MBaye-Yacine - Sciences Po Service Carrières

Transcription

MBaye-Yacine - Sciences Po Service Carrières
Mbaye-Yacine THIAM
Programme Europe-Afrique (Paris)
Année 2014-2015
Sénégal – Kaolack
Projet Communautaire à la Mairie de Kaolack
Sénégal - Dakar
Stage dans le Cabinet de Conseil Clientis
Afrique du Sud - Pretoria
Stage en communication au Centre d’Information des Nations Unies
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Table des matières
Avant-propos……………………………………………………………………………… p.3
Structuration du projet…………………………………………………………………….p.3
Arrivée au Sénégal : premières impressions……………………………………………...p.4
Première Semaine : Dakar…………………………………………………………………p.5
Départ pour Kaolack : le début d’une aventure………………………………………….p.7
Une nouvelle vie entre deux stages………………………………………………………...p.8
Junior Consultant chez Clientis, cabinet de conseil en stratégie et management……. p.10
Un petit cabinet pour de grandes ambitions…………………………………………… p.13
De nouveaux projets avec une nouvelle organisation et répartition du travail……….p.15
Nouvelles missions, nouvelles manières de travailler, nouvelles déceptions…………. p.17
Un stage qui fut riche en enseignements pour la suite de ma 3A……………………... p.19
Parlons du Sénégal……………………………………………………………………….. p.22
Départ pour l’Afrique du Sud…………………………………………………………... p.24
Stagiaire en Communication au Centre d’Information de Nations Unies de Pretoria p.26
L’ONU : un monde fait de bureaucratie où le fond se perd parfois………………….. p.29
Estampé ONU…………………………………………………………………………….. p.30
L’Afrique du Sud : le pays du dépaysement total……………………………………… p.31
L’Afrique du Sud, laboratoire du changement social en profondeur………………… p.33
Conclusion : une année qui vous fait grandir…………………………………………... p.33
Annexes…………………………………………………………………………………… p.35
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Avant-propos :
Nous sommes le 18 décembre et dans trois jours, je m’apprête à quitter le Sénégal pour deux
semaines et rentrer en France pour les fêtes de Noël. J’ai décidé de m’atteler à la rédaction de
mon rapport de stage un peu plus tôt que prévu car j’avais besoin de poser sur le papier
l’ensemble des observations que j’ai pu faire depuis maintenant presque quatre mois. J’ai le
sentiment que mon rythme de croisière est désormais atteint et j’ai pu commencer à être
polyvalent professionnellement au Sénégal.
Commençons par le commencement. Etudiant au sein du Programme Europe-Afrique de
Sciences Po Paris, j’ai décidé l’an passé de partir six mois au Sénégal en stage dans le cadre
de ma troisième année hors les murs.
Pourquoi le Sénégal ? Mon père est sénégalais, et bien qu’ayant vécu en France toute ma vie,
j’ai eu la chance d’être élevé dans les deux cultures et donc de conserver de fortes attaches
culturelles avec ce pays. Par ailleurs, mon cursus m’offrait la chance de pouvoir partir un an
en mobilité internationale sur le continent africain, que j’avais étudié sous son aspect,
économique et historique pendant deux ans. J’ai donc fait le choix de scinder mon année de
mobilité en deux en allant en stage au Sénégal et ensuite en Afrique du Sud. Je trouvais
effectivement dommage d’avoir l’occasion de partir un an en Afrique sans passer par mon
pays d’origine où les opportunités professionnelles étaient quand même très intéressantes.
Structuration du projet :
Lorsqu’il s’est agi en juin dernier de me lancer de manière plus intensive dans la recherche de
stage, mes choix n’étaient pas encore clairement définis. Effectivement, je n’avais encore que
trop peu de réponses et mon projet était encore vague. Je savais cependant que je voulais
explorer le domaine du développement économique car je crois en ses méthodes et valeurs.
Au cours de mes deux années d’études comparatives de l’Afrique subsaharienne j’ai de plus
en plus pris conscience du rôle de l’humain dans la prise en charge de ses conditions
économiques. Au fil de mes lectures, et notamment celles d’Amartya Sen, mais aussi de mes
propres expériences personnelles, j’en suis venu à la conclusion que le déficit de liberté
(économique, physique, psychologique, social…) pouvait freiner notre participation au
développement de notre communauté. Ainsi, en dépit des circonstances allant parfois à
l’encontre de nos projets, je suis de l’avis de ceux qui ont foi en l’ambition de l’homme. Une
étude approfondie des pays d’Afrique subsaharienne comme le Sénégal m’a peu à peu guidé
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vers le sentiment qu’en dépit de facteurs exogènes responsables du mauvais développement
du pays, des forces venant de l’intérieur étaient aussi manquantes, ou trop faibles pour
contrebalancer des contraintes externes. Peu à peu ma décision fut celle de venir étudier sur le
terrain et ainsi regarder de l’autre côté du miroir d’une situation que je ne pouvais juger au
départ qu’en apparence, ou par le biais de livres.
Je me passionne depuis quelques années pour la politique locale. En effet, je trouve que pour
les citoyens comme pour les dirigeants, elle est une excellente école pour comprendre
comment participer à la vie de la cité. Par ailleurs elle permet de mieux prendre la mesure des
politiques globales que l’on applique. Ainsi, dans le cadre de mon projet, j’allais pouvoir
confronter les théories du développement économique et mes idées sur les manières de
promouvoir le développement humain avec les réalités du niveau local.
Je visais au départ un stage à Dakar mais je n’eus jamais de réponses aux candidatures que
j’avais envoyées. Un ami de mon père m’avait cependant recommandé auprès du secrétaire
général de la Mairie de Kaolack, ville importante de Sénégal, située à presque 200 km de la
capitale, Dakar.
La mairie était alors en pleine restructuration et la communication était quelque peu chaotique
au début entre moi et les personnes en charge de transmettre mon dossier. Je ne voulais pas
me retrouver au sein des paradoxes administratifs que peuvent connaître certaines entités en
France et en Afrique de l’Ouest ; ma candidature s’est donc faite par le biais d’un appel
téléphonique où j’expliquais les cadres et les objectifs de mon projet de stage. Ce dernier
n’était pas encore très défini mais je savais que je voulais aller sur le terrain, proposer mes
propres idées d’action et être aux commandes de mes missions. Effectivement je craignais
d’être victime de la latence de certaines administrations qui n’aurait pas été très passionnant
pendant six mois de stage. Grâce à ma détermination, j’ai donc réussi à convaincre le
secrétaire général de la mairie de Kaolack de me prendre en stage et de l’aider à construire et
lancer un projet autour des problématiques de la jeunesse locale. Ainsi j’avais l’ambition de
rencontrer des jeunes de Kaolack et de discuter avec eux de leurs problématiques, de leurs
ambitions professionnelles et humaines ainsi qu’avoir une idée de leur vision de la situation
économique et sociale du pays. Somme toute, mon projet visait à regrouper la jeunesse
kaolackoise autour des problématiques politiques, économiques et sociales de leur ville. Bien
entendu l’intitulé de ce projet était à la fois précis et vague même s’il suivait un cap que
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j’avais longuement réfléchi au préalable. J’avais confiance en mon projet sans pourtant
mesurer les quelques difficultés auxquelles j’allais ensuite être confronté.
Le 27 juin 2014, je reçus donc une lettre du secrétaire général de la mairie de Kaolack qui
acceptait de me prendre en stage pour six mois de septembre à février 2015. Après avoir
évalué mon budget, et mesuré le temps nécessaire en démarches administratives à mon retour
du Sénégal pour ensuite partir pour l’Afrique du Sud, je décidai d’arriver à Dakar le 2
septembre 2014, de rentrer pour les fêtes et ensuite de rester au Sénégal jusqu’à fin janvier
2015.
Arrivée au Sénégal : premières impressions
Je suis parti à Dakar dans un contexte un peu particulier. Effectivement, deux semaines avant
mon départ, alors que j’étais en pleins préparatifs, l’épidémie Ebola commençait à se répandre
dans toute la sous-région, affectant la Guinée, la Sierra Leone ainsi que le Libéria. Les
organisations sanitaires commençaient enfin à prendre les choses en main et le Sénégal avait
fermé ses frontières avec tous les pays limitrophes afin d’opérer un contrôle plus efficace des
entrées et des sorties du pays. Seulement, une semaine avant mon départ, un cas d’Ebola
venait d’être détecté à Dakar. Ainsi, même si le cas semblait avoir été pris en charge de
manière sécurisée, un climat d’incertitude commençait à se faire sentir quant à la situation
sénégalaise. Cependant, beaucoup de mes amis partis avant moi au Sénégal me rassuraient sur
la situation et le pays n’était pas encore au stade d’épidémie déclarée. Je décidai donc de
partir.
J’arrivai donc à Dakar en fin de journée. Quand les portes de l’avion s’ouvrirent, je fus
immédiatement happé par le vent chaud et humide sahélien, caractéristique de cette fin de
saison des pluies. Je redoutais quelque peu mon arrivée à l’aéroport car j’en avais gardé de
mauvais souvenirs : chaos, attente interminable dans la chaleur, taxis qui vous interpellaient
jusque dans le hall où vous attendiez vos bagages. Toutefois, c’est une toute autre ambiance
que je retrouvai. Probablement à cause d’Ebola, mon avion était quasiment vide sur le vol
aller et les contrôles s’effectuèrent donc sans attente, de même que la délivrance des bagages.
Par ailleurs, mesure anti-Ebola oblige, notre température corporelle fut prise dès notre
descente de l’avion pour vérifier que nous n’étions pas porteurs des symptômes du virus.
Je montai au plus vite dans un taxi pour me rendre à Point E, dans la maison de l’associé du
cabinet de conseil en développement économique qui m’avait également recruté sur Dakar
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pour la même durée que mon stage à Kaolack. J’allais effectivement travailler à Dakar la
semaine et le week-end à Kaolack.
Première Semaine : Dakar
Ma première semaine passa assez lentement de sorte que j’ai pu aisément m’habituer au
rythme sénégalais et aux premiers dépaysements. La ville est très grande, assez étendue mais
très bien desservie par tous types de transports : les bus, les tatas (des bus plus petits) et enfin
les « cars rapides », sorte de minibus multicolores sans fenêtres. Par ailleurs les taxis jaune et
noir circulent à n’importe quelle heure et sont très bon marché.
Septembre est le mois de la fin de la saison des pluies. Ainsi, l’air est très lourd et humide et
le soleil chauffe très fort surtout entre 14h et 17h où il est très éprouvant de marcher dans les
rues. Cependant saison des pluies ne veut pas dire Mousson pour autant. Effectivement, en
quatre mois au Sénégal je n’ai connu que quatre jours de pluie au cours de la semaine de mon
arrivée et sur ces quatre jours, il a plu trois jours de nuit. Cependant une simple hausse du
taux d’humidité dans l’air suffit à ce que l’ensemble du pays reverdisse.
La ville est beaucoup moins polluée que ce qu’elle était il y a huit ans quand j’étais venu
visiter le pays pour la première fois. En effet, les grands travaux entrepris par l’ancien
président Abdoulaye Wade au cours de son mandat ont maintenant permis de désengorger la
ville qui était auparavant prise dans des embouteillages incessants. Maintenant le trafic est en
effet devenu plus fluide même si aux heures de pointe la ville s’encombre encore très vite. Par
ailleurs, Dakar jouit depuis peu d’une autoroute longue d’une vingtaine de km ce qui rend
l’accès à la ville un peu plus rapide.
