Harcèlement discrimination

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Harcèlement discrimination
PREVENIR LE HARCELEMENT
ET
LA DISCRIMINATION AU TRAVAIL
Introduction
Longtemps ignorés par le droit du travail, les thèmes du harcèlement et de la discrimination
font désormais l'objet de nombreux contentieux devant les tribunaux, témoignant ainsi de
l'évolution d'une société soucieuse de prendre en compte les injustices dans le monde du
travail. La loi a entériné cette évolution en prévoyant des mécanismes juridiques adaptés à
leur répression, sous l'inspiration du droit et des juges européens.
Le souci de lutter contre le harcèlement moral et sexuel marque l'affirmation de la notion de
dignité sur le lieu de travail. Le harcèlement sexuel est connu en droit français depuis 1992,
mais il fait l'objet de peu de jurisprudences. Il en va autrement du harcèlement moral,
introduit dans le Code du travail en 2002. Le nombre de litiges portés devant les tribunaux est
en constante augmentation (voir « Petite balade dans le contentieux prud'homal du
harcèlement moral », Patrice Adam, Semaine sociale Lamy, supplément n° 1315 du 9 juillet
2007). Dans 70 % des affaires, ce sont les femmes qui s'estiment harcelées. Dans trois affaires
sur quatre, la demande est rejetée et le harcèlement moral non reconnu. Ce taux d'échec
s'explique notamment par les difficultés de preuve (étude précitée). Un autre aspect ne doit
pas être négligé. Beaucoup de salariés pensent être victimes de harcèlement alors qu'ils ne le
sont pas. Le harcèlement moral ne doit pas être confondu avec les situations de stress au
travail. Le contentieux développé autour de cette notion a permis de prendre conscience de la
nocivité de certaines pratiques sur le lieu de travail ; il marque aussi la limite de la notion de
harcèlement moral.
Dans le domaine des discriminations, l'adoption de la loi relative à la lutte contre les
discriminations, en 2001, a marqué une première étape. Désormais, les entreprises doivent se
pencher sur leurs pratiques, afin de se prémunir contre toutes discriminations, qu'elle soient
voulues ou générées par des préjugés de certains salariés ou clients. En effet, la discrimination
est un risque clairement identifiable pour l'entreprise, tant en ce qui concerne son image que
ses finances. Par ailleurs, la question de la discrimination n'est pas limitée à la seule situation
des militants syndicaux, ou de l'égalité hommes femmes, mais concerne toutes les
discriminations : race, âge, santé, etc.
De son côté, l'égalité professionnelle hommes femmes a connu, au moins dans les textes, une
avancée importante avec la loi du 23 mars 2006, qui pour la première fois fixe une date butoir
pour la suppression des écarts de rémunération constatés et la perspective de sanctions
financières pour les entreprises qui ne respecteraient pas les obligations légales. L'écart entre
les salaires mensuels moyens des hommes et des femmes était de 25,3 % en 2002 (secteurs
privé et public confondus), a rappelé le ministre du Travail, dans une lettre envoyée aux
partenaires sociaux le 22 juin 2007.
Autre avancée significative dans la lutte contre les discriminations, la mise en place de la
Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde) qui permet,
conformément aux exigences communautaires, de promouvoir l'égalité de traitement,
d'apporter une aide indépendante aux victimes. La création de cette structure est partie d'un
double constat : le rapport de force entre les victimes et les auteurs de discriminations est
souvent inégal, les victimes rencontrent d'importantes difficultés pour prouver les
discriminations alléguées. La Halde, chargée de lutter contre toutes les formes de
discriminations prohibées, dispose de prérogatives afin d'aider les victimes à produire en
justice des éléments de preuve suffisamment étayés. Elle a également une mission de
médiation, qui peut être fort utile auprès des entreprises, secteur où les discriminations sont
encore nombreuses, si l'on se réfère aux rapports d'activité de la Haute autorité publiés en
2006 et 2007.
Harcèlement moral ou sexuel
Identification d'un harcèlement moral
01 Quelle est la définition légale du harcèlement moral ?
Le harcèlement moral a été introduit dans le Code du travail par la loi de modernisation
sociale du 19 janvier 2002 (L. n° 2002-73, 17 janvier 2002, JO 18 janvier).
Selon le Code du travail, « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement
moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de
porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale, ou de
compromettre son avenir professionnel » (Code travail, article L. 122-49/recod. Code travail,
article L. 1152-1).
Cette définition légale ne précise pas ce qu'est un « agissement de harcèlement moral », mais
se fonde sur les conséquences de ces agissements. Ceux-ci doivent aboutir, soit directement,
soit indirectement, à une dégradation des conditions de travail du salarié, entendues au sens
large, ce qui englobe tant l'environnement matériel du salarié (bureau, moyens), les tâches qui
lui sont confiées, que les relations qu'il entretient avec ses collègues et sa hiérarchie.
Cette dégradation des conditions de travail doit être susceptible :
- soit de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, notamment lorsque les tâches qui
lui sont confiées nuisent délibérément à son droit à une vie familiale normale, à son droit
d'expression, etc. ;
- soit d'altérer sa santé physique ou mentale, notamment lorsque les pressions subies sont
susceptibles d'entraîner une dépression nerveuse ;
- soit de compromettre son avenir professionnel, par exemple, lorsque le salarié est dévalorisé
vis-à-vis de ses collègues ou se voit « mis au placard » en étant dépourvu de toute réelle
activité.
Le nombre de litiges où intervient la notion de harcèlement moral semble de plus en plus
important. La thématique du harcèlement moral s'est matérialisée au niveau des tribunaux,
surtout à travers des contentieux sur des licenciements, des mesures vexatoires ainsi que des
actions en résiliations judiciaires pour faute de l'employeur. Cette importante jurisprudence
est aujourd'hui « mobilisable » pour aider à définir ce qui peut constituer un harcèlement
moral.
La difficulté réside dans le caractère éminemment subjectif de cette définition.
Jusqu'à aujourd'hui, la Cour de cassation n'a pas interprété la définition légale du harcèlement
moral. À plusieurs reprises, elle a considéré que ce sont les juges du fond qui apprécient
souverainement l'existence d'un harcèlement moral (Cassation sociale, 23 novembre 2005, n°
04-46.152 et n° 04-41.649 ; Cassation sociale, 7 mars 2007, n° 06-40.386).
En revanche, plusieurs de ces décisions ont rappelé aux employeurs leurs obligations.
L'employeur est tenu envers ses salariés d'une obligation de sécurité de résultat en matière de
protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise. Invoquer la bonne foi
de l'entreprise pour se dégager de sa responsabilité ne suffit pas (Cassation sociale, 21 janvier
2006, n° 05-43.914). De même, lorsque l'absence prolongée du salarié est la conséquence du
harcèlement moral dont il a été l'objet, l'employeur ne peut se prévaloir de la perturbation que
son absence prolongée cause au fonctionnement de l'entreprise pour le licencier. Ce
licenciement est alors nul (Cassation sociale, 11 octobre 2006, n° 04-48.314).
02 Un salarié peut-il invoquer un harcèlement moral face à un
comportement isolé ?
Non. La définition légale du harcèlement moral exige une répétition des agissements pour
qu'ils soient qualifiés de harcèlement (Code travail, article L. 122-49/recod. Code travail,
article L. 1152-1). De même, la jurisprudence exige des agissements répétés pour retenir le
harcèlement moral. Elle ne qualifie pas de harcèlement les moments de forte pression, surtout
si la personne peut résister à la pression (CA Montpellier, 27 juin 1989, X c/Y). Bien souvent,
les tribunaux recherchent des comportements qu'ils peuvent qualifier « d'acharnement » (CA
Paris, 10 juillet 1985, X c/Y) et d'une manière générale la répétition de comportements jugés
déstabilisants pour le salarié (CA Poitiers, 30 mai 2000, X c/Y). Le terme de harcèlement
suppose déjà en soi une répétition, une obstination.
Le harcèlement moral a pu être retenu lorsque l'employeur a eu à l'égard du salarié une
attitude « répétitive » constitutive de violences morales et psychologiques qui permettaient au
salarié de rompre son contrat de travail et d'en imputer la rupture à l'employeur (Cassation
sociale, 26 janvier 2005, n° 02-47.296). Il l'a été également dès lors que l'employeur critiquait
systématiquement les compétences et le travail de l'intéressée qu'il privait régulièrement et
pour des périodes prolongées d'affectation précise, aux fins de l'isoler du reste de la
communauté de travail (Cassation sociale, 24 janvier 2006, n° 03-44.889).
Il n'y a pas eu d'agissements répétés caractérisant le harcèlement moral, dans une affaire où
l'employeur a demandé au salarié dès le lendemain de sa mise en arrêt maladie de restituer le
véhicule de fonction alors que depuis l'origine de la relation salariale il lui en laissait la
jouissance en dehors de ses périodes de travail, et de restituer son téléphone portable.
L'employeur a déposé une plainte pénale contre le salarié (Cassation sociale, 7 mars 2007, n°
06-40.358).
ATTENTION
Cette exigence légale d'une répétition n'excuse pas des comportements isolés particulièrement
grossiers, mais empêche que ceux-ci soient qualifiés de harcèlement moral.
03 Quelle peut être la réaction d'un salarié face à un acte inadmissible, mais
isolé, de son employeur ?
Face à un comportement isolé de son employeur qui dépasse ce qu'il est admis (injure,
violence, grave mise en cause), un salarié ne peut certes pas en principe invoquer un
harcèlement moral, mais peut toutefois invoquer une faute.
Si elle est d'une importante gravité, cette faute peut justifier la rupture du contrat aux torts de
l'employeur. Cette rupture peut intervenir, soit par prise d'acte de la rupture (le salarié quitte
l'entreprise à la suite du comportement en cause et prend acte que la faute grave commise par
l'employeur rompt le contrat), soit par résiliation judiciaire du contrat demandée auprès du
conseil de prud'hommes, cette dernière voie s'avérant plus longue (le salarié reste au service
de l'employeur) mais plus prudente. Dans chacun de ces cas, le salarié peut demander l'octroi
de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
04 Quels sont les comportements et situations qui doivent être distingués du
harcèlement moral ?
Le harcèlement moral doit être distingué :
- des reproches professionnels. Toutefois, ces reproches doivent, d'une part, être justifiés par
des faits objectifs, être proportionnés aux erreurs commises et être transmis sans injures et de
manière à ne pas remettre en cause publiquement les qualités professionnelles du salarié (voir
n° 14) ;
- de la discrimination. La différence de traitement dont est victime un salarié en raison d'un
critère discriminatoire fait l'objet de dispositions spécifiques (voir nos 49 et s.). Toutefois, le
harcèlement moral dont est victime un salarié peut être également lié à une volonté de
discrimination ;
- de l'incompatibilité d'humeur existant entre deux salariés. L'employeur a cependant
l'obligation de prévenir les risques de harcèlement moral que peut générer ce type de conflit,
notamment par voie de mises en garde ou de mutations (voir n° 42).
ATTENTION
Il n'y a pas harcèlement moral mais abus de droit de la part de l'employeur qui est alors
déclaré responsable de la rupture du contrat de travail, en cas de modification continuelle et
sans délai de prévenance du planning du salarié lui imposant de bouleverser sans cesse ses
horaires, de travailler le samedi alors que cela n'est pas prévu (CA Toulouse, 28 mars 2002, n°
01-2277, X c/Y).
05 Comment distinguer le harcèlement moral du pouvoir de direction de
l'employeur ?
Le harcèlement moral ne doit pas être confondu avec l'exercice par l'employeur de son
pouvoir de direction. L'exercice par l'employeur de ce pouvoir peut générer des
incompréhensions, des ressentiments, du stress. Ces situations ne sont pas constitutives de
harcèlement moral au sens du Code du travail. Le harcèlement moral ne se confond pas avec
l'exercice du pouvoir général d'organisation du chef d'entreprise, ni avec les problèmes de
dysfonctionnement de l'entreprise.
La frontière peut être difficile à tracer entre le pouvoir de direction de l'employeur et ce qui
caractérise le harcèlement moral (Cassation sociale, 26 janvier 2005, n° 02-47.296).
EXEMPLE
Le fait d'infliger deux sanctions disciplinaires en l'espace d'un mois et 4 jours, ne caractérise
pas à lui seul un harcèlement moral (Cassation sociale, 16 juin 2004, n° 02-41.795), ni le
contrôle renforcé d'un salarié suite à l'existence de difficultés dénoncées par un client (CA
Versailles, 13 janvier 2004, n° 03-1940, X c/Y).
Le harcèlement moral ne se confond pas non plus avec les situations de stress au travail.
Ainsi, pour établir le harcèlement moral dont il est victime, un salarié ne peut pas se contenter
de faire état d'un stress professionnel engendré par une mauvaise ambiance au travail
(Cassation sociale, 18 septembre 2007, n° 05-45.406). De même, la dégradation des
conditions de travail entre le salarié et son supérieur hiérarchique ne suffit pas à le
caractériser. Les juges ne peuvent se contenter de retenir que la salariée était en état de stress
lié au fait qu'on lui menait la vie dure sur le lieu de travail (Cassation sociale, 23 novembre
2005, n° 04-41.649).
06 Qui peut être reconnu comme harceleur ?
L'interdiction du harcèlement moral vise autant l'employeur ou toute autre personne qui lui est
substituée que les collègues de travail. Aucun rapport d'autorité n'est donc exigé entre la
victime et l'auteur du harcèlement : un salarié peut être victime de harcèlement par son
supérieur hiérarchique, mais aussi par d'autres salariés, voire par des salariés qui lui sont
subordonnés (Code travail, article L. 122-49). Ainsi, à plusieurs reprises une personne,
collègue de travail de la victime, a pu être reconnue comme auteur des faits de harcèlement
moral (Cassation sociale, 22 mars 2006, n° 03-47.478 ; Cassation sociale, 21 février 2007, n°
05-41.741).
D'autres personnes que les salariés ou les représentants légaux de l'employeur peuvent être
condamnées pour des faits de harcèlement. Il peut s'agir de personnes ayant une autorité de
fait, tels que les donneurs d'ouvrage dans le cadre de contrats de sous-traitance ou d'une mise
à disposition, des conjoints ou membres de la famille de l'employeur (CA Paris, 16 janvier
1997, X c/Y ; CA Poitiers, 30 mai 2000, X c/Y).
REMARQUE
L'employeur doit répondre des agissements des personnes qui exercent une autorité, de fait ou
de droit, sur les salariés. Le gérant d'une société a ainsi été condamné à indemniser son
ancienne salariée du préjudice moral résultant du comportement de son épouse, caractérisé par
des insultes et mauvais traitements (Cassation sociale, 10 mai 2001, n° 99-40.059).
07 L'intention malveillante du harceleur est-elle indispensable ?
La définition légale du harcèlement moral ne retient pas la notion d'intention de nuire à la
victime. Il pourrait donc théoriquement y avoir harcèlement moral dès lors que des
agissements répétés entraîneraient les conséquences visées par la loi.
La jurisprudence n'a pas suivi cette voie, qui risquait de voir englober sous le terme de
harcèlement moral toutes les situations de souffrance au travail. Les juges exigent une
intention malveillante du harceleur (Cassation sociale, 21 juin 2006, n° 05-43.914 ; Cassation
criminelle, 11 mai 2005, n° 04-86.774). Dans la première affaire, les juges ont relevé que le
directeur de l'association avait sciemment harcelé moralement des salariés qui lui étaient
subordonnés par son comportement brutal, grossier, humiliant et injurieux à l'égard des
salariés qui avaient fait l'objet de menaces, dénigrements, intimidations et sanctions
injustifiées. Dans la seconde, les juges ont estimé que la seule conscience de commettre les
actes en cause suffisait à constituer l'élément moral de l'infraction, les agissements répétés
ayant eu pour effet une dégradation des conditions de travail de la victime.
Les juges recherchent cette intention malveillante dans les mobiles du harceleur, le but qu'il
poursuit.
08 Un salarié peut-il être harcelé par un groupe ?
La loi permet la sanction du harcèlement par un ou plusieurs salariés du même niveau
hiérarchique. Ce harcèlement peut se manifester par un refus de travailler avec le salarié, des
insultes, voire des violences, l'ensemble de ces brimades conduisant à l'exclusion du salarié du
groupe de travail.
La responsabilité de l'employeur peut être également engagée s'il était informé et n'a pas
réagi, et ce au titre de son obligation de prévention du harcèlement (voir nos 31 et 42).
09 Quels sont les agissements les plus caractéristiques du harcèlement
moral ?
La définition légale du harcèlement moral permet d'appréhender différents agissements, sans
qu'il puisse en être donné une liste ni précise ni certaine. Ces agissements, susceptibles de
caractériser un harcèlement moral à force de répétition, doivent être appréciés en fonction du
contexte : taille de l'entreprise, nature de l'activité, degré hiérarchique et autorité des
personnes impliquées, psychologie et âge, etc. Ainsi, les agissements les plus caractéristiques
du harcèlement moral peuvent être regroupés dans cinq différentes catégories :
- le langage, notamment lorsqu'il est insultant ;
- l'intimidation physique ou morale ;
- l'exclusion et la mise à l'écart ;
- la dégradation des conditions matérielles de travail ;
- la dévalorisation.
Le harcèlement moral peut être caractérisé par tout ou partie de ces éléments. Les juges
apprécient souverainement si la somme des agissements établis par le salarié démontre
l'existence d'un harcèlement moral, tout en tenant compte des éventuelles justifications
fournies par l'entreprise.
10 En quoi une dérive du langage peut-elle caractériser un harcèlement
moral ?
L'employeur a un devoir de respect et de politesse à l'égard de ses salariés. Ainsi, l'employeur
qui s'emporte gravement et profère des propos inadmissibles commet une faute (CA
Grenoble, 6 mai 1992, X c/Y).
Toutefois, les débordements de langage doivent être replacés dans leur contexte. Par exemple,
un salarié n'a pas obtenu gain de cause, bien que traité de « fainéant », « ivrogne », « d'avoir
une mentalité de p... » par son employeur. En effet, les juges ont estimé que la discussion était
animée du fait d'une lettre de reproches antérieure et intervenait dans une poissonnerie... [CA
Versailles, 2 mai 1994, X c/Y].
REMARQUE
Les insultes, lorsqu'elles sont publiques, sont réprimées par le Code pénal mais il est courant
que les plaintes pour insultes soient classées sans suite. Toutefois, ce classement n'a qu'un
impact limité sur une éventuelle procédure pour harcèlement moral, si celle-ci s'appuie sur
d'autres éléments.
Le ton employé importe également. Ainsi, la manifestation d'autorité excessive par un ton
systématiquement comminatoire peut être considérée comme humiliante pour le salarié,
d'autant plus s'il s'y ajoute des réflexions déplaisantes [CA Douai, 30 juin 1994, X c/Y]. De
même, si l'employeur est libre de formuler des reproches professionnels à l'encontre d'un
salarié, il commet en revanche un abus répréhensible lorsque ces reproches sont infondés et
exprimés de manière vexatoire en public (CA Nancy, 13 novembre 2000, X c/Y).
Bien entendu, le langage reste le vecteur d'autres comportements pouvant caractériser un
harcèlement moral : dévalorisation du salarié par des remarques désobligeantes hors de
propos, critiques répétées sans justification, etc.
Les dérives de langage sont retenues lorsqu'elles s'inscrivent dans un processus de
harcèlement psychologique au travail dont la salariée a fait l'objet. Ont ainsi pu être retenues
plusieurs attestations de salariées certifiant que la victime avait été traitée de « cinglée », «
bonne à rien », » incapable », « alcoolique », que l'auteur des faits l'avait ridiculisée, s'était
moquée d'elle, avait perturbé son travail, et l'avait menacé (Cassation sociale, 22 mars 2006,
n° 03-47.478).
11 Dans quelle mesure l'intimidation physique ou morale est-elle
susceptible de constituer un agissement de harcèlement moral ?
Au plan physique, tenu de se comporter convenablement avec ses employés (CA Montpellier,
17 juin 1998, X c/Y), l'employeur ou ses représentants doivent s'interdire toute violence (CA
Montpellier, 14 novembre 1989, X c/Y) et tout geste déplacé.
Lorsque les faits de harcèlement émanent des collègues du salarié l'employeur ne peut rester
passif face à de tels agissements sous peine de méconnaître son obligation de prévention en
matière de santé (voir nos 31 et 42).
Sur le plan psychologique, l'utilisation de menaces sur la carrière ou l'emploi peut témoigner
d'un processus de harcèlement moral, car elle a pour effet de « compromettre l'avenir
professionnel » du salarié. Ainsi, le harcèlement a été admis à l'encontre d'un PDG de société
qui ne cachait pas qu'il voulait « faire craquer » le salarié par des mesures vexatoires (CA
Versailles, 19 octobre 1994, X c/Y). Toutefois, les menaces restent admissibles si elles sont
en rapport avec des reproches professionnels fondés ou des fautes disciplinaires.
L'employeur peut chercher à intimider le salarié en lui refusant certains droits, congés, repos,
alors qu'aucune circonstance particulière ne justifie ce refus.
L'employeur peut aussi infliger au salarié des avertissements non fondés et injustes.
EXEMPLE
Une salariée, qui n'a précédemment fait l'objet d'aucun reproche, a été sanctionnée par quatre
avertissements dont aucun n'était fondé et dont il était résulté une dégradation de ses
conditions de travail. Ces faits constituaient des manquements de l'employeur suffisamment
graves pour justifier la résiliation du contrat de travail (Cassation sociale, 22 mars 2007, n°
04-48.308).
12 L'exclusion et la mise à l'écart caractérisent-elles un harcèlement moral
?
La « mise au placard » constitue l'un des comportements les plus caractéristiques du
harcèlement moral. Il se traduit par :
- une absence de travail. L'employeur n'a pas pour seule obligation de payer au salarié le
salaire convenu, mais encore et tout autant celle de lui donner du travail, condition nécessaire
du respect de la dignité du salarié (CA Paris, 13 mai 1988, X c/Y ; CA Reims, 31 mars 1993,
X c/Y) ;
- une exclusion de réunions ou d'organigramme. La mise à l'écart des autres salariés constitue
un indice d'un harcèlement moral (CA Nancy, 13 novembre 2000, X c/Y). Il en va toutefois
autrement si la présence du salarié n'était pas nécessaire à ces réunions. Il y a bien
harcèlement moral lorsqu'un responsable d'entreprise adopte envers un salarié un
comportement humiliant : mise à l'écart des discussions, reproches devant les autres salariés,
transmission des consignes par l'intermédiaire de ses collègues, demandes de tâches sans
rapport avec sa qualification (CA Paris, 11 mars 2004, n° 02-36875, X c/Y).
