Dossier de presse

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Dossier de presse
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Etude ethnologique des malades
du cancer en milieu hospitalier
Opus I – le temps
le passé et le futur au présent,
les malades du cancer et leur monde
24 septembre 2009
Gilles Barbier
Directeur de la communication Merck Serono
37, rue Saint Romain - 69008 Lyon
Tél. : 04 72 78 27 77
Email : [email protected]
Jeanne Bordeau et Blanche Frankel
Press’Publica / Institut de la qualité de l’expresion
23 avenue d’Iéna - 75116 Paris
Tel : 01 56 89 56 64
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Merck Serono vous remercie de bien vouloir tenir compte, dans l’utilisation que vous pourriez faire des
informations contenues dans ce dossier et dans ces communiqués, de la réglementation en vigueur
interdisant toute publicité en faveur des médicaments obligatoirement soumis à prescription. Il décline
toute responsabilité des conséquences pouvant résulter du non-respect de cette réglementation.
Etude ethnologique des malades du cancer en milieu hospitalier / Opus I – 09/2009
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SOMMAIRE
1. EDITORIAL ........................................................................................................................ 3
2. SUR LE TERRAIN : METHODOLOGIE D’ENQUETE....................................................... 5
2.1. Présentation générale de l’étude........................................................................5
2.2. Les conditions de réalisation ..............................................................................6
2.3. La collaboration des patients..............................................................................6
3. QU’APPREND-ON ?.......................................................................................................... 8
3.1. Une nouvelle temporalité....................................................................................8
4. LES ETONNEMENTS DE L’ETUDE................................................................................ 10
4.1. La « soumission ».............................................................................................11
4.2. Une vie qui se resserre.....................................................................................11
4.3. « La mort », le « cancer » : des mots tabous ? ................................................12
4.4. Une histoire à (re)construire .............................................................................12
4.5. Au quotidien : être chez soi, malade ................................................................13
4.6. L’alimentation ...................................................................................................14
4.7. Les fêtes et les rituels.......................................................................................14
5. PRIS SUR LE VIF : VERBATIM DE MALADES.............................................................. 15
6. LE REGARD DES CANCEROLOGUES.......................................................................... 18
6.1. Professeur Roland Bugat .................................................................................18
6.2. Professeur David Machover .............................................................................21
6.3. Docteur Laurent Mineur....................................................................................23
7. L’ETUDE ET SES ACTEURS .......................................................................................... 26
7.1. Les acteurs de l’étude ......................................................................................26
7.2. Les prochains opus ..........................................................................................27
7.3. A propos de Merck Serono...............................................................................28
8. ANNEXE - L’ALPHABET DES MOTS DU CANCER ..................................................... 29
8.1. Un alphabet qui prend date ..............................................................................29
8.2. Un alphabet pour humaniser le dialogue..........................................................29
8.3. Un alphabet pour apprivoiser les mots .............................................................30
8.4. Un alphabet pour exprimer le sens et le vecu ..................................................30
8.5. Un alphabet largement diffusé..........................................................................30
Etude ethnologique des malades du cancer en milieu hospitalier / Opus I – 09/2009
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1. Editorial
L’étude ethnologique que nous publions aujourd’hui s’inscrit dans le prolongement de la
volonté de Merck Serono de contribuer à une meilleure compréhension du ressenti du
malade atteint du cancer. Déjà en 2007 et 2008, nous avions publié deux tomes d’un
Alphabet des mots du cancer, un ouvrage pédagogique où sont mis en partage les mots
du malade et les mots du médecin. Notre objectif était de faciliter les échanges et de
mettre en commun un vocabulaire permettant à chacun de mieux se comprendre, à
identifier les points sensibles auxquels sont attachés le malade comme le médecin.
Avec cette étude ethnologique, nous poursuivons notre action et cherchons une nouvelle
fois à tendre des passerelles entre l’univers du malade et l’univers des soignants.
Pourquoi ? Parce que la qualité de leur communication et de leur compréhension mutuelle
est indissociable de la qualité des soins.
Associant le département Oncologie de Merck Serono, l’hôpital Paul-Brousse, l’Institut de
la qualité de l’expression et l’agence de communication Press’Publica ainsi que des
chercheurs du CNRS et de l’EHESS, cette étude est le fruit d’un travail collectif, avec en
son cœur la perception des patients de leur propre maladie.
Son approche n’est ni technique ni médicale, mais bien humaine. Prenant place dans le
monde des patients, au cœur de leur univers mental, de leurs craintes, de leurs aspirations
et de leurs attentes, cette étude tend à la fois à contribuer au progrès thérapeutique et à
participer au bien-être des acteurs impliqués au sein du microcosme dont le malade est le
centre ; c’est-à-dire redéfinir l’équilibre vital et nécessaire du patient entre le monde
intérieur et extérieur de la maladie.
C’est avec la volonté de renouer un dialogue, dans un souci de compréhension, d’écoute
et d’humanisation des rapports entre les différents acteurs de la maladie, que s’inscrit cette
étude ethnologique. Elle ose plonger le lecteur dans le quotidien du malade atteint du
cancer, lui fait partager ses sentiments, ses pensées, sa propre vision du monde ; elle
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cherche à analyser la rupture profonde que la maladie provoque et fait percevoir ce
décalage entre le bien portant et le malade.
C’est bien là le but de l’étude : partager les perceptions, offrir aux non-malades, soignants
comme entourage, des clefs sensibles de compréhension d’une maladie qui devient
chronique, qui désormais se soigne mais qui induit des bouleversements majeurs dans la
vie de chaque personne qui en est atteinte.
Docteur Monique Morali
Directrice du Département Oncologie de Merck Serono
Remerciements Cette étude est le fruit d’un travail collectif pour lequel Merck Serono tenait à remercier chaleureusement les différents acteurs. Avant tout les malades interrogés : ils sont les principaux auteurs de cette étude, et sans leur confiance envers les ethnologues, rien n’aurait été possible ; l’hôpital Paul‐ Brousse aussi, et toutes les équipes du service Cancérologie dirigé par le professeur Machover qui ont ouvert leurs portes aux ethnologues ; les ethnologues bien sûr, qui ont œuvré plusieurs mois et qui se sont investis pleinement dans la réalisation de cette étude ; enfin l’Institut de la qualité de l’expression, l’agence Press’Publica et leur directrice Jeanne Bordeau, qui ont conseillé, suivi et coordonné l’ensemble des travaux. Etude ethnologique des malades du cancer en milieu hospitalier / Opus I – 09/2009
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2. Sur le terrain : méthodologie
d’enquête
Cet opus est le premier volume d’une enquête ethnologique réalisée à l’initiative de Merck
Serono sur les malades atteints d’un cancer en milieu hospitalier. Intitulé « le passé et le
futur au présent, les malades du cancer et leur monde », il sera suivi en 2010 par le
deuxième opus – « le malade et son entourage » –, puis le troisième – « le vécu et les
représentations de la maladie ».