Au cours de cette première semaine à Dakar je dirais que j’ai mis très peu de temps à
m’adapter au pays. Beaucoup diront que c’est en raison du français qui est parlé très
facilement et souvent par les Dakarois mais les Sénégalais sont également très wolofisés en
cela qu’entre eux ils parlent beaucoup plus wolof que français. Cependant les Sénégalais ont
la réputation d’être très accueillants et c’est effectivement ce que j’avais remarqué à mon
arrivée. Ils sont également très ouverts et n’ont aucun mal à vous intégrer dans leur groupe
d’amis contrairement à d’autres cultures où les cercles sont un peu plus fermés. Par ailleurs,
cette première semaine m’a aussi donné l’impression que le rythme de vie était adapté à des
cultures latines et que le dépaysement était, de fait, réduit.
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Départ pour Kaolack : le début d’une aventure
La Mairie de Kaolack avait gentiment proposé de venir me chercher à Dakar et un certain
Makhtar m’attendait à Dakar à neuf heures du matin. Le Sénégal est un petit pays qui fait
environ un tiers du territoire français. Cependant, le pays est essentiellement desservi en
routes nationales dont l’entretien est aléatoire selon les régions. Ainsi il est généralement
difficile de rouler à plus de 100k/h et les distances en sont donc rallongées. Par conséquent
j’allais mettre bien quatre heures et demie pour rejoindre ma destination.
Sur la route je découvris un tout autre paysage très intéressant. Le pays est tout plat et les
routes assez droites quoique de mauvaise qualité. Les routes traversent des champs d’arachide
et d’élevage où les vaches broutent tranquillement. L’urbanisation devient assez lâche plus on
s’éloigne de Dakar et les maisons deviennent plus petites et plus éparpillées aussi. Quant à la
végétation, c’est vraiment un autre monde. Effectivement, nous empruntions une route toute
droite qui traversait la brousse que la saison des pluies avait doté de belles couleurs vert
pomme. Nous croisions ici et là des petites maisons carrées faites de parpaings et au toit
souvent fait de chaume. Enfin la route sillonnait des champs entiers de baobabs aux
dimensions impressionnantes et intimidantes.
Après quatre heures et demie de voyage, j’arrivai à Kaolack.
La ville est très étendue, ensablée, essentiellement constituée de maisons plus ou moins
grandes. En soi la ville n’est pas très belle et assez sale. Makhtar me conduisit dans la
Médina, appelée Médina Baye car c’est là que se situe la célèbre mosquée de l’ancien Calife
de la ville Baye Niasse. La mosquée est quant à elle impressionnante et magnifique. D’un
blanc immaculé elle est ornée de dorures et de magnifiques mosaïques. Au somment des
minarets trônent d’imposantes coupoles de faïence vert émeraude.
Je fus très vite conduit chez la personne qui allait m’héberger. Cheikh Ibrahim habitait avec sa
famille dans la médina dans une grande maison encore en construction constituée de deux
étages. Au rez-de-chaussée se trouvait un grand salon et quatre chambres réparties le long
d’un grand couloir. A l’étage il y avait un grand couloir qui desservait également un salon et
trois autres chambres supplémentaires. L’une d’elle pourvue d’une salle de bain allait m’être
allouée pour la suite de mon séjour mais elle était encore en construction. J’allais donc vivre
avec la famille de Cheikh Ibrahim que j’appelais alors “Tonton Cheikh” en guise de respect
comme le veut la tradition sénégalaise mais plus globalement Ouest-Africaine.
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Et c’est là que commença mon immersion dans la vie sénégalaise.
Installé dans ma chambre, je déballai mes affaires, branchai mon ordinateur et attendis que
mon repas sois servi comme on me l’avait dit. Je compris très vite qu’ici j’allais vivre au
rythme de toute la maison et que l’accès à la cuisine n’allait pas être aussi libre que cela,
gardée notamment par Khady, la femme de Tonton Cheikh. J’attendis donc que l’on vienne
me servir. Le repas : du riz, du poisson et des légumes cuisinés avec une sauce à l’arachide et
à la tomate servi dans un grand plat que je partageai avec mes “cousins”, les enfants de
Tonton Cheikh.
Une nouvelle vie entre deux stages
Je rencontrai le lendemain le Secrétaire Général de la commune de Kaolack, Monsieur Sidy
Traoré qui me fit visiter la ville, les locaux de la mairie ainsi que les employés. Toutefois il
n’y avait plus de place pour moi dans les bâtiments ni d’ordinateur et je compris donc que
j’allais devoir travailler depuis la maison qui n’était cependant pas pourvue d’une ligne
internet, ce qui allait considérablement ralentir mon travail.
Je m’attelai cependant à la tâche en commençant par me documenter sur la ville et sur sa
population en me concentrant notamment sur la jeunesse. Je me renseignai également sur les
différents types d’écoles qu’il y avait et les activités que celles-ci proposaient. Par ailleurs,
j’avais inscrit dans mon programme de travail la conduite de quelques interviews de jeunes
mais aussi d’adultes pour pouvoir ensuite proposer un projet en accord avec les attentes des
jeunes.
En interviewant Moustapha, le fils de Tonton Cheikh, je compris un peu mieux ce qui animait
la ville : la religion. Les enfants y suivent depuis très jeune un enseignement religieux très
rigoureux basé sur les principes du soufisme. La religion est avant tout perçue comme quelque
chose personnel où l’individu est responsabilisé dans ses actes. Les rêves et les ambitions des
jeunes kaolackois traditionnalistes sont souvent bien différents de ce qu’un jeune adolescent
rêve en France dans la majorité des cas. Ainsi, être guide religieux s’avère être l’une des
carrières les plus gratifiantes au sein de la communauté. On voit ainsi beaucoup de talibés
(élèves fréquentant les écoles coraniques) rêver de devenir un grand marabout, guide religieux
sénégalais.
Face à un tel cadre culturel, quels types d’activités ou de programmes aménager ?
Effectivement j’étais souvent face à des étudiants ou des jeunes qui avaient eu une enfance
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totalement différente de la mienne. Je décidai donc de leur parler d’instaurer des sessions de
dialogue et d’échange où j’allais partager mon expérience mais aussi écouter la leur. J’appris
ainsi que beaucoup se marient et deviennent parents très tôt, aux alentours de vingt ans et que
fonder une famille est très important. Ainsi les filles n’ont souvent qu’une éducation à l’école
très limitée, s’arrêtant souvent au primaire ou au collège pour beaucoup ; ensuite il faudra
aider les mères à la maison. Les garçons, quant à eux, suivent une éducation plus poussée à
l’école coranique et les meilleurs sont ensuite épaulés par un mentor religieux. Ils pourront
ensuite sûrement enseigner ou fonder leur école. Du fait de leur connaissance parfaite du
Coran, ces élèves sont souvent employés par de riches émiratis pour des traductions ou des
conseils religieux.
Par ailleurs, les garçons font souvent vivre le foyer par des petites affaires qui n’assurent pas
un revenu régulier mais qui permettent cependant à la famille de joindre les deux bouts à la
fin du mois. Je remarquai souvent chez ces jeunes l’incapacité de considérer les choses ou
leurs projets sur le long-terme. Ainsi l’épargne ou l’investissement dans l’éducation primaire
et secondaire n’est pas une priorité dans leurs schémas de pensée.
Il est vrai que mon arrivée sur le terrain n’avait pas été réellement préparée par l’équipe locale
et je dus donc composer avec un environnement parfois peu réceptif à mes demandes. Ainsi
mon projet ne figurait pas réellement dans la liste des priorités de la Mairie dont les employés
n’avaient pas non plus l’énergie et la motivation de me consacrer du temps. Je mis donc près
de deux semaines à obtenir des retours sur mon programme de travail et aucun d’entre eux ne
fut constructif. J’avais cependant anticipé ces freins potentiels et décidai donc de réaménager
mon programme de stage; j’avais en effet compris que mon projet aller sûrement être ralenti
et qu’il ne me servait pas à grand-chose de rester à Kaolack la semaine sans internet ni la
possibilité de voir un jour mon projet soutenu sur le long terme.
Fort heureusement, j’avais réussi à décrocher durant l’été un stage dans un cabinet de conseil
en développement économique qui m’avait proposé un contrat pour la même durée que mon
stage à Kaolack. Il fut donc très vite convenu avec mon maître de stage Sidy Traoré que je
serais à Dakar la semaine pour mon stage en cabinet de conseil et que je serais le week-end à
Kaolack pour suivre mon projet sur la jeunesse.
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Junior Consultant chez Clientis, cabinet de conseil en stratégie et management
Je commençai donc mon premier jour de stage au cabinet de conseil Clientis. Avant tout,
petite introduction sur la vie du cabinet. L’initiative en revient à Sokhna Diaw, qui allait être
mon maître de stage pour les quatre mois suivants.
Sokhna Diaw est une Sénégalaise ayant suivi un cursus en agroalimentaire en France et au
Canada avant de rentrer au Sénégal où elle devint consultant en qualité au sein de Colgate
notamment. Au bout de dix ans de bons et loyaux services, elle décida, sous les conseils de
son entrepreneur de frère et fondateur de l’Institut Supérieur de Management de Dakar de
monter un cabinet de conseil qui fournirait du conseil en qualité. C’était à l’époque un marché
plutôt florissant où de nombreuses entreprises et autres PME cherchaient à mettre aux normes
bon nombre de leurs infrastructures. Pendant une bonne dizaine d’années, Sokhna Diaw
travaillait en free-lance en fournissant du conseil en qualité. Cependant au bout de dix ans, la
demande commençant à s’essouffler face à de nouveaux acteurs internationaux proposant des
formules plus dynamiques et efficaces, Sokhna Diaw décida de redonner un coup de booste et
de jeune à sa marque “Clientis”.
Fin juin 2014 donc, je répondais à une annonce déposée sur Sciences Po Avenir d’un cabinet
de conseil sénégalais cherchant un stagiaire de Sciences Po Paris, pour une durée
indéterminée afin de les appuyer dans la transformation d’un cabinet, faisant de la qualité son
expertise, en quelque chose de plus grand et plus divers. L’idée était alors de faire de la
marque Clientis une référence dans le conseil en développement économique, visant à
apporter une expertise dans les programmes de développement du pays, de conseiller les
entreprises dans leurs campagnes de communication, de mieux identifier les marchés actuels
et les besoins des consommateurs et également d’accompagner les entreprises dans une
transition écoresponsable de plus en plus nécessaire sur le continent.
Le projet, certes ambitieux, m’avait cependant immédiatement séduit, en cela qu’il
correspondait intégralement à ce que je recherchais comme stage en Afrique subsaharienne.
En effet, le continent africain suit actuellement une dynamique de croissance impressionnante
qui ouvre des opportunités et des marchés qui se tarissent actuellement en Europe et
notamment pour une jeunesse en passe d’être diplômée dans les trois années à venir. Clientis
était l’exemple même de ces entreprises africaines qui ont besoin d’idées et d’une nouvelle
énergie et font ainsi tout leur possible pour attirer une main d’œuvre qualifiée (locale ou
internationale).
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J’occupais donc le poste de Junior Consultant et allais être en charge du volet communication
du cabinet, tout en étant le vendeur de la marque à l’extérieur. L’une des premières tâches qui
me fut ainsi confiée fut de dresser un listing des entreprises de tous les secteurs économiques
du pays et d’y dénicher des contacts stratégiques et notamment les adresses e-mail avec les
noms de domaine. Je dois avouer que je fus au départ surpris, pour un cabinet de conseil
existant depuis une dizaine d’années de ne pas avoir à ma disposition ne serait-ce qu’un petit
fichier de clients nous permettant de commencer avec quelques bases crédibles. D’autant plus
que trouver un référentiel actualisé des entreprises présentes à Dakar et au Sénégal n’était pas
aussi simple, même en passant par les chambres de commerce sénégalaise et ivoirienne. Je
m’attelai cependant à la tâche et réussis après beaucoup d’efforts à compiler sur un document
une liste des entreprises rangées par secteur et accompagnées de leurs contacts stratégiques
que nous allions ensuite utiliser pour nos campagnes de communication.
