Les sacramentaux - Portail de la Liturgie Catholique

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Les sacramentaux
Pour plus de facilité, on appelle sacramental tout ce qui n'est pas sacrement, même si, à
l'usage, on s'aperçoit que tous les sacramentaux (c'est-à-dire des signes autres que les sept
sacrements) ne sont pas à mettre sur le même plan. Essayons de faire le point sur leur diversité
et de savoir ce qu'ils sont.
RESUME HISTORIQUE
L'histoire des sacramentaux remonte à l'Antiquité. Au cours de sa vie terrestre, Jésus fit
fréquemment usage de gestes ayant clairement une signification religieuse : bénédictions,
exorcismes, etc. Ceux-ci faisaient partie de cet héritage que lui-même, la communauté créée
par lui et tout le Nouveau Testament avaient reçu.
Pour le christianisme, nous avons, pour ne citer qu'un exemple, le témoignage de la Tradition
(apostolique d'Hippolyte. Elle recommande la bénédiction de l'huile, du fromage, des olives, du
pain et du miel, etc. Les livres liturgiques du Moyen-âge (les Sacramentaires comme les
Pontificaux) nous révèlent que la communauté chrétienne d'alors en faisait un grand usage.
Le mot lui-même de « sacramental», employé comme substantif, n'est pas utilisé en théologie
avant le XII siècle. Auparavant, on employait communément le mot stacramenturn (+ serment.
Donc la signification d’une alliance que l’on retrouve dans le mot « sacrement » et le mot
« sacramental »). On appliquait même celui-ci à des rites religieux naturels qui n'étaient pas les
sacrements tels que nous les entendons aujourd'hui ; la ritualité en général était un
sacramentum. Cette terminologie a pu venir du fait que tout ce qui était en rapport avec les
sacrements proprement dit était consacré au service divin au moyen d'une bénédiction. Chez
Saint Augustin, le mot sacramentum exprimait des réalités fort diverses : allant du «Notre Père»
à la célébration du baptême ou de l'eucharistie. Hugues de Saint-Victor utilise un vocabulaire
particulier pour distinguer le baptême et l'eucharistie des autres sacrements qui leur sont
subordonnés.
Le XIIIe siècle, sous l'influence de Pierre Lombard, se trouve en possession d'une terminologie
assez claire. Il commence à faire la distinction entre les sacrements et les sacramentaux: les
sacramenta principalia ou majora et «les autres sacrements qui, de manière plus significative,
peuvent être appelés sacramentaux (sacramentalia), car ils sont, en quelque sorte, liés aux
sacrements et dépendants d'eux ».
LES SACRAMENTAUX
Les auteurs modernes les répartissent en deux catégories : les sacramentaux-choses et les
sacramentaux-actions. Ils font ainsi la distinction entre les choses bénites, consacrées,
exorcisées, et les actions que sont les bénédictions, les consécrations et les exorcismes. Dans
les premiers, nous pouvons mettre l’eau bénite, les cierges bénits, les rameaux d’olivier, les
cendres bénites au début du Carême. Dans le second type sont cataloguées les consécrations
(profession religieuse, bénédiction de l’abbé, consécration des vierges, dédicace d’une église),
les bénédictions (de l'eau, des enfants, des malades, des champs, des ustensiles, etc.), les
exorcismes. Cette multiplicité a rendu très ardue la définition des sacramentaux.
Les sacramentaux sont donc des bénédictions et des consécrations qui témoignent de la foi et
de l'amour de l'Église ; ils tendent à faire paraître la gloire du Christ, en dépit de tous les
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obstacles, dans l'histoire des hommes et dans le cosmos. Les sacramentaux sont des signes de
la foi de l'Église : dans cette foi réside toute leur force. Quel que puisse être leur objet, l'élément
qui les caractérise et qui leur évite d'être contaminés par la magie est la foi priante de la
communauté ecclésiale. «Par les sacramentaux, la foi au Christ est préservée d'un spiritualisme
excessif et de l'anémie qui en menace la vitalité. Les choses deviennent autant de rencontres
avec le Christ. Avec elles et en elles s'accomplit le don de soi à sa personne. II se tient dans la
vie quotidienne et donne aux choses les plus ordinaires des significations, un appui et une
sécurité. Les sacramentaux sont une expression du prix que Dieu attache au cours ordinaire de
la vie ; ils nous disent que tout lui appartient : choses et travaux. Ils montrent que Dieu
embrasse et sanctifie les choses les plus humbles ».
