Thomas Gaon

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Thomas Gaon
Thomas Gaon
ITS Tours, novembre 2009
Publications
« Soigner des jeux vidéo » in Mauco O. (dir.), Quaderni
(« Jeu vidéo et discours»), n°67, Ed. Sapienta, automne 2008.
« Psychopathologie des jeux en ligne » in Sylvain
Missonnier (Dir.) Cliniques des technologies de l’information
et de la communication Carnet/PSY hors-série, novembre
2007.
Thomas GAON est psychologue clinicien diplômé en psychopathologie clinique (Paris
VII) et en ethnométhodologie (Paris VII). Il travaille en addictologie (Centre Littoral,
Villeneuve St Georges, 94). Ses recherches portent principalement sur les impacts psycho-sociaux des jeux vidéos en ligne. Il est co-fondateur de l’OMNSH (L’Observatoire
des Mondes Numériques en Sciences Humaines), une association à but scientifique
qui regroupe des chercheurs sur le domaine des mondes numériques.
« Des mondes numériques comme paradis artificiels »
in Franck Beau (Dir.) Culture d’univers FYP Editions, Paris,
2007.
« Je(u) vidéo » in Le sociographe, n°15, septembre 2004.
« Jeux vidéo : l’avenir d’une illusion », in Adolescence,
n°47, 2004.
L’addiction aux jeux vidéo
Première industrie du loisir devant le disque et le cinéma, le jeu vidéo s’est durablement implanté dans nos quotidiens.
La question de son implication dans la survenue de passages à l’acte violent doit être abordée sur le plan des faits réels,
relativisée en regard de la diversité des jeux vidéo, et surtout discutée en regard de la distinction entre la violence réelle et
sa représentation virtuelle. Si « nul ne peut être tué en effigie », la banalisation de scènes de meurtres, la vision de corps
souffrants et la jouissance proposée à l’agression virtuelle, ne participe t-elle pas à un abaissement dans l’ordre des valeurs,
du respect de l’intégrité de la personne et finalement de l’autre ? Ou bien, doit-on lire dans le succès des jeux violents,
l’advenue d’une forme de catharsis pour abréagir une agressivité naturelle réprimée par les exigences de la société ? En
d’autres termes, les jeux vidéo sont-ils des points de fixation pour les perversions ou au contraire des points d’appuis pour
les processus de subjectivation et les phénomènes transitionnels ? De même, le développement d’une société de communication numérique où l’individu se présente sous des identités multiples, allant du pseudo aux avatars, participe-t-il à la
constitution d’un monde réifié où l’éthique s’effrite sous l’impunité de l’anonymat ? Sans partis pris, mais avec le souci de
mettre en perspectives les faits cliniques avec les théorisations émergentes en cyberpsychologie, les communications présentées au symposium tenteront de tracer des perspectives pour nous aide à penser la question de la violence.
http://www.socialmediatoday.com/fra/129074
Quelques questions à Thomas Gaon, extraites du Forum «Les jeux vidéo» - 3 août 2007
Les jeux vidéos rendent-ils violents ? (voir le film
« Elephant »)
Réponse : « Elephant » explore les pistes qui auraient pu
mener deux jeunes américains à perpétrer le massacre
de Columbine. Le jeu vidéo n’y occupe qu’un plan de
quelques secondes. Il est avéré que Harris et Klebold
étaient psychiquement très perturbés (l’un d’entre eux avait
interrompu son traitement psychiatrique). Le jeu DOOM
modifié à l’image de leur lycée avait en fait servi à planifier
leur attaque bien mieux qu’un plan sur papier. Il n’y a
aucune étude scientifique sérieuse qui indiquerait un lien
de causalité directe entre la pratique du jeu vidéo à contenu
violent et des actes de violences anormaux. Le jeu vidéo est
utilisé comme bouc émissaire pour expliquer la violence
des jeunes et éviter de poser les vrais questions sur la société
elle-même et le malaise de sa jeunesse. La violence, qui
n’est pas l’agressivité, est par ailleurs contenue dans des
ouvrages culturels comme les films et la littérature.
