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UNIVERSITE CATHOLIQUE DE LOUVAIN-LA-NEUVE Analyse comparative des ports de Zeebrugge, Anvers et Rotterdam GEO 2230 : Géographie des transports Van Den Abbeel Quentin Janvier 2011 Table des matières Introduction............................................................................................................................................. 3 Analyses individuelles.............................................................................................................................. 4 1. Port de Zeebrugge ....................................................................................................................... 4 Localisation ...................................................................................................................................... 4 Site ................................................................................................................................................... 5 Résultats économiques ................................................................................................................... 6 Atouts .............................................................................................................................................. 7 Faiblesses......................................................................................................................................... 8 Conclusion ....................................................................................................................................... 9 2. Port d’Anvers ............................................................................................................................. 10 Localisation .................................................................................................................................... 10 Site ................................................................................................................................................. 10 Résultats économiques ................................................................................................................. 10 Atouts ............................................................................................................................................ 11 Inconvénients ................................................................................................................................ 13 Conclusion ..................................................................................................................................... 13 3. Port de Rotterdam..................................................................................................................... 13 Localisation .................................................................................................................................... 13 Site ................................................................................................................................................. 14 Résultats économiques ................................................................................................................. 15 Atouts ............................................................................................................................................ 16 Faiblesses....................................................................................................................................... 16 Conclusion ..................................................................................................................................... 17 Comparaison des 3 ports....................................................................................................................... 17 Conclusion ............................................................................................................................................. 19 Références ............................................................................................................................................. 20 2 Introduction Un bref aperçu du trafic portuaire au niveau européen permet de remarquer à quel point la Rangée Nord est particulièrement active (voir Figure 1). Au cœur de ce segment reliant Hambourg au Havre, deux pôles ressortent tout particulièrement du lot par l’importance du trafic qui y transite : Rotterdam et Anvers. C’est dans le cadre du cours de géographie des transports que ces deux ports vont être comparés, tant par leurs résultats économiques que par leurs atouts et leurs faiblesses. Nous tenterons de la sorte de discerner quelles sont les futures ambitions auxquelles peuvent prétendre chacun de ces deux ports. Les facteurs sous-jacents à la réussite ou à l’échec d’un site portuaire seront en outre développés au travers l’exemple du port de Zeebrugge, qui sera confronté à ses deux grands voisins que sont Rotterdam et Anvers. Figure 1 : Trafic total des ports de la Rangée Nord en 