Il s'agit d'actes liturgiques, de célébrations ayant quelque ressemblance avec les sacrements
- non seulement du fait qu'il s'agit de signes : pain, lumière, feu, etc. - mais aussi de par leur
objectif, qui est de manifester et de communiquer le salut (encore faut-il s’entendre sur le mot
« salut »). Ils rejoignent ainsi diverses circonstances où les croyants veulent manifester la vie de
Dieu et rejoindre le Christ.
Une des caractéristiques des sacramentaux, c'est leur ressemblance avec les sacrements. Ils
sont, en fait, intrinsèquement liés à la célébration de ces derniers, spécialement à l'eucharistie.
Sous un certains aspect, ils sont comme une préparation et, sous un autre, comme une sorte de
prolongation des sacrements. Leur finalité est de mettre au service de Dieu le monde tout entier
et d'offrir à l'homme un guide et une aide dans l'effort qu'il fait pour modeler le monde et pour
faire mûrir toujours plus dans sa propre personne sa vocation à être, dans le Christ, une image
de Dieu au milieu du monde.
Entre sacrement et sacramental, il y a bien une ressemblance provenant d'une même réalité
de signes dans un contexte de foi priante ; les différences, toutefois, ne manquent pas et elles
sont profondes. Alors que les sacrements ont été institués par Jésus Christ, les sacramentaux
nous sont offerts par l'Église. Ils sont des actions de l'Église, expression de sa volonté de
sanctifier les hommes par la puissance de sa prière. Grâce à l'intercession de L'Église, le Christ
doit devenir vraiment le Seigneur de ceux qui accomplissent l'acte sacramentel, ou vivent de lui.
Par suite, le croyant reçoit, de l'amour pascal de Dieu, protection contre les tentations du
démon, grâces et secours actuels selon la spécificité de chaque sacramental, capacité d'agir et
grâces actuelles pour réaliser la volonté du Père, chacun selon son charisme propre et l'appel
reçu de Dieu, ainsi que des faveurs temporelles, dans la mesure où elles servent au salut dans
le cadre du plan providentiel.
Les sacramentaux prolongent en quelque sorte les sacrements puisque, comme eux, ils
cherchent à signifier le salut et que, comme eux, ils disent la sacramentalité de l'existence,
c'est-à-dire la possibilité de chaque acte humain à recevoir la grâce de Dieu. On ne peut donc
vraiment les comprendre qu'en lien avec les sacrements, puisque ceux-ci ne furent appelés tels
que lorsque furent définis au XIIe siècle les sept sacrements majeurs.
D'après la doctrine tridentine, les sacrements sont au nombre de sept (DS 1601). Les
sacramentaux, au contraire, ne sont pas limités quant au nombre. Ce sont des formules qui
expriment la prière de demande que fait l'Église sur des personnes et sur des choses à usage
cultuel ou profane. Ils lui offrent, sous le langage d'un signe marqué par la prière et l'invocation,
sous des formes corporelles et concrètes, le mystère de l'action salvifique du Ressuscité. Les
sacramentaux attestent que le salut concerne tout l'homme, en toutes ses composantes
existentielles, personnelles et relationnelles.
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À l'origine de la célébration des sacramentaux, il y a le mystère du Christ. C'est le Christ qui
donne au monde sa signification, à ce monde dans lequel opère le sacramental. La formule et
le geste montrent ici que tout le mystère de la vie divine, communiqué dans la célébration,
nous est offert par le Père, le Fils et l'Esprit Saint par le moyen de la croix du Christ. Le
sacramental n'est donc pas un fait de magie, mais une célébration de la foi au Christ
ressuscité, se traduisant dans un geste rituel.
