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n S i =1 x x x x x x La Revue de l'Ostéopathie x x (p=0,05) 2 x a x x xx Article original x Efficacité d’un traitement ostéopathique sur le syndrome du canal carpien. Étude préliminaire Jessica Seban1* Gérard Bensaïd1 Jean Luc Payrouse1,2 1 Ostéopathe, Nice, France 2 Responsable pédagogique du 2e cycle, Centre d’ostéopathie ATMAN, Sophia-Antipolis, France * Auteur correspondant Courriel : [email protected] Efficiency of an osteopathic treatment on Carpal Tunnel Syndrome A Preliminary study Abstract Objective: The study aims to evaluate the efficiency of an osteopathic treatment on Carpal Tunnel Syndrome (CTS). Methods: 13 females and 7 males with CTS were randomized in two groups. The treatment group received one osteopathic treatment a week for 4 weeks. Treatment included HVT techniques on kinetic dysfunctions of the arm, cervical, thoracic and lumbar spine, as well as myofascial techniques to the arm. Judgement criterion were: VAS, the DASH questionnaire, and muscle strength measured via dynamo-meter. Results: VAS score decrease prior and after treatment for each of the four sessions was superior. Evolutions for the two groups are statistically very highly significant (p<0.001). DASH score (p<0.05) and muscle strength (p<0.001) are highly and very highly significant for females in the treated group, non-significant in males. Conclusion: A bigger comparative study is needed in order to confirm the results of this preliminary study. Résumé Objectif : Le but de cette étude est d’évaluer l’efficacité d’un traitement ostéopathique sur le syndrome du canal carpien (SCC). Méthodes : 13 femmes et 7 hommes souffrant de SCC ont été répartis aléatoirement en deux goupes. Les patients traités (n=10) ont bénéficié de quatre séances d’ostéopathie espacées chacune d’une semaine. Le traitement comportait des techniques en haute vélocité appliquées aux dysfonctions cinétiques du membre supérieur et des colonnes cervicale, dorsale et lombaire, ainsi que des techniques myofasciales appliquées au membre supérieur. Les critères de jugement étaient l’EVA et la force musculaire mesurée par une poire dynamométrique. Keywords: Osteopathic treatment, carpal tunnel syndrome, high velocity thrust, myofascial, dynamometric pear, VAS Mots clés : Ostéopathie, syndrome du canal carpien, manipulation en haute vélocité, technique myofasciale, poire dynamométrique, EVA Résultats : La diminution des EVA recueillies avant et après chacune des quatre séances est plus importante pour le groupe traité que pour le groupe témoin. Statistiquement, les évolutions sont très hautement significatives pour les patients des deux groupes (p<0,001). Pour les patients du groupe traité, les améliorations des scores DASH et de la force musculaire sont respectivement significatives (p<0,05) et très hautement significatives (p<0,001) pour les femmes, et non significatives pour les hommes. Conclusion : Il serait nécessaire de confirmer les résultats de cette étude préliminaire par un essai comparatif avec des effectifs plus importants. Numero 1-1: 2011 www.larevuedelosteopathie.com 19 Efficacité d’un traitement ostéopathique sur le syndrome du canal carpien Introduction palmaire et le palmaire profond. Les nerfs sont mobiles de façon passive longitudinalement et transversalement par rapport aux autres structures environnantes. En zone articulaire, la mobilité est importante et nécessaire afin d’éviter des lésions par traction, étirement, torsion ou plicature que la seule élasticité du nerf ne peut absorber. Szabo et al. [13] ont mesuré un déplacement du nerf médian au poignet de 9 à 14 mm lors des mouvements de flexion-extension. Des résultats similaires ont été mesurés par d’autres auteurs [14, 15]. La plus grande amplitude de mobilité du nerf médian est observée lors de l’extension conjointe des doigts et du poignet [16, 17]. La symptomatologie de la compression du nerf médian au canal carpien s’installe pour des raisons ischémiques et non pas en raison de déformations du canal lui-même. Tanzer [18] puis Gelbermann [19] et de nombreux auteurs [20] ont démontré que la pression intracarpienne augmentait lorsque le poignet se plaçait en extension ou en flexion. Plusieurs facteurs mécaniques et chimiques peuvent irriter le nerf médian dans sa traversée du canal carpien (compressions, tractions, inflammations, …). Outre la compression du nerf au poignet, il existe d’autres formes d’irritation mécanique du nerf qui sont souvent négligées, notamment la compression du nerf au coude par le muscle rond pronateur [21]. Lors de notre pratique ostéopathique auprès de patients souffrant de SCC, nous avons constaté des résultats cliniquement intéressants. A notre connaissance, une seule étude à été réalisée [22], auprès de 60 femmes préménopausées : les patientes du groupe traité ont bénéficié de deux séances de traitement ostéopathique, comprenant des manipulations en haute vélocité et des techniques myofasciales, appliquées au membre supérieur et à la colonne cervicale. Les différences étaient significatives au profit du groupe traité, mais les résultats ne sont pas extrapolables à une autre population que celle de l’étude. Notre objectif était donc d’évaluer un protocole de traitement ostéopathique sur une population d’hommes et de femmes, avec une structure d’âge large. Nous avons réalisé une étude préliminaire, objet du présent article. Le syndrome du canal carpien (SCC) est un syndrome canalaire intéressant le nerf médian dans sa traversée du canal carpien au poignet [1]. C’est une modification du contenant ostéo-fibreux qui réduit le volume du canal carpien et entraîne une augmentation de la pression intracanalaire. Le SCC se manifeste par des troubles sensitifs et moteurs sur le territoire du nerf médian de la main, c’est-à-dire les trois premiers doigts et la partie externe du quatrième. Le nerf médian réagit à cette compression par une altération de ses fonctions sensitives voire motrices si la compression est sévère ou prolongée. Une atteinte sévère du nerf peut provoquer des lésions définitives, ne régressant pas malgré la décompression du nerf. Le plus souvent, le SCC est idiopathique et aucune explication précise ne peut être donnée aux patients dont la moyenne d’âge se situe entre 50 et 60 ans. Les femmes sont majoritairement atteintes et de manière bilatérale. Les travaux de Ha et al. [2] ont estimé la prévalence des SCC à 4,0 % chez les femmes et 2,4 % chez les hommes pour une population de travailleurs salariés. Pour ceux âgés de plus de 50 ans, la prévalence est respectivement de 7,8 % et 3,7 %. Plusieurs études [3-7] ont montré que les facteurs de risques étaient l’utilisation d’outils générant des vibrations, les mouvements répétitifs du membre supérieur, les mouvements de torsion du poignet et les utilisations de la pince pollici-indexielle. Selon l’étude de Dias et al. [8] le travail, répétitif ou non, ne causerait, ni n’aggraverait, ni n’accélérerait l’installation d’un SCC. Rosenbaum et Ochoa [9] ont proposé une classification du SCC selon le degré de sévérité des signes (Tableau I). La compression du nerf médian peut être proximale et due à la présence d’une apophyse sus-épithrochléenne sur laquelle peut s’insérer l’inconstant ligament de Struthers [10]. Spinner a rapporté une aponévrose bicipitale accessoire provoquant une paralysie interosseuse antérieure [11]. Le nerf médian passe entre le chef huméral et le chef ulnaire du rond pronateur. L’arcade fibreuse du rond pronateur, la présence d’un chef tendineux profond sur le même muscle, ou l’arcade du fléchisseur commun superficiel peuvent contribuer à la souffrance du nerf médian. Plus rarement sont mis en cause des muscles inconstants, tels celui de Gantzer [12], le court Tableau I. — Classification de Rosenbaum et Ochoa. Classe Symptômes Examen clinique 0 Asymptomatique Aucun Aucun 1 Symptomatique de manière intermittente Intermittents Tests de provocation souvent positifs, mais déficit neurologique habituellement absent 2 Symptomatique de manière persistante Continus Déficit neurologique parfois présent 3 