2004 (source : Lavaud-Letilleul, 2005) Ces trois ports que nous allons donc étudier en profondeur bénéficient d’une localisation avantageuse le long de la Rangée Nord. Leur avantage est même double lorsque, à échelle plus locale, on remarque qu’ils sont situés à l’embouchure de grands fleuves européens (le Rhin, l’Escaut et la Meuse), dans la région du Delta d’Or. Celui-ci constitue un véritable centre de gravité portuaire puisqu’il y concentre près de deux tiers de l’activité sur seulement 200 kilomètres de rivage. Le travail sera sous-divisé en deux parties. Tout d’abord, les trois ports seront étudiés individuellement. Y seront détaillés les atouts et faiblesses de chacun, ainsi que leurs résultats économiques présents et passés. Par après, les ports seront comparés, et certaines hypothèses quant à leur développement futur seront étudiées au vu des éléments issus de la partie précédente. 3 Analyses individuelles 1. Port de Zeebrugge Localisation C’est en 1896, face à l’ensablement de plus en plus contraignant du port de Brugge, que les autorités belges mettent en œuvre le projet de construction du port de Zeebrugge. Celui-ci bénéficie pour rappel d’une position stratégique (voir Figure 2): • • Sur le littoral de la Mer du Nord : localisation sur la façade nord de l’Europe qui fait office d’interface entre l’océan et le cœur économique de l’Europe (zone dite de la « banane bleue ») ; Dans le Delta d’Or : la localisation du port dans cette région lui permet d’être directement connecté aux grands fleuves européens afin de desservir par les eaux la banane bleue. Comme nous avons pu le voir, ce constat peut être également fait pour les deux ports suivants. Figure 2 : Banane Bleue & Rangée Nord (source : Techno-science.net, n.d.) 4 Site Les activités du port sont longtemps restées mineures après sa construction, notamment du fait des deux guerres mondiales et de la crise économique d’entre-deux-guerres (Charlier et Letilleul, 2009). C’est principalement depuis 1985 que Zeebrugge a commencé à prendre de l’ampleur à l’échelle internationale, en résultante de la construction de nouvelles infrastructures permettant une plus grande efficience du port. Le complexe portuaire peut être divisé en trois parties distinctes (voir Figure 3) : • • • L’avant-port : Les eaux sont protégées par deux jetées et il est principalement utilisé pour le trafic roulier et de conteneurs. Cette partie permet donc d’accueillir des navires toujours plus grands (grande profondeur des eaux) qui seront rapidement pris en charge (pas d’écluses). L’avant-port est complètement artificiel. Il est principalement utilisé pour le trafic conteneurisé. Le trafic RoRo y occupe également une place importante. Les écluses Pierre Vandamme et Visart : Elles permettent de faire la liaison avec l’arrièreport. Toutefois, notons que l’écluse Visart est trop petite par rapport aux standards des navires actuels (un projet est ainsi en route afin de l’agrandir). L’arrière port : Cette zone est plus destinée aux marchandises en vrac, à la manutention de marchandises diverses et au déchargement des voitures neuves. Figure 3 : Trois parties du port de Zeebrugge (source : Google Earth) En définitive, l’avant-port est utilisé pour les trafics rapides, tandis que l’arrière-port traite les trafics plus lents. 5 Résultats économiques 1980 1990 2000 2009 Trafic de conteneurs (Mtonnes) 1,988 3,946 11,610 24,896 Nous observons qu’en une petite trentaine d’années, les quantités transportées par conteneurs arrivant à Zeebrugge ont véritablement explosé. C’est grâce à ses atouts (accès direct à la mer) que Zeebrugge fait partie des ports européens montrant une des plus grandes croissances dans ce secteur. 1980 1990 2000 2009 Vrac solide (Mtonnes) 2,188 8,807 2,456 1,598 Le vrac solide aboutissant à Zeebrugge est principalement constitué de matériaux de construction (sable et gravier), mais également de céréales, d’engrais ou d’alimentation animale. Zeebrugge n’est pour autant pas du tout spécialisé dans le vrac solide, ce trafic ne restant que marginal pour le port. 1980 1990 2000 2009 Vrac liquide (Mtonnes) 5,512 4,578 5,070 7,993 Les proportions de vrac liquide arrivant à Zeebrugge sont en légère augmentation depuis une bonne dizaine d’années. Il s’agit principalement de gaz liquéfié, en provenance du Qatar par méthaniers ou en provenance du gazoduc qui relie le port aux gisements offshore de la côte norvégienne, redistribué ensuite vers toute l’Europe. Zeebrugge alimente ainsi le marché du gaz européen à hauteur de 15 %. 