Le deuxième visage

Transcription

Le deuxième visage
L’entraînement n’est pas de tout repos : les participants oublient vite qu’il ne s’agit que d’un exercice hautement sécurisé.
Ils sont dans leur élément, sentent le danger et s’entraînent ainsi à sauver des vies en cas d’urgence
Le deuxième visage
Dans le feu de l’action, ne rien voir peut compromettre
l’intervention des secours. Une CAMÉRA THERMIQUE permet
de voir également dans le noir et la fumée. C’est encore
plus convaincant dans la pratique, comme ici, à l’entraînement
à Sydney, en Australie.
18
I
l ne fait pas simplement sombre : derrière la porte d’acier, c’est l’obscurité
totale. La fumée transforme l’air en une
masse collante, presque tangible. « Làdedans, on comprend ce que c’est, le noir
total ! », s’exclame un homme en combinaison de protection à travers son masque
respiratoire. Les pompiers travaillent rarement à la lueur des flammes. En général,
ils sauvent des personnes se trouvant dans
REVUE DRÄGER 8 | 1 / 2014
ENTRAÎNEMENT
sonnes. En plus de M. Athanas, secouriste
professionnel et formateur venu des ÉtatsUnis, ils sont aidés par des caméras t hermiques Dräger.
Des contours fiables
PHOTOS : MICHAEL AMENDOLIA
Motivé : Bob Athanas
rampe à plat ventre dans
le caisson brûlant
avec chaque groupe
Une bonne visibilité malgré la fumée,
grâce à la caméra thermique
des pièces totalement obscures, remplies
de fumée noire, que même un projecteur
rendrait au mieux « grise opaque ». C’est
exactement ce type de « soupe fumeuse »
que Bob Athanas a préparée en mettant
le feu à du bois e t de l’herbe, dans une
maison à feu aux abords de Sydney. Deux
pompiers le suivent dans le conteneur en
feu. Leur mission : fouiller les pièces, repérer les foyers d’incendie, sauver les per -
REVUE DRÄGER 8 | 1 / 2014
Deux chaises, un tricycle, une silhouette :
l’UCF 9000 de Dräger f ilme les murs et
objets dans la pièce et représente les différences de température à l’écran par
des contours nets. L’écran, lui, est bien
visible dans l’obscurité du conteneur. « À
première vue, une caméra infrar ouges
est un appareil simple aux applications
limitées », dit Bob A thanas, qui est pompier depuis 30 ans. Mais cette techniquelà est beaucoup plus performante. L’appareil ne remplace pas seulement les yeux,
aveuglés par la fumée. Il permet de voir ce
qui est difficilement accessible à l’oeil de
mesurer les températures, de transcrire
les mouvements thermiques et de repérer
les foyers incandescents. « Après la formation, les participants en arrivent presque
toujours à la conclusion : « J’ignorais que
j’avais besoin de cette formation, jusqu’à
ce que j’y participe », dit M. Athanas.
Ces commentaires l’encouragent. Et
le fait de savoir ce dont sont capables les
caméras : bien interprétées, leurs informations permettent non seulement de
sauver des vies, mais sécur isent également l’intervention des pompiers. En
1996, il a fondé SAFE-IR, Inc., une école
mobile, qui forme les pompiers en Amérique, Europe, Asie et, pour la 1èr e fois
durant la formation Dräger, en Australie.
« Dans toutes les situations, que ce soit
un incendie, la récupération de matériaux dangereux ou d’autres urgences,
POMPIERS
la caméra nous permet d’être plus efficaces », af firme-t-il, convaincu. Mais,
pour cela, les secouristes doivent maîtriser toutes ses possibilités et savoir interpréter rapidement les données fournies.
Depuis des heur es, M. Athanas a
non seulement déclenché et activé des
incendies, mais il rampe avec chaque
groupe à travers le conteneur brûlant.
Brett Storey et Cameron Wade sont
agenouillés derrière lui sur le bét on et
avancent doucement, selon la méthode
habituelle. La fumée mont ant, la visibilité est par fois un peu meilleur e
près du sol. La probabilité est forte d’y
trouver aussi d’éventuelles victimes. Les
deux hommes, pompiers volontaires
de Sydney, respirent lentement à travers leur masque. Ils tâtonnent, écoutent et s’avancent avec pr écautions.