Sokhna Diaw était à la direction et avait pour associée Fatimata Ly, designer de profession, et
qui s’était associée à Sokhna pour apporter une dimension créative au cabinet. Nous étions
ensuite cinq stagiaires, un Béninois, sortant d’une école de commerce à Poitiers, trois
Sénégalais diplômés de l’ISM (Institut Supérieur de Management) et moi. Tous fraîchement
recrutés, le cabinet n’attendait en fait que nous pour commencer à tourner et la charge de
travail qui nous attendait était pour le moins considérable.
Pour lancer le cabinet, mes supérieures avaient cependant mis au point un plan d’attaque
plutôt ambitieux sur une durée très courte. Ainsi, quand j’arrivai, le cabinet donnait déjà une
formation intra-entreprise pour la SDE (Société des Eaux) sur le développement durable,
réalisée par une consultante française recrutée par le cabinet. Cette formation était planifiée
deux semaines après mon arrivée au sein du cabinet. Suite à cette formation d’une semaine,
Clientis enchaînait sur une formation sur le développement durable inter-entreprises, conviant
donc au moins douze représentants d’entreprises présentes à Dakar, toujours donnée par la
consultante française. Ma seconde mission me mena donc à faire la promotion, sur une très
courte durée, de cette formation inter-entreprises. Je fus ainsi chargé de proposer un modèle
de brochure qui allait ensuite être imprimé et nous servir de support lors de nos rendez-vous
commerciaux. Par ailleurs, je menais de grosses campagnes de phoning en parallèle pour
dénicher des informations sur les entreprises que l’on ciblait, à savoir leurs besoins en
formation, quelle était la personne clé capable d’engager l’entreprise sur la voie du
développement durable. Par ailleurs, j’étais chargé avec une collègue de lancer des recherches
de salle pour l’organisation de notre séminaire inter-entreprises. Nous avions ainsi mis
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beaucoup d’efforts dans la prospection de salles de cocktail et comparé différentes formules
pour y trouver la plus avantageuse. En moins de trois semaines il nous fallait donc trouver les
entreprises cibles et adapter la formation que souhaitait faire la consultante française que nous
avions recrutée, lancer une campagne de promotion et organiser un séminaire qui allait se
dérouler sur deux jours. Mes supérieures se sont peu à peu rendu compte que malgré
l’intensité que nous mettions au travail, ces délais très courts risquaient de compromettre à
tout moment la tenue de ce séminaire. D’autant plus que nos invitations lancées, nous ne
recevions aucune réponse. Je fus donc chargé de relancer au téléphone ces entreprises et
éventuellement de conclure à des rendez-vous avec elles pour leur vendre la formation et
s’assurer de leur présence.
C’est là que je découvris l’art du démarchage et de la négociation. Je n’avais jamais fait cela
auparavant mais je dus me lancer et après quelques refus catégoriques, je commençai à
élaborer une technique d’approche qui devint de plus en plus performante au point de me
permettre de décrocher quelques rendez-vous. Si je n’avais jamais fait de démarchage
téléphonique ni de commercial auparavant, je remarquai qu’obtenir des informations au
téléphone de la part d’un interlocuteur sénégalais n’était pas la chose la plus simple. En effet
il fallait souvent passer au préalable par quelques salutations et poser les questions les moins
directes possibles pour obtenir le renseignement tant recherché. J’observai ces mêmes
comportements lorsque je me vis accorder un rendez-vous avec une employée du Fondef,
organisation créée par le gouvernement sénégalais pour aider les petites et moyennes
entreprises soucieuses de se mettre aux normes ou de s’offrir des formations, à financer ces
coûteux séminaires. Le but de mon rendez-vous était d’avoir plus d’informations sur les
besoins en formation des entreprises sénégalaises afin de pouvoir adapter notre offre à la
demande, les entreprises demandeuses en formation étant notre cible privilégiée à l’époque.
Connaissant l’objet de ma visite, j’attendais de cette Madame Ndiaye qu’elle me livre
facilement les informations attendues mais bien au contraire, un jeu perpétuel de négociations
et de sous-entendus se mit en place pour décrocher ces renseignements. Trouvant ce jeu de
négociations bien futile pour obtenir des renseignements qui n’avaient à priori rien de
confidentiel, je pris bien soin de cacher mon impatience cependant. Effectivement, je compris
vite celui qui demande une information se place dans une situation momentanément inférieure
face à celui auquel est faite la requête. Cela fit donc partie de mes premières confrontations,
en milieu professionnel, à la différence culturelle. La culture sénégalaise peut être ainsi très
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protocolaire dans les relations officielles ou professionnelles et une grande attention est portée
à l’interlocuteur dont la fierté et la dignité ne doivent, en aucun cas, être atteintes.
Un petit cabinet pour de grandes ambitions
Il nous est cependant très vite apparu que nos patronnes voulaient aller plus vite que nos
moyens nous le permettaient. Effectivement, nous ne disposions, contrairement à ce que je
pensais, d’aucune base en consulting. Comme je le disais, à mon arrivée, nous n’avions aucun
fichier de clients, aucun listing d’entreprises ni aucun rapport détaillant ce que ma patronne
Sokhna faisait auparavant lorsqu’elle exerçait à plus petite échelle. Ainsi, il devint peu à peu
très clair que nous vendions un produit pour notre séminaire inter-entreprises qui n’existait
pas encore et qu’il aurait fallu créer par la suite.
Face aux délais très courts d’organisation et au nombre trop insuffisant de réponses que nous
reçûmes une semaine avant l’organisation du séminaire, mes supérieures décidèrent
d’annuler ce séminaire et de réduire de trois jours le séjour de la consultante que nous avions
recrutée pour organiser à la place un cocktail visant à présenter le cabinet à des futurs clients.
Ainsi, l’ensemble du cabinet opéra en un jour un changement brutal de stratégie en cela que
nous laissions soudainement de côté toute perspective d’organisation d’un séminaire pour
organiser une soirée de lancement d’un cabinet, financé par les fonds propres de l’entreprise.
Je fus donc chargé de chercher une salle, de prospecter et signer des devis pour des traiteurs et
de m’occuper de la logistique. Par ailleurs, je fus chargé d’élaborer une invitation pour
l’événement et de la diffuser par le biais de la mail liste créée deux semaines plus tôt par mes
soins. Mais une fois encore, lancer un événement de la sorte où l’on attend un minimum de
trente personnes nécessite plus de temps. Aussi nous ne reçûmes aucune confirmation
officielle aux invitations que nous avions envoyées et mes patronnes durent donc recourir à
leurs contacts personnels dans chacune des entreprises qu’elles souhaitaient inviter pour
s’assurer qu’il y aurait du monde à leur cocktail.
Je décelai un gros problème de méthode dans l’organisation d’événements de la part de mes
patronnes en cela qu’elles mettaient beaucoup d’argent dans les locaux et la nourriture, et
soignaient donc les apparences, mais qu’elles ne s’attachaient que trop peu au fond. Ainsi, une
ébauche de programme interne avait été décidée le matin du cocktail mais à quinze heures,
soit trois heures avant le lancement de l’événement, mes patronnes décidèrent sur un coup de
tête de modifier la programmation. J’avais également proposé de les aider à rédiger leurs
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discours mais elles n’ont pas jugé cela utile, préférant que j’aide mes collègues dans la
finalisation du Power Point qui allait être diffusé en arrière-plan pendant toute la soirée.
Finalement le cocktail s’est bien passé en apparence sans aucun couac malgré certaines
finitions qui auraient pu être mieux travaillées, et notamment les discours qui, faute de
préparation, manquaient cruellement de professionnalisme par moment. Nous partagions alors
un sentiment de travail bâclé avec mon collègue Gaël originaire du Bénin, au profil business
school. Effectivement nous avions pris ce cocktail comme la véritable occasion que le cabinet
avait de faire parler de lui, de son projet et de ses ambitions. Par ailleurs, cela était d’autant
plus important que le cabinet n’avait pas grand-chose à vendre si ce n’est sa force de travail,
qui restait encore à prouver. Ainsi, même si cela était la première fois que nous le faisions,
nous allions, cartes de visite en main, discuter avec les invités pour leur vendre les services du
cabinet et essayer de sonder quelque peu l’impression qu’ils en avaient eue. Pour dire vrai,
beaucoup étaient venus car ils connaissaient soit Fatimata soit Sokhna et n’avaient pas
vraiment pris au sérieux le projet du cabinet porté par deux femmes sans grande expérience et
cinq stagiaires. D’autres, au contraire, instauraient cette distance voulue par la culture
sénégalaise et par notre jeune âge face à ces invités qui avaient plus de quarante ans, limitant
ainsi notre discours à d’infructueuses conversations de politesse.
Nos collègues furent plutôt passifs tout le long du cocktail, officiant plus comme des serveurs
tout au long de l’événement ; il était aussi clair que leurs habitudes culturelles, auxquelles
nous étions étrangers avec Gaël, ne les incitaient pas à aborder l’ensemble des cadres présents
au cocktail comme nous le faisions. Je fus également surpris de découvrir deux patronnes sans
grandes qualités commerciales. Si Sokhna s’en sortait avec sa “tchatche” habituelle et la
confiance que lui donnait son réseau d’amis un peu partout dans Dakar ainsi que le poids du
nom de son grand frère Amadou Diaw, bien connu dans le milieu, Fatimata était beaucoup
plus passive et assistait à notre propre cocktail comme une invitée.
Reconnaissons que c’était à tous notre premier grand événement officiel et vu les conditions
de préparation le résultat n’avait pas été si catastrophique que cela. Cependant, en rentrant à la
maison avec Gaël (qui était aussi mon colocataire) nous eûmes du mal à cacher notre surprise
face au déroulement du cocktail. Pour le prix investi dans la soirée, il nous fut difficile d’en
conclure un quelconque bénéfice pour le cabinet, si ce n’est d’avoir un peu plus mesuré
l’ampleur qui restait à faire dans le développement de Clientis. Toutefois, l’ensemble du reste
de l’équipe exprimait sa satisfaction lors du meeting du lundi suivant sur la bonne conduite du
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cocktail. Lorsque notre avis fut demandé et comme nous tentions de tempérer leur
enthousiasme, nous comprîmes qu’aller à l’encontre des réjouissances générales n’était pas
spécialement la bonne chose à faire.
De nouveaux projets avec une nouvelle organisation et répartition du travail
Après l’échec à moitié avoué que le cabinet a connu après le cocktail, nos patronnes ont
décidé d’organiser la manière de travailler différemment. Si avant nous étions en charge des
projets que menaient le cabinet, nous étions à présent au même rang que les trois autres
stagiaires de l’entreprise et nos patronnes aux commandes. L’échec du cocktail était
également dû au fait que nous ne travaillions pas en équipe avant, et j’avais suggéré que l’on
concentre nos forces communes dès le départ sur une activité à la fois, histoire de faire les
choses bien et d’arriver à un produit fini. Cependant, je me rendis vite compte que la nouvelle
organisation du travail du cabinet impliquait une plus grande division du travail qui aurait pu
répondre à la règle “5 stagiaires, 5 projets”. En conséquence, l’un des stagiaires travaillait au
développement du site internet, un autre travaillait à l’élaboration d’une newsletter à envoyer
à nos futurs clients, une autre stagiaire travaillait à l’élaboration d’un SMQ (Système de
Management de la Qualité) pour guider notre manière de travailler au sein du cabinet, mon
collègue Gaël était chargé de conduire une recherche pour Sokhna et moi je devais travailler
avec Fatimata.
