CommenT analyser un specTacle eT le faire aimer
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CommenT analyser un specTacle eT le faire aimer ? INTERVENTION DE DOMINIQUE PAQUET DANS LE CADRE DE LA RIDA JEUNE PUBLIC ORGANISEE A L’ESPACE CULTUREL BORIS VIAN AUX ULIS, LE 3 MARS 2009 Cette intervention se propose d’éclairer par des outils méthodologiques la lecture des spectacles de théâtre et de danse. Nous aborderons trois niveaux de vision et d’analyse : •La dramaturgie, •La mise en scène •L’acteur La question de la lecture du spectacle contemporain se pose dans un contexte de rupture avec l’aristotélisme, avec la mort du « bel animal », et des dramaturgies diachroniques liées à la nécessité et à la vraisemblance. RUPTU RE AVE C AR IST O TE ••189 0- 19 20 La première rupture de la vraisemblance et de la nécessité chères à Aristote, s’opère avec Jarry et son Ubu Roi (1895). En effet, toutes les lois dramaturgiques édictées dans La Poétique, les règles classiques et celles qui prévalent à la fin du XIXe, volent en éclat. Cette destruction se poursuit avec les surréalistes (Apollinaire en 1917 Les Mamelles de Tirésias, Dada, Georges Ribemont-Dessaignes, Soupault/Breton dans Les Champs magnétiques et Roussel L’Etoile au front. Cette première rupture se caractérise par l’éclatement de la dramaturgie ancienne, la perte de la vraisemblance, et la fin de la forme théâtrale syllogistique. ••Mise à m al de la dr am aturgie ari stotélicien ne Le théâtre épique avec Brecht (1922/1923), et la pièce didactique : Brecht dans ses premières oeuvres puis dans la pièce didactique, conçoit un autre type de dramaturgie non aristotélicienne. Dans ses Ecrits sur le théâtre, Brecht se livre au travers d'un tableau à une démonstration comparée du théâtre dramatique issu du modèle aristotélicien et du théâtre épique. La f orme dramatiq ue d u thé âtre est action implique le spectateur épuise son activité intellectuelle lui est occasion de sentiments (...) Suggestion. Le spectateur est à l'intérieur La f orme épique d u t héâtre est narration fait du spectateur un observateur, éveille son activité intellectuelle, l'oblige à des décisions (...) Argumentation Le spectateur est placé devant, il étudie Onda, 1 Une scène pour la suivante Croissance organique Déroulement linéaire Evolution continue Sentiment Chaque scène pour soi. Montage Déroulement sinueux Bonds Raison Ce qui se manifeste sur le plan de la dramaturgie par la discontinuité, le collage, les points de vue changeants retentit sur le jeu de l'acteur qui loin de renier l'émotion devra cependant montrer dans son jeu tous les possibles de la réalité, tous les points de vue et les maquillages comme la scénographie contribuent à démonter les mécanismes de l'homme aux prises avec l'histoire, les comportements et le politique. ••T hé âtre de s année s 30 Dans l’entre deux guerres, le théâtre revient à des formes plus classiques : vaudevilles, pièces à thèse, pièces sociales, drames paysans, mélodrames, alternent avec la reprise de textes anciens hérités du Moyen Age (miracles, noëls, mystères, soties). Le théâtre récit, montage dramaturgique né à la fois de la pièce didactique et du montage cinématographique dans le cadre du formalisme russe, apparaît dans les années 20, mais ne sera connu en France qu’à partir des années 50. Il se caractérise par un récit narratif avec ou sans dialogue et la présence d’un ou de plusieurs narrateurs. Le texte peut utiliser les verbes modélisateurs, mélanger les style direct / indirect / indirect libre, et contenir les temps du passé. La fable est déconstruite et parfois contient des matériaux non théâtraux. ••195 2 : E cl atement de s dr am aturgie s ave c le thé âtre de l’ab surd e Les années 50 voient en France l’arrivée de Brecht, qui est un choc esthétique et politique dont les échos vont perdurer jusque dans les années 80. Parallèlement, ce que l’on a appelé le théâtre de l’absurde (Becket, Ionesco), c'est-à-dire la déconstruction de la fable et même son arasement triomphe. Malgré tout, un théâtre poétique (Vauthier, Adamov, Schéhadé, Dubillard) coexiste qui fait la part belle aux jeux de langages et au verbe profus. Parallèlement, le développement de la télévision amène un changement de cadre de regard, un changement dans la mise en scène, un changement jeu de l’acteur devenu plus réaliste en raison d’une focale plus étroite. ••197 0 à no s jo ur s Les années 70 voient le développement de