2.1. Présentation générale de l’étude
Ce premier opus, à l’image des deux suivants, se divise en différents articles thématiques,
eux-mêmes regroupés en trois grandes parties : temps volé, temps gagné ; vivre dans un
temps nouveau ; les temps de la maladie. L’appréhension du temps par les malades, on
l’aura compris, constitue le fil directeur de ce volume.
Différentes approches éclairent les 23 thèmes traités :
ƒ
les commentaires ethnographiques à proprement parler, à partir de l’évocation
récurrente des malades ;
ƒ
des articles d’approfondissement qui apportent un éclairage particulier ou un
élargissement de la question traitée ;
ƒ
enfin, et de manière ponctuelle, des encadrés pour fournir une précision sur un terme
technique.
L’opus se conclut par une contribution de l’anthropologue Maurice Godelier et une mise en
perspective à travers le regard extérieur de trois cancérologues : les professeurs Bugat et
Machover, ainsi que le docteur Mineur.
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2.2. Les conditions de réalisation
Deux ethnologues ont été plongés en « immersion », respectivement deux mois et demi et
quatre mois au sein du département cancérologie de l’hôpital Paul-Brousse (Villejuif, 94)
dirigé par le professeur David Machover. L’ensemble de l’étude a été dirigée, suivie et
coordonnée par Jean-Luc Lory, chercheur au CNRS et secrétaire général de la Maison
des sciences de l’Homme.
Au total, ce ne sont pas moins de 114 entretiens qui ont été réalisés, avec 62 patientes et
52 patients ; soit plus de 140 heures de matériaux ethnographiques.
2.3. La collaboration des patients
La disponibilité, la coopération amicale, l’envie des malades de se confier, sont l’une des
clefs du succès et de la richesse de cette étude ; leur confiance en l’hôpital, en ses
équipes médicales, mais aussi en les ethnologues, a permis des échanges d’une rare
qualité. C’est ainsi que le voile a pu être levé sur des perceptions trop souvent ignorées ou
minorées, et pourtant essentielles pour comprendre le malade et augmenter ses chances
de guérison.
Pourquoi une telle implication des malades ? Peut-être parce qu’ils avaient à cœur de
parler d’eux, de briser l’isolement qu’ils ressentent pour partager leur vision de la maladie
et de leur propre vie avec d’autres malades, mais aussi leurs proches, le personnel
soignant et accompagnant, et de manière plus large le grand public.
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Interview de Dominic Cellier, médecin, thérapeute en nutrition,
directeur des Affaires scientifiques de Merck Serono
Dans quelle mesure cette étude s’inscrit‐elle dans le cadre du Plan cancer II ? Dans ses Recommandations pour le Plan cancer II, le rapport de Jean‐Pierre Grünfeld souligne la nécessité de placer le patient au centre du système de soin. A la lumière des indicateurs du plan 2004‐2007, des propositions pour le nouveau plan 2009‐2013 précisent qu'il faut davantage prendre en compte les éléments épidémiologiques et sociaux, notamment au sein des cancéropôles. Les actions menées par Merck Serono s’inscrivent dans le prolongement de ces objectifs ; outre notre accompagnement des cancéropôles, nous adoptons, via cette étude ethnologique, mais aussi à travers des actions précédentes comme L’Alphabet des mots du cancer*, une démarche fondée sur les sciences sociales. Nous sommes convaincus que cette approche contribue à une meilleure prise en charge du patient, non seulement en tant que malade, mais aussi en tant qu’individu. Dans la pratique quotidienne du médecin et du personnel soignant, quelle est l’utilité de cette étude ? Avec cette étude, nous avons voulu proposer un outil à l’usage du corps médical qui permette de bâtir un pont entre les aspects techniques, qui restent propres aux médecins et aux personnels soignants, et la perception humaine exprimée légitimement par le patient. Nous avons souhaité faire se rencontrer ces deux univers conversationnels qui se découvrent traditionnellement lors de la consultation d’annonce, mais qui peinent ensuite à se comprendre lors des étapes ultérieures de la maladie. Cela est particulièrement important maintenant que le cancer est devenu une maladie chronique et de long terme ; cette évolution suppose pour le malade comme pour le médecin d’apprendre à partager leur perception et leur vocabulaire. * Cf. présentation de l’Alphabet en annexe. Etude ethnologique des malades du cancer en milieu hospitalier / Opus I – 09/2009
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3.
Qu’apprend-on ?
3.1. Une nouvelle temporalité
Du temps aux temps : les temps du cancer
L’un des apports essentiels de ce premier opus réside dans la distinction des différents
temps auxquels le malade est confronté, avec en regard leurs articulations possibles ou
impossibles.
Temps d’avant la maladie, temps de la maladie et temps de l’après-maladie ; temps des
soins et temps du repos ; temps réel et temps ressenti ; temps du malade, temps du
médecin et temps de l’entourage ; temps du déni, temps du renoncement, temps du
combat…
Entre continuité souhaitée et rupture imposée, le cancer imprime son propre temps, ses
propres exigences que le malade doit progressivement apprivoiser et faire siennes.
Une vie au présent ? Un passé bouleversé, un avenir incertain
Le cancer fait entrer le malade dans une nouvelle vie, dans un temps autre, celui du
présent : le passé, celui de la vie d’avant, s’efface parce que le présent impose des codes
nouveaux ; le futur s’obscurcit face aux difficultés de prévoir le temps de guérison, face
aux doutes vitaux que la maladie fait peser sur toute notion de projet.
Demain devient un autre monde, hypothétique, alors qu’une forme de présent perpétuel
s’impose. C’est ce que traduit le titre de ce premier opus : « le passé et le futur au présent,
les malades du cancer et leur monde ».
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Entre maladie et tentative de normalité : une réconciliation
impossible ?
Un des constats qui s’impose au fil des entretiens est la notion d’immédiateté. Avec les
bouleversements induits par la maladie, la rupture est soudaine et la vie d’avant
rapidement mise entre parenthèses : le malade y renonce pour se consacrer pleinement à
soigner sa maladie ; ou sinon l’adapte en tentant de faire comme s’il n’était pas malade,
comme s’il pouvait cantonner la maladie au secteur hospitalier pour l’oublier quand il
rentrait « à la maison ».
