Rire de nos différences, par-delà le Röstigraben

Transcription

Rire de nos différences, par-delà le Röstigraben
SAISON CULTURELLE. Ils sont huit, habillés de blanc et n’ont
d’autres instruments que leur voix. Les Voca People passent ce vendredi
par la salle CO2, à La Tour-de-Trême. Venus d’Israël, révélés par internet,
ces chanteurs étranges jouent à guichets fermés partout dans le monde.
A CO2 aussi, le spectacle affiche complet.
Si on sortait
15
La Gruyère / Jeudi 6 mars 2014 / www.lagruyere.ch
Rire de nos différences, par-delà
le Röstigraben et «uf dütsch»
L’ARBANEL. Carlos
Henriquez est de passage à Treyvaux samedi.
L’humoriste neuchâtelois présente I bi nüt
vo hie: un spectacle en
suisse allemand, sur nos
différences bien helvétiques.
ÉRIC BULLIARD
Il s’est fait connaître en Fernand,
un des trois petits vieux des
Peutch. Venu de l’improvisation,
Carlos Henriquez a choisi le
suisse allemand pour son premier spectacle solo. La langue
de sa mère, à défaut de sa
langue maternelle. I bi nüt vo hie
s’amuse des particularités helvétiques et du Röstigraben, à
travers un comédien et humoriste romand (il a vécu à Bienne,
à Neuchâtel, à Lausanne…), espagnol par son père et lucernois
par sa mère. Le spectacle est
présenté ce samedi à L’Arbanel
de Treyvaux et le 14 mars à Nuithonie, à Villars-sur-Glâne.
I bi nüt vo hie a été conçu pour
un public alémanique, mais vous
l’avez déjà joué en Suisse
romande: comment se passe
la réception ici?
J’ai ressenti une bienveillance étonnante. Ce spectacle se
moque des deux côtés du Röstigraben. Quand je ris des Suisses
allemands, ils rigolent de bon
cœur, mais ils me trouvent un
peu sévère sur les Romands!
L’inverse arrive aussi: les Romands aiment bien quand je
me moque d’eux, mais quand il
s’agit des Suisses allemands…
Quoique, avec les dernières votations, peut-être qu’ils seront
contents!
L’autre différence, c’est que
je fais des erreurs en suisse allemand, que l’on ne capte pas forcément ici: les Alémaniques se
moquent de ma façon de parler,
mais les Romands n’oseraient
pas, parce que souvent ils ne le
parlent pas mieux!
Vous montrez surtout à quel point
nous nous connaissons mal…
C’est une des raisons pour
lesquelles j’ai voulu faire ce
spectacle: nous sommes un seul
pays, on essaie de nous dire que
nous formons une seule nation,
mais on ne connaît pas notre
voisin. J’ai été moins dépaysé en
jouant à Montréal qu’à Zurich:
en musique, en littérature, au cinéma, nous n’avons pas du tout
les mêmes références. J’ai fait
des spectacles d’improvisation,
en bilingue, où l’on a parfois
des catégories «à la manière de»:
ils voient vaguement qui est
Molière et nous, au forceps, Dürrenmatt, mais au-delà de ça…
J’ai dit une fois qu’on pourrait
chanter à la manière de Johnny
Hallyday, ils m’ont dit: «De qui
tu parles?»
Il reste le sport pour nous
réunir…
Oui, c’est tellement étonnant
d’entendre des copains me dire
qu’ils détestent les Suisses allemands et, après, devant une
course de ski, ils hurlent quand
un Grison gagne… Alors qu’ils
ne comprennent pas un mot de
ce qu’il dit. Et au Français qui arrive deuxième, ils disent «bien
fait»!
Mais, autant en Romandie
je peux ressentir certains griefs
envers les Suisses allemands,
autant là-bas nous sommes
très bien vus. Nous passons
pour les gentils petits-cousins
qui ne font pas de mal, des
râleurs, des rigolos…
On dit aussi que nous n’avons
pas le même sens de l’humour:
le ressentez-vous?