Lorsque mes deux patronnes décidèrent de fonder le cabinet, l’idée était d’élaborer une
manière de faire du conseil de nouvelle génération, d’où l’idée de la collaboration de Fatimata
Ly, designer de profession. L’idée était de rendre les entreprises sénégalaises plus créatives
pour résoudre leurs problèmes : apprendre à innover, à gérer et anticiper les attentes des
consommateurs, à s’adapter aux critères de la mondialisation. Dans le contexte africain, la
créativité est l’une des principales sources d’innovation sur le continent et c’est donc un
marché à exploiter. Je fus donc chargé avec Fatimata d’élaborer un prototype de formation en
créativité se basant sur le concept novateur du design thinking. Le design thinking cherche à
inciter le créateur, l’employé, le manager ou l’entreprise à intégrer les concepts du design
pour créer, trouver des solutions et innover par la suite. Nous nous basions ainsi sur une
méthode qui définissait cinq phases dans le processus de création : l’empathie, la définition,
l’idéation, le prototypage et la phase test. L’empathie servait à identifier le problème avant
d’en définir clairement la nature et ses limites. Vient ensuite l’une des phases cruciales du
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Design Thinking qui est l’idéation, processus censé nous rendre le plus créatif possible avant
d’élaborer un prototype du produit et de le tester lors de la phase prévue à cet effet.
Le Design Thinking m’avait donc été présenté comme la “signature” du cabinet de conseil
Clientis, la touche particulière qui distinguerait le cabinet des autres cabinets de conseil
sénégalais. Sokhna et Fatimata avaient prévu de dispenser ce conseil sous forme de
formations et d’ateliers et on me confia donc la charge d’élaborer une formation en créativité
qui serait donnée à notre premier client potentiel : l’Institut Supérieur de Management,
autrement dit, l’école tenue par le grand frère de Sokhna.
Je m’attelai donc à la rédaction d’un premier concept de formation en créativité. Je ne
disposais d’aucun matériel et Fatimata préférait faire jouer au départ mon imagination sans
introduire aucune de ses connaissances dans mon travail de recherche. Je décidai donc de
travailler à l’élaboration d’une formation pour développer les capacités “d’empathie” des
participants à l’atelier. Pour ce faire, je fis le choix de me baser sur mes expériences
personnelles, mon expérience au théâtre et sur les activités auxquelles j’avais participé pour
créer des ateliers visant à mettre en situation d’empathie les participants, en les incitant à
communiquer entre eux, à se parler, à mieux se connaître. Le premier jet terminé, je le
transmis à Fatimata pour révision mais, au lieu d’avoir un commentaire en profondeur sur
mon travail, je reçus la consigne de le présenter au reste de l’équipe pour la fin de la semaine,
ce que je fis. Et j’eus à cette occasion un premier exemple de ce qui allait ensuite rythmer le
reste de mon stage au sein du cabinet : une critique sèche de mon travail, c’est à dire jamais
accompagnée de conseils sur la manière d’améliorer mon travail et notre travail au final.
Lorsque je présentai cet exemple de formation créée à partir de rien, sans aucune marche à
suivre, je m’attendais à une critique constructive du travail fourni mais au contraire si
j’écoutais Sokhna, mon travail “était trop...mais pas assez…”. Fatimata restait quant à elle
plus évasive, reconnaissant les bonnes idées présentes dans ce travail sans pour autant être
plus claire sur ce qu’elle attendait. Il manquait à ce moment chez mes patronnes l’idée précise
de ce qu’elles attendaient au final. Je comptais sur l’expérience en design et le fait qu’elle ait
suivi dans le passé des formations en Design Thinking pour me guider dans l’élaboration des
ateliers, ou pour apporter, une fois mon premier travail rendu, sa touche ou ses corrections
selon ses connaissances et son expérience personnelle. Après tout c’était elle l’experte et le
manager…
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Suite à cette première présentation de mon travail devant le reste de l’équipe, j’opérai
quelques transformations ou corrections de mon travail suivant les commentaires flous et
évasifs de mes patronnes. Je dois avouer que ce fut la période où ma collaboration se
compliqua avec mes patronnes, m’impatientant parfois de ce manque de clarté dans les
exigences mais aussi dans les méthodes. Je mis également du temps à comprendre et à
accepter le fait qu’elles n’avaient en fait jamais eu aucune expérience dans ce domaine et que
leurs attentes n’étaient souvent pas cohérentes avec ce que l’entreprise était capable de
produire.
Après plusieurs retouches, mon travail fut transmis au client (l’ISM) et stocké du côté de mes
patronnes et je n’eus plus de nouvelles jusqu’à la fin de mon stage, ce que j’ai trouvé bien
dommage car je n’ai pas pu accompagner un produit de sa création jusqu’à sa réalisation. Par
ailleurs, n’ayant pas de retours francs sur mon travail, je commençai à douter de mes capacités
à produire un travail respectant les attentes de mes supérieurs. Toutefois, cela était rendu
difficile par l’incapacité conjointe de mes patronnes à formuler des attentes claires et à avoir
également une vision cohérente et pertinente du produit qu’elles souhaitaient ensuite présenter
au client. Je reste convaincu que créer des formations, si laborieux que cela soit, aurait pu être
bien plus formateur si cela m’avait permis de développer mes capacités de création en
produisant un livrable à partir de rien, à retoucher un travail suivant les critiques constructives
d’un supérieur pour, sorti de l’usine, contenter le client avec un travail parfait aux yeux du
stagiaire et du supérieur. Malheureusement cela n’arriva jamais…
Nouvelles missions, nouvelles manières de travailler, nouvelles déceptions
Je dois reconnaître que mon dernier mois de stage fut particulièrement difficile en ce qui
concerne ma collaboration avec mes patronnes. Je n’étais toujours pas satisfait de la manière
dont j’étais managé, m’engageant immédiatement, une fois missionné, de plein cœur dans
mon travail, mais regrettant toujours de ne pas bénéficier de l’expérience professionnelle de
mes supérieures que je commençais, intérieurement, à remettre de plus en plus en question.
J’entamais donc le dernier tiers de mon stage au sein de Clientis. Le cabinet voulait se
développer sur quatre branches essentielles du développement économique : l’éducation,
l’agriculture, le tourisme et les transports. Ainsi, on me demanda de commencer une étude du
secteur agricole ivoirien. Une fois de plus, cette nouvelle mission était réalisée sans filet c’est
à dire sans aucun conseil méthodologique ni aucune information sur l’utilisation de mes
recherches plus tard.
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Je lançai donc mon étude sectorielle en me basant sur des sources officielles, les sites de la
FAO et de la Banque Africaine de Développement... N’ayant pas de plan, de structure ou
directives spéciales à respecter, j’entrepris de mener les recherches les plus larges possibles.
Au terme de recherches de deux semaines, je rendis à Fatimata, qui m’encadrait sur ce projet,
un document de trente pages dressant un bilan se voulant exhaustif du secteur agricole
ivoirien. Cette fois-ci je ne m’étonnais plus des retouches floues qui allaient être exigées de la
part de mes superviseurs. Ne se satisfaisant pas d’un document de trente pages à la lecture
jugée fastidieuse et lourde pour le client, on me demanda de préparer des présentations Power
Point pour chaque secteur agricole, voire pour chaque produit. L’argument apporté pour
justifier ce changement de présentation était que ces présentations seraient ensuite montrées
au client. Je compris cependant que ce projet n’était pas très clair dans l’esprit de ma
supérieure sur ce projet, Fatimata. Cependant, je m’exécutai et me lançai donc dans la
préparation d’une quinzaine de présentations Power Point en référençant notamment le café,
le cacao, le coton, la canne à sucre et l’ensemble des autres productions où la Côte d’Ivoire est
leader en Afrique et dans le monde. Fatimata exigea de moi que j’approfondisse certaines
données, que je parte à la recherche de chiffres plus précis, ce que je fis.
Je fus alors confronté à la difficulté dans certaines situations de trouver des informations à
jour, surtout concernant certaines cultures comme l’arachide ou les fruits exotiques qui parfois
étaient gérées par des coopératives qui n’étaient pas référencées sur la toile. Effectivement,
internet nous donne souvent l’impression que l’on peut trouver tout et n’importe quoi en
amont mais un travail de terrain est souvent requis en aval pour compléter les recherches et
s’assurer de ce que l’on avance dans les recherches. Un travail de terrain final manquait ainsi
à cette recherche. Toutefois c’est seulement a posteriori que je me rends compte que malgré le
manque de ressources dont je disposais, je parvins à dresser un bilan plutôt exhaustif de l’état
du secteur agricole ivoirien sur les dix dernières années, chiffres à l’appui. Je devins
autodidacte dans le domaine, lisant des analyses sectorielles sur internet, m’intéressant à des
méthodes d’évaluation des forces et faiblesses d’un secteur économique, ainsi que les
opportunités de marché qui peuvent en découler. Malheureusement je n’étais jamais guidé
dans mes travaux et ne reçus aucun feedback constructif de la part de mes patronnes...
Durant cette période, Sokhna, la Directrice Générale était rarement au bureau, vacant à ses
propres activités personnelles. Nous étions donc principalement encadrés par Fatimata et je
fus malheureusement confronté à son inexpérience dans la conduite d’une expertise
sectorielle, domaine dans lequel mon stage aurait dû me former mais dont je ne reçus aucun
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enseignement de la part de mes supérieures. Encore une fois, je n’étais pas guidé dans la
méthodologie et je comprenais de moins en moins l’utilité de mes recherches dans le
développement du cabinet. Ainsi Fatimata apportait des corrections ou des critiques plutôt que
des suggestions, ne trouvant pas mes recherches assez complètes compte tenu du temps qui
m’avait été donné (une semaine initialement…). Plus les jours passaient plus elle exigeait une
reprise des recherches, exigeant un chiffre pas ci, un autre par-là, sans motif particulier et sans
que cela n’apporte quoi que ce soit à la recherche. Je me rendais également compte que mes
patronnes s’attendaient à nous voir produire des livrables qu’elles auraient immédiatement été
capables d’employer face au client. Or, face aux livrables que nous rendions et qui étaient de
fait incomplets, il était essentiel d’avoir un mot final venant de nos supérieurs ou au moins un
conseil reconnaissant nos efforts de recherche pour produire à partir de rien, et des ajouts ou
des corrections nous aidant dans notre travail. Je fus ainsi de plus en plus convaincu que
Sokhna et Fatimata ne savaient pas comment employer les documents et les travaux que nous
leur livrions.
Je terminai cependant mon analyse sectorielle sans savoir quand et comment ces recherches
allaient être utilisées par mes patronnes. Clôturant un bon mois de recherches sur ce volet, je
passai sous les commandes de Sokhna pour élaborer des recherches sur le PSE (Plan Sénégal
Emergent) visant à relancer l’économie et le développement du pays ainsi que d’autres
agences étatiques qui supportent les initiatives des entreprises. Ces recherches étaient en soit
plus simples à mener car Sokhna travaillait d’une manière différente. Effectivement, elle lisait
à peine les recherches que je faisais, je prenais donc soin de ne pas les rendre trop
exhaustives. Une fois mes recherches envoyées, je recevais très vite un e-mail me remerciant
pour mes recherches sans obtenir de feedback me permettant d’évaluer ma manière de
travailler et ma contribution au sein du stage.
Un stage qui fut riche en enseignements pour la suite de ma 3A
Au cours de ces quatre mois de stage à Dakar, j’aurai appris beaucoup de choses.
