Intelligences multiples

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Intelligences multiples
LES INTELLIGENCES MULTIPLES, UNE THÉORIE APPLICABLE EN SOINS
INFIRMIERS
Par Margot Phaneuf
Depuis un certain temps, nous entendons parler d’une théorie qui bouleverse nos
conceptions de l’intelligence humaine et de la manière de la mesurer. Nos tests habituels
de Q.I., tels que développés par Binet et Simon, il y a déjà de nombreuses années, traitent
surtout de la résolution de problèmes logiques et mathématiques, de l'expression orale et
de la vitesse de traitement des diverses données, ne mesurant ainsi que quelques aspects
très limités. Depuis les travaux d’Howard Gardner, psychologue cognitiviste et
« développementaliste » américain, qui enseigne en éducation à l'Université Harvard, il
est maintenant accepté que l’intelligence humaine est beaucoup plus complexe et qu’elle
recèle des formes d'intelligence auxquelles nous recourons peu en soins infirmiers.
Il faut réaliser que la plupart des gens possèdent à divers degrés toutes les formes
d’intelligence que décrit Gardner. Mais chaque individu démontre des traits distinctifs
personnels et exerce pour les utiliser, une combinatoire qui lui est propre. Cela nous
explique pourquoi de nombreux étudiants ne réussissent pas à mobiliser les formes
d’intelligence nécessaires pour faire les apprentissages que nous leur proposons. Ils ne
peuvent pas correspondre à des exigences non adaptées à leurs capacités intellectuelles
parce que nous recourons trop souvent à des formes liées à la théorie, à la déduction, où
domine l’abstraction. Il en résulte que ces étudiants développent une image négative
Les diverses formes d’intelligence
V. linguistique
Existentielle
L. mathématique
Intrapersonnelle
Naturaliste
Interpersonnelle
Musicale
kinesthésique
Spatiale
Selon Howard Gardner
d’eux-mêmes et ne réussissent jamais à exploiter toutes leurs potentialités. Comme le
montre le dessin qui précède, les formes d’intelligence que décrit Gardner sont
nombreuses et variées. Ce sont :
L’intelligence verbale linguistique qui sert à la communication
verbale et écrite et à la lecture. C’est elle qui permet d’articuler la
pensée et de développer des opinions. C’est la forme d’intelligence qui
est utile aux communicateurs, aux journalistes, aux
vendeurs. C’est aussi celle qui sert à l’enseignement
de la discipline des soins infirmiers et à
l’enseignement au client. Nos formations traditionnelles mettent
l’accent sur cette forme d’intelligence en visant l’écrit. Mais elles
n’insistent pas toujours assez sur les aspects verbaux si importants
en soins infirmiers. La communication chaleureuse et fonctionnelle est pourtant un
élément-clé des soins et devient essentielle à la réalisation de la relation
d’aide.
L’intelligence logico-mathématique qui préside à notre capacité
de mesure, de calcul, de résolution de problèmes et d’utilisation de
l’informatique. C’est celle qui caractérise les savants des sciences et des
mathématiques, de même que les comptables. En soins infirmiers, elle
permet de résoudre des difficultés complexes, d’élaborer des plans de soins, de faire des
évaluations de la qualité des soins, de confectionner des grilles diverses, d’effectuer des
mesures en pharmacologie et de comprendre les sciences des disciplines contributives
telles que la biologie, la physique et la chimie.
L’intelligence intrapersonnelle qui nous permet de penser à ce
que nous sommes, de nous connaître, de réaliser notre identité
personnelle. Elle alimente notre réflexion et nous oriente vers
l’introspection, la méditation, le questionnement et la quête spirituelle.
C’est elle qui nous permet d’exercer une habileté précieuse en
éducation et en soins infirmiers, la métacognition qui favorise le retour
sur son agir pour juger de sa pertinence et apporter les correctifs
voulus. Elle se rencontre souvent chez des personnes
individualistes et autonomes.
L’intelligence interpersonnelle qui nous permet
d’accorder notre pensée à celle de l’autre, de comprendre
ce qu’il vit, de saisir ses besoins et de faire comprendre les
nôtres, de partager des idées, de collaborer, d’apporter
notre aide aux autres, d’en prendre soin. C’est donc une
forme d’intelligence importante en soins infirmiers
puisqu’elle nous permet d’écouter le malade, de travailler en équipe avec les autres
professionnels, de nous occuper des familles de résoudre des conflits, d’organiser des
activités et d’exercer un leadership et une responsabilité de direction à divers niveaux.
