La contamination chimique : Quel risque en estuaire de Seine ?

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La contamination chimique : Quel risque en estuaire de Seine ?
Préfecture de Région Haute-Normandie
Pôle Environnement et Développement Durable
Financements : Etat français – Europe
Réalisation : GIP Seine-Aval
LA CONTAMINATION CHIMIQUE
:
QUEL RISQUE EN ESTUAIRE DE SEINE
– Fiche substance :
Poly Bromo Diphényles Ethers (PBDE) –
PentaBDE, OctaBDE, DecaBDE
Malika LACHAMBRE & Cédric FISSON
Avril 2007
?
La contamination chimique : Quel risque en estuaire de Seine ?
Fiche substance : PBDE
DONNEES GENERALES
Identification
La famille des Poly Bromo Diphényles Ethers (PBDE) regroupe toutes les molécules
possédant une structure identique d’oxyde de bisphényle, mais dont le nombre d’atomes de
brome substitués diffère (n = 1-10 ; Tableau 1). Ils sont généralement synthétisés sous forme
de mélanges plus ou moins riches en brome. Il existe trois principaux PBDE commerciaux :
• Le pentaBDE, qui contient principalement des PBDE à 4, 5 et 6 atomes de brome ;
• L’octaBDE, qui contient principalement des PBDE à 7, 8 et 9 atomes de brome ;
• Le decaBDE, qui contient des PBDE à 9 et 10 atomes de brome [Brignon, 2005 –
PentaBDE].
Chacun de ces mélanges tire son nom du PBDE majoritaire qu’il contient. Du fait de leur
commercialisation, les penta, octa et decaBDE sont les principaux PBDE étudiés quant à leurs
propriétés physico-chimiques et leur devenir environnemental et sanitaire. La présente fiche
se concentrera donc sur ces trois composés.
Substance
monobromodiphényléther
N° CAS
101-55-3
N° EINECS
202-952-4
Formule brute
C12H9BrO
dibromodiphényléther
2050-47-7
218-090-7
C12H8Br2O
tribromodiphényléther
49690-94-0
256-431-1
C12H7Br3O
tétrabromodiphényléther
40088-47-9
254-787-2
C12H6Br4O
pentabromodiphényléther
32534-81-9
251-084-2
C12H5Br5O
hexabromodiphényléther
36483-60-0
253-058-6
C12H4Br6O
heptabromodiphényléther
68928-80-3
273-031-2
C12H3Br7O
octabromodiphényléther
32536-52-0
251-087-9
C12H2Br8O
nonabromodiphényléther
63936-56-1
264-565-7
décabromodiphényléther
1163-19-5
214-604-9
C12HBr9O
C12Br10O
Monobromodiphényléther
Tableau 1 :
Présentation des différents
PBDE selon leur degré de
substitution.
Dibromodiphényléther
Decabromodiphényléther
Figure 1 : Formules développées de quelques PBDE
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Fiche substance : PBDE
La figure 1 présente les formules développées des mono, di et decaBDE. Les PBDE tri, tetra,
penta, hexa, hepta, octa et nona substitués existent sous plusieurs isomères (différentes
positions possibles des atomes de brome). 209 composés différents de PBDE peuvent exister
(numérotés de 1 à 209 par nombre croissant d’atomes de brome).
Listes prioritaires
Substance
monoBDE
diBDE
triBDE
tetraBDE
pentaBDE
hexaBDE
heptaBDE
octaBDE
nonaBDE
decaBDE
Règlement Convention
793/93/CEE
OSPAR
prioritaire
X
prioritaire
X
prioritaire
X
prioritaire
X
dangereuse prioritaire
liste 2
X
prioritaire
X
prioritaire
X
prioritaire
liste 1
X
prioritaire
X
prioritaire
liste 1
X
DCE 2000/60/CE
Tableau 2 :
Appartenance des PBDE aux listes
de substances prioritaires de la
DCE, du règlement sur l’évaluation
des substances existantes et de la
convention OSPAR
Production/utilisation
En 2002, la production mondiale était estimée entre 40 000 et 65 000 t/an, dont 75-80 % de
decaBDE, environ 15 % d’octaBDE et environ 10 % de pentaBDE.