dramaturgies plurielles : performance et happenings, théâtre-récit, monologues, adaptations de récits ou de textes non théâtraux, collages, fragments, déconstructions dramaturgiques qui jettent le soupçon sur la fable, le personnage et mettent en question la forme et le sens. Ces changements même lents, car « le bel animal » perdure encore, provoquent un trouble chez le spectateur (destruction des formes dramaturgiques, des codes anciens de la mise en scène, des codes de l’interprétation classique, on entre dans la déconstruction) et ce que Anne Cauquelin a appelé le décept. Aujourd’hui, nous sommes face à des dramaturgies plurielles, voire nouvelles que nous n'avons pas toujours la possibilité de comprendre ni d’apprécier. Il faut donc se doter d’outils méthodologiques empruntés aux sciences humaines et à l’esthétique. ME THO D OLO GI E Précaution s d’usage s ( av ant un spect acle) : Il n’est pas nécessaire de lire la glose autour du spectacle que l’on va voir (dossiers, programmes,critiques), car cela crée un horizon d’attente. Onda, 2 De même, la lecture de la pièce produit des images personnelles (qui appartiennent à l’imaginaire radical selon Castoriadis), et parfois une déception à la création, car les images intérieures n’ont aucun rapport avec celles du metteur en scène. La création d’un paradigme intérieur est un frein à la réception de la pièce, et provoque parfois une sorte de cécité émotionnelle et intellectuelle. De même sont à éviter les réactions qui paraissent spontanées, mais sont des schémas de pensée qui freinent la réception du spectacle: « Moi, j’aurais fait ça autrement… » => vous n’êtes pas metteur en scène de ce spectacle… « Molière, c’est n'est pas ça » / « ce n’est pas du théâtre » / « cela ne correspond pas à l’esprit de la pièce », ect. => la proposition de l’artiste n’est pas reçue comme telle, dans son historicité, dans son esthétique. Comme l’écrit Pierre Bayard dans Enquête sur Hamlet, le « texte n’existe pas ». De même, il n’y a pas de lecture vraie ou fausse d’une œuvre, celle-ci est ouverte et nous n’avons à notre disposition aucune loi scientifique pour établir la vérité de l’œuvre. Aussi est-il nécessaire de garder une certaine naïveté, même si on voit beaucoup de spectacles, se mettre en condition de perception élargie (Bergson). Métho de prop osée : Il y trois niveaux de perception lorsque on regarde un spectacle: •L’impact sensoriel et affectif •Le cognitif •Le jugement, l’évaluation, l’interprétation Souvent le premier niveau est sacrifié aux dépens des deux autres. Le perçu est réduit à l’objet connu et jugé. Il existe néanmoins un débrayage immédiat de l’énonciation (discours intérieur ou commentaire extérieur), dès qu’il y a perception. On n peut faire autrement, mais il ne faut pas trop s’y attarder, sinon ce discours intérieur, qui va se poursuivre pendant le spectacle, peut être un frein, le monologue intérieur devenant plus fort que la pièce. D’où la nécessité, de se laisser aller à l’impact sensoriel et émotif s’il y a lieu (certaines formes ne font pas appel à ce niveau là), et de ne pas passer tout de suite au cognitif, ni au jugement. Car l’analyse cognitive et le jugement sont des opérations intellectuelles qui, demandant un effort et une construction, freinent la perception du spectacle. L’A NALYSE DU SPE CT ACLE •• Envi sager le cadre sp ati al Regarder : • l’organisation scénographique, la gestion de l’espace par les lignes de forces • l’espace du plateau qui distribue des pouvoirs (en fonction de la pente à l’italienne) => il est nécessaire de les connaître (théâtre classique, burlesque, marionnettes) • envisager les axes : parallèles, obliques, géométriques, en hauteur, en profondeur Reconnaître si l’espace est : • historicisé ou pas, • social, scénique, urbain, psychologique, mental, vide, fini, abstrait, installation, performance, volontairement en friche, théâtre désarmé,… Dans cet espace, repérer: • le déplacement des acteurs, serviteurs de scène, poupées, figures, objets, décor. • la distribution des corps • le balisage du sol. Dans ce cadre, questionner le retour à la frontalité obligée de la télévision qui a une forte influence sur le théâtre et conduit à placer les acteurs face public avec des micros pendant tout un spectacle, est important. C'est-à-dire repérer les cadres perceptifs sous jacents du spectacle. Onda, 3 •• Le s figure s Regarder : • le jeu des acteurs : jeu isolé (monologue, aparté, solitude, soliloque), jeu