L’intelligence spatiale est basée sur le visuel et elle est caractérisée par une forte
imagination. Elle nous confère l’aptitude à percevoir les images
extérieures ou mentales, à penser et à recréer le monde visible. Elle
est responsable des arts visuels, mais aussi de notre capacité
d’orientation et de créativité sous toutes ses formes. C’est le type
d’intelligence qui domine chez les artistes et chez de nombreuses
personnes qui travaillent de leurs mains pour créer des formes
utiles ou esthétiques, des représentations dans l’espace. On la
retrouve chez les architectes, les ingénieurs, les publicistes, les
cinéastes, etc. En soins infirmiers cette forme d’intelligence n’est pas superflue, elle
permet à l’infirmière de créer un environnement harmonieux et agréable pour le malade.
C’est aussi elle qui favorise l’exercice créatif de la démarche de soins.
.
C’est l’intelligence du
L’intelligence kinesthésique
corps qui nous aide à contrôler les
mouvements qui sont à la
base de notre motricité globale et
fine, de notre habilité à
manipuler les objets. C’est elle qui
nous permet de réaliser, de
penser nos sensations corporelles,
en somme, d’incorporer la
pensée au mouvement, à la danse,
au sport, aux techniques.
C’est le type d’intelligence de l’athlète, de l’artisan, de l’ingénieur. En soins infirmiers,
elle permet de penser les gestes de soins, d’en mesurer la force d’en faciliter la dextérité.
L’intelligence musicale qui sert à percevoir et à apprécier les sons, à penser les
rythmes et les mélodies, à porter attention à l'harmonie d'un ensemble, à
respecter la cadence des sons et des mouvements. En soins infirmiers,
elle facilite l’ajustement de la douceur et de la modulation de la voix
aux nécessités des soins et aux circonstances psychologiques de la
situation.
L’intelligence naturaliste est la dernière que
Gardner ait définie. Comme son nom le dit, elle nous tourne vers les
valeurs et les sensations procurées par la nature, nous oriente vers la
connaissance de la faune, de la flore, des sciences de la terre en
général. Elle nous permet aussi de développer des capacités
d’organisation, de sélection, d’ordonnancement, de mettre les choses en ordre, de faire
dés énumérations, des collections, de jardiner, de décorer et de procéder
à des recherches scientifiques. En soins infirmiers, elle nous est utile
pour aider le malade à revenir aux sources, à s’orienter vers des
habitudes de vie et d’alimentation plus saines et vers des approches de
détente pour s’épanouir.
L’intelligence existentielle Howard Gardner travaille maintenant à
l’identification d’une neuvième forme d’intelligence, plus globale qui concerne le sens de
la vie. Elle utilise plusieurs des autres formes afin d’amener la personne à faire la
synthèse de ses multiples capacités et à les mettre à l’oeuvre en synergie. Selon cet
auteur, elle contrôlerait les autres formes d’intelligence et leur conférerait même un sens
éthique et métacognitif. Les travaux sur cette dernière forme, sont encore en cours.
Jacques Languirand dans son émission Par quatre chemins disait
en substance « que la théorie des intelligences multiples fait
appel à toutes les aptitudes humaines, qu’elle peut donc
s’appliquer à tous les métiers et à toutes les professions. En
plaçant tout le monde sur un même pied d’égalité, elle permet à
chacun de nous d’être un gagnant ». Ce but, l’éducation pourrait
le faire sien, car le développement de ces types d’intelligence
peut être favorisé par les stratégies pédagogiques mises en place dans un enseignement.
Ce qui fait appel à une pédagogie dynamique, plus diversifiée et adaptée aux diverses
formes d’intelligence, avec un accent sur la coopération.
Notre programme provincial de soins infirmiers structuré par compétences correspond
bien à cette diversification. Puisqu’une compétence requiert pour s’appliquer de se situer
dans l’action, en cumulant des savoirs, des attitudes, des valeurs, des comportements, des
engagements. Comme nous l’avons vu, la personne intelligente n’est pas uniquement
celle qui a appris des éléments théoriques ou techniques, mais bien, celle qui sait écouter,
penser, ressentir, décider et agir avec habileté et pertinence.
Bibliographie
Amstrong, Thomas, Sept façons d’être plus intelligent, Collection J’ai lu. 1996.
Languirand, Jacques. Émission « Par quatre chemins, 6 octobre 1996, Radio Canada.
Gardner, Howard, Les personnalités exceptionnelles : Mozart, Freud, Gandhi et les autres,
Éditions Odile Jacob, 1999.
http://www.infed.org/thinkers/gardner.htm