Fascicule TD Histoire des Institutions

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Fascicule TD Histoire des Institutions
U NIVERSITÉ P ARIS V I I I - V INCENNES S AINT - D ENIS
INTRODUCTION
HISTORIQUE
AU DROIT
PREMIÈRE ANNÉE
DE
LICENCE
Fascicule de Travaux Dirigés
2016 - 2017
Tr a v a u x d i r i g é s r a t t a c h é s a u x c o u r s
d’Introduction historique au droit dispensés par
MM. Pierre-Olivier Chaumet et Alexandre
Lunel.
Groupes de M. Thomas Michalak
L1 S1 - IHD - 2016/2017
BIBLIOGRAPHIE
Manuels
BASDEVANT-GAUDEMET (Brigitte), GAUDEMET (Jean), Introduction historique au droit XIII-XXe
siècles, 3e éd., Paris, LGDJ, 2010.
Carbasse (Jean-Marie), Manuel d’introduction historique au droit, 4e éd., Paris, PUF, 2011
Chaumet (Pierre-Olivier), Introduction historique au droit ; De la fin de l’Antiquité à
la codification napoléonienne, 1ère éd., Paris, Ellipses, 2016
GAUDEMET (Jean), Les institutions de l’Antiquité, 7 éd., Paris, Précis Domat-Montchrestien,
2002.
GUYOT (Olivier), RIGAUDIERE (Albert), SASSIER (Yves), Pouvoirs et institutions dans la France
médiévale, t. I, Des origines à l’époque féodale ; t. II, Des temps féodaux aux temps de
l’État, Paris, Armand Colin, coll. U, 1994.
HAROUEL (Jean-Louis), BARBEY (Jean), BOURNAZEL (Eric), TèreHIBAUD-PAYEN (Jacqueline),
Histoire des institutions de l’époque franque à la révolution, 1 éd. Paris, PUF, coll. Droit
fondamental, 1987.
LEMARIGNIER (Jean-François.), La France médiévale, institutions et société, Paris, A. Colin,
coll. U, 1970.
SAINT-BONNET (François), SASSIER (Yves), Histoire des institutions avant 1789, coll. Domat
Droit Public, 2e éd., Paris, Montchrestien, 2006.
SUEUR (Philippe), Histoire du droit public français, XV-XVIII siècle, 2 vol., Paris PUF,
Thémis, 1989 (rééd.).
Monographies
BARBEY (Jean), Être roi. Le roi et son gouvernement de Hugues Capet à Louis XVI, Paris, 1992.
BARBEY (Jean), La fonction royale. Essence et légitimité d’après les Tractatus de Jean
de Terrevermeille, Paris, 1983.
BARBEY (Jean), BLUCHE (Frédéric), RIALS (Stéphane), Lois fondamentales et succession de
France, Paris, PUF, 1987.
GANSHOF (Frantz Louis), Qu’est-ce que la féodalité ?, 5e éd., Paris, Tallandier, “ Pluriel ”, 1982.
HALPHEN (Louis), Charlemagne et l’Empire carolingien, Paris, Albin Michel, “ L’évolution
de l’humanité ”, rééd. 1968.
LEMAIRE (André), Les lois fondamentales de la monarchie française d’après les théoriciens
de l’Ancien Régime, Paris, 1907.
LEMARIGNIER (Jean-François), Le gouvernement royal aux premiers temps capétiens, Paris,
Picard, 1965.
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SÉANCE 1
Méthodologie
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I. – MÉTHODE DU COMMENTAIRE DE TEXTE EN HISTOIRE DU DROIT
(durée de l’exercice : 3 h.)
Le commentaire de texte en histoire du droit doit impérativement se conformer aux règles
suivantes :
A / PRÉPARATION (durée de l’exercice : 1 h. 30)
Elle commence par :
1. Une lecture approfondie du texte, crayon à la main (durée 20 mn)
Il s’agit d’analyser le texte, en repérant ses principales articulations et en soulignant les
mots et les notions essentielles qui feront l’objet de définitions dans le commentaire. En
lisant le texte, il convient, sur des brouillons que l’on utilisera qu’au recto, de noter les idées
principales contenues dans le texte et les connaissances acquises en cours auxquelles elles
renvoient. À partir de cette analyse, on peut ensuite procéder à :
2. L’élaboration du plan (durée 40mn)
a) Méthode d’élaboration. – Partant de l’analyse du texte et des notes prises au
brouillon, l’élaboration du plan doit permettre la construction d’un devoir qui évitera deux
écueils principaux :
1/ La dissertation, qui consiste à réciter le cours ou à exposer de manière théorique des
questions qui se sont pas en rapport direct avec le texte.
2/ La paraphrase, qui consiste à répéter le contenu du texte sans l’analyser.
Pour éviter ces travers, l’élaboration du plan doit être effectuée uniquement à partir du
contenu du texte lui-même. Les idées jetées au brouillon doivent être numérotées et l’on doit
ensuite tenter de faire entrer tous ces numéros dans les différentes parties du plan que l’on
élabore.
b) Règles d’élaboration. – Le plan doit respecter impérativement trois
règles : 1 / Il doit d’abord à tout prix être organisé en deux parties.
2 / Il doit ensuite être parfaitement symétrique : si la première partie comprend deux
paragraphes, la deuxième doit aussi en comprendre deux ; si la première en comprend trois
– ce qui est le maximum possible – la deuxième en comprend également trois.
3 / Il doit enfin être équilibré : les parties et les paragraphes doivent être sensiblement
de la même taille.
Deux grands types de plan sont possibles : soit thématique, soit linéaire.
- Le commentaire thématique consiste à choisir deux idées fortes du texte ou encore deux
axes de réflexion (par ex. pourquoi / comment) à partir desquels sera organisé le
commentaire.
- Le commentaire linéaire, qui est la meilleure formule, mais la plus difficile, consiste à
construire le commentaire en respectant scrupuleusement le plan du texte tout en prenant
du recul par rapport à celui-ci.
c) Règles de présentation. – Le plan du texte doit impérativement être apparent. Il faut
donc donner aux parties et aux sous-parties des titres. Mais le devoir doit cependant pouvoir
aussi être lu sans ces titres. En tête de chacune des parties, il faut par conséquent annoncer
en une ou deux phrases les sous-parties. Par ex. : “ Après avoir abordé telle question (A),
nous nous pencherons sur telle autre (B) ” ou encore “ Avant d’examiner tel problème (B),
nous étudierons tel autre (A) ”.
À la fin de chaque sous-partie, il faut aussi ménager une phrase de transition qui assure
le lien avec la partie suivante. D’où cette présentation :
I. TITRE
II. TITRE
Annonce des sous-parties du I
Annonce des sous-parties du II
A / Titre
A / Titre
Transition
Transition
B / Titre
B / Titre
Transition
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3. La rédaction de l’introduction (durée 30 mn)
L’introduction est un élément capital du devoir : quantitativement, elle doit représenter 20
à 25% de l’ensemble. Elle comprend obligatoirement quatre points, nécessairement
présentés dans l’ordre qui suit :
a) Présentation du texte et de l’auteur. – Il faut ici indiquer d’abord la nature du texte :
normatif (capitulaire, ordonnance, extrait du Corpus juris civilis…) ; diplomatique (charte,
notice, extrait de cartulaire…) ; narratif (chronique) ; littéraire (œuvre de fiction…) etc. On
doit ensuite donner sa date et présenter son auteur, s’il est connu.
b) Contexte historique du texte. – Le texte doit être replacé dans son contexte
politique, économique, social et culturel de la manière la plus précise possible. On évitera
à cette occasion la dissertation et le hors sujet en veillant notamment à ne pas évoquer
des questions contemporaines du texte mais sans rapport direct avec son contenu. Cette
mise en contexte du texte est l’exercice fondamental qui permettra de mettre en valeur
les enjeux du texte. Elle permet d’éviter le double écueil de la dissertation sur le propos
du texte et de la simple paraphrase.
c) Problématique juridique et historique du texte. – Partant du contexte, il convient
ensuite de mettre en exergue les problèmes de critique que pose le texte relativement à
l’histoire du droit et des institutions. C’est à partir de ces problèmes qu’est bâti le plan,
selon la manière indiquée ci-dessus.
d) Annonce du plan. – Découlant naturellement de la problématique qui précède,
l’annonce du plan, qui se fait en une ou deux phrases doit être à la fois parfaitement
correcte du point de vue littéraire et sans aucune équivoque. Par exemple : “ Ainsi, ayant
envisagé telle question (I), nous pourrons nous pencher sur telle autre (II) ”.
À l’issu de cette préparation, le devoir se poursuit par la rédaction.
B / LA RÉDACTION (durée de l’exercice : 1 h. 30)
Le plan détaillé ayant été minutieusement établi, la rédaction du devoir ne pose
aucune difficulté particulière de méthode. Quelques précautions s’imposent cependant.
1. D’abord, on doit veiller sans cesse à suivre le texte de près, afin de ne pas disserter au
lieu de commenter. Pour ce faire, il est vivement conseillé de partir de très courtes
citations ou de mots du texte que l’on reprend directement pour les commenter.
2. Ensuite, on doit absolument veiller à la rigueur de l’analyse historico-juridique. L’écueil
principal à éviter est bien sûr l’anachronisme qui, nécessairement, entraîne une erreur
d’interprétation. Deux règles permettent de l’éviter :
a) À aucun moment il ne doit être fait allusion, dans le corps du devoir, à un fait ou un
événement postérieur au texte commenté : pas plus qu’on ne peut expliquer le présent par
l’avenir, on ne peut en effet expliquer le passé par le présent ou par des éléments plus
récents que ceux sur lesquels on se penche.
b) Tout jugement personnel, même neutre, doit être absolument banni : l’opinion
personnelle du commentateur est par essence sans intérêt.
3. Enfin, il faut veiller à respecter les normes littéraires admises dans la présentation
matérielle du commentaire. À ce propos, on peut rappeler que :
a) L’emploi du futur dans le passé est strictement prohibé.
b) Les majuscules s’emploient seulement en début de phrase, pour les noms propres et
pour les institutions uniques lorsqu’il s’agit de choses, jamais lorsqu’il s’agit de
personnes.