Sévère Habituellement présents Déficit neurologique avec preuve d'une interruption axonale n 20 S i =1 x x x x x x La Revue de l'Ostéopathie x x2 (p=0,05) x xx x x x a Numero 1-1: 2011 Efficacité d’un traitement ostéopathique sur le syndrome du canal carpien Matériel et méthodes Tests ostéopathiques Nous avons recherché les dysfonctions de mobilité des articulations du membre supérieur, des colonnes cervicale, dorsale, lombaire et du thorax. Les patients des deux groupes ont été testés selon le même protocole. L’étude s’est déroulée de décembre 2009 à avril 2010 à Nice, au cabinet du Dr Fyriel Laborde et à leur domicile pour certains patients. Les participants à l’étude ont été recrutés parmi sa patientèle. Traitement Population de l’étude Des techniques structurelles et un protocole de traitement myofascial ostéopathiques ont été utilisés sur les patients du groupe traité pendant les quatre séances. Pour les patients du groupe témoin, les techniques ont été simulées : position du patient et du praticien identiques aux techniques réelles, mêmes contacts manuels et durée, mais sans mise en tension. Critères de participation Les patients, hommes ou femmes, devaient être âgés au moins de 18 ans, souffrir d’un SCC sur une ou deux mains, présenter une gêne lors des prises fines comme coudre, boutonner ses vêtements ou ramasser des petits objets et être capables de lire et de comprendre le français. Le diagnostic de SCC était posé par le médecin (Dr Fyriel Laborde, rhumatologue). Techniques structurelles Nous avons utilisé des techniques en haute vélocité lors de la première séance et si besoin lors des séances suivantes, pour libérer les structures articulaires et les dysfonctions cinétiques à distance pouvant influencer les tensions à l’intérieur du canal carpien. Critères de non participation Existence de maladies associées : -- maladies métaboliques, arthrite rhumatoïde, problèmes hormonaux de croissance, tuberculose, syringomyélie, sclérose en plaque, radiculopathie cervicale, sclérose latérale, amyotrophie cervicale, maladie de Raynaud, cancer, fracture non consolidée, traumatisme depuis moins de trois semaines ; -- prise actuelle d’anti-inflammatoires stéroïdiens ou non par voie orale, infiltration de moins de 3 mois pour le SCC ; -- indication chirurgicale du SCC ; -- contre-indications aux techniques ostéopathiques ; -- traitement ostéopathique en cours ; -- participation simultanée à une autre recherche biomédicale ; -- incapacité à se conformer aux contraintes de l’étude. Les patients recrutés ne devaient pas prendre d’anti-inflammatoires, ni bénéficier de traitement ostéopathique ou d’infiltration pendant l’étude. Techniques myofasciales Les techniques ostéopathiques de relâchement des adhérences myofasciales ont été employées sur l’ensemble des structures du membre supérieur susceptibles de provoquer une compression ou une traction sur le nerf médian. L’expérimentateur a exploré palpatoirement le trajet du nerf de son origine cervicale jusqu’à sa terminaison, à la recherche d’adhérences myofasciales et de points gâchettes myofasciaux (points trigger). Une attention particulière a été portée à l’avant-bras. Une fois les zones identifiées, le traitement a été prodigué par des tractions manuelles lentes et progressives appliquées aux tissus myofasciaux. L’objectif de ce travail sur les fléchisseurs était de diminuer l’œdème dans le canal carpien pour réduire la compression du nerf médian et améliorer la symptomatologie douloureuse et paresthésique de la main. Répartition Les 20 patients recrutés ont été répartis en deux groupes de manière aléatoire grâce à l’utilisation d’une table de permutation au hasard à neuf éléments : un groupe traité par ostéopathie (n=10) et un groupe contrôle (n=10). Extension transversale Le praticien place ses pouces en regard de la face antérieure du scaphoïde et du trapézoïde en dehors, du pisiforme et du pyramidal en dedans. L’objectif de la technique est d’étirer le rétinaculum des fléchisseurs en écartant les pouces. Méthodes Pour chaque patient, l’étude