Pourquoi perd-on la notion du temps quand on est devant
un ordinateur ?
Réponse : Cela est dû au dispositif interactif qui mêle activité
et passivité d’une part, et d’autre part à l’immersion dans
l’histoire qui se déroule où le sujet est acteur. On atteint
un état de conscience (appelé fluence, « flow » en anglais)
qui est centré sur l’environnement ludique et néglige les
références extérieures tel que le temps. L’immersion est
nécessaire autant que corrélative à la pratique du jeu
vidéo.
Combien de temps un enfant peut passer devant un jeu
vidéo entre 6 et 8 ans et après ?
Réponse : Un mineur ne devrait jamais passer plus de
temps que ce qui est raisonnable en fonction de son âge.
C’est un temps de jeu et à ce titre il ne doit pas empiéter
sur d’autres priorités (repas, sommeil, obligations).
Jouer seul, en continu sur des temps long et ne
jouer qu’au jeu vidéo ne permet pas une diversité
enrichissante et surtout le partage avec d’autres
copains. A 6 ou 8 ans, une à deux heures par jour
me paraît un bon temps. A l’adolescence cela
peut devenir une passion mais il faut veiller
à ce qu’elle n’isole pas de ses copains.
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Page Par contre c’est normal
que cela l’isole de ses parents, il
en a besoin.
On préfére voir nos enfants et adolescents
devant des jeux vidéos que de trainer dehors puis
on s’inquiéte de les voir ne plus avoir de vie sociale
et se couper du monde sans paraître malheureux.
Qu’en pensez vous ?
Réponse : Les mondes virtuels ont remplacés les
terrains vagues d’antan. C’est une très bonne analyse du
dilemne des parents face au jeu vidéo à l’adolescence.
L’angoisse des parents est difficilement supportable
pour les ados qui ont déjà les leurs. A trop protéger les
adolescents qui ne sont plus totalement des enfants, ils
ne savent plus se défendre et trouve dans le jeu vidéo ou
leur chambre un refuge. La solution réside dans le groupe
de copains, il faut qu’il aie des pairs et qu’il sorte, joue,
découvre avec eux. En tant que parents on ne peut plus tout
contrôler, il faut laisser à l’adolescent certaines initiatives,
lui faire confiance pour qu’il se fasse confiance. Arrêter de
voir le mal partout également car quand l’environnement
est hostile on se replie.
Croyez vous que les jeux vidéo soient une entrave au
développement psychologique et affectif d’un jeune ?
Réponse : Loin de là, le jeu vidéo est une activité ludique
comme les autres avec des qualités cognitives, culturelles
et sociales. L’important réside dans l’utilisation de cette
activité. Si elle est partagée avec d’autres et prend place
parmi d’autres activités, c’est bénéfiques. Pour information,
jouer au jeu vidéo pour les adolescents, c’est aujourd’hui la
norme (75% y jouent régulièrement).
Peut-on se réjouir que quand le jeune n’a plus aucune
motivation, il reste celle là ?
Réponse : Non. Quand il n’y a plus de motivation pour
aucune autre chose (sortir, copains, études, activités) c’est
que l’adolescent ne croit plus en lui du tout, qu’il est tout
juste bon à jouer au jeu vidéo. Il faut le rassurer et qu’il ne
s’enferme pas là-dedans.
Qu’est-ce qui est mieux la télévision ou les jeux vidéos ?
Réponse : La télévision est socialement légitime et
partageable avec le plus grand nombre. Le jeu vidéo est
une culture qui appartient aux joueurs et qui est encore
stigmatisé. Il n’y a pas de mieux. Ces deux loisirs apportent
des plaisirs différents qui dépendent de la personne et de
son entourage. Le temps du jeu vidéo est généralement pris
sur celui de la télévision.
Rentrons nous dans une société virtuelle entre télévision
et jeux vidéos fuyant toutes aventures relationnelles et
affectives et toute convivialité ?