Puis, ils sortent leur nouvelle « arme ».
L’écran indique une température de
80 °C, et encore plus dans un coin. Le
mouvement thermique à gauche dans
la pièce semble indiquer une montée
d’escalier, faisant remonter la chaleur
comme à travers une cheminée. Devant
eux, une armoire est tombée à terre, à
droite se trouve un canapé, à gauche un
piano. La caméra thermique traduit les
images infrarouges en contours fiables.
Elle devient un 6 e sens, un 2 e visage.
« Cela ouvre littéralement les yeux », dit
Cameron Wade, une fois de nouveau à
l’air libre.
Voir les mouvements
dans la chaleur
« Vendre simplement la tec hnique,
cela ne nous suffit pas. Les utilisateurs >
19
POMPIERS
EN T R AÎN EME N T
« Si quelqu’un a le moindre doute quant à
l’utilité de ces appareils, envoyez-le moi ! »
> doivent la maîtriser, l’essayer et voir son
utilité », dit Christian Ferris de Dräger.
M. Ferris a mis au point les séminaires en Australie e t les a encadr és
avec M. Athanas à Perth, Melbourne
et Sydney. « C’est fascinant de voir
comment les secouristes profitent de
l’appareil dans le feu de l’action », dit-il.
Le premier jour de formation, les pompiers australiens ont retrouvé les bancs
de l’école. Le groupe est hétéroclite.
Chacun apporte des connaissances différentes : Chad et Tony de Canberra ont,
tout comme deux collègues de Sydne y,
déjà utilisé des caméras thermiques.
Certains pompiers venus de régions
rurales les essayent pour la pr emière
fois. « Qui veut les maîtr iser, doit comprendre théorie et pratique », affirme
Bob Athanas. « Nous parlons des principes de base et des limites de la tec hnologie de l’image ; nous étudions les
Des yeux pour voir dans le noir
Avec leur 1,4 kg, les caméras thermiques Dräger UCF 7000 et 9000 tiennent bien
dans la main, les boutons et touches se commandant avec le pouce. Des modes
supplémentaires tels qu’incendie, recherche de victimes et scan thermique peuvent être
activés. Une touche marche/arrêt permet de revenir au mode standard. La caméra
« voit » dans la plage infrarouges entre 7 et 14 μm de longueur d’ondes et transmet
les informations sur un écran à cristaux liquides de 9 cm. Le matériel optique est
constitué de germanium, un semi-conducteur transparent pour les infrarouges et résistant
à la chaleur en même temps. La plage de mesure va de -40 à +1 000 °C. Les appareils
supportent des températures de -40 °C à +85 °C (au cœur de la caméra) et même
de +150 °C pendant 20 min. ou de +260 °C pendant 10 min. L’UCF 7000 présente
une résolution de 160 x 120 pixels (zoom x2), le modèle 9000 de 384 x 288 pixels
(zoom jusqu’à x4). Les accus au lithium-ion ont une autonomie de 4h.
Un phénomène fréquent typique des caméras thermiques était la « recalibration »,
court gel de l’image, par ex. lors du changement de mode, créant des angles morts
au risque de cacher dangers ou personnes. Dräger a pu largement réduire ce temps de
recalibration. À l’aide d’un pointeur laser, un pompier peut indiquer des foyers ou dangers
à ses collègues. Grâce à sa plage dynamique étendue, la caméra fournit une image claire
malgré la chaleur et permet de bien voir les objets plus froids même à proximité des
flammes. Tandis que l’UCF 7000 affiche un angle de vue de 47° (à l’horizontale), l’UCF
9000 présente 57° à l’horizontale, 41° à la verticale ou même 74° à la diagonale et,
outre l’image thermique, permet de voir l’enregistrement image et vidéo en image réelle,
visualisation à l’écran. Elle dispose en plus d’un scan thermique pour la caméra à
image réelle qui permet d’adapter les seuils de température de l’image réelle à l’environnement, ce qui est très utile pour détecter rapidement les points chauds (« hotspots »).
20
fonctions des différents modèles ». Les
hommes se penchent sur les couc hes
thermiques et les contrastes, étudient
le mouvement de la chaleur et le comparent à la représentation à l’écran. Ils
analysent la transposition des couleurs
et les variations des mesures.