REMARQUE
Les juges tiennent compte des impératifs de gestion des sociétés. Ainsi, une salariée ne saurait
s'estimer harcelée moralement du simple fait que le projet sur lequel elle travaillait avait cessé
d'être une priorité pour l'entreprise (TGI Paris, 31e ch, 25 octobre 2002).
À titre d'exemples, le harcèlement moral est caractérisé lorsque l'employeur critique
systématiquement les compétences et le travail de la salariée qu'il prive régulièrement et pour
des périodes prolongées d'affectation précise, afin de l'isoler du reste de la communauté de
travail (Cassation sociale, 24 janvier 2006, n° 03-44.889). De même, lorsque l'employeur
affecte la salariée dans un local exigu, dépourvu d'un chauffage décent, et sans outils de
travail, qu'il l'a volontairement isolée des autres salariés de l'entreprise en leur demandant de
ne plus lui parler, qu'il a mis en doute son équilibre psychologique et a eu un comportement
excessivement autoritaire à son égard (Cassation sociale, 29 juin 2005, n° 03-44.055).
13 Le harcèlement moral peut-il se manifester par une dégradation des
conditions matérielles de travail ?
La définition légale envisage explicitement ce cas, puisque « aucun salarié ne doit subir les
agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation
des conditions de travail... » (Code travail, art. L. 122-49 recod. Code travail, article L. 11521).
S'agissant plus spécifiquement des conditions matérielles de travail, leur dégradation
intentionnelle peut effectivement caractériser des agissements de harcèlement moral : mauvais
outillage, lieu de travail exigu et sans lumière alors que d'autres locaux sont disponibles,
tâches fixées sans considération du matériel exigé. Il importe toutefois que soit caractérisée
une disparité de traitement par rapport aux autres salariés.
Le harcèlement moral n'a pas été retenu dans le cas d'une salariée qui a été affectée à un
poste inférieur pour une durée à l'origine limitée mais reconduite systématiquement par
l'employeur sans diminution de sa classification et de ses appointements (Cassation sociale, 7
mars 2007, n° 06-40.386). Il n'a pas été retenu non plus lorsque le changement de bureau a été
motivé par le souci de la direction de rapprocher la surveillante générale de ses propres
bureaux. Elle avait conservé sa qualification et ses fonctions nonobstant l'allégement de ses
tâches qui était consécutif à ses plaintes sur ses charges de travail. Ses astreintes, dont la
rémunération avait été maintenue, avaient été rétablies après une diminution d'un mois. La
mention dans un document d'une autre surveillante générale procédait d'une erreur matérielle.
Aucune entreprise de déstabilisation n'était menée à l'encontre de la salariée (Cassation
sociale, 23 novembre 2005, n° 04-46.152).
En revanche, le harcèlement a été établi dans les cas suivants :
- la salariée a fait l'objet d'un retrait sans motif de son téléphone portable à usage
professionnel, était tenue, sans justification, de se présenter tous les matins au bureau de sa
supérieure hiérarchique, s'était vue attribuer des tâches sans rapport avec ses fonctions, faits
générateurs d'un état dépressif médicalement constaté nécessitant des arrêts de travail
(Cassation sociale, 27 octobre 2004, n° 04-41.008) ;
- le harceleur a tardivement appliqué à la salariée, secrétaire de mairie, les mesures relatives à
la réduction du temps de travail votées par le conseil municipal. Il a modifié les permanences
de la mairie en imposant délibérément à la victime des heures de présence incompatibles avec
ses occupations professionnelles dans une autre mairie. Il l'a empêchée d'accéder librement à
son lieu de travail tout comme aux documents qu'elle devait traiter ainsi qu'à l'ordinateur de la
mairie. Enfin, il l'a privée irrégulièrement de salaires (Cassation criminelle, 21 juin 2005, n°
04-86.936)
- le salarié a été humilié en présence du personnel par son supérieur hiérarchique qui lui
adressait des remontrances pour des futilités, l'obligeait à remplacer tout surveillant absent et
lui avait retiré ses fonctions de chef de service (Cassation sociale, 11 octobre 2006, n° 0448.314).
14 Quels sont les agissements de harcèlement aboutissant à une
dévalorisation du salarié ?
Méconnaissance du degré hiérarchique du salarié
Le fait de confier à d'autres salariés la mission de surveiller une salariée alors qu'ils n'ont
aucune autorité hiérarchique sur elle a pour effet de la dévaloriser (CA Dijon, 1er avril 1997,
X c/Y).
En outre, confier des tâches considérées comme « subalternes » peut aussi être estimé comme
dévalorisant et fonder une accusation de harcèlement moral.
Blocage et rétrogradation professionnelle
Le fait de bloquer toute évolution professionnelle d'un salarié en ne lui proposant que des
postes en deçà de ses compétences reconnues peut être considéré comme une forme de
harcèlement moral. Encore faut-il que les compétences du salarié aient par le passé fait l'objet
d'évaluation positive.
Le harcèlement peut également aboutir à une situation discriminatoire. La salariée avait connu
un retard important de promotion par rapport à d'autres salariés de même catégorie et
d'ancienneté comparable. Sa rémunération avait évolué beaucoup moins vite que la moyenne
de sa catégorie, sans que cette différence de traitement soit justifiée par des éléments objectifs
(Cassation sociale, 24 janvier 2006, n° 03-44.889).
Reproches excessifs et manque de respect
Les reproches professionnels doivent être formulés avec soin et ne porter que sur la qualité du
travail réalisé, sans viser de manière expresse les qualités du salarié. Ainsi, toute note écrite,
courriels mettant en cause les qualités du salarié dans des termes susceptibles d'être jugés
comme manquant de respect peuvent être utilisés à l'appui d'une action en reconnaissance d'un
harcèlement.
REMARQUE
Le fait qu'un reproche soit réalisé devant témoins renforce son caractère humiliant (Cassation
criminelle, 21 juin 2005, n° 04-86.936).
15 Les agissements de harcèlement moral doivent-ils avoir un impact sur la
santé physique ou mentale du salarié ?
Aux termes de sa définition légale, le harcèlement moral d'un salarié doit être notamment «
susceptible d'altérer sa santé physique ou mentale », mais peut tout aussi bien se traduire par
une compromission de son avenir professionnel (Code travail, article L. 122-49 recod. Code
travail, article L. 1152-1).
Toutefois, au vu de la jurisprudence, il est certain que l'existence d'un harcèlement est plus
facilement reconnue lorsque le salarié se voit obligé de prendre des calmants (CA Grenoble, 3
mai 1999, X c/Y) ou que les répercussions sont établies par certificat médical (CA Grenoble,
6 mai 1992, X c/Y), en cas d'état dépressif par exemple (CA Montpellier, 17 juin 1998, X
c/Y). La fragilité du salarié est prise en compte pour apprécier l'existence d'un harcèlement.
Ainsi, il est tenu compte de l'état de grossesse (CA Poitiers, 26 mars 1996, X c/Y), des faibles
capacités intellectuelles [CA Bordeaux, 17 avr. 1989, X c/Y] ou des problèmes de santé.
Selon les juges, il faut dans ces cas-là éviter des « pressions » trop fortes sur le salarié.
L'absence prolongée d'un salarié de l'entreprise peut être la conséquence d'une altération de
son état de santé consécutive au harcèlement moral dont il a été l'objet (Cassation sociale, 11
octobre 2006, n° 04-48.314).
Attention toutefois, le harcèlement moral ne peut se déduire de la seule altération de la santé
du salarié (Cassation sociale, 20 décembre 2006, n° 05-44.784). Le harcèlement moral n'est
pas établi non plus dans la mesure où les tâches proposées à la salariée à son retour d'un congé
maladie faisaient partie des missions expressément visées dans son contrat et, au surplus,
l'employeur avait aménagé ce poste afin que la salariée puisse travailler assise et sans port de
charges conformément aux préconisations de la médecine du travail (CA Montpellier, 20
décembre 2006, n° 06-02359).
16 Quel est le rôle du médecin traitant ou du médecin du travail pour
constater un cas de harcèlement moral ?
S'il peut légitimement constater une maladie, une contre-indication médicale, ou une
inaptitude, le médecin traitant ou le médecin du travail n'ont pas pouvoir et capacité pour
constater l'existence d'un harcèlement moral, seuls les tribunaux sont en mesure de qualifier
des faits de harcèlement moral.
Toutefois, les médecins peuvent être amenés à attester d'un lien entre une dépression nerveuse
et des faits liés au travail. Ainsi, une salariée a pu utiliser deux certificats médicaux de son
médecin généraliste et d'un psychiatre soulignant l'existence d'un état dépressif attribué aux
problèmes professionnels, et dont la période était consécutive à celle du comportement
reproché (CA Montpellier, 17 juin 1998, X c/Y). Toutefois, les attestations ainsi produites ne
sauraient suffire à établir l'existence d'un harcèlement moral.
Le stress « lié au fait qu'on lui menait la vie dure sur le lieu de travail » ne suffit pas à
caractériser le harcèlement subi par un salarié. Ainsi, les juges du fond peuvent tout à fait
relever que le certificat médical du médecin traitant estimant que la dépression de la salariée
était en rapport avec les conditions de travail, n'a été rédigé que sur les affirmations de celle-ci
(Cassation sociale, 23 novembre 2005, n° 04-41.649).
ATTENTION
Le médecin du travail est habilité à proposer des mutations ou transformations de postes
justifiées par des considérations relatives à la santé mentale des salariés (Code travail, article
L. 241-10-1 recod. Code travail, article L. 4624-1).
Identification d'un harcèlement sexuel
17 Qu'est-ce que le harcèlement sexuel ?
Droit français
La notion de harcèlement sexuel a été introduite en droit français à l'occasion de la réforme du
Code pénal en 1992. Selon la définition issue de la loi du 2 novembre 1992, le harcèlement
sexuel visait l'employeur, son représentant ou toute personne qui, abusant de l'autorité que lui
conféraient ses fonctions, avait donné des ordres, proféré des menaces, imposé des contraintes
ou exercé des pressions de toute nature sur un salarié dans le but d'obtenir des faveurs de
nature sexuelle à son profit ou au profit d'un tiers. La loi excluait de son champ d'application
le harcèlement sexuel entre collègues, ce qui n'était pas conforme aux textes communautaires
dont la recommandation de la Commission du 27 novembre 1991 (Recommandation n°
92/131/CEE, 27 novembre 1991, JOCE n° L. 49, 24 février 1992).
Depuis cette définition a évolué. Selon la loi de modernisation sociale (Loi. n° 2002-73, 17
janvier 2002, JO 18 janvier 2002, article 177), le harcèlement sexuel consiste en des «
agissements de harcèlement de toute personne dont le but est d'obtenir des faveurs de nature
sexuelle à son profit ou au profit d'un tiers » (Code travail, article L. 122-46 recod. Code
travail, article L. 1153-1).
La définition donnée par le Code pénal a également été modifiée dans ce sens, mais la
référence à l'obtention de faveurs sexuelles au profit d'un tiers a disparu. « Le fait de harceler
autrui dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle est puni d'un an d'emprisonnement
et de 15 000 € d'amende » (Code pénal, article 222-33).
Cette nouvelle définition fait disparaître l'exigence d'un lien hiérarchique entre la victime et
l'auteur des agissements.
Par ailleurs, elle ne détaille pas les agissements de « harcèlement ». En revanche, la
suppression de l'exigence légale de menaces, contraintes ou pressions, c'est-à-dire de tout abus
d'autorité, ouvre en théorie la voie à de nouvelles applications du harcèlement sexuel : il n'est
plus nécessaire aujourd'hui de prouver des pressions (ce qui est cohérent avec la possibilité
d'un harcèlement par un collègue), mais simplement des agissements de harcèlement, c'est-àdire des manoeuvres répétées visant à faire « céder » la ou le salarié par des gestes, une
obstination quotidienne, des propos mensongers...
Le harcèlement sexuel ne concerne que les relations de travail. Il ne s'étend pas à la sphère de
la vie privée. Le harcèlement sexuel n'a pas été retenu à l'encontre d'un cadre, chef d'agence
d'un organe de presse, dont deux collaboratrices se plaignaient de son comportement à leur
égard. Les faits étaient imprécis et ne s'étaient pas produits sur le lieu du travail (visites à
domicile, appels téléphoniques...), (Cassation sociale, 30 novembre 2005, n° 04-13.877).
Exigences communautaires
La directive 2006/54/CE du 5 juillet 2006 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité
des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de
travail procède à la refonte des textes antérieurs. Elle reprend notamment les dispositions de la
directive du 23 septembre 2002 modifiant la directive 76/207/CEE du Conseil relative à la
mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui
concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions
de travail (JOCE n° L. 269, 5 novembre 2002). Ce texte prend en compte les faits de
harcèlement sexuel, qui constituent une forme de discrimination prohibée (JOUE n° L. 204,
26 juillet 2006).
Selon ce texte, « le harcèlement lié au sexe d'une personne et le harcèlement sexuel sont
contraires au principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes ; il convient donc de
définir ces concepts et d'interdire ces formes de discrimination. À cet effet, il faut souligner
que ces formes de discrimination se manifestent non seulement sur le lieu de travail, mais
également à l'occasion de l'accès à l'emploi et à la formation professionnelle, de même que
dans le cadre de l'emploi et du travail ».
Le harcèlement sexuel est défini comme la situation dans laquelle un comportement non
désiré à connotation sexuelle, s'exprimant physiquement, verbalement ou non verbalement,
survient avec pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité d'une personne et, en
particulier, de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant.
La définition communautaire est plus large que la définition retenue par le législateur
français. Elle englobe le harcèlement verbal et n'évoque pas la recherche de « faveurs ».
REMARQUE
La directive du 5 juillet 2006 abroge les directives antérieures à compter du 15 août 2009.
18 Quelle est l'étendue de la protection en matière de harcèlement sexuel ?
Aucun salarié, aucun candidat à un recrutement, à un stage ou à une période de formation en
entreprise ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire,
directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement,
d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou
de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir les agissements de
harcèlement sexuel (Code travail, article L. 122-46 recod. Code travail, article L. 1153-2).
Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire
pour avoir témoigné des agissements de harcèlement sexuel ou pour les avoir relatés (Code
travail, article L. 122-46 recod. Code travail, article L. 1153-3).
Toute disposition ou tout acte contraire est nul de plein droit (Code travail, article L. 122-46
recod. Code travail, article L. 1153-4).
En outre, tout salarié ayant procédé aux agissements de harcèlement sexuel est passible d'une
sanction disciplinaire (Code travail, article L. 122-46, recod. Code travail, article L. 1153-6).
19 Qui peut être reconnu comme harceleur ?
Le harcèlement sexuel peut être exercé :
- par un supérieur hiérarchique ou par l'employeur ;
- par des personnes ayant une autorité de fait, tels que les conjoints (CA Paris, 16 janvier
1997, X c/Y) ou membres de la famille de l'employeur, les donneurs d'ouvrage dans le cadre
de contrats de sous-traitance ou d'une mise à disposition ;
- par des collègues de travail, quel que soit leur niveau hiérarchique par rapport à la victime.
20 Quels sont les agissements qui peuvent être qualifiés de harcèlement
sexuel ?
Le fait d'avoir tenu des propos incorrects ne suffit pas à caractériser un harcèlement sexuel
justifiant un licenciement (Cassation sociale, 27 février 1992, nº 91-41.057).
Le comportement de harcèlement sexuel suppose en préalable que :
- la ou le salarié ne consente pas aux agissements ;
- les agissements reprochés aient pour but l'obtention de faveurs de nature sexuelle. Ainsi, ce
terme vise non seulement des relations sexuelles, mais aussi tous les contacts physiques
pouvant apparaître comme étant de nature sexuelle, qui seraient « forcés » (CA, 18 janvier
1996, X c/Y). Il n'est pas nécessaire que l'obtention de faveurs ait été explicitement
demandée. Ainsi, l'ambiguïté de certains gestes « d'amitié » dans certaines circonstances peut
être interprétée comme étant caractéristique d'un harcèlement sexuel.
La préoccupation quant à la dignité de la salariée reste un des critères pouvant être utilisés.
Dans cet esprit, la Cour de cassation a confirmé que même en l'absence de harcèlement
sexuel, la faute grave peut être retenue lorsqu'un salarié a eu une attitude particulièrement
inconvenante qui a choqué la pudeur d'autres salariées (Cassation sociale, 12 mars 2002, n°
99-42.646). Dans tous les cas, il importe que soient relatés des éléments de faits précis et
concordants (Conseil Constitutionnel n° 2001-455 DC, 12 janvier 2002). Ainsi, une remarque,
allusion orale ou écrite ne peut suffire généralement à établir l'existence d'un harcèlement
sexuel.
Ont été retenus comme constituant un harcèlement sexuel :
- des propos, allusions, et gestes impudiques commis par un supérieur hiérarchique, lesquels
avaient entraîné la démission d'une salariée et des difficultés professionnelles pour une autre
salariée. Ces derniers faits établissaient ainsi l'existence de menaces et pressions (CA Dijon,
26 novembre 1998, X c/Y) ;
- la promesse d'avancement faite par un directeur à une jeune femme stagiaire si elle accepte
de céder à ses avances et la menace d'un licenciement en cas de refus (CA Paris, 6 octobre
1995, X c/Y) ;
- des gestes d'amitié ambigus envers une salariée âgée de 20 ans, la différence d'âge
démontrant en l'espèce le caractère inadmissible du comportement (CA Chambéry, 18 janvier
2000, X c/Y) ;
- les avances d'un supérieur hiérarchique qui pour obtenir des faveurs d'ordre sexuel, se
prévaut de sa qualité de patron qu'il revendique pour faire pression sur ses salariées, qui se
trouvaient en état de faiblesse puisqu'elles bénéficiaient d'un statut particulier compte tenu de
leurs difficultés médicales. Dans cette affaire, le prévenu avait cessé de verser à l'une des
salariées une prime exceptionnelle lorsqu'elle avait refusé ses propositions et l'avait affectée à
des postes très pénibles et inadaptés à son handicap. Dans le cas d'une autre salariée, après lui
avoir accordé une promotion lorsqu'elle avait accepté d'avoir une relation sexuelle avec lui, il
l'avait ensuite reléguée au nettoyage des toilettes lorsqu'elle avait refusé de poursuivre cette
relation. En ce qui concerne la troisième, il lui avait caressé la joue et avait tenté de
l'embrasser mais, celle-ci ayant repoussé ses avances, il l'avait licenciée (Cassation criminelle
18 février 2004, n° 03-83.302) ;
- les propos déplacés de nature à heurter sa sensibilité, que la salariée avait subi de la part de
son supérieur (Cassation sociale, 11 octobre 2006, n° 04-45.719).
En revanche, pour considérer que le harcèlement sexuel est établi, les juges ne peuvent
seulement retenir que la teneur des messages de l'employeur ne laisse aucun doute quant à la
nature des relations qu'il aurait souhaité engager avec la salariée. Ils doivent constater que la
salariée avait été licenciée pour avoir subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement
de l'intéressé (Cassation sociale, 20 avril 2005, n° 03-41.916).
21 Une simple tentative de séduction est-elle susceptible d'être qualifiée de
harcèlement sexuel ?
Le harcèlement sexuel a été exclu s'agissant de poèmes et lettres ne traduisant que « l'émoi
sentimental » d'un directeur envers une salariée, sans contenir aucun terme indécent ou
obscène dépassant la simple expression d'une passion amoureuse et pouvant affecter la dignité
de la salariée dans sa vie professionnelle (CA Versailles, 30 juin 1993, X c/Y). A fortiori, le
harcèlement est exclu lorsque la séduction s'exerce entre personnes de deux entreprises
différentes : l'envoi à une jeune femme, chargée d'une animation et membre d'une autre
entreprise, de brèves missives rédigées sur un mode poétique à tendance romantique ou se
voulant comme tel, sans aucun propos libertins, graveleux ou déplacés, ou visant à obtenir des
faveurs sexuelles ne saurait ainsi être qualifié de harcèlement (CA Toulouse, 2 mars 2000, X
c/Y).
En définitive, il n'y a pas lieu de pénaliser les « simples signaux sociaux conventionnels,
lancés de façon espacée les uns des autres dans le temps, de façon à permettre d'exprimer la
manifestation, non fautive au plan pénal, d'une inclination pouvant être sincère », dès lors
qu'ils sont commis sans chantage (CA Douai, 10 septembre 1997, X c/Y). En l'espèce, il
n'était reproché qu'effleurements de main, proposition de baiser, remarque de regret suite à
l'absence de la salariée...
Reconnaissance d'un harcèlement sexuel ou moral
Médiation
22 Une médiation peut-elle être envisagée face à un harcèlement moral ou
sexuel ?
Depuis la loi du 3 janvier 2003, le recours au médiateur n'est envisagé que dans le cadre du
harcèlement moral et non dans le cadre du harcèlement sexuel [L. n° 2003-6, 3 janv. 2003, JO
4 janv.]. La seule voie de recours ouverte désormais aux victimes de harcèlement sexuel est
l'action en justice.
Une procédure de médiation peut donc être envisagée par toute personne de l'entreprise
s'estimant victime de harcèlement moral. Cette démarche peut également être à l'initiative de
la personne mise en cause (Code travail, article L. 122-54 recod. Code travail, article L. 11526). L'engagement d'une médiation s'opère sans procédure particulière, et nécessite simplement
d'adresser une proposition de médiation à la victime ou au salarié accusé de harcèlement.
Toutefois, la procédure peut rapidement bloquer sur le choix du médiateur : ce choix doit faire
l'objet d'un accord entre les parties (employeur et salarié ou salarié/salarié) ; l'intervention
d'un médiateur ne peut ainsi être imposée par personne.
Ce médiateur peut être un salarié de l'entreprise, ou une personnalité extérieure. Ainsi, un
représentant du personnel, un membre de la direction des ressources humaines, un dirigeant,
un autre salarié peuvent être choisis par les parties.