On écrit donc l’Église, l’État, le Parlement, mais le roi, l’empereur, le pape… Lorsque
l’institution est accompagnée d’un adjectif, celui-ci ne prend une majuscule que lorsqu’il est
placé avant : le Tiers-État, mais les États généraux… Le mot saint ne prend une majuscule
que lorsqu’il est appliqué à une fête, un lieu, une institution (la Saint-Jean, la commune de
Saint-Cloud, la basilique Saint-Pierre), jamais lorsqu’il est employé comme prédicat : le roi
saint Louis. Dans ce dernier cas, on ne l’emploie que lorsqu’il est indispensable pour
identifier le personnage (on dit saint Louis, mais Thomas d’Aquin, Jeanne d’Arc etc.). Cas
particuliers : Saint-Esprit, Sainte-Trinité, Saint-Office, Saint-Siège, Saint-Empire, SainteAlliance. On met aussi une majuscule aux noms des peuples (les Burgondes, les Francs) et
aux noms des grandes périodes historiques : l’Antiquité, le Moyen Âge (sans trait d’union),
l’Ancien Régime, la Révolution, l’Empire etc. Il est bon de rappeler également que les
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majuscules, contrairement à une légende fort répandue, doivent impérativement être
accentuées à peine d’entraîner de regrettables confusions ; comment distinguer sans accent,
par exemple : LES ENFANTS LÉGITIMES DE LOUIS XIV et LES ENFANTS LÉGITIMÉS DE LOUIS XIV ?
c) Le millésime des rois de France, des empereurs et des papes doit impérativement être
libellé en chiffres romains et non en chiffres arabes et il en va de même, en dépit d’une
habitude aussi récente que déplorable, des siècles. Hormis ces cas et les dates, pour
lesquelles on doit en revanche employer les chiffres arabes, tous les nombres doivent être
écrits en toutes lettres.
d) Un devoir ne doit jamais être rédigé à la première personne du singulier. On évitera
également le pluriel de majesté (nous verrons…) pour préférer la troisième personne (on
peut constater…), le style indirect (il semble intéressant de voir…).
À la fin du commentaire, il est possible aussi de rédiger une conclusion. Rédaction
de la conclusion : elle doit nécessairement comprendre trois points.
a) L’appréciation générale de la sincérité du texte. – Celle-ci doit se garder de toute
analyse subjective et ne reposer que sur des données de méthodologie historique. On
appréciera par exemple de manière fort différente un document normatif ou diplomatique
et un document littéraire ou narratif.
b) L’apport historique et juridique du texte. – Il s’agit ici de montrer dans quelle
mesure le contenu du texte est original ou à l’inverse banal et de replacer cette originalité
ou cette valeur d’exemple dans l’histoire générale du droit et des institutions.
c) L’ouverture. – La dernière phrase de la conclusion doit être une porte ouverte sur
l’avenir : les répercutions qu’a pu avoir le texte ou les institutions qu’il décrit dans la suite
de l’histoire.
II. – MÉTHODE DE LA DISSERTATION EN HISTOIRE DU DROIT
(durée de l’exercice : 3 h.)
La dissertation d’histoire du droit, comme le commentaire de texte, suit certaines règles
impératives :
A / PRÉPARATION (durée de l’exercice : 1 h. 30)
Elle commence par :
1. Une analyse attentive du libellé du sujet (durée 20 à 30 mn)
Chacun des mots employés, qui n’ont pas été choisis au hasard, doit retenir l’attention
pour préparer le devoir. Après s’être assuré du sens exact du sujet proposé, il convient de
noter, sur des feuilles de brouillon, toutes les idées qu’inspirent le thème proposé et, surtout,
toutes les connaissances acquises en cours auxquelles celui-ci renvoie. À l’issue de ce
premier temps de réflexion, on doit procéder à :
2. L’élaboration du plan (durée 30 à 40 mn)
a) Méthode d’élaboration. – Le plan doit être élaboré en tenant compte à la fois du
libellé précis du sujet proposé et des réflexions et connaissances que l’on a eu soin de noter
au brouillon.
L’écueil à éviter en priorité est la simple récitation mécanique de tout ou partie du cours
relatif au thème proposé. Pour y parvenir, il est souhaitable de choisir un axe de réflexion de
type dynamique. Plusieurs types de plan favorisent une telle démarche. À titre d’exemple :
1. Définition, 2. Régime juridique ; 1. Pourquoi, 2. Comment ; Plan dit “ à deux égard ” etc. Le
second écueil à éviter est le hors sujet, qui consiste à déborder du cadre de réflexion
imposé. La lecture attentive du libellé du sujet doit l’éviter, sachant que, souvent, celui-ci
formule directement les éléments principaux d’un plan possible.
Afin de vérifier la pertinence du plan, on prendra soin, à l’instar du commentaire de texte,
de numéroter les idées et connaissances jetées au brouillon pour tenter ensuite d’intégrer
ces numéros dans le plan projeté.
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b) Règles d’élaboration. – Le plan de la dissertation doit respecter les mêmes canons
que le plan du commentaire et doit être : 1 / organisé en deux parties ; 2 / symétrique ; 3 /
équilibré (cf. supra, Méthode du commentaire).
c) Règles de présentation. – La dissertation, comme le commentaire de texte, doit
comporter un plan apparent avec des parties et des sous-parties munies de titres,
annoncées, pour les parties, en fin d’introduction, et, pour les sous-parties, en tête de
chacune des parties, chaque sous-partie se terminant ici encore par une phrase de transition.
3. La rédaction de l’introduction (durée 30 mn)
Là encore, l’introduction constitue un élément capital qui doit représenter 20 à 25 % de
l’ensemble du devoir. Comme le commentaire de texte, elle comprend toujours quatre points
présentés dans l’ordre qui suit :
a) Présentation du sujet. – Elle doit commencer par reprendre en exergue le libellé
exact du sujet, entre guillemets, puis se poursuivre par une première analyse sommaire
de la portée du thème proposé indiquant ce qu’il est nécessaire de traiter et,
éventuellement, ce qui ne l’est pas.
b) Contexte historique du sujet. – Il s’agit de replacer le thème de la dissertation dans
son contexte général, en veillant toutefois à ne pas s’égarer vers des questions sans
rapport avec l’objet principal du devoir.
c) Problématique juridique et historique du sujet. – À partir du contexte présenté
précédemment, il s’agit de dégager les questions essentielles que pose le sujet
relativement à l’histoire du droit et des institutions, interrogations qui détermineront
ensuite le plan. Attention : la problématique ne doit jamais être la répétition du sujet. Elle
doit au contraire toujours mettre en lumière ses enjeux et suggérer une perspective de
démonstration pour le plan qui s’annonce.
d) Annonce du plan. – L’annonce du plan qui clôt l’introduction doit découler
logiquement de la problématique qui a été exposée et, comme pour le commentaire de
texte, être formulée en une ou deux phrases à la fois claires et littérairement correctes
(cf. supra les exemples données pour le commentaire de texte).
B / LA RÉDACTION (durée de l’exercice : 1 h. 30)
La rédaction d’une dissertation offre, sur le fond, davantage de liberté qu’un commentaire
de texte. Il convient cependant ici encore de veiller sans cesse à ne pas s’écarter du sujet.
Il est aussi nécessaire d’éviter tout anachronisme en prêtant attention à ne pas traiter,
dans le corps du devoir, d’éléments postérieurs à la période historique étudiée et en écartant
systématiquement les jugements personnels qui, par nature, ne peuvent manquer d’être en
décalage avec le thème de la dissertation.
Les règles formelles, enfin, sont les mêmes que celles exposées supra pour le
commentaire de texte.
Pour plus de précisions sur la méthode de la dissertation et du commentaire de
texte, voir :
Brigitte BASDEVANT-GAUDEMET, Valérie GOUTAL-ARNAL, Corrigés d’examens : Histoire du droit
et des institutions, Paris, LGDJ, 1997 (Nouv. éd. 2000).
III. – MÉTHODE DE LA FICHE DE TEXTE EN HISTOIRE DU DROIT
La fiche de texte consiste à établir, à titre d’exercice, un travail préparatoire au
commentaire de texte à partir des documents divers contenus dans les fiches de TD pour
lesquels il n’aura pas été demandé à l’étudiant de commentaires détaillés.
Comme pour un commentaire de texte, il convient d’abord de lire le texte un crayon à la
main, repérant les articulations, les notions et les mots essentiels qui méritent d’être définis
ou commentés.
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Durant cet exercice, il est conseillé de noter aussi les idées qu’inspire le texte et les
connaissances auxquelles il renvoie sur une feuille de brouillon.
Il est ensuite nécessaire de rechercher, à partir de manuels et de dictionnaires :
– l’auteur du texte ;
– le contexte historique précis ;
– la définition exacte de tous les termes inconnus.
À partir de ce travail préliminaire, on doit rédiger ensuite au propre, sous forme de fiche,
le canevas de ce que devraient être l’introduction et le plan du texte, en indiquant :
a) La nature du texte, sa date et son auteur
b) Le contexte historique
c) La problématique juridique et historique
d) Le plan qui serait suivi en cas de commentaire.
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SÉANCE 2
L’Antiquité romaine
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L’oeuvre d’Auguste : Res Gestae Divi Augusti
Autobiographie rédigée par Auguste et gravée à l’entrée de son mausolée à Rome
(fragments)
1.1. - A l’âge de dix-neuf ans, j’ai levé une armée de ma propre initiative et à mes propres
frais, grave à laquelle j’ai rendu la liberté à la res publica qui avait été opprimée par une
faction.
8.5. - Par de nouvelles lois prises sur mon initiative j’ai restauré beaucoup de traditions de
nos ancêtres qui tombaient à notre époque en désuétude, et moi-même, sur de nombreux
points, j’ai fourni des exemples à initier par la postérité.
34.1.-3 - Dans mes sixième et septième consulats, après que j’eux éteint les flammes des
guerres civiles, alors que je détenais de l’assentiment de tous le contrôle absolu des affaires,
je transférai la res publica de ma potestas à la volonté du sénat et du peuple romain…
Après cette époque, je l’ai emporté sur tous par l’ »auctoritas », mais de potestas je n’en
eus en rien plus que les autres qui ont été, à moi aussi, mes collègues dans la magistrature.
La généralisation de la citoyenneté romaine : Édit de Caracalla (212)
Papyrus de Giessen
(Éd. P.-F. GIRARD, Textes de droit romain, II, Camerino, 1977, p. 478-490, trad. J. GAUDEMET,
Inst. de l’Ant., p. 309)
L’empereur César Marc Aurèle Sévère Antonin a dit : « Maintenant, donc… il vaut mieux,
en repoussant les plaintes et les libelles, rechercher comment je peux rendre grâce aux
dieux immortels de m’avoir conservé sain et sauf… par une telle victoire. C’est pourquoi je
pense pouvoir ainsi magnifiquement et pieusement donner satisfaction à leur majesté, si
j’amène au culte des dieux les pérégrins chaque fois qu’ils entrent au nombre de mes sujets.
Je donne donc à tous les pérégrins qui sont sur la terre le droit de cité romaine (tout genre
de cité demeurant), exception faite pour les déditices […]. Cet édit augmentera la majesté du
peuple romain quand sera accordé la même dignité à l’égard des autres pérégrins… »
Le christianisme religion d’État : Édit de Thessalonique (380)
Code Théodosien, 16, 1, 2 (trad. F. ROUMY)
Les empereurs Gratien, Valentinien et Théodose, Augustes, au peuple de Constantinople.
— Nous voulons que tous les peuples que gouverne la mesure de notre clémence se tournent
vers cette religion que le divin apôtre Pierre a transmis aux Romains — ainsi que l’affirme une
tradition qui, depuis lui, est parvenue jusqu’à maintenant — et qu’il est clair que suivent le pontife
Damase et Pierre, évêque d’Alexandrie, homme d’une sainteté apostolique. De sorte que, en
accord avec la discipline apostolique et la doctrine évangélique, nous croyions en la seule en la
seule Divinité du Père, du Fils et du Saint-Esprit, en une même majesté et une pieuse Trinité.