1980 1990 2000 2009 Trafic RORO (Mtonnes) 4,331 12,291 15,358 9,514 Le port de Zeebrugge joue un rôle important en Europe dans le trafic roulier. En l’occurrence, le port de Zeebrugge s’est particulièrement démarqué comme zone d’arrivée de voitures, machines agricoles et autres bulldozers neufs. En résultante de cette spécialisation, de nombreuses entreprises de finition des constructeurs automobiles se sont implantées sur le site de Zeebrugge, 6 avant de distribuer les véhicules au travers de l’Europe. En terme de fret non accompagné (voitures mais aussi remorques de camion), le port de Zeebrugge se classe même en tête des ports européens. Les terminaux voituriers sont situés derrière les écluses. Ceci n’est toutefois pas un obstacle puisque la durée moyenne des escales des voituriers est beaucoup plus longue que celles des autres types de navires de transport. Notons toutefois que le trafic RoRo est en recul depuis quelques années, au profit du container. Enfin, le port de Zeebrugge est doté d’un terminal passager, ce qui témoigne à nouveau de la volonté du port de se diversifier. Atouts Le principal atout du port est son accès sans écluse à la mer. Cet avantage permet surtout de diminuer considérablement le temps de manœuvre des navires concernés. En outre, offrant à tout moment une profondeur d’eau suffisante pour accueillir même les plus gros porte-conteneurs, Zeebrugge se démarque positivement par les rapidités de chargement-déchargement. Ainsi, pour un même porte-container, le temps d’entrée dans le port est plus court de 6 heures par rapport au port d’Anvers. Un second avantage du port de Zeebrugge est son inter-connectivité avec les autres réseaux de transport : • • • Routier : Zeebrugge est directement relié vers les zones centrales de la banane bleue (Benelux – sud-ouest de l’Allemagne – nord-est de la France) et vers l’Europe du Sud via un réseau autoroutier dense. C’est le principal facteur expliquant le leadership européen du port de Zeebrugge dans le trafic roulier. Ferroviaire : Comptant pour près de 15 % du transport vers l’arrière-pays depuis le port de Zeebrugge, le transport ferroviaire est directement inséré dans les activités portuaires (voir Figure 4). Feeders : Le port de Zeebrugge s’affiche de manière de plus en plus marquée comme hub international. Il n’est dès lors pas étonnant de voir que près de 15 % des marchandises arrivant soient réparties vers des ports voisins de rang moins important (au Royaume-Uni ou en Europe du nord et du sud) par l’intermédiaire des feeders, navires de transfert, plus petits. 7 Figure 4 : Insertion ferroviaire dans le port de Zeebrugge (source : Google Earth) Troisièmement, du fait de son jeune âge, le port de Zeebrugge a été pourvu d’installations modernes, optimisant les échanges de marchandises. Ensuite, les autorités portuaires ont voulu favoriser la diversification dans le port de Zeebrugge. Cette diversification permet au port de Zeebrugge de ne pas dépendre d’un seul et unique secteur, et ainsi de privilégier un développement durable des activités portuaires. C’est principalement la raison pour laquelle les résultats du port n’ont été que peu perturbés par la crise économique ayant frappé le système global en 2008. Enfin, le port de Zeebrugge dispose de plusieurs voies d’extensions, que ce soit vers la mer ou vers la terre (bien que cette voie soit rendue particulièrement ardue face aux mouvements environnementalistes). Certains projets d’aménagement voient ainsi le jour, comme l’illustre le plan d’avenir d’expansion en mer présentée par les groupes Deme et De Nul (De Lloyd, 2009). Faiblesses Le port de Zeebrugge est, rappelons-le, marqué par une forte connectivité avec les réseaux routier et ferroviaire. Toutefois, les connectivités avec le réseau fluvial constituent un véritable point faible du port, puisque seulement 1 % des marchandises arrivant à Zeebrugge sont expédiées dans l’hinterland via les voies navigables. En vérité, le port de Zeebrugge n’est quasi uniquement connecté qu’à sa ville-mère de Brugge. Cette faiblesse du port est principalement liée au fait que les installations fluviales qui auraient pu lui permettre de favoriser cette connexion traversent Brugge. Ces dernières sont relativement vétustes, et nécessiteraient d’être modernisées pour favoriser la connectivité de Zeebrugge vers l’hinterland au travers des voies navigables. Cependant, pour des raisons historiques, le centre de Brugge est classé, bloquant dès lors tous travaux sur les canaux, et obligeant Zeebrugge à négliger sa connexion 8 fluviale. Initialement conçu comme point d’entrée vers le port de Brugge, le réseau fluvial du port est donc peu performant. Pour contourner cette difficulté, des barges côtières passent donc par la mer pour rejoindre le réseau fluvial européen via l’embouchure de l’Escaut et le port d’Anvers. Réseau Routier Ferroviaire Seepers Fluvial Distribution de la marchandise arrivant ~ 60 % ~ 15 % ~ 15 % ~1% Une deuxième faiblesse du port de Zeebrugge est l’emploi. Environ 300 entreprises sont présentes sur le site du port, ce qui représente 11000 emplois directs. Au total, de manière directe et indirecte, le port de Zeebrugge fournit de l’emploi à près de 25000 personnes, ce qui, comparativement aux deux ports ultérieurement étudiés, est relativement faible. Toutefois, le port de Zeebrugge est un port de second rang, ce qui explique ces différences en termes d’emplois. Enfin, le port de Zeebrugge, bien que favorablement situé sur la Rangée Nord de