Malheureusement ou heureusement peut-être, c’est la capacité que j’avais à prendre du recul
qui m’a permis d’apprendre énormément de ce stage à défaut d’apprendre de mes maîtres de
stage. Le déroulement et les résultats du projet que j’avais essayé de mener à Kaolack furent
très décevants. Toutefois je mis cela sur le compte du manque de moyens de la mairie qui me
recevait et également des différences culturelles qui rendaient le projet plus difficile. En
revanche, mes déceptions touchaient d’autres aspects quant à Clientis. Effectivement en
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signant dans une entreprise qui se disait cabinet de conseil, tenue par deux expertes (l’une en
qualité et l’autre en design) je comptais apprendre énormément de leur expertise. Cependant
je me rendis compte petit à petit que mes patronnes, qui n’avaient en fait aucun passé dans le
monde du business et du conseil, nous avaient recrutés pour produire une expertise qu’elles
allaient ensuite vendre au client. Le problème était que nous, les stagiaires, n’étions pas non
plus des experts et que même si nous étions capables de lancer des recherches et de constituer
de solides bases de données, nous n’étions pas ensuite qualifiés pour authentifier la recherche
et présenter de nous-mêmes un produit. En fait je me rendis compte aux deux tiers de mon
stage que j’attendais un regard final, un enseignement de la part de mes patronnes qui
finalement n’allait jamais venir. Sous les critiques d’un travail qui manquaient de profondeur,
je décelai surtout l’incapacité de mes patronnes de composer avec le travail qu’elles me
demandaient du fait de leur manque d’expérience dans le domaine.
Ainsi ce stage fut riche en enseignements car je fus confronté à un système qui sévit dans le
pays depuis la fin de la colonisation. Ce système est cependant actuellement en train de
changer dans beaucoup de pays d’Afrique, et notamment au Sénégal, et c’était notamment ces
changements que j’étais venu expérimenter pour ma 3A. Mais j’imagine que l’enseignement
n’aurait pas été complet si je ne m’étais jamais confronté avec les problèmes qui ont ralenti
l’expansion normale du pays pendant longtemps.
J’ai effectivement eu face à moi pendant toute la durée de mon stage l’archétype parfait de
certaines élites sénégalaises parties en France pour étudier et ensuite revenues au pays pour
prospérer. Revenue de France avec un diplôme universitaire en chimie et un diplôme de
l’Université de Québec en agroalimentaire, Sokhna Diaw s’est vu logiquement attribuer un
poste de cadre en contrôle qualité au sein d’une grande entreprise. La position de mes deux
patronnes était aussi garantie par une fortune familiale leur permettant d’asseoir leur train de
vie. Certaines élites africaines, rassurées par leur pouvoir financier, occupent alors des
positions sans pour autant être les meilleures pour le poste. Il n’y avait donc aucune surprise à
voir mes deux patronnes se lancer dans le conseil en développement économique sans pour
autant en avoir les compétences. Effectivement, elles ne possédaient aucune expertise ni
certification mais détenaient le réseau des plus grandes entreprises installées à Dakar ainsi que
le porte-monnaie.
Il faut dire aussi que l’Afrique n’attirant pas autant que ce qu’elle devrait, les opportunités de
marché et de créations d’entreprises y sont immenses. C’était d’ailleurs une chose qui m’avait
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beaucoup plu lorsque j’avais commencé à travailler pour Clientis. Je réussis en effet à
décrocher des rendez-vous d’affaires avec de grands groupes comme Elton (société de
distribution pétrolière) ou encore la Sococim (entreprise cimentière) et à être pris au sérieux,
par le simple fait que la présentation était soignée et professionnelle. Je pus ainsi confronter
une théorie étudiée pendant deux ans au sein du Programme Europe-Afrique du Sciences Po
Paris à la réalité : les entreprises africaines sont demandeuses de main d’œuvre qualifiée et
peu importe votre âge, à partir du moment où vous avez de l’énergie, des idées et de la
motivation, elles signent avec vous !
C’est d’ailleurs sur cette base que j’avais décroché mon stage à Clientis, pour donner un coup
de neuf et une nouvelle dynamique à l’entreprise. Malheureusement les égos personnels et le
manque d’expérience de mes supérieures m’empêchent de dresser un bilan totalement positif
de mon stage dans ce cabinet de conseil. Cependant c’est avec la capacité que j’ai eue, tout au
long de mon stage, à prendre du recul et à forcer le regard optimiste sur mon expérience, que
je suis revenu en France plus mûr et plus sûr de ce que j’entreprendrai dans le futur.
Effectivement, avant mon stage au Sénégal, je connaissais très mal le monde du consulting.
Malgré les problèmes que j’ai rencontrés au cours de mon stage avec Clientis, je dois dire que
cela m’a quand même ouvert les yeux sur le monde du conseil, beaucoup plus passionnant
que ce que j’imaginais au départ.
Le consulting est un monde qui bouge sans cesse et pluridisciplinaire : il faut savoir se
réadapter et innover tout le temps, être le plus efficace et performant possible pour satisfaire
le client. C’est surtout un monde qui emploie énormément de jeunes et énormément formateur
pour découvrir les mondes de l’entreprise ou des relations publiques. Ainsi, en travaillant à
Clientis j’ai appris à travailler efficacement et à démultiplier ma capacité de travail, à
approfondir également mes connaissances sur les marchés ivoiriens et sénégalais par le biais
des recherches que je devais conduire. J’ai également découvert de nouveaux outils de travail,
ou de nouvelles sources. Effectivement, je n’étais pas très familier à Sciences Po des outils
statistiques par exemple, je ne manipulais pas beaucoup les chiffres non plus. Or, pour la
bonne conduite de mes recherches et pour répondre aux exigences de mes patronnes, je devais
appuyer mes recherches de chiffres ou encore réaliser des estimations. Par ailleurs, j’ai appris,
par le biais de Gaël qui avait un profil école de commerce, à analyser la concurrence, repérer
les forces et les faiblesses d’un marché. J’ai également appris à démarcher des entreprises au
téléphone et à conduire des rendez-vous d’affaire pour négocier des contrats.
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Somme toute, cette expérience professionnelle m’aura beaucoup appris et je n’ai aucun regret
quant à mon choix de stage pour la première partie de ma troisième année hors les murs.
Parlons du Sénégal
Il est vrai que lorsque l’on fait la décision du stage pour sa troisième année à l’étranger, le
travail prend une bonne partie de notre temps durant la semaine. Toutefois, cela n’empêche
pas de découvrir un pays et une ville et joindre ainsi l’utile à l’agréable.
Effectivement, il serait dommage de ne pas s’attarder un peu sur le Sénégal, pays au charme
fou et auquel on s’attache inévitablement. La première chose qui nous frappe lorsque l’on
arrive à Dakar est la chaleur, lourde et humide de juillet à octobre et sèche le reste de l’année.
Dakar est située sur une presque île, plus exactement la presque île du Cap-Vert, constamment
balayée par le vent sahélien ainsi que les alizés qui rafraîchissent la ville. Par ailleurs l’Océan
est accessible de partout et le littoral dakarois offre de belles plages de sable fin sur lesquelles
s’entraînent les lutteurs et les surfeurs. Quand je suis arrivé, c’était la fin de la saison des
pluies et il a plu quelques fois : d’énormes pluies et orages qui s’abattent sur la ville en
quelques secondes. Le service d’évacuation des eaux étant désastreux, les rues se
transforment toutes en mini torrents où naviguent alors les taxis jaune et noir de la ville.
Du fait du vent, de la mer omniprésente et du Sahel au nord du pays, la ville s’ensable très
facilement et les services de nettoyage urbain de la ville désespèrent de voir une route
s’ensabler immédiatement une fois nettoyée. Par ailleurs, Dakar est en pleine explosion
urbaine : des immeubles, des bureaux, des maisons se construisent de partout. Aussi mon
quartier n’existait-il pas lorsque j’étais venu à Dakar huit ans auparavant. La ville attire et est
très cosmopolite. Vous y retrouverez ainsi toute l’Afrique : du Maroc à l’Ethiopie, de la Côte
d’Ivoire au Congo en passant par l’Afrique du Sud. Sans parler de l’énorme communauté
libanaise, des Américains, des Européens et des Chinois qui terminent de dessiner le tableau
de ce qu’est Dakar aujourd’hui. Par conséquent, la vie sociale et culturelle est également très
active pour divertir tout ce petit monde. La ville regorge de petits concerts et festivals, de
fêtes de quartiers, de clubs et boîtes de nuit, de petits restaurants en bordure de plage. Par
ailleurs, je fus surpris de voir que les Sénégalais sont de très grands sportifs. Tous les soirs et
ce, malgré la chaleur, après le travail, on peut voir la corniche se remplir de joggeurs quand
les plages se remplissent d’équipes de lutte ou de foot et de gymnastes.
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Dakar est également une ville où il est possible de trouver toutes les gastronomies du monde
du fait de sa population très diversifiée, et des goûts très cosmopolites des Sénégalais. Vous
trouverez bien sûr des restaurants français, italiens, espagnols. Après on ne compte plus
restaurants chinois, éthiopiens, ivoiriens et libanais. Nous finirons bien sûr sur la nourriture
sénégalaise très raffinée qui se compose souvent de riz ou de couscous avec une sauce à base
de légumes (carottes, pommes de terres, aubergines, choux, courgettes) et de viande (poulet,
agneau, bœuf) ou de poisson (le thiof, sorte de mérou, ou la daurade). Les plats nationaux les
plus célèbres sont le Tiep Bou Dien (littéralement, « riz au poisson ») qui se compose de riz
aromatisé à la tomate et aux épices accompagné de légumes et de thiof. On compte aussi le
poulet yassa, qui se mange avec du riz blanc et du poulet mariné dans des oignons, des épices
et du citron ou le mafé qui se compose de viande de bœuf cuisinée avec des légumes dans une
sauce à l’arachide et qui se mange également avec du riz blanc. Par ailleurs, les Sénégalais
sont très friands de « dibi » : de la viande grillée au feu de bois et accompagnée d’oignons.
Les dibiteries sont les restaurants qui servent de la viande de dibi et pour moins d’un euro,
vous vous régalez.
Dakar est une ville où le marchandage est roi : le taxi comme votre tissu au marché sera
négocié. Pour s’assurer d’un bon prix, il est toujours mieux de parler quelques mots de wolof
(langue parlée par 80% de la population) pour négocier, même si au final c’est votre
détermination et votre confiance qui vous assureront du prix que vous voulez payer. Par
ailleurs, l’habitude vous montrera que des prix sont quand même stabilisés et qu’une course
taxi vous coûtera en moyenne 1000 francs CFA (1.50 euros) si vous habitez Dakar.
Le style vestimentaire des Sénégalais est reconnaissable parmi tant d’autres. Beaucoup
portent des boubous taillés dans du tissu wax de couleurs, importé d’Indonésie. Cela produit
ainsi un éventail de couleurs dans les transports en commun. Chacun cherche à avoir le
boubou et la tenue la plus originale et les numéros des tailleurs s’échangent entre collègues ou
amis pour reproduire un modèle qui nous a plu. Les tailleurs sénégalais sont d’ailleurs réputés
pour leurs talents d’innovation dans les formes et les coupes de leurs vêtements. Par ailleurs,
les marchés aux tissus pullulent dans la ville mais le marché du quartier HLM est celui où l’on
trouve les meilleurs tissus de la ville : beaucoup sont importés du Togo ou du Congo où sont
fabriqués les tissus wax les plus réputés du continent.
Dakar est une ville où la vie est facile et tranquille. La vie est très bon marché, j’habitais ainsi
en colocation dans une villa avec gardien pour moins de 200 euros par mois, toutes charges
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comprises. Les transports ne sont pas chers, et si les déplacements ponctuels peuvent se faire
en taxi du fait de leur bas prix, prendre les transports en commun est de loin le plus
avantageux. Effectivement ils passent assez régulièrement et un trajet coûte 0.15 euros. Par
ailleurs, c’est une ville sans grand problème de criminalité malgré des inégalités économiques
qui augmentent depuis le début des années 90. Ainsi, les nouveaux quartiers rénovés du
Plateau ou des Almadies cohabitent avec les pauvres habitations de la périphérie ou situées
près de l’aéroport.