Je connais mal leur humour,
parce que je n’ai pas un niveau
suffisant pour vraiment comprendre leurs humoristes. Mais
j’avais envie d’amener chez eux
l’humour que je ferais ici. De
dire: nous sommes différents
et je vais vous le prouver par
l’exemple. Si je devais faire un
stand up en français sur le
Röstigraben, j’aurais écrit les
mêmes textes et je les exporte
tels quels.
Ici, n’aurait-il pas été envisageable de le jouer en français?
Au départ, c’était au maximum à Bienne que je voulais le
jouer… Mais on me l’a demandé
et j’ai vu qu’il y avait un public:
à Montreux, la salle était pleine
EN BREF
Né de père espagnol et de mère alémanique, le Neuchâtelois Carlos Henriquez se rit «uf dütsch» de nos particularismes helvétiques. MITCH
à craquer, deux soirs. Le jouer
en français n’aurait pas d’intérêt: je parlerais trop bien… Et se
moquer des Suisses allemands
en français face à des Romands,
je trouverais ça limite raciste.
Je préfère cette idée: vous
allez entendre du suisse allemand pendant une heure et demie, peut-être que vous ne comprendrez pas tout, mais s’il y a
un mot où vous vous dites
«tiens, on dit ça comme ça»,
c’est déjà gagné. Finalement,
avec quelques notions scolaires, on arrive à suivre: à la sortie, les gens me disent souvent
qu’ils ont compris plus que ce
qu’ils imaginaient.
On découvre aussi l’image que
les Suisses allemands ont
de nous: par exemple que l’on
carbure au vin blanc…
C’est venu des matches d’impro: quand on demande au pu-
blic ce qu’est pour eux un Romand, ils disent rarement que
nous sommes des travailleurs
sobres! L’alcool vient très souvent, et surtout le vin blanc,
alors qu’eux boivent plutôt de
la bière. Je le cultive en l’exagérant, mais ce cliché-là existe.
Ces matches d’impro sont donc
à la base du spectacle…
Oui, j’en ai fait en bilingue,
avec des Suisses allemands, où
je parlais français. Mais, comme
je sais un petit peu le suisse allemand, je me suis risqué parfois et je sentais le public se
marrer de voir cette espèce de
gars avec un drôle d’accent. On
m’a ensuite proposé de faire dix
minutes, pour une scène ouverte, à Berne, en 2010, et j’ai
parlé de nos différences. Ça devait être à la suite d’une votation… J’ai eu envie d’aller leur
dire: sachez que les Romands ne
vous aiment pas et c’est bizarre,
parce que vous êtes cool! L’idée
est partie de là.
Quel rôle a joué Emil
dans la création du spectacle?
On l’a rencontré avec Peutch,
pendant la tournée du Knie.
Nous avions essayé de traduire
une partie, pour l’expérience et
il nous a dit: «Ne faites pas ça!
Si vous avez envie de jouer en
suisse allemand, écrivez comme
vous le parleriez!» J’ai enregistré
ces dix minutes, je les ai envoyées à Emil et il a trouvé super. C’était ce qu’il avait imaginé: un Romand qui parle
suisse allemand super mal, l’inverse de ce qu’il avait fait en
français. Je lui ai demandé de
me coacher un peu, principalement sur la langue. Je voulais
garder cette identité romande,
mais qu’on comprenne quand
même ce que je dis.
Comment conserver au fil des
représentations le côté spontané
et les fautes de langue? Vous
devez forcément améliorer votre
suisse allemand…
Quand j’ai parlé de faire ce
spectacle, ma mère m’a offert
une méthode pour l’apprendre.
Je lui ai dit que non, que mon
but était justement de le parler
mal, pour que ça reste charmant. Elle m’a répondu: «Tu as
encore de la marge…» Jusqu’à
ce que je le parle bien, il y a du
boulot et c’est tellement ancré
que je ne vais pas perdre mon
accent avant longtemps… ■
Treyvaux, L’Arbanel, samedi
8 mars, 20 h. Réservations: Fribourg Tourisme, 026 350 11 00.