L'entreprise ne peut imposer un médiateur à la victime, mais peut encourager tout au moins la
saisine à titre de médiation d'une personne désignée (par le règlement intérieur ou par toute
autre instance).
La procédure de médiation est également librement organisée par le médiateur, et peut par
exemple consister en des confrontations, enquêtes, entretiens tripartites, etc.
La loi précise la mission du médiateur. Il s'informe de l'état des relations entre les parties, il
tente de les concilier et leur soumet des propositions qu'il consigne par écrit en vue de mettre
fin au harcèlement.
En cas d'échec de la conciliation, le médiateur informe les parties des éventuelles sanctions
encourues et des garanties procédurales prévues en faveur de la victime. Aucun compte rendu
n'est prévu.
Action au conseil de prud'hommes
23 Comment obtenir réparation d'un harcèlement moral ou sexuel devant
le conseil de prud'hommes ?
Le salarié s'estimant victime de harcèlement moral ou sexuel peut agir devant le conseil de
prud'hommes soit :
- pour obtenir des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi. Cette demande peut
s'adresser tant à l'employeur qu'au harceleur ;
- pour obtenir l'annulation d'un licenciement, d'une démission ou d'une rupture anticipée d'un
CDD qu'il estimerait lié à son harcèlement moral ou sexuel ;
EXEMPLES
- le licenciement d'une salariée pour avoir tenu des propos diffamatoires visant à déstabiliser
le gérant et son épouse, et pour avoir créé un trouble dans l'entreprise, est annulé. La salariée
s'était plainte à son employeur du harcèlement sexuel dont elle faisait l'objet. Elle avait dû
subir de la part de son supérieur des propos déplacés de nature à heurter sa sensibilité. Il y
avait eu harcèlement sexuel que la salariée était en droit de refuser en le dénonçant à
l'employeur (Cassation sociale, 11 octobre 2006, n° 04-45.719) ;
- une salariée engagée sous contrat de qualification avait été amenée à signer avec son
employeur un accord de rupture anticipée de ce contrat après avoir subi des faits de
harcèlement et abus dont il était résulté des troubles psychologiques. L'acte signé a été annulé
(Cassation sociale, 30 novembre 2004, n° 03-41.757).
Assurance chômage et action en reconnaissance d'un harcèlement
L'Assédic considère comme une démission légitime, le départ du salarié à la suite d'un acte
susceptible d'être délictueux (ce qui est le cas du harcèlement moral ou sexuel) dont il déclare
avoir été la victime s'il justifie avoir déposé plainte auprès du procureur de la République. Le
salarié ouvre droit aux allocations d'assurance chômage :
- pour obtenir l'annulation de sanctions disciplinaires, mutations, refus de promotion motivés
par un harcèlement sexuel ou moral ;
- pour obtenir la résiliation judiciaire du contrat aux torts de l'employeur ou la requalification
de son départ de l'entreprise en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La résiliation judiciaire peut être demandée même si le salarié bénéficie d'une protection
particulière contre le licenciement (Cassation sociale, 16 mars 2005, n° 03-40.251).
L'employeur ayant été condamné pour des faits de harcèlement sexuel commis au préjudice
de sa salariée, la rupture du contrat de travail de cette salariée un an après cette condamnation
lui a été imputable (Cassation sociale, 29 septembre 2004, n° 02-43.692).
Autre exemple : une salariée intervient en 1999 auprès de son employeur pour dénoncer le
harcèlement moral subi de la part d'un supérieur hiérarchique. En avril 2001, l'intéressée n'a
pas repris son travail pour cause de maladie. Elle saisit le conseil de prud'hommes, en février
2003, d'une demande de résiliation du contrat de travail en invoquant le harcèlement moral et
réclame des indemnités calculées à la date de l'audience de plaidoirie. Elle obtient gain de
cause. En matière de résiliation judiciaire du contrat de travail, sa prise d'effet ne peut être
fixée qu'à la date de la décision judiciaire la prononçant, dès lors qu'à cette date le salarié est
toujours au service de son employeur (Cassation sociale, 11 janvier 2007, n° 05-40.626).
ATTENTION
Lorsque le salarié prend acte de la rupture et que les faits de harcèlement ne sont pas
reconnus, la rupture emporte les effets d'une démission (Cassation sociale, 25 juin 2003, n°
01-42.679). Il peut être plus prudent de demander au conseil de prud'hommes de prononcer la
résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur, tout en continuant à travailler.
Le Code du travail ne prévoit pas de modalités de saisine particulière du conseil de
prud'hommes, lequel peut donc l'être au titre :
- d'une action principale soumise en premier lieu au bureau de conciliation, puis au bureau de
jugement ;
- d'une action en référé, lorsque la demande présente une urgence particulière et ne suscite pas
de contestation sérieuse. Ainsi, une saisine en référé peut être envisagée par une salariée ayant
démissionné suite à un harcèlement moral pour obtenir une attestation Assédic indiquant la
rupture à l'initiative de l'employeur ou pour un salarié licencié souhaitant obtenir une
provision en prévision de la nullité de son licenciement.
ATTENTION
Une transaction sur laquelle les parties se sont entendues avant la notification du licenciement
doit être annulée. La salariée soutenait que son employeur, après s'être livré à des agissements
constitutifs de harcèlement moral, lui avait fait signer cette transaction avant la date de son
licenciement. La discussion sur le projet de transaction avant la rupture était avérée puisque la
salariée qui était en état dépressif avait reçu le projet avant son licenciement et s'en était
entretenue avec un défenseur syndical (Cassation sociale, 4 avril 2007, n° 05-42.856).
24 Quel est le délai d'une telle action en justice ?
Aucun délai n'encadre ces actions, hormis le délai de prescription trentenaire.
Toutefois, seuls sont concernés les faits :
- de harcèlement moral postérieurs à la loi du 19 janvier 2002 ;
- de harcèlement sexuel postérieurs à la loi du 2 novembre 1992.
S'agissant de faits antérieurs à ces lois, ils peuvent être pris en compte s'ils se sont poursuivis
après ces lois, le comportement du harceleur étant alors un tout indissociable (TGI Paris, 31e
Chambre, 25 octobre 2002).
En outre, si le harcèlement moral est intervenu antérieurement à la loi du 19 janvier 2002, le
salarié peut toujours agir en réparation non pas d'un harcèlement moral, mais de mesures
vexatoires, notamment à l'appui d'une contestation d'un licenciement.
25 Le salarié est-il protégé durant cette action en justice ?
Le simple engagement d'une action en justice ne saurait protéger un salarié, sur le modèle de
la protection des femmes enceintes ou des représentants du personnel. En revanche, si le
licenciement est reconnu comme en réalité motivé par le refus de subir un harcèlement,
matérialisé par l'action en justice, il est alors nul (voir n° 32).
26 À qui incombe la preuve du harcèlement moral ou sexuel ?
La loi organise un mécanisme de preuve en deux temps pour prouver l'existence d'un
harcèlement moral ou sexuel (Code travail, article L. 122-52 recod. Code travail, article L.
1154-1) :
- dans un premier temps, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer
l'existence d'un harcèlement (voir n° 27). Il doit prouver les éléments qu'il avance pour
invoquer un harcèlement moral ou sexuel ;
- dans un second temps, au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse
(l'employeur ou le salarié mis en cause) de prouver que ces agissements ne sont pas
constitutifs d'un harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs
étrangers à tout harcèlement (Code travail, article L. 122-52 recod. Code travail, article L.
1154-1) ; (voir n° 29).
Au final, les juges forment leur conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les
mesures d'instruction qu'ils estiment utiles (Cassation sociale, 23 novembre 2005, n° 0446.152). Ils peuvent ainsi décider d'une mission de conseiller rapporteur, de la nomination
d'un expert, etc. À noter qu'ils ne sont pas liés par le certificat médical produit par la victime
(Cassation sociale, 23 novembre 2005, n° 04-41.649).
ATTENTION
Ces modalités de preuve ne concernent que l'action engagée devant le conseil de
prud'hommes et non l'action devant le tribunal correctionnel (voir nos 36 et s.).
27 Quels sont les éléments de preuve que le salarié peut apporter ?
Le salarié doit établir la preuve de faits les plus divers : paroles, gestes, courriers, messages
électroniques, attitudes, refus explicite ou implicite de certains droits... Qu'il agisse devant le
tribunal correctionnel ou le conseil de prud'hommes, les modalités de cette preuve sont libres.
Ainsi, le salarié peut apporter les preuves suivantes :
- des attestations d'un ou de plusieurs salariés, ainsi que de personnes extérieures à
l'entreprise. Il peut s'agir d'attestations d'autres salariés relatant les propos désobligeants dont
a fait l'objet la victime de harcèlement moral (Cassation sociale, 22 mars 2006, n° 03-47.478)
ou des témoignages de clients. D'autres témoignages fournis par l'employeur sur l'ambiance
conviviale qui règne dans l'entreprise ne suffisent pas forcément à contrer ce type d'attestation
(CA Nancy, 13 novembre 2000, X c/Y). Toutefois, une attestation n'a pas de valeur « absolue
» : les juges peuvent en tenir compte, tout comme l'écarter, notamment lorsqu'il existe des
doutes quant à l'impartialité du témoin ;
- des certificats médicaux et, notamment ceux du médecin du travail mais aussi du médecin
traitant (Cassation sociale, 22 mars 2006, n° 03-47.478) ;
- des notes internes, résultat d'évaluation, et tout autre document circulant dans l'entreprise. À
cet égard, l'impression d'un courrier électronique peut être utilisée par le salarié, avec la
réserve que la valeur d'une telle impression n'est que relative compte tenu des possibilités de
falsification de ces messages ;
- des SMS. Si l'enregistrement d'une conversation téléphonique privée, effectué à l'insu de
l'auteur des propos invoqués, est un procédé déloyal et donc un mode preuve irrecevable
(Cassation 2e civile, 7 octobre 2004, n° 03-12.653), il n'en est pas de même de l'utilisation par
le destinataire des messages écrits téléphoniquement adressés, dits SMS. Ce mode de preuve
est recevable en justice (Cassation sociale, 23 mai 2007, n° 06-43.209) ;
- des courriers de l'employeur, notamment disciplinaires ;
- un éventuel procès-verbal de l'inspecteur du travail, notamment lorsque celui-ci enquête
dans l'entreprise suite à un courrier du salarié.
Outre prouver des faits, le salarié peut également prouver l'inaction fautive de l'employeur, en
démontrant que l'envoi de lettres de dénonciation du harcèlement est resté sans suite. À cet
égard, l'absence de protestation de l'employeur, suite à des lettres que la salariée lui a
envoyées (CA Douai, 26 novembre 1993, X c/Y ; CA Toulouse, 30 novembre 2000, X c/Y)
ou suite à des lettres destinées à porter à la connaissance de l'inspection du travail la situation
de harcèlement, peut être prise en compte par les juges pour forger leur conviction (CA
Toulouse, 24 février 2000, X c/Y).
Enfin, le salarié peut également reconstituer son parcours professionnel, et démontrer la
concordance d'incidents et de faits de harcèlement. Ainsi, une salariée a pu démontrer le
harcèlement sexuel en liant son « ascension » et sa « chute » professionnelle (son
licenciement) à ses relations sexuelles avec son supérieur hiérarchique (CA Paris, 6 octobre
1995, X c/Y).
ATTENTION
Le fait que les sanctions disciplinaires prononcées contre le salarié soient amnistiées ne
l'empêche pas de les invoquer pour prouver le harcèlement moral ou sexuel (Cassation avis,
21 décembre 2006, n° 0060014).
28 Les salariés témoignant du harcèlement sont-ils protégés ?
Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire
pour avoir témoigné d'agissements de harcèlement moral ou sexuel ou pour les avoir relatés
(Code travail, article L. 122-46 recod. Code travail, article L. 1153-2 ; Code travail, article
122-49 recod. Code travail, article L. 1152-2). Cette protection concerne tant le témoignage
devant une juridiction, que les attestations écrites, voire les propos adressés à d'autres
personnes, comme les représentants du personnel.
La protection concerne le licenciement motivé par ce témoignage, soit directement, soit
indirectement. Le licenciement prononcé en violation de cette disposition serait nul.
29 Comment l'employeur peut-il contester les accusations de harcèlement
moral ?
L'employeur doit apporter la preuve que les éléments de fait établis par le salarié ne sont pas
en rapport avec un harcèlement moral ou sexuel.
Contester la réalité et le sérieux des accusations
L'entreprise devra prouver que les agissements allégués par le salarié soit :
- ne sont pas établis. L'employeur peut ainsi contester l'impartialité des témoins, la version des
faits présentée. L'employeur peut, par exemple, démontrer que les attestations utilisées ne sont
que partielles, les « omissions » des attestations éclairant et justifiant les comportements
faisant l'objet de l'attestation ;
- ne relèvent pas du harcèlement mais reposent sur d'autres considérations : fautes
professionnelles, contraintes de gestion, etc. Ainsi, face à un reproche excessif, l'employeur
peut démontrer qu'il faisait suite à une grave négligence de la salariée aux conséquences
préjudiciables pour l'entreprise, ce qui en excuse la rigueur. Il peut également mettre en valeur
l'hostilité de la salariée, laquelle relève plus d'une incompatibilité d'humeur que d'un
harcèlement moral.
En outre, lorsque l'accusation de harcèlement moral ou sexuel a été portée à la connaissance
de la direction de l'entreprise, l'employeur peut établir qu'il a sollicité du salarié, sans
menaces, qu'il précise ses griefs et que celui-ci n'y a pas consenti. Dès lors, l'employeur
pourra légitimement estimer avoir satisfait à son obligation de prévention et mettre en doute le
caractère concordant des faits invoqués par la ou le salarié.
Justifier sa ou ses décisions par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement
L'employeur est souvent amené à prendre des décisions quant à la vie professionnelle du
salarié. Ce dernier peut considérer que ces décisions participent au processus de harcèlement
(refus de mutation, sanction disciplinaire, etc.), voire en marquent l'aboutissement
(licenciement). Or, le Code du travail prévoit expressément que toute mesure de gestion du
personnel (reclassement affectation, mutation, renouvellement de contrat...) peut être annulée,
s'il est établi qu'elle a été mise en oeuvre dans le but de harceler le salarié (Code travail,
article L. 122-46 recod. Code travail, article L. 1153-4 ; Code travail, article L. 122-49 recod.
Code travail, article L. 1152-3)
.
L'employeur doit établir que toutes les décisions prises sont « justifiées par des éléments
objectifs étrangers à tout harcèlement » (Code travail, article L. 122-52 recod. Code travail,
article L. 1154-1). Cette exigence impose d'expliquer :
- des reproches professionnels, refus de promotion ou de mutation, et ce par l'exposé des
carences ou insuffisances professionnelles du salarié. Cette preuve peut être difficile et
suppose parfois un retour en arrière sur le parcours professionnel du salarié. Le recours à des
évaluations internes peut ainsi être envisagé. Une liste d'erreurs ou de négligences
professionnelles peut aussi être apportée comme éclairage d'une décision, de même que la
liste des absences ou retards du salarié ;
- les sanctions disciplinaires. Le courrier de notification de la sanction ou du licenciement
explicite normalement cette décision ; toutefois, l'employeur devra alors rapporter la preuve
des faits qu'il cite à l'appui de sa décision.
Mettre en évidence le caractère isolé des comportements reprochés
Pour qu'il y ait harcèlement, les actes reprochés par le salarié doivent être répétés. Lorsque
l'agissement en cause est le fait d'un autre salarié de l'entreprise, face à un acte isolé,
l'employeur peut mettre en valeur les excuses qui l'ont suivi, prouver que le comportement
global du salarié en cause est correct et ce par des attestations d'autres salariés (dont la valeur
est toutefois librement appréciée par les juges).
ATTENTION
La Cour de cassation a jugé caractérisée la faute grave reprochée à une salariée qui avait
adressé à son supérieur hiérarchique deux lettres lui imputant faussement des actes de
harcèlement moral et avait demandé en justice, sur le fondement des mêmes accusations, la
résolution de son contrat de travail aux torts de l'employeur. Un tel comportement rendait
impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; le
licenciement pour faute grave était donc justifié (Cassation sociale, 18 février 2003, n° 0111.734).
30 À quelles indemnités un salarié victime de harcèlement sexuel ou moral
peut-il prétendre ?
Le salarié reconnu victime d'un harcèlement moral ou sexuel peut obtenir des dommages et
intérêts directement devant le conseil de prud'hommes en raison du préjudice subi du fait de
ce harcèlement. Aucun montant minimum ou maximum n'existe pour indemniser ce
préjudice. Le juge prud'homal doit connaître et traiter de l'entier dommage consécutif à un
harcèlement, y compris le montant du préjudice corporel (Cassation sociale, 16 mars 2005, n°
03-40.251).
S'il a fait l'objet d'un licenciement lié à son harcèlement, celui-ci peut être annulé (voir n° 32).
À défaut de demander sa réintégration, le salarié peut obtenir une indemnité égale à
l'indemnité prévue en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Si le salarié a démissionné, il peut obtenir la requalification de cette démission en
licenciement et obtenir ainsi les indemnités de préavis, de licenciement et les dommages et
intérêts prévus en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse (au minimum six mois de
salaire).
Il peut aussi saisir le conseil de prud'hommes afin d'obtenir la résiliation judiciaire de son
contrat de travail, ce qui lui permet de percevoir ainsi les indemnités de préavis, de
licenciement et les dommages et intérêts prévus en cas de licenciement sans cause réelle et
sérieuse (au minimum six mois de salaire). Le fait que le salarié ait été victime de mesures de
harcèlement et de discrimination auxquelles a participé l'employeur ou qu'il a tolérées,
constitue un manquement à ses obligations contractuelles justifiant la résiliation du contrat de
travail à ses torts (Cassation sociale, 15 mai 2006, n° 04-41.208).
REMARQUE
L'employeur doit payer l'indemnité compensatrice de préavis, lorsque l'inexécution du préavis
par le salarié lui est imputable. Il en est ainsi lorsque l'employeur a commis à l'encontre du
salarié des faits de harcèlement moral ayant contribué à l'apparition d'une affection ayant
justifié les arrêts de travail pour maladie qui s'étaient prolongés pendant la période de préavis
(Cassation sociale, 20 septembre 2006, n° 05-41.385).
Enfin, si ce harcèlement est à l'occasion du refus de renouvellement d'un CDD, d'un refus de
promotion, d'une mutation à un poste financièrement moins intéressant, le salarié peut obtenir
l'annulation de cette décision et le paiement des sommes qu'il aurait perçues en l'absence
d'une telle décision : salaires ou primes non versés.
31 La responsabilité de l'employeur peut-elle être engagée même s'il n'est
pas le harceleur ?
Oui, a répondu la Cour de cassation dans un arrêt de principe. L'employeur est tenu envers ses
salariés d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la
sécurité des travailleurs dans l'entreprise, notamment en termes de prévention du harcèlement
moral. L'absence de faute de sa part ne peut l'exonérer de sa responsabilité.
À noter que la responsabilité de l'employeur, tenu de prendre les mesures nécessaires à la
prévention des risques professionnels liés au harcèlement moral (voir n° 42) n'exclut pas la
responsabilité du salarié harceleur (Cassation sociale, 21 juin 2006, n° 05-43.914).
Dès qu'il est informé des agissements de harcèlement moral dont est victime un salarié de
l'entreprise, l'employeur doit réagir et y mettre un terme. S'il ne le fait pas, la rupture du
contrat de travail du salarié victime lui est imputable (Cassation sociale, 21 février 2007, n°
05-41.741). En l'espèce, le salarié avait saisi l'employeur de faits expressément qualifiés de
harcèlement et non pour une simple mésentente avec une collègue.
REMARQUE
La même solution retenant la responsabilité de l'employeur devrait s'appliquer en matière de
harcèlement sexuel compte tenu de la similitude des textes.
32 Le licenciement d'un salarié reconnu « harcelé » peut-il être annulé ?
Le licenciement qui serait jugé motivé par un harcèlement sexuel ou moral doit être considéré
comme nul. Est visé, le licenciement d'un salarié ayant subi ou refusé de subir des
agissements de harcèlement, par exemple, lorsque le licenciement fait suite à des accusations
non prises en considération ou à un refus de céder aux avances sexuelles. Même si le motif du
licenciement ne fait pas référence à des faits ou accusations liés au harcèlement, il peut être
annulé dès lors que le motif invoqué n'est pas réel et sérieux ou s'appuie sur les conséquences
indirectes du harcèlement, notamment le refus de travailler avec son harceleur, une absence
pour dépression de longue durée, une absence injustifiée suite à des accusations, la non
réalisation d'objectifs dans un contexte de harcèlement et d'hostilité continu...
EXEMPLE
Le licenciement d'un salarié est annulé, la conjonction et la répétition des faits subis
constituant un harcèlement moral de la part de son employeur : déclaration tardive de
l'accident du travail dont il avait été victime, vérifications subites et tatillonnes de ses états de
frais, recours injustifié à un huissier de justice, déclaration à la gendarmerie de la prétendue
disparition d'un document d'habilitation détenu par le salarié, ayant eu pour conséquence son
audition par les gendarmes et la mise en place d'un licenciement disciplinaire à l'égard d'un
cadre (Cassation sociale, 4 avril 2006, n° 04-43.929).
Lorsque l'absence prolongée d'un salarié est la conséquence d'une altération de son état de
santé consécutive au harcèlement moral dont il a été l'objet, l'employeur ne peut, pour le
licencier, se prévaloir du fait que son absence perturbe le fonctionnement de l'entreprise. Le
licenciement du salarié est nécessairement lié à la situation de harcèlement moral ; il doit donc
être annulé (Cassation sociale, 11 octobre 2006, n° 04-48.314).
Cette nullité du licenciement permet au salarié d'obtenir sa réintégration. Le salarié a droit au
paiement d'une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours
de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du
montant des salaires dont il a été privé (Cassation sociale, 25 janvier 2006, n° 03-47.517). Si
le salarié ne demande pas sa réintégration, il a droit aux indemnités de rupture et à une
indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et
au moins égale à six mois de salaire, quelle que soit son ancienneté (Cassation sociale, 2 juin
2004, n° 02-41.045).
REMARQUE
La menace de nullité ne concerne pas tout licenciement prononcé alors qu'un contentieux ou
précontentieux pour harcèlement moral ou sexuel est en cours. Seul le licenciement dont le
motif invoqué ne serait pas réel et sérieux ou qui reposerait sur les conséquences directes ou
indirectes d'un harcèlement encourt la nullité. Encore, faut-il que le harcèlement soit reconnu
par le conseil de prud'hommes.