Le rayon d'action des sacramentaux n'est pas facile à délimiter, car il est coextensif au
développement des rapports du croyant avec le monde.
En dernière analyse, alors que le nombre des sacrements est limité à sept, celui des
sacramentaux évolue constamment.
Pour mieux les comprendre, il faut tenir compte de trois dimensions : le rapport entre l'homme
et le monde, la place centrale du Christ, le ministère de l'Église.
1. Le rapport homme-monde
Un des points soulignés par la théologie des sacramentaux est que, dans la création, le monde
doit retrouver sa consécration à Dieu. Les sacrements le font déjà, mais « le monde des
sacramentaux » peut s'étendre pratiquement à tous les objets avec lesquels l'homme entre en
contact dans sa vie quotidienne, et concerner presque toutes les situations dans lesquelles il lui
arrive de se trouver.
Le rapport avec le monde est nécessaire et doit être désiré par l'homme, s'il veut être vraiment
homme. Le chrétien est appelé à prendre conscience de sa place dans le monde. Comme l'écrit
le Père Chenu, «Intégré dans le monde, profondément impliqué dans ses problèmes,
intimement associé à ses plus nobles aspirations, travaillant activement à son progrès, formé à
partir du monde et pour le monde, le chrétien, comme le Christ, doit être le levain du monde.
Personne ne peut collaborer effectivement au développement de la communauté chrétienne, s'il
ne participe activement à l'édification de la communauté humaine ». Le fidèle, en cherchant à
dominer la nature, est stimulé pour construire le monde dans la perspective de sa foi : faire du
monde la gloire de Dieu. En collaborant activement à la création continuelle du monde par Dieu,
l'homme réalise en lui l'image divine en Jésus Christ. Suivant ce dynamisme, l'évolution du
monde par l'homme et dans l'homme, dans un climat d'amour fraternel, devient ce règne de
Dieu en acte, qui aura son accomplissement dans l'eschatologie, où les cieux seront nouveaux
et la terre nouvelle (cf. Is 65,17 ; 2 P 3,13 ; Ap 21,1).
Jusqu'à la plénitude de la Parousie, l'Église entre activement en communion avec le monde en
appliquant continuellement le principe de l'Incarnation. L'histoire de l'humanité n'est pas autre
chose que le développement, selon le mystérieux plan de Dieu, des relations mutuelles de
l'homme et du monde.
La relation homme-monde a été ébranlée par le péché (Rm 8,19 suiv.).
Dans la célébration du mystère pascal, qui est comme l'âme des sacramentaux, le mystère de la
création et de l'incarnation s'actualise en christifiant l'homme et le cosmos. L'univers, sans être
arraché à son destin naturel, est pénétré du mystère de la grâce. C'est à la lumière de Pâques,
signifiée par les célébrations des sacramentaux, que toute réalité créée, homme ou cosmos, est
perçue et amenée à réaliser la finalité de la création : récapituler toutes choses dans le Christ.
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2. La place centrale du Christ
Quand l'homme découvre la place centrale du mystère de l'amour dans sa vie, il peut aussi,
progressivement, découvrir le mystère de l'autour de Dieu qui a eu son sommet révélé dans
l'Incarnation du Verbe dans le Christ Jésus, le mystère de l'amour créateur du Père a trouvé son
expression la plus pleine. Le Christ pascal est la signification la plus grande de la création,
puisqu'en lui se découvre le sens de l'existence. Le Dieu créateur, en Christ, agit dans le monde
et avec le monde : en lui, en effet, se réalise l'éternel propos de Dieu de récapituler en Christ
toutes choses (cf. Ep 1,10).
Dans la célébration du sacramental, l'Église veut imprégner le monde d'une signification
christique, pour que la puissance du Ressuscité, agissant dans les personnes et dans les
choses, instaure un monde tout nouveau
3. Le ministère de l’Église
a) La dimension épiclétique.