Mais, chez soi aussi, le cancer marque de son empreinte chaque moment du quotidien : la
fatigue, les risques d’infection, les troubles de l’alimentation, les cheveux perdus qui
rappellent le statut de malade…
La perception du corps médical par le malade
La relation entretenue par le malade avec le milieu hospitalier est forte, complexe
également. Avec la maladie, le lien avec l’hôpital devient un nouveau cordon ombilical, tant
lors des consultations que des hospitalisations. De manière unanime, la reconnaissance
du patient envers le médecin et le personnel soignant est soulignée ; chaque malade
témoigne de la qualité des soins qui lui sont prodigués et de l’implication du corps
hospitalier l’entourant.
L’étude relève toutefois quelques points sensibles, essentiellement dans la relation
humaine qui se noue avec le médecin, jamais dans la qualité technique des soins. Ca et
là, des malades se plaignent de n’être qu’un numéro ou regrettent le manque de
disponibilité. Par exemple en cas d’hospitalisation, des patients n’hésitent à douter d’un
médecin qui promet de repasser plus tard dans la journée. Ces remarques, toujours
empruntes de compréhension, ne traduisent qu’une seule chose : celle que le traitement
technique, aussi efficace soit-il, doit s’accompagner d’une prise en charge humaine. Et
c’est souvent le personnel soignant davantage que le médecin qui l’exprime, faute de
temps.
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Une patience sans limite… sauf en de rares cas
Dans le temps de la nouvelle vie, les rendez‐vous médicaux sont capitaux : les consultations avec le médecin, les examens et leurs résultats, scandent le temps, fixent les organisations et les plannings de chaque malade. C’est autour d’eux qu’il s’organise et fonde son nouveau temps ; comme il associe ses soins, avec logique, à ses chances de guérison, comme il sait qu’il dépend étroitement d’eux pour espérer la rémission, il accepte beaucoup : les modifications de programme, les événements imprévus dictés par la maladie, l’obligation de rester quelques jours de plus à l’hôpital… Les seuls éléments qui peuvent venir troubler les patients, et même pour certains leur faire perdre toute retenue, sont les bouleversements imposés, non par la maladie et ses évolutions, mais par l’organisation même de l’hôpital : lit indisponible, consultation décalée, oubli de tel ou tel soin ; en ce cas, le patient ressent l’absence de prise en compte de son individualité : il redevient un malade, qualifié par sa seule pathologie qui nie son identité première. Pire encore peut‐être, ces modifications si anodines en apparence, sont vécues comme la perte d’un temps si précieux : soit pour se soigner, soit pour échapper à la maladie et retrouver, quelque temps, une vie normale. Etude ethnologique des malades du cancer en milieu hospitalier / Opus I – 09/2009
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4.
Les étonnements de l’étude
4.1. La « soumission »
Certains malades parlent d’abandon, de la mise à disposition de leur propre personne au
corps médical et à la maison qui l’abrite : l’hôpital. Le médecin devient l’autorité supérieure,
le père de famille à qui l’on obéit, dont on écoute et applique les décisions sans
contestation. Des malades évoquent même une infantilisation face à la prise en charge
complète dont ils sont l’objet.
Le champ sémantique de la maladie traduit aussi la notion d’enfermement : les malades
sont prisonniers, ils demandent des autorisations ou des dérogations aux médecins, ils
obtiennent des bons de sortie, ils sont « enfermés » dans leur chambre… Cette prison est
aussi bien physique que mentale.
4.2. Une vie qui se resserre
La vie du malade se resserre et se concentre autour des soins, elle ne conserve que ce
qui est utile à la guérison : « la lutte contre la maladie est un travail à plein temps », confie
un malade. Un microcosme se crée alors, qui ne retient plus que l’entourage proche et le
nouvel univers médical. Les relations de la vie d’avant sont mises en sommeil, les départs
en vacances repoussés ; la maladie impose son rythme et dresse un paravent face à ce
qui lui est extérieur.
Toutefois, ce resserrement peut aussi être l’occasion d’un recentrement, d’un retour sur soi
et vers soi. Certains malades vont alors jusqu’à parler, non sans ironie, d’un « côté
bénéfique » de la maladie. « J’avais une vie de con », affirme même l’un d’eux. La maladie
est aussi l’occasion d’une remise en cause.
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4.3. « La mort », le « cancer » : des mots tabous ?
Etonnamment, le nom même de la maladie – le cancer – et l’issue sur laquelle elle peut
déboucher – la mort – ne sont pas nommés, ou si peu.
Parce qu’elle est omniprésente, la mort est la grande absente des entretiens. Elle n’est, en
effet, que très rarement abordée dans les échanges, car la peur qui lui est associée
s’étend aussi à son évocation. Elle constitue, en cela, un sujet tabou que seul le malade
s’autorise à évoquer au détour d’une conversation.
4.4. Une histoire à (re)construire
Il n’existe pas de centralisation du dossier médical d’un patient, aussi étonnant que cela
puisse paraître. Pour peu que le malade ait été traité dans un premier temps dans tel
hôpital et qu’il soit ensuite suivi par un autre, la mémoire de sa maladie ne dispose pas
d’un espace propre que chaque soignant, quel que soit son lieu ou sa fonction, pourrait
consulter.
Cela explique en partie pourquoi les malades, ou leur entourage proche comme l’épouse
ou l’époux, jouent un rôle d’archiviste. Pour certains, traités depuis plusieurs années, ce
sont des armoires entières, chez eux, qui renferment l’histoire de la maladie à travers des
radios, des comptes-rendus d’examens, des prescriptions…
L’autre explication réside peut-être dans le fait que l’histoire de la maladie est aussi celle
de celui qui en est atteint. Dès lors, est-il étonnant que l’on souhaite conserver toutes les
traces de sa propre histoire, de ces années consacrées au combat contre la maladie qui
deviennent, aussi et malgré tout, un morceau de sa propre vie ?
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Quelques mots clés de l’étude
programme – étapes –– maîtrise de son temps – évolution – souvenirs – mémoire – événement – résultats – urgence – surveiller – quotidien – régulièrement – rythme – attendre – rendez‐vous – avenir – futur – échéance – rendez‐vous – calendrier – disponibilité – étapes – agenda – mémoire – habitude – avertir – anticipation – annulation – imprévisible – report – incertitude – calendrier – impatience – fréquence – hasard – organisation – attendre – planning – compte à rebours – fatalité – mort – souvenirs – échéances – histoire – vie – rémission – espoir – survivre – mois – infantilisation – séjour – ennui – mémoire – immédiateté – archives – rémission – dossier – destin – temps. 4.5. Au quotidien : être chez soi, malade
Revenir chez soi est vécu comme un moment de repos pour le malade, un retour à la vie
normale, celle d’avant, où il va pouvoir reprendre ses habitudes et profiter de son
quotidien. Il retrouve son lit, sa salle de bains, sa cuisine, son rythme habituel…
Pour autant, la maladie ne reste pas aux portes de la maison. Là encore, elle impose ses
exigences, surtout lorsque le malade est en aplasie et que son état oblige une désinfection
totale de l’ensemble des pièces sous peine de ne pouvoir y pénétrer. En ce cas, les
proches aussi subissent les conséquences de la maladie.