Réponse : Cela dépend si on se sert de l’écran pour se
protéger des autres ou pour partager son contenu. Une
société individualiste offre des moyens à ses membres pour
continuer à vivre.
Quels sont les cotés positifs des jeux vidéos ?
Réponse : Le développement des capacités cognitives
(gestion de tâches en parrallèle, rapidité de réflexion,
gestion de l’imprévu, mémorisation, représentation spatiale
en 3D, la déduction, etc.), la compétitivité, la collaboration,
le partage d’une culture avec d’autres personnes et donc le
lien social.
Quels sont les cotés négatifs des jeux vidéos ?
Réponse : Le jeu vidéo permet sans être la cause, un isolement,
un refuge de la relation à l’autre. Comme toute chose, s’il
n’y a que cela comme activité c’est appauvrissant.
Comment lutter contre une addiction aux jeux vidéos ?
Réponse : En l’identifiant précisément tout d’abord. Une
addiction est extrêmement rare, il s’agit plus souvent de jeu
excessif qui permet au sujet de tout bloquer dans sa vie. S’il
n’y a plus rien d’autre que le jeu alors on peut légitimement
s’inquiéter. Il faut d’abord parler d’autres choses que le jeu,
des choses plus importantes. Comment va-t-il ? Qu’est-ce
qui ne va pas ? S’est-il passé quelque chose au collège,
au travail ? Si cela ne bouge pas ou qu’est mis en péril la
scolarité, des relations importantes ou toutes les autres
activités, il faut consulter un psychologue en libéral ou dans
un centre d’addictologie qui connaît ce type de conduite.
La lutte contre l’addiction implique -t-elle une abstinence
totale sous peine de rechuter ?
Réponse : Cela dépend des raisons de l’usage excessif de
jeu vidéo. Une abstinence vient toujours du sujet sinon on
parle de sevrage imposé. L’important est d’aborder ce qu’il
y a derrière l’usage excessif de jeu vidéo. Tant que cela n’est
pas traité la rechute est possible.
Quelle évolution des jeux vidéos au détriment des autres
loisirs ?
Réponse : Le jeu vidéo va incorporer d’autres loisirs ou
activités en les rendant interactives, simulées par la machine
pour ne plus dépendre d’un professeur ou d’un groupe.
Par exemple on voit le karaoké, le sport, la danse, les
langues, le sudoku, les jeux de société et d’autres activités.
Mais le jeu vidéo a ses limites il n’est pas aussi excitant et
sensoriel que des loisirs pour de vrai. Le jeu vidéo ne va pas
tout remplacer.
Beaucoup de préjugés entourent les jeux vidéos... (violence,
addiction...). N’est ce pas comme toutes les bonnes
choses : il faut savoir consommer avec modération, chacun
responsable de son comportement ?
Réponse : Oui en grande partie, mais les enfants ne sont
pas toujours très responsables... et pour être responsable il
faut connaître de quoi on parle. « L’autorité » par exemple
est lié à « l’auteur » comme l’auteur d’un discours. Il faut
donc connaître les mots et le discours pour discuter avec
un joueur.
Est ce que certain jeux sont étudiés pour créer la
dépendance, selon quels mécanismes ?
Réponse : Certains jeux sont en effet dits addictogènes ou
addictifs tels que les jeux de rôle en ligne.
Pour les mécanismes se reporter à mon article dans
« Culture d’univers », FYP editions.
A partir de quand considère-t-on que le fait de jouer
est pathologique ?
Réponse : Quand jouer est plus important que tout
le reste.
Pouvez vous parler du jeu vidéo comme d’une
nouvelle addiction ?
Réponse : L’addiction véritable est trop rare
pour qu’on en parle autant et ce terme
déresponsabilise le sujet. C’est pas
moi, c’est le jeu. Or le
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Page jeu n’est pas une drogue.
Trop de cas de jeu excessif sont
considéré comme des addictions.