Voyager dans le Sénégal est également extrêmement dépaysant. Sortez de Dakar, et vous êtes
dans la brousse, avec des plaines à perte de vue (le Sénégal est connu pour être plat) sur
lesquelles trônent d’imposants baobabs. Allez au nord de Dakar et vous serez émerveillés par
le Lac Rose, grand lac salé qui tire sa teinte rose des seuls micro-organismes vivant dans cette
eau trouble aux deux tiers et qui produisent un pigment rouge sous l’effet du vent et de la
chaleur. Par ailleurs, les dunes du désert de Lompoul ne sont qu’un avant-goût du Sahara qui
débute en Mauritanie, plus au Nord. Quant au Sud du Sénégal, c’est un tout autre spectacle :
plus humide, vous roulez une heure durant sur des marais salants au blanc aveuglant avant
d’arriver dans le delta du Sine Saloum. Vous accédez alors à une incroyable réserve de faune
et flore avec des pélicans, des hérons et des flamands qui s’envolent au passage de votre
pirogue dans les mangroves sinueuses. Par ailleurs, les plages de Palmarin sont désertes et
d’un blanc à couper le souffle...Un si petit pays pour tant de diversité de paysages.
Je quittai Dakar un dimanche soir à minuit, et en survolant la ville qui m’avait accueilli, je
partais content et satisfait, appréciant le sentiment que j’avais au fond de moi d’avoir eu un
séjour complet, au cours duquel j’avais eu la chance de travailler mais aussi de renouer avec
mes origines et de découvrir un pays où je n’avais jamais eu la chance d’habiter auparavant.
Départ pour l’Afrique du Sud
Quelques semaines plus tard, je m’envolais pour l’Afrique du Sud où j’avais décroché un
stage au Centre d’Information des Nations Unies de Pretoria pour six mois.
L’Afrique du Sud faisait également partie de mon projet de troisième année depuis deux ans
et après avoir visité un pays d’Afrique de l’Ouest francophone, je décidai de poser mes valises
dans un pays d’Afrique Australe Anglophone que je ne connaissais absolument pas.
L’Afrique du Sud m’avait cependant toujours attiré pour diverses raisons : je trouvais
l’histoire politique et sociale de ce pays fascinante, m’étais intéressé au personnage de Nelson
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Mandela, au rôle de l’Afrique du Sud dans le continent, surtout depuis la coupe du monde de
football 2010 que j’avais suivie. J’avais ainsi orienté l’ensemble de mes papiers de recherche
sur ce pays pendant mes deux années de scolarité au sein du Programme Europe-Afrique de
Sciences Po Paris.
Je trouvai mon stage à l’ONU en répondant à une annonce de Sciences Po Avenir. Trois
semaines après avoir envoyé mon dossier de candidature, je passai un premier entretien puis
un second quelques mois plus tard qui me confirmèrent pour un stage de six mois en tant que
stagiaire en communication.
Le Centre d’Information des Nations Unies (United Nations Information Centre) dépend
directement du département d’information des Nations Unies visant à promouvoir l’ONU et à
unifier la communication de l’organisation de par le monde. J’avais été engagé dans le bureau
de Pretoria, capitale administrative du pays, qui était le deuxième plus gros centre
d’information après celui de Washington. Mes missions consistaient à conduire des revues de
presse quotidiennes en anglais et en français de l’actualité africaine et à participer également à
l’organisation de l’ensemble des événements qui animaient la vie de ce bureau de l’ONU.
Effectivement, faisant partie du département d’information auprès duquel il reportait
quotidiennement, le centre s’occupait de coordonner la communication de l’ensemble des
agences de l’ONU présentes en Afrique du Sud tout en prenant la tête de l’organisation des
journées d’information, des commémorations spéciales ou encore de se rendre une fois par
mois dans des écoles défavorisées pour parler de l’ONU et des enjeux du développement
économique.
Travailler dans une grande organisation internationale comme l’ONU n’avait jamais été un
objectif de carrière professionnelle avant d’arriver en Afrique du Sud. Effectivement, j’avais
du mal à avoir de l’intérêt pour une agence de l’ONU. Reconnaissant l’intérêt des Nations
Unies dans le monde, mais très critique à son égard dans certaines situations, je ne pensais pas
avoir la personnalité pour travailler dans un monde fait de bureaucratie et de diplomatie.
Toutefois, lorsque l’opportunité s’est présentée j’ai postulé et par curiosité j’ai accepté le
stage lorsque j’ai été pris. Je souhaitais avant tout confronter mes opinions avec la réalité pour
enfin me faire une idée de ce qu’était l’ONU. Mon projet de Master avait également
commencé à se préciser pour le master Droit-Economique, et même si commencer un master
en Relations Internationales ne m’intéressait pas, j’arrivai néanmoins à la conclusion qu’une
expérience professionnelle dans une institution aussi prestigieuse que l’ONU ne pouvait
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qu’être bénéfique et enrichissante. Par ailleurs, je dois reconnaître que mon choix fut d’autant
plus motivé par le fait que j’arrivais à la fin de mon stage au Sénégal, et que du fait des
conditions de sa réalisation, je n’étais pas satisfait de la légitimité que cette expérience aurait
pu apporter à mon CV. Effectivement, j’avais appris énormément sur le point personnel, mais
si le plan professionnel avait quelque peu été étoffé, je restais sur ma faim car je n’avais pas
acquis de méthodes professionnelles. En revanche, après un stage à l’ONU, j’aurais intégré
les codes et les procédures propres à l’organisation qui, ensuite, m’auraient sûrement permis
de m’adapter à un environnement similaire.
Stagiaire en Communication au Centre d’Information de Nations Unies de Pretoria
Je commençai mon stage le 2 février. Je travaillai avec une autre étudiante de Sciences Po,
venant du programme général, qui avait été stagiaire à l’ONU depuis le mois de septembre ; il
lui restait donc un mois en Afrique du Sud. On me présenta à l’équipe et je découvris ainsi un
petit bureau situé au sixième étage des bureaux de l’ONU qui comprenaient la majorité des
agences de l’ONU (ONU femmes, FAO, UNICEF, PNUD…). Le Centre d’Information était
en effet l’un des plus petits bureaux de l’ONU à Pretoria, composé uniquement de 5 staffs
permanents (la Directrice, le National Information Officer, la Bibliothécaire, le Webmaster et
l’Assistance administrative). Il y avait ensuite des stagiaires : cinq stagiaires en
communication (puis trois à la fin de mon stage), un stagiaire à la bibliothèque, un stagiaire en
administration et finance et un stagiaire webmaster.
J’arrivais malheureusement en pleine période de transition où mon maître de stage, le
National Information Officer, avait changé de bureau pour travailler dans l’équipe de
communication de l’UNICEF. J’ai eu donc pour toute la durée de mon stage un National
Information Officer qui avait un contrat temporaire d’intérim en attendant la nomination de
quelqu’un d’éligible pour le poste. Par conséquent, les activités du bureau avaient été réduites
et le centre d’information tournait à petit régime. Aussi, la majorité des événements que le
bureau avait prévu d’organiser pour les six premiers mois de l’année avaient été reconduits
pour la seconde moitié de l’année.
Mes tâches commencèrent donc par être limitées à la tenue des revues de presse africaines en
français et en anglais, travail exécuté en collaboration avec mes collègues stagiaires, ainsi
qu’à la réalisation de tâches administrative et d’intendance pour le bureau. Chaque Centre
d’Information des Nations Unies du monde (il en en a 63 en tout) est chargé d’envoyer tous
les matins à New-York une revue de presse sur la région du monde dans laquelle il se trouve.
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L’ensemble de ces revues de presse sont ainsi collectées par le siège pour produire une revue
de presse mondiale envoyée à tous les Centres d’Information des Nations Unies, eux-mêmes
chargés ensuite de les diffuser aux autres agences de l’ONU. Par ailleurs, nous comptions des
partenaires autres que les agences de l’ONU et notamment les ambassades et les ONG qui
s’intéressaient aux revues de presse produites par l’ONU. Pour ce faire, nous nous basions sur
deux types de support pour les revues de presse : la presse écrite sud-africaine que nous
recevions tous les jours et les médias en ligne africains et sud-africains. Ainsi, tous les matins,
je m’attelais à la revue de presse en compilant et résumant sur un document l’ensemble des
nouvelles apparues dans les dernières vingt-quatre heures. Ledit document était ensuite
envoyé au National Information Officer qui se chargeait de corriger notre travail et d’assurer
une relecture finale avant de le transmettre au webmaster qui l’envoyait ainsi à New-York.
Ensuite nous allions archiver les journaux à la bibliothèque de l’ONU dépendant du centre
d’information, et qui étaient à la libre disposition des usagers qui venaient utiliser les
ordinateurs ainsi que les ressources bibliographiques.
Pendant quelques semaines, je dois avouer que le travail se faisait attendre, mis à part mes
tâches du matin, je m’occupais comme je pouvais en mettant à jour des listes de contacts pour
la Directrice, en classant des dossiers ou en aidant à l’accueil de la bibliothèque. Toutefois, je
devins plus proactif par la suite, demandant à aider dès qu’un projet s’organisait. Ainsi
j’accompagnai un jour la bibliothécaire, Hope, dans une école défavorisée du centre de
Pretoria lors d’un FUNday, vendredi du mois où l’ONU organise une présentation dans une
école de la ville. Ce fut un moment que j’appréciai tout particulièrement car pour une fois
nous sortions de nos bureaux pour faire ce que je considère comme de la vraie communication
: parler aux élèves. Nous avions organisé la présentation pour les familiariser avec l’ONU et
ses valeurs, le concept du développement économique et l’importance de l’éducation.
L’échange que j’ai eu avec ces enfants pendant deux heures m’a permis de mesurer
l’importance de l’éducation et à quel point ils avaient besoin d’être encouragés dans leurs
études. Je remarquai en effet, que venant d’une école défavorisée, beaucoup d’élèves présents
dans la classe ne croyaient pas en leur chance car personne, pas même leurs professeurs, ne
faisaient l’effort de le leur dire. Je me rappelle encore de l’hilarité générale qu’avait
provoquée ma collègue stagiaire en leur disant que le futur président d’Afrique du Sud se
trouvait peut-être dans leurs rangs ; cela en dit long sur la confiance que ces gamins avaient en
eux. En revanche on ressentait un regain d’intérêt quand on leur expliquait l’importance de
l’éducation et surtout quand nous, stagiaires, leur faisions partager notre histoire.
27
La Bibliothèque organisa fin mars la “Library Week”, où des conférences étaient données, des
séances de recherche étaient organisées pour les élèves et où un thème de l’ONU était chaque
jour mis à l’honneur. J’apportai mon aide lors d’une visite d’un centre de loisirs pour enfants
âgés de six à douze ans. Comme pour le FUNday que nous avions organisé le mois précédent,
nous avions organisé des activités et des questionnaires sous forme de jeux pour présenter le
travail des Nations Unies à ces enfants. Nous avions notamment décidé d’insister sur le volet
“droits de l’homme” que défend l’ONU depuis sa création. Malgré leur jeune âge (la plupart
avaient moins de dix ans) je pus me réjouir de la réactivité et l’intérêt que ces enfants avaient
pour des problèmes que connaissait leur pays : racisme, criminalité mais aussi problèmes
environnementaux. J’appréciai une fois de plus ce contact avec de jeunes citoyens qui un jour
allaient être des citoyens actifs pour leur pays. Nous travaillions en équipe sur ce projet avec
l’ensemble des stagiaires du centre d’information sous l’encadrement de nos supérieurs.
Je fus également chargé de prendre des photos tout au long de l’événement. Notons que
prendre des photos pour l’ONU et surtout pour l’agence de communication de l’ONU n’est
pas une chose facile. Effectivement bon nombre de critères devaient être respectés et tout cela
en suivant notamment la règle du “action, émotion, engagement” que l’on devait retrouver sur
chacune des photos.