Du fait de la réglementation (Cf. Mesures de réduction des rejets p.6), les PBDE ne sont plus
produits en France et en Europe. En 2002, la consommation de decaBDE en Europe était
estimée à 8200 t/an (importations). Du fait de l’interdiction de mise sur le marché de
l’octaBDE et du pentaBDE (mélanges les plus toxiques) à partir du 1er juillet 2006, il est
possible que l’utilisation du decaBDE progresse [Brignon et al., 2006 – DecaBDE].
Les PBDE sont des retardateurs de flamme, qui sont mélangés physiquement aux matériaux à
ignifuger. Ils sont donc susceptibles de diffuser des matériaux vers l’environnement. Le
decaBDE est principalement utilisé combiné à des polymères (85 %, principalement des
polystyrènes) dans les téléviseurs et autres équipements électriques et électroniques. Les 15 %
restant sont intégrés aux textiles ignifugés (moquettes, meubles, tapisseries), mais pas dans les
vêtements [Brignon et al., 2006 – DecaBDE].
Propriétés physico-chimiques
Poids
Substance Moléculaire
(g/mol)
Solubilité (mg/l)
pentaBDE
564,69
13,3.10
octaBDE
801,38
0,5.10
959,2
T1/2
LogKow
Koc (l/kg)
*
0,12 - 0,36
6,46 - 7,4
5,57.10
*
7,6.10 - 10,6
-3
6,29 - 8,9
1,36.10
6,27 - 9,97
1,51.10
-3
-7
decaBDE
-3
Kh (Pa.m3/mol)
-3
6,8.10 - 0,1.10
à 25°C
(1,21 - 4,51).10
-3
BCF
Photolyse
Biodégradation
Possible
négligeable
Poissons : < 4
Existe
négligeable
faible potentiel de
bioaccumulation
Existe
négligeable
5
Poissons : 14350*
6
5
* pour le produit commercial (mélange)
Tableau 3 : Propriétés physico-chimiques des PBDE étudiés. Sources : INERIS, 2004 – PentaBDE ;
INERIS, 2005 – OctaBDE ; INERIS, 2004 – DecaBDE ; SRC ; E.U., 2001 – PentaBDE ; E.U., 2003 –
OctaBDE ; E.U., 2002 – DecaBDE.
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Données toxicologiques
Devenir dans l’organisme :
Les PBDE sont absorbés par voie orale et inhalation. Aucune donnée n’existe concernant le
contact cutané. Après absorption par voie orale, ils sont distribués via le sang dans les tissus
adipeux où ils sont stockés. Ils sont aussi accumulés dans le foie. Chez le rat, le pentaBDE est
principalement retrouvé dans la peau et les organes génitaux. Les PBDE sont assez faiblement
métabolisés. Leur élimination est supposée lente (de plusieurs mois à quelques années), la
voie majeure d’élimination étant la bile et les fèces. Ils peuvent aussi être excrétés via le lait
maternel. Les PBDE sont certainement bioaccumulés dans les tissus adipeux. Cela semble
moins vrai pour le decaBDE, qui est de même excrété plus faiblement que les autres via le
lait.
Toxicité chronique :
Aucune donnée pertinente n’est disponible chez l’Homme. Chez le rat, l’organe cible
principal des PBDE est le foie (perturbation des fonctions de synthèse, hépatocytomégalie), et
par réaction, des effets sur la thyroïde (perturbations des systèmes immunitaire et
endocriniens) sont observés. La transposition à l’Homme de ces derniers effets est discutée
(fonctionnement thyroïdien différent) [ATSDR, 2004 – PBB and PBDE]. Le pentaBDE
possède de plus des effets semblables à la chloracné sur l’épiderme du lapin. La toxicité
chronique du decaBDE est plus faible que celle des deux autres PBDE étudiés.
Effets cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques :
L’octaBDE est classé par l’UE en catégorie 3 (substance préoccupante) quant à ses effets sur
la fertilité et en catégorie 2 (substance assimilée reprotoxique) quant à ses effets sur le
développement (malformations fœtales). Il est enfin classé D (inclassable) par l’US-EPA
quant à sa cancérogénicité.