Saisine de la Halde
Un salarié qui s'estime victime de harcèlement moral à connotation raciste, ou lié à toute autre
discrimination, a pu saisir la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité
(Halde, voir nos 80 et s.). Jugeant cette demande fondée, la haute autorité a recommandé à
l'employeur de mettre en place une formation des personnels d'encadrement et des ressources
humaines sur le harcèlement moral et le droit du travail applicable, ainsi que la création d'une
procédure d'alerte favorisant l'expression des salariés.
L'employeur qui demandait l'annulation de cette délibération qui n'a pas été rendue publique
car non publiée au Journal officiel, n'a pas obtenu gain de cause. Les recommandations que la
Halde ne rend pas publiques ne constituent pas des décisions administratives. Elles ne sont
donc pas susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir devant le Conseil
d'État. À noter qu'un tel recours serait possible, en revanche, en présence d'une
recommandation de portée générale et rédigée de façon impérative (CE, 13 juillet. 2007, n°
294195).
Action auprès de la sécurité sociale
33 Une maladie provoquée par le harcèlement moral peut-elle être
reconnue comme maladie professionnelle ?
Une maladie provoquée par un harcèlement moral peut effectivement être considérée comme
une maladie professionnelle. Il en a été ainsi par exemple pour une salariée atteinte d'une «
forte dépression après harcèlement moral » (Cassation 2e civile, 14 septembre 2006, n° 0511.110 ; Cassation sociale, 15 novembre 2006, n° 05-41.489).
34 Le suicide suite à un harcèlement moral peut-il être indemnisé au titre
d'un accident du travail et d'une faute inexcusable ?
Le suicide ou la tentative de suicide consécutifs à un harcèlement sont reconnus comme des
accidents du travail, lorsqu'ils surviennent au temps et au lieu de travail (Cassation sociale, 20
avril 1988, n° 86-15.690). En pratique, du simple fait d'intervenir au travail, le suicide est
présumé être un accident du travail. Toutefois, les caisses primaires contestent généralement
cette qualification. Ce n'est que suite à un recours devant le tribunal des affaires de sécurité
sociale, que la qualification d'accident du travail est maintenue, dès lors qu'il est prouvé que le
geste du salarié est lié à un conflit au travail, voire à un harcèlement moral. Ainsi, une salariée
a obtenu la reconnaissance comme accident du travail de sa tentative de suicide, car elle était
soumise à une « pression psychologique impitoyable de sa supérieure », son geste ayant été
déclenché par l'envoi d'un nouveau planning avec des tâches nouvelles lui apparaissant
impossibles à réaliser (TASS des Vosges, 28 février 2000).
La jurisprudence est allée plus loin. Elle considère désormais que le fait pour un salarié de
tenter de mettre fin à ses jours en dehors du temps et du lieu de travail (le salarié était en arrêt
de travail pour maladie) constitue un accident du travail, dès lors qu'un lien direct avec le
travail est établi. En l'espèce, des attestations et un certificat médical établissaient que les faits
de harcèlement moral dont le salarié avait été victime avaient entraîné l'arrêt de travail pour
syndrome anxio dépressif, lequel syndrome avait conduit à la tentative de suicide (Cassation
sociale, 22 février 2007, n° 05-13.771)
.
La reconnaissance d'un accident du travail emporte, outre une éventuelle incidence sur la
tarification accident du travail, la mise en oeuvre d'une protection contre le licenciement et
une obligation de reclassement renforcée, ainsi que des indemnités journalières et des
remboursements plus importants que pour un accident normal. Par ailleurs, le salarié peut
engager une action en reconnaissance d'une faute inexcusable, laquelle peut lui permettre de
demander une indemnisation complémentaire par l'employeur (CSS, article L. 452-2 à L. 4524). Une telle faute inexcusable est par exemple envisageable lorsque l'employeur est informé
de la situation de harcèlement et n'agit pas.
35 Le salarié peut-il être indemnisé pour harcèlement moral antérieur à la
reconnaissance d'un accident du travail ?
La Cour de cassation a jugé que oui. La législation sur les accidents du travail et maladies
professionnelles ne fait pas obstacle à l'attribution de dommages et intérêts au salarié en
réparation du préjudice que lui a causé le harcèlement moral dont il a été victime
antérieurement à la prise en charge de son affection par la sécurité sociale. L'employeur a
donc été condamné au paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral. L'article L.
451-1 du Code de la sécurité sociale selon lequel aucune action en réparation d'une maladie
professionnelle ne peut être exercée par la victime ou ses ayants droit n'était pas applicable
(Cassation sociale, 15 novembre 2006, n° 05-41.489).
Action sur le terrain pénal
36 Le salarié peut-il déposer plainte pour harcèlement moral ou sexuel ?
Les harcèlements moral ou sexuel constituent tous deux des délits réprimés par le Code pénal
(Code pénal, article 222-33 et 222-33-2).
Le salarié peut :
- soit déposer une plainte simple, auprès du commissariat. Cette plainte peut conduire à une
enquête des services de police, l'ouverture d'une instruction judiciaire, l'interrogation de
certains salariés, etc. tout comme aboutir à un classement sans suite ;
- soit se constituer partie civile, auprès du parquet du tribunal correctionnel. Cette dernière
voie impose au parquet d'ouvrir une information judiciaire, au contraire de la plainte simple
qui peut être classée sans suite. Toutefois, le juge d'instruction désigné peut décider d'une
ordonnance de non-lieu et cesser donc d'instruire l'accusation ;
- soit rédiger une citation directe assignant le harceleur devant le tribunal correctionnel.
Étant réalisée sans enquête, cette citation suppose que le harcèlement soit démontré dans la
citation.
A NOTER
La définition de ces délits par le Code pénal est identique à celle donnée par le Code du
travail à une seule exception : le harcèlement exercé pour obtenir des faveurs sexuelles au
profit d'un tiers n'est pas condamné pénalement (Code pénal, article 222-33). En revanche, le
délit de harcèlement sexuel n'est pas limité au monde du travail, et peut par exemple
concerner les relations d'un professeur et d'une étudiante (Cassation criminelle, 15 juin 2002,
n° 99-84.171).
37 Quelles sont les sanctions pénales applicables au harcèlement moral ou
sexuel ?
Un salarié qui serait coupable de harcèlement moral ou sexuel au travail est puni d'une peine
pouvant aller jusqu'à un an d'emprisonnement et une amende de 15 000 € (Code pénal, article
222-33 et 222-33-2). En outre, des peines complémentaires peuvent être prononcées,
notamment l'interdiction des droits civiques ou l'interdiction d'exercer l'activité
professionnelle à l'occasion de laquelle le harcèlement s'est produit (Code pénal, article 22244).
Enfin, d'autres délits peuvent être associés au harcèlement, notamment le délit de tentative
d'agression sexuelle.
La victime du harcèlement sexuel peut obtenir des dommages et intérêts, en réparation du
dommage né de l'infraction. Leur montant est apprécié souverainement par les juges du fond
(Cassation criminelle 20 novembre 2002, n° 02-81.635).
38 Le salarié peut-il être attaqué pour dénonciation calomnieuse si sa
plainte n'aboutit pas ?
La dénonciation effectuée par tout moyen et dirigée contre une personne déterminée, d'un fait
qui est de nature à entraîner des sanctions judiciaires ou disciplinaires et que l'on sait
totalement ou partiellement inexacts, lorsqu'elle est adressée à un officier de justice ou à
l'employeur, est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende (Code pénal,
article 226-10).
L'employeur ou le salarié mis en cause peut donc déposer plainte pour dénonciation
calomnieuse. Cette plainte peut intervenir soit à l'issue de la procédure judiciaire, soit même
lorsque l'accusation est portée à la connaissance de l'employeur par courrier. Toutefois, la
plainte aura plus de chance d'aboutir dans la première de ces hypothèses.
En outre, le salarié risque un licenciement pour faute grave, voire lourde s'il y a intention de
nuire. Le comportement d'une salariée qui « s'était livrée à une manoeuvre ayant consisté à
adresser à son supérieur hiérarchique deux lettres lui imputant faussement des actes de
harcèlement moral et à poursuivre en justice, sur le fondement des mêmes accusations, la
résolution de son contrat de travail aux torts de l'employeur » constitue une faute grave
(Cassation sociale, 18 février 2003, n° 01-11.734).
39 Quel est l'impact des poursuites pénales sur une action au conseil de
prud'hommes ?
Lorsque le salarié s'estime victime de harcèlement, il peut exercer une action au pénal et il
peut aussi saisir la juridiction civile, c'est-à-dire le conseil de prud'hommes. S'il agit en
réparation du préjudice causé par l'infraction auprès du juge civil, il est sursis au jugement de
ce dernier tant qu'une décision définitive n'a pas été rendue sur l'action portée devant le juge
répressif. Si, en revanche, son action devant la juridiction civile vise un autre objectif
(contestation du licenciement par exemple), le juge civil est libre de statuer immédiatement ou
d'attendre la décision des juges sur le terrain pénal (Code Procédure pénale, article 4).
Autrement dit, le principe juridique selon lequel « le pénal tient le civil en l'état » n'est pas
automatique, il ne s'applique que pour l'action en réparation du préjudice causé par
l'infraction.
Si l'on se situe dans ce dernier cas de figure, le fait que le salarié soit reconnu victime de
harcèlement sexuel ou moral par le tribunal correctionnel justifie automatiquement la
reconnaissance de cet harcèlement par le conseil de prud'hommes, lequel ne peut pas adopter
une décision en sens contraire qu'il soit saisi par la victime ou l'auteur présumé du
harcèlement licencié.
À noter que lorsque la matérialité des faits de harcèlement et la culpabilité de celui auquel ils
étaient imputés ne sont pas établies devant la juridiction pénale, le juge civil ne peut pas
condamner l'employeur au paiement de dommages et intérêts pour les mêmes faits (Cassation
sociale, 3 novembre 2005, n° 03-46.839).
Plutôt que de saisir le conseil de prud'hommes, un salarié peut directement solliciter des
dommages et intérêts devant le tribunal correctionnel.
ATTENTION
Un jugement de relaxe établit l'inexistence d'un harcèlement et ne peut pas être contredit par
le conseil de prud'hommes.
À noter qu'un classement sans suite (par les services de police) ou une ordonnance de non-lieu
(rendue par le juge d'instruction) sont sans incidence sur une procédure prud'homale.
Quel est le rôle de l'inspecteur du travail ?
L'inspecteur du travail n'a pas de rôle particulier en matière de harcèlement moral ou sexuel.
Toutefois, il peut dresser procès-verbal s'il constate des faits laissant présumer l'existence d'un
tel harcèlement. Ce procès-verbal sera transmis au parquet, lequel décidera d'instruire.
Enfin, il convient de ne pas négliger le rôle indirect de l'inspecteur du travail : informé par le
salarié ou des représentants du personnel, l'inspecteur du travail peut inciter l'employeur à
trouver une solution ou à sanctionner, au besoin sous la menace d'un procès-verbal en cas
d'inaction.
Lutte contre le harcèlement moral ou sexuel
Sanctions disciplinaires en cas de harcèlement
40 Quelles sont les sanctions que doit prendre l'employeur face à des
agissements de harcèlement ?
Le chef d'établissement est tenu de sanctionner un salarié reconnu coupable d'agissements de
harcèlement moral ou sexuel (Code travail, article L. 122-47 recod. Code travail, article L.
1153-6 ; Code travail article L. 122-50 recod. Code travail, article L. 1152-7). Bien que le
Code du travail ne fixe pas la sanction à envisager, la Cour de cassation a jugé qu'il s'agit
nécessairement d'une faute grave en cas de harcèlement sexuel, il en est ainsi qu'il émane du
supérieur hiérarchique de la victime du harcèlement (Cassation sociale, 12 février 2002, n°
99-42.878) ou d'un directeur qui avait eu à l'égard de salariées une attitude particulièrement
inconvenante qui avait choqué leur pudeur (Cassation sociale, 5 mars 2002, n° 00-40.717) ou
d'un autre salarié (Cassation sociale, 10 décembre 2003, n° 01-45.281). Cette solution paraît
transposable au harcèlement moral.
La sanction peut aller jusqu'au licenciement. Le comportement de la salariée qui dénigre et
harcèle ses subordonnés en public et manifeste de l'agressivité tant à l'égard de son employeur
qu'envers les autres salariés et les contractants de l'entreprise constitue une cause réelle et
sérieuse de licenciement (Cassation sociale, 23 février 2005, n° 02-45.988).
Lorsque l'employeur licencie le salarié, la lettre qui lui est envoyée doit préciser le ou les
motifs du licenciement. À défaut, le licenciement serait considéré sans cause réelle et
sérieuse. L'employeur ne peut donc être poursuivi pour diffamation non publique lorsqu'il se
borne à respecter les dispositions impératives du droit du travail imposant de mentionner dans
la lettre de licenciement les motifs de la rupture. Il ne peut pas être poursuivi pour diffamation
au motif que la lettre de licenciement s'appuie sur des faits constitutifs de harcèlement sexuel,
dès lors que les imputations incriminées « constituent les motifs du licenciement décidé par
l'employeur sans que soient développés d'autres griefs ou des circonstances superflues »
(Cassation criminelle, 12 octobre 2004, n° 03-83.262).
Lorsqu'un salarié protégé est accusé de harcèlement sexuel, son licenciement ne peut
intervenir que selon la procédure spéciale prévue par le Code du travail. L'autorisation
préalable de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement est requise. L'inspecteur du
travail doit non seulement présenter au salarié les accusations portées contre lui mais aussi le
nom des personnes qui s'en plaignent ; à défaut l'autorisation de licenciement accordée
encourt l'annulation (CE, 20 juin 2005, n° 254066).
Si le juge estime que la qualification de harcèlement sexuel est excessive, il peut requalifier
les faits et estimer qu'il n'y a pas de faute grave mais seulement une cause réelle et sérieuse de
licenciement (Cassation sociale, 22 février 2005, n° 03-41.474).
A NOTER
Le chef d'établissement ne peut sanctionner un salarié que dans les deux mois qui suivent la
date où il a eu connaissance des faits. Ainsi, informé par le salarié victime des agissements de
harcèlement, l'employeur doit procéder aux vérifications et contrôles nécessaires et engager la
procédure disciplinaire dans les deux mois. Toutefois, si le salarié engage des poursuites
pénales, ce délai de deux mois est suspendu, l'employeur pouvant dès lors attendre l'issue de
ces poursuites (Code travail, article L. 122-44 recod. Code travail, article L. 1332-4).
41 L'employeur peut-il sanctionner un salarié contre lequel aucun
harcèlement n'a été reconnu ?
Deux cas doivent être distingués :
- les tribunaux ne se sont pas encore prononcés sur le harcèlement. Dans ce cas, l'auteur
des actes litigieux reste présumé innocent. L'employeur ne peut donc pas lui reprocher un
harcèlement sexuel ou moral. En revanche, il peut sans attendre le sanctionner, le cas échéant
par un licenciement, sur la base des faits dont il a connaissance et qui sont établis, dès lors que
ceux-ci peuvent caractériser une faute suffisamment importante. Par exemple, un salarié
portant atteinte à la dignité de ses collègues féminines, en commettant des gestes obscènes,
assortis d'insultes et de propositions explicites, a un comportement justifiant son licenciement,
peu important que les juges ne se soient pas prononcés sur l'existence d'un harcèlement
sexuel.
L'employeur peut également rétrograder le salarié. Un salarié accusé de harcèlement sexuel,
avait été affecté par son employeur, dans l'attente de l'issue de l'action pénale, à un poste de
moindre responsabilité, avant l'intervention de son licenciement, une fois la condamnation
pénale définitive. Selon la Cour de cassation, le changement d'affectation constituait une
mesure provisoire, prise dans l'attente d'une décision pénale définitive et de l'avis du conseil
de discipline en raison de la gravité des faits. Il s'agissait donc bel et bien d'une mesure
conservatoire qui n'interdisait pas la sanction ultérieure. La mise à pied n'est pas la seule
mesure conservatoire à la disposition de l'employeur (Cassation sociale, 20 décembre 2006, n°
04-46.051) ;
- la plainte pour harcèlement a abouti à un jugement de relaxe. Dans un tel cas, il est
impossible de licencier le salarié en cause en raison du harcèlement sexuel ou moral, puisque
celui-ci n'est pas reconnu. En revanche, si la procédure a démontré des fautes à reprocher au
salarié (comportement grossier, insultes, actes sexuels sur le lieu de travail, etc.), celui-ci peut
faire l'objet de sanctions disciplinaires, une mise à pied par exemple. La procédure
disciplinaire doit alors être engagée dans un délai de deux mois après la décision.
Par ailleurs, la fin des poursuites pénales n'empêche pas une éventuelle action auprès du
conseil de prud'hommes (voir nos 23 et s.).
Prévention dans l'entreprise
42 Quelles sont les obligations du chef d'entreprise ?
Il appartient au chef d'entreprise de prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir
les agissements de harcèlement moral (Code travail, article L. 122-51 recod. Code travail,
article L. 1152-4) ou de harcèlement sexuel (Code travail, article L. 122-48 recod. Code
travail, article L. 1153-5). Cette obligation de prévention est importante, car c'est sa
méconnaissance par l'employeur qui permet sa condamnation financière pour des faits de
harcèlement commis par un de ses préposés.
Le contenu de cette obligation de prévention n'est pas défini par la loi. Le chef d'entreprise
peut ainsi procéder à une information des salariés (par le biais du règlement intérieur, voir
n° 43), à la formation des supérieurs hiérarchiques, à la gestion d'équipes ou de conflits, à la
nomination d'une personne chargée de concilier les parties, etc. Bien entendu, l'aspect
disciplinaire est prioritaire : les salariés ayant procédé à de tels agissements doivent être
sanctionnés par l'employeur (Code travail, article L. 122-47 recod. Code travail, article L.
1153-6 ; Code travail, article L. 122-50 recod. Code travail, article L. 1152-5).
La salariée qui s'estime victime de harcèlement moral ne peut demander la résolution
judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, en raison du harcèlement moral subie
dès lors qu'avant la saisine du conseil de prud'hommes, l'employeur a entrepris de remédier à
la situation dont se plaignait la salariée et a licencié pour faute grave la personne auteur du
harcèlement (Cassation sociale, 22 mars 2006, n° 03-44.750).
En revanche, la résiliation judiciaire du contrat de travail d'un salarié sera prononcée aux torts
de l'employeur dès lors que ce dernier n'a pas pris les mesures appropriées pour protéger les
salariés contre des comportements hostiles. En l'espèce, un cadre s'était opposé pendant
plusieurs années aux demandes de promotion d'une salariée. Cette faute du cadre engage la
responsabilité de l'entreprise (Conseil Prud’hommes Rouen, 21 mars 2002, Grandcolas
c/Drass Rouen).
43 Le règlement intérieur doit-il rappeler l'interdiction du harcèlement
moral et sexuel ?
Le règlement intérieur de l'établissement doit rappeler les dispositions relatives à l'interdiction
du harcèlement moral et sexuel (Code travail, article L. 122-34 recod. Code travail, article L.
1321-2). Ce rappel peut simplement porter sur le texte des articles L. 122-46 (recod. Code
travail, article L. 1153-1 et s.) et L. 122-49 (recod. Code travail, article L. 1152-1 et s.) du
Code du travail, mais peut aussi aller au-delà et désigner un interlocuteur pour tout salarié
victime, rappeler la nécessité de respecter la dignité de chacun au travail, etc.
44 L'entreprise peut-elle instituer une procédure de médiation ?
La médiation suppose un choix des parties impliquées sur le médiateur. Par conséquent, il ne
semble donc pas possible pour une entreprise d'imposer une médiation. En revanche, elle peut
la proposer et l'organiser, en prévoyant notamment des garanties procédurales.
Rôle des représentants du personnel
45 Les délégués du personnel peuvent-ils exercer leur droit d'alerte en cas
de harcèlement moral ou sexuel ?
Les délégués du personnel peuvent faire usage de leur droit d'alerte lorsqu'ils ont
connaissance d'une situation de harcèlement moral ou sexuel (Code travail, article L. 422-1-1
recod. Code travail, article L. 2313-2).
La procédure d'alerte s'organise comme suit : si un délégué du personnel constate, notamment
par l'intermédiaire d'un salarié, qu'il existe une atteinte à la santé physique et mentale ou aux
libertés individuelles dans l'entreprise qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à
accomplir ni proportionnée au but recherché, il en saisit immédiatement l'employeur.
L'employeur ou son représentant est alors tenu de procéder sans délai à une enquête avec le
délégué et de prendre les dispositions nécessaires pour remédier à cette situation.
En cas de carence de l'employeur ou de divergence sur la réalité de cette atteinte et, à défaut
de solution trouvée avec l'employeur, le salarié ou le délégué si le salarié concerné averti par
écrit ne s'y oppose pas, saisit le bureau de jugement du conseil de prud'hommes qui statue
selon les formes applicables au référé. Le juge peut ordonner toutes mesures propres à faire
cesser cette atteinte et assortir sa décision d'une astreinte qui sera liquidée au profit du Trésor
public.
En outre, dans le cadre de leur mission principale de présentation des réclamations
individuelles et collectives, les délégués du personnel peuvent questionner le chef d'entreprise
sur une dégradation des conditions de travail d'un salarié, soit en demandant à être reçu
individuellement par le chef d'entreprise, soit lors de la réunion mensuelle. La publicité ainsi
donnée lors de la réunion mensuelle peut toutefois être déconseillée : un délégué du personnel
ne saurait accuser publiquement sans fondement un salarié de harcèlement, sous peine de
risquer une condamnation pour dénonciation calomnieuse (demandée par le salarié incriminé).
46 Quel est le rôle du CHSCT en matière de prévention des harcèlements ?
Le CHSCT a pour mission générale de veiller à la protection de la santé physique et mentale
des salariés. À ce titre, le Code du travail prévoit que le comité peut proposer des actions en
matière de prévention du harcèlement moral et sexuel (Code travail, article L. 236-2 recod.
Code travail, article L. 4612-3).
Les membres du CHSCT peuvent prendre contact avec les salariés, sous réserve de ne pas
apporter de gêne à l'accomplissement de leur travail. Dès lors, ils peuvent s'entretenir avec un
salarié victime de harcèlement et saisir le chef d'établissement sur son cas.