Au cours du mois d’avril, je participai à l’organisation de deux campagnes sur les réseaux
sociaux pour supporter les victimes de la guerre en Syrie et une autre pour promouvoir plus de
tolérance dans le pays après les vagues d’attaques xénophobes qui secouèrent les régions de
Durban (Kwazulu Natal) et Johannesburg (Gauteng). Mon rôle fut de rédiger des messages
introduits par le hashtag “#whatdoesittake” et “#weareyou” inspirés des messages qui
circulaient sur la toile à cette période. Ensuite j’ai distribué ces messages au personnel de
l’ONU les prenant en photo avec ces messages. C’était une manière de soutenir les victimes
de ces attaques par le biais de réseaux sociaux, qui allaient ensuite être repris par les
internautes. Les réseaux sociaux ont ainsi révolutionné la communication de l’ONU
notamment au travers de Facebook et Twitter.
Lorsque deux stagiaires en communication arrivèrent au terme de leur contrat, il y eut un peu
plus de places pour moi et pour répondre à ma demande on me confia d’autres tâches. J’étais
désormais en charge d’organiser les réunions mensuelles du Groupe de Communication des
Nations Unies (UNCG meetings). Le Groupe de Communication des Nations Unies avait été
créé treize ans plus tôt afin de coordonner la communication des agences en Afrique du Sud.
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Effectivement, on pourrait croire que parce qu’appartenant à la même organisation, les
agences des Nations Unies s’entraideraient ou travailleraient ensemble mais la réalité est bien
différente. Effectivement, souvent les agences de l’ONU en Afrique du Sud n’utilisaient pas
la plateforme qu’offrait le Centre d’Information pour communiquer ; la communication
interne au sein de l’ONU en Afrique du Sud était plus mauvaise et cela faisait perdre du temps
à beaucoup de monde. Par conséquent, ce groupe de communication fut créé pour qu’une fois
par mois, tous les responsables communications de toutes les agences de l’ONU en Afrique
du Sud se rencontrent, partagent leur projet et élaborent une stratégie de communication
commune. J’étais donc chargé de toute la logistique pour préparer ces réunions, comme
mettre à jour le programme, réserver et préparer la salle. Les réunions avaient une durée
moyenne de deux heures et j’étais chargé de prendre des notes pendant toute la durée du
meeting. Ces notes étaient ensuite mises au propre et partagées deux jours plus tard maximum
avec l’ensemble des participants à la réunion.
Personnellement je n’ai pas trouvé ces réunions d’un grand intérêt lorsque je pus y participer.
Effectivement, les participants s’étaient contentés pendant deux mois de mettre à jour le plan
de travail du groupe de communication tout en le commentant. Cela n’était en soit pas très
productif car le même plan de travail était repris chaque année et deux heures par mois pour
en parler étaient clairement de trop ; sans parler du fait que bon nombre d’agences étaient
absentes régulièrement au cours de ces réunions. Je compris ainsi ce qu’était la bureaucratie.
L’ONU : un monde fait de bureaucratie où le fond se perd parfois
Je ne dirais pas que j’ai été déçu du fonctionnement parfois bureaucratique de l’ONU car je
m’y attendais. C’était même l’aspect qui faisait que je n’avais pas envie d’y travailler avant.
Cette bureaucratie se manifestait par une division extrême du travail, surtout lorsque l’on est
stagiaire et où tout doit être approuvé par votre supérieur et validé au final par le Directeur du
Bureau. Par ailleurs, organiser un dîner de bureau demande aussi pas mal de procédures qui
finalement donnent l’impression que l’on travaille alors que l’on ne fait que compliquer une
tâche pourtant très simple à la base. J’ai ainsi dû rédiger un programme interne pour le dîner
sous le nom de « brouillon » qui a ensuite dû être revu par ma supérieure (le titre donné au
dîner fut alors changé) pour être ensuite approuvé par la Directrice du Bureau. Bien sûr ce
fonctionnement n’est pas inhérent à toutes les agences de l’ONU et je crois que ce système
avait été instauré par la Directrice du bureau qui avait besoin de tout contrôler et qui avait
donc du mal à déléguer, centralisant donc tout le fonctionnement du bureau autour d’elle.
29
Par ailleurs, nous n’avancions pas sur beaucoup de choses du fait de ce besoin de tout
organiser et piloter de haut. Pendant un mois et demi la directrice du bureau tenait ainsi une
réunion pour réviser le programme annuel du bureau. Toutefois, cela tournait à l’absurde
parfois car cette révision consistait à écouter la directrice commenter chaque ligne du
programme et demander à la stagiaire en charge de prendre des notes de remplacer tel mot par
un autre, ou de changer l’appellation d’une colonne. D’ailleurs, une retraite de deux jours
regroupant l’ensemble des responsables communication des agences de l’ONU avait été
organisée près de Johannesburg. Au cours de cet événement des milliers de dollars avaient été
investis dans les locaux, l’indemnisation des transports des participants, la nourriture ; tout ça
pour se mettre d’accord sur le programme de la prochaine réunion du groupe de
communication de l’ONU. Il y a ainsi beaucoup de temps et d’énergie consacrés à
l’organisation d’événements qui finalement concernent plus le personnel de l’ONU que les
citoyens eux-mêmes.
Estampé ONU
Au terme de mon stage au sein du Centre d’Information des Nations Unies, je suis très content
et fier de cette expérience professionnelle qui m’a certainement ouvert des horizons que je
n’avais pas spécialement envisagés auparavant. Effectivement, si la bureaucratie onusienne ou
propre aux organisations internationales ne m’attirait pas trop, je me suis fait au système qui a
quand même fait ses preuves dans la majorité des cas. Ainsi cela a mieux orienté mes
perspectives futures d’emploi qui m’amènent désormais à considérer une carrière à l’échelle
européenne. J’aime effectivement la dimension supranationale tout en restant attaché à ma
citoyenneté française et à mon pays. En revanche, envisager une carrière à l’ONU est encore
trop tôt pour moi car je trouve encore l’organisation trop détachée de ses états membres et que
l’on tombe parfois dans des paradoxes administratifs et bureaucratiques aberrants. A ce titre,
je trouvais en effet que le personnel des bureaux sud-africains avaient oublié le pays dans
lequel ils étaient et qu’il fallait juste faire le travail qui venait d’en haut, c’est à dire
ultimement de New-York.
Toutefois, je pars de ce stage riche d’une expérience en organisation internationale, m’ayant
fait intégrer l’ensemble des codes propres à cet environnement particulier. Je réussis d’ailleurs
à décrocher par la suite un stage de deux mois à l’UNHCR avec la position de stagiaire en
protection visant à assister les demandeurs d’asile dans leurs démarches. C’est ainsi grâce à ce
premier stage au sein du centre d’information des nations unies de Pretoria que je fus
30
sensibilisé aux activités des autres agences et que je fus encouragé pour postuler à d’autres
stages et enrichir de fait mon expérience personnelle et professionnelle en Afrique du Sud.
L’Afrique du Sud : le pays du dépaysement total
En atterrissant en Afrique du Sud, je ne savais pas trop à quoi m’attendre. Je m’attendais
cependant à quelque chose de complètement différent du Sénégal et je ne fus pas déçu.
Effectivement, je posais juste le pied sur le sol sud-africain pour la première fois que je sentis
que j’étais arrivé dans un pays complètement différent et étranger à ce que j’avais connu
jusqu’à présent. Je fus dans un premier temps désorienté par les langues multiples que
j’entendais, l’anglais, l’afrikaans et le zulu.
Par ailleurs, je fus impressionné par le réseau de routes et les infrastructures. Le service
aéroportuaire est d’une efficacité remarquable comparé à ce que j’avais connu à Dakar. Les
autoroutes sont incroyablement développées et le trafic est indescriptible. Pour la première
fois je me retrouvais dans une grande métropole aux immenses gratte-ciels.
La diversité des paysages de ce pays est absolument à relever. Ainsi la région de Cape Town
ressemble au Sud de la France en bord de Méditerranée, ou à la Corse avec la montagne
plongeant directement dans l’océan. En revanche le centre du pays, le Drakensberg, est un
paysage lunaire où l’on traverse sur des routes rectilignes, des heures durant, des plaines
jaunes-orangées, des montagnes qui semblent sorties directement du sol où des zèbres et des
antilopes pâturent tranquillement. Mais quelques deux cent kilomètres plus à l’Est, nous
entrons dans le Kwazulu Natal, fief tropical au taux d’humidité comparable à celui des
Caraïbes. Ainsi autour de Durban, la végétation, digne de celle d’une jungle, est luxuriante,
avec des bananiers et des plantations de canne à sucre à perte de vue.
Mais après six mois dans ce pays, je n’arrive cependant toujours pas à cerner sa culture dans
la mosaïque de populations qui le compose. Sur un territoire grand comme l’Allemagne, la
France et l’Italie réunis, cohabitent blancs Afrikaners et Anglais descendants respectivement
de colons néerlandais et britanniques qui arrivèrent 400 ans plus tôt dans la péninsule du cap,
avec des peuples noirs (Zoulou, Xhosa, Ndebele, Swazi, Tswana, Tsonga, Venda), métis,
Indiens et ceux qui ont immigré vers l’Afrique du Sud venant du reste de l’Afrique, de
l’Europe et de l’Asie et qui ont conservé une forte identité culturelle. Tous les peuples sont
plus ou moins liés par l’anglais parlé par 80% de la population mais cela ne suffit pas à unifier
un pays divisé par le régime raciste de la ségrégation et de l’Apartheid. Il est ainsi difficile de
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s’y retrouver dans un pays où l’on est constamment étourdi par des cultures locales si
différentes les unes des autres. Les afrikaners vivent d’une culture de la frontière et de la
défense de l’identité culturelle afrikaner, célébrant la mémoire de leurs ancêtres qui, chassés
du vieux continent et n’ayant nulle part où aller, furent les premiers colons blancs à s’installer
en Afrique du Sud. Les Anglais quant à eux, descendent des colons britanniques et sont de
langue maternelle anglaise. Ces derniers, beaucoup plus présents dans les régions de Durban
et du Cap partagent un lien plus fort avec l’Europe. Ces deux peuples blancs entretiennent un
lien très particulier avec la nature, en organisant, quelle que soit la saison, de grands festivals
en plein air où les gens installent d’énormes « braais » (barbecues sud-africains) et écoutent
du rock et de la musique afrikaans quelque peu similaire à la country du Grand Ouest
américain.
Les peuples noirs partagent plus une culture similaire à celle du reste de l’Afrique SubSaharienne dans les grandes lignes. Ainsi dans les grandes familles, les repas à base de sauce
et de pap (gruau traditionnel fait à base de maïs souvent) sont partagés en commun dans un
même plat. Quant à eux, leurs goûts musicaux tournent plutôt autour des artistes sud-africains
d’afrohouse et d’afrobeat, musiques nées dans les caves de Johannesburg après la fin de
l’Apartheid, ou encore les artistes nigérians dont les rythmes font danser les rues et les boîtes
du centre de Johannesburg.
Les métis (appelés coloured en Afrique du Sud) constituent un groupe à part. Descendants des
peuples Khoisans de la péninsule du Cap dont les femmes furent souvent violées par les
colons blancs arrivant sur les terres, ils n’appartiennent ni aux groupes des blancs ni aux
groupes des noirs et restent entre eux, tout comme les noirs et les blancs restent avec leur
communauté. A Durban, c’est un petit Bombay avec la plus grande communauté indienne du
monde, et lorsque l’on se balade entre les saris et autres stands à épices on ne sait plus très
bien si l’on est en Asie, en Afrique ou en Europe. Et bien sûr le caractère cosmopolite des
villes de Johannesburg, Durban et Cape Town sont l’occasion idéale de n’importe quelle
découverte ou expérience nouvelle.
Je commençai peu à peu à apprécier le perpétuel dépaysement que m’offrait ce pays aux mille
facettes.