Le décaBDE a été classé en groupe 3 (inclassable) par l’IARC et en classe C (cancérigène
possible) par l’US-EPA, quant à sa cancérogénicité. Quelques études montrent toutefois une
incidence accrue de nodules néoplasiques (cancérogénèse précoce) dans les foies de rats.
Le pentaBDE est classé D (inclassable) par l’US-EPA quant à sa cancérogénicité.
Les trois PBDE sont en parallèle classés comme perturbateurs endocriniens potentiels par
l’UE (catégorie 2).
Valeurs Toxicologiques de Référence :
Substance Source
PentaBDE
OctaBDE
DecaBDE
US-EPA
Voie d'exposition
Orale
Facteur d'incertitude
1000
VTR
Année
-3
1990
RfD = 2.10 mg/kg/j
-3
ATSDR
Orale
300
MRLsubchronique = 7.10 mg/kg/j
US-EPA
Orale
1000
RfD = 3.10 mg/kg/j
2004
-3
1990
-2
US-EPA
Orale
100
RfD = 1.10 mg/kg/j
1995
ATSDR
Orale
100
MRLsubchronique = 10 mg/kg/j
2004
Tableau 4 : Valeurs toxicologiques de référence pour les effets avec seuil résultant d’une
exposition subchronique ou chronique aux PBDE.
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Données écotoxicologiques
Substance
PentaBDE
OctaBDE*
DecaBDE
Type de PNEC Valeur
Méthode de calcul
Source
eau
0,53 µg/l
facteur d'extrapolation de 10 E.U., 2001 - PentaBDE
sédiment
0,31 mg/kg poids sec facteur d'extrapolation de 10 E.U., 2001 - PentaBDE
orale
1 mg/kg de nourriture facteur d'extrapolation de 10 E.U., 2005 - PentaBDE
eau
> 0,2 µg/l
facteur d'extrapolation de 10 E.U., 2003 - OctaBDE
sédiment
> 127 mg/kg poids sec facteur d'extrapolation de 10 E.U., 2003 - OctaBDE
sédiment
> 384 mg/kg poids sec facteur d'extrapolation de 10 E.U., 2002 - DecaBDE
* pour le mélange commercial
Tableau 5 : PNEC des PBDE étudiés
En ce qui concerne l’octaBDE, il n’y a pas d’effets délétères attendus sur les organismes
aquatiques pour des concentrations inférieures à la limite de solubilité (PNECeau).
Données réglementaires
NQE : arrêté du 20 avril 2005, non concerné.
La proposition de directive fille DCE du 17 juillet 2006 (COM2006 397 final) indique une
NQE eaux intérieures de surface de 0,0005 µg/l et une NQE eaux côtières et de transition de 0,0002 µg/l pour le
pentaBDE.
Qualité des eaux de consommation : non concerné
Qualité des produits alimentaires : non concerné
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DONNEES SPECIFIQUES A L’ESTUAIRE DE SEINE
Suivi dans l’estuaire
RNB (affluents) : les composés 47 (tetraBDE), 77 (tetraBDE), 99 (pentaBDE), 100
(pentaBDE), 181 (heptaBDE) et 209 (decaBDE), ainsi que l’octaBDE sont suivis dans l’eau
brute, une fois par mois sur trois stations (Lery sur l’Eure, Troarn sur la Dives et St Martin
aux Chartrains sur la Touques) depuis 2005. Les concentrations sont toutes inférieures aux
limites de détection (0,1 µg/l pour le BDE209 et l’octaBDE, 0,01 µg/l pour les autres
composés analysés).
Le SNS (estuaire), le RNO (baie de Seine) et le REPOM (ports) ne mesurent pas les PBDE.