duel, trio, jeu collectif (choralité, chant, foule, ensemble). • les gestes : iconiques (figuratifs), pléonastiques, pantomimiques, idéatifs, symboliques (verticalité/horizontalité), déictiques, désordonnés car non travaillés… • les figures plastiques du jeu de l’acteur : iconicité, marche, répétition, synchronicité, mouvements, figures au sol, debout, assis, face, profil, dos, ¾ / postures, physiognomonie, mimiques. • les figures vocales, la diction: souffle, murmure, onomatopées, lallations, phonèmes oraux/anaux, articulation, chuchotements, grommelos, interruptions, accents, parlers… • la voix: médium, registres grave / moyen / aigu, profération (Novarina), incantations, hurlements, beuglements. Utilisation de voix différentes pour un même acteur (plusieurs personnages) ; voix géographiques, accent social (ouvrier, aristocrate, etc…) Repérer les effets des figures sur les spectateurs : homologie (sensation physique et musculaire identique à celle de l’acteur), désir et séduction, répulsion. On peut également déterminer le flux pulsionnel oral (utilisation de la voix maternelle, maternante et des phonèmes en M, N, L), le flux anal (utilisation d’une voix forte, brutale, cassante et des phonèmes en C, K, P,Q), inconfort par le jeu des neurones miroirs, neurones qui sont excités en miroir par l’action d’un acteur et provoquent des sensations physiques et psychologiques homologues à celles de l’acteur. •• La stru ctur ation de l a d urée Regarder la succession temporelle, dans la dramaturgie : • Aristote, et/ ou la pièce à machine : unité de temps, d’action, de lieu, la construction en actes chronologique et linéaire dans un temps concentré. • théâtre anglais des années 60 (puzzle dont la figure générale se perçoit uniquement dans la dernière scène et a un effet cathartique) • pièce à stations (Strindberg) / pièces paysages (Michel Vinaver), pièce à tréteaux, théâtre récit, etc. où le temps est scandé, discontinu (Horvath)… • pièces de fragments, où le temps conventionnel est organisé selon la discontinuité ; utilisation des entrelacs temporels, des courbes, des co-existences de temporalités (Exemple : Littoral de Wadji Mouawad, principe constant dans Forêts) Envisager trois modes pour ces temporalités: la durée conventionnelle de la pièce, la succession des rythmes, et le/les temps de la fable. Dans la mise en scène, repérer : • les phrases parlées, chantées, dansées qui organisent un/des rythmes • les répétition, différenciation, rythme/ arythmie, absence de rythme voulu ou pas… Dans le jeu de l’acteur : • le vieillissement, rajeunissement, ou travestissement •le jeu référencé: codes sociaux (métiers, conditions sociales, professionnelles), historiques (interprétation psychologique, brechtienne, formelle, écoles de jeu différentes selon les metteurs en scène), esthétiques. • le continuum psychologique ou la discontinuité. •• La logique signifiante d u spe ctacle (Barthes) Pour percevoir la totalité d’un spectacle, il est bon de regarder l’apparition et la/les déclinaison/s du sens, c'est-à-dire le rapport sémiotique. Il s’agit de la production d’un récit par les éléments historiques du spectacle : lumières, sons, odeurs, corps, voix, jeu. Comment lire les signes d’un spectacle ? On peut repérer : •signes scénographiques : datation temporelle, sociale, historiques, discontinuité, indifférence, atemporalité. • signes de la lumière : plein feux, découpes, brechtien, réalisme (jour, crépuscule, lieu), douche, ½ douche, poursuite, basses tensions… Onda, 4 • signes sonores (sons et musiques) : réalistes, successifs, ouverture / fermeture du spectacle, travail de composition musicale, sampling, musique en direct. • interactions entre les signes lumières et musiques : quels effets de sens induisent-ils ? Sont-ils figuratifs, abstraits, rythmiques, parallèles, ensemble, dissociés, décloisonnés ? • signes olfactives et gustatifs: illustratif, métaphorique, abstrait. • signes tactiles : acteurs dans le public, sur le public, public sur scène, tactilité vue/sentie. • signes induits par la mise en scène des corps : énergies, rythme, utilisation des conventions de la mise en scène, destruction de ces conventions (baiser chez Chéreau qui remplace le combat) ; séduction, répulsion, pulsions orales/anales/sadiques, génitales => comment elles sont montrées ? Présence, absence de présence, immaturité, fragilité du jeu, amateurisme choisi ou non choisi… • signes