actualité, info Les derniers diagnostics du Dr House (5)

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actualité, info Les derniers diagnostics du Dr House (5)
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Les derniers diagnostics du Dr House (5)
le diagnostic de la maladie dont il
souffre. Ceci est contraire à tout
ce que l’on vous enseigne dans les
amphithéâtres puisque le signe
pathognomonique de l’Alzheimer
est l’anosognosie. La chose est bien
connue en France depuis que le
secret médical concernant un chef
d’Etat français a, une fois encore,
été violé. Anosognosie : impossibilité pour un malade de prendre
conscience de l’affection dont il est
atteint, du moins quand l’existence
de cette maladie est une certitude
pour les proches de ce malade. Situation bien connue de nous tous.
On ignore parfois que l’anosognosie a été isolée et dé… Peut-être est-ce le prestige
crite à Paris par un très
jamais dit de la médecine que grand : Joseph Jules François
d’œuvrer en silence …
Félix Babinski (1857-1932).
Mystérieux Babinski qui
grandit à Montparnasse, fit carmou du genou. Les patients ourière à La Pitié avant de mourir
blient souvent que leur médecin
de la maladie qui porte le nom de
peut avoir des vagues à son âme.
James Parkinson (1755-1824). BaIls ne savent pas que, comme les
acteurs, les docteurs se doivent de binski, médecin français, qui eut
André Breton (1896-1966) comme
cacher leurs sombres humeurs. A
externe. Babinski aujourd’hui
cette nuance près qu’on ne parle
pas de vous dans les journaux. Les connu de ses confrères du monde
entier pour avoir décrit le signe
journalistes vous ignorent. Les
spectateurs sont bien là, qui payent qui porte ce nom d’origine polonaise. Babinski dont personne n’a
leur place. Mais personne, jamais
personne, généralement n’applau- encore songé à brosser véritablement le portrait. Qui le fera ?
dit. Ni dans la salle d’attente, ni
ailleurs. Peut-être est-ce le prestige Retour aux Amériques, à la saison
et au neuvième épisode : Better Half,
jamais dit de la médecine que
injustement traduit par Oubli de soi.
d’œuvrer en silence. Quand ce
Ainsi donc, jeune encore, Andres
n’est pas sous les huées.
Comment vous remonter le moral Tavares déclare de son propre
chef qu’il souffre d’un Alzheimer.
quand un Alzheimer vous est annoncé ? Mieux : quand c’est le ma- Personne ne semble plus prêter
attention à cette tendance générale
lade en personne (couvé par sa
qui admet sans sourciller que l’on
moitié comme le sont tous les
fasse l’économie du terme maladie.
Alzheimer) qui annonce lui-même
D.R.
Alcoolisme, Alzheimer et asexualité. Que peut faire la médecine ?
Les diagnostics sont là et les traitements n’existent pas. Ou si peu.
«Au suivant !». Et bien non. Ici
nous sommes dans un service
hospitalier de rêve. Ici on écoute
les malades et leurs proches. Ils
ont tant et tant de choses à nous
dire. Ici les lits tachés de sang
sont de profonds divans. Ici on ne
parle pas d’argent. Bienvenue au
Princeton-Plainsboro Teaching
Hospital.
Aujourd’hui (saison 8, épisode 9),
le claudicant en chef est comme
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De nos jours, on ne souffre plus
de l’affection en elle-même mais
du nom de celui qui – généralement
le premier – l’a découverte. Comment interpréter cette économie
régressive des mots ? La fatalité
regagnerait-elle ici du terrain ?
Plus pratique : pourquoi hospitaliser dans un centre d’excellence
un patient souffrant de la maladie
d’Alzheimer ? Il y a pour eux des
établissements spécialisés. On
invoque ici le fait que ce malade
devient violent. Argument de peu
de poids : les établissements susnommés sont précisément spécialisés pour prendre en charge cette
douloureuse complication. La vérité, comme souvent, est ailleurs.
Le nouveau contremaître hospitalier en chef, Eric Foreman, entend
enrôler ce nouveau malade dans
une expérience : tester les vertus
d’un nouveau médicament antimaladie d’Alzheimer ; c’est là une
situation réelle et fréquente puisque les quatre spécialités actuellement utilisées sont inefficaces et
potentiellement toxiques. Ce qui
n’est pas dit dans la série.
Mais une fois encore la similiperversité du Dr House (nourrie de
propos gentiment racistes) servira
la double cause de la vérité vraie
et de la médecine triomphante.