Mesures de réduction des rejets
La directive 2003/11/CE interdit depuis le 14 août 2004 la mise sur le marché et l’emploi des
pentaBDE et octoBDE dans des solutions à des concentrations supérieures à 0,1 % en masse ;
ainsi que la mise sur le marché d’articles contenant, en totalité ou en partie, plus de 0,1 % en
masse de pentaBDE ou d’octaBDE. La DCE inscrit les PBDE comme des substances
prioritaires, mais seul le pentaBDE est considéré comme substance dangereuse prioritaire
devant faire l’objet d’une cessation d’émission en 2020.
La directive RoHS 2002/95/CE, transcrite en droit français par l’arrêté du 25 novembre 2005,
interdit la mise sur le marché, à partir du 1er juillet 2006, d’équipements électriques et
électroniques contenant des PBDE. Le decaBDE est encore autorisé dans les applications
polymérisées. La directive DEEE 2002/96/CE s’applique en revanche au décaBDE. Elle
oblige à séparer les plastiques contenant des PBDE des déchets d’équipements électriques et
électroniques pour permettre un recyclage sans danger.
Sources et flux
Sources :
En considérant des échantillons prélevés dans le monde entier, des chercheurs ont souligné la
similarité entre les profils de composés trouvés dans le biote et la composition du pentaBDE
commercial. Ils concluent que l’utilisation de ce mélange est une source de contamination
pour les chaînes trophiques. Cependant, les quantités de decaBDE récemment utilisées en
Europe sont bien supérieures à celles de pentaBDE. La débromation métabolique du
decaBDE par certaines espèces pourrait contribuer à la présence de composés plus faiblement
bromés dans le biote. [Bragigand et al., 2006]
Flux intra-estuariens :
Un seul rejet industriel direct de PBDE a été identifié par l’action 3RSDE. Il correspond à un
flux de 6,3 kg/an d’octaBDE et se situe en estuaire de Seine amont.
Niveaux de contamination de l’estuaire
Cartographie des données des réseaux de mesures :
Aucune cartographie ne peut être réalisée, les seules données existantes (concentrations dans
l’eau brute des affluents) étant systématiquement inférieures aux limites de détection.
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Etudes complémentaires :
• Contamination des sédiments par les PBDE [de Wit, 2002]
Très peu d’informations sont disponibles sur les niveaux de contamination des sédiments de
l’estuaire de Seine. Les seuls chiffres trouvés concernent des prélèvements de sédiments
réalisés dans la deuxième moitié des années 1990 à l’embouchure de la Seine :
o TetraBDE : environ 0,7 µg/kg de poids sec ;
o PentaBDE : environ 0,8 µg/kg de poids sec ;
o DecaBDE : environ 20 µg/kg de poids sec.
•
Contamination des moules de l’estuaire de Seine par les PBDE
[Johansson et al., 2003]
Une étude rétrospective a été menée en 2003 afin de déterminer les niveaux et tendances des
PBDE dans les moules collectées depuis 1981 par le RNO sur trois sites côtiers dont la baie
de Seine (Villerville). Les échantillons de moules ont été analysés pour les BDE 28, 47, 49,
66, 77, 85, 99, 100, 138, 153, 154, 183 et 209.
La figure 3 présente les résultats obtenus pour certains composés majoritaires, sommés par
degré de substitution : tetra et penta substitués d’un côté (BDE 47, 99 et 100), hexa et hepta
substitués de l’autre (BDE 153, 154 et 183).
Figure 3 : Taux et tendances temporelles, de 1981 à 2003, de six composés majoritaires de
PBDE dans des échantillons de moules de la baie de Seine (Villerville) [Johansson et al.,
2003].
∑BDE47, 99, 100 augmente de façon exponentielle de 1981 à 1993-1995 dans les moules de la
baie de Seine, avec un temps de doublement de 4,6 ans. Par la suite, les concentrations
diminuent lentement (temps de division par deux de 24,6 ans). ∑BDE153, 154, 183 suit le même
motif global, avec une croissance exponentielle moins marquée (t2 = 5,6 ans) et un déclin
plus rapide (t2 = -9,8 ans) et commençant plus tôt (1991-1993). Dans les deux cas, un pic est
observé entre 1999 et 2001. Il est dû aux importantes crues de la Seine durant ces trois
années, qui ont entraîné des inondations ainsi que le glissement des sédiments déposés dans
l’estuaire interne jusqu’à la baie. De plus, la construction de Port 2000 au Havre à cette même
époque a entraîné la remise en suspension de grandes quantités de sédiments au niveau de
l’embouchure.