Nous ordonnons que ceux qui suivent cette loi embrassent le nom de Chrétiens catholiques et
que les autres, que nous jugeons déments et insensés, assument l’infamie du dogme hérétique,
que leurs assemblées ne puissent recevoir le nom d’églises, qu’enfin ils soient châtiés, d’abord
par la vengeance divine, ensuite par la décision que nous a inspiré le jugement céleste. Donné le
4 des calendes de mars à Thessalonique, Gratien Auguste étant consul pour la cinquième fois et
Théodose Auguste pour la première fois.
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SÉANCE 3
La royauté franque
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La personnalité des lois
MONTESQUIEU, De l’esprit des lois (1748)
(in Œuvres complètes, Paris, Éditions du Seuil, 1965, Livre XXVIII, Chapitre 4 « Comment le droit romain se perdit dans le pays
du domaine des francs, et se conserva dans le pays du domaine des goths et des bourguignons », p. 725-726.)
Le pays qu’on appelle aujourd’hui la France, fut gouverné, dans la première race, par la loi
romaine ou le code Théodosien, et par les diverses lois des barbares qui y habitaient.
Dans le pays du domaine des Francs, la loi salique était établie pour les Francs, et le code
Théodosien pour les Romains. Dans celui du domaine des Wisigoths, une compilation du code
Théodosien, faite par l’ordre d’Alaric, régla les différends des Romains ; les coutumes de la nation,
qu’Euric fit rédiger par écrit, décidèrent ceux des Wisigoths. Mais pourquoi les lois saliques acquirentelles une autorité presque générale dans les pays des Francs ? Et pourquoi le droit romain s’y perdit-il
peu à peu, pendant que dans le domaine des Wisigoths le droit romain s’étendit, et eut une autorité
générale ? Je dis que le droit romain perdit son usage chez les Francs, à cause des grands
avantages qu’il y avait à être Franc, barbare, ou homme vivant sous la loi salique ; tout le monde fut
porté à quitter le droit romain pour vivre sous la loi salique. Il fut seulement retenu par les
ecclésiastiques, parce qu’ils n’eurent point d’intérêt à changer. Les différences des conditions et des
rangs ne consistaient que dans la grandeur des compositions, comme je le ferai voir ailleurs. Or, des
lois particulières leur donnèrent des compositions aussi favorables que celles qu’avaient les Francs :
ils gardèrent donc le droit romain. Ils n’en recevaient aucun préjudice ; et il leur convenait d’ailleurs,
parce qu’il était l’ouvrage des empereurs chrétiens. D’un autre côté, dans le patrimoine des Wisigoths,
la loi wisigothe ne donnant aucun avantage civil aux Wisigoths sur les Romains, les Romains n’eurent
aucune raison de cesser de vivre sous leur loi pour vivre sous une autre : ils gardèrent donc leurs lois,
et ne prirent point celles des Wisigoths.
Le pouvoir du roi franc sur ses guerriers
GRÉGOIRE DE TOURS, Histoire des Francs, II, 27
(éd. ROBERT LATOUCHE, Paris, Les Belles lettres, 1995)
Après ces événements Childéric étant mort, Clovis, son fils régna à sa place. Pendant la
cinquième année du règne de ce roi, Syagrius, roi des Romains, fils d’Egidius, avait son siège dans la
cité de Soissons que feu ledit Egidius avait possédée. Contre lui marcha Clovis (…) et il invite son
adversaire à préparer le champ de bataille. Or celui-ci ne le refusa pas et n’eut pas peur de résister.
Puis pendant qu’ils se battaient entre eux, Syagrius, voyant son armée écrasée, tourne le dos et se
précipite dans une course rapide chez le roi Alaric à Toulouse (…).
En ce temps beaucoup d’églises furent pillées par l’armée de Clovis, parce qu’il était encore
enfoncé dans les erreurs du fanatisme. C’est ainsi que les troupes avaient enlevé d’une église un
vase d’une grandeur et d’une beauté merveilleuses, avec d’autres ornements servant au ministère
ecclésiastique. L’évêque de cette église envoya donc des messagers au roi pour lui demander que, si
son église ne pouvait recouvrer les autres vases sacrés, du moins elle recouvrât celui-ci. Ce
qu’entendant le roi dit au messager : « Suis nous jusqu’à Soissons parce qu’on devra y partager tout
ce qui a été pris et lorsque le sort m’aura donné ce vase, j’exécuterai ce que le « pape » demande ».
Puis arrivant à Soissons, où toute la masse du butin avait été placée au milieu, le roi dit : « Je vous
prie, ô très valeureux guerriers, de ne pas vous opposer à ce que me soit concédé hors part ce vase
». Il faisait en effet allusion au vase mentionné ci-dessus. A ces mots du roi, ceux qui avaient l’esprit
sain répliquent : « Tout ce que nous voyons ici, glorieux Roi, est à toi et nous sommes soumis à ta
domination ». Fais donc maintenant ce qui convient à ton bon plaisir ». Or après qu’ils eurent ainsi
parlé, un homme léger, jaloux et frivole, ayant levé sa hache, frappa le vase en criant à haute voix : «
Tu n’auras rien ici que ce que le sort t’attribuera vraiment ». A ces mots qui stupéfièrent tout le monde,
le roi contint son ressentiment avec une douce patience et prenant le vase il le rendit à l’envoyé
ecclésiastique en gardant cachée dans son cœur sa blessure. Mais au bout d’une année il fit défiler
toute sa phalange en armes pour inspecter sur le Champ de Mars la propreté de ses armes. Or tandis
qu’il se dispose à passer en revue tous les hommes, il s’approche du briseur du vase à qui il
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dit : « Personne n’a apporté des armes aussi mal tenues que les tiennes, car ni ta lance, ni ton épée,
ni ta hache ne sont en bon état ». Et saisissant la hache de l’homme, il la jeta à terre. Mais tandis que
celui-ci s’était un peu incliné pour la ramasser, le roi levant les mains lui envoya sa propre hache dans
la tête en disant : « C’est ainsi que tu as fait à Soissons avec le vase ».
Quand l’homme fut mort, le roi ordonna aux autres de se retirer et par cet acte il leur inspire une
grande crainte à son égard.
Le partage du royaume entre les fils à la mort du roi
GRÉGOIRE DE TOURS, Histoire des Francs, IV, 22
(éd. KRUSCH et LEVISON, MGH, SS rer. merov., I/1, p. 154-155 ; trad. IMBERT -SAUTEL,
Hist. des inst.,I, p. 331)
Chilpéric, après les funérailles de son père, reçut les trésors qui étaient amassés dans le
domaine de Braine et s’étant tourné vers les Francs [qui pouvaient lui être] les plus utiles, se
soumit ceux -ci, séduits par ses présents. Bientôt il entre dans Paris et occupe le siège du
roi Childebert ; mais il ne lui fut par permis de le posséder longtemps, car ses frères se
réunir pour l’en chasser ; c’est ainsi que les quatre [frères] — c’est-à-dire Caribert, Gontran,
Chilpéric et Sigebert — procédèrent à un partage [du royaume] selon la loi. Le sort donna à
Caribert, le royaume de Childebert avec, pour capitale, Paris ; à Gontran, le royaume de
Clodomir avec, pour capitale, Orléans ; à Chilpéric, le royaume de Clotaire son père, avec,
pour capitale, Soissons ; à Sigebert, le royaume de Thierry avec, pour capitale, Reims.
Le comte, agent de l’administration royale
MARCULFE, Formules, I, 8
(éd. K. ZEUMER, MGH, LL, V, p. 47-48 ; trad. IMBERT -SAUTEL, Hist. des inst., I, p. 340)
Charte de duché, de patriciat ou de comté. — La perspicacité de la clémence royale est
louée dans sa perfection pour ce qu’elle sait choisir entre tous les sujets ceux que
distinguent leur mérite et leur vigilance et il ne convient pas de remettre une dignité judiciaire
à quiconque avant d’avoir éprouvé sa foi et son zèle. En conséquence, comme il nous
semble avoir trouvé en toi, foi et efficacité, nous t’avons confié la charge du comté, du duché
ou du patriciat, dans tel pays, que Un tel, ton prédécesseur, paraît avoir assumée jusqu’à
présent, pour l’assumer et la régir, en sorte que tu gardes toujours une foi intacte à l’égard
de notre gouvernement, et que tous les peuples habitant là — tant Francs, Romains,
Burgondes que toute autre nation — vivent et soient administrés par ta direction et ton
gouvernement et que tu les régisses par droit chemin, selon leur loi et coutume, que tu
apparaisses le grand défenseur des veuves et des orphelins, que les crimes des brigands et
des malfaiteurs soient sévèrement réprimés par toi, afin que les peuples vivant dans la
prospérité et dans la joie sous ton gouvernement aient à demeurer tranquilles ; et que tous
ce que dans cette charge l’autorité du fisc est en droit d’attendre que tu l’apportes toi-même,
chaque année, à nos trésors.