a duré 30 jours. Les patients ont été vus à quatre reprises avec un intervalle de sept jours entre les séances. Le médecin vérifiait les critères de participation et n’avait pas connaissance du groupe d’appartenance des patients. Les patients étaient ensuite adressés à l’expérimentateur (Jessica Seban, étudiante en 6e année d’ostéopathie) qui a effectué les quatre séances d’ostéopathie, en utilisant les mêmes tests lors de chaque séance, pour tous les patients, quel que soit leur groupe. Extension transversale et hyper-extension Le praticien ajoute à la technique précédente une mobilisation passive en flexion dorsale et ventrale du poignet, afin que le rétinaculum des fléchisseurs et les structures myofasciales soient à leur tour étirés. Le facteur supplémentaire d’extension fait que la partie proximale épaisse musculotendineuse des fléchisseurs glisse à travers le canal carpien et provoque son agrandissement. Cette ouverture entraîne une diminution de la pression à l’intérieur de la gaine du nerf médian. n Numero 1-1: 2011 S i =1 x x x x x x La Revue de l'Ostéopathie x x2 (p=0,05) x xx x x x a 21 Efficacité d’un traitement ostéopathique sur le syndrome du canal carpien Critères de jugement Pouce en hyper-extension et abduction Le praticien mobilise le pouce vers l’hyper-extension et l’abduction pour étirer le rétinaculum des fléchisseurs ainsi que les tissus myofasciaux du muscle abducteur du pouce. L’éminence thénar est utilisée comme un fulcrum pour aider à ouvrir le canal carpien. Nous avons utilisé les critères de jugement suivants : -- L’échelle visuelle analogique (EVA) pour évaluer l’intensité de la douleur de la main avant et après chaque séance ; c’est une échelle d’auto évaluation, qui ne mesure que l’intensité de la douleur. Elle se présente sous la forme d’une petite réglette en plastique munie sur une face d’un curseur mobilisé par le patient, sur l’autre face de graduations millimétrées lues par l’expérimentateur. Le zéro correspond à l’absence de douleur, et 100 mm à la douleur maximale imaginable ; -- Le Disabilities of Arm, Shoulder, and Hand questionnaire (DASH). C’est un questionnaire d’auto-évaluation subjective de la capacité fonctionnelle globale des deux membres supérieurs pendant les sept jours précédents. Sa version française a été validée [23]. Le questionnaire a été rempli avant la première et avant la dernière séance. -- La poire dynamométrique dynatest R® pour mesurer l’intensité de la force musculaire, avant chaque séance : l’expérimentateur demandait au patient de comprimer la poire au maximum. Les patients souffrant d’un SCC bilatéral ont été traités des deux côtés, mais les critères de jugement ont été recueillis du côté où l’atteinte était la plus forte. Manœuvre en rotation du pouce Le praticien ajoute une rotation axiale externe, sur le même axe que le premier métacarpien. Ce mouvement provoque une traction sur l’insertion du muscle opposant du pouce qui, tout comme le muscle abducteur du pouce, est attachée au rétinaculum des fléchisseurs. Tableau II. — Répartition des affections uni et bilatérales selon le sexe pour les deux groupes. Unilatéral Bilatéral Total Traités Femmes Hommes Ensemble 4 2 6 3 1 4 7 3 10 Témoins Femmes Hommes Ensemble 5 2 7 1 2 3 6 4 10 13 7 20 Total Tableau III. — Vérification de la comparabilité des deux groupes avant traitement EVA 1 (mm) Femmes Hommes Ensemble Analyse statistique Traités (n=10) Témoins (n=10) Ensemble (n=20) 81,7 ± 10,8 89,7 ± 3,2 84,1 ± 9,8 80,7 ± 11,8 82,3 ± 7,1 81,3 ± 9,7 81,2 ± 10,8 85,4 ± 6,7 82,7 ± 9,6 NS * NS 47,0 ± 7,6 55,7 ± 4,2 49,6 ± 7,8 48,0 ± 6,7 48,4 ± 10,6 48,0 ± 8,0 47,3 ± 7,0 51,5 ± 8,8 48,8 ± 7,7 NS NS 0,30 ± 0,10 0,40 ± 0,10 0,33 ± 0,11 0,28 ± 0,10 0,43 ± 0,10 0,34 ± 0,12 0,29 ± 0,10 0,41 ± 0,09 0,33 ± 0,11 NS NS Des tests de Chi2 et de Student ont permis de comparer les caractéristiques initiales des deux groupes. Nous avons utilisé des tests de Wilcoxon pour échantillons appariés pour les comparaisons de deux échantillons et des ANOVA non paramétriques de Friedman pour tester la