Parmi les différents PBDE mesurés sur les trois sites étudiés (Méditerranée, Atlantique et baie
de Seine), les trois composés majoritaires sont les BDE 47, 99 et 100. Ils sont de plus présents
dans tous les échantillons. Les composés 85, 183 et 209 sont détectés uniquement en baie de
Seine. Un composé, provisoirement identifié comme le BDE49, a été détecté dans tous les
échantillons de la baie de Seine (Figure 4). Ce composé n’étant présent qu’à de très faibles
concentrations dans le mélange commercial pentaBDE, les fortes concentrations trouvées ici
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Figure 4 :
Médiane des
concentrations de
différents composés de
PBDE mesurés dans les
moules collectées en
baie de Seine
(Villerville) entre 1981
et 2003
5000
4000
3000
2000
1000
BDE209
BDE183
BDE154
BDE153
BDE100
BDE99
BDE85
BDE66
BDE49
BDE47
0
BDE28
Concentration (ng/kg de poids sec)
pourraient indiquer qu’il est issu de la dégradation d’autre PBDE. Sur les trois sites, les plus
hautes concentrations pour tous les composés ont été déterminées dans les échantillons de la
baie de Seine.
Congénères de PBDE
•
Contamination des moules, des coquilles St Jacques et des soles en PBDE
[Abarnou, 2004]
Des analyses de PBDE ont été réalisées sur des prélèvements de moules (Villerville,
mars 2004), de coquilles St Jacques (trois stations de baie de Seine en mars 2004) et de soles
(partie orientale de la baie de Seine, mars 2004).
Les résidus de PBDE sont présents à des niveaux de l’ordre du µg/kg ou de la centaine
de ng/kg de poids sec dans les organismes. Le BDE47 est le composé majoritaire dans tous
les échantillons étudiés, avec des concentrations de l’ordre de 0,67 µg/kg dans les moules et
0,1 µg/kg dans les coquilles St Jacques. Le composé 209 est détecté dans les moules
uniquement. Cela pourrait être dû à sa métabolisation (possiblement en composés moins
bromés) par les autres organismes. La figure 5 présente les empreintes de différents PBDE
dans les organismes étudiés. Les teneurs sont exprimées en pourcentage de BDE 47 pris
comme référence (100 %).
Figure 5 : Empreintes des PBDE [Abarnou, 2004]
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•
Bioaccumulation des PBDE dans le réseau trophique de l’estuaire de Seine
[Bragigand et al., 2006]
Plusieurs individus de différents niveaux trophiques (invertébrés, poissons) ont été prélevés
en estuaire de Seine et analysés quant à leur contenu en composés 28, 47, 99, 100, 153 et 154
de PBDE.
Les plus hautes concentrations toutes espèces réunies sont toujours observées pour le BDE47.
Plus le niveau trophique des espèces analysées augmente, plus les concentrations en BDE47
et le nombre de composés détectés augmentent. De même, plus le pourcentage de graisse est
important, plus la contamination de l’individu en PBDE augmente. Cela est dû à leur grande
lipophilie. Le tableau 6 présente les fourchettes de concentrations des différents composés de
PBDE analysés dans le biote de l’estuaire de Seine.
Les résultats montrent que les PBDE sont sujets à la biomagnification le long des chaînes
trophiques (tableau 6 et figure 6). Le fait que le nombre de composés détectés dans les
espèces de haut niveau trophique soit plus important que dans les espèces de bas niveau
trophique est cohérent avec le phénomène de biomagnification.