Invoquer, c'est faire parler l'Esprit présent dans la communauté croyante qui est en route
et se sent pauvre. Toute situation, toute souffrance, toute circonstance vécue dans la
pauvreté par l'homme se traduit dans une grande liturgie d'invocation. La situation
existentielle de l'homme est à la merci de la souffrance du moment présent et en attente
de la libération eschatologique. La création aussi attend cette libération (cf. Rm 8,18-19).
L'Esprit est l'envoyé qui est en nous et avec nous et qui intercède pour nous. Dans cette
perspective, le sacramental n'apparaît pas comme de la magie,
b)
La dimension rituelle.
L’invocation de l’Esprit Saint, pour être vraiment humaine, doit se traduire dans un
langage, des gestes, des rites. L'homme en tant que tel ne peut pas vivre sans rites
dans le 'geste' du sacramental, c'est une foi qui s'exprime. Celle-ci, d'une part, se montre
décidée à accueillir le salut apporté par l'événement de Pâques et, de l'autre, affirme sa
conviction que la fidélité de Dieu opérera encore des prodiges au cours de l'histoire.
L'acte du culte qui caractérise le sacramental n'est pas autre chose que l'acte
symbolique pleinement humain qui découle de cette foi.
Les formes variées des sacramentaux
Si l'on essaie, en effet, de répertorier ces différents signes, on s'aperçoit qu'il s'agit toujours
d'un rituel d'intercession, qui lui-même se décline en trois catégories : la bénédiction (la
catégorie principale et la plus répandue), l'exorcisme et enfin la procession. On ne trouvera
pas de liste exhaustive des sacramentaux, mais nous pouvons nous référer à l'énumération
tirée du Catéchisme de l'ֹEglise catholique (§ 1671-1673) :
1. Bénédictions-consécrations :
a) personnes : abbés, abbesses de monastère, vierges consacrées, religieux, lecteurs,
acolytes, catéchistes.
b) lieux et objets : dédicace d'une église, consécration d'un autel, bénédiction des
saintes huiles.
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2. Autres bénédictions :
Bénédiction des personnes (selon les situations et les circonstances de la vie) et des réalités
humaines ou des richesses de la création.
3. Exorcismes et supplications.
4. Processions liturgiques : Présentation du Seigneur, Rameaux, Vigile pascale, Fête du Corps
et du Sang du Christ.
5. Exposition, procession et bénédiction eucharistiques.
6. Célébrations de la Parole (SL 7, 24, 35/4) :
Ainsi la célébration pénitentielle non sacramentelle.
7. Prières pour les mourants et rituel des funérailles.
Ainsi, les sacramentaux peuvent comprendre des célébrations comme celles des funérailles,
des actions liturgiques à un moment de l'année comme la bénédiction des cierges, des
Cendres, des Rameaux, la procession de la fête de la Présentation du Seigneur ou celle des
Rameaux ; le lavement des pieds, le Jeudi saint ; la vénération de la Croix, le Vendredi saint.
On a pu aussi considérer que ces sacramentaux formaient des rites particuliers lors d'une
action sacramentelle. Ainsi pour le baptême : la signation, l'eau bénite, l'exsufflation,
l'imposition des mains, le sel, l'onction des catéchumènes, le cierge, la robe du baptême.
Mais cette approche ne paraît pas satisfaisante. Il est préférable de situer les
sacramentaux comme des actions qui aident à mieux comprendre la place des
sacrements. Sinon, on risque de se cantonner aux sacramentaux et oublier les
sacrements dont ils sont tirés : ex : adoration du Saint Sacrement en dehors de
référence à la célébration de l’eucharistie.
De même sont considérés comme sacramentaux certains éléments dont on se sert pour un
usage individuel et domestique dans le quotidien de la vie : ainsi l'eau bénite, le signe de la
croix, les rameaux accrochés à la croix, les cendres, les cierges. Ces signes viennent
prolonger et rappeler dans la vie ordinaire des personnes ce qui a été signifié, reconnu dans la
célébration liturgique communautaire. Leur utilisation parfois curieuse, voire «magique», ne
suffit pas à relativiser la pertinence de la pratique de ces usages privés qui cherchent à
soutenir et à exprimer la foi.