Ne spoilons pas plus pour ne pas
spolier les ayants droit de cette
série. Ce serait d’ailleurs assez
complexe : il faudrait raconter une
sarabande médicale faite de Brésil,
de football et de discussions sans
fin à visée diagnostique. Dévoiler
aussi un secret de fleuriste, une
astuce de balayeur (et de ménagères), qui permet de donner plus
longtemps une apparence de vie
aux fleurs coupées. Il est vrai que
l’acide acétylsalicylique n’est rien
d’autre qu’un extrait d’écorce de
saule (Salix) dont se servaient notamment (pour calmer leurs fièvres
avant les cow-boys) les sages
Peaux-Rouges.
On y apprend aussi que la compagne du patient souffrant de la
maladie d’Alzheimer est aux frontières de l’épuisement mental.
Ceci pourrait expliquer qu’elle ne
soit plus charnellement fidèle à
celui qui ne partage plus avec elle
ni ses jours ni ses nuits. Du banal
dira-t-on. Non. Car on voit House
enquêter en parallèle sur l’étrange
cas d’un couple présentant une
atonie à la fois sexuelle et radicale.
Présentant et non souffrant de cette
double libido totalement à plat.
Asexualité revendiquée et ne de-
mandant pas à être traitée. C’est
comme par hasard l’ambigu Wilson qui s’y colle. Que faire devant
un couple composé d’un homme et
d’une femme en âge de procréer et
s’aimant profondément mais sans
s’accoupler ? Rien selon Wilson.
Tout selon House. A commencer
par chercher la pathologie sousjacente. Et, surprise, elle existe. Ici
c’est à la fois organique et cérébral.
Où l’on en viendrait presque à proposer que des dosages sanguins
de prolactine masculine soient
effectués avant que l’autorisation
soit donnée aux hommes (et aux
femmes) de pouvoir s’allonger
sur un divan.
La psychanalyse freudienne n’a
pas sa place au Princeton-Plainsboro, établissement non-profit.
Pour autant, un nom est mis sur
la maladie et la guérison est annoncée. Où l’on découvre qu’une
femme peut aimer son compagnon
avec une telle intensité qu’elle en
vient à revendiquer elle aussi un
droit à l’asexualité. Ce qui peut
apparaître assez réconfortant mais
mériterait sans doute quelques
explications complémentaires.
Retour à l’Alzheimer et brillante
démonstration de l’actualité d’une
vieille formule pour carabins francophones. Elle laisse clairement
entendre que le commerce du tabac
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ne protège pas contre le mal syphilitique. Termes fleuris qui pourraient choquer les âmes sensibles
et les buralistes. House-Holmes a
débusqué le syndrome de Reye,
cette passion cachée des internistes.
Nous connaissons ce tableau assez
rare et souvent mortel. Il est ainsi
nommé en mémoire de R. Douglas
Reye (1912-1978). Ce médecin australien ne fut certes pas le premier
à comprendre que l’aspirine n’avait
pas que des vertus. Mais il fut le
premier à y attacher son patronyme. Le malade brésilien reparle à
sa femme. Elle songe au miracle.
C’en est un, mais il n’est pas total.
L’Alzheimer demeure. La preuve :
il ne reconnaît pas sa femme volage.
La suite n’est pas dite.
A ce stade, on regrette de devoir,
sur la première chaîne de télévision
française, consommer par paquets
de deux les épisodes de la saison
terminale. Saison 8, épisode 10.
Runaways (La fugueuse) traite de
l’asthme et de l’alcoolisme, d’un
père qui n’est pas le bon ainsi que
d’une mère et de sa fille vivant à
front renversé. On connaît, au moins
depuis Proust sinon Flaubert, les
vertus de l’asthme. House doit
aussi compter avec une otorragie
droite. Est-ce la raison pour laquelle
il se protège les deux tympans lors
de la séance de tir aux pigeons
(d’argile) ? Suit une course de tortues, puis l’inexplicable refus du
contremaître de passer une partie
de son temps libre avec une
sculpture noire ; une beauté par
ailleurs mariée à un homme (dont
elle dit qu’il est) consentant pour
que sa moitié se sépare, de temps
à autre, de lui. Pas d’explication,
place aux supputations.
Tout cela pour finir sur un improbable diagnostic d’ascaridiose et
un petit documentaire (in vivo et
gentiment répugnant) sur Ascaris
lumbricoides. On pourra y voir la
démonstration qu’aux Etats-Unis
les ennemis parasites intestinaux
viennent encore assez souvent du
Sud malfamé. Entre-temps un
événement : House ne se drogue
plus. Il fume avec Wilson un cigare
allumé avec un billet de cent dollars
gagné lors d’un pari sur l’asexualité. Métaphore ? Son confrère et
néanmoins chef noir a signé pour
qu’il ne retourne pas en prison en
cas de nouvel écart. House est enfin sur le chemin de sa guérison.
C’est dire si sa fin approche.
A suivre.
Jean-Yves Nau
[email protected]
Ce texte reprend pour partie celui d’une
chronique parue sur le site Slate.fr
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