Il a été admis que le CHSCT peut faire appel à un expert agréé en cas de harcèlement moral,
le comité ayant démontré le lourd malaise existant dans l'établissement et les nombreux
troubles ressentis chez plusieurs salariés (CA Paris, 14e chambre B, 31 mars 2006, n°
05/19203).
47 Le CHSCT doit-il connaître les cas de harcèlement moral ou sexuel ?
Non. Si le CHSCT doit être informé en matière d'accident du travail, la loi ne prévoit aucune
information de ce type pour les cas de harcèlement. Qui plus est, le harcèlement moral et
sexuel ne peut être reconnu que par les juges, ce qui interdit qu'il soit « préjugé » au plan
interne de l'existence de harcèlements avant que les tribunaux soient amenés à se prononcer.
Toutefois, l'employeur reste tenu de fournir au CHSCT « les informations qui lui sont
nécessaires pour l'exercice de ses fonctions » (Code travail, article L. 236-3 recod. Code
travail, article L. 4614-9). Au regard de la mission de prévention du CHSCT, un minimum
d'informations peut être recommandé : nombre de contentieux sur le sujet, existence de
condamnations définitives... En revanche, le CHSCT n'a pas accès au dossier individuel, ses
membres pouvant toutefois prendre contact avec les salariés impliqués pour s'informer.
Par ailleurs, il importe que soit respecté l'identité des parties en cause, la présomption
d'innocence et la vie personnelle de chacun. Si l'employeur choisit de discuter avec le CHSCT
de harcèlement, il devra éviter toute diffusion d'informations personnelles, non nécessaires à
la prévention.
48 Les syndicats peuvent-ils agir contre le harcèlement moral ou sexuel ?
Intérêts individuels
Les organisations syndicales peuvent exercer en justice toutes les actions judiciaires relatives
au harcèlement moral ou sexuel en faveur d'un salarié de l'entreprise, sous réserve qu'elles
justifient d'un accord écrit de l'intéressé (Code travail, article L. 122-53 recod. Code travail,
article L. 1154-2). Ce dernier peut toujours intervenir à l'instance engagée par le syndicat et y
mettre fin à tout moment.
Intérêts collectifs de la profession
Les syndicats peuvent exercer tous les droits réservés à la partie civile, relativement aux faits
portant un préjudice à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent (Code travail,
article L. 411-11 recod. Code travail, article L. 2132-3). Toutefois, la constitution de partie
civile d'un syndicat professionnel, dans l'information ouverte des chefs de viol et harcèlement
sexuel, au motif que les faits avaient été perpétrés sur le lieu de travail de la victime et par son
supérieur hiérarchique, est irrecevable ; dans ce cas, l'atteinte à l'intérêt collectif des salariés
du secteur concerné n'a pas été reconnue comme caractérisée (Cassation criminelle, 23 janvier
2002, n° 01-83.559).
Discriminations
Définition et contours
49 Qu'est-ce qu'une discrimination ?
Au sens général du terme, la discrimination consiste à traiter une personne de manière moins
favorable qu'une autre, sur la base d'un critère particulier la distinguant. Toutefois, la loi ne
réprime que les discriminations basées sur des critères interdits, des « critères discriminatoires
». Dès lors, la discrimination est caractérisée lorsque, sur le fondement d'un des critères
discriminatoires visés par la loi (Code travail, article L. 122-45 recod. Code travail, article L.
1132-1), un salarié est traité de manière moins favorable qu'un autre, que ce soit par un acte
positif ou négatif, dès lors que la situation des intéressés est comparable et que la différence
constatée n'est pas justifiée par des facteurs objectifs non discriminatoires.
La liste des critères discriminatoires prohibés est fixée par les articles L. 122-45 (recod. Code
travail, article L. 1132-1) du Code du travail et 225-1 du Code pénal : l'origine, le sexe, les
moeurs, l'orientation sexuelle, l'âge, la situation de famille, la grossesse, les caractéristiques
génétiques, l'appartenance ou la non appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation
ou une race, les opinions politiques, les activités syndicales ou mutualistes, les convictions
religieuses, l'apparence physique, le patronyme, les caractéristiques génétiques et, sauf
inaptitude constatée par le médecin du travail, l'état de santé ou le handicap. Par ailleurs, la
prise en compte de l'exercice normal du droit de grève entre dans les critères discriminatoires
prohibés au sens du Code du travail.
Le conseil de prud'hommes est compétent pour connaître de tout litige relatif à l'article L.
122-45 du Code du travail (recod. Code travail, article L. 1132-1), qu'un contrat de travail ou
une promesse d'embauche ait été ou non signé. Le litige soulevé par un candidat à l'emploi qui
s'estime victime de discrimination doit ainsi être porté devant la juridiction prud'homale, la
demande étant fondée sur une discrimination dans une procédure de recrutement (Cassation
sociale, 20 décembre 2006, n° 04-40.662).
À NOTER
La prise en compte de critères non discriminatoires (non prévus par l'article L. 122-45 recod.
Code travail, article L. 1132-1), reste possible, sous réserve que ces critères soient pertinents
au plan professionnel ou disciplinaire. On parlera plus volontiers alors de différence de
traitement. Ainsi, une entreprise peut opérer des différences de traitement entre salariés selon
le métier, le comportement (notamment lors de l'entretien d'embauche), l'expérience
professionnelle, l'ancienneté, le passé disciplinaire (sauf amnistie), etc.
50 Existe-t-il des discriminations indirectes ?
Au niveau européen, la directive 2006/54/CE du 5 juillet 2006 définit ainsi la discrimination
indirecte : il s'agit de la situation dans laquelle une disposition, un critère ou une pratique
apparemment neutre désavantagerait particulièrement des personnes d'un groupe par rapport à
des personnes d'un autre groupe, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne
soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour parvenir à ce but soient
appropriés et nécessaires [JOUE n° L. 204, 26 juill. 2006].
Ainsi, à titre d'exemple, constitue une discrimination indirecte une disposition ou un critère
apparemment neutre qui affecte une proportion nettement plus élevée de femmes, sauf si cette
disposition est justifiée par des facteurs objectifs. Ainsi, les juges européens ont considéré
comme une discrimination indirecte, l'exclusion des salariés à temps partiel d'un mécanisme
de retraite supplémentaire, car la majorité des salariés à temps partiel étaient des femmes ;
l'employeur ne rapportait pas la preuve que l'exclusion de ces salariés était justifiée par des
facteurs objectifs indépendants du sexe des intéressés. Les juges ont donc conclu au caractère
discriminatoire de la mesure (CJCE, Kalanke, 17 octobre 1995, aff. C-450/93).
Cette notion de discrimination indirecte permet de sanctionner l'auteur d'une mesure, quand
bien même ce dernier n'aurait pas eu l'intention de mettre en oeuvre une disposition
discriminatoire : les juges européens s'attachent seulement aux effets de la règle en vigueur
dans l'entreprise.
Ce raisonnement a été utilisé par le juge français à partir de 1995 (Cassation sociale, 9 avril
1996, n° 92-41.103) avant d'être consacré par la loi du 16 novembre 2001 (L. n° 2001-1066,
16 novembre 2001, JO 17 novembre 2001, p. 18311).
51 Quels sont les actes concernés par l'interdiction de discrimination ?
Toute discrimination est interdite, quel que soit le type de mesure prise par l'employeur. La loi
prévoit qu'aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à
un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné,
licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en
matière de rémunération, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de
formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion
professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison d'un critère
discriminatoire. Ainsi, l'ensemble des décisions que prend l'employeur en matière de gestion
du personnel est concerné (Code travail, article L. 122-45 recod. Code travail, article L. 11321).
REMARQUE
La rémunération ne pouvant faire l'objet de discrimination est celle établie à l'article L. 140-2
du Code du travail [recod. C. trav., art. L. 3221-3] c'est-à-dire le salaire ou traitement
ordinaire de base ou minimum et tous les avantages et accessoires payés, directement ou
indirectement, en espèce ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de son emploi.
Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire
pour avoir témoigné d'agissements discriminatoires, ou pour les avoir relatés (Code travail,
article L. 122-45 al. 3 recod. Code travail, article L. 1132-3).
Toute disposition ou tout acte discriminatoire à l'égard d'un salarié est nul de plein droit (Code
travail, article L. 122-45 recod. Code travail, article L. 1132-4).
ATTENTION
L'interdiction des discriminations s'applique aussi à la période d'essai. Un salarié, dont la
période d'essai avait été suspendue pendant un congé maladie, s'était vu notifier la rupture de
son contrat de travail parce que l'employeur avait manifestement souhaité l'écarter en raison
de ses problèmes de santé. Cette rupture est nulle et l'employeur est condamné à la réparation
du préjudice subi ainsi qu'au versement d'une indemnité compensatrice de préavis (Cassation
sociale 16 février 2005, n° 02-43.402).
Sur le plan pénal le délit de discrimination concerne toute distinction opérée entre deux
personnes physiques sur la base d'un critère discriminatoire (Code pénal, article 225-1), dont,
par exemple, le refus de fournir un bien ou un service et l'entrave à l'exercice normal d'une
activité économique (Code pénal, article 225-2).
REMARQUE
Les insultes discriminatoires, notamment racistes, antisémites, homophobes, sexistes ne sont
pas des discriminations mais peuvent faire l'objet de sanctions pénales et/ou disciplinaires
(voir n° 79).
Panorama des discriminations
Discriminations liées à la personne
52 Discrimination liée à l'origine, l'ethnie, la nation, la race
Le critère de l'origine peut viser le lieu de naissance ou de résidence, mais semble-t-il aussi,
l'origine sociale. Ainsi, serait jugée discriminatoire la non prise en considération des
candidatures d'un quartier ou d'une ville.
Le critère de « l'appartenance ou non appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une
nation ou une race » vise tous les comportements « racistes », mais aussi les recrutements qui
seraient limités à une certaine ethnie. La formulation de ce critère permet d'appréhender tous
les comportements liés à une différence culturelle ou liés aux origines familiales.
En matière de discrimination raciale, la notion de discrimination indirecte trouve à s'appliquer
(voir n° 50). Ainsi, il s'agit dans un premier temps d'identifier une mesure en apparence
neutre, mais qui aboutit au même résultat que s'il y avait discrimination directe. Dans un
second temps, les juges recherchent la justification de cette mesure.
Perçue comme la plus fréquente, cette discrimination fait pourtant l'objet de peu de
contentieux. Elle fait, en revanche, l'objet de nombreuses saisines de la Halde (voir nos 80 et
s.) portant notamment sur des refus d'embauche, des évolutions de carrière. Si les parties sont
d'accord, la Halde peut alors nommer un médiateur (voir notamment délib. n° 2007-254, n°
2007-255, 15 oct. 2007, et sur le site www.halde.fr, les recommandations et les rapports 2005
et 2006 de la Haute autorité). En outre, une opération de testing conduite en 2006 dans six
grandes villes de France à la demande du Bureau international du travail (BIT) a montré que
les jeunes Français peu qualifiés d'origine maghrébine ou noire africaine sont victimes de
discrimination à l'embauche (DARES, Premières synthèses Premières informations, n° 06-3,
févr. 2008).
REMARQUE
La CJCE prohibe les discriminations à l'égard des personnes souhaitant exercer sur le
territoire d'un État membre une activité économique en tant que travailleur indépendant ou
créer, ou diriger une société (CJCE, 27 septembre 2001, affaire 235/99, Kondova ; affaire
257/99, Barcoci et Malik ; affaire 63/99, Gloszczk).
53 Discrimination en raison de la nationalité
L'article 12 du Traité CE interdit toute discrimination exercée en raison de la nationalité.
L'article 39 du traité CE fait application du principe fondamental de non discrimination, et
prévoit que la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la communauté implique
l'abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des Etats
membres, en ce qui concerne l'emploi, la rémunération et les autres conditions de travail (pour
un exemple visant l'application d'un régime salarial plus avantageux au profit des
ressortissants allemands voir Cassation sociale, 10 décembre 2002, n° 00-42.158).
En revanche, une différence de traitement est licite si elle repose sur des raisons objectives,
étrangères à toute discrimination prohibée. C'est le cas de l'attribution d'un droit d'option sur
les actions nouvellement créées aux seuls salariés dont les contrats relevaient du droit italien.
Elle constitue la contrepartie des sacrifices que ces derniers avaient acceptés dans le plan de
restructuration. Ce plan n'avait pas concerné les salariés en poste en France (Cassation
sociale, 17 juin 2003, n° 01-41.522).
Est également licite une prime d'expatriation qui introduit une différence de traitement entre
les salariés français et les salariés étrangers, cette inégalité visant non seulement à compenser
les inconvénients résultant de l'installation d'un individu et de sa famille en pays étranger,
mais aussi à faciliter l'embauche des salariés ressortissants non français des parties
contractantes afin de contribuer à la création d'un pôle d'excellence scientifique international
(Cassation sociale, 9 novembre 2005, n° 03-47.720). En revanche, la prime est discriminatoire
si elle est accordée du seul fait de leur nationalité étrangère indépendamment de la nature des
fonctions et de la réalité, ou non, de l'expatriation (Halde, Délibération n° 2007-282, 22
octobre 2007).
54 Discrimination liée aux moeurs, à l'orientation sexuelle et à la situation
de famille
Les moeurs constituent une notion peu définie, qui permet d'appréhender tous les
comportements divers que le salarié adopte dans le cadre de sa vie personnelle, et notamment
dans sa vie sexuelle. La discrimination liée à l'orientation sexuelle, c'est-à-dire hétérosexuelle,
homosexuelle ou bisexuelle, était auparavant protégée sous l'égide de la notion de moeurs ;
elle fait désormais l'objet d'un critère spécifique.
En ce qui concerne la situation de famille, elle ne peut être prise en considération, notamment
dans les questionnaires d'embauche. Ainsi, une salariée ne saurait être licenciée pour avoir
divorcé de son mari (Cassation sociale, 5 mars 1987, n° 84-44.419).
L'article L. 122-45 (recod. Code travail, article L. 1132-1) interdit à l'employeur de congédier
un salarié pour le seul motif tiré de ses moeurs ou de ses convictions religieuses. Le
licenciement d'un sacristain homosexuel a ainsi été considéré comme abusif (il serait
aujourd'hui annulé, le Code du travail prévoyant désormais l'annulation des sanctions
discriminatoires) (Cassation sociale, 17 avril 1991, n° 90-42.636). Dans le même sens, le
licenciement d'une salariée motivé par le fait qu'elle avait refusé de répondre à un tract relatif
à ses moeurs (absence de réponse estimée en elle-même fautive par l'employeur) a été annulé
(Cassation sociale, 6 avril 2007, n° 05-42.352).
La Halde (voir nos 80 et s.) a publié une étude sur l'homophobie dans l'entreprise.
L'orientation sexuelle est l'un des critères de discrimination le moins souvent pris en compte
au sein des grandes entreprises, constate la Haute autorité, qui formule trois
recommandations. La politique de formation et de sensibilisation à la lutte contre les
discriminations devrait aborder tous les critères prohibés, contenir des éléments d'information
sur la politique de l'entreprise sur ces sujets, les différents stéréotypes, la législation
antidiscrimination et les droits des salariés. De plus, les dispositifs d'alerte et de recours
internes devraient permettre le recueil des plaintes relatives au harcèlement ou aux
discriminations liées à l'orientation sexuelle. Enfin, une politique de sanction contre les actes
et injures homophobes devrait être mise en place au même titre que contre les actes et injures
racistes ou sexistes, avec la communication des décisions condamnant de tels actes (Halde,
délibération n° 2007-371, 17 déc. 2007 ; « Homophobie dans l'entreprise », Etudes et
recherches, sous la direction de Christophe Falcoz, Documentation Française, mars 2008) ; (
ATTENTION
Une convention collective ne peut pas réserver aux salariés mariés des congés pour
événements familiaux ou instituer une prime liée au mariage, dont les salariés pacsés ne
pourraient pas bénéficier. Selon la Halde, de telles dispositions constituent une discrimination
en raison de la situation de famille prohibée par l'article L. 122-45 du Code du travail (recod.
Code travail, article L. 1132-1), (Délibération n° 2007-366, 11 février 2008). Dans cette
affaire, la Halde a préconisé aux signataires de la convention collective litigieuse de réviser
ses dispositions, afin de restaurer l'égalité de traitement entre les salariés mariés et les salariés
pacsés. Elle a également invité le ministre du Travail à modifier le texte de l'article L. 226-1
du Code du travail (recod. Code travail, article L. 3142-1 et L. 3142-2) afin d'étendre, aux
salariés pacsés, le bénéfice de l'ensemble des congés pour événements familiaux réservés aux
salariés mariés et ce, dans un délai de 6 mois.
55 Discrimination liée à l'âge
L'âge est un critère discriminatoire. Certaines exceptions sont toutefois prévues (Code travail,
article L. 122-45-3 recod. Code travail, article L. 1133-1) : les différences de traitement
fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et
raisonnablement justifiées par un objectif légitime, notamment par des objectifs de politique
de l'emploi, et lorsque les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires. Ces
différences peuvent notamment consister en :
- une interdiction d'accès à l'emploi ou la mise en place de conditions de travail spéciales en
vue d'assurer la protection des jeunes et des travailleurs âgés. Il peut, par exemple, s'agir de
mesures renforcées d'ergonomie pour les travailleurs âgés, de la réservation de certains
travaux aux salariés expérimentés... ;
- la fixation d'un âge maximum pour le recrutement, fondée sur la formation requise pour le
poste concerné ou la nécessité d'une période d'emploi raisonnable avant la retraite. Ainsi, une
offre d'emploi peut parfois fixer une fourchette d'âge pour l'embauche.
ATTENTION
Une mise à la retraite par l'employeur d'un salarié qui ne remplit pas les conditions pour
bénéficier d'une retraite au taux plein s'analyse en un licenciement dont le seul motif est l'âge.
Ce licenciement est nul car discriminatoire (Cassation sociale, 21 décembre 2006, n° 0512.816).
La Halde (voir nos 80 et s.) a rendu plusieurs recommandations portant sur des pratiques de
discriminations liées à l'âge, qu'il s'agisse de discrimination à l'embauche ou dans le
déroulement de carrière.
Saisie d'une réclamation relative au rejet d'une candidature à deux postes au motif que la
personne n'était pas assez « junior », son profil étant jugé « trop dimensionné », « senior » par
rapport aux postes à pourvoir, la Halde a adressé une recommandation au cabinet de
recrutement. Elle lui recommande ainsi qu'à l'ensemble des intermédiaires de l'emploi, de
veiller, dans le cadre de leur procédure de recrutement, à ce que toute référence à l'expérience
professionnelle soit définie en termes de niveau de compétence et de responsabilité et qu'elle
soit strictement justifiée par rapport au poste à pourvoir et vérifiée par la procédure de
recrutement effectivement mise en oeuvre (Délibération n° 2007-306, 26 novembre 2007).
S'agissant d'un salarié dont l'évolution professionnelle semble avoir stagné en fin de carrière
en raison de son âge et des pratiques internes de l'entreprise publique relatives à la gestion de
carrière des seniors, les parties ont été d'accord pour la nomination d'un médiateur
(Délibération n° 2007-300, 13 novembre 2007).
56 Discrimination liée à l'apparence physique et au patronyme
La discrimination liée à l'apparence physique pose certains problèmes d'interprétation : faut-il
la restreindre aux seules caractéristiques corporelles (taille, poids, couleur de la peau,
cicatrices, etc.) ou l'apparence est-elle étendue à la présentation vestimentaire, la propreté ?
Une salariée qui portait le voile islamique a été licenciée en raison de son refus de renoncer au
port du voile. Ce licenciement a été annulé car il présentait un caractère discriminatoire. La
salariée portait le voile depuis son embauche dans l'entreprise et ce n'est qu'à l'occasion d'une
mutation de l'intéressée au siège de l'entreprise que l'employeur lui avait demandé de renoncer
au port du voile. Pour les juges, le licenciement discriminatoire ne fait aucun doute, la lettre
de rupture fait expressément référence au refus de la salariée de renoncer à la manifestation de
ses convictions religieuses. L'employeur n'ayant pas rapporté la preuve d'éléments objectifs
justifiant le licenciement, la poursuite du contrat de travail de la salariée a été ordonnée (CA
Paris, 19 juin 2003, n° 03-30212).
Le licenciement d'un salarié en raison de sa tenue vestimentaire (port d'un bermuda) a été
reconnu valable, cette tenue étant incompatible avec ses fonctions et ses conditions de travail.
Dans cette affaire, le salarié avait continué de venir travailler en bermuda malgré les
demandes de ses supérieurs hiérarchiques faites oralement puis par écrit de porter un pantalon
(Cassation sociale, 28 mai 2003, n° 02-40.273). La liberté de se vêtir à sa guise et la liberté
d'expression n'entrent pas dans la catégorie des libertés fondamentales ni dans l'énumération
des cas de différenciation illicite proscrits par l'article L. 122-45 (recod. Code travail, article
L. 1132-1) du Code du travail.
En ce qui concerne le patronyme, il vient compléter le critère de l'origine ou ethnique et
permet de sanctionner clairement les recruteurs écartant certains noms « typiques ».
57 Discrimination liée à l'état de santé, au handicap ou aux caractéristiques
génétiques
L'état de santé ne constitue pas un motif admis de discrimination. Une entreprise ne peut
décider unilatéralement que les salariés dont le nombre de jours d'absence pour maladie
durant l'année était inférieur à 20 jours bénéficieraient d'une augmentation de salaire.
L'exclusion des salariés absents pour cause de maladie du bénéfice de l'augmentation salariale
est une mesure affectant la rémunération des salariés en raison de leur état de santé. Elle
constitue une discrimination prohibée (Cassation sociale, 7 février 2006, n° 04-45.733).