Les consécrations - bénédictions
Ce sont des prières déprécatoires sur les personnes et les choses, destinées à attirer sur elles
la protection et les bienfaits de Dieu. Par la prière, l'Église insère efficacement dans le mystère
du salut du Christ les réalités et les personnes, qui, en tant que créatures, sont déjà sous la
protection de Dieu. La bénédiction des choses, qui a comme arrière-fond l'agir de Dieu dans
l'histoire, a pour but de contribuer au développement de l'authentique bien de la personne, en
conformité avec les dispositions prises par Dieu.
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La bénédiction représente à la fois le langage de toute prière - dire du bien de Dieu - et la
forme première et essentielle des sacramentaux. En effet, bénir exprime la reconnaissance de
l'homme vis-à-vis de Dieu, car c'est lui qui bénit l'homme le premier. Tout est grâce, tout nous
vient de Dieu. La bénédiction est d'abord un acte de foi, une attitude de l'homme qui, devant
Dieu, se sait redevable. Bénir consiste à se tourner vers Dieu, à le nommer, à le louer, à lui
demander de manifester sa présence. Il est la source de toute bénédiction, de tout bien.
Dans le Christ, Dieu nous bénit et nous le bénissons. Ainsi les bénédictions qui
s'accomplissent dans des célébrations particulières appartiennent-elles à la vie de tous les
baptisés. Elles sont de deux sortes :
- Les premières touchent de façon durable certaines personnes dans leur vie. Elles
concernent aussi certains lieux et certains objets voulant marquer ainsi une destination.
On les nomme « bénédictions » ou « consécrations ». Dans l'acte de la
consécration, les personnes et les choses sont soustraites à la libre disposition de
l'homme. Par sa prière, l'Église les confie à Dieu par le Christ qui est le grand liturge de
l'Église. Dans cette catégorie, nous pouvons mettre la consécration ou dédicace d'une
église ou d'un autel, d'un calice, la bénédiction d'un abbé, la consécration des vierges,
la profession religieuse ou monastique.
Ces bénédictions-consécrations sont, en principe, réservées à l'évêque, ou
subsidiairement aux prêtres. Elles sont l'objet de rituels particuliers.
- Les secondes, les plus nombreuses et les plus fréquentes, viennent signifier que
toutes les circonstances de la vie des hommes peuvent être vécues avec Dieu, dans la
foi, en Alliance. Elles développent la conscience croyante, orientent l'existence vers
Dieu. Elles ont des degrés d'ecclésialité liés à l'action, aux personnes ou à l'objet. Selon
ce degré, les ministres pourront en être l'évêque seul, l'évêque ou un prêtre délégué, un
prêtre ou un diacre, un laïc institué (acolyte, lecteur) ou un autre laïc homme ou femme.
La bénédiction la plus connue à ce niveau est le benedicite, prière avant le repas
familial ou communautaire.
Le rituel des bénédictions distingue cinq types de bénédiction : celle concernant les personnes,
les activités humaines, les objets pour le culte et la dévotion, enfin les bénédictions diverses.
Quand il s'agit de bénédictions d'objets ou de réalités matérielles, celles-ci sont toujours en
rapport avec l'homme, avec l'usage des choses, avec la destination de la création et de son
devenir qui touche au salut de l'homme.
Parmi les bénédictions, il en est par exemple qui sont perçues comme des actions liturgiques.
Elles appellent alors des célébrations communautaires qui comportent la proclamation et
l'accueil de la Parole, la prière de l'ֹÉglise (louange, supplication et intercession, prière de
demande de bénédiction et prière de bénédiction souvent accompagnée d'un geste). Ce geste
n'est pas toujours le signe de croix. Ce peut être l'aspersion d'eau bénite, les mains levées,
tendues ou jointes. Ce geste ne peut faire à lui seul la bénédiction, cela pour éviter les
superstitions et pour favoriser la célébration participante (Rituel des bénédictions § 27).