significativité de l’évolution des variables quantitatives avec plus de deux mesures répétées. Pour tous les tests, la signification a été déterminée au seuil a=0,05. p DASH Femmes Hommes Ensemble Force 1 (bars) Femmes Hommes Ensemble Résultats Description de notre population Nous avons recruté 20 patients, 13 femmes et sept hommes, âgés de 40 à 68 ans (moyenne 54,5 ans, écart-type 8,5 ans). * NS = non significatif TEMPS*Groupe*Sexe; Moy. Moindres Carrés Les barres verticales représentent les intervalles de confiance à 0,95 Caractéristiques initiales des deux groupes Nous avons comparé les caractéristiques initiales des deux groupes (tableaux II et III) pour vérifier si la répartition aléatoire avait créé des groupes comparables pour les variables qualitatives (sexe, uni ou bilatéralité) et quantitatives (EVA et force) : les différences entre les groupes ne sont pas significatives (Chi2 et Student, NS). 100 90 80 70 EVA 60 50 40 30 20 Évolution des critères de jugement L’évolution des EVA recueillies avant et après chacune des quatre séances est plus importante pour le groupe traité que pour le groupe témoin. Statistiquement, les évolutions sont très hautement significatives pour les patients des deux groupes (p<0,001) (figure 1). Femme EVA 4 ap EVA 4 av EVA 3 ap EVA 3 av EVA 2 ap EVA 2 av EVA 1 ap EVA 1 av EVA 4 ap EVA 4 av EVA 3 ap EVA 3 av EVA 2 ap EVA 2 av EVA 1 av 0 EVA 1 ap 10 Groupe Traité Groupe Témoin Homme Figure 1. — Évolution des moyennes EVA des hommes et des femmes des deux groupes. n 22 S i =1 x x x x x x La Revue de l'Ostéopathie x x2 (p=0,05) x xx x x x a Numero 1-1: 2011 Efficacité d’un traitement ostéopathique sur le syndrome du canal carpien Pour les patients du groupe traité, les évolutions de la force musculaire et du DASH sont respectivement très hautement significatives (p<0,001) et significatives (p<0,01) pour les femmes, et non significatives pour les hommes. Aucune évolution significative n’a été mise en évidence pour les patients du groupe témoin (figures 2 & 3). tionnaire DASH et la poire dynamométrique sont des outils d’évaluation adaptés pour les mesurer. Les résultats de notre étude préliminaire vont dans le sens de notre hypothèse : un traitement haute vélocité appliqué aux dysfonctions cinétiques du membre supérieur, aux colonnes cervicale, dorsale et lombaire, et au thorax, associé à des techniques myofasciales appliquées au membre supérieur, est efficace pour diminuer les douleurs et augmenter la force musculaire chez des patients soufrant de SCC. Pour les patients du groupe traité les trois critères de jugement (EVA, DASH et force) ont évolué de manière significative statistiquement et cliniquement. Pour les moyennes des scores EVA, l’évolution est comparable entre les hommes et les femmes, avec une amélioration intra et inter séance. Sur la durée de l’étude, les douleurs de l’ensemble des patients traités évoluent de « sévères » à « légères ». Pour les scores DASH et la force, les améliorations sont statistiquement significative pour les femmes du groupe traité et non significative pour les hommes : nous émettons l’hypothèse d’un manque de puissance statistique dû au faible nombre d’hommes dans notre population. Nous avons veillé à ne pas créer de biais lors du recrutement des patients : le médecin qui vérifiait les critères de participation ne connaissait pas le groupe auquel seraient affecté chaque patient, qui était déterminé par un procédé aléatoire. Nous avons vérifié que les caractéristiques initiales des deux groupes étaient comparables : il n’existe pas d’effet groupe au départ et la randomisation a bien joué son rôle de répartition aléatoire. Certains biais n’ont pas été contrôlés : il était impossible d’aveugler l’investigateur pendant les séances, et les patients pouvaient deviner quel était leur groupe d’appartenance. Nous estimons que ces biais ne peuvent expliquer les évolutions constatées et nous estimons que les résultats peuvent être attribués à l’efficacité des quatre séances de notre traitement ostéopathique. Pour les patients du groupe