Parfois encore, le retour chez soi est impossible : soit parce que l’hôpital est trop éloigné,
soit pour les personnes seules pour qui le manque d’autonomie ou l’inquiétude provoqués
par la maladie nécessitent d’habiter chez un proche, voire à l’hôtel… La rupture avec la vie
d’avant est alors totale.
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4.6. L’alimentation
L’alimentation occupe une place singulière et symbolique pour les malades. A l’hôpital, ce
n’est pas tant la nature des aliments qui leur manque, mais plutôt la façon de les préparer.
Certains rêvent de steak saignant ou de pâtes al dente. On connaît l’importance culturelle
et symbolique que revêt l’alimentation, mais on observe que dans le contexte de la
maladie, elle prend une autre dimension : celle de réappropriation ou de maintien du temps
normal. Des proches apportent ainsi à l’hôpital de la nourriture préparée à la maison,
permettant de la sorte au malade de se relier à son foyer.
Pourtant, on se rend compte qu’à certaines périodes, celles de l’aplasie le plus souvent,
les habitudes se trouvent perturbées : les contraintes de la maladie peuvent s’étendre à
l’alimentation avec des produits interdits (œufs durs, crudités, infusions, viandes crues…)
et d’autres autorisés (dont l’eau du robinet). « J’ai peur de l’intoxication alimentaire quand
je suis en aplasie. L’alimentation, les odeurs… Tout ce qui est chaud, je peux pas… »
4.7. Les fêtes et les rituels
La maladie remet en perspective et déplace les valeurs et les centres d’intérêt ; elle
souligne le caractère essentiel d’événements hier considérés comme simplement
importants : les fêtes civiles ou religieuses, les anniversaires, les réunions de
famille… Autant de moments qui rattachent le patient à sa vie d’avant, au temps d’avant ;
ils lui font oublier son statut de malade pour redevenir ce qu’il était : un père, une sœur, un
croyant, un individu investi dans une activité sociale, associative ou professionnelle…
Le malade est alors capable de négocier avec le corps médical – cela est suffisamment
rare pour être souligné – pour ne pas rater l’événement : il cherche à décaler un rendezvous ou un examen, s’organise pour éviter que des effets secondaires comme la fatigue
ou l’aplasie le rendent incapable de participer à la fête dans des conditions supportables.
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5.
Pris sur le vif : verbatim de malades
« …Il faut vivre avec, accepter la maladie. Dès qu’on l’a acceptée, on peut vivre. Il faut se
soigner. Quand on l’apprend, on voit la terre s’ouvrir, on se voit déjà dedans … »
« L’annonce, c’est la désorganisation du quotidien : le travail, les projets, les lieux de vie…
Puis, il faut réorganiser en tenant compte de ces nouveaux éléments… »
« Je ne veux pas aller danser… Dès qu’on voit quelqu’un avec un chapeau ou un foulard,
on sait. Mes cheveux tombent en une semaine, pourquoi ? On ne me l’a pas dit. Y’a un
manque de dialogue, d’informations. Il aurait pu me dire, ça peut tomber. Là, rien du tout.
On aurait pu me le dire, je me serais préparée. Je l’aurais mieux accepté. Je vais encore
affronter une chose difficile, ça faisait longtemps… »
« …Quand c’est deux, trois jours en plus, c’est bon… Faut accepter. Mais là… vivement
que je rentre. Je suis en prison, j’ai une permission !!! [rire]. Je ne veux pas être
prisonnière de la maladie, faire comme si la vie était normale… »
« …Je suis partie à Marrakech avec mon mari, j'ai eu l'impression de voler un peu de
temps… »
« …On est crocheté à l'hôpital, on est comme avec un cordon ombilical. Dès qu'on veut se
lancer dans quelque chose, on est bloqué, on ne sait pas si ça va mal tourner… »
« C’est au jour le jour, car je sais que je risque une aplasie. Je fais ce que je veux juste
après la chimio et après, je sais que… »
« …Mes affaires sont toujours prêtes dans mon sac sous le lit. Il y a mes chaussures, des
protège-slips, une canette de Coca – avec les nausées des fois ça marche bien – et mon
chargeur de téléphone. Une fois j’avais pas le chargeur, j’étais coincée, il est toujours dans
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le sac. Les serviettes de toilette, je les prends dans l’armoire et la trousse de toilette est
toujours prête… ».
« …Il y a des choses que je ne peux pas prévoir en tant que malade. Je ne pose pas de
questions, je lui fais confiance (au docteur), je sais que ce qu’il prévoit pour moi est bien.
Je veux être soigné ou savoir si je vais mourir. Je veux me préparer pour ma famille… »
« …La maladie c’est une remise en question de mon mode de vie, mon mode de penser.