Certains pompiers professionnels ont
apporté leurs propres appareils. M. Athanas approuve. Pour lui, il ne s ’agit pas
de défendre une marque, mais de transmettre des connaissances et un savoirfaire. Son expérience est immense et il
n’hésite pas à dir e ce qu’il pense. Les
pompiers apprécient. « Je n’ai pas l’impression qu’on essaye de me vendr e un
truc », dit un des par ticipants. Le lendemain, sur le terrain, l’entraînement
tourne autour des tactiques, des techniques de recherche et de la manipulation de matériaux dangereux. Les pros de
la caméra doivent bien sûr maîtriser également les manœuvres de secours, les instructions de sécurité et la recherche sans
caméra. « Mais dès qu’ils se servent bien
de la caméra, le r ésultat est vraiment
plus efficace », dit M. Athanas et plaisante : « En quelque sorte, c’est un outil
qui permet de tricher. »
Le travail est plus sûr …
La suite se dér oule dans un bâtiment
obscurci et couvert de tuiles. L’affinage tactique et technique est moins
fatiguant si l’on peut c ommuniquer
sans masque respiratoire. Et pour avoir
le déclic, nul besoin de fumée. Les
hommes travaillent par équipes : l’un
d’entre eux tient la caméra et dirige les
autres à travers la pièce. « Avant, nous
REVUE DRÄGER 8 | 1 / 2014
PHOTOS : MICHAEL AMENDOLIA
Le conteneur sur le terrain d’entraînement dans le quartier Wahroonga à Sydney est brûlant et fume. Damian Eggleston
de Dräger (en haut, à dr.) passe en revue les instructions de sécurité avec les pompiers, avant qu’ils ne s’enfoncent dans la
fumée. Savoir interpréter les informations de la caméra peut sauver des vies et améliore la sécurité d’intervention
avancions en parallèle dans le noir e t
on criait aux autres ce que l’on découvrait en tâtonnant. » Avec la caméra, le
travail est plus sûr, plus rapide et plus
précis. Et M. A thanas n’est pas avare
de petites astuces de pro. Dans le long
couloir obscur, il demande à Brett
Storey de tourner la caméra à la ver ticale : immédiatement, l’angle de vue à
l’écran s’agrandit.
« Jusqu’à présent, la caméra restait
souvent dans le véhicule », explique un
autre. On ne s’en servait qu’après, pour
rechercher d’éventuels foyers d’incendie oubliés. Ce pompier expérimenté a
changé d’avis : « La caméra sera att achée à la combinaison dès le début. »
La technologie infrarouges permet aussi de trouver les victimes e t de mieux
REVUE DRÄGER 8 | 1 / 2014
évaluer la situation en cas de f eux de
forêt ou d’interventions en pr ésence
d’explosifs.
… et plus précis
Les équipes venues de Canberra, Sydney et
des environs comparent la caméra Dräger
UCF 7000 avec l’UCF 9000, essay ant
divers modes d’utilisation, discutant de
leur travail et d’idées nouvelles. Les pompiers de Sydney, eux-mêmes formateurs
de jeunes secouristes, réfléchissent comment intégrer les caméras dans leurs prochaines formations. « Évidemment, je ne
remettrais pas un tel appar eil entre les
mains d’un débutant qui se débat encore
entre les poussées d’adr énaline, la chaleur, la lance et le masque respiratoire »,
dit M. Bertoldi. Un tel baptême du feu
n’aurait aucun sens. « Mais dès q ue le
pompier est plus sûr de lui, on peut commencer à s’en servir, jusqu’à ce que cela
devienne une habitude. »
Quelques semaines après la formation, l’organisateur M. F erris reçoit
une lettre d’un participant de Victoria :
« Samedi, nous avons pu sauver la vie d’un
homme. La caméra, utilisée pour la première fois, a parfaitement fonctionné. J’ai
ouvert la porte de la chambre et trouvé
l’homme à demi inconscient au sol. Si
jamais quelqu’un émet le moindre doute
quant à l’utilité de ces appareils, envoyezle moi ! »
Julica Jungehülsing
Informations : Caméras
thermiques Dräger : composition,
fonctions et utilisations.
www.draeger.com/8/ucf
21