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SÉANCE 4
La féodalité
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L’Ordinatio imperii de 817
(éd. BORETIUS, MGH, Cap. reg. Franc., I, p. 270-273, n° 136 ; trad. IMBERT -SAUTEL, Hist. des inst., I, p. 382-384)
Au nom du Seigneur Dieu et de notre Sauveur Jésus-Christ, Louis, par la divine Providence,
empereur auguste. Comme nous avions réuni, au nom de Dieu, l’an huit cent dix-sept de l’Incarnation
du Seigneur, indiction dix, et la quatrième année de notre règne impérial, au mois de juillet, dans notre
palais d’Aix-la-Chapelle, selon l’usage accoutumé, une assemblée sacrée et la généralité de notre
peuple pour traiter de l’utilité des églises et de tout notre empire, et que nous nous appliquions à ces
[desseins], brusquement sous l’effet de l’inspiration divine, il arriva que nos fidèles nous invitèrent à
traiter, selon l’usage de nos parents, de l’état de tout notre royaume et de la situation de nos fils, alors
que nous étions en bonne santé et que Dieu nous concédait la paix de tout côtés. Mais quoique cette
invitation fût faite en tout dévouement et fidélité, il ne nous a nullement paru [convenable] ni à nous ni
à ceux qui ont l’esprit saint et sage, que pour l’amour et la grâce de nos fils, l’unité de l’empire qui
nous a été conservé par Dieu, fût scindée par le partage des hommes, de peur qu’à cette occasion
n’éclate un scandale dans la sainte Église et que nous ne commettions une offense envers celui au
pouvoir de qui se trouvent les droits de tous les royaumes. C’est pourquoi nous avons pensé qu’il était
nécessaire d’obtenir de lui, par des jeûnes, des prières et des largesses d’aumônes, ce que notre
faiblesse n’osait pas [tenter]. Ces rites étant accomplis pendant trois jours, par la volonté du Dieu tout
puissant, à ce que nous pensons, il se fit que nos vœux et ceux de tout notre peuple convergèrent
pour le choix de notre bien-aimé fils aîné, Lothaire. En conséquence, la divine Providence a voulu
nous manifester ainsi qu’à notre peuple que [notre fils] par un vœu commun, [devait être] selon
l’usage solennel, couronné du diadème impérial et devenir notre associé et notre successeur, si Dieu
le veut, à l’Empire. Quant à ses frères, Pépin et Louis, notre homonyme, il plut d’un commun conseil
de les distinguer par le titre royal et de les établir dans les pays ci-dessous désignés, où après notre
décès, ils exerceraient le pouvoir sous la puissance royale de leur frère aîné, selon les articles notés
ci-dessous où se trouve renfermée cette condition que nous avons établie entre eux. Ces articles ont
été déterminés avec la collaboration de tous nos fidèles pour l’utilité de l’empire et la conservation
entre tous d’une paix perpétuelle ainsi que pour la sécurité de l’Église toute entière ; et eux
déterminés [il a plu] de les consigner par écrit et de les confirmer par nos propres souscriptions
manuelles de telle sorte qu’avec le secours de Dieu, comme tous ont agi d’un commun vœu, de
même tous les conservent inviolablement pour leur paix perpétuelle et celle du peuple chrétien tout
entier ; étant sauf en tout notre pouvoir impérial sur nos fils et notre peuple avec toute la soumission
qui doit être témoignée au père par ses fils et à l’empereur et au roi par ses peuples. — 1. Nous
voulons que Pépin ait l’Aquitaine, la Gascogne et toute la marche de Toulouse et en outre quatre
comtés, c’est-à-dire, en Septimanie, celui de Carcassonne et en Bourgogne, ceux d’Autun, d’Avallon
et de Nevers. — 2. De même nous voulons que Louis ait la Bavière, la Carinthie, la Bohême, le pays
des Avars et des Slaves qui sont au-delà de la partie orientale de la Bavière, et en outre qu’il ait à sa
disposition deux domaines impériaux dans le pays de Lauterhofen et d’Ingolstadt… — 18. Nous
sollicitons encore le dévouement de tous notre peuple et l’assurance remarquable d’une foi sincère
chez tous nos peuples pour que si, celui de nos fils qui succèdera par la volonté divine, disparaît de
ce monde sans enfant légitime, en vue du salut de tous, de la tranquillité de l’Église et l’unité de
l’Empire, on imite en choisissant l’un de nos enfants, s’ils survivent à leur frère, la condition que nous
avions mise à sa propre désignation, de telle sorte que dans cet établissement, on recherche
l’accomplissement d’une volonté non pas humaine mais divine.
La cérémonie
Serments prêté au nouveau comte de Flandre Guillaume, et investiture (1127)
GALBERT DE BRUGES, Histoire du meurtre de Charles le Bon, Chap. 54
Le sept des ides d’avril, un jeudi, on fit à nouveau hommage au comte. Ces hommages firent accomplis
de la manière suivante pour lui assurer la foi et la sûreté. En premier lieu, on fit hommage de la façon
suivante : le comte demanda [au futur vassal] s’il voulait devenir son homme sans réserve, et celui-ci
répondit : “ Je le veux ” ; puis ses mains étant jointes dans celles du comte, qui les étreignit, ils s’allièrent
par un baiser ; en second lieu, celui qui avait fait hommage engagea sa foi en ces termes : “ Je promets en
ma foi d’être fidèle, à partir de cet instant, au comte Guillaume, et de lui garder contre tous et entièrement
son hommage, de bonne foi et sans tromperie ” ; en troisième lieu, il jura cela sur les reliques des saints.
Ensuite, avec la verge qu’il tenait à la main, le comte leur donna les investitures à eux tous qui, par ce
pacte, lui avaient promis sûreté, fait hommage et en même temps prêté serment.
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Les obligations du vassal
FULBERT DE CHARTRES, Lettre à Guillaume V d’Aquitaine (1020)
(éd. Rec. des hist. des Gaules, X, p. 463 ; trad. GANSHOF, Qu’est-ce que la féodalité ?, p. 135-36)
Au très glorieux duc d’Aquitaine Guilhem, Fulbert, évêque. Invité à écrire sur la teneur de
la fidélité, j’ai noté brièvement pour vous ce qui suit, d’après les Livres qui font autorité. Celui
qui jure fidélité à son seigneur doit toujours avoir les six mots suivants présents à la mémoire
: sain et sauf, sûr, honnête, utile, facile, possible. Sain et sauf, afin qu’il ne cause pas
quelque dommage au corps de son seigneur. Sûr, afin qu’il ne nuise pas à son seigneur en
livrant son secret ou ses châteaux forts qui garantissent sa sécurité. Honnête, afin qu’il ne
porte pas atteinte aux droits de justice de son seigneur ou aux autres prérogatives
intéressant l’honneur auquel il peut prétendre. Utile, afin qu’il ne fasse pas de tort aux
possessions de son seigneur. Facile et possible, afin qu’il ne rende pas difficile à son
seigneur le bien que celui-ci pourrait facilement faire et afin qu’il ne rende pas impossible ce
qui eût été possible à son seigneur. C’est justice que le vassal s’abstienne de nuire ainsi à
son seigneur. Mais ce n’est pas ainsi qu’il mérite son fief, car il ne suffit pas de s’abstenir de
faire le mal, mais il faut faire le bien. Il importe donc que sous les six aspects qui viennent
d’être indiqués, il fournisse fidèlement à son seigneur le conseil et l’aide, s’il veut paraître
digne de son bénéfice et s’acquitter de la fidélité qu’il a jurée. Le seigneur aussi doit, dans
tous ces domaines, rendre la pareille à celui qui a juré fidélité. S’il ne le faisait pas, il serait à
bon droit taxé de mauvaise foi ; de même que le vassal qui serait surpris manquant à ses
devoirs, par action ou par simple consentement, serait coupable de perfidie et de parjure.
Les trois ordres de la société féodale
ADALBÉRON DE LAON, Poème au roi Robert [le Pieux] (vers 1025)
Pour que la Res publica jouisse de la paix tranquille de l’Église, il est nécessaire de
l’assujettir à deux lois différentes, définies l’une et l’autre par la sagesse, qui est la mère de
toute vertu. L’une — la loi divine — ne fait aucune différence entre ses ministres ; selon elle,
ils sont tous égaux de condition, si différents entre eux que la nature ou leur rang aient pu
les faire naître ; un fils d’ouvrier n’est pas inférieur à l’héritier d’un roi. À ceux-là, cette loi
clémente interdit toute vile occupation mondaine. Il ne fendent point la glèbe ; ils ne
marchent pas derrière la croupe des bœufs ; à peine s’occupent-ils des vignes, des arbres,
des jardins. Ils ne sont ni bouchers, ni aubergistes, pas plus que gardiens de porcs,
conducteurs de boucs ou bergers ; ils ne criblent point le blé, ignorent la cuisante chaleur
d’une marmite graisseuse ; ils ne font point trémousser les cochons sur le dos des bœufs ;
ils ne sont pas blanchisseurs et dédaignent de faire bouillir le linge. Dieu leur a soumis par
ses commandements le genre humain tout entier ; pas un prince n’en est excepté, puisqu’il
est dit “ tout entier ”. La société des fidèles ne forme qu’un corps ; mais la Res publica en
comprend trois. Car l’autre — la loi humaine — distingue deux autres groupes ; nobles et
serfs, en effet, ne sont pas régis par le même statut. Deux personnages occupent le premier
rang : l’un est le roi, l’autre l’empereur ; c’est leur gouvernement que nous voyons assurer la
solidité de la Res publica. Il y en a d’autres dont la condition est telle que nulle puissance ne
les contraint, pourvu qu’ils s’abstiennent des crimes réprimés par la justice royale. Ceux-ci
sont les guerriers, protecteurs des églises ; ils sont les défenseurs du peuple, des grands
comme des petits, de tous enfin, et assurent du même coup leur propre sécurité. La maison
de Dieu, que l’on croit une, est donc divisée en trois : les uns prient ( oratores), les autres
combattent (pugnatores), les autres enfin travaillent (laboratores). Ces trois parties qui
coexistent ne souffrent pas d’être disjointes ; les services rendus par l’une sont la condition
des œuvres des deux autres ; chaune à son tour se charge de soulager l’ensemble. Ainsi,
cet assemblage triple n’en n’ait pas moins un ; et c’est ainsi que la loi a pu triompher et le
monde jouir de la paix. Mais aujourd’hui les lois tombent en ruines et déjà toute la paix a fui ;
les mœurs des hommes s’altèrent, la structure de la Res publica s’altère. Roi, tu ne tiens à
bon droit la balance de la justice, tu ne gouvernes le monde que si tu contiens avec les
rênes des lois ceux qui glissent sur la pente du crime.
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SÉANCE 5
Le droit coutumier
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Le morcellement coutumier de l’époque féodale
PHILIPPE DE BEAUMANOIR, Coutumes de Clermont en Beauvaisis (1283)
§1 : La grande espérance que nous avons en l’aide de Celui par qui toutes choses sont faites et
sans qui rien ne pourrait être fait (…) nous donne envie de mettre tout notre cœur et notre intelligence
au travail pour composer un libre grâce auquel ceux qui désirent vivre en paix puissent apprendre
rapidement comment se défendre contre ceux qui les assigneront en justice à tort et pour mauvaise
cause, et comment distinguer le droit du tort, selon l’usage et la coutume de Clermont en Beauvaisis.
Et parce que nous sommes de ce pays-ci, et que nous nous sommes occupé de garder les droits et
les coutumes de cette comté par la volonté du très haut et très noble homme Robert, fils du Roi de
France, comte de Clermont, nous devons avoir le désir plus particulier d’écrire sur les coutumes de ce
pays-ci plutôt que d’un autre ; et nous avons trois raisons principales qui nous y poussent.
§2 : La première raison, c’est que Dieu a commandé que l’on aimât son prochain comme soimême, et que les habitants de ce pays-ci sont notre prochain pour raison de voisinage et de
naissance (« nacion ») (…).
§3 : La seconde raison, c’st pour faire, avec l’aide de Dieu, quelque chose qui plaise à notre
seigneur le comte et à ceux de son conseil ; car, s’il plait à Dieu, il pourra apprendre dans ce libre
comment il devra garder et faire garder les coutumes de sa terre, la comté de Clermont, de sorte que
ses hommes et le menu peuple puissent vivre en paix au-dessous de lui et qu’ainsi tricheurs et fripons
soient démasqués et repoussés (« boutés arrière ») par le droit et la justice du comte.
§4 : La troisième raison, c’est qu’il va de soi que nous avons mieux en mémoire ce que nous
avons vu pratiquer et juger depuis notre enfance en ce pays-ci plutôt qu’en d’autres dont nous
n’avons appris ni les coutumes ni les usages.
§6 : Et (…) nous entendons appuyer principalement ce libre sur les jugement qui ont été rendus de
notre temps en ladite comté de Clermont ; et aussi pour partie sur les clairs usages et claires
coutumes qui y ont été de tout temps observés et pratiqués ; et pour partie, dans les cas douteux en
ladite comté, sur les jugements rendus dans les châtellenies voisines ; et (enfin) sur le droit qui est
commun à tous au royaume de France (…).