De plus en plus d’adultes jouent aux jeux
vidéos !
Réponse : Les médias se font l’écho des pratiques
qui posent des problèmes et qui touchent des
populations fragiles. Aujourd’hui c’est les adolescents et
les jeux vidéo. Les adultes ont aussi des problèmes mais
on en parle pas, c’est vrai. Pour exemple, comparez le
nombre reportage consacré à l’alcoolisme et ceux consacré
à la dépendance au jeu vidéo puis demandez-vous lequel
concerne le plus de personnes.
« Le jeu vidéo, paradis artificiel», Thomas Gaon
Pour Thomas Gaon, psychologue, on parle de dépendance lorsque le jeu prend le pas sur l’environnement du joueur.
Beaucoup de mythes circulent autour des jeux vidéo. Pour certains, ils coupent le jeune de la société, pour d’autres
ils favorisent la violence des sujets. Autant de préjugés à démonter. « C’est trop facile de dire que les jeux violents sont la
cause des comportements déviants des jeunes. Trop souvent, on fait des jeux des boucs émissaires » explique Thomas Gaon,
psychologue. Pas de chiffre, aucune étude quantitative, difficile de déterminer quelle proportion de la population souffre de
dépendance.
On sait tout du moins que les 15-25 ans sont plus susceptibles d’être accrocs aux jeux multi-joueurs, genre World of
Warcraft. « Cela s’explique par le fait que ce jeu donne un sentiment de puissance, d’autonomie. C’est une sorte de refuge,
de paradis, car dans ce monde, aucune injustice ni représaille, au contraire, les joueurs sont récompensés ! World of Warcraft
repose sur un imaginaire et des fantasmes que développe en particulier l’adolescent ».
Et si la dépendance aux jeux vidéos touche plus particulièrement les jeunes, c’est en raison des failles qu’ils peuvent présenter
à un certain moment de leur vie. Pour Thomas Gaon, tout est question de personnalité : « pour devenir dépendant, il faut présenter une faille, comme une personnalité instable, un problème d’estime de soi, de manque d’assurance et de dépendance ».
Et lorsque le jeu prend le pas sur le reste, une intervention extérieure pourra permettre au jeune de décrocher : « la famille
intervient souvent, explique Thomas Gaon. L’objectif est que le jeune ne trouve plus une solution à ses problèmes dans le jeu,
mais qu’au contraire, il exprime clairement ses problèmes ». Avis aux parents, rien ne sert de résilier la ligne internet, mieux vaut
privilégier la crise d’adolescence.
http://blog.autrans.net/2007/index.php/2007/01/12/85-le-jeu-video-paradis-artificiel
« Second Life : un monde à prendre au second degré », interview de Thomas Gaon
Faut-il avoir peur de Second Life ? Non,
répond Thomas Gaon, psychologue
clinicien en addictologie. Cela reste
avant tout un jeu. Explications.
Vous avez sûrement entendu parler de Second Life, ce jeu vidéo
virtuel qui vous permet d’avoir une seconde vie en créant un avatar et d’évoluer dans un monde virtuel. Mais cela est-il sans danger ? N’est-on pas tenté, à un moment ou à un autre, de préférer cet
univers virtuel à notre monde bien réel ? Les réponses de Thomas
Gaon, spécialiste des jeux vidéo à l’Observatoire des mondes numériques en sciences humaines.
Pourquoi le concept de seconde vie est-il tellement attractif ?
Thomas Gaon : L’idée d’avoir une autre vie que la nôtre, d’être
quelqu’un d’autre dans un autre espace-temps, existe depuis le début de l’humanité. C’est le fondement des récits dans notre culture.
Qui ne s’est pas imaginé être un des héros des récits mythologiques,
le personnage principal d’un roman ou du dernier film que l’on a vu ?