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L’Afrique du Sud, laboratoire du changement social en profondeur
Pour tout fan de sciences sociales comme les sciences politiques, la sociologie ou même
l’anthropologie, l’Afrique du Sud est une vraie bulle où l’on observe des phénomènes sociaux
inédits. Comment rééquilibrer la situation économique d’un pays où 80% des richesses sont
encore détenues par une minorité blanche ? Comment inverser le déficit éducatif d’une partie
de la population, privée, des siècles durant de l’éducation de qualité dispensée dans des
établissements réservés aux blancs ? Ces questions alimenteront tout au long de mon séjour
les discussions que j’aurai avec mes colocataires sud-africains ou mes collègues, blancs et
noirs, ayant connu le régime de l’Apartheid ou faisant partie de cette génération postapartheid
beaucoup plus libérée et ouverte au changement. Il fut également intéressant de se placer de
chaque côté : certains blancs souhaitant tourner la page de l’Apartheid mais ne réalisant pas
non plus la place privilégiée que leur système raciste leur a accordé pendant des siècles, et
certains noirs, désavoués par la politique actuelle de l’ANC, qui cherchent un leader à l’image
de Mandela, qui agira efficacement sur les réductions des inégalités, mais qui parfois tombent
dans le piège de faire référence à l’Apartheid pour expliquer les disfonctionnements du pays.
Pour devenir cette nation arc-en-ciel, qui n’est pour le moment valable que sur le papier,
l’Afrique du Sud doit s’ouvrir au reste du monde et être patiente. Malgré tout ce que l’on peut
dire, trois cent ans d’une histoire où l’intolérance, la crainte de l’étranger et le refus de la
mixité furent de rigueur, ne peuvent malheureusement pas disparaître en 20 ans et le pays a
besoin de temps pour renaître sur des bases solides.
Conclusion : une année qui vous fait grandir
Lorsque je fis le choix de partir en troisième année en stage dans deux pays du continent
africain, le Sénégal et l’Afrique du Sud, j’avais plusieurs objectifs en tête.
Ainsi, après deux ans d’études universitaires, je ressentais ce besoin d’effectuer une coupure
dans mes études pour prendre une bouffée d’air frais et me familiariser avec le monde du
travail. Cela m’était nécessaire afin de reprendre les études en master avec un projet
professionnel plus défini et un goût retrouvé pour les études.
Au terme de cette année de stages, j’ai affiné mon projet professionnel en postulant pour le
master droit-économique. Effectivement après mon stage au Sénégal en cabinet de conseil,
j’ai ressenti le besoin d’acquérir une expertise dans un domaine, en l’occurrence le droit. Par
ailleurs, travailler à l’ONU m’a fait découvrir également des perspectives de carrières au sein
33
des institutions de régulation de l’économie à l’échelle européenne et mondiale qui
m’intéressent.
Avant mon départ en 3A, j’appréhendais beaucoup plus mon voyage au Sénégal que je
m’étais imposé, que mon voyage en Afrique du Sud, dont je ne connaissais pourtant rien du
tout. Par la suite, je m’expliquai cela par le fait que j’appréhendais plus en allant au Sénégal,
d’être confronté à une culture ou un mode de vie qui ne me conviendraient pas malgré mes
origines, et le fait que j’avais été élevé dans la conscience de cette culture depuis tout petit.
Pourtant c’est le contraire qui se passa et je me suis très bien adapté à la vie sénégalaise et je
suis sûr que j’y retournerai pour travailler plus tard, mais peut-être pas sur le long terme.
En allant en Afrique du Sud, j’ai été confronté au poids d’une histoire faite de violence et de
larmes mais aussi une histoire ou des hommes et des femmes, de toutes les origines, se sont
battus pour redonner à l’homme sud-africain la dignité qu’il méritait. Mon voyage en Afrique
du Sud m’a surtout fait comprendre l’importance de travailler pour son pays et de participer à
son développement. C’est finalement en allant au plus loin de mon pays d’origine que j’ai
compris ce qui faisait de moi un Européen et un Français.
Par ailleurs, partir en troisième année dans des pays étrangers et se confronter à l’autre, à
d’autres cultures et d’autres schémas de pensée nous change. Le monde me paraît beaucoup
plus petit qu’auparavant, par ailleurs le voyage et la vie à l’étranger me sont devenus
beaucoup plus naturels.
Enfin, je suis reconnaissant au Programme Europe-Afrique de Sciences Po Paris de m’avoir
donné l’envie de partir à la découverte de deux pays magnifiques du continent africain.
L’Afrique n’était pas jusqu’alors une destination privilégiée des élèves de Sciences Po mais je
me réjouis cependant de voir que, chaque année, de plus en plus d’élèves tentent l’aventure.
J’encourage ainsi tout étudiant cherchant un stage à regarder de plus près les opportunités
qu’offre actuellement ce continent passionnant. Je remarque ainsi que de tous les stagiaires de
Sciences Po partis en stage, les stages en Afrique sont parmi les plus gratifiants en termes de
rémunération et de responsabilités.
L’Afrique n’attend que vous, tentez l’aventure !
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Annexes
Vous bénéficierez d’une qualité de vie agréable au Sénégal comme en Afrique du Sud pour un
bas prix. Il est important de bien prévoir le budget que l’on compte dépenser avant de partir
en troisième année afin d’éviter les mauvaises surprises. Toutefois, ces deux pays d’Afrique
offrent de très bons services à très bon marché.
Vivre au Sénégal et à Dakar
Loyer
200 euros / mois en moyenne dans une
maison
Pas plus de 10 euros pour un plat principal
Nourriture
dans un restaurant. Beaucoup de plats locaux
vous coûteront moins de 3 euros.
Le Visa touriste vient d’être supprimé cette
Visa
année, donc un passeport français donne le
droit à un séjour de 90 jours renouvelables.
Vaccins contre la méningite (50 euros) et la
fièvre jaune sont très recommandés. De
juillet à septembre, le pays est une zone
paludéenne et un traitement de courte durée
(3 mois maximum) est recommandé pour
Médicaments et Vaccin
s’en protéger. Ne prenez pas la Malarone très
coûteuse et mauvaise pour le foie. Préférez
plutôt la Doxycicline, médicament contre
l’acné
qui
s’avère
également
être
un
excellent préventif contre le paludisme. Ce
médicament est aussi remboursé par la
Sécurité Sociale.
Air France propose des vols directs entre 600
et 700 euros A/R.
Avion
Brussels Airlines est l’une des compagnies
les plus intéressantes pour les voyages en
Afrique, en provenance d’Europe. Mon billet
35
m’a finalement coûté 550 euros A/R pris un
mois à l’avance.
Les taxis ont des prix variables mais qui
tournent toutefois autour d’une moyenne
Transports
d’1€50 par trajet.
Les bus et les minibus offrent des trajets en
ville pour 0.15€ et ils sont assez réguliers.
Vivre en Afrique du Sud, Pretoria et Johannesburg
Pretoria souffre beaucoup de sa réputation et on la dit ainsi ennuyeuse et démodée. Toutefois,
cette réputation n’est souvent fondée que par la présence de Johannesburg, à moins de 50 km
d’où sortent toutes les nouveautés de l’Afrique du Sud.
Cependant Pretoria reste une grande ville et une capitale. L’université de Pretoria compte près
de 30 000 étudiants qui animent les rues de Hatfield et de Brooklyn la nuit. Par ailleurs,
Pretoria compte bon nombre d’ambassades (le plus grand après Washington) et d’institutions
nationales et internationales qui embauchent des stagiaires. Il est ainsi très facile de trouver
des colocations de stagiaires ou d’étudiants dans toute la ville et de nouer des liens très forts
avec des gens de notre âge. Ainsi le stagiaire de Pretoria ne sera pas isolé et coupé de
l’ambiance étudiante, surtout si vous habitez à Brooklyn ou Hatfield, réputés pour être des
quartiers sécurisés, branchés et étudiants.
La criminalité en Afrique du Sud est préoccupante mais reste toutefois cantonnée à certains
coins réputés dangereux et bien souvent les townships ou le centre des villes (à Pretoria et à
Johannesburg). Il faut ainsi faire attention, ne pas sortir son portable – s’il est de valeur – dans
la rue, et retirer de l’argent dans les malls et les endroits surveillés pour éviter toute tentative
de racket. Pretoria est cependant bien moins dangereuse que sa grande sœur Jo’burg, bien plus
peuplée. Ainsi il est possible de marcher la journée dans Pretoria, ce qui enlève toute
sensation de confinement qui peut parfois se ressentir à Johannesburg où l’on vit plus dans
des bulles sécurisées (Braamfontein, Sandton, Newtown, Maboneng, Rosebank…). Toutefois
les distances sont énormes car Pretoria est une ville très étendue et il est ainsi recommandé de
louer une voiture ou d’utiliser les taxis collectifs (1 euro la course en moyenne) pour tout ce
qui ne peut pas se faire à pied.
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Pretoria n’est donc pas une ville où il se passe énormément de choses contrairement à
Johannesburg qui ne dort jamais. Toutefois Pretoria jouit d’un climat sec et chaud qui est très
agréable en hiver et est extrêmement bien située géographiquement. Ainsi il est très facile de
partir en week-end et voyager dans les coins les plus magnifiques et impressionnants du pays :
du Drakensberg au Limpopo en passant par le parc Kruger ou encore Durban. Par ailleurs le
Swaziland, le Lesotho, le Mozambique, le Zimbabwe et le Botswana sont à un peu plus de
quatre heures de route de Pretoria, de quoi donner des idées aux voyageurs inconditionnels.
Voici un petit récapitulatif d’un budget à prévoir pour un voyage en Afrique du Sud :
Loyer
Entre 300 à 450 euros / mois pour une colocation dans une maison à
Brooklyn.
Une moyenne de 10 euros lorsque l’on va au restaurant pour de la
nourriture d’excellente qualité.
Nourriture
La viande est les légumes produits localement sont également très bon
marché.
Un panier de courses pour une semaine coûtera en moyenne 15 euros.
Le Visa de travail est extrêmement compliqué à avoir, aussi je conseille
Visa
au futur stagiaire de faire la demande d’un « student exchange visa » qui
requiert moins de justificatifs et qui coûte 52 euros et valable pour la
durée de votre contrat.
Médicaments et
Vaccin
Il n’y a pas de paludisme en Afrique du Sud sauf dans le Parc Kruger
durant la saison des pluies.
Air France propose des vols directs souvent autour de 1000 euros A/R.
Emirates propose également un très bon prix à 800 euros A/R avec une
escale à Dubaï. De même pour Qatar Airlines dont les prix sont très
compétitifs.
Avion
Turkish Airlines et Ethiopian Airlines sont également de très bonnes
compagnies dont les prix descendent jusqu’à 700 euros A/R et dont la
police bagage est très avantageuse.
Enfin British Airways est de loin la compagnie la plus compétitive avec
des vols régulièrement autour de 550 A/R avec une escale à Londres.
Transports
Les transports en commun sont assez chers et peu fréquents, surtout à
Johannesburg où le réseau n’est pas du tout développé. Il existe
37
cependant des minibus qui vont un peu partout et dont les courses
tournent autour d’un euro.
La solution est souvent de louer une voiture autour (300 euros /mois max
pour une voiture de ville) ou d’en acheter une et de la revendre avant de
partir. Cela permet de devenir plus mobile et le prix de l’essence est bien
plus bas que le prix en France, en se situant autour d’un euro le litre
grand maximum.
Quelques Photos
Sénégal
Dakar - Quartier du Point E
Sine Saloum (Sud du Sénégal)
Coucher de Soleil sur Dakar
Sine Saloum (Sud du Sénégal)
Sine Saloum (Sud du Sénégal)
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Afrique du Sud
Pretoria
Sur la route du Drakensberg – Golden Gate
Haartebesport Dam – Nord de Pretoria
Cape Town – Bo Kaap
Marché aux épices de Durban
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