Maintenant, je me fous du passé, c’est l’avenir qui compte… »
« …J'avais vu la possibilité de prendre des cours, je voulais m'inscrire, c'était en juin. J'y
suis pas arrivée, la chimio, les analyses deviennent nos préoccupations principales, ça
devient notre métier. Là, en ce moment, j'attends qu'ils me passent aux comprimés et qu'ils
arrêtent le goutte-à-goutte. Plus que le temps, c'est reprendre possession de ma vie… »
« Notre vie est entre les mains du médecin. Il prend la charge de la vie entre ses mains, on
n'a plus qu'à suivre le chemin qu'il trace parce que c'est son métier. On doit se placer sur
un rail, où c'est le cancérologue qui dicte. Vous avez le souvenir de l'horrible douleur du
cancer, on peut pas dire : vous me coupez pas le sein. On n'a pas envie que la douleur se
propage. Le docteur dit c'est comme ça, et nous on prend ça comme ça, et on peut
difficilement dire non à l'amputation. C'est un abandon… »
« ...Si on va bien, on arrive à négocier d’arrêter la chimio pendant huit jours. Les médecins
peuvent accepter parce qu’ici, à Noël, ils vous font pas de chimio au foie gras. […] Pour
Noël, je vais essayer de négocier, j’ai promis à mes enfants de faire un canard à
l’orange… »
« …Il y a le temps d'avant, on fait les choses naturellement. Le temps de la maladie m'a
stressée, j'ai eu l'impression de plus avoir de temps. Exemple, je suis fatiguée, j'aurai pas
le temps de faire des cadeaux de Noël. J'ai l'impression de ne plus avoir le temps de faire
les choses. Il y a certains trucs que je ne fais plus, quand on est malade, on nous interdit
beaucoup. Me projeter, devoir organiser un voyage dans trois mois, je le ferai à la dernière
minute. C'est un “truc” qui est venu s'abriter dans la vie de tous les jours, ça a pris des
morceaux de la vie de tous les points d’avant. En un mois, j'avais le temps de faire les
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choses, maintenant, sur un mois, les deux semaines à l'hôpital et le temps de s'en
remettre… »
« …Samedi, c’est la fête de famille, c’est prévu depuis deux, trois mois. J’aimerais bien
avoir une permission pour y aller. Même si je ne peux pas manger de tout, le principal c’est
d’y être. Je suis coincée. C’est tout le temps. Je vis au jour le jour. Tout est
imprévisible... »
« …Je veux rester le plus longtemps possible, rester dans l'univers où je suis, avant de
rentrer dans l'autre. Si je ne peux plus travailler, je bascule dans l’autre univers… »
« …Je sais quand le chariot va s’arrêter devant ma porte. Je sais quand c’est le chariot du
ménage, des soins ou de la bouffe. Et comme on fait pas grand-chose, les bruits sont
devenus très importants… »
« …Faudrait un journal de bord pour noter ses ressentiments. Avant, j’avais un petit
magnéto, tous les jours j’enregistrais quelque chose. Je ne sais pas pourquoi je ne le fais
plus. Vous pouvez enregistrer une pensée tout de suite… »
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6.
Le regard des cancérologues
Trois cancérologues, professeur ou docteur en médecine, ont été sollicités pour que soit
mis en regard leur perception de terrain avec celle des malades appréhendée à travers
cette étude ethnologique sur le temps. Sont extraits ci-après quelques-uns de leurs propos
plus largement développés dans l’étude.
6.1. Professeur Roland Bugat
Biographie
Médecin cancérologue, Roland Bugat est professeur de médecine à l’université Paul
Sabatier (Toulouse III) et directeur du laboratoire universitaire labellisé Equipe d’accueil,
pharmacologie clinique et expérimentale des médicaments anticancéreux. Il est également
président du pôle de compétitivité « Cancer-Bio-Santé ».
Ancien interne des hôpitaux et docteur en médecine (Toulouse, Médaille d’or), titulaire d’un
master en biologie (université Paris XI) et d’un post-doctoral fellowship de l’université de
Californie à Los Angeles (UCLA), le professeur Roland Bugat a reçu de nombreuses
distinctions : chevalier dans l’ordre de la Légion d’honneur, chevalier de l’ordre national du
Mérite, chevalier des Palmes académiques, membre sociétaire de l’Académie du
Languedoc.
Le professeur Roland Bugat occupe également, entre autres fonctions, celles d’expert à
l’EMA (Agence européenne des produits de santé), de président du Conseil scientifique et
d’Orientation du centre anticancéreux Antoine Lacassagne à Nice, ou encore de membre
du Comité national de suivi des soins palliatifs et du comité éditorial du Journal of clinical
Oncoloy. Il fut aussi directeur du département Enseignement Formation Education à l'INCa
(Institut national du Cancer).
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Point de vue
Le cancer : pourquoi ?
La connaissance des mécanismes intimes du fonctionnement organisé du corps
progresse, la biologie moléculaire contribue à l’identification du langage des cellules, les
nano-sciences annoncent l’exploration du vivant à l’échelle des atomes. Pour autant, le
développement d’un cancer reste un mystère. Ce mystère contribue au maintien d’un
questionnement, d’une inquiétude récurrente. Qu’est-ce que le cancer ? Les cellules
cancéreuses sont habiles à trouver dans leur environnement les moyens d’assurer leur
immortalité délétère.
Un sujet qui diffère de l’objet
Chaque jour, l’appellation « cancéreux » désigne celui qui est atteint d’un cancer, mêlant
malencontreusement le sujet et l’objet. C’est ce à quoi souhaite remédier le plan cancer II :
éviter une « double peine » ; permettre une prise de distance critique et constructive
susceptible d’apporter des changements dans les manières d’être, de faire et d’organiser
qui complètent et renforcent les avancées dans les sciences cognitives et biomédicales.
Tout cela pour le bénéfice du malade dans le plein respect de son individualité.
L’importance de l’humain dans la relation soignant-soigné
La dimension humaine est éminemment complexe. Elle n’est pas assez présente dans la
relation soignant-soigné. Or, cette relation s’appuie aujourd'hui principalement sur la
technique (les examens, les traitements…). Et la technologie ne peut fournir de réponse
satisfaisante à des questions d’ordre existentiel.
C’est pourquoi le rapport dual entre les malades et les « blouses blanches » gagnerait à
être triangulé, via un tiers médiateur, pouvant être un ethnologue, un philosophe… ayant
une fonction générique de tuteur en champ libre et non d’expert-sachant. Ce qui est
précisément le sujet de cette étude.
On ne peut pas tout demander au personnel médical
La santé est le bien auquel chacun d’entre nous est le plus attaché. Répondre à l’attente
des personnes malades est un droit universel. Mais les biens de santé ne se résument pas
aux seuls biens de soins, contrairement à ce qui est véhiculé dans notre société
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contemporaine. Le soin est relatif à l’acte médical alors que la santé englobe toutes les
facettes du bien-être de la personne.
Le premier face-à-face avec la maladie
Comment s’opère la prise de conscience par le patient de la maladie ? Cela part d’une
intuition, qui doit être accompagnée avec doigté et mesure par des divulgations
progressives. Le médecin doit se mettre au diapason du patient, ce n’est pas lui qui
impose le rythme. Il est important de laisser respirer le malade pour qu’il en vienne à
s’approprier la nouvelle en douceur.
Le suivi médical après rémission : le contrat de confiance
La tâche du médecin dans le suivi n’est pas simple. On ne peut pas exiger de lui une
définition prospective de la guérison. Seul le temps qui passe peut donner une réponse
rétrospective. Il faut faire appel au « docteur temps ». Nous sommes tous confrontés à la
question du temps qui passe et du temps qu’il nous reste.
Le désir de vie
« Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir », affirme le dicton populaire. Je dirais le
contraire : tant qu’il y a de l’espoir, il y a la vie. La vraie guérison passe par la
recapitalisation du désir de vie.