témoin, nos résultats ne montrent pas de modification de la force. En revanche, nous avons observé une amélioration statistiquement significative des moyennes EVA, peut-être dû à un effet placebo de « prise en charge » par l’investigateur ostéopathe qui a testé ces patients de la même manière que ceux du groupe traité, et a utilisé les mêmes contacts manuels et la même durée pour la simulation des techniques. Il faut aussi prendre en compte l’imprécision de la mesure de l’EVA, évaluée à 20 mm par De Loach et al. [25], ce qui relativise l’amélioration constatée. Notre étude présente certaines limites d’interprétation qu’il faut prendre en considération : -- le traitement ostéopathique évalué n’est pas reproductible et, de plus, ne permet pas d’évaluer l’efficacité spécifique de chaque technique : dans cette étude de type pragmatique, l’objectif était d’évaluer l’efficacité de traitements tels qu’ils sont réalisés en pratique courante, en fonction des dysfonction cinétiques de chaque patient ; TEMPS*Groupe*Sexe; Moy. Moindres Carrés Les barres verticales représentent les intervalles de confiance à 0,95 1,0 0,9 0,8 0,7 Bars 0,6 0,5 0,4 0,3 0,2 0,1 0,0 Force 1Force 2 Force 3 Force 4 Femme Groupe Traité Groupe Témoin Force 1 Force 2 Force 3 Force 4 Homme Figure 2. — Évolution de la force des hommes et des femmes des deux groupes. TEMPS*Groupe*Sexe; Moy. Moindres Carrés Les barres verticales représentent les intervalles de confiance à 0,95 100 90 80 70 DASH 60 50 40 30 20 10 0 DASH 1 DASH 2 Femme DASH 1 Groupe Traité Groupe Témoin DASH 2 Homme Figure 3. — Évolution des moyennes des scores DASH des hommes et des femmes des deux groupes. Discussion Les proportions d’hommes et de femmes de notre population est conforme à la prédominance féminine de cette pathologie [2]. Les patients de notre population d’étude présentaient tous un SCC au moins au stade 3 de la classification de Rosenbaum et Ochoa, avec une diminution nette de la force musculaire, et surtout de fortes douleurs : en effet, l’étude de Kelly [24] suggère que les scores EVA inférieurs à 30, entre 31 et 69, et supérieurs à 70 correspondent respectivement à des douleurs légère, modérée et sévère. Le choix de nos critères de jugement était pertinent : la douleur, la gêne fonctionnelle et la diminution de la force musculaire sont les éléments cliniques qui gênent le plus les patients souffrant de SCC ; respectivement, l’EVA, le ques- n Numero 1-1: 2011 S i =1 x x x x x x La Revue de l'Ostéopathie x x2 (p=0,05) x xx x x x a 23 Efficacité d’un traitement ostéopathique sur le syndrome du canal carpien -- nous avons demandé aux patients des deux groupes de ne recevoir aucune autre thérapeutique pendant la durée du protocole. Aucun ne nous a signalé avoir enfreint cette règle, mais nous en avons aucune preuve ; -- les résultats auraient-ils été différents avec des sujets présentant un SCC en stade avancé voire chirurgical ? Il serait utile de réaliser une étude avec des patients au stade pré-chirurgical voire post-chirurgical ; -- la faiblesse des effectifs de notre population d’étude ne nous permet pas de généraliser les résultats. En conclusion, les résultats de cette étude préliminaire justifient d’appliquer ce traitement en pratique courante. Ils justifient également l’élaboration d’un protocole de recherche comportant une population plus importante à laquelle il serait proposé un traitement ostéopathique sur une plus longue période. Nous ne prétendons pas que le traitement ostéopathique seul suffise pour traiter le SCC, mais il serait intéressant de comparer l’efficacité de l’ostéopathie avec les traitements conservateurs actuellement proposés et d’étudier l’intérêt de leur association afin d’évaluer leur complémentarité. Références 1. Haute Autorité de Santé. Chirurgie du canal carpien idiopathique : étude comparative des techniques à ciel ouvert et des techniques endoscopiques. Saint-Denis (France): HAS; 2000. 71 p. 2. Ha C, Roquelaure Y, Fouquet N, Chiron E, Raimbeau G, Leclerc A, et al. 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