorise le juge prud'homal saisi par les salariés concernés à ordonner toute mesure propre à faire cesser cette atteinte ; qu'en jugeant qu'elle n'était pas autorisée à se substituer à l'employeur défaillant en présence d'un harcèlement moral avéré auquel il pouvait être mis un terme par la mise à l'écart de l'auteur dudit harcèlement, la cour d'appel a méconnu l'étendu de ses pouvoirs au regard des articles L. 122-49, L. 122-51, et L. 422-1-1 du code du travail ainsi que de l'article L. 230-2 du code du travail, interprété à la lumière de la directive CEE n° 89/391 du 12 juin 1989, concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail ainsi que de l'article R. 241-51 du code du travail ; Mais attendu que si, par application de l'article L. 1152-4 du code du travail, l'employeur doit prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral, il n'entre pas dans les pouvoirs du juge d'ordonner la modification ou la rupture du contrat de travail du salarié auquel sont imputés de tels agissements, à la demande d'autres salariés, tiers à ce contrat ; Que la cour d'appel ayant exactement retenu que l'injonction qu'il lui était demandé de délivrer à l'employeur impliquait une modification du contrat de travail de la directrice qui ne pouvait être réalisée qu'avec l'accord de l'intéressée ainsi que son licenciement en cas de refus, c'est à bon droit qu'elle a débouté les salariées de cette demande et renvoyé l'employeur à ses obligations tirées de l'article L. 1152-4 précité ; PAR CES MOTIFS : 71