Espèce
N1
N2
BDE28
BDE47
BDE99
BDE100
BDE153
BDE154
Nereis
diversicolor
4 > 100
< 0,02 - 0,02 0,08 - 0,12 < 0,02 - 0,02
(0,02)
(0,10)
(0,02)
Scrobicularia
plana
10 > 100
< 0,01 - 0,04 0,01 - 0,06
(0,04)
(0,02)
Platichthys
flesus
3
25
< 0,01 - 0,14 0,42 - 4,15 < 0,01 - 0,09 0,05 - 0,63 < 0,01 - 0,07 0,02 - 0,50
(0,05)
(0,61)
(0,04)
(0,14)
(0,04)
(0,12)
Anguilla
anguilla
4
12
0,04 - 0,42
(0,06)
2,67 - 7,84
(3,37)
0,19 - 1,50
(0,39)
0,23 - 2,00
(0,65)
0,06 - 0,96
(0,24)
0,07 - 0,79
(0,28)
Tableau 6 : Concentrations minimales, maximales et médianes (entre parenthèses) de
différents composés de PBDE (µg/kg de poids humide) dans le biote de l’estuaire de Seine.
N1 : nombre d’échantillonnages, N2 : nombre d’individus poolés pour chaque échantillonnage (invertébrés) ou
nombre d’individus analysés de chaque échantillonnage (vertébrés).
Figure 6 : Concentrations en BDE47 (ng/g de poids humide) dans les organismes vivants
suivant leur niveau trophique dans la chaîne alimentaire de l’estuaire de la Loire.
[Bragigand et al., 2006]
En noir : consommateurs primaires, gris : omnivores, blanc : super prédateurs. Le même schéma est observé
dans l’estuaire de Seine.
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Fiche substance : PBDE
Résumé du comportement
Les PBDE, théoriquement au nombre de 209, sont des substances synthétiques qui ne sont
plus fabriquées en Europe, seule l’utilisation du mélange technique decaBDE étant encore
autorisée en France. Ils servent tous de retardateurs de flamme, en étant mélangés à des
polymères et des textiles. Ils sont donc présents dans une grande variété de produits de
consommation. Les PBDE ne sont pas combinés chimiquement aux matériaux à ignifuger, ils
sont donc susceptibles de diffuser dans l’environnement à partir de ceux-ci.
L’émission de PBDE dans l’environnement est due aux activités industrielles liées à la
fabrication et à l’utilisation de retardateurs de flammes (industries textiles et plastiques
essentiellement). Cependant, les rejets industriels ne seraient pas la voie de contamination
principale, qui serait constituée de l’ensemble des appareils électriques et électroniques ainsi
que de tous les matériaux contenant des PBDE. L’action 3RSDE a détecté des flux de
decaBDE uniquement en provenance d’ICPE de traitement des textiles, des déchets ou de
l’industrie chimique. Peu d’études sont disponibles sur la diffusion des PBDE par les
appareils électriques et électroniques, mais des mesures réalisées au Canada montrent que les
concentrations dans l’air des PBDE sont trois fois plus importantes à l’intérieur qu’à
l’extérieur des bâtiments. Les decaBDE sont principalement émis lors de l’utilisation (en
particulier, lavage des textiles) et de l’élimination des produits en contenant. Les procédés de
traitement des effluents sont peu efficaces du fait de la stabilité des PBDE, et même s’ils
permettent de réduire les émissions de dérivés bromés dans les eaux de surface, ces molécules
se concentrent dans les boues des stations d’épuration. [Brignon et al., 2006 – DecaBDE]
Très lipophiles, les PBDE sont majoritairement adsorbés sur les particules dans
l’environnement. Cette adsorption augmente généralement avec leur degré de bromation et la
proportion en carbone organique du sédiment. Ils sont par ailleurs très peu sensibles à la
dégradation abiotique ou biotique et sont donc très persistants. Dans l’atmosphère, les PBDE
faiblement bromés peuvent ainsi être transportés sur de longues distances. Lorsque les PBDE
fortement bromés se dégradent, une partie des produits formés sont des PBDE moins
substitués. Cela pourrait expliquer la prédominance des pentaBDE dans les différents
compartiments étudiés de l’estuaire, alors que le decaBDE est le PBDE majoritairement
utilisé depuis quelques années en Europe. Ce dernier semble détecté à proximité des sources
seulement [ATSDR, 2004 – PBB and PBDE].