Ainsi la bénédiction peut être un signe et un moyen par lesquels l'homme entend la Bonne
Nouvelle de Jésus Christ et sa victoire sur le mal, reconnait Dieu au cœur de toutes les réalités
de la vie, et célèbre Dieu, avec l'ֹÉglise et par elle, Seigneur de toutes choses.
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Les exorcismes
Autre catégorie de sacramentaux, les exorcismes. Ils ont toujours été attestés au cours de
l'histoire. Ce troisième type de sacramental est celui qui présente le plus de difficultés pour
l'homme contemporain. Celui-ci regarde en effet comme hautement problématique
l'intervention du démon dans les affaires humaines. Disons simplement qu'en accomplissant
des exorcismes, l'Église, suivant l'exemple de Jésus, demande la protection du Père dans son
combat contre Satan.
Sous une forme simple, on les rencontre dans le sacrement du baptême. Dans le rituel de
l'initiation chrétienne des adultes, ils s'effectuent au cours des trois scrutins. Par eux se trouve
signifiée l'action salvifique du Christ qui nous délivre de la puissance du mal. Souvent, l'eau
bénite comme rappel du baptême le signifiera. Dans sa prière au Père, le Seigneur ne cesse
de nous le faire demander : «Délivre-nous du mal.» Enfin, hors du baptême, l'exorcisme
solennel, appelé grand exorcisme, ne peut être pratiqué que par un prêtre habilité par l'évêque.
Son rituel a été promulgué en 1998. La traduction française en a été faite, acceptée par Rome,
mais non distribuée en librairie (2006).
Les processions
Certaines célébrations de l'année sont précédées ou suivies d'une procession : ainsi la
Présentation du Seigneur, les Rameaux, la Vigile pascale, la fête du Corps et du Sang du
Christ. Elles visent à faire mémoire du mystère célébré symboliquement dans le temps et
l'espace. Il existe aussi des processions extraordinaires, prescrites localement : telle marche
promenant une statue de la Vierge ou les reliques d'un saint (cf Ostensions du Limousin). Le
cérémonial des évêques y consacre un chapitre (XXI). Les pèlerinages relèvent de la même
symbolique. il s'agit de bouger, de se mettre en marche pour changer quelque chose à sa vie.
La célébration rituelle accompagne ce chemin. Il s'agit d'un déplacement vers un lieu vénéré
(sanctuaire) qui symbolise le chemin de la vie chrétienne. Il permet de faire une expérience de
communion à Dieu, à l'ֹEglise par la médiation du lieu ou de l'objet vénéré. D'autres dévotions
viennent s'ajouter au pèlerinage et le façonner : procession, chemin de croix, litanies et
chapelets, cierges, vénération de reliques ou d'images. Le programme traditionnel du
pèlerinage s'organise à partir de ces éléments disponibles, pas forcément tous utilisés, faisant
de la démarche pèlerine une pratique mobile et modulable. Les responsables de pèlerinage
aujourd'hui cherchent à proposer d'autres formes : catéchèses et rencontres, célébrations de
sacrements ou de sacramentaux (célébration de la Parole, célébration pénitentielle), afin de
guider une démarche de dévotion qui puisse devenir une liturgie. Souvent dans le passé, ces
dévotions reçurent de la part des responsables de l'ֹÉglise reconnaissance, approbation, voire
recommandation ou au contraire réprobation. Mais demeure la question de savoir les relations
que de telles dévotions peuvent avoir avec la liturgie!