§7 : (…) Il m’est avis, que ces coutumes qui sont maintenant en usage, il est bon et profitable de
les écrire et de les enregistrer de façon qu’elles soient maintenus sans plus changer dorénavant ; car,
comme les mémoires sont chancelantes et la vie des hommes courte, ce qui ‘est pas écrit est bientôt
oublié. On le voit bien, les coutumes sont si diverses que l’on ne pourrait pas trouver au royaume de
France deux châtellenies qui usent dans tous les cas d’une même coutume. (…)
Chapitre I. - De l’office du Bailli
§ 29 : Quiconque entre en office de baillie doit jurer sur les (reliques des) saints qu’il gardera le
droit de son seigneur et d’autrui, qu’il ne prendra rien pour faire droit ou faire tort et qu’il maintiendra
une droite et loyale justice. Et quand il a fait ce serment, il doit œuvrer de manière à ne pas être
parjure (…).
§ 31 : Parce que ce serait chose trop longue et trop pénible pour les hommes qui font les
jugements de mettre en jugement tous les cas qui viennent devant le bailli, celui-ci doit s’efforcer
d’expédier les affaires quand il sait ce qu’il faut faire selon la coutume, et quand la chose est claire
et évidente. Mais ce qui est douteux, et les affaires importantes (« grosses querelles ») doivent être
mises en jugement. Et il ne convient pas que l’on mette en jugement les cas qui ont déjà été jugés
autrefois, même si le jugement a été fait par d’autres personnes, car l’on ne doit pas faire plusieurs
jugements pour un même cas. (…)
Chapitre XXIV. - De coutumes et d’usages
§ 683 : La coutume est prouvée de deux manières. C’est d’abord lorsqu’elle est générale dans toute la
comté et qu’elle existe depuis longtemps que quiconque peut s’en souvenir sans contestation. (…) Et
l’autre manière de reconnaître une coutume, c’est, lorsqu’il y a eu contestation sur une coutume alléguée
par une partie, l’approbation de cette coutume en justice, comme il est advenu bien des fois en partages de
succession et en autres querelles. Voilà les deux voies pour prouver une coutume. Et ces coutumes
(prouvées), le comte est tenu de les garder et faire garder par ses sujets de telle façon que nul ne les
corrompe. Et si le comte lui-même voulait les corrompre ou souffrait qu’elles fussent corrompues, le Roi ne
le devrait pas souffrir, car il est tenu de garder et faire garder les coutumes de son
royaume.
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SÉANCE 6
La royauté capétienne
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La fonction royale
JONAS D’ORLÉANS, De l’institution royale (IXe siècle)
La fonction de roi consiste à gouverner et régir le peuple de Dieu en équité et justice et en sorte
que tous s’appliquent à cultiver la paix et la concorde.
En conséquence, lui-même doit d’abord être le défenseur de l’Église et des serviteurs de Dieu.
Son devoir est de favoriser avec sagacité le salut et le ministère des prêtres, il doit garder par ses
armes et par sa protection, l’Église du Christ, défendre la misère, les veuves, les orphelines et tous
autres pauvres et tous indigents.
Sa crainte et son soin doivent être autant que possible d’empêcher d’abord l’injustice, ensuite, au
cas où celle-ci se réaliserait, ne lui permettre de durer en aucune manière et ne laisser à personne
l’espoir d’échapper ou l’audace de mal faire, mais que tous sachent que si quelque méfait par eux
commis, parvient à sa connaissance, celui-ci ne demeurera ni sans châtiment, ni sans vengeance,
mais que selon la nature du fait, s’établira la mesure du juste châtiment, c’est pourquoi le roi a été
placé sur le trône du gouvernement pour mener à bien les jugements droits, de telle sorte que par luimême il veille et s’informe afin que nul dans l’exercice de la justice qu’il administre, dans le cadre des
fonctions à lui commises, ne s’écarte de la vérité et de l’équité.
Il doit savoir en effet que la cause qu’il administre, dans le cadre des fonctions à lui commises,
n’existe pas en tant que cause des hommes, mais comme cause de Dieu, à qui en raison de la
fonction qu’il a reçue, il devra rendre des comptes au jour terrible du jugement.
Le caractère électif de la royauté
ADHÉMAR DE CHABANNES, Chronique
À cette époque, Aldebert, comte de Périgord, qui était le fils de Boson le vieux et d’une sœur de
Bernard du nom d’Emma, avait porté la guerre sous les murs de Poitiers et se comportait en
vainqueur. S’étant emparé aussi de Tours par un siège, il en avait reçu la soumission pour la donner à
Foulques, comte d’Anjou. Mais ce dernier n’avait pas tardé à s’aliéner les habitants, et Eudes de
Champagne était entré dans la place. Aldebert remit le siège devant la ville ; alors le roi Hugues et
Robert on fils ne craignirent pas de le menacer d’une guerre ; ils lui tinrent ce propos : “ Qui t’as fait
comte ? ” Aldebert de rétorquer : “ Qui vous a fait rois ? ”.
Association au trône et suzeraineté
SUGER, abbé de Saint-Denis (†1151), La Geste de Louis VI1, Chapitre III
Ainsi le jeune et renommé Louis, agréable, aimable et bienveillant (au point que certaines gens le
tenaient pour simple) devenait adulte. Illustre et courageux défenseur du royaume paternel, il
pourvoyait aux intérêts des églises et, ce qui durant longtemps n’avait pas été dans les habitudes,
veillait à la tranquillité du clergé, des travailleurs et des pauvres.
Or il advint en ce temps que des différends surgirent à propos de certaines coutumes entre l’abbé
de Saint-Denis Adam et Bouchard, homme noble, seigneur de Montmorency. L’effervescence et
l’irritation devinrent à ce point pénibles que, tout lien d’hommage rompu, les anciens alliés entrèrent
en conflit par les armes, les combats et le feu. Le bruit de cette affaire parvint aux oreilles de
Monseigneur Louis, qui, dans son indignation, eut peine à tolérer pareille chose. Sans retard, il fit
semondre ce Bouchard à comparaître devant son père au château de Poissy pour y être jugé. Ayant
perdu son procès, Bouchard ne voulut pas exécuter la sentence portée par jugement. On ne le retint
pas : ce n’est pas la coutume des Français ; mais s’étant retiré, il vit bientôt quel dommage, quelle
ruine mérite de la part de la majesté royale l’insubordination des sujets.
En effet, le jeune et fameux prince porta immédiatement les armes contre lui et aussi contre ses
alliés et complices, car Bouchard s’était adjoint Mathieu, comte de Beaumont, et Dreu de Mouchy,
vaillants hommes et belliqueux [1101] ; il ravagea la terre de Bouchard et, détruisant les lieux fortifiés
et les basses-cours à l’exception des donjons, la mit dans le pire état, l’accablant sous le poids des
incendies, de la faim, des coups d’épée. De l’intérieur du château on faisait pareillement des efforts
pour résister. Alors, avec les chevaliers français et flamands, ceux de son oncle Robert et les siens
propres, il mit le siège tout autour. Par ces coups et d’autres semblables, écrasants pour Bouchard, il
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er (1060-1108).
Louis VI le Gros, roi de France (1108-1137), fils de Philippe I
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humilia celui-ci, le courba sous sa volonté et son bon plaisir, et apaisa, en obtenant satisfaction,
la querelle qui avait causé les troubles.
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Procès verbal du couronnement de Philippe Ier (1059)
L’an de l’Incarnation du Seigneur 1059, indiction douze, vingt-huitième du règne du roi
Henri finissant ce jour, dix des calendes de juin, la quatrième année de l’épiscopat de
Gervais ; le saint jour de Pentecôte, le roi Philippe a été sacré par l’archevêque Gervais
dans l’église cathédrale, devant l’autel de Notre-Dame selon l’ordre suivant. La messe
commencée, avant la lecture de l’épître le seigneur archevêque se tourna vers le roi et lui
exposa la foi catholique, lui demandant s’il y croyait et s’il la voulait défendre. Sur sa réponse
affirmative, on lui présenta la professio ; l’ayant acceptée, il en fit lui-même la lecture, bien
qu’il ne fût alors âgé que de sept ans et il la souscrivit. Cette professio était ainsi : “ Moi
Philippe, par la faveur de Dieu bientôt futur roi de France, en ce jour de mon ordination je
promets devant Dieu et devant ses saints de conserver à chacun de vous le privilège
canonique, la foi qui lui est due et la justice ; d’être leur défenseur autant que je le pourrai
avec l’aide de Dieu, comme il est juste qu’un roi agisse en son royaume, en faveur de
chaque évêque et de l’Église à lui commise ; d’accorder aussi au peuple qui nous est confié,
de notre autorité, des lois conformes à ses droits ”. Cette lecture achevée, le roi déposa
cette promesse entre les mains de l’archevêque, en présence d’Hugues de Besançon, légat
du pape Nicolas II. Étaient également présent : Hermafroi, évêque de Sion, Mainard
archevêque de Sens, Barthélémy, archevêque de Tours, Heddon évêque de Soissons,
Roger, évêque de Chalons, Elinand, évêque de Laon, Baudoin évêque de Noyon, Riolant,
évêque de Senlis, Lietbert, évêque de Cambrai, Guy, évêque d’Amiens, Aganon évêque
d’Autun, Hardouin, évêque de Langres, Achard, évêque de Chalon-sur-Saône, Isembert,
évêque d’Orléans, Imbert, évêque de Paris, Gautier, évêque de Meaux, Hugues, évêque de
Nevers, Geoffroy, évêque d’Auxerre, Hugues, évêque de Troyes, Itier, évêque de Limoges,
Guillaume, évêque d’Angoulême, Arnoul, évêque de Saintes, Werec, évêque de Nantes,
enfin les abbés de Saint-Remi, Saint-Benoît-sur-Loire, Saint-Denis, etc. L’archevêque
Gervais prit en main le bâton pastoral de saint Remi et exposa, au milieu du plus grand
calme, pour quelles raisons il avait le droit d’élire et de consacrer le roi, depuis que saint
Remi avait baptisé et consacré Clovis. Il montra ensuite comment le pape Hormisdas avait
donné à saint Remi ce droit de consécration en même temps que la primatie de toute la
Gaule et comment le pape Victor lui avait renouvelé ce privilège à lui et à son église. Alors
avec le consentement de son père Henri, l’archevêque procéda à l’élection royale de
Philippe. Après lui, les légats du Siège romain quoiqu’il eût été dit expressément que cette
cérémonie pouvait avoir lieu sans l’assentiment du pape, les légats y assistèrent cependant
pour faire honneur au prince et lui témoigner son affection. Après eux, l’archevêque et les
évêques, les abbés et les clercs. Ensuite Gui, duc d’Aquitaine. Après, Hugues, fils et envoyé
du duc de Bourgogne. Après, les envoyés du marquis Baudouin et ceux de Geoffroy, comte
d’Anjou. Ensuite le comte Raoul de Valois, Herbert de Vermandois, Gui de Ponthieu,
Guillaume de Soissons, Renaud, Roger, Manassé, Hilduin, Guillaume d’Auvergne, Aldebert
de la Marche, Foulques d’Angoulême, le vicomte de Limoges. Après, les chevaliers et le
peuple, tant grand que menu, donnant leur consentement d’une seule voix, approuvèrent en
criant trois fois : “ Nous approuvons, nous voulons qu’il en soit ainsi. ” Alors Philippe rendit
lui-même un précepte, comme avaient fait ses prédécesseurs, concernant les biens de
Notre-Dame, le comté de Reims, les biens de Saint-Rémi et d’autres abbayes. Il le confirma
et souscrivit. L’archevêque souscrivit également. Il l’établit grand chancelier comma avaient
toujours fait ses prédécesseurs pour les archevêques de Reims. Il fut ensuite consacré.