l’Europe, n’est pas directement relié au réseau autoroutier. Ceci est somme toute assez contraignant compte tenu que le port, comme nous venons de le constater précédemment, ne dispose pas non plus d’une desserte optimale en voies navigables. En bref, le port de Zeebrugge est encore aujourd’hui partiellement enclavé. Certains projets devraient toutefois permettre au réseau autoroutier de relier le port de Zeebrugge dans les années à venir. Mais malgré cette faiblesse, Zeebrugge bénéficie indirectement du maillage autoroutier très dense qui lui permet de relier le cœur de l’Europe, et d’évacuer au final (peut-être pas de manière optimale) 60 % de la marchandise par routes. Conclusion A cause, ou plutôt grâce à l’ensablement de l’embouchure du Zwin, le port de Zeebrugge vit le jour. Fort d’un accès direct à la mer et d’une inter-connectivité de réseaux, le port révèle de nombreux atouts qui ne peuvent que faciliter sa croissance dans le futur. Rappelons effectivement que Zeebrugge dispose d’un port relativement jeune (1985), lui permettant de jouir d’infrastructures modernes et fonctionnelles. Cependant, sa conception initiale (début 20ème) devait servir d’avantposte au port de Brugge, et sa connexion au réseau fluvial se fait uniquement par celle-ci. Or, Brugge est aujourd’hui classée, ce qui ne permet pas de moderniser les canaux devenus vétustes et trop petits avec le temps. Malgré la volonté affichée par les autorités portuaires de favoriser la diversification, deux activités principales se démarquent : le trafic conteneurisé (25 Mtonnes par an) et le trafic RoRo (10 Mtonnes par an). Ce dernier occupe pour l’instant 15 terminaux, soit 160 hectares, ce qui représente plus d’un quart du total de la superficie actuellement occupée par les activités portuaires. 9 2. Port d’Anvers Localisation Localisées à l’embouchure de l’Escaut, les activités du port d’Anvers débutent aux alentours du 12ème siècle. Le développement moderne du port, caractérisé par des investissements massifs des autorités dans les installations portuaires, commence dès le début des années 1980. Sa position géographique permet aux autorités portuaires de se targuer, au même titre que pour le port de Zeebrugge, d’une position au cœur même de l’Europe. Par opposition à celui-ci, cependant, le port d’Anvers est situé à l’intérieur des terres, ce qui lui confère des avantages et des inconvénients explorés ultérieurement. Historiquement, le port d’Anvers a particulièrement bénéficié de l’après seconde guerre mondiale. En effet son principal concurrent Rotterdam, ayant été totalement détruit, et le plan de relance économique étant en marche, le port d’Anvers afficha d’emblée des scores économiques remarquables jusqu’en 1949 (date à laquelle le port de Rotterdam relança avec succès ses activités). Site Le port d’Anvers couvre une surface de près de 15 kilomètres carrés. Activités portuaires et industrielles s’y côtoient étroitement, comme nous pourrons le voir ultérieurement. Le port est divisé en deux parties principales: la rive gauche (couvrant près d’un tiers du total de la superficie portuaire) et la rive droite (couvrant les 2 autres tiers). La partie gauche est apparue bien après la naissance du port, seulement dans les années ’60. La rive droite du port, par contre, a pris sa forme actuelle avec tout d’abord l’apparition des premiers docks dès le début du 19ème siècle (Bonapartedok et Willemdok). Les constructions se sont ensuite étendues vers le Nord avec le temps. L’expansion du port a ainsi nécessité l’annexion de 6 communes à celle d’Anvers et la destruction de 3 villages. Résultats économiques 1980 1990 2000 2009 Trafic de conteneurs (Mtonnes) 6,126 16,553 44,526 87,248 L’évolution du trafic conteneurisé montre une augmentation fulgurante lors de ces 30 dernières années, et plus particulièrement depuis 1990. En effet, depuis cette décennie, les autorités portuaires anversoises ont considérablement investi dans de nouveaux aménagements liés à ce type de trafic. Avec un taux de variation moyen annuel de 10 % (Lavaud-Letilleul, 2005), le port d’Anvers s’affiche même comme le port de la Rangée Nord enregistrant la plus forte progression en termes de trafic conteneurisé. 10 Le port dispose ainsi aujourd’hui de nombreux sites pour la manutention, l’entreposage et le transbordement de la marchandise conteneurisée. 1980 1990 2000 2009 Vrac solide (Mtonnes) 34,502 32,620 27,754 17,384 Le vrac solide n’est pas la spécialité du port d’Anvers. Toutefois, il joue également un rôle premier dans l’importation de matières premières, traitant aujourd’hui près de 17,4 millions de tonnes par an. Afin de favoriser ce trafic, le port dispose de cinq terminaux spécialisés dans la manutention, le conditionnement et autres manœuvres industrielles. De nombreuses entreprises de traitement de ces matières premières implantées sur le site du port permettent l’emploi d’une main-d’œuvre importante. 