induits par l’acteur : • les gestes : sociaux, historiques, professionnels, psychologiques, psychiatriques, codés par un style (théâtre baroque par exemple). • la voix : postures vocales, choix des registres, du rythme, du débit, du souffle. • le visage : nu, masqué, demi masqué, portant des prothèses de visage (Besson apr exemple) ou de corps. • le jeu par condensation : accumulation, ou superposition des figures. • le jeu par déplacement : remplacement d’un élément par un autre (métaphore, métamorphose) Repérer s’il s’agit d’une logique narrative ou d’une paralogique narrative. Si le récit est ordonné, continu ou discontinu, volontairement détruit. Quels sont les récits des flux et des pulsions à l’œuvre (mise en scène acteurs, voix, sons, lumières) Les acteurs parviennent-ils à fabrication des simulacres ? C'est-à-dire à nous montrer l’invisible ? Jouent-ils plusieurs états historiques successifs comme chez Brecht ? Jouent-ils ce qui n’est pas montré ? Par exemple, la géographie, le passage du temps, les fantômes, leur vie intérieure, leur rythme ? S’agit-il de non jeu ? A ce point de la réflexion, on peut se poser la question de la théâtralité Qu ’e st-ce que la thé âtralité ? •ce qui appartient au théâtre, caractère du constat sensible, empirique (attribut) •l’essence de l’art théâtral (essence) •une évaluation axiologique positive ou négative. Axiologie = science des valeurs. •une structure, les conditions de possibilité du théâtre. Structure qui permet l’émergence et le fonctionnement de cet art. •ce qui permet la production du théâtre. Dans ce cas, le théâtre est le produit d’une dynamique. La vi sion de cert ain s t héoricie ns et metteur s e n scène Artaud : la transmutation alchimique du matériau. Barthes : l’épaisseur de signes et de sensations qui s’édifient sur la scène partir de l’argument écrit. Une machine cybernétique produisant une véritable polyphonie informationnelle. Bernard : la théâtralité dépend du statut de la voix. Celle-ci est au carrefour du corps et du langage. La première théâtralité est celle qui est créée par l’asymétrie de notre corps et par la coupure faussement spéculaire de cette dissymétrie. Par le décalage entre nos deux moitiés de corps. La deuxième est présente dans le débrayage de l’énonciation qui se produit tout de suite après la perception (dans la conscience), avant même l’énonciation parlée ou écrite. Brook : le langage primordial du corps vivant. Corvin : il existe deux théâtralités : une théâtralité patente ou externe affichée par le metteur en scène et une théâtralité contenue, interne qui est le processus de reproduction du simulacre. Dort : un art du déguisement, un artifice. Evreïnoff : un phénomène purement esthétique, une créativité permanente liée aux jeux, aux exercices. Féral : une déduction empirique déduite de l’observation. Mais aussi une dimension transcendantale (a priori). Attention, ne pas confondre transcendantal (avant toute expérience, a priori) et transcendant (supérieur ou extérieur à moi). Y a-t-il une théâtralité sans acteur ? Oui, si la scénographie en comporte une. Et dans le théâtre invisible ? Non. Et dans le body art ? Si le réel est rejoint, il n’y plus de théâtralité. La théâtralité serait le regard que je pose sur l’espace et les corps, une production qui tiendrait au regard, un savoir, un regard qui postule et crée un espace autre. Onda, 5 Graig : la théâtralité est déduite des 5 éléments du spectacle : geste+ mots+ lignes+ couleurs+ rythme. Meyerhold : la théâtralité est une convention consciente (4e mur, conventions de temps, etc.). La théâtralité est la vie pure, sublime par les lois de la mimesis (imitation). Stanislavski : c’est un écart par rapport la vérité, au naturel. •• La d yn amique de l ’expre ssion (théorie du spectateur) : Les anciens le savaient bien qui ont écrit des pièces en fonction du spectateur, de sa perception de sa physiologie. Ainsi Aristote préconisait-il de ne pas écrire de pièces trop courtes parce que l’imagination et l’intelligence n’ont pas le temps de les saisir ; ni de pièces trop longues parce que ces mêmes instances s’épuisent à envisager la pièce dans sa totalité. Il est donc nécessaire de comprendre les modalités des manifestations visibles et audibles sur les spectateurs. Quels sont les effets des signes ? • Sur le corps : éveil, tension, énervement, agression, joie subtile, désir, larmes, anéantissement, sommeil, rêverie, rires, fous