Un appel aux décideurs
« L’institution [hospitalière] n’est plus seulement un lieu qui soigne bien, mais un lieu qui
prend soin » (Recommandations pour le plan cancer II, rapport de JP Grünfeld). Cela me
paraît primordial et cette étude le rappelle bien. A une heure où le cancer se soigne, il va
falloir former du personnel soignant à être attentif, à être à l’écoute, former du personnel
qui possède la capacité de créer une relation durable. N’est-ce pas là un paradoxe dans
une ère d’immédiateté ? On pourrait dire au terme de la lecture que cette étude ouvre
sainement la réflexion et on aurait envie d’ajouter : « Dessine-moi un soignant de
demain. ».
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6.2. Professeur David Machover
Biographie
David Machover, 62 ans, dirige depuis 1993 le département de Cancérologie, pôle Foie et
Cancer de l’hôpital Paul-Brousse de Villejuif (France, 94), après avoir, entre autres, été
praticien hospitalier de cancérologie clinique au sein du service d’Oncologie médicale de
l’hôpital Tenon à Paris. Il est également, depuis 2002, professeur d’oncologie médicale au
sein de l’Université Paris XI et membre de l’unité Inserm 602 « Micro-environnement et
physiopathologie de la différenciation » depuis 2007. En 2006, il a été nommé président de
l’Institut du Cancer et d’Immunogénétique de l’hôpital Paul-Brousse.
David Machover est l’auteur de plus d’une centaine de publications parues dans des
ouvrages et des journaux scientifiques. Il a notamment reçu le prix Savoie de la Ligue
nationale française contre le Cancer (1985) et la médaille d’or « Maestri di Oncologica »
décernée par le Gruppo Oncologico Italia Meridionale (Italie, juin 2006). David Machover
est également membre de l’American Society of Clinical Oncology, de l’American
Association for Cancer Research et de la Société française de greffe de moelle.
Professeur des universités, chercheur, praticien hospitalier, David Machover poursuit, au
sein du département Cancérologie de l’hôpital Paul-Brousse, une activité importante de
consultation en lien étroit avec les malades.
Point de vue
Avez-vous déjà lu une étude de ce type dans le cadre de votre pratique ?
Jusqu’à présent non. Je pense qu’elle est utile pour un grand nombre d’acteurs et de
gestionnaires de la santé publique.
Quels sont pour vous les points les plus marquants de cette étude ?
Je retiens en particulier la notion de rythme de vie, d’ajustement de la vie du patient en
relation à la maladie et à la vie à l’hôpital. Cette étude souligne la nécessité d’avoir un
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hôpital qui soit, non seulement un lieu hautement technique et scientifique, mais aussi une
autre maison pour le malade. L’hôpital doit être un lieu d’accueil où le patient peut
s’occuper de ces deux préoccupations devenues primordiales dans sa vie, qui sont l’ordre
imposé par la maladie et les traitements nécessaires. Les notions d’ordonnancement et de
logique chronologique soulignées par cette étude sont fondamentales.
Avez-vous été surpris par certaines perceptions des patients interrogés ?
Rien ne m’a surpris dans ce qui est rapporté. Cette étude confirme ce que j’ai déjà pu
observer. Mais toutes ces observations, que l’on ne peut appréhender qu’après de longues
années passées au chevet des malades atteints de cancers, sont utiles à rappeler. Cette
étude dégage un autre point de réflexion : la nécessité que le patient comprenne son
traitement pour l’accepter. C’est essentiel d’expliquer. Or, la médecine devient de plus en
plus complexe. Sa compréhension fait appel à des notions scientifiques (de chimie, de
pharmacologie, etc.) et nécessite beaucoup plus de savoir qu’auparavant.
Certains des points soulevés dans cette étude recoupent-ils des observations
que vous avez pu faire dans le cadre de votre pratique ?
Oui. Les analyses recoupent celles que j’ai pu faire personnellement au cours de ma
pratique. Globalement, il est très important de mettre l’hôpital au centre de la vie du patient
dans son traitement. L’étude le montre bien.
Qu’avez-vous appris ?
Cette étude met en évidence le rôle de l’hôpital dans l’ordonnancement : c’est
probablement ce que j’ai appris. Il faut de l’ordre. Il s’agit d’une notion que nous devons
nous efforcer de respecter, à tout prix. C’est une constante pour tous les services de
Cancérologie, mais je pense que c’est une nécessité particulièrement forte ici où les
patients sont très exigeants.
L’hôpital répond-il à ces exigences ?
Les contraintes organisationnelles rendent cela difficile. Nous faisons tous les jours face à
des contraintes qui ne favorisent pas ce que j’ai souligné précédemment, c'est-à-dire faire
en sorte que l’hôpital soit au centre de la vie du patient dans son traitement.
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L’hôpital ne doit pas être un lieu de passage, mais une sorte de deuxième foyer dans
lequel le patient se sente bien. Il faut certes un meilleur décor et suffisamment de
personnel, mais il faut surtout créer une ambiance qui permette de l’accueillir comme si le
malade était chez lui, ou presque. Et ce n’est pas seulement lié à un manque de moyens,
mais à la qualité de la direction du service.
Le fonctionnement actuel de l’hôpital peut-il favoriser des bonnes pratiques
pour créer l’ordre dont les patients ont besoin ?
C’est l’équipe, au sein d’une hiérarchie, qui doit créer l’ordre. Le pouvoir médical est
indispensable pour que cet ordonnancement puisse exister. Un médecin sans pouvoir ne
peut rien faire in fine. Or, le pouvoir médical, qui est uniquement de nature scientifique,
n’existe pratiquement plus. Il a été affaibli pour des raisons administratives à la suite de la
création des nouveaux systèmes de gouvernance hospitalière. Le médecin doit rester
médecin, porteur de la science médicale, de plus en plus complexe et enthousiasmante.
Pour finir, je souhaite souligner que le rôle du médecin et de son expertise est essentiel
pour donner confiance au malade. Cette étude le redémontre, c’est une de ses forces. Il
faut donner au corps médical la possibilité d’agir de façon plus claire, plus ouverte, et lui
donner le temps de créer.
6.3. Docteur Laurent Mineur
Biographie
Ancien interne des hôpitaux de Besançon et chef de clinique, Laurent Mineur, 42 ans, a
effectué un clinicat en oncologie-radiothérapie et s’est spécialisé en 1999 dans les cancers
digestifs. Depuis 2001, ce cancérologue travaille au sein de l’Institut Sainte-Catherine, à
Avignon. Le docteur Mineur est en contact direct avec les malades, via une activité de
consultation importante, et participe activement à la recherche clinique en France. Il est en
charge du développement et de l’optimisation de la recherche dans son Institut.
