Accords mets/vins - Bourgogne Aujourd`hui
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Accords mets/vins - Bourgogne Aujourd`hui
Gastronomie Accords mets/vins La volaille de Bresse aime toutes les couleurs S acrés Bressans : ils ont inventé la traçabilité en 1862, à une époque où ce mot ne faisait pas encore partie du vocabulaire ! Depuis la fin du XIXe siècle, les poulets, les poulardes, les chapons et les dindes issus de Bresse portent en effet sur leur patte gauche une bague d’identification, indiquant le nom de l’élevage. S’y ajoutent, depuis l’avènement des A.O.C., le scellé tricolore apposé à la base du cou, et l’étiquette rouge du Comité interprofessionnel de la volaille de Bresse, (pour la dinde, l’étiquette du syndicat des producteurs). Des signes distinctifs, pour éviter la confusion. Car la volaille de Bresse est unique. Sa chair est plus dense, plus savoureuse. Installé à Cuisery, entre Val-de-Saône et Bresse bourguignonne, Jean-Francis Beaufays (l’Hostellerie Bressane) célèbre le terroir sans a priori. Il ne craint pas de faire bouger les lignes, de bousculer les repères. Dans ses cocottes en fonte, le poulet et la poularde se confrontent aux épices, s’ensoleillent d’arômes exotiques. Le chef cuisine la “star” régionale toute l’année, à toutes les sauces, et même sans sauce. Sa démarche est fondée sur l’expérience : Jean-Francis Beaufays a roulé sa bosse dans tous les coins de la planète (notre encadré), rapportant de ses périples : épices odorantes et saveurs intrigantes. Elles réveillent la volaille, plus habituée à la crème, aux écrevisses et aux champignons des bois. Jean-Francis Beaufays (l’Hostellerie Bressane à Cuisery - 71) associe la volaille de Bresse, unique volaille française d’appellation d’origine contrôlée, au vin blanc, au vin rouge, et même au rosé. C’est la recette qui commande... ■ 67 Poulet “vigneronne” et pommard 1er cru Rouge ou blanc ? “Rouge, blanc, et même rosé, tout dépend de la préparation”, répond le chef. Avec un poulet de Bresse “vigneronne”, mariné une nuit dans un vin rouge de Bourgogne, flambé à la fine bourgogne, et servi avec une garniture de champignons, de lardons et d’oignons grelots, un rouge s’impose. Et pas BOURGOGNE AUJOURD’HUI n° 51 BOURGOGNE AUJOURD’HUI n° 51 66 Gastronomie Fricassée de poulet au soja et mercurey Le Chef BOURGOGNE AUJOURD’HUI n° 51 68 Jean-Francis Beaufays Jean-Francis Beaufays, 50 ans, a bourlingué de palace en palace sur tous les continents, d’Allemagne au Maroc, de l’Iran au Sri Lanka. Il a servi la reine d’Angleterre et les émirs du Golfe avant de poser ses valises en Bresse Bourguignonne. Son credo ? le mariage du terroir et de la cuisine du monde, des produits d’ici et des idées de là-bas. Le résultat est convaincant, car ce chef expérimenté possède de solides bases techniques. Il se montre pointilleux sur le choix des produits : les légumes sont fournis par un maraîcher du village, les viandes et les volailles achetées chez les éleveurs de la région, dont les noms sont mentionnés sur la carte. Jean-Francis Beaufays suit le rythme des saisons -“l’hiver, il n’entre pas une tomate dans la cuisine”- et il joue la carte des saveurs avant celle des présentations. “Je retire le tape à l’œil, je fuis l’uniformisation des goûts”, explique-t-il. Un artisan, au sens le plus noble, membre de l’association des Maîtres Cuisiniers de France. L’Hostellerie Bressane Cuisery (71 - 7 km de Tournus). Menus de 16,50 (déjeuner) à 55 €. En avril-mai, menu à thème (l’asperge) à 27 €. Fermé mercredi et jeudi midi. Hôtel : 13 chambres et deux suites très confortables. Dans la fricassée de poulet de Bresse au soja et au vinaigre (voir recette), la volaille troque sa marinade de vin rouge contre une sauce soja, plus amère et plus piquante. Ce plat typé nous fait voyager -jusqu’en Chine où le chef a animé une semaine gastronomique française en 2002- tout en gardant un pied dans le terroir. Jean-Francis Beaufays lie la sauce avec le foie de la volaille, qu’il a juste coloré et gardé saignant. Le foie apporte sa douceur et son onctuosité, en contrepoint au salé et aux amers du soja, et à l’acidité du vinaigre. L’équilibre est très réussi, comme le mariage avec le mercurey la Framboisière 99, choisi pour sa fraîcheur, son volume, et ses notes épicées. “L’ajout de vinaigre confère une nervosité supplémentaire qui exclut de faire appel à un vin vieux”, commente le chef. Un maranges 99 ou 2000, fruits rouges et épices, fera également l’affaire. Poularde aux morilles et Mâconnais Le chef de l’Hostellerie Bressane connaît aussi ses classiques. Au printemps, il propose une poularde aux morilles -la viande est plus souple, plus moelleuse que celle du poulet- nappée d’une onctueuse sauce à la crème réveillée par un vin blanc de saint-véran ou de viré-clessé. Les morceaux de volaille sont servis dorés, et la sauce se présente légèrement brune. “N’hésitez pas à glisser une ou deux morilles séchées, plus concentrées en goût, parmi les morilles fraîches”, conseille J-F. Beaufays. Avec ce grand plat de terroir, un blanc s’impose. Le chef défend sa région, en recommandant un viré-clessé 