Ce principe est toutefois assorti de multiples exceptions :
- si l'employeur ne peut s'enquérir de l'état de santé et le juger lui-même incompatible avec la
poursuite du travail, le médecin du travail assure cette mission en vérifiant l'aptitude lors des
visites médicales. Après le respect de la procédure obligatoire pour le constat de l'inaptitude,
le salarié peut être déclaré inapte. Cette inaptitude impose alors à l'employeur de le reclasser
ou, à défaut, de le licencier. Cette exception reste encadrée : un licenciement qui serait fondé
sur un constat d'inaptitude irrégulièrement délivré (une seule visite médicale par exemple)
sera considéré comme reposant sur l'état de santé et sera donc déclaré nul (Cassation sociale,
16 juillet 1998, n° 95-45.363) ;
- l'interdiction posée par le Code du travail ne s'oppose cependant pas au licenciement motivé,
non par l'état de santé du salarié, mais par la situation objective de l'entreprise dont le
fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée ou les absences répétées du salarié et qui
se trouve dans la nécessité de pourvoir à son remplacement définitif (Cassation sociale, 13
mars 2001, n° 99-40.110).
Une lettre de licenciement se référant, pour tout motif, à la maladie entraîne nécessairement la
nullité du licenciement. Est également nul le licenciement fondé sur les manifestations d'un
état de santé pathologique. Par exemple, si l'entreprise se fonde sur le seul état dépressif du
salarié pour procéder au licenciement, il est alors discriminatoire et peut être annulé
(Cassation sociale, 28 janvier 1998, n° 95-41.491). De même, en cas de trouble du
comportement, il importe de faire vérifier que le salarié n'est pas sous l'empire d'un traitement
médicamenteux à même d'expliquer son attitude.
À plusieurs reprises, la Halde a été saisie par des salariés qui s'estiment victimes de
discrimination dans le cadre de leur activité professionnelle, en raison de leur état de santé.
Dès lors que les faits permettent de présumer l'existence d'une discrimination dans le cadre de
l'évolution de carrière du réclamant en raison de son état de santé, la Halde peut proposer une
médiation (voir notamment délibération n° 2007-268, 15 octobre 2007). C'est ce qu'elle a fait
dans une affaire où elle a reconnu une discrimination pour absence de proposition de
reclassement de la part de l'employeur pour une personne inapte à son poste de travail
(Délibération n° 2007-303, 26 novembre 2007).
Discriminations entre les femmes et les hommes
58 Champ d'application de l'égalité professionnelle entre les hommes et les
femmes
La discrimination entre les femmes et les hommes fait l'objet de dispositions spécifiques au
sein du Code du travail. Ainsi, sauf si l'appartenance à l'un ou l'autre sexe est la condition
déterminante de l'exercice d'un emploi ou d'une activité professionnelle, l'employeur ou son
représentant ne peut :
- mentionner ou faire mentionner dans une offre d'emploi le sexe ou la situation de famille du
candidat recherché. Cette interdiction est applicable pour toute forme de publicité relative à
une embauche et quels que soient les caractères du contrat de travail envisagé ;
- refuser d'embaucher une personne, prononcer une mutation, résilier ou refuser de renouveler
le contrat de travail d'un salarié en considération du sexe, de la situation de famille ou de la
grossesse sur la base de critères de choix différents selon le sexe, la situation de famille ou la
grossesse ;
- prendre en considération du sexe, de la grossesse ou de la maternité (y compris du congé de
maternité - c'est en tout cas ce que prévoit le projet de loi portant diverses dispositions
d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations,
actuellement en examen au Parlement à l'heure où nous mettons sous presse) toute mesure,
notamment en matière de rémunération, de formation, d'affectation, de qualification, de
classification, de promotion professionnelle ou de mutation (Code travail, article L. 123-1
recod. Code travail, article L. 1142-1).
REMARQUE
Pour la Halde, toute discrimination fondée sur le transsexualisme d'une personne équivaut à
une discrimination fondée sur le sexe et à ce titre rend nul un licenciement qui laisse supposer
que la décision de l'employeur repose sur le changement de sexe du salarié (Délibération n°
2008-29, 18 février 2008).
Ces dispositions s'ajoutent à celles prévues à l'article L. 122-45 (recod. Code travail, article L.
1132-1) prohibant les discriminations (voir n° 51).
REMARQUE
Les dispositions du Code du travail relatives à l'égalité professionnelle doivent être affichées
dans les lieux du travail, ainsi que dans les locaux ou à la porte des locaux où se fait
l'embauche (Code travail, article L. 123-7 recod. Code travail, article L. 1142-6).
Au niveau européen, la directive 2006/54/CE du 5 juillet 2006 relative à la mise en oeuvre du
principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en
matière d'emploi et de travail procède à la refonte des textes antérieurs (JOUE n° L. 204, 26
juillet 2006). L'égalité entre les hommes et les femmes est un principe fondamental du droit
communautaire en vertu de l'article 2 et de l'article 3, paragraphe 2, du traité CE.
59 Règles en matière d'égalité de rémunération
Tout employeur est tenu d'assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale,
l'égalité de rémunération entre les hommes et les femmes (Code travail, article L. 140-2
recod. Code travail, article L. 3221-2). Par rémunération, il faut entendre le salaire ou
traitement ordinaire de base ou minimum et tous les autres avantages et accessoires payés,
directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en
raison de l'emploi de ce dernier. Sont considérés comme ayant une valeur égale les travaux
qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles
consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de
l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.
En cas de litige relatif à l'application du principe de l'égalité de rémunération, l'employeur doit
fournir au juge des éléments de nature à justifier l'inégalité de rémunération invoquée. Au vu
de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge
forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction
qu'il estime utiles (Code travail, article L. 140-8 recod. Code travail, article L. 3221-8).
En pratique, malgré les règles fixées par le Code du travail, l'égalité de rémunération est loin
d'être la règle. La loi du 23 mars 2006 relative à l'égalité salariale entre les femmes et les
hommes comporte un certain nombre de mesures visant à parvenir à la suppression, avant le
31 décembre 2010, des écarts de rémunération constatés entre les femmes et les hommes (L.
n° 2006-340, 23 mars 2006, JO 24 mars).
Négociation obligatoire
La liste des thèmes sur lesquels l'employeur est tenu de négocier tous les ans, dans les
entreprises dotées de délégués syndicaux, a été étendue par la loi du 23 mars 2006.
L'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes est un objectif qui doit être pris en
compte, globalement, dans le cadre de l'ensemble des thèmes de la négociation annuelle
obligatoire (Code travail article L. 132-27-1 recod. Code travail, article L. 2242-6).
Une négociation spécifique doit également s'engager chaque année sur les objectifs en matière
d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans l'entreprise, ainsi que sur les
mesures permettant de les atteindre. Elle doit porter notamment sur les conditions d'accès à
l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, sur les conditions de travail et
d'emploi, et en particulier celles des salariés à temps partiel, et sur l'articulation entre la vie
professionnelle et les responsabilités familiales (Code travail, article L. 132-27 recod. Code
travail, article L. 2242-1 et s.).
Les partenaires sociaux ne peuvent plus se contenter d'une négociation, parfois vague, sur les
objectifs en matière d'égalité professionnelle. Ils sont tenus de mettre à profit leurs discussions
annuelles sur les salaires pour définir et programmer les mesures permettant de supprimer les
écarts de rémunération entre les femmes et les hommes, et ce avant le 31 décembre 2010
(Code travail, article L. 132-27-2 recod. Code travail, article L. 2242-7, L. 2242-10).
À défaut d'initiative de l'employeur sur ce point dans l'année qui a suivi la promulgation de la
loi sur l'égalité salariale, c'est-à-dire avant le 24 mars 2007, les négociations devront s'engager
dans les 15 jours suivant la demande d'une des organisations syndicales de salariés
représentatives dans l'entreprise.
ATTENTION
Au niveau des accords collectifs, « aucune clause réservant le bénéfice d'une mesure
quelconque à un ou des salariés en considération du sexe ne peut, à peine de nullité, être
insérée » sauf si elle est relative à la protection de la grossesse et de la maternité (Code travail,
article L. 123-2 recod. Code travail, article L. 1142-3).
Diagnostic des écarts éventuels de rémunération
La négociation obligatoire visant à supprimer toute différence de salaire s'appuiera sur un
diagnostic des écarts éventuels de rémunération entre les femmes et les hommes. Ce
diagnostic est établi sur la base des éléments qui figurent dans le rapport sur la situation
comparée des conditions générales d'emploi et de formation des femmes et des hommes dans
l'entreprise. Ce rapport, soumis chaque année pour avis au comité d'entreprise ou, à défaut,
aux délégués du personnel, doit comporter une analyse sur la base d'indicateurs pertinents,
reposant notamment sur des éléments chiffrés par sexe, et permettant d'apprécier, pour
chacune des catégories professionnelles de l'entreprise, la situation respective des femmes et
des hommes en matière d'embauche, de formation, de promotion professionnelle, de
qualification, de classification, de conditions de travail, de rémunération effective, mais
également, désormais, en matière d'articulation entre l'activité professionnelle et l'exercice de
la responsabilité familiale (Code travail, article L. 432-3-1 recod. Code travail, article L.
2323-57, L. 2323-58, L. 2323-59).
Entreprises dépourvues de délégué syndical
Les entreprises dépourvues de délégué syndical (exclues de l'obligation de négocier tous les
ans sur les salaires), celles dépourvues de délégué syndical et autorisées par accord de branche
à négocier avec les représentants du personnel ou un salarié mandaté (Code travail, article L.
132-26 recod. Code travail, article L. 1142-5, L. 2232-21 et s.) et celles non couvertes par un
accord de branche étendu relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, sont
également concernées par les objectifs fixés par la loi du 23 mars 2006. L'employeur est tenu
de prendre en compte les objectifs en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les
hommes dans l'entreprise et les mesures permettant de les atteindre (Code travail, article L.
132-27 recod. Code travail, article L. 2242-5).
Dépôt des accords sur les salaires effectifs
Les accords d'entreprise portant sur les salaires effectifs ne peuvent être déposés auprès de la
DDTEFP qu'accompagnés d'un procès-verbal attestant que la discussion sur les écarts de
rémunération a bien été ouverte, et consignant les propositions respectives de l'employeur et
des syndicats. Le procès-verbal doit attester que l'employeur a engagé sérieusement et
loyalement les négociations : celui-ci devra avoir à cette fin convoqué à la négociation les
syndicats représentatifs dans l'entreprise, et fixé le lieu et le calendrier des réunions. Il doit
également avoir communiqué aux syndicats les informations nécessaires pour leur permettre
de négocier en toute connaissance de cause, et avoir répondu de manière motivée à leurs
éventuelles propositions (Code travail, article L. 132-27-2 recod. Code travail, article L. 224210).
Cette obligation s'applique aux accords sur les salaires négociés à compter du 25 mars 2006.
Rôle du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle
Le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes établit, à
partir d'outils méthodologiques dont la liste sera fixée par décret, une évaluation à miparcours de l'obligation de négocier et programmer les mesures permettant de supprimer les
écarts de rémunération entre les femmes et les hommes, et ce avant le 31 décembre 2010. Ce
rapport d'évaluation est remis au Parlement.
Au vu de ce bilan, le gouvernement pourra présenter au Parlement, si nécessaire, un projet de
loi instituant une contribution assise sur les salaires, et applicable aux entreprises ne
satisfaisant pas à l'obligation d'engagement de ces négociations (Loi n° 2006-340, 23 mars
2006, article 5, III, JO 24 mars).
60 Protection du salarié en justice
Le salarié qui agit en justice pour faire respecter l'égalité de rémunération entre les hommes et
les femmes est protégé contre tout licenciement de ce fait (Code travail, article L. 123-5
recod. Code travail, article L. 1144-3) : « est nul et de nul effet, le licenciement d'un salarié
faisant suite à une action en justice engagée par ce salarié ou en sa faveur sur la base des
dispositions relatives à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, lorsqu'il est
établi que le licenciement n'a pas de cause réelle et sérieuse et constitue en réalité une mesure
prise par l'employeur à raison de l'action en justice ». Il n'est pas nécessaire que soit établi un
lien entre l'action en justice et le licenciement ; il suffit seulement de constater que le
licenciement est sans cause réelle et sérieuse (Cassation sociale, 28 novembre 2000, n° 9743.715). En ce cas, la réintégration est de droit et le salarié est considéré comme n'ayant
jamais cessé d'occuper son emploi. Si le salarié ne demande pas sa réintégration, le conseil de
prud'hommes lui alloue une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers
mois, quelle que soit son ancienneté.
La Halde a reconnu une présomption de discrimination fondée sur le sexe au retour d'un
congé de maternité. La concomitance entre le retour de la réclamante à la suite de son congé
maternité, son absence de mission et une procédure de licenciement immédiatement engagée
constituent autant d'éléments qui concourent à une présomption de discrimination fondée sur
le sexe au retour d'un congé maternité. L'employeur ne rapporte pas la preuve d'éléments
objectifs étrangers à toute discrimination mais considère que la réclamante présentait une
insuffisance professionnelle, constatée avant son congé maternité, ce qui n'est pas corroboré
par ses rapports d'évaluation. La haute autorité a constaté l'existence de faits constitutifs d'une
discrimination et a présenté des observations devant la juridiction prud'homale (Délibération
n° 2007-242, 1er octobre 2007). Une même présomption de discrimination en raison du sexe,
au niveau du salaire, a été établie dans une autre affaire conduisant à la nomination d'un
médiateur (Délibération n° 2007-195, 2 juillet 2007).
61 Discrimination positive
La Cour de justice des communautés européennes admet qu'une protection spécifique soit
accordée aux femmes, notamment en ce qui concerne la grossesse et la maternité (CJCE, 11
janvier 2000, affaire 285/98, Krei)]. En revanche, une bonification de pension de retraite ne
peut pas être réservée aux femmes ayant élevé des enfants car elle est fondée non pas sur le
handicap professionnel résultant de la maternité mais simplement sur le fait d'avoir élevé des
enfants (CJCE, 29 novembre 2001, affaire 366/99, Griesnar).
Le droit français et la Cour de cassation suivent cette logique. Ainsi, le Code du travail
reconnaît une protection spécifique en faveur des femmes enceintes ou venant d'accoucher
(exemple : loi du 9 mai 2001, sur le travail de nuit). En revanche, une prime de crèche ne peut
être versée seulement aux mères (Cassation sociale, 27 février 1991, n° 90-42.291). Il en va
de même d'une allocation de naissance versée en cas de naissance ou d'adoption car il ne s'agit
pas de protéger la grossesse ou la maternité mais d'un supplément de rémunération destiné à
indemniser la salariée des dépenses liées à la présence d'un enfant au foyer auquel l'homme
doit faire face, au même titre que la femme (Cassation sociale, 8 octobre 1996, n° 92-42.291).
La Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) vient de préciser qu'une salariée
licenciée alors qu'elle est en congé maladie dans le cadre d'une tentative de fécondation in
vitro ne peut pas bénéficier de la protection contre le licenciement accordée par la directive
relative à la sécurité et la santé des travailleuses enceintes dès lors qu'à la date à laquelle son
licenciement est prononcé, le transfert des ovules fécondés in vitro dans son utérus n'a pas
encore été opéré. En revanche, elle peut se prévaloir de la protection contre la discrimination
fondée sur le sexe accordée par la directive relative à l'égalité de traitement entre hommes et
femmes. Le licenciement d'une salariée en raison essentiellement du fait qu'elle se soumet à
un traitement pour une fécondation in vitro constitue une discrimination directe fondée sur le
sexe (CJCE, 26 février 2008, affaire n° C-506/06).
62 Y a-t-il des différences de traitement entre les hommes et les femmes qui
sont autorisées ?
Oui, certaines différences de traitement sont autorisées. Ainsi, le Code du travail fixe la liste
limitative des emplois et activités professionnels pour l'exercice desquels l'appartenance à l'un
ou l'autre sexe constitue la condition déterminante. Il s'agit des artistes appelés à interpréter
soit un rôle féminin, soit un rôle masculin, des mannequins chargés de présenter des
vêtements et accessoires, des modèles masculins et féminins (Code travail, article R. 123-1
recod. Code travail, article R. 1142-1).
Discriminations professionnelles
63 Discrimination liée aux activités syndicales ou mutualistes
Principe
La liberté syndicale a une valeur constitutionnelle, et vise tant le droit d'adhérer que de ne pas
adhérer à un syndicat, ainsi que l'action syndicale en elle-même. Cette activité est en outre
sanctionnée par le délit d'entrave à l'action syndicale. Toute entrave apportée à l'exercice du
droit syndical est punie d'un emprisonnement d'un an et/ou d'une amende de 3 750 € . En cas
de récidive, l'emprisonnement peut être porté à deux ans et l'amende à 7 500 € (Code travail,
article L. 481-2 recod. Code travail, article L. 2146-1).
Il est interdit à tout employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat, ou
l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions, en ce qui concerne notamment
l'embauchage, la conduite et la répartition du travail, la formation professionnelle,
l'avancement, la rémunération et l'octroi d'avantages sociaux, les mesures de discipline et de
congédiement. Toute mesure contraire prise par l'employeur est considérée comme abusive et
donne lieu à dommages et intérêts. Ces dispositions sont d'ordre public (Code travail, article
L. 412-2 recod. Code travail, article L. 2141-5, L. 2141-8). L'action en réparation du préjudice
résultant d'une telle discrimination se prescrit par trente ans (Cassation sociale, 15 mars 2005,
n° 02-43.560 ; Cassation sociale, 22 mars 2007, n° 05-45.163).
À NOTER
En ce qui concerne les activités mutualistes, elles sont bien souvent le prolongement
d'activités syndicales et ne nourrissent pas de contentieux particulier.
La discrimination syndicale est à l'origine de nombreux contentieux concernant notamment le
recrutement, l'évolution de carrière, le salaire. En outre, la Halde (voir nos 80 et s.) est
compétente pour connaître des discriminations liées aux activités syndicales. Elle peut
nommer un médiateur afin de trouver une solution au litige [Délib. n° 2007-358, 17 déc.
2007].
Recrutement
Le refus d'une société utilisatrice de renouveler avec une société de travail temporaire un
contrat de mise à disposition d'un salarié exerçant un mandat syndical équivaut à un refus
d'embauche discriminatoire interdit par l'article 225-2 du Code pénal (Cassation criminelle, 2
septembre 2003, n° 02-86.048).
Évolution de carrière
Il a été établi que la discrimination dont une salariée faisait l'objet était liée à son
appartenance syndicale dès lors qu'elle était la seule parmi les salariés ayant la même
qualification à ne pas avoir progressé dans les échelons, et que cette différence de traitement
n'était pas imputable à son insuffisance professionnelle mais avait débuté lors de sa
désignation en qualité de déléguée syndicale en se traduisant notamment par une tentative de
licenciement, des avertissements et des menaces (Cassation sociale, 11 octobre 2000, n° 9843.472).
Il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'exercice d'une activité syndicale
dans l'évaluation du salarié. Toute mesure contraire est abusive et donne lieu à dommages et
intérêts. Le supérieur hiérarchique d'un salarié avait mentionné lors de son entretien
professionnel annuel que celui-ci n'était pas motivé pour la vente de par ses nombreuses
activités syndicales. Sa présence irrégulière ne permettait pas un management correct et une
implication satisfaisante de sa part (Cassation sociale, 17 octobre 2006, n° 05-40.393).
La discrimination a pu être établie dans les cas suivants :
- le salarié n'a reçu aucune convocation de 1984 à 1997 à un entretien de gestion de
l'évolution de sa carrière, alors que l'employeur avait l'obligation de prendre l'initiative
d'appliquer un accord relatif à l'exercice du droit syndical et au fonctionnement des
institutions représentatives du personnel dans l'entreprise, ce qu'il n'a pas fait (Cassation
sociale, 15 mars 2005, n° 02-43.560) ;
- la candidature à un poste d'avancement du salarié a reçu un avis défavorable de son
supérieur hiérarchique au motif que les fonctions d'encadrement qu'il souhaitait obtenir
nécessitaient une constante disponibilité et étaient incompatibles avec son activité syndicale
(Cassation sociale, 6 juillet 2005, n° 03-44.037) ;
- le salarié, qui a connu d'importantes promotions de 1977 à 1996, a vu sa carrière
brusquement stagnée à compter du 1er janvier 1996. Il existe un lien entre cette stagnation,
que la société ne justifiait par aucun élément objectif, et l'appartenance syndicale du salarié
(Cassation sociale, 10 janvier 2006, n° 04-43.070) ;
- depuis son embauche en qualité de secrétaire standardiste, en 1990, la fonction de la salariée
a évolué jusqu'à celle d'assistante administrative et commerciale, ses responsabilités ont été
régulièrement accrues jusqu'à ce que, cantonnée à la saisie, il lui soit attribué un bureau
dépourvu d'outil informatique (Cassation sociale, 28 juin 2006, n° 04-47.549).
La discrimination peut consister à ne pas proposer de formation au salarié. L'employeur ne
peut, pour arrêter ses décisions, prendre en considération l'exercice d'une activité syndicale.
L'argument selon lequel le salarié en ayant jamais émis le moindre voeu, ni renvoyé le
formulaire s'est exclu de lui-même de tout plan de formation ne peut être retenu (Cassation
sociale, 1er juin 2004, n° 01-47.239).
L'employeur ne peut imposer à un salarié à la suite de l'obtention d'un diplôme, une période
probatoire particulièrement longue au regard de celle réservée aux autres collaborateurs se
trouvant dans la même situation que lui (18 mois au lieu de 11 ou 12 mois), en faisant état du
nombre de ses mandats de représentant du personnel (Cassation sociale, 25 novembre 2003,
n° 03-80.721).
L'employeur a, à l'égard du salarié, une attitude discriminatoire, lorsque le salarié s'est vu,
deux mois après avoir été élu délégué du personnel, retirer sans justification les tâches
essentielles inhérentes à l'exercice de ses fonctions de chef comptable qu'il occupait depuis
plus de trente ans, tâches confiées à son adjoint. Ce comportement était à l'origine de la
détérioration de l'état de santé du salarié licencié pour inaptitude (Cassation sociale, 24 janvier
2006, n° 03-45.198).
Salaire
Il revient aux juges du fond d'apprécier la discrimination salariale dont a pu faire l'objet le
salarié en raison de son appartenance syndicale.
La discrimination est établie dès lors que le salarié n'a connu aucune évolution de carrière
entre 1987, date de sa promotion, et son départ de l'entreprise en 2001 alors que deux
ingénieurs affiliés à d'autres organisations syndicales, qui exerçaient des fonctions de
représentant du personnel à temps complet avaient été promus après avoir acquis une
ancienneté inférieure à la sienne. En outre, la cour d'appel pouvait trouver dans la
comparaison du salaire de l'intéressé avec la moyenne des salaires des salariés de sa catégorie
appartenant à l'entreprise un élément laissant supposer l'existence d'une discrimination. Elle a
relevé que sa rémunération avait, à partir de 1999, été inférieure à celle de la moyenne de la
catégorie des ingénieurs dans laquelle il aurait dû figurer (Cassation sociale, 17 octobre 2006,
n° 04-45.926).