Second Life, comme d’autre jeux vidéo, repose sur le même désir profondément humain d’échapper à sa simple condition mortelle et banale. Mais ce nouveau médium diffère car, d’une part, il est virtuel et,
d’autre part, il est interactif. On n’est pas simplement dans l’imaginaire (dans la tête) puisque c’est visible à l’écran, et on n’est pas non plus
dans le réel car ce n’est pas corporel (dans la chair) ni reconnu légalement (dans la loi). L’interactivité ajoute la dimension active à l’internaute qui modifie la matière virtuelle, preuve illusoire et vivace de son
action sur le monde, numérique rappelons-le. (…)
Cette notion de seconde vie traduit-elle un échec de la vie “
réelle ” ?
ce point de vue, comme avec tous les espaces de loisirs, il faut considérer les mondes numériques comme des espaces compensatoires. Au
regard de l’activité des gens dans Second Life comme dans d’autres simulations, cela s’inscrit plus précisément là où notre société ne donne
pas les moyens à tous ses membres d’accomplir ce qu’elle leur ordonne.
Notre société nous vend plus de rêves et d’images de nous que ce que
nous ne pouvons nous offrir ou réaliser. Dans Second Life, on achète
et accomplit des choses virtuellement.
Ce monde virtuel est-il régi par les mêmes normes que notre
monde réel ?
T. G. : En réalité, beaucoup de normes dans Second Life sont les
mêmes que dans la vie réelle, soit parce que l’éditeur y est contraint juridiquement (propos racistes, discriminations, etc.) ou du point de vue
du gameplay (pas de meurtre, pas de vol ou de possibilités de contraindre d’autres personnages, etc.) soit parce que les joueurs eux-mêmes
transposent et/ou attendent des normes sociales existant parfois davantage dans ces espaces virtuels que dans la réalité sociale actuelle.
Est-il possible alors pour certaines personnes de confondre
vie réelle et vie virtuelle ?
T. G. : Second Life vise à une hybridation, une similitude parallèle entre ces deux régimes notamment sur les normes donc il
n’y a pas trop de risques. L’existence de dérives et de transgressions
au sein de Second Life montre qu’il est habité par des humains
et non par des anges, et donc qu’il ne s’agit pas d’un paradis. Il
faut “ désidéaliser ” les mondes numériques, ils ne sont ni pires
ni meilleurs que le monde réel, cela dépend de notre vie de référence. Au moins notre corps ne risque rien et on ne risque
pas de finir en prison pour avoir mis en scène des fantasmes… pour l’instant !
Propos recueillis par Farida Nouar
T. G. : Outre la pauvreté imaginaire initiale due à l’intention commerciale, qui est à la base de Second Life, il vaut mieux considérer ce http://www.restonsenforme.com/20080603/sejeu comme un nouvel espace médiatique où chacun va pouvoir se met- cond-life/
tre en scène et/ou tenter des choses impossibles dans la vie réelle. De
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Page Des jeux violents aux jeux de formation,
de l’addiction à la thérapie.
Notes prises lors de la conférence-débat du 11 janvier 2007 à Autrans
Remarquons tout d’abord que les jeux vidéos
sont, depuis les débuts de l’humanité, le premier
exemple de source d’angoisse pour la société qui
vient par les plus jeunes et non par les adultes. Par
ailleurs, ils ne sont pour la plupart que la transposition
sur écran d’anciens jeux plus ou moins acceptés
et tolérés. Aujourd’hui, la « guerre des boutons » se
jouerait sur Internet.
La société les accepte comme support d’apprentissages [1]
mais guère plus, alors que, dans toute société, le jeu est
en lui-même une fin en soi pour repousser les limites que
celle-ci impose à ses membres. Le but d’un jeu vidéo est,
pour le joueur, de retrouver l’omnipotence de l’enfant,
dans une société qui impose des frustrations de plus en plus
grandes à chacun.
Les parents ont une attitude paradoxale avec les jeux vidéos :
ils sont contents de savoir où sont leurs enfants (dans leur
chambre) mais pas avec qui ils sont (par exemple, avec qui
et sur quels jeux ils jouent en réseau).