D'autres sacramentaux
Ainsi les prières pour les mourants et le rituel des funérailles: prière au domicile - eau bénite,
cierge; fermeture du cercueil ; prière au cimetière. Si effectivement on détermine le
sacramental par ce qui n'est pas typiquement sacrement, on peut comprendre qu'au XIVe
siècle la célébration d'un office de louange et qu'aujourd'hui les célébrations de la Parole (dont
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les ADAP) et les célébrations pénitentielles (non sacramentelles) puissent être considérées
comme des sacramentaux. Ces différentes célébrations sont de réelles actions liturgiques
relevant de l'expérience sacramentelle de l'ֹÉglise, selon la compréhension renouvelée
proposée par la Constitution conciliaire sur la sainte liturgie au § 7 : «Le Christ est présent
dans sa parole, car c'est lui qui parle tandis qu'on lit dans l'ֹÉglise les Saintes écritures. il est là
présent quand l'ֹÉglise chante et prie les psaumes, lui qui a promis : "Là où deux ou trois sont
rassemblés en mon nom, je suis là au milieu d'eux." » Mais elles ne sont pas à proprement
parler, aux yeux de l'ֹÉglise, des sacrements.
La communauté chrétienne accueille en sa liturgie toute l'histoire du monde. Elle fait de tous les
événements des lieux où l'homme vit du Christ et de son histoire. Tel est le sol où s'enracine le
sacramental
La bénédiction découle de cette foi. Elle n'est pas autre chose qu'une louange et une invocation
qui en débordent, celles d'une communauté animée de la conviction que Dieu manifeste sa
fidélité dans l'histoire des hommes.
Il ne s'agit donc pas de «paraliturgie», mais d'un espace liturgique qui prépare, éveille, éduque,
fait vivre pour Dieu et sanctifie. Ces célébrations peuvent se vivre avec des enfants ou des
adultes qui ne sont pas encore prêts à célébrer l'eucharistie ou à recevoir le pardon
sacramentel. Elles peuvent aussi être vécues lors de circonstances qui n'appellent pas
obligatoirement l'eucharistie : rassemblement ecclésial lié à une manifestation de la cité,
commémoration, événement public, pèlerinages, etc. De plus, en l'absence de ministre
ordonné empêché de célébrer les sacrements de l'eucharistie, de la pénitence et de la
réconciliation, ces célébrations permettent réellement de communier au mystère pascal et de
tendre vers le sacrement. De son coté le culte eucharistique, par maints aspects, comporte des
sacramentaux, ainsi telle bénédiction ou telle procession, signes vécus dans le prolongement
de l'Eucharistie.
En fait, si le terme «sacramental» reste souvent étranger, les réalités qu'il représente nous font
découvrir toute la vie de l'homme, puisqu'elles forment le champ de la Parole de Dieu, de la
bénédiction, de la célébration de l'Alliance. Ce sont toutes les réalités humaines et cosmiques
qui sont appelées à s'ouvrir à la sainteté de Dieu et à lui rendre gloire. Les sacramentaux sont
ainsi une manière particulière d'évangéliser en insérant les sacrements dans toute la vie. Ils
annoncent la Parole et suscitent la conversion. Ils participent à la pédagogie du Salut.
CONCLUSION
Le monde des sacramentaux soulève de multiples questions. Le croyant, pour les comprendre,
doit se demander quel est le sens du monde et du rapport qu'il a avec ce dernier. Il est appelé à
être un liturge cosmique. Il a besoin d'une foi profonde, centrée sur le Christ, pour introduire
dans l'histoire ce dynamisme pascal qui permettra à l'humanité de marcher vers sa pleine
réalisation. Il ne cesse d'éprouver à l'égard du monde une grande charité. En même temps, il
doit construire le monde en le libérant de la servitude du péché et de ses conséquences. Animé
par sa foi pascale, il construit le monde, en s'efforçant de le libérer.
Cette présence renouvelée de Dieu, offerte par la célébration du sacramental, revitalisée au
maximum dans le mystère eucharistique, donne à l'homme l'espérance qui lui permet de
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s'engager dans le temporel, de transfigurer le monde, de lui imprimer ce dynamisme pascal qui
aura sa pleine réalisation dans l'eschatologie.
Sources principales :
Enrico Mazza, L'Action eucharistique, Origine, développement, interprétation, Ed. Du Cerf, 1999
Domenico Sartore, Achille M Triacca, Dictionnaire encyclopédique de la liturgie, Brepols, 19922002, 2 vol.
SNPLS – Mars 2009 © SNPLS