La discrimination est également établie dans les cas suivants :
- le salarié dont les qualités étaient confirmées et qui bénéficiait régulièrement de
gratifications de 1996 à 2001, avait vu son évaluation baisser et cette gratification supprimée,
postérieurement à sa désignation en qualité de délégué syndical (Cassation sociale, 11 juillet
2006, n° 04-56.440) ;
- la décision de n'accorder au salarié que le montant minimum de la prime de fin d'année
consécutive à ses absences résultant de ses obligations d'élu du personnel (Cassation sociale,
29 septembre 2004, n° 02-40.647) ;
- le salarié percevait un salaire horaire inférieur à celui de six autres salariés de qualification
équivalente. L'employeur lui avait refusé, sans justification, l'accès à des formations
qualifiantes. Il n'apportait aucun élément objectif justifiant la stagnation de la carrière du
salarié pendant vingt années à compter de l'exercice de ses fonctions syndicales (Cassation
sociale, 26 avril 2006, n° 04-46.100) ;
- le défaut d'information de la hiérarchie lors de la prise des heures de délégation ne constitue
pas un élément objectif étranger à l'exercice du mandat syndical qui peut justifier la différence
de traitement dont a fait l'objet le salarié. La situation professionnelle du salarié n'était pas la
seule cause de la différence de coefficient et de rémunération constatée (Cassation sociale, 8
novembre 2006, n° 05-41.565).
REMARQUE
L'employeur qui modifie unilatéralement les conditions du contrat de travail d'un délégué
syndical et qui lui refuse le bénéfice d'une prime annuelle accordée aux autres salariés doit
apporter la preuve de la pleine justification de ces mesures ainsi que de leur absence de tout
lien avec la qualité de délégué syndical. Les justifications de l'employeur selon lesquelles il
avait informé la déléguée syndicale, par courrier, de ses nouvelles attributions en raison du
traitement de la comptabilité générale en un autre site, et que le non-paiement de la prime était
dû à une erreur étaient insuffisantes (Cassation sociale, 6 janvier 2004, n° 02-88.240).
La discrimination syndicale n'est pas reconnue lorsque la différence de traitement du salarié
par rapport à d'autres se trouvant dans des situations comparables est antérieure à l'exercice
des mandats syndicaux, lesquels ne l'ont pas privé du bénéfice d'une progression de carrière
normale. La différence de traitement, préexistante aux mandats, reposait sur des raisons
objectives, tenant aux compétences professionnelles de l'intéressé et exclusives de toute
discrimination (Cassation sociale, 28 septembre 2004, n° 03-42.624).
La discrimination peut aussi être établie entre les délégués syndicaux permanents et les autres
délégués syndicaux de l'entreprise. Si cette disparité n'est pas fondée sur des éléments
objectifs étrangers à l'exercice du mandat syndical, elle est illégale (Cassation sociale, 25 juin
2002, n° 99-42.409).
ATTENTION
Si l'employeur met à la retraite un salarié en raison de ses activités syndicales, il s'agit d'un
licenciement discriminatoire et donc nul qui ouvre droit au profit du salarié qui ne demande
pas sa réintégration, aux indemnités de rupture et à une indemnité réparant le caractère illicite
de son licenciement (Cassation sociale, 17 octobre 2006, n° 04-45.926).
Organisation du travail
Lorsque l'employeur procède à une réorganisation des équipes de travail, non pas dans
l'intérêt de l'entreprise, mais comme mesure discriminatoire à l'encontre de deux salariés en
raison de leur appartenance syndicale, ces salariés doivent être réintégrés dans leur équipe de
travail d'origine s'ils n'ont pas donné leur accord à la modification (Cassation sociale, 19
octobre 1999, n° 97-43.088).
Pouvoir disciplinaire
Sur douze salariés affectés au même service, seul le salarié qui exerçait un mandat syndical,
avait été convoqué par son employeur à un entretien et s'était vu reprocher une distribution de
tracts dans des conditions illicites. La disparité de traitement commise au détriment de ce
salarié était établie. Le salarié a obtenu des dommages et intérêts (Cassation sociale, 18
novembre 2003, n° 01-43.686).
Lorsque le véritable motif de la mise à pied tient, non dans les retards de la salariée sur son
lieu de travail, invoqués par l'employeur, mais dans sa désignation récente comme déléguée
syndicale, cette sanction constitue le délit d'entrave à l'exercice du droit syndical. Cette
mesure disciplinaire était intervenue dans un contexte conflictuel lié à cette désignation, après
que l'employeur eût manifesté à plusieurs reprises l'irritation suscitée par celle-ci (Cassation
sociale, 25 janvier 2000, n° 99-82.476).
64 Discrimination liée à l'exercice normal du droit de grève
Une telle discrimination ne peut être sanctionnée qu'au plan civil par la nullité de la décision
en cause, mais ne conduit pas à des poursuites pénales.
La Cour de cassation est attentive aux discriminations dont pourraient faire l'objet les salariés
grévistes. L'exercice du droit de grève ne peut donner lieu de la part de l'employeur à des
mesures discriminatoires en matière de rémunération et d'avantages sociaux. Tout
licenciement prononcé en violation de cette disposition est nul de plein droit (Cassation
sociale, 2 février 2006, n° 03-47.481).
Prend une mesure discriminatoire, l'employeur qui décide, après le déclenchement d'une
grève, de créer une prime et d'en faire varier le montant suivant que les salariés ont fait grève
ou non, alors que la quantité de tâches demandées au personnel non gréviste pendant la
période de grève n'a pas été plus importante qu'à l'accoutumée (Cassation sociale, 2 mars
1994, n° 92-41.134).
La réduction de la somme due au titre de l'intéressement pour absences motivées par
l'exercice du droit de grève constitue une mesure discriminatoire interdite, dès lors que
certaines absences pour maladie ne donnent pas lieu à réduction pendant les cinq premières
journées ouvrées et à une réduction limitée les jours suivants (Cassation sociale, 6 novembre
1991, n° 89-42.571).
Si l'employeur peut tenir compte des absences, même motivées par la grève, pour l'attribution
d'une prime destinée à récompenser une assiduité profitable à l'entreprise, c'est à la condition
que toutes les absences, autorisées ou non, entraînent les mêmes conséquences. Dès lors que
les absences pour événements familiaux ou les absences conventionnelles prévues par accord
d'entreprise ne donnent pas lieu à retenue, la suppression de la prime d'assiduité en cas de
grève constitue une mesure discriminatoire (Cassation sociale, 15 février 2006, n° 04-45.738).
En revanche, la retenue opérée par l'employeur pour absence pour fait de grève n'a pas un
caractère discriminatoire dès lors que les périodes d'absence exclusives de retenue, énumérées
par le contrat d'intéressement, sont légalement assimilées à un temps de travail effectif et que
toutes les autres absences, quelle qu'en soit la cause, donnent lieu à abattement (Cassation
sociale, 5 février 2003, n° 00-45.998).
En outre, le Code du travail autorise la sanction d'un salarié gréviste en raison de la faute
lourde qu'il commettrait lors de la grève (Code travail, article L. 521-1 recod. Code travail,
article L. 2511-1). Encore, est-il nécessaire que l'on soit en présence d'une grève au sens
juridique du terme, à savoir, une cessation concertée du travail en vue d'appuyer des
revendications professionnelles dont l'employeur a eu connaissance. La participation à un
mouvement illicite de sabotage, un mouvement de zèle excessif, une « grève individuelle » en
dehors de toute revendication collective continuent d'être des comportements pouvant être
sanctionnés, peu important que le ou les salariés aient choisi de les qualifier de grève.
L'employeur dispose d'un pouvoir d'individualisation des sanctions. Sous réserve de ne pas
commettre de discrimination, il peut sanctionner différemment des salariés grévistes qui
participent à la même faute lourde. Ainsi, dès lors que la décision de l'employeur de licencier
à raison d'une faute lourde n'est entachée d'aucune discrimination, notamment sur le plan
syndical, les sanctions peuvent être prononcées compte tenu des anciennetés et des
comportements respectifs (Cassation sociale, 15 mai 1991, n° 89-42.270).
65 Discriminations salariales
Pour apprécier la différence de traitement dont ont été victimes les représentants du personnel
syndiqués (évolution de carrière défavorable par rapport à celle des autres salariés recrutés à
la même période dans la même catégorie professionnelle), le juge doit procéder à une étude
comparative des salaires et coefficients des représentants du personnel et des autres salariés de
l'entreprise, à diplôme équivalent et même ancienneté (Cassation sociale, 9 novembre 2004,
n° 04-81.397).
Le versement d'une prime annuelle au personnel sédentaire et non roulant d'une entreprise est
constitutive d'une discrimination illégitime. Une telle différence de traitement n'était pas
justifiée (Cassation sociale, 19 mai 2004, n° 03-41.562).
REMARQUE
Le principe « à travail égal, salaire égal » s'applique à tous les salariés placés dans une
situation identique. Il interdit les différences de traitement non justifiées (Cassation sociale,
29 octobre 1996, n° 92-43.680). Ne méconnaît pas ce principe l'employeur qui justifie par des
raisons objectives et matériellement vérifiables la différence de rémunération entre des
salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale (Cassation sociale, 21 juin
2005, n° 02-42.658).
Discriminations politiques et religieuses
66 Discrimination liée aux opinions politiques ou aux convictions religieuses
S'il peut s'opposer à un salarié qui utiliserait son temps de travail ou ses outils de travail pour
un prosélytisme religieux ou politique, l'employeur doit, en revanche, respecter la liberté de
pensée et de culte de chacun. Ainsi, il ne saurait sanctionner un salarié en raison des opinions
politiques ou religieuses qu'il exprimerait lors de conversations personnelles entre collègues,
sauf à ce que l'expression de cette opinion se soit accompagnée d'insultes, de violences ou
d'insubordination.
La solution est identique lorsque la manifestation de cette opinion ou religion intervient à
l'extérieur de l'entreprise, quand bien même l'extrémisme des positions affichées susciterait un
malaise au sein de l'entreprise.
De même, le port de certains signes distinctifs religieux (ou le port de badges politiques ou
vêtements avec slogan) ne saurait faire l'objet de sanctions. Toutefois, l'employeur peut
néanmoins exiger pour les emplois en contact avec la clientèle que ces signes religieux ou
politiques restent discrets. Les exigences du contact avec le public ne peuvent toutefois pas
justifier des atteintes disproportionnées aux manifestations de foi religieuse. Ainsi, le conseil
de prud'hommes de Paris a considéré qu'une salariée portant un voile issu de la coutume
musulmane ne pouvait être licenciée pour cette raison, alors que « télévendeuse », elle ne
pouvait qu'épisodiquement être confrontée à des personnes extérieures, d'autant plus qu'elle
portait déjà un tel voile lors de son embauche (Conseil des Prud’hommes Paris, 17 décembre
2002, X c/Y). À l'inverse, le licenciement d'une vendeuse ayant décidé de porter un voile
islamique « serré », a été admis car elle était en contact avec la clientèle [CA Paris, 16 mars
2001, X c/Y] ; (voir également n° 56).
Hormis pour certaines entreprises « de tendance », comme les églises, associations cultuelles,
l'entreprise est un espace « laïc », où aucune religion ne peut être imposée ou interdite. Par
conséquent, les entreprises ne sont pas tenues de prendre en considération les exigences d'une
religion déterminée, sauf à ce que le salarié en ait fait une condition déterminante lors de son
embauche. Ainsi, un boucher converti à la religion musulmane s'est vu licencié en raison de
son refus de travailler en contact avec de la viande de porc (Cassation sociale, 24 mars 1998,
n° 95-44.738). Par conséquent, si les employeurs peuvent admettre certains aménagements
horaires, l'employeur n'est légalement pas tenu de prendre en compte les contraintes du
ramadan ou des fêtes religieuses catholiques, musulmanes, juives, etc. ; un salarié qui
s'absenterait à l'occasion de certaines fêtes religieuses sans autorisation commettrait une faute.
Par ailleurs, la pratique d'aménagements d'horaires ou d'absences « religieuses » ne doit pas
établir une différence de traitement selon les religions (autres que celle résultant du calendrier
des jours fériés...), faute de quoi elle apparaîtrait discriminatoire.
Saisie d'une réclamation relative à des autorisations d'absence estimées discriminatoires pour
fêtes religieuses accordées par une entreprise, la Halde a rappelé que toute discrimination
fondée sur les convictions religieuses est prohibée lors de l'exécution du contrat de travail.
Des limitations peuvent être imposées dès lors qu'elles sont justifiées et proportionnées
notamment par l'organisation du travail dans l'entreprise. Il en résulte que l'employeur doit
justifier, par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, le refus d'accorder une
autorisation d'absence pour fête religieuse ([Délibération n° 2007-301, 13 novembre 2007).
REMARQUE
La Halde a rappelé récemment que tout fonctionnaire est libre de ses opinions, tant qu'il
respecte son devoir de réserve et de neutralité dans le cadre de ses fonctions. Dès lors, la prise
en compte de son appartenance à l'Église de scientologie, si elle ne sanctionne pas un acte de
prosélytisme dans le cadre de ses fonctions, constitue une mesure discriminatoire
(Délibération n° 2007-309, 17 décembre 2007).
En ce qui concerne les opinions politiques, il n'existe pas de « devoir de réserve ». Un salarié
peut participer à des activités politiques, peu important que celles-ci soient en contradiction
avec les principes, voire l'activité de son employeur.
Lutte contre les discriminations
Sanctions civiles
67 Quelle est la procédure pour saisir les prud'hommes ?
Il n'est pas prévu de procédure particulière pour introduire sa demande auprès du conseil de
prud'hommes :
- le salarié peut agir pour obtenir des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,
ainsi que pour obtenir l'annulation d'un licenciement ou d'une démission qu'il estimerait
discriminatoire. Son action est alors soumise en premier lieu au bureau de conciliation, puis
au bureau de jugement ;
- le salarié peut également saisir la formation de référé du conseil, lorsque la demande
présente une urgence particulière et ne suscite pas de contestation sérieuse. Tel peut être le
cas, lorsque le licenciement ou la décision fait clairement apparaître un motif discriminatoire,
afin d'obtenir une provision en prévision de la nullité de ce licenciement ou sa réintégration.
À NOTER
En cas de poursuites pénales (voir nos 76 et s.), la demande de dommages et intérêts peut
directement être présentée devant le conseil de prud'hommes.
68 Le salarié est-il protégé durant cette action en justice ?
Le simple engagement d'une action en justice liée à une discrimination ne saurait protéger un
salarié contre tout licenciement. En revanche, est nul et de nul effet le licenciement d'un
salarié faisant suite à une action en justice engagée par ce salarié ou en sa faveur (par une
association ou une organisation syndicale) afin de faire reconnaître une discrimination,
lorsqu'il est établi que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et constitue en réalité
une mesure de l'employeur liée à l'action en justice. Toutefois, tout comme en matière
d'égalité entre les femmes et les hommes, il ne semble pas nécessaire d'établir un lien entre
l'action en justice et le licenciement, il suffit de constater que le licenciement est sans cause
réelle et sérieuse (Cassation sociale, 28 novembre 2000, n° 97-43.715). En ce cas, la
réintégration est de droit et le salarié est regardé comme n'ayant jamais cessé d'occuper son
emploi.
Si le salarié refuse de poursuivre l'exécution du contrat de travail, c'est-à-dire d'être réintégré,
le conseil de prud'hommes lui alloue une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des
six derniers mois. En outre, le salarié bénéficie également d'une indemnité de licenciement et
l'employeur est condamné à rembourser à l'Assédic, les allocations chômage perçues au cours
des six derniers mois.
À NOTER
Un licenciement considéré comme justifié par des éléments étrangers à une discrimination ne
peut pas être annulé.
69 À qui incombe la preuve de la discrimination ?
La loi organise un mécanisme de preuve en deux temps pour prouver l'existence d'une
discrimination (Code travail, article L. 122-45 recod. Code travail, article L. 1134-1) :
- dans un premier temps, le salarié concerné ou le candidat à un recrutement, à un stage ou à
une période de formation en entreprise « présente » des éléments de fait laissant supposer
l'existence d'une discrimination directe ou indirecte (voir n° 70). Au contraire du mécanisme
en matière de harcèlement (voir n° 27), il n'est pas exigé que le salarié « établisse » des faits.
Ainsi, le salarié peut se borner à présenter des graphiques d'évolution professionnelle, des
comparaisons, etc. Il importe simplement que soit démontrée une disparité, une différence de
traitement sans justification apparente par des critères objectifs ;
- dans un second temps, au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que sa
décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination (voir n° 71).
Au final, les juges forment leur conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les
mesures d'instruction qu'ils estiment utiles (voir n° 72).
70 Quels sont les éléments sur lesquels peut s'appuyer le salarié s'estimant
discriminé ?
Si le salarié n'est pas tenu d'établir la preuve de faits précis, il doit démontrer un faisceau
d'indices faisant apparaître une discrimination en s'appuyant sur divers éléments :
- les comparaisons statistiques : des relevés graphiques ou tableaux peuvent faire apparaître
des divergences d'évolution professionnelle entre le salarié en cause et des salariés placés
dans une situation identique ; ils peuvent notamment mettre en valeur le fléchissement de
l'évolution professionnelle lié à une désignation à un mandat syndical. Pour ce faire, le salarié
doit toutefois avoir connaissance des salaires et évolutions pratiquées pour des travailleurs
dans une situation identique. À ce stade, il importe de situer en termes de compétences
initiales, formation continue, et responsabilités professionnelles les salariés pris à titre de
comparaison et de vérifier s'ils sont effectivement placés dans une situation identique ;
- des faits illustrant une discrimination : absence d'évaluation professionnelle lorsque celle-ci
est possible et pratiquée pour tous les autres salariés, des paroles, courriers, messages
électroniques, attitudes, refus explicite ou implicite de certains droits... Le salarié peut
rapporter la preuve de ces agissements par les attestations de salariés (parfois d'anciens
salariés). Ces salariés bénéficient d'une protection contre le licenciement, identique à celle
prévue pour les témoins de harcèlement (voir n° 28) ;
- des documents établissant la différence de traitement : descriptifs de postes, plannings
horaires, notes internes, résultats d'évaluation, et tout autre document circulant dans
l'entreprise ;
- les courriers de l'employeur, notamment disciplinaires. Ainsi, certains documents peuvent
implicitement reconnaître une discrimination (syndicale) en faisant état du « manque de
disponibilité », de « l'absence du service en raison de son mandat », etc. ;
- le contenu du bilan social, le rapport sur la situation comparée des hommes et femmes, les
données fournies dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire ;
- les informations contenues dans le registre unique du personnel ;
- un procès-verbal de l'inspecteur du travail ;
- des sanctions disciplinaires ou professionnelles dont il a fait l'objet même si elles ont été
amnistiées (Cass. avis, 21 décembre 2006, n° 06-00.014).
En revanche, le salarié ne peut utiliser des documents subtilisés à l'employeur ; il ne peut ainsi
produire que des documents dont il a eu connaissance dans le cadre de son activité
professionnelle (Cassation sociale, 2 décembre 1998, n° 96-44.258). Par ailleurs, les autres
salariés peuvent s'opposer à ce que leurs dossiers soient transmis dans le cadre d'un
contentieux.
ATTENTION
La discrimination n'est pas retenue si le juge constate que le salarié ne rapporte pas la preuve
de la différence de traitement dont il prétend avoir fait l'objet (Cassation sociale, 12 novembre
2002, n° 00-42.730), ni le moindre commencement de preuve objective de ce qu'il aurait subi
une discrimination dans le déroulement de sa carrière, par rapport à la moyenne du personnel,
ni dans sa rémunération, au regard de celle des salariés exerçant la même activité (Cassation
sociale, 31 janvier 2007, n° 05-41.563).
71 Comment l'employeur peut-il contester les accusations de discrimination
?
L'employeur doit expliquer les disparités de situation démontrées par le salarié par des
facteurs objectifs étrangers à la discrimination (Cassation sociale, 14 novembre 2001, n° 9944.036). S'il n'établit pas la disparité de traitement par des éléments objectifs, la
discrimination est établie (Cassation sociale, 23 novembre 2004, n° 03-84.389).
Il peut ainsi contester le choix des salariés utilisés pour la comparaison, lorsqu'il estime que
ceux-ci ne sont pas placés dans une situation identique du fait de leur expérience
professionnelle, ancienneté, formation... À cet égard, la comparaison doit s'effectuer « au
regard de la situation concrète des salariés dans leur environnement professionnel et en
comparaison avec les personnes travaillant avec elles dans les mêmes conditions de poste,
d'équipe, d'ancienneté et de technicité effective de leur travail » (CA Paris, 14 janvier 1998, X
c/Y ; voir aussi Cassation sociale, 26 février 2002, n° 00-45.501).
Il peut aussi faire état des critères professionnels justifiant la différence de traitement. Il peut
ainsi expliquer des refus de promotion et/ou l'absence d'avancement professionnel, par
l'exposé des carences ou insuffisances professionnelles du salarié. Le recours à des
évaluations internes peut aussi être envisagé, bien que la validité de telles évaluations soit
souvent mise en cause par le salarié s'estimant discriminé. Le contenu du dossier disciplinaire
peut également être utilisé pour justifier certaines décisions. En revanche, une simple
attestation d'un supérieur hiérarchique expliquant le manque de motivation, de souplesse, de
polyvalence du salarié, ne saurait suffire à établir les insuffisances professionnelles du salarié
(Conseil des Prud’hommes Chalon-sur-Saône, 28 mai 2001, X c/Y).
Selon le contenu du dossier des salariés, un employeur sera donc plus ou moins bien armé
face à un contentieux pour discrimination. En effet, c'est bien souvent sur la base des éléments
de ce dossier qu'il pourra expliquer les différences de traitement : notation interne, lettres de
réprimandes ou de reproches, objectifs atteints, refus de mutation interne explicité par le
responsable de service, tests de recrutement, etc.
72 Quelles sont les mesures d'instruction qui peuvent être demandées en
justice ?