2000, né d’une vendange bien mûre, et élevé en fût de chêne. Le gras du vin, l’onctuosité du plat... Plus cher, mais sans risque, un meursault premier cru les Charmes, dont l’ampleur fera merveille sur cette préparation civilisée. Essayez un 97, millésime à point. Mais évitez les blancs trop secs ou trop nerveux, dont la recette accentuera la maigreur. Poulet rôti aux épices douces et bourgogne rosé Et pourquoi pas un bourgogne rosé (ou un mâcon rosé) ? Jean-Francis Beaufays ose ce mal aimé du vignoble, sur un poulet de Bresse rôti aux épices douces. Marinée dans le yaourt et le gingembre écrasé, la volaille est saupoudrée d’un mélange de dix épices -le cuisinier réalise lui-même son assemblage, à base de coriandre, curry, curcuma, paprika...avant de cuire 45 minutes à 1 heure sur la grille du four à 180°. “Aucun vin de Bourgogne, rouge ou blanc, ne résiste à la complexité du mélange d’épices”, résume le cuisinier. En revanche, un rosé apporte sa fraîcheur acidulée, pour un mariage d’été sans façon. Nathalie Beaufays Chez les Beaufays, le vin est affaire de couple. “Nous goûtons tous les deux, mais c’est Nathalie qui s’occupe des achats”, précise le chef. La carte de l’Hostellerie Bressane totalise 150 références, plus quelques vins en cours de vieillissement. Elle n’a donc rien d’encyclopédique, mais elle se révèle bien équilibrée entre la propriété et le négoce, les rouges et les blancs, la Bourgogne (environ 70%) et les autres régions. Les prix sont très raisonnables : saint-véran 2000 (domaine de la Croix-Senaillet) 19,10 €, meursault Charmes 2000 (Bitouzet-Prieur) 65 €, clos-saint-denis 95 (Jadot) 100 €... Quelques vieux millésimes (la Romanée 85, 250 €). Jean-Philippe Chapelon Photographies : Lionel Georgeot La recette préférée de Jean-Francis Beaufays Fricassée de poulet de Bresse au soja et au vinaigre nseil se préde Bres appa● Le co poulet s de gra sez un Choisis uatre veines u moelleux à q d sentant ui donneront oit sur les v q , s s n le nt très rente de. “O os, et on les se ef. n ia v d la ch ique le es, sur le suprêm s le doigt”, ind bien sou ● Ingrédients POUR 4 PERSONNES : • 1 poulet de Bresse vidé de 1,600 kg • 15 cl de sauce soja • 5 cl de vinaigre de vin • 100 gr d’échalote hachée • 1 cuil. à café de poivre mignonnette noir • Sel, poivre • Le foie du poulet de Bresse • 2 feuilles de laurier • 12 gousses d’ail en chemise blanchies 69 Garniture : • Tagliatelles de légumes (carotte, céleri, courgette) ● Préparation La veille : Flamber et vider le poulet de Bresse. Nettoyer les abats (gésier et foie). Réserver de la graisse du poulet coupée en dés. Réserver le foie dans une boîte hermétique au frais. Découper la volaille en 8 morceaux, les disposer dans un récipient en alternant avec l’échalote hachée ; bien tasser les morceaux, puis verser dessus les 20 cl de soja. Laisser mariner au frais toute la nuit. Le lendemain : Egoutter le poulet en prenant soin de récupérer la marinade. Dans une cocotte en fonte, faire fondre la graisse de poulet, puis y rissoler les morceaux et le gésier jusqu’à l’obtention d’une belle couleur dorée ; les retirer de la cocotte au fur et à mesure et les égoutter de leur surplus de graisse. Quand tous les morceaux sont bien dorés, colorer vivement le foie (en le gardant saignant) et les gousses d’ail, égoutter (attention surtout de ne pas brûler la graisse pendant cette opération). Retirer l’excédent de graisse de la cocotte, puis jeter dedans l’échalote hachée, faire suer sans trop colorer. Remettre les morceaux de poulet, le poivre mignonnette, très peu de sel, les 2 feuilles de laurier, couvrir et laisser mijoter à sec pendant 3 à 4 mn. Puis ajouter le jus de la marinade, un peu d’eau, et laisser cuire tout doucement pendant 40 mn (ajouter l’ail en chemise 10 mn avant la fin de la cuisson). Pendant ce temps, préparer la garniture de légumes au choix : riz, pâtes ou, comme ici, tagliatelles de légumes, cuites à l’eau salée. Quarante minutes plus tard, ajouter le vinaigre de vin et laisser mijoter encore 3 minutes à couvert. Retirer alors les morceaux de poulet et les gousses d’ail, continuer la cuisson de la sauce avec le foie pendant quelques minutes, vérifier l’assaisonnement. Hors du feu, broyer le foie dans la sauce à l’aide d’un mixeur pour lui donner son onctuosité, la passer à travers un petit tamis sur les morceaux de poulet, ajouter l’ail, garder au chaud sans bouillir la sauce. Dresser sur assiettes avec la garniture. Décorer de coriandre frais. ● Le vin recommandé Mercurey village rouge La Framboisière 1999 de la maison Faiveley (21 – Nuits-Saint-Georges) BOURGOGNE AUJOURD’HUI n° 51 n’importe lequel. “Sur ce plat goûteux, riche en saveurs, il faut rechercher la force, la concentration, la matière, dans un millésime un peu assagi par le temps”, explique le cuisinier. JeanFrancis Beaufays conseille un pommard 1er cru Clos Blanc 96, une grande année qui arrive doucement à maturité. “Il possède la puissance qui convient.”À défaut, un santenay 1er cru Beauregard ou Gravières, gardant un fond de rusticité, offrira aussi un accord convaincant. Mais on le choisira plus jeune (99).