L’archevêque revint à son trône, fit apporter le privilège du pape Victor et en fit donner
lecture en présence des évêques. Cette cérémonie s’accomplit dans le recueillement, sans
trouble et sans que personne fit la moindre opposition.
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SÉANCE 7
Les lois fondamentales du royaume
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Chronique dite de Jean de Venette (vers 1345-1368)
À la mort du roi Charles (IV), les barons furent convoqués pour traiter de la garde du
royaume. En effet, comme la reine était enceinte et que l’on ne pouvait préjuger du sexe de
l’enfant, personne n’osait, à titre précaire, assumer les prérogatives royales. Toute la
question était de savoir à qui, par droit de proximité, devait être confiée la garde du
royaume, surtout en raison du principe que dans le royaume de France la femme n’a pas
accès personnellement au pouvoir royal.
De leur côté, les Anglais déclaraient que leur jeune roi Édouard était le plus proche
parent, en tant que fils d’une fille de Philippe le Bel (Isabelle) et par conséquent neveu du
feu roi Charles. Si donc la reine ne mettait pas au monde un enfant mâle, ce prince devrait
assumer la garde et même le gouvernement du royaume, plutôt que Philippe, comte de
Valois, qui n’était que cousin germain du défunt.
Nombre de juristes compétents en droit canon et en droit civil s’accordèrent cependant à
déclarer qu’Isabelle, reine d’Angleterre, fille de Philippe le Bel et sœur du feu roi Charles,
était écartée de la garde et de la conduite du royaume non en raison de son degré de
parenté, mais à cause de son sexe : à supposer qu’elle eût été homme, la garde et le
gouvernement lui eussent été attribués.
La polémique devait se poursuivre quand fut posée la question du trône. Les Français
n’admettaient pas sans émotion l’idée d’être assujettis à l’Angleterre. Or si le fils d’Isabelle
avait quelque droit à alléguer, il tenait ce droit de sa mère : or, sa mère n’avait aucun droit. Il
en allait donc de même du fils. Autrement c’eût été admettre que l’accessoire l’emportait sur
le principal.
Cette sentence ayant été retenue comme la plus sensée et adoptée par les barons, la
garde du royaume fut donnée à Philippe, comte de Valois, et il reçut alors le titre de régent
du royaume.
Le « Honteux traité de Troyes » (Mai 1420)
Charles par la grâce de Dieu, roi de France […] Premièrement que, pour ce que par
l’alliance de mariage faite pour le bien de la dite paix en notre dit fils le roi Henri et notre très
chère et très aimée fille Catherine, il est devenu notre fils […] — 6. Item, est accordé que
tantôt après notre trépas et dés lors en avant, la couronne et le royaume de France, avec
tous leurs droits et appartenances demeureront et seront perpétuellement à notre dit fils le
roi Henri et ses hoirs. — 7. Item, que pour ce que nous sommes tenus et empêchés le plus
du temps, par telle manière que nous ne pouvons en notre personne entendre ou vaquer à
la disposition des besognes de notre royaume, la faculté et exercice de gouverner et
ordonner la chose publique dudit royaume seront et demeureront, notre vie durant, à notre
dit fils le roi Henri, avec le conseil des nobles et sages du royaume […] — 12. Item, que
notre fils labourera de son pouvoir, et le plutôt que faire se pourra profitablement, à mettre
en notre obéissance toutes et chacunes villes cités et châteaux, lieux, pays et personnes
dedans notre royaume, désobéissants à nous et rebelles, tenant le parti ou étant du parti
vulgairement appelé du Dauphin ou d’Armagnac … — 29. Item, considéré les horribles et
énormes crimes et délits perpétrés audit royaume de France, par Charles, soit -disant
dauphin de Viennois, il est accordé que nous, ni notre dit fils le roi Henri, ni aussi notre très
cher Philippe, duc de Bourgogne, ne traiterons aucunement de paix ou de concorde avec
ledit Charles, ne ferons ou ferons traiter, sinon du conseil et assentiment de tous et chacun
de nous trois et des trois États des deux royaumes dessus dits.
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L’édit de Moulins (février 1566)
1. Le domaine de notre couronne ne peut être aliéné qu’en deux cas seulement, l’un pour
apanage des puînés mâles de la maison de France, auquel cas il y a retour à notre
couronne par leur décès sans mâles, en pareil état et condition qu’était ledit domaine lors de
la concession de l’apanage, nonobstant toutes dispositions, possession, acte exprès ou
taisible fait ou intervenu pendant l’apanage ; l’autre pour l’aliénation à deniers comptants
pour la nécessité de la guerre, après lettres patentes pour ce décernées et publiées en nos
parlements, auquel cas il y a faculté de rachat perpétuel. — 2. Le domaine de notre
couronne est entendu comme celui qui est expressément consacré, uni et incorporé à notre
couronne, ou qui a été tenu et administré par nos receveurs et officiers pendant l’espace de
dix ans et est entré en ligne de compte. — 3. De pareille nature et condition sont les terres
autrefois aliénées et transférées par nos prédécesseurs rois, à la charge de retour à la
couronne, en certaines conditions de mâles ou autres semblables. — 4. Ne pourra notre
domaine être baillé à ferme ou louage, sinon au plus offrant et dernier enchérisseur ; et ne
pourront les fruits des fermes ou louages dudit domaine être données à quelque personne,
ni pour quelque cause que ce soit ou puisse être ; pareillement ne seront baillés aucunes
exemptions des paiements des droits appartenant et dépendant dudit domaine en quelque
forme ou façon que ce soit. — 5. Défendons à nos cours de parlements et chambres des
comptes d’avoir aucun égard aux lettres patentes contenant aliénation de notre domaine et
fruit de celui-ci, hors des cas susdits, pour quelque cause et temps que ce soit, encore que
ce fût pour un an, et leur est inhibé de procéder à l’entérinement et vérification d’icelles. Et
ne sont tenues pour valablement entérinées celles qui auront ci-devant été octroyées, sinon
qu’elles eussent été vérifiées tant en nos dites cours de parlements que chambres des
comptes, et par chacune desdites cours et chambres : et ne sera par vertu de celles-ci
aucune chose allouée aux comptes des officiers comptable dudit domaine. — 6. Ceux qui
détiennent le domaine de notre couronne sans concession valable dûment vérifiée,
autrement que dessus, seront condamnés et tenus rendre les fruits perçus depuis leur indue
possession et jouissance : non seulement depuis la saisie qui sera faite depuis la réunion,
mais aussi depuis leur jouissance ou de leurs prédécesseurs, sans qu’ils se puissent
excuser de bonne foi, quelque titre ou concession qu’ils aient de nos prédécesseurs ou de
nous […]. — 17. Les terres domaniales ne se pourront dorénavant aliéner par inféodation à
vie, à long temps ou perpétuité, ou condition quelle que ce soit. Au contraire, elles se
bailleront à ferme à notre profit comme nos autres terres et droits : et de pareille façon sera
usé ès terres sujettes à retour à notre couronne, et ce sans préjudice des inféodations déjà
faites, pour le regard desquelles enjoignons à nos procureurs de s’enquérir bien et
diligemment de la cause et forme, pour en faire telle poursuite que de raison.
Arrêt dit « Lemaistre » rendu le 28 juin 1593 par le Parlement de Paris
Sur la remontrance ci-devant faite à la cour par le procureur général du roi et la matière
mise en délibération, ladite cour, toutes chambres assemblées, n’ayant, comme elle n’a
jamais eu, autre intention que de maintenir la religion catholique, apostolique et romaine et
l’État royal et Couronne de France sous la protection d’un bon roi très chrétien, catholique et
français, a ordonné et ordonne que remontrances seront faites cette après-dîner par Maître
Jean Lemaistre, président, assisté d’un bon nombre de conseillers en ladite cour, à Monsieur
le lieutenant général du royaume*, en présence des princes et officiers de la Couronne étant
à présent en cette ville, à ce qu’aucun traité ne se fasse pour transférer la Couronne en la
main de prince ou princesse étrangers ; que les lois fondamentales de ce royaume soient
gardées et les arrêts donnés par ladite cour pour déclaration d’un roi catholique et français
exécutés ; et qu’il ait à employer l’autorité qui lui est commise pour empêcher que, sous
prétexte de la religion, la Couronne ne soit transférée en main étrangère contre les lois du
royaume ; et pourvoir le plus promptement que faire se pourra au repos et soulagement du
peuple, pour l’extrême nécessité en laquelle il est réduit. Et néanmoins, dès à présent, ladite
cour déclare tous traités faits et à faire ci-après pour l’établissement de prince ou princesse
étrangers, nuls et de nul effet et valeur, comme faits au préjudice de la loi salique et autres
lois fondamentales de l’État.
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L’édit de Marly pris par Louis XIV en Juillet 1714
Louis […]. L’affection que nous portons à notre très cher et bien-aimé fils Louis-Auguste de
Bourbon, duc du Maine, et à notre très cher et bien-aimé fils Louis-Alexandre de Bourbon, comte
de Toulouse, nous a engagé à les légitimer et à leur donner le nom de Bourbon par nos lettres
des mois de Décembre 1673 et novembre 1681 […]. Nous avons aussi estimé devoir les faire
jouir des prérogatives et avantages dus à leur naissance en leur accordant au mois de mai 1694
des lettres pour tenir, eux et leur descendants en légitime mariage, le premier rang
immédiatement après les princes de sang royal […]. Mais, voulant leur donner encore de plus
grandes marques de notre tendresse et de notre estime, nous croyons devoir porter nos vues
plus loin en leur faveur, en pourvoyant en même temps à ce que nous croyons être du bien et de
l’avantage de notre État. Et quoique par le grand nombre de princes du sang dont la maison
royale est présentement composée, il y ait tout lieu d’espérer que […] la couronne y demeurera
pendant une longue suite de siècles, une sage prévoyance exige néanmoins de notre amour
pour la tranquillité de notre royaume que nous prévenions les malheurs et les troubles qui
pourraient y arriver, si tous les princes de notre maison royale venaient à manquer ; ce qui ferait
naître des divisions entre les grands seigneurs du royaume et donnerait lieu à l’ambition pour
s’assurer la souveraine autorité par le sort des armes et par d’autres voies également fatales à
l’État. La crainte d’un si triste événement […] nous engage d’assurer à notre royaume des
successeurs qui y soient déjà fortement attachés par leur naissance et de désigner ceux à qui
cette couronne devra être dévolue dans les temps à venir, s’il arrivait qu’il ne restât pas un seul
prince légitime du sang et de la maison de Bourbon pour porter la couronne de France ; nous
croyons qu’en ce cas l’honneur d’y succéder serait dû à nos dits enfants légitimés et à leur
enfants et descendants mâles nés en légitime mariage […]. Pour ces causes […], déclarons et
ordonnons par le présent Édit, perpétuel et irrévocable, que si, dans la suite des temps, tous les
princes légitimes de notre auguste maison de Bourbon venaient à manquer en sorte qu’il n’en
restât pas un seul pour être héritier de notre couronne, elle soit dans ce cas dévolue et déférée
de plein droit à nos dits fils légitimés et à leurs enfants et descendants mâles à perpétuité […],
les déclarant par ces présentes capables, au cas seulement de manquement de tous les princes
légitimes de notre sang, de succéder à la couronne de France exclusivement à tous autres…
Claude Leprestre, Questions notables de droit, Paris, éd. 1663, p. 226-229.