1980 1990 2000 2009 Vrac liquide (Mtonnes) 18,974 25,867 34,039 39,522 Le port fait partie des leaders mondiaux en termes de production et de distribution des produits chimiques et plastiques. Il s’agit en vérité du plus grand centre européen de production de produits chimiques. Le port offre, en conséquence, une concentration de réservoirs tout bonnement gigantesque. 1980 1990 2000 2009 Trafic RORO (Mtonnes) 1,599 3,320 5,967 6,115 Le trafic roulier n’est que secondaire pour le port d’Anvers, et ne sera pas développé outre-mesure dans ce rapport. Atouts Le positionnement du port à l’intérieur des terres permet aux navires qui y font escale de se situer d’emblée à une soixantaine de kilomètres de la côte. C’est un avantage considérable puisque il est ainsi possible d’acheminer à plus faible coût les unités transportées plus loin dans les terres. Ceci permet donc de diminuer le coût de transport routier (Rodrigue, n.d.). La connexion du port d’Anvers est également un autre de ses points forts. Au contraire de Zeebrugge positionné dans une enclave vers où les voies convergent, Anvers, de par sa localisation 11 dans les terres (80 km à l’intérieur), se place directement sur le tracé des grands axes routiers et ferroviaires européens. En outre, sa localisation dans l’embouchure d’un fleuve lui confère un accès direct aux voies navigables. L’évacuation des matières importées par le port d’Anvers se fait dans des proportions différentes selon les différents modes de transport. Réseau Routier Ferroviaire Fluvial Distribution de la marchandise arrivant (%) 57 11 32 En définitive, le port d’Anvers bénéficie d’un hinterland plus favorable à la desserte. Mais de manière plus généralisée, l’hinterland est, à peu de chose près, identique à celui des ports de Zeebrugge et Rotterdam puisque de la même manière 60% du pouvoir d’achat européen est localisé à moins de 500 km (voir Figure 5). Figure 5 : Hinterland < 500 km du port d’Anvers (source : Google Earth) Un autre atout du port est sa capacité d’innovation. L’environnement dans lequel est inséré le port d’Anvers n’est pas véritablement favorable. Il a constamment fallu lutter pour permettre au port de rester compétitif. C’est grâce à son expérience, transmise de générations en générations, et face aux constantes contraintes imposées par le voisin hollandais, que le port d’Anvers s’est constamment débrouillé pour se démarquer. Enfin, les activités en place dans le port d’Anvers en font un gros générateur d’emplois. Il est ainsi estimé que le port fournit près de 65.000 emplois directs ainsi que 120.000 emplois indirects. Rien de comparable avec les quelques 25.000 emplois générés par les activités portuaires du port de Zeebrugge. 12 Inconvénients Le plus gros désavantage du port d’Anvers est sans conteste son accessibilité par la mer. Tout d’abord parce que les navires doivent passer dans un estuaire avec des navires de haute-mer, ce qui nécessite une certaine habilité. Aussi, la plupart des quais du port nécessitent le passage par des écluses. L’arrivée dans le port d’Anvers nécessite donc beaucoup de temps et un certain coût : 1 pilote de mer, 1 pilote de rivière, 1 pilote pour écluse et 2 remorqueurs. Par ailleurs, pour accéder au port, les navires doivent passer par l’embouchure de l’Escaut, située aux Pays-Bas, pour remonter le fleuve sur près de 60 kilomètres. Or, le fleuve a besoin d’être régulièrement dragué, ceci nécessitant de longues et laborieuses négociations avec les autorités hollandaises qui, en voulant favoriser la prédominance du port de Rotterdam, freinent le développement du port d’Anvers. Comme annoncé fièrement sur leur site, « le port d’Anvers est le plus grand et le plus diversifié centre pétrochimique en Europe ». Ceci apporte son lot de retombées économiques. Mais, comme nous avons pu le constater par nous-mêmes sur place, les pollutions atmosphériques se font lourdement ressentir. C’est ainsi que certains clients quittent ce port pour d’autres cieux moins pollués, comme en témoigne le passage du négociant de café Efico vers le port de Zeebrugge (De Lloyd, 2008). Notons toutefois que ces types de mouvements ne sont pas légion. Enfin, les possibilités d’extension du port d’Anvers ne sont pas infinies. Un certain nombre de terrains portuaires sont encore disponibles sur la rive gauche, mais ils représenteront probablement les dernières extensions possibles. Bloqué entre les zones habitées, les zones protégées et par les frontières, le port d’Anvers semble donc contraint à rester cloisonné dans un espace limité. Conclusion Le port d’Anvers présente des atouts sans pareil égal. Sa localisation à l’intérieur des terres, pour un port maritime, est exceptionnelle. Elle lui confère principalement un accès direct aux réseaux de transport, permettant de rapidement redistribuer les marchandises vers le centre de l’Europe. En outre, sa position à l’embouchure de l’Escaut pourvoit le port d’un accès direct au réseau fluvial européen. Mais sa localisation est à double tranchant : elle le désavantage aussi par son accès qui rend les manœuvres des navires délicates, longues et coûteuses. 