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Point de vue
Avez-vous déjà lu une étude de ce type dans le cadre de votre pratique ?
A ma connaissance, il s’agit de la première étude sur le cancer menée par des
ethnologues. Les études existantes abordent une dimension clinique et sociale, sans tenir
compte du point de vue ethnologique. Il s’agit d’un travail original, utile.
Quels sont pour vous les points les plus marquants de cette étude ?
En tant que médecin, dans notre pratique quotidienne, certains aspects relatifs au mode
de vie du patient, à ses habitudes, à sa vie sociale et familiale sont parfois relégués au
second plan, faute de temps. Cette étude permet de redonner une dimension importante
aux événements temporels qui jalonnent la vie du malade. Les réunions de famille, de
Noël, les fêtes religieuses doivent être prises en compte dans le nouveau parcours de vie
du patient. Nous l’avons pourtant appris lors de notre formation, mais nous avons
tendance à l’oublier et cette étude nous le rappelle bien. La cancérologie doit être
réhumanisée. Cela est essentiel pour instaurer une relation de confiance entre le médecin
et le malade afin que le traitement soit bien accepté.
Quels sont pour vous les éléments d’étonnement ? Avez-vous été surpris par
certaines perceptions des patients interrogés ?
Je ne suis pas surpris de ce qui est rapporté par les patients. Il s’agit de mon quotidien. Ce
qui est plus surprenant est l’analyse faite pas les ethnologues et la mise en perspective
d’éléments simples, liés à l’importance des habitudes de vie du patient. En outre, nous,
médecins, sommes familiarisés avec le regard et le vocable de nos confrères praticiens,
des psychologues ou des sociologues. Mais l’analyse faite par les ethnologues est
différente. Elle est aussi déroutante car nous n’avons pas l’habitude de travailler avec ce
vocabulaire.
Certains des points soulevés dans cette étude recoupent-ils des observations que
vous avez pu faire dans le cadre de votre pratique ?
Globalement, tous les points soulevés recoupent ce que j’ai pu vivre auprès des patients.
Cette étude présente l’avantage de verbaliser cette expérience et de la transmettre à
d’autres membres de la communauté médicale ou des personnes travaillant dans des
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secteurs connexes. Elle permet également de souligner la singularité de la relation
médecin-malade.
L’étude montre bien que la maladie n’est pas forcément vécue comme un parcours un peu
kafkaïen, constitué de rendez-vous, d’examens obscurs, parcours qui serait uniquement
subi par un patient égaré et manipulé : on voit bien, au contraire, dans ces entretiens, que
la maladie transforme le patient et sa famille en véritables collaborateurs du médecin : à la
fois gestionnaires vigilants des rendez-vous, archivistes consciencieux, observateurs
éclairés – car familiers – et réactifs de la maladie. Voilà un aspect fondamental.
Cette étude vous aidera-t-elle dans votre pratique ? Quels sont les éléments
nouveaux dont vous pourriez éventuellement tenir compte dans votre relation aux
patients ?
Comme je l’ai déjà souligné, le médecin oublie souvent de se poser la question : comment
la maladie s’insère-t-elle dans le nouveau parcours de vie du patient, avec les événements
importants qui le jalonnent, comme les vacances, les fêtes, les anniversaires ? Nous fixons
un agenda de traitement sans tenir suffisamment compte de la manière dont il peut
s’articuler avec la vie du patient et cadrer avec ses priorités. La médecine n’est pas
constituée uniquement de technicité, nous le savons, mais c’est bien de nous le rappeler.
Nous, médecins, avons besoin d’aide pour associer ces éléments à la réflexion et
permettre au malade de se reconstruire un parcours de vie.
Je pense que cette étude peut nous aider à optimiser la qualité du temps d’échange avec
le malade, par exemple en nous indiquant des mots clés à éviter ou au contraire à
privilégier. Il y a en effet certains mots que les malades ne veulent pas entendre.
Comment aller plus loin ?
La démarche de cette étude est intéressante. Cette approche ethnologique pure mériterait
d’être croisée avec une approche médicale, sociologique et psychologique. L’idéal serait
de réunir un groupe de travail qui confronterait tous ces regards. Un tel travail pourrait
aboutir à l’élaboration de la liste de mots clés que j’ai évoquée précédemment. Je pense
que ce pourrait être un atout lors des consultations, car les mots que nous utilisons
constituent un outil central pour faire accepter la maladie et les traitements aux patients.
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7.
L’étude et ses acteurs
7.1. Les acteurs de l’étude
L’équipe d’ethnologues
Jean-Luc Lory : chercheur au CNRS, directeur de FMSH-DEVAR (Diffusion,
expérimentation, valorisation et recherche) et de la Maison Suger (centre international de
recherche et d’accueil pour chercheurs étrangers de haut niveau au sein de la Fondation
Maison des sciences de l’Homme), Jean-Luc Lory a dirigé la réalisation de l’étude. Il en est
en outre l’auteur de nombreux articles.
Anne Both : avec Mathieu Lory, Anne Both est l’un des deux ethnologues à avoir été
plongé en « immersion » au sein de l’hôpital Paul-Brousse. Elle est l’auteur de nombreux
articles de l’étude avec Mathieu et Jean-Luc Lory. Anne Both est chercheur associé à
l’Idemec (UMR CNRS 6591).
Mathieu Lory : avec Anne Both, Mathieu Lory est l’un des deux ethnologues a avoir été
plongé en « immersion » au sein de l’hôpital Paul-Brousse. Il est l’auteur de certains
articles de l’étude avec Anne Both et Jean-Luc Lory. Mathieu Lory est étudiant en Master 2
recherche à Paris V.
Maurice Godelier : directeur d’Etudes à l’EHESS, ancien directeur scientifique du CNRS,
prix international Humboldt pour les Sciences sociales en 1989 et médaille d’or du CNRS
en 2001, Maurice Godelier est l’un des anthropologues les plus reconnus. Il a rédigé la
conclusion de l’étude ethnologique.
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L’hôpital Paul-Brousse
David Machover : le professeur Machover dirige le département Cancérologie de l’hôpital
Paul-Brousse. En ouvrant les portes de son service aux ethnologues, il a rendu possible la
réalisation de cette étude.
L’équipe de Merck Serono
Monique Morali : directrice de la Business Unit Oncologie de Merck Serono, Monique
Morali est la commanditaire de l’étude. Elle en a assuré le suivi et défini les grandes
orientations.