Dans les organismes vivants de l’estuaire de Seine, le BDE47 (pentaBDE) est
systématiquement le PBDE majoritaire et les tetra et pentaBDE sont généralement les
composés les plus retrouvés. Les PBDE faiblement bromés sont bioaccumulés dans les
organismes et biomagnifiés le long de la chaîne trophique [Bragigand et al., 2006]. Ces
phénomènes sont beaucoup moins visibles pour les composés fortement bromés. Sur les
différents systèmes aquatiques étudiés en France, l’estuaire de Seine semble de loin le plus
contaminé par les PBDE. Toutefois, les teneurs dans les moules de l’embouchure de la Seine,
en augmentation dans les années 1980 à 1990-1995, décroissent lentement ces dernières
années. Cette tendance récente est en accord avec les résultats européens. Un pic important
observé entre 1999 et 2001 (années de fortes crues) montre par ailleurs le potentiel de
remobilisation des contaminants par les évènements paroxysmiques. [Johansson et al., 2003]
La toxicité du decaBDE est généralement moins prononcée que celle des octa et pentaBDE.
Cela est partiellement lié à l’accumulation préférentielle des composés faiblement bromés
dans l’organisme. En effet, les composés tri et tetra bromés sont dans la fourchette de Kow
correspondant au potentiel de bioaccumulation maximum. Les composés plus fortement
bromés peuvent se révéler trop apolaires ou trop gros pour être bioaccumulés, mais ils
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Fiche substance : PBDE
peuvent être débromés en composés à plus haut potentiel [Braekevelt et al., 2003]. Les
principales cibles des PBDE faiblement bromés sont le foie, la thyroïde et le développement
neurocomportemental. Le système immunitaire pourrait être une autre cible, mais les données
manquent à ce sujet. Des études ont montré que les BDE47 et 99 perturbent la survie et le
développement des larves de certains invertébrés et que les BDE99 et 100 peuvent être
considérés comme des perturbateurs endocriniens pour les invertébrés. Chez les poissons, ces
mêmes composés peuvent avoir une action sur le foie (inhibition de l’activité enzymatique)
[Bragigand et al., 2006].
Pour la population générale en Europe, l’alimentation serait le principal vecteur d’exposition
aux PBDE. Les poissons et produits de la mer sont des contributeurs majeurs de cette
exposition alimentaire : entre 21 et 87 % pour les 7 composés BDE 28, 47, 99, 100, 153, 154
et 183, suivis par les produits laitiers [Afssa, 2006]. La consommation journalière des français
en crevettes, soles/flets et anguilles est estimée par le Ministère de l’Agriculture à 3, 29 et
29 g respectivement. En comparant ces quantités aux teneurs maximales en PBDE retrouvées
dans les organismes de l’estuaire de Seine, on obtient la dose journalière ingérée maximale de
PBDE pour une personne de 60 kg consommant des crevettes (0,03 ng/kg/j), des soles/flets
(1,35 ng/kg/j) ou des anguilles (5,46 ng/kg/j). Ces calculs montrent que la dose ingérée peut
être considérablement augmentée par la consommation de poisson riche en graisse. La
comparaison de ces doses journalières avec des données de toxicité montre que même en
mangeant des produits de la mer au sommet de la chaîne trophique, les consommateurs
français sont très faiblement exposés à la toxicité directe des PBDE. Toutefois, il faut garder à
l’esprit que ceux-ci peuvent avoir des effets indirects de perturbation endocrinienne sur le
long terme [Bragigand et al., 2006]. Cette conclusion est confirmée par l’étude d’exposition
aux contaminants des forts consommateurs de produits de la mer (CALIPSO, [Leblanc,
2006]), dont une partie s’est déroulée au Havre. L’exposition moyenne des gros
consommateurs havrais de produits de la mer aux PBDE est de 2,23 ng/kg de poids corporel/j,
les contributeurs majoritaires à l’exposition étant le saumon, le maquereau, le cabillaud, la
sardine et le thon. Compte tenu des données de toxicité existantes, la marge d’exposition est
conséquente pour un composé non génotoxique. Les niveaux d’apports actuels de semblent
donc pas préoccupants du point de vue de la santé publique.
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