3. Port de Rotterdam Localisation Situé un peu plus au nord que les ports de Zeebrugge et d’Anvers, Rotterdam bénéficie également, et peut-être même encore plus, d’une localisation favorable dans la région du Delta d’Or. D’un point de vue historique, les activités portuaires ont débuté durant le Moyen-Âge. Les deux guerres, et tout particulièrement la seconde, ont quasi totalement détruit les installations. Le port a 13 donc été partiellement reconstruit et, dès le début des années ’50, est redevenu fonctionnel. C’est ce qui explique l’ascendance qu’a pris le port sur celui d’Anvers, du fait du matériel plus moderne. D’abord localisé dans le centre de la ville, le port s’est, avec le temps, étendu de plus en plus vers l’embouchure du Rhin sur la mer, pour finalement, dans les années ’60-’70 prendre approximativement la morphologie actuelle. Site Le site du port de Rotterdam bénéficie avant tout d’un marnage très faible. Ce qui lui confère un avantage considérable : aucune écluse n’est nécessaire. Le port de Rotterdam peut être divisé en deux parties (voir Figure 6). A l’intérieur des terres et jusqu’au bord de la mer, la première partie, est la section historique du port. C’est là qu’est principalement traité le trafic « short-sea ». La partie gagnée sur la mer, composée de la célèbre Maasvlakte I et bientôt de la Maasvlakte II, est le théâtre principal du traitement des trafics « deepsea ». Cette seconde portion n’est véritablement fonctionnelle que depuis le début des années 1980. Figure 6 : Parties du port de Rotterdam (source : Google Earth) A l’image du port d’Anvers, les anciens docks, désormais sous-dimensionnés pour accueillir les navires actuels, sont de plus en plus sujets au phénomène de « docklandisation ». 14 Résultats économiques 1980 1990 2000 2009 Trafic de conteneurs (Mtonnes) 20,978 40,789 65,143 100,280 Bénéficiant depuis l’après-guerre d’installations portuaires modernes et optimalisées pour la rapidité des échanges, le port de Rotterdam a toujours gardé une longueur d’avance sur les autres ports de la Rangée Nord. Ainsi, dès le début du phénomène de conteneurisation, le décollage fut très rapide à Rotterdam qui bénéficiait d’installations plus adéquates, faisant alors office de pionnier dans le domaine en Europe. En outre, le port de Rotterdam en privilégiant historiquement le trafic vers l’Asie, n’a été que d’autant plus favorisé par les échanges vers ce contient qui sont toujours plus importants. 1980 1990 2000 2009 Vrac solide (Mtonnes) 65,580 94,085 90,486 66,628 Le port de Rotterdam est disposé à accueillir différents types de vrac solides. Ce sont aussi bien des minerais que des fruits qui seront importés par navires via Rotterdam. Rotterdam s’affiche entre autres comme leader européen dans le transit du charbon. Le port dispose, pour cause, de nombreux terminaux gigantesques adaptés pour le minerai. Si le charbon y est si présent, c’est principalement parce que le port permet de faire le lien direct entre les navires arrivant par la mer, et les autres remontant les grands fleuves d’Europe. Or, le transport fluvial est un mode de transport idéal pour expédier à moindre coût de grandes quantités de charbon. En outre, la localisation du port de Rotterdam permet d’avoir une connexion rapide avec les ports d’Angleterre qui viendront également se fournir en charbon à Rotterdam. Le raisonnement est identique pour les autres minerais en transit via le port de Rotterdam : le fer, et en moindre mesure la bauxite. 1980 1990 2000 2009 Vrac liquide (Mtonnes) 174,840 135,320 147,709 198,090 Le port de Rotterdam est particulièrement bien spécialisé dans le traitement des vracs liquides. C’est ainsi que près de 200 millions de tonnes, principalement de pétrole, arrivent chaque année dans les terminaux de la Maasvlakte, pour être ensuite traitées à même le site et renvoyées vers l’intérieur 15 des terres par pipeline, bateaux, train ou camions-citernes. Les feeders permettent en outre une redistribution des produits traités vers d’autres ports de mer de rang inférieur. 1980 1990 2000 2009 Trafic RORO (Mtonnes) 3,727 7,343 10,000 16,000 Rotterdam est, avec Zeebrugge, un des ports RoRo les plus importants de la Rangée Nord de l’Europe. Disposant d’une connexion appréciable avec le réseau autoroutier européen, et de contraintes de marées négligeables, le trafic RoRo peut fonctionner 24 heures sur 24. Disposant également d’une bonne desserte ferroviaire, les terminaux à ferries ne font que favoriser ce type de trafic. Atouts Tout d’abord, le port de Rotterdam bénéficie d’un emplacement encore plus avantageux que celui d’Anvers en termes de connexion avec les voies navigables. En effet, situé à l’embouchure du Rhin et de la Meuse, les possibilités de redistribution des marchandises loin vers l’intérieur des terres sont naturellement facilitées. En outre, l’artère rhénane irrigue la partie continentale de l’Europe la plus prospère et la plus peuplée d’Europe. Un second avantage dont il a déjà été fait part est la modernité