Villars-sur-Glâne, Nuithonie
(en version surtitrée),
vendredi 14 mars, 20 h
●●●
ÉBULLITION
Des impros pour la journée de la femme
Ce samedi à Ebullition (20 h 30), la troupe Les Improvisibles va se lancer dans un
«catch-impro» 100% féminin: huit comédiennes participeront à cette compétition,
à l’occasion de la Journée de la femme. www.improvisibles.ch et www.ebull.ch.
LA TUFFIÈRE
Les Ecoles musique club présentent «Grease»
Après CO2, Bicubic et Univers@lle, les Ecoles musique club jouent Grease, vendredi et
samedi (20 h 15) à La Tuffière, à Corpataux. Le spectacle est le fruit d’un an de travail
pour les classes de comédie musicale. Plus de vingt acteurs et quatre musiciens seront
sur scène.www.grease-spectacle.ch.
NOUVEAU MONDE
Anna Aaron lance sa tournée à Fribourg
La chanteuse bâloise Anna Aaron joue ce jeudi (19 h) au Nouveau Monde, à Fribourg.
Elle présentera un nouveau spectacle et lancera la tournée qui suit la sortie de son
album Neuro. www.nouveaumonde.ch.
FRI-SON
Vernissage de Dirty Sound Magnet
Un an et demi après un premier vernissage, les rockeurs fribourgeois de Dirty Sound
Magnet sont de retour à Fri-Son ce vendredi (20 h). Ils présenteront un nouvel album
et un nouveau show, annoncé comme «encore plus ambitieux». www.fri-son.ch.
Pierre Palmade et
son double à CO2
Pour le plaisir de se
retrouver mentalisé
LA TOUR-DE-TRÊME. Pierre Palmade sera samedi
sur la scène de la salle CO2, à La Tour-de-Trême. Entouré
de quatre comédiens, il interprétera une pièce de son
cru, Le fils du comique. Soit la suite du Comique, créé en
2008. L’auteur et humoriste y campe une nouvelle fois
Pierre Mazar, son alter ego. Le voici toujours en quête du
bon mot qui fera mouche dans son nouveau spectacle,
toujours homosexuel assumé. Désormais en couple, il se
met en tête d’avoir un enfant. Sauf qu’il l’a promis à deux
femmes, sa meilleure amie et l’actrice de sa prochaine
pièce. Elles vont se retrouver en concurrence pour devenir la mère du fils du comique.
Autour de Pierre Palmade, la distribution comprend
Anne-Elisabeth Blateau (Emma dans Scènes de ménage),
Camille Cottin, Benjamin Gauthier et Guillaume Clérice.
La mise en scène est signée Agnès Boury. EB
CHÂTEAU-D’ŒX. Le Zénith, à Château-d’Œx, accueille
pour la première fois un mentaliste, Fabien Olicard. Ce
jeune Français se qualifie aussi de magicien et d’humoriste.
C’est dire qu’il ne se contente pas de lire dans la pensée
des spectateurs: il y ajoute le rire et l’illusion à travers des
trucs qui laissent le public abasourdi. Parce que, comme
l’a écrit Le Figaro à propos de son spectacle, «la magie,
quand on est tout près, c’est encore plus impressionnant!»
Dès l’enfance, Fabien Olicard a été diagnostiqué hypermnésique: il possède une mémoire hors norme. Il a utilisé
ce don de départ pour créer des numéros et un spectacle
que les programmateurs du Zénith qualifient de «complètement bluffant».
A 31 ans, Fabien Olicard a déjà présenté son spectacle
dans une quarantaine de pays et s’est produit à guichets
fermés pendant trois semaines au Festival d’Avignon. EB
La Tour-de-Trême, salle CO2, samedi 8 mars, 20 h 30.
Réservations: Office du tourisme de Bulle, 026 913 15 46
Château-d’Œx, Le Zénith, dimanche 9 mars, 17 h.
Réservations: 079 478 52 68 ou [email protected]