Un jeu vidéo n’est pas en lui-même générateur de violence
physique. La question des jeux comme déclencheurs
de violence ne revient qu’à l’occasion d’événements
exceptionnels comme la tuerie dans l’école de Colombine
aux Etats-Unis. Le jeu vidéo devient alors le bouc émissaire
pour certains, comme le rock hier. Mais aucune étude n’a
prouvé que le jeu vidéo générait de la violence. Par contre,
il est évident que des gens violents par nature ont tendance
à consommer des jeux vidéos violents.
Reste que l’environnement réel a plus d’importance sur
l’agressivité d’un joueur que le monde virtuel.
Le risque de la dépendance
Le problème de la dépendance aux jeux vidéos ne se pose
qu’avec les jeux MMOGS, les jeux en réseau massivement
multi-joueurs (Massively Multiplayer Online Games).
On ne peut devenir dépendant d’un jeu qui ne réunit
pas les caractéristiques des MMOGS, quelque violent ou
prenant qu’il soit. On ne devient pas dépendant à Counter
Strike. Les MMOGS possèdent de par certaines de leurs
caractéristiques (voir l’article Quelle influence ont les jeux
vidéo sur le comportement des jeunes ?) un pouvoir de
rendre dépendants certains joueurs.
Encore faut-il que des conditions soient simultanément
remplies.
La dépendance est une rencontre entre :
l un sujet fragile (mauvaise estime de soi, histoire
personnelle difficile, etc.),
l un jeu qui rassemble les caractéristiques des MMOGS
évoquées ci-dessus (univers persistant…),
l et le moment de la rencontre, situé au milieu d’une
période difficile pour le joueur (…). Le moment de la
rencontre doit aussi correspondre à une date de sortie du
jeu assez récente : on ne devient pas dépendant d’un jeu
sorti il y a plus de 3 ans.
Lorsque les trois dimensions de cette rencontre sont réunies,
la dépendance peut surgir.
Cela signifie que le sujet perd sa liberté de s’abstenir, tout
comme dans les jeux d’argent. Il commence à perdre ses
amis, à perdre pied dans ses études, etc., et se retrouve seul
dans cette dépendance. Le jeu vidéo n’est plus un plaisir, il
devient un besoin.
La dépendance n’est pas une maladie ; c’est une défense
contre la réalité extérieure ou intérieure que vit le sujet dans
la période difficile qu’il traverse.
On estime ainsi qu’entre 2 et 5% des joueurs subissent une
dépendance aux jeux vidéo.
[1] Parmi lesquels on peut citer la gestion de l’espace, la mémorisation, l’anticipation, la programmation des tâches, l’adaptabilité, la rapidité motrice, des compétences sociales pour créer et gérer un groupe…
D’où le développement impressionnant des «serious games», ces jeux vidéo destinés à développer des compétences professionnelles.
À lire
Jeu vidéo et discours. Violence, addiction, régulation
Quaderni, n°67/automne 2008, MSH-Sapientia
Thomas Gaon et Michael Stora
Soigner des jeux vidéo / soigner par les jeux vidéo
La problématique de l’addiction aux jeux vidéo pose la question de leurs effets
performatifs. La notion d’addiction, ici fortement critiquée, se révèle être avant
tout un enjeu doctrinal pour la psychologie clinique, Cette généalogie détaillée
du concept remet en cause la notion même d’addiction et privilégie un usage
excessif d’un genre particulier de jeux, les jeux de rôle massivement multijoueurs. Ces deux regards croisés sur les jeux vidéo révèlent ainsi la dimension
transitionnelle de ces jeux vidéo dès lors qu’ils sont investis par le joueur.
L’usage thérapeutique du jeu vidéo, offre un contre-point intéressant sur la
capacité de ces jeux à permettre l’expression d’angoisses chez les plus
jeunes. Au final, cette perspective psychanalytique remet en cause le
déterminisme technologique en privilégiant la pluralité des usages.
http://www.gameinsociety.com/tag/thomas%20gaon
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