des installations portuaires rotterdamoises. Dévasté lors de la seconde guerre mondiale, sa reconstruction lui a conféré un avantage lui permettant de s’insérer durablement dans les échanges globaux, avantage que les autorités portuaires sont parvenues à conserver tout au long des années, de sorte à maintenir la dominance sur le trafic portuaire européen. Troisièmement, les faibles marnages permettant aux navires d’accéder aux différents terminaux sans passage d’écluses confèrent un atout financier (moins de manœuvres et moins de temps) non négligeable. Enfin, à l’image du port de Zeebrugge, Rotterdam bénéficie d’un potentiel de croissance appréciable. Ainsi, depuis maintenant deux ans, les travaux d’un projet d’extension devant mener à la sortie des eaux de nouveaux terminaux pétroliers et à containers sont en route. Faiblesses Le port de Rotterdam est en quelque sorte une zone enclavée vers laquelle convergent les réseaux routiers et ferroviaires. Sur ce point, Rotterdam est donc désavantagé vis-à-vis d’Anvers qui bénéficie pour rappel, d’une position dans l’hinterland et directement localisé sur le tracé des axes de transport. 16 De plus, le site portuaire n’a plus de possibilités d’extension sur terre. Toutefois, situé à l’embouchure du Rhin, le port a la possibilité de s’étendre sur la mer grâce à des projets ingénieux mais terriblement coûteux. Conclusion En définitive, lorsque nous nous référons aux deux autres ports précédemment étudiés, il est clair que Rotterdam a une longueur d’avance. Ses possibilités d’extensions et la modernité de ses installations ne peuvent, à long terme, que lui être bénéfiques dans la lutte de domination qui l’oppose au port d’Anvers. Comparaison des 3 ports Comme nous avons pu le voir au long des analyses individuelles, les trois ports se marchent littéralement sur les pieds, profitant des atouts qui leur sont propres pour s’attirer plus de trafic aux dépens des ports voisins. Mais en fait, bien plus que d’entretenir une relation de compétition entre eux, nous pouvons parler de co-opétition : il s’agit d’une situation où les partenaires sont dans une position de compétition à l’échelle microéconomique, et complémentaire à l’échelle macroéconomique. La co-opétition n’est pas un fait nouveau pour les ports belges. En vérité, le port de Zeebrugge, bien plus que pour pallier les problèmes d’ensablement du port de Brugge, devait servir comme portsatellite à Anvers. Pour ne citer que cet exemple-là, l’activité portuaire conteneurisée prend toujours plus d’importance à Zeebrugge, de même que les transferts de containers entre les deux ports, que ce soit par barges, par trains ou encore par routes. Par son accessibilité Zeebrugge est donc complémentaire à Anvers. Et par sa plateforme de distribution Anvers est complémentaire à Zeebrugge. De la même manière, le port d’Amsterdam est le complément de Rotterdam (Charlier et Lavaud-Letilleul, 2009). Ces deux sous-ensembles, le belge et le hollandais, sont unis par les relations qu’entretiennent entre eux les deux ports majeurs. Sur base de ce que nous venons d’expliquer, nous serions donc tentés d’assimiler les quatre ports dans un seul et unique ensemble portuaire. De cette façon, avec près de 750 millions de tonnes de trafic annuel (en 2008), le complexe belgo-hollandais est probablement le plus important au monde. Amsterdam Anvers Rotterdam Zeebrugge Total Trafic total 2008 (Mtonnes) 94 189 421 42 746 Il s’agit maintenant de comprendre pourquoi et comment une telle hiérarchisation s’est installée, et de bien établir le rôle qu’a chacun des ports dans ce complexe co-opétitif. 17 « Dans ce dispositif régional, les ports de Rotterdam et de Zeebrugge servent essentiellement de port rapide pour des cargaisons qui doivent passer le plus vite possible pour arriver à destination et sont fréquemment dépotées et empotées à Anvers. Le port d’Anvers, qui, en plus des conteneurs arrivés ou partant directement par mer, capte donc de façon indirecte des trafics en provenance de Rotterdam ou de Zeebrugge, se trouve donc être le premier port sec d’Europe, et sans doute au monde » (Lavaud-Letilleul, 2005). Bien que se modernisant et remettant en cause la prédominance de Rotterdam (surtout dans le trafic containerisé), Anvers s’affiche donc comme véritable plaque de redistribution des matières vers l’Europe. En définitive, le port d’Anvers est pourvu d’un port dont l’accessibilité marine est nettement moins bonne que ses deux voisins. Mais Anvers est par contre nettement mieux inséré dans les réseaux de transports routiers et ferroviaires, puisqu’elle n’est pas une enclave. Les entreprises préfèreront donc s’y installer afin d’accroître la valeur ajoutée des matières premières importées. Dès lors, la plupart du trafic containerisé arrivant aux deux autres ports sera renvoyé massivement vers Anvers où les matières seront traitées, stockées puis redistribuées. Il est désormais intéressant d’analyser brièvement les potentiels de croissance des différents sites. Premièrement