rires, cris… • Sur le regard et l’écoute : trop de signes, regard en éveil, trop sollicité, oreille fatiguée, sur stimulation sensorielle (voulue ou non), inventions surprises… • Sur la mémoire : Effets sur l’imaginaire radical (Castoriadis) : c’est le débrayage personnel (notre mémoire personnelle, qui se met en marche pendant le spectacle, la réminiscence de nos traumatismes) ; effets sur l’imaginaire social (ce que nous partageons, le collectif, par exemple notre passé historique français). Les images que l’on a vécues seul ou avec un collectif, vont se superposer pendant le spectacle. • Stimulation de l’idéation: flux de la pensée pendant le spectacle (la pensée conceptuelle). Soit rien, vide de la pensée => cela pose question ; est-ce voulu ? Sidération, hypnotisme. S’agit-il d’une stimulation moyenne ou intense (avec passage à l’émotion/conceptualisation à propos du spectacle) ; analyse immédiate, différée ; intuition, élargissement perceptif, évidence, fulguration, éblouissement cognitif. • Stimulation de l’émotion : flux d’émotions, sensations, affects, malaise # extase, ravissement # douleur. Tous ces niveaux s’entrelacent, se superposent, se confondent. Pratiquer l’analyse devient à la longue un automatisme. Laisser aller le jugement (attendre le lendemain, effet prolongé de la sensation et de l’analyse comme le dit Giraudoux ! Si on se réveille en forme, le spectacle était bon, sinon…) QUES TI ONS LIE ES AU JEU NE PUBL IC Quelles sont les questions liées au jeune public spécifiquement : il n’y pas de différence sur le plan de la lecture du spectacle. Mais se confronter à soi-même comme enfant pose des questions : • Dramaturgique: envisager le rapport au répertoire de la littérature enfantine (les contes, les mythes, les grands livres …), le rapport à l’adaptation de textes pour l’enfance. Il est nécessaire de connaître les dramaturgies de l’adaptation théâtrale. • Mise en scène : connaître les différents types de mises en scène traditionnelles: le conte, le récit, l’illustration, le guignol, l’imagerie, les féeries du XIXe, les entrées de clowns, les enluminures… • Jeu : connaître les différents types de jeux traditionnels (le jeu naïf, le jeu mièvre, le jeu interactif, le guignol, le clown, le burlesque, les codes de la comedia dell arte, le mime, la pantomime, spectacle confidence (sous une yourte), le chuchotement, la lenteur) Mesurer les écarts de mise en scène et de jeu entre la tradition et le contemporain (méthode de Panofsky) La méthode de P an of sky Il y aurait trois niveaux de lectures d’une oeuvre d’art : • on reconnaît les formes, le dessin, les sexes, les couleurs. Exemple : c‘est une dame blonde et nue debout dans une coquille. Onda, 6 • on reconnaît les motifs, les thèmes, les référents : Exemple : c’est la naissance de Vénus, déesse romaine, marée avec Eros, etc. Botticelli, peintre italien de la Renaissance, etc. • on découvre les enjeux politiques, symboliques, esthétiques, fantasmatiques de l’œuvre. Exemple : la compréhension de la symbolique des fleurs, la généalogie du tableau, le rapport de l’époque à la représentation de la femme, à la femme réelle, la composition des volumes en fonction de la lumière, le choix de la couleur blonde de la femme, les mesures du corps féminin et son canon, etc. Ce dernier niveau est la lecture savante qui nécessite de connaître l’histoire de la peinture, de l’Italie, de l’histoire de l’art, des couleurs, des mentalités, etc. CO NCLUSI O N : COMMENT FAIRE AIMER UN SPECTACLE ? Il faut mettre en relation les trois niveaux de perception. On rentre dans le domaine de la rhétorique et de la persuasion (Cicéron, Quintilien qui ont écrit comme Aristote dans la Rhétorique, les techniques de persuasion oratoire par le corps, le regard, la séduction). Sans botter en touche, les analyses précédentes peuvent vous y conduire. En outre, la connaissance de l’artiste, de son projet, de son itinéraire, de sa place dans l’écriture, dans la mise en scène, la réflexion sur l’interprétation ou autre, dans l’histoire du théâtre contemporain. BI BLI OGR APHIE S UC CI N CT E Aristote, Politique, Poche essais ; Rhétorique, Poche, essais. Bayard Pierre : Enquête sur Hamlet, le dialogue de sourds, Minuit Panofsky Erwin, Eléments d’iconologie, Gallimard Pavis Patrice, L’Analyse des spectacles, Nathan Université Ryngaert Jean-Pierre / Sermon Julie, Le personnage théâtral contemporain : décomposition, recomposition, Théâtrales • Onda, 7