Après la mort de Louis le Hutin, laissant une seule fille de sa première femme et
Clémence sa seconde femme, enceinte, les barons et seigneurs de la France ordonnèrent
que Philippe, son frère, serait déclaré régent ; afin que, si Clémence accouchait d'un fils, il
continuât la régence jusqu'à la majorité de l'enfant et que, si elle accouchait d'une fille, il fût
déclaré roi […]. Le fils qui naquit de Clémence, nommé Jean, ne vécut que huit jours et
Philippe fut reconnu roi. Eudes, duc de Bourgogne, voulut défendre le droit au royaume pour
Jeanne (sa nièce), la fille de Louis le Hutin, alléguant que le droit lui ordonnait de succéder à
son père qui n'avait ni fils, ni plus proche héritier qu'elle. La chronique non imprimée de ce
temps écrit : « on lui opposa que les femmes ne devaient point succéder au royaume de
France, sans pouvoir pourtant en apporter de preuves évidentes ». Cette chronique ne fait
aucune mention de la loi salique […]. Charles le Bel, frère de Philippe, lui succéda au
royaume en excluant les filles de Philippe qui ne lui en firent d'ailleurs aucune controverse.
Mais après la mort de Charles le Bel, qui avait laissé sa femme enceinte (et accoucha d'une
fille), la dispute se renouvela plus fort que jamais entre Philippe de Valois son cousin, et
Édouard, roi d'Angleterre, son neveu. Philippe de Valois défendait son droit par la loi salique
qui donnait la succession de la couronne au plus proche parent mâle du défunt. Édouard
déniait la loi salique […]. Les raisons de l'un et l'autre ayant été entendues en assemblées
des États généraux, au jugement desquels ils s'étaient remis, il y eut décision au profit de
Philippe de Valois […].
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SÉANCE 8
La monarchie administrative
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Pierre de l’Estoile, Journal - Extraits (vers 1345-1368)
On fit aussi en ce temps, en France, un parti de la justice en l’édit de Paulet, tout propre
pour la ruiner et l’abolir : car la dispense des quarante jours que les officiers achètent fera,
comme dit quelqu’un, qu’ils se dispenseront aisément de bien faire, et feront porter
injustement au peuple le tribut annuel qu’elle leur coûte, tout ainsi qu’ils ont déjà fait et font
encore tous les jours : et encore que la dispense dise que c’est pour donner cœur aux
officiers de bien servir, conservant par ce moyen leurs offices, si est-ce comme dit quelqu’un
(qu’il y a apparence) qu’ils ne suivront jamais le sens de la lettre pour les garder plus
longtemps ; mais s’en serviront à la même intention des partisans ; c’est-à-dire pour faire
leur profit. Et c’est à craindre que les gens de bien même ne soient contraints d’en user
ainsi, pour l’incommodité que cette rente et surcharge leur apportera. Il y a encore deux
autres inconvénients (…) qui proviendront de cette dispense : c’est qu’elle rendra tous
offices patrimoniaux aux officiers, et diminuera d’autant l’autorité du roi, les tirants du pouvoir
de sa Majesté. L’autre inconvénient sera un vrai établissement de l’ignorance, et par
conséquent, de toute confusion : car ils ont comme en héritage, par ce bon règlement, ce
que par la science ils doivent acquérir. C’est une partie des raisons qui courent, et qu’on a
fait entendre au roi même sur l’établissement de ce nouvel édit partisan.
François Ier, Ordonnance sur le fait de la justice (Villers-Cotterêts, août 1539)
in Isambert, Recueil général des anciennes lois françaises depuis l'an 420 jusqu'à la Révolution de
1789, Paris, Belin-Leprieur, 1828, t XlI, p.600-602, p.610-611.
François […] Sçavoir faisons à tous présens et advenir que, pour aucunement pourvoir au
bien de notre justice, abréviation des procès et soulagement de nos sujets, avons, par édit
perpétuel et irrévocable, statué et ordonné, statuons et ordonnons les choses qui s'ensuivent :
1. C'est à sçavoir que nous avons défendu et défendons à tous nos sujets de ne faire
citer ni convenir les laïcs pardevant les juges d'Église ès actions pures personnelles, sur
peine de perdition de cause et d'amende arbitraire.
2. Et avons défendu à tous juges ecclésiastiques de ne bailler ni délivrer aucunes
citations verbalement ou par écrit, pour faire citer nosdits sujets purs lays èsdites matières
pures personnelles, sur peine aussi d'amende arbitraire. […]
4. Sans préjudice toutefois de la juridiction ecclésiastique ès matières de sacrement et
autres pures spirituelles et ecclésiastiques, dont ils pourront connaître contre lesdits purs
laïcs selon la forme de droit, et aussi sans préjudice de la juridiction temporelle et
séculière contre les clercs mariés et non mariés, faisans et exerçans états ou
négociations, pour raisons desquels ils sont tenus et ont accoutumé de répondre en cour
séculière, où ils seront contraints de ce faire, tant ès matières civiles que criminelles, ainsi
qu'ils ont fait par ci-devant.
5. Que les appellations comme d'abus, interjettées par les prêtres et autres personnes
ecclésiastiques, ès matières de discipline et correction ou autres pures personnelles et
non dépendantes de réalité, n'auront aucun effet suspensif ; ainsi nonobstant lesdites
appellations et sans préjudice d'icelles, pourront les juges d'Église passer outre contre
lesdites personnes ecclésiastiques. […]
50. Que des sépultures des personnes tenans bénéfices sera faict registre en forme de
preuve, par les chapitres, collèges, monastères et cures, qui fera foi et pour la preuve du
temps de la mort, duquel temps sera fait expresse mention esdicts registres, et pour
servir au jugement des procès où il seroit question de prouver ledit temps de la mort […].
51. Aussi sera fait registres, en forme de preuve, des baptêmes, qui contiendront le temps
et l'heure de la nativité, et par l'extraict dudict registre se pourra prouver le temps de la
majorité ou minorité, et fera pleine foy à ceste fin […].
53. Et lesquels chapitres, couvents et cures seront tenus mettre lesdicts registres par
chacun an par devers le greffe du prochain siège du bailli ou sénéschal royal, pour y estre
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fidèlement gardés et y avoir recours quand mestier et besoin sera […].
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La séance du Parlement de Paris, dite « séance de la flagellation », du 3 mars 1766
Lorsque le roi a été monté sur les hauts-sièges ... s'étant assis et couvert il a dit : «
J'entends que la présente séance ne tire pas à conséquence ... Messieurs, je suis venu moimême répondre à vos remontrances. Monsieur de Saint-Florentin s'étant approché du roi,
ayant mis un genou à terre, a pris des mains de S. M. la réponse, et ayant repris sa place,
l'a fait passer au sieur Joly de Fleury, ... qui en a fait la lecture ainsi qu'il suit : […]
Je ne souffrirai pas qu'il se forme en mon royaume une association qui ferait dégénérer
en une confédération de résistance le lien naturel des mêmes devoirs et des obligations
communes, ni qu'il s'introduise dans la Monarchie un corps imaginaire qui ne pourrait qu'en
troubler l'harmonie. La magistrature ne forme point un corps, ni un ordre séparé des trois
ordres du royaume ; les magistrats sont les officiers chargés de m'acquitter du devoir
vraiment royal de rendre la justice à ses sujets, fonction qui les attache à ma personne et qui
les rendra toujours recommandables à mes yeux.
Je connais l'importance de leurs services : c'est donc une illusion, qui ne tend qu'à
ébranler la confiance par de fausses alarmes, que d'imaginer un projet formé d'anéantir la
magistrature et de lui supposer des ennemis auprès du trône; ses seuls, ses vrais ennemis
sont ceux qui, dans son propre sein lui font tenir un langage opposé à ses principes ; qui lui
font dire que tous les parlements ne font qu'un seul et même corps, distribué en plusieurs
classes; que ce corps, nécessairement indivisible est de l'essence de la Monarchie et qu'il lui
sert de base ; qu'il est le siège, le tribunal, l'organe de la Nation ; qu'il est le protecteur et le
dépositaire essentiel de sa liberté, de ses intérêts, de ses droits; qu'il lui répond de ce dépôt,
et serait criminel envers elle s'il l'abandonnait ; qu'il est comptable de toutes les parties du
bien public, non seulement au roi, mais aussi à la Nation ; qu'il est juge entre le roi et son
peuple ; que, gardien respectif : il maintient l'équilibre du gouvernement, en réprimant
également l'excès de la liberté et l'abus de pouvoir ; que les parlements coopèrent avec la
puissance souveraine dans l'établissement des lois ; qu'ils peuvent quelquefois, par leur seul
effort s'affranchir d'une loi enregistrée et la regarder à juste titre comme non existante ; qu'ils
doivent opposer une barrière insurmontable aux décisions qu'ils attribuent à l'autorité
arbitraire et qu'ils appellent des actes illégaux, ainsi qu'aux ordres qu'ils prétendent surpris,
et que, s'il en résulte un combat d'autorité, il est de leur devoir d'abandonner leurs fonctions
et de se démettre de leurs offices, sans que leur démission puisse être reçue.
Entreprendre d'ériger en principes des vérités si pernicieuses, c'est faire injure à la
magistrature, démentir son institution, trahir ses intérêts, et méconnaître les véritables lois
fondamentales de l'État ; comme s'il était permis d'oublier que c'est en ma personne seule
que réside la puissance souveraine, dont le caractère propre est l'esprit de conseil, de
justice, de raison ; que c'est de moi seul que mes cours tiennent leur existence et leur
autorité ; que la plénitude de cette autorité, qu'elles n'exercent qu'en mon nom, demeure
toujours en moi, et que l'usage n'en peut jamais être tourné contre moi; que c'est à moi seul
qu'appartient le pouvoir législatif sans dépendance et sans partage ; que c'est par ma seule
autorité que les officiers de mes cours procèdent, non à la formation, mais à
l'enregistrement, à la publication, à l'exécution de la loi, et qu' il leur est permis de me
remontrer ce qui est du devoir de bons et utiles conseillers; que l'ordre public tout entier
émane de moi et les droits et les intérêts de la Nation, dont on ose faire un corps séparé du
monarque, sont nécessairement unis avec les miens et ne reposent qu'en mes mains.