Rotterdam, avec ses 8700 hectares, tend à la saturation et ne pourra pas éternellement s’étendre vers la mer (ne fut-ce que pour raisons environnementales). Anvers dispose d’une surface bien plus importante (14 000 hectares) et d’un certain potentiel de croissance sur terre car moins contraint par l’habitat. Toutefois, l’outil y est nettement moins performant qu'à Rotterdam d’un point de vue technique. Le développement d’Anvers semble possible, mais doit nécessairement passer par la modernisation et l’optimisation des outils. Enfin, Zeebrugge dispose d’un site largement plus petit et d’un potentiel de croissance vers la mer et vers la terre, mais sans pour autant pouvoir rêver d’un jour rivaliser avec le voisin anversois. Zeebrugge fait donc office d’avant-port d'Anvers. Force est de constater que pour le développement futur, l’espace et l’environnement s’érigeront en véritables freins. Face à la mondialisation, les trois autorités portuaires ont bien compris que leurs intérêts passaient par la complémentarité régionale entre les trois ports. C’est la raison pour laquelle les connexions entre les sites se multiplient d’années en années, de telle sorte que l’idée de complexe se fasse de plus en plus concrète physiquement (pipelines, relations routières, ferroviaires et maritimes). « Transposée sur le plan de la gestion du territoire, une politique portuaire régionale permettrait d’un côté, de satisfaire les exigences des acteurs globalisés (armements, manutentionnaires) et de l’autre, de répondre aux obligations qui s’accentuent à l’échelle locale sur les plans fonctionnels (valeur ajoutée et emplois) et environnementaux (espace) » (Lavaud-Letilleul, 2005). 18 Conclusion En guise de conclusion, nous avons pu remarquer à quel point la zone du Delta d’Or est particulièrement favorable au trafic portuaire. Comparativement aux autres ports de la Rangée Nord, l’accès au cœur économique de l’Europe est direct et facilité par la proximité des grandes voies navigables (Rhin, Meuse et Escaut). A une échelle plus fine, il est possible de faire une étude comparative des ports qui se situent dans ce Delta d’Or : Zeebrugge, Anvers et Rotterdam. De celle-ci, de nombreuses différences sont ressorties, de telle sorte que les caractéristiques qui avantagent chacun des ports nous font remarquer que la relation qu’ils entretiennent va bien au-delà d’une simple compétition. Face à un système mondial de plus en plus globalisé, la croissance des ports devait forcément passer par une révision des relations, et c’est pourquoi aujourd’hui il est plus question de co-opétition plutôt que de compétition. En définitive, l’ensemble Zeebrugge-Anvers-Rotterdam (-Amsterdam) se présentera de plus en plus comme un seul et unique complexe portuaire à l’échelle macroéconomique. 19 Références [1] CHARLIER, J. (2009). « The Benelux seaport system. From competition to co-opetition ». 14th conference of the Hong Kong Society for Transportation Studies, Hong Kong. [2] CHARLIER, J. et LAVAUD-LETILLEUL, V. (2009). « Zeebrugge ou l’émergence d’une nouvelle porte océane au cœur du Northern Range ». Les ports européens et la mondialisation. L’Harmattan, Paris. [3] De Lloyd, « Le négociant de café Efico échange Anvers pour Zeebrugge » (2008) : http://www.lloyd.be/nieuws/id21219Le_ngociant_de_caf_Efico_change_Anvers_pour_Zeebrugge.html. Dernière visite le 30/12/2010. [4] De Lloyd (2009). « Les dragueurs esquissent un plan d’avenir pour le littoral belge ». [5] De Sociaal-Economische Raad van Vlaanderen (SERV), trafics pour les ports de Zeebrugge, Anvers et Rotterdam (2009) : http://www.serv.be/Dispatcher.aspx. Dernière visite le 30/12/2010. [12] Institut d’Aménagement et d’Urbanisme de la Région Ile-de-France (2006). « Les portes d’entrée marchandises de l’Ile-de-France. Premier volet : la plate-forme portuaire de Zeebrugge ». [6] LAVAUD-LETILLEUL, V. (2005). « L’aménagement de nouveaux terminaux à conteneurs et le renouvellement de la problématique flux-territoire dans les ports de la Rangée Nord. Les exemples comparés de Rotterdam et d’Anvers ». Flux, N° 59 : pp. 33-45. [7] LAVAUD-LETILLEUL, V. (2007). « Le Delta d’Or autour de Rotterdam, Anvers et Zeebrugge : l’émergence d’une véritable région portuaire au défi de la mondialisation ? ». Les Cahiers Scientifiques du Transport, N° 51 : pp. 61-96. [8] Port of Antwerp, informations multiples : http://www.portofantwerp.com. Dernière visite le 07/01/2011. [9] Port of Rotterdam, informations multiples : http://www.portofrotterdam.com. Dernière visite le 06/01/2011. [10] Port of Zeebrugge, informations multiples : http://www.zeebruggeport.be. Dernière visite le 04/01/2011. [11] RODRIGUE, J.-P., Cours de Géographie des transports. Distance, choix modal et coût de transport (n.d.) : http://www.geog.umontreal.ca/geotrans/fr/ch3fr/conc3fr/transcostfr.html. Dernière visite le 02/01/2011. [12] Techno-science.net, carte de la Banane Bleue (n.d.) : http://www.technoscience.net/?onglet=glossaire&definition=2555. Dernière visite le 28/12/2010. 20