Les juges forment leur conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures
d'instruction qu'ils estiment utiles. Ils peuvent ainsi décider d'une mission par des conseillers
rapporteurs pour rechercher les éléments de comparaison nécessaires, en sommant au besoin
l'entreprise de fournir certains documents ou listes de salariés. Enfin, une mission d'expert
peut être demandée.
Ces mesures d'instruction peuvent être sollicitées sur requête ou par référé ; elles doivent
permettre de « conserver ou d'établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait
dépendre la solution » du litige (NCPC, article 45).
Le juge peut ordonner une mesure d'expertise aux frais de l'employeur pour rechercher la
preuve incombant à ce dernier, des éléments objectifs éventuellement étrangers à une
discrimination et pouvant justifier la disparité constatée (Cassation sociale, 4 octobre 2005, n°
03-43.491).
Les juges sont libres de décider de mesures d'instruction, et ne peuvent y être contraints.
Le juge ne peut pas rejeter la demande du salarié en paiement de dommages et intérêts pour
discrimination syndicale, en énonçant seulement qu'aucun élément du dossier ne permet
d'établir que le salarié a subi une discrimination syndicale. Il doit vérifier, en présence d'une
discrimination syndicale invoquée, les conditions dans lesquelles la carrière du salarié s'est
déroulée (Cassation sociale, 27 novembre 2002, n° 00-44.736). Dans le même sens, les juges
doivent vérifier si l'employeur apporte la preuve que la gestion individualisée de la carrière et
de la rémunération du salarié s'estimant lésé repose sur des critères objectifs et vérifiables
étrangers à toute prise en compte de son activité syndicale (Cassation sociale, 4 octobre 2005,
n° 03-45.689).
73 Quel peut être le rôle de l'inspecteur du travail pour prouver une
discrimination ?
Le salarié peut solliciter l'intervention de l'inspecteur du travail, sans que celui-ci soit
toutefois tenu d'agir. L'inspecteur du travail peut exiger de l'employeur qu'il lui transmette
tout document ou tout élément d'information utile à la constatation de faits permettant de
constater l'existence d'une discrimination (Code travail, article L. 611-9 recod. Code travail,
article L. 8113-4, L. 8113-5). Il a en outre accès aux différents registres obligatoires.
Ces informations peuvent appuyer un éventuel procès-verbal constatant une discrimination. Si
l'inspecteur du travail peut rendre compte aux salariés des actions qu'il a entreprises, il ne
semble pas possible qu'il leur transmette les informations qu'il a reçues de l'employeur.
74 À quelles indemnités un salarié discriminé peut-il prétendre ?
Le salarié reconnu victime d'une discrimination peut obtenir des dommages et intérêts. Leur
montant est fixé par les juges en considération des avantages salariaux et éventuellement
financiers (PEE, intéressement, stock-options) dont le salarié a été privé du fait de sa
discrimination, ainsi qu'en raison d'un préjudice moral lié à des vexations.
Bien que calculés sur la base d'éléments salariaux non perçus, ces dommages et intérêts sont
soumis au délai de prescription trentenaire, et non quinquennal (Cassation sociale, 11 octobre
2000, n° 98-43.472). Les sommes ainsi calculées peuvent donc aboutir à des montants
conséquents.
S'il a fait l'objet d'un licenciement lié à sa discrimination, celui-ci peut être annulé et le salarié
peut demander sa réintégration. En revanche, s'il refuse d'être réintégré, les juges lui allouent
une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, ainsi que des
indemnités de licenciement et de préavis.
Le salarié discriminé peut aussi saisir le conseil de prud'hommes afin d'obtenir la résiliation
judiciaire de son contrat de travail (Cassation sociale, 16 mars 2005, n° 03-40.251).
75 Le salarié peut-il obtenir un reclassement ?
Plusieurs décisions de jurisprudence ont admis que le salarié, en cas de discrimination
syndicale, peut obtenir un reclassement tenant compte de l'avancement auquel il aurait pu
prétendre.
Lorsque la discrimination dans le déroulement de la carrière du salarié est reconnue, le juge
peut, en se référant à la classification des emplois prévue dans l'entreprise, décider d'un
reclassement de l'intéressé, à la date qu'il fixe dans l'exercice de son pouvoir souverain
d'appréciation des effets de la discrimination (Cassation sociale, 24 février 2004, n° 0146.499).
Les dispositions de l'article L. 412-2 du Code du travail (recod. Code travail, article L. 21415) qui prohibent la discrimination syndicale ne font pas obstacle à ce que le juge ordonne le
reclassement d'un salarié victime d'une discrimination prohibée. La discrimination syndicale
peut être réparée par des dommages et intérêts et un reclassement dans le poste que le salarié
aurait dû normalement occuper (Cassation sociale, 23 novembre 2005, n° 03-40.826).
La saisine du juge des référés est possible. Il peut prescrire les mesures conservatoires ou de
remise en état qui s'imposent soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser
un trouble manifestement illicite. Le trouble manifestement illicite est constitué lorsque le
salarié, à la différence d'un autre salarié détaché dans des fonctions syndicales par un syndicat
différent, s'est vu refuser sans raison le retour dans son poste initial à la fin du premier
détachement, ce qui avait entraîné un retard de carrière résultant d'une discrimination
syndicale. Pour faire cesser ce trouble le juge peut accorder une provision sur dommages
intérêts, mais aussi classer provisoirement le salarié au niveau auquel il peut prétendre
(Cassation sociale, 25 janvier 2006, n° 03-47.706].
Sanctions pénales
76 Comment le salarié peut-il déclencher des poursuites pénales pour
discrimination ?
La discrimination est réprimée par le Code pénal (Code pénal, article 225-1).
Le salarié peut déposer une plainte simple, ou se constituer partie civile (voir n° 36). Il peut
également procéder à une citation directe devant le tribunal correctionnel, ce qui suppose que
sa plainte soit correctement argumentée tant au plan juridique que factuel, aucune enquête
n'intervenant.
Enfin, le salarié peut également saisir l'inspecteur du travail afin que celui-ci enquête et dresse
un procès-verbal. Toutefois, le classement fréquent par le parquet des procès-verbaux
inciterait plus volontiers à utiliser le procès-verbal à l'appui d'une citation directe.
ATTENTION
Ne sont pas sanctionnées :
- les discriminations fondées sur l'état de santé, lorsqu'elles consistent en des opérations ayant
pour objet la prévention et la couverture du risque décès, des risques portant atteinte à
l'intégrité physique de la personne ou des risques d'incapacité de travail ou d'invalidité. Mais,
ces discriminations sont punies lorsqu'elles se fondent sur la prise en compte de tests
génétiques prédictifs ayant pour objet une maladie qui n'est pas encore déclarée ou une
prédisposition génétique à une maladie ;
- les discriminations fondées sur l'état de santé ou le handicap, lorsqu'elles consistent en un
refus d'embauche ou un licenciement fondé sur l'inaptitude médicalement constatée ;
- les discriminations fondées, en matière d'embauche, sur le sexe lorsque l'appartenance à l'un
ou l'autre sexe constitue, conformément aux dispositions du Code du travail ou aux lois
portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique, la condition déterminante de
l'exercice d'un emploi ou d'une activité professionnelle (Code pénal, article 225-2).
77 Quelles sont les sanctions pénales applicables à la discrimination ?
Un salarié ou entrepreneur individuel, personne physique, qui serait coupable de
discrimination au travail risque une peine pouvant aller jusqu'à trois ans d'emprisonnement et
une amende de 45 000 € (Code pénal, article 225-2). En outre, des peines complémentaires
peuvent être prononcées, notamment l'interdiction des droits civiques.
En ce qui concerne l'entreprise, personne morale (société), il peut être prononcé à son
encontre une amende pouvant aller jusqu'à 225 000 € , ainsi que des peines complémentaires
comme par exemple l'exclusion des marchés publics (Code pénal, article L. 225-4).
Une personne ne peut voir sa responsabilité pénale engagée au titre de la discrimination que
lorsque cette discrimination est commise au cours d'une des opérations énoncées par l'article
225-2 du Code pénal (par exemple sanctionner ou licencier une personne). La mutation de
service d'un salarié, qui n'entraîne aucune conséquence sur sa carrière ou sa rémunération, ne
constitue pas une sanction au sens du Code pénal qui doit s'interpréter strictement (Cassation
social, 14 mars 2006, n° 05-82.505).
Les propos discriminatoires à caractère sexiste, homophobe ou en raison du handicap sont
également réprimés (Loi n° 2004-1486, 30 décembre 2004, article 20 à 22, JO 31 décembre).
Sont passibles d'un an d'emprisonnement et, ou de 45 000 € d'amende, les personnes qui,
publiquement et en ayant recours à tous les moyens de communication définis à l'article 23 de
la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse (discours dans des lieux ou réunions publics,
presse ou tout moyen de communication au public par voie électronique) :
- auront incité à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes
à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou de leur handicap ;
- ou auront provoqué, à l'égard des mêmes personnes, aux discriminations prévues par les
articles 225-2 et 432-7 du Code pénal.
REMARQUE
Les peines punissant les infractions commises pour des motifs raciaux ou religieux sont
aggravées (Loi n° 2003-88, 3 février 2003, JO 4 février). Ainsi, lorsque l'employeur commet
certaines infractions limitativement prévues « à raison de l'appartenance ou de la non
appartenance, vraie ou supposée, des victimes à une ethnie, une nation, une race ou une
religion déterminée », le juge considère qu'il existe une circonstance aggravante permettant de
prononcer une peine plus forte (Code pénal, article 132-76). Ainsi, lorsqu'il y a eu violences
ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours pour des motifs
raciaux, l'employeur court le risque d'être condamné à trois ans d'emprisonnement et 45 000 €
d'amende (Code pénal, article 222-13 et pour les autres infractions : Code pénal, article 221-4,
222-3, 222-8, 222-10, 222-12, 322-2, 322-3 et 322-8).
78 Un salarié peut-il obtenir des dommages et intérêts devant le tribunal
correctionnel ?
Un salarié reconnu victime de discrimination peut, lorsqu'il s'est constitué partie civile ou a
procédé à une citation directe, demander la condamnation de l'employeur à des dommages et
intérêts.
Il peut également saisir le conseil de prud'hommes, notamment pour l'annulation d'un
licenciement, son action n'étant alors pas nécessairement liée à l'action devant le tribunal
correctionnel (voir n° 39).
ATTENTION
Un classement sans suite prononcé par le procureur de la République ou une ordonnance de
non-lieu rendue par le juge d'instruction sont sans incidence sur une procédure prud'homale.
Sanctions disciplinaires
79 L'employeur peut-il sanctionner des propos discriminatoires ?
En vertu du principe de non-discrimination, l'employeur ne saurait sanctionner un salarié en
raison de ses opinions politiques ou religieuses.
Toutefois, le Code pénal prévoit la punition par une amende de 750 € des injures et
diffamations non publiques ayant un caractère raciste ou discriminatoire en raison de la
religion ou de l'origine (Code pénal article R. 624-3 et 624-4). Dès lors, il semble possible que
de telles insultes ou diffamations proférées dans le cadre de l'entreprise soient sanctionnées
par l'employeur. Toutefois, sauf à rapporter la preuve d'un trouble important dans l'entreprise
causé par cette attitude, un licenciement pour ce fait reste difficilement envisageable. Un
licenciement apparaîtrait en revanche justifié s'il peut être reproché au salarié des actes
discriminatoires, comme un refus d'embauche.
Rôle de la Halde
80 Quelles sont les missions de la Haute autorité de lutte contre les
discriminations et pour l'égalité (Halde) ?
Mise en place par la loi du 30 décembre 2004, la Haute autorité de lutte contre les
discriminations et pour l'égalité (Halde) est une autorité administrative indépendante
composée d'un collège de onze membres nommés par décret du président de la République
pour cinq ans. Elle est compétente pour connaître de toutes les discriminations, directes ou
indirectes, prohibées par la loi ou par un engagement international auquel la France est partie
(Loi n° 2004-1486, 30 décembre 2004, JO 31 décembre 2004 ; D. n° 2005-215, 4 mars 2005,
JO 6 mars).
Toute personne qui s'estime victime de discrimination peut la saisir soit directement, soit par
l'intermédiaire d'un député, d'un sénateur ou d'un représentant français au Parlement européen.
La saisine s'effectue sans formalisme particulier, par écrit. La personne doit indiquer les faits
qu'elle estime constitutifs d'une discrimination directe ou indirecte et apporter toutes
précisions utiles. La haute autorité assiste la victime de discrimination dans la constitution de
son dossier. Elle l'aide à identifier les procédures adaptées à son cas.
Toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, se
proposant par ses statuts de combattre les discriminations ou d'assister les victimes de
discrimination, peut saisir la haute autorité conjointement avec toute personne qui s'estime
victime de discrimination et avec son accord.
La Halde peut également se saisir d'office de cas de discrimination dont elle a connaissance.
Lorsque la victime est identifiée, elle doit être avertie et ne pas s'opposer à cette saisine
d'office.
REMARQUE
La saisine de la Haute autorité n'interrompt pas et ne suspend pas les délais de prescription
des actions en matière civile et pénale et en matière de recours administratifs et contentieux.
La Halde a d'autres missions :
- elle peut formuler des recommandations tendant à remédier à tout fait ou pratique
discriminatoire, ou à en prévenir le renouvellement ;
- elle a une mission de médiation. Avec l'accord des personnes en cause, elle peut procéder ou
faire procéder à la résolution amiable des différends portés à sa connaissance. À noter que
selon la Halde , le médiateur intervenant dans ce cadre est soumis au secret professionnel et
n'a pas accès aux dossiers constitués par la Halde. En outre, il est impartial mais pas neutre ;
- une mission générale de promotion de l'égalité, notamment dans le champ professionnel.
Elle peut identifier et promouvoir toute bonne pratique en matière d'égalité des chances et de
traitement.
REMARQUE
Les rapports de la Halde pour les années 2005 et 2006 figurent sur le site www.halde.fr.
Certaines recommandations rendues par la Haute autorité y sont également publiées.
81 Comment la Halde mène-t-elle sa mission ?
La Haute autorité peut demander des explications à toute personne physique ou à toute
personne morale de droit privé mise en cause devant elle, demander communication
d'informations et de documents quel qu'en soit le support, entendre toute personne dont le
concours lui paraît utile. Les autorités publiques et les organismes chargés d'une mission de
service public sont tenus d'autoriser les agents placés sous leur autorité à répondre à toute
demande de la haute autorité. Ces agents sont tenus de déférer à cette demande.
Lorsque ses demandes d'information, d'explication ou de documents ne sont pas suivies
d'effet, elle peut mettre en demeure les personnes intéressées de lui répondre dans un délai
qu'elle fixe, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Si la mise en demeure
n'est pas suivie d'effet, le président de la haute autorité peut saisir le juge des référés d'une
demande motivée afin que celui-ci ordonne toute mesure d'instruction qu'il juge utile.
Les agents de la haute autorité peuvent procéder à des vérifications sur place dans les locaux
administratifs, les lieux, locaux, moyens de transport accessibles au public et dans les locaux
professionnels exclusivement consacrés à cet usage. Ils peuvent entendre toute personne
susceptible de fournir des informations. En cas d'opposition du responsable des lieux, le
président de la haute autorité peut saisir le juge des référés d'une demande motivée afin qu'il
autorise les vérifications sur place.
La Haute autorité informe le Parquet des faits constitutifs d'un infraction pénale.
82 Quand la Halde peut-elle prononcer une amende transactionnelle ?
Si les faits constitutifs d'une discrimination au sens du Code pénal ou du Code du travail (voir
n° 49) n'ont pas déjà donné lieu à des poursuites, la Halde peut proposer à son auteur de
verser une amende transactionnelle. Le montant de l'amende est fixé en fonction de la gravité
des faits, des ressources et des charges de la personne. Il inclut des dommages et intérêts dus à
la victime. Son montant maximum est de 3 000 € s'il s'agit d'une personne physique et 15 000
€ s'il s'agit d'une personne morale (Code procédure pénal, article D. 1-1 ; n° 2006-641, 1er
juin 2006, JO 2 juin).
La personne à qui est proposée une transaction est informée qu'elle dispose d'un délai de
quinze jours avant de faire connaître sa décision, après s'être, le cas échéant, faite assister par
un avocat.
La transaction acceptée par l'auteur des faits et par la victime doit être homologuée par le
procureur de la République.
La transaction peut également consister dans l'une des mesures suivantes :
- l'affichage d'un communiqué dans certains lieux et pour une durée de deux mois au plus ;
- la transmission, pour information, d'un communiqué au comité d'entreprise ou aux délégués
du personnel ;
- l'obligation de publier la décision au sein de l'entreprise ;
- la diffusion d'un communiqué au Journal officiel ou dans une ou plusieurs autres
publications de presse, ou par la voie de services de communication électronique.
Si l'auteur des faits refuse la transaction proposée, y compris en ne répondant pas aux
convocations qui lui ont été adressées, ou s'il n'exécute pas ses obligations dans les délais
prescrits, la Haute autorité en informe le procureur de la République, mais elle peut aussi
mettre elle-même en mouvement l'action publique par voie de citation directe.
Rôle des représentants du personnel
83 Un délégué du personnel peut-il faire usage de son droit d'alerte en cas
de discrimination ?
Un délégué du personnel peut exercer son droit d'alerte face à une discrimination. Il peut
même en faire usage lorsqu'il s'estime lui-même victime de discrimination (Cassation sociale,
26 mai 1999, n° 97-40.966).
84 Les syndicats peuvent-ils agir en justice face à une discrimination ?
Les syndicats représentatifs peuvent exercer en justice toutes actions qui naissent de la
contestation d'une mesure discriminatoire, dans les conditions prévues par la loi, en faveur
d'un candidat à un emploi, à un stage ou une période de formation en entreprise ou d'un salarié
de l'entreprise sans avoir à justifier d'un mandat de l'intéressé, pourvu que celui-ci ait été
averti par écrit et ne s'y soit pas opposé dans un délai de quinze jours à compter de la date à
laquelle le syndicat lui a notifié son intention (Code travail, article L. 122-45-1 recod. Code
travail, article L. 1134-2).
L'intéressé peut toujours intervenir à l'instance engagée par le syndicat, et notamment y mettre
fin à tout moment (Code travail, article L. 122-45-1 recod. Code travail, article L. 1134-2).
La répartition de la preuve est la même que pour une action individuelle.
Le 21 février 2008, la Halde et l'Organisation internationale du travail (OIT) ont publié deux
recommandations sur la révélation et le traitement des cas individuels de discriminations. Ils
recommandent aux représentants du personnel, et aux organisations syndicales, de faire
pleinement usage des pouvoirs d'action dont ils disposent (droit d'alerte - voir n° 45 - et
pouvoir de substitution) pour agir sur les cas de discrimination individuels et collectifs
déclarés, et à cet effet, de s'informer et se former à la mise en oeuvre de ces dispositifs. En
outre, les deux organismes recommandent aux entreprises de mettre en place, en impliquant
les représentants du personnel, des dispositifs d'alerte interne qui permettent de faire émerger
les cas de discriminations individuelles, afin que des solutions y soient apportées. Des
exemples de bonnes pratiques ont été mises en place par des entreprises : numéro vert ou
adresse mail ; instances spécifiques ; cellules d'écoute. Pour que ces dispositifs soient
efficaces, ils doivent permettre l'anonymat, les réclamations doivent être traitées de manière
effective, le dispositif doit être indépendant par rapport à la ligne hiérarchique
(Recommandations conjointes de la Halde et de l'OIT, 21 février 2008, disponible sur le site
www.halde.fr, voir également www.wk-rh.fr, rubrique Social pratique).
85 Comment mettre en place un dispositif d'alerte interne ?
Un dispositif d'alertes professionnelles est un système mis en place par un organisme privé ou
public afin d'inciter ses employés à signaler des problèmes pouvant sérieusement affecter son
activité ou engager gravement sa responsabilité. Selon la Cnil, cette procédure ne se substitue
pas aux autres canaux d'alerte existants (signalements auprès de la hiérarchie, des
représentants du personnel, du commissaire aux comptes ou d'une autorité publique). Il s'agit
d'un dispositif complémentaire.
Le système d'alerte peut, par exemple, prendre la forme d'un numéro de téléphone (« ligne
éthique ») ou d'une adresse électronique particulière, qui oriente les alertes vers des personnes
spécialement formées. Il revient à l'employeur de décider, en toute connaissance de cause, des
mesures à prendre pour remédier au dysfonctionnement constaté.
Un dispositif d'alertes professionnelles doit être autorisé par la Cnil avant sa mise en oeuvre,
conformément à la décision d'autorisation unique du 8 décembre 2005 (Délibération Cnil n°
2005-305, 8 déc. 2005 ; www.cnil.fr).
Le champ d'alerte doit être défini par l'employeur pour éviter que le dispositif ne se
transforme en système organisé de délation sur les lieux de travail. Parmi les faits pouvant
être dénoncés, figurent ceux mettant en jeu l'intégrité physique ou morale des employés dont
le harcèlement moral ou sexuel, les discriminations. Il revient à l'employeur de définir les
catégories de personnes susceptibles d'émettre une alerte et celles susceptibles d'être visées.
Toutes les personnes employées par l'entreprise peuvent être concernées, quel que soit leur
statut : salarié, prestataire de services, stagiaire.
Le recueil et le traitement de l'alerte doivent être confiés à une organisation spécifique mise
en place au sein de l'entreprise. Il peut également s'agir d'un prestataire extérieur.
C'est l'organisation chargée de la gestion des alertes qui procède au traitement de l'alerte et
vérifie les faits recueillis. Elle dispose de deux mois, à compter de la fin des opérations de
vérification, pour communiquer ses conclusions ainsi que les informations nécessaires aux
personnes compétentes définies par l'employeur. À l'issue de cette période de deux mois soit :
- l'employeur décide d'engager une procédure disciplinaire ou judiciaire. Les données
détenues par l'organisation chargée de la gestion des alertes peuvent alors être conservées
jusqu'au terme de la procédure ;
- l'employeur décide de ne pas donner suite à l'alerte : les données s'y rapportant sont détruites
ou archivées sans délai.
Le choix entre la destruction ou l'archivage des données relatives aux alertes appartient à
l'employeur. Les données peuvent être conservées pendant 30 ans au maximum (Document
Cnil, 1er mars 2006).