Les remontrances seront toujours reçues favorablement quand elles ne respireront que
cette modération qui fait le caractère du magistrat et de la vérité, quand le secret en
conservera la décence et l'utilité, et quand cette voie si sagement établie ne se trouvera pas
travestie en libellés, où la soumission à ma volonté est présentée comme un crime ... ; mais,
si après que j'ai examiné, ces remontrances et qu'en connaissance de cause j'ai persisté
dans mes volontés, mes cours persévéraient dans le refus de s'y soumettre, au lieu
d'enregistrer du très exprès commandement du roi, formule usité pour exprimer le devoir de
l'obéissance, la confusion et l'anarchie prendraient la place de l'ordre légitime, et le
spectacle scandaleux d'une contradiction rivale de ma puissance souveraine me réduirait à
la triste nécessité d'employer tout le pouvoir que j'ai reçu de Dieu pour préserver mes
peuples des suites funestes de ces entremises…
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SÉANCE 9
L’État moderne
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Les attributs du pouvoir souverain
GUY COQUILLE, Institution au droit français
Le roi est monarque et n’a point de compagnon en sa majesté royale. Les honneurs
extérieurs peuvent être communiqués par les rois à leurs femmes, mais ce qui est de
majesté représentant sa puissance et dignité réside inséparablement en sa seule personne.
Aussi, en l’assemblée des États à Orléans, les gens du Tiers État n’estimèrent raisonnable
que le titre de majesté fut attribué à la reine, veuve et mère du roi […]. L’un des principaux
droits de la majesté et autorité du roi est de faire des lois et ordonnances générales pour la
police universelle de son royaume. Les lois et ordonnances des rois doivent être publiées et
vérifiées en parlement ou en autre cour souveraine, selon le sujet de l’affaire ; autrement les
sujets n’en sont liés ; et, quand la cour ajoute à l’acte de publication que ç’a été de l’exprès
mandement du roi, c’est une marque que la cour n’a pas trouvé l’édit raisonnable […].
L’autre chef de la majesté, autorité et dignité royale est d’interdire et commander la guerre
contre autres seigneurs souverains, qui est une forme de justice. Quand un seigneur
souverain refuse de faire raison à l’autre souverain, il est loisible de le contraindre à cette
raison par la force des armes […]. L’autre droit royal est le domaine de la couronne […].
C’est aussi droit royal l’investiture que tous les évêques nouvellement institués doivent
prendre du roi et lui prêtant serment de fidélité […]. L’autre droit de royauté est que le roi est
protecteur et conservateur des églises de son royaume, non pas pour y faire lois en ce qui
concerne le fait des consciences et la spiritualité, mais pour maintenir l’Église en ses droits
et anciennes libertés […]. Faire monnaie d’or et d’argent ou de métaux mêlés et alloyés est
aussi droit de royauté […]. Il y a une autre sorte de droit royal, qui consiste en octroi de
grâces et dispenses contre le droit commun, comme sont les légitimations des bâtards,
naturalisations des aubains et étrangers, anoblissement des roturiers, amortissements,
rémissions pour homicides, concessions de privilèges à villes, communautés et universités,
concessions de foires et marchés, concession de faire ville close avec forteresse et d’avoir
corps et communauté […]. L’autre grand droit royal est qu’au roi seul appartient de lever
deniers et espèces sur ses sujets.
Les “ Trois propositions ” de Bossuet
BOSSUET, Politique tirée des propres paroles de l’Écriture sainte, III
PREMIÈRE PROPOSITION : L’autorité royale est sacrée. — Dieu établit les rois comme ses ministres
et règne par eux sur les peuples. Nous avons déjà vu que toute puissance vient de Dieu. “ Le
prince, ajoute saint Paul, est ministre de Dieu pour le bien. Si vous faites mal, tremblez ; car ce
n’est pas en vain qu’il a le glaive : et il est ministre de Dieu, vengeur des mauvaises actions. ”
Les princes agissent donc comme ministres de Dieu et ses lieutenants sur la terre. C’est par eux
qu’il exerce son empire. “ Pensez-vous pouvoir résister au royaume du Seigneur, qu’il possède
par les enfants de David ? ” C’est pour cela que nous avons vu que le trône royal n’est pas le
trône d’un homme, mais le trône de Dieu même. […] Et enfin qu’on ne croit pas que cela soit
particulier au Israélites d’avoir des rois établis de Dieu, voici ce que dit l’Ecclésiastique : “ Dieu
donne à chaque peuple son gouverneur ; et Israël lui est manifestement réservé. ” Il gouverne
donc tous les peuples, et leur donne à tous leurs rois, quoiqu’il gouverne Israël d’une manière
plus particulière et plus déclarée. DEUXIÈME PROPOSITION : La personne des rois est sacrée. — Il
paraît de tout cela que la personne des rois est sacrée, et qu’attenter sur eux c’est un sacrilège.
Dieu les fait oindre par ses prophètes d’une onction sacrée, comme il fait oindre les pontifes et
ses autels. Mais même sans l’application extérieure de cette onction, ils sont sacrés par leur
charge, comme étant les représentants de la majesté, députés par la providence à l’exécution de
ses desseins […]. TROISIÈME PROPOSITION : On doit obéir au prince par principe de religion et de
conscience. — Saint Paul après avoir dit que le prince est le ministre de Dieu, conclut ainsi : “ Il
est donc nécessaire que vous lui soyez soumis non-seulement par la crainte de sa colère, mais
encore par l’obligation de votre conscience. ” C’est pourquoi “ il le faut servir, non à l’œil, comme
pour plaire aux hommes, mais avec bonne volonté, avec crainte, avec respect, et d’un cœur
sincère comme à Jésus Christ ” […]. C’est pourquoi saint Pierre dit : “ Soyez donc soumis pour
l’amour de Dieu à l’ordre qui est établi parmi les hommes : soyez soumis au roi comme à celui
qui a la puissance suprême, et à ceux à qui il donne son autorité comme étant envoyés
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de lui pour la louange, des bonnes actions, et la punition des mauvaises. ” Quand même ils
ne s’acquitteraient pas de ce devoir, il faut respecter en eux leur charge et leur ministère. “
Obéissez à vos maîtres, non seulement à ceux qui sont bons et modérés, mais encore à
ceux qui sont fâcheux et injustes. ” Il y a donc quelque chose de religieux dans le respect
qu’on rend au prince. Le service de Dieu et le respect pour les rois sont choses unies ; et
saint Pierre met ensemble ces deux devoirs : “ Craignez Dieu, honorez le roi. ” Aussi Dieu at-il mis dans les princes quelque chose de divin. “ J’ai dit : Vous êtes des dieux, et vous êtes
tous les enfants du Très-Haut. ” C’est Dieu même que David fait parler ainsi. De là vient que
les serviteurs de Dieu jurent par le salut et la vie du roi, comme par une chose divine et
sacrée. Urie parlant à David : “ Par votre salut et par la conservation de votre vie, je ne ferai
point cette chose… ” C’est donc l’esprit du christianisme de faire respecter les rois avec une
espèce de religion, que le même Tertullien appelle très bien “ la religion de la seconde
majesté ”. Cette seconde majesté n’est qu’un écoulement de la première ; c’est-à-dire de la
divine, qui pour le bien des choses humaine, a voulu faire rejaillir quelque partie de son éclat
sur les rois.
Jean BODIN, Les six livres de la République (1576)
I. – 1. La république est un droit gouvernement de plusieurs ménages et de ce qui leur est
commun, avec puissance souveraine […].- 9. La souveraineté est la puissance absolue et
perpétuelle d’une République […], elle n’a d’autre condition que la loi de Dieu et de la nature ne
commande. Il faut que ceux-là qui sont souverains ne soient aucunement sujets au
commandement d’autrui et qu’ils puissent donner loi aux sujets et casser ou anéantir les lois
inutiles pour en faire d’autres, ce que ne peut faire celui qui est sujet aux lois ou à ceux qui ont
commandement sur lui. C’est pourquoi la loi dit que le prince est absous de la puissance des lois
et ce mot de loi emporte aussi en latin le commandement de celui qui a la souveraineté […].
Aussi voyons-nous à la fin des édits et ordonnances ces mots : “ Car tel est notre plaisir ”, pour
faire entendre que les lois du prince souverain, ores qu’elles fussent fondées en bonnes et vives
raisons, néanmoins qu’elles ne dépendent que de sa pure et franche volonté […]. Quant aux lois
qui concernent l’état du royaume et l’établissement de celui-ci, d’autant qu’elles sont annexées et
unies avec la couronne, le Prince n’y peut déroger, comme est la Loi salique, et quoi qu’il fasse,
toujours le successeur peut casser ce qui aura été fait au préjudice des lois royales […]. - 11. La
première marque du prince souverain, c’est la puissance de donner loi à tous en général et à
chacun en particulier, qui est incommunicable aux sujets […]. Sous cette même puissance de
donner et casser la loi sont compris tous les autres droits et marques de souveraineté […],
comme décerner la guerre ou faire la paix, connaître en dernier ressort des jugements de tous
magistrats, instituer et destituer les plus grands officiers, imposer ou exempter les sujets de
charges et subsides, octroyer grâces et dispenses contre la rigueur des lois, hausser ou baisser
le titre, valeur et pied des monnaies
[…]. II. – 1. Puisque nous avons parlé de la souveraineté et des marques et droits de celleci, il faut voir en toute République ceux qui tiennent la souveraineté pour juger quel est
l’État
[…]. Il n’y a que trois États ou trois sortes de République, à savoir la monarchie, l’aristocratie
et la démocratie : la monarchie s’appelle quand un seul à la souveraineté […] et que le
reste du peuple n’y a que voir ; la démocratie ou l’état populaire, quand tout le peuple
ou la plupart de celui-ci en corps a la puissance souveraine ; l’aristocratie, quand la
moindre partie du peuple a la souveraineté en corps et donne loi au reste du peuple
[…]. - 2. Nous avons dit que la monarchie est une sorte de République en laquelle la
souveraineté absolue gît en un seul Prince […] ; toute monarchie est seigneuriale ou
royale ou tyrannique […]. La monarchie royale ou légitime est celle où les sujets
obéissent aux lois du monarque et le monarque aux lois de la nature, demeurant la
liberté naturelle et la propriété des biens aux sujets. La monarchie seigneuriale est celle
où le prince est fait seigneur des biens et des personnes par le droit des armes et de
bonne guerre, gouvernant ses sujets comme le père de famille ses esclaves. La
monarchie tyrannique est celle où le monarque, méprisant les lois de nature, abuse des
personnes libres comme d’esclaves et des biens des sujets comme des siens…
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