Dominic Cellier : médecin, directeur des Affaires Scientifiques de Merck Serono et
thérapeute en nutrition, Dominic Cellier a suivi et conseillé toute la réalisation de l’étude.
Press’Publica
Jeanne Bordeau : fondatrice et directrice de Press’Publica, agence de communication
sensible et créative, et de l’Institut de la Qualité et de l’Expression, bureau de style en
langage, Jeanne Bordeau est à l’initiative de l’étude ethnologique. Elle en a suivi
l’ensemble de la réalisation.
7.2. Les prochains opus
Après ce premier opus sur « le Temps – Le passé et le futur au présent, les malades du
cancer et leur monde », deux autres seront publiés en 2010 : « Le malade et son
entourage » et « Le vécu et les représentations de la maladie ».
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7.3. A propos de Merck Serono
Merck Serono est la division spécialisée dans les médicaments de prescription innovants
de Merck KGaA, compagnie pharmaceutique et chimique basée à Darmstadt (Allemagne)
et opérant à l’échelle mondiale. Merck Serono, dont le siège est à Genève (Suisse),
découvre, développe, produit et commercialise des médicaments innovants visant à aider
des patients dont les besoins médicaux sont insatisfaits. Merck Serono dispose d’une
expertise à la fois pour les médicaments obtenus par synthèse chimique et pour ceux issus
de la biotechnologie. Aux États-Unis et au Canada, EMD Serono opère par le biais de
filiales juridiquement indépendantes.
Merck Serono met à la disposition des patients des médicaments phares dans les
domaines de l'oncologie (Erbitux®, cetuximab), de la sclérose en plaques (Rebif®,
interféron bêta-1a), de l’infertilité (Gonal-f®, follitropine alpha), des troubles endocriniens et
métaboliques (Saizen® et Serostim®, somatropine), (Kuvan®, dichlorhydrate de
saproptérine), ainsi que les maladies cardiométaboliques (Glucophage®, metformine),
(Concor®, bisoprolol), (Euthyrox®, lévothyroxine). Ces médicaments ne sont pas tous
disponibles sur tous les marchés.
Avec un budget annuel d’environ un milliard d'euros consacré à la Recherche &
Développement, Merck Serono a pour objectif de poursuivre la croissance de ses activités
dans des domaines thérapeutiques spécialisés, dont les maladies neurodégénératives,
l'oncologie, la fertilité et l’endocrinologie, ainsi que dans de nouveaux domaines
thérapeutiques tels que les maladies auto-immunes et inflammatoires.
Merck Serono en oncologie privilégie les traitements innovants qui contribuent à un
meilleur confort de vie du patient. Ses efforts de recherche portent sur le développement
de thérapies ciblées dérivant des biotechnologies. Ces biothérapies sont remarquables par
leur efficacité et leur précision, n’intervenant que sur les cellules atteintes par la maladie.
Développées pour certains types de cancer et de patients, elles intègrent la classe
restreinte des produits qui proposent une réponse sur-mesure, adaptée, qui renforcent
l’efficacité de la prise en charge et améliorent le pronostic.
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8. Annexe
L’alphabet des mots du cancer
8.1. Un alphabet qui prend date
2007 : Merck Serono présente le tome 1 de L’Alphabet des mots du cancer, un recueil
composé de définitions lexicologiques et sociologiques des mots techniques et/ou courants
les plus utilisés lorsqu’on parle du cancer. Diffusé à des milliers d’exemplaires, il reçoit un
accueil très positif.
2008 : Merck Serono présente le tome 2 de l’Alphabet des mots du cancer en avantpremière lors d’un congrès d’oncologie à Monaco, puis le lance officiellement en février
2009 à Paris lors d’un point presse en présence du Comité scientifique de Merck Serono
Oncologie. A l’heure du storytelling, Merck Serono innove en publiant dans ce tome 2, en
parallèle des définitions lexicologigues, le récit d’un conteur.
2009 : Merck Serono réalise actuellement le tome 3 de l’Alphabet des mots du cancer. Les
définitions de mots seront accompagnées de dessins d’enfants suivis par l’association
« Un hôpital pour les enfants » au CHU de Poitiers, ainsi que de textes rédigés par des
malades de la Maison des patients du Centre René Huguenin de Saint–Cloud.
Le 11 décembre prochain, le 3ème tome sera présenté lors d’un déjeuner de presse à Paris.
Les dessins d’enfants seront exposés dans leur intégralité lors d’un congrès d’oncologie de
Merck Serono à Paris.
8.2. Un alphabet pour humaniser le dialogue
On l’a constaté, les succès thérapeutiques obtenus dans le traitement du cancer sont
intimement liés à la motivation du patient et à la qualité de sa relation au médecin. Merck
Serono, très impliqué dans le développement de thérapies innovantes, ne saurait les
dissocier de la dimension humaine de la maladie. Or, pour se comprendre, il faut parler le
même langage.
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Le Comité scientifique de Merck Serono, composé du docteur Monique Morali et du
docteur Dominic Cellier, a ainsi conçu un livret pédagogique original pour mieux informer
et accompagner le malade.
8.3. Un alphabet pour apprivoiser les mots
La maladie se traduit par des mots savants, inquiétants car souvent peu clairs pour le
patient et pour ses proches. L’Alphabet des mots du cancer présente chaque année sous
forme de dictionnaire 14 nouveaux mots. Des mots durs, secs, scientifiques, teintés de
souffrance, et des mots doux, humains, porteurs de chaleur et d’espoir. Les termes
explicités permettent de mieux appréhender les modes de traitement et d’établir un lien
entre le vocabulaire médical et la perception du malade.
8.4. Un alphabet pour exprimer le sens et le vécu
Deux approches se croisent, rendant la lecture à la fois pédagogique et attachante. La
définition des mots est confiée pour chaque tome à un spécialiste du langage, Jean
Pruvost, chercheur au CNRS et professeur de linguistique à l’Université de CergyPontoise. Le vécu et le ressenti du patient s’expriment dans le tome 1 par le regard de
Marie-Claude Sicart, sociologue, et dans le tome 2 par Yannick Jaulin, poète et conteur
reconnu, qui a su retranscrire une émotion juste à travers des cartes postales d’un père
malade à sa fille.
8.5. Un alphabet largement diffusé
L’Alphabet des mots du cancer est distribué gracieusement dans toute la France auprès
des publics concernés. Il est remis aux médecins et chercheurs ainsi qu’aux personnalités
et responsables politiques impliqués dans la lutte contre le cancer. Il est diffusé auprès des
patients à travers les associations d’accompagnement des malades et de leur entourage
(Etincelles, Vivre Avec…).
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