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PHYSIOPATHOLOGIE, PRÉSENTATION CLINIQUE ET COMPLICATIONS DES DIABÈTES DE TYPE MODY par J. TIMSIT*, D. DUBOIS-LAFORGUE*, C. BOITARD*, C. BELLANNÉ-CHANTELOT**, G. VELHO*** Le diabète de type MODY (maturity-onset diabetes of the young) est défini par le phénotype suivant : diabète de survenue précoce (classiquement avant l’âge de 25 ans), cliniquement non insulino-dépendant, au moins pendant les premières années suivant le diagnostic et de transmission autosomique dominante, évoquant une affection monogénique [1]. La caractérisation d’une partie au moins des gènes de MODY a conduit à compléter cette définition par l’existence d’une anomalie primaire de l’insulinosécrétion. La famille des gènes responsables de MODY comprend à ce jour six gènes. Cinq d’entre eux codent des facteurs de transcription : les MODY 1, 3, 4, 5 et 6 répondent respectivement à des mutations des gènes suivants : HNF-4α (hepatocyte nuclear factor-4α), HNF-1α, IPF-1 (insulin promoter factor-1, également appelé PDX-1), HNF-1β [2] et NeuroD1 (neurogenic differenciation factor 1, également appelé BETA2) [3]. Le MODY 2 constitue une exception puisqu’il est dû à des mutations du gène de la glucokinase. Les MODY, tous types confondus, représenteraient 2 à 5 p. 100 des diabètes non insulino-dépendants [4], avec une très forte prédominance des MODY 2 et 3, les autres formes ne concernant jusqu’ici que quelques familles. Tous les gènes de MODY ne sont pas identifiés : dans environ 20 à 40 p. 100 des cas de diabète dont le phénotype est évocateur de MODY aucune anomalie des gènes connus n’est mise en évidence. Ce cadre nosologique est en réalité très hétérogène en ce qui concerne les anomalies moléculaires en cause, le degré d’altération de l’insulinosécrétion et son caractère évolutif ou non, la sévérité de l’hyperglycémie qui en résulte et donc la *Unité de Diabétologie, Service d’Immunologie clinique, Hôpital Necker-Enfants Malades, Paris ; **Laboratoire d’Embryologie pathologique-Cytogénétique, Unité de Génétique, Hôpital Saint-Antoine, Paris ; ***INSERM U342, Hôpital Saint-Vincent de Paul, Paris. FLAMMARION MÉDECINE-SCIENCES diabètes de type mody — ACTUALITÉS NÉPHROLOGIQUES 2002 90 J. TIMSIT ET COLL. fréquence des complications, en particulier de microangiopathie, l’existence éventuelle de manifestations associées. Même si la physiopathologie des MODY reste incomplètement élucidée, le démembrement moléculaire de ces formes de diabète a permis d’établir des liens entre les anomalies génétiques et leur présentation clinique [4]. Dans ce texte l’accent sera mis sur les MODY 2 et 3, qui sont de loin les plus fréquemment rencontrés en pratique. MODY 2 Le MODY 2 est la conséquence d’une mutation à l’état hétérozygote du gène de la glucokinase. Une observation de diabète néonatal permanent dû à une mutation homozygote a été rapportée [5]. Les mutations associées à une hyperglycémie siègent dans des exons communs aux isoformes pancréatique et hépatique de l’enzyme. Les anomalies métaboliques observées au cours du MODY 2 sont donc les conséquences du défaut enzymatique dans la cellule B et dans l’hépatocyte. Dans la cellule B, la glucokinase gouverne la phosphorylation en 6 du glucose, étape clé du métabolisme qui conduit à l’insulinosécrétion en réponse au glucose. Des études d’expression ont montré que les mutants de la glucokinase associés au diabète ont des propriétés enzymatiques altérées [6]. Le pic précoce d’insulinosécrétion en réponse au glucose intraveineux et l’insulinosécrétion en réponse à l’arginine [7] sont conservés, mais la sensibilité des cellules B au glucose est réduite de moitié environ. Le seuil de glycémie qui déclenche la sécrétion d’insuline est donc anormalement élevé. En conséquence, dans un intervalle de glycémies physiologiques, l’insulinosécrétion est réduite par rapport à celle de sujets témoins [8, 9]. La synthèse hépatique de glycogène est réduite et la néoglucogénèse hépatique est augmentée [10]. Comparée à celle de sujets témoins, la production hépatique de glucose de patients porteurs d’une mutation de la glucokinase est insuffisamment inhibée par l’hyperglycémie [11]. La sensibilité à l’insuline est réduite chez les patients atteints de MODY 2, mais ce phénomène semble corrélé au degré d’hyperglycémie et probablement secondaire (glucotoxicité) [12]. De très nombreuses mutations de la glucokinase ont été associées au MODY 2 avec une bonne corrélation entre l’activité enzymatique, étudiée in vitro, et les degrés d’altération de l’insulinosécrétion et d’hyperglycémie observés chez les patients. Cependant, chez certains patients le niveau d’hyperglycémie est plus faible qu’attendu, suggérant un mécanisme de compensation via la surexpression dans la cellule B de l’allèle non muté [4]. Les mutations du gène de la glucokinase représentent la cause la plus fréquente de MODY en France (50 p. 100 des MODY) mais ceci est probablement la conséquence d’un biais de recrutement pédiatrique. Les anomalies métaboliques du MODY 2 sont présentes dès la naissance et même probablement in utero. En effet, dans des familles MODY 2 le poids de naissance des enfants porteurs d’une mutation est réduit par rapport à celui des nouveau-nés non porteurs de la mutation ce qui suggère une réduction de l’insulinosécrétion et donc de la croissance in utero [13, 14]. Cette hypothèse est confortée par les données obtenues dans un modèle de souris dont un allèle de la glucokinase a été invalidé dans les cellules bêta [15]. Le MODY 2 se caractérise par sa pénétrance quasi complète : dans une famille tous les sujets porteurs de la mutation sont hyperglycémiques. De plus, le niveau DIABÈTES DE TYPE MODY 91 d’hyperglycémie observé dans une famille est remarquablement similaire d’un sujet à l’autre et très stable dans le temps [16]. Ces données soulignent l’intérêt du diagnostic moléculaire de MODY 2 qui permet de préciser le pronostic du diabète chez les patients et de guider le dépistage familial. Dans la majorité des cas, l’hyperglycémie associée aux mutations de la glucokinase est modérée. Dans une série de 260 sujets issus de 42 familles et correspondant à 36 mutations différentes la glycémie à jeun était en moyenne de 7 mmol/l [17]. Des données identiques ont été rapportées dans des familles anglaises [16]. Moins de 50 p. 100 des sujets porteurs d’une mutation sont diabétiques selon les critères actuels sur la glycémie à jeun (7 mmol/l ou 1,26 g/l). En conséquence, les complications sévères de microangiopathie sont peu fréquentes dans cette forme de diabète, moins que dans le diabète de type 2 classique ou dans d’autres formes de MODY : moins de 5 p. 100 des patients développent une rétinopathie proliférative et la même proportion une néphropathie clinique ou une neuropathie périphérique. De même, ces patients n’ont habituellement pas les facteurs de risque vasculaire habituellement associés au diabète de type 2 et les complications de macroangiopathie sont rares [17]. Le diagnostic de MODY 2 est le plus souvent fait à l’occasion d’une mesure systématique de la glycémie, en l’absence de tout symptôme clinique, chez un sujet de poids normal. Des circonstances particulières comme un traitement hyperglycémiant (corticothérapie) ou la grossesse peuvent cependant majorer le degré d’hyperglycémie. La persistance d’une hyperglycémie modérée à jeun après un diabète gestationnel répond souvent à un MODY 2 [18]. Le traitement du MODY 2 repose dans plus des deux tiers des cas sur les seules mesures diététiques. Dans 30 p. 100 des cas un traitement par hypoglycémiants oraux ou insuline est prescrit [19]. La relative bénignité du MODY 2 ne doit pas faire oublier que ces patients sont hyperglycémiques dès la naissance, donc pour de très longues années. L’objectif d’une normoglycémie stricte parait légitime d’autant qu’il est le plus souvent réaliste. Les sulfamides hypoglycémiants sont d’utilisation logique dans le traitement du MODY 2 puisque leur mécanisme d’action stimule l’insulinosécrétion en court-circuitant le métabolisme du glucose dans la cellule B. Chez les patients dont la glycémie à jeun est franchement élevée la metformine, en réduisant la production hépatique de glucose, peut être utile, même si le poids est le plus souvent normal. Dans de rares cas (moins de 5 p. 100) une insulinothérapie est nécessaire pour normaliser les glycémies. MODY 3 Le diabète de type MODY 3 se distingue radicalement du MODY 2. Le MODY 3 est dû à une mutation à l’état hétérozygote du gène HNF-1α [20]. Sa fréquence parmi les différents MODY varie selon les pays. En France, elle est estimée à environ 20 p. 100, mais elle est beaucoup plus élevée aux États-Unis et dans d’autres pays d’Europe (jusqu’à 70 p. 100 des MODY au Royaume-Uni) [16, 21, 22]. Dans l’étude UKPDS, la recherche systématique de mutation d’HNF-1α chez des patients diabétiques de type 2 de diagnostic récent a montré que le MODY 3 correspond à environ 3 p. 100 des diabètes de type 2 en Grande-Bretagne. Des anomalies sévères de l’insulinosécrétion sont observées chez les patients porteurs de mutation d’HNF-1α. L’insulinosécrétion basale et stimulée par le 92 J. TIMSIT ET COLL. glucose (phases précoce et tardive) ou par l’arginine est très réduite [23, 24]. Il a été rapporté que l’hyperglycémie à jeun reste modérée, du même ordre que celle observée au cours du MODY 2 mais qu’elle est beaucoup plus marquée après charge en glucose. Encore faut-il souligner que les sujets traités par insuline, donc les plus sévèrement hyperglycémiques avaient été exclus de cette étude [25]. La sensibilité à l’insuline est altérée chez les patients diabétiques, secondairement à la carence en insuline et à l’hyperglycémie [23, 24, 26]. La physiopathologie du MODY 3 reste incomplètement élucidée. Le gène d’HNF-1α est exprimé dans divers tissus dont le foie, le rein, le pancréas, le tube digestif. La protéine comporte trois domaines principaux : un domaine N-terminal impliqué dans la dimérisation de la protéine, un domaine de liaison à l’ADN et un domaine C-terminal de transactivation. La dimérisation d’HNF, sous forme d’un homo- ou d’un hétérodimère avec HNF-1β, est nécessaire à son activité. Plus de 80 mutations du gène HNF-1α ont été identifiées dans des familles de MODY 3, avec une zone de mutations plus fréquentes (« hot-spot ») dans l’exon 4 [27]. Ces mutations peuvent siéger dans les trois domaines fonctionnels du gène. De plus des variants ont été décrits dans le promoteur du gène, associés à une diminution de son activité transcriptionnelle et co-ségrégeant avec le diabète [28]. L’étude des souris dont le gène HNF-1α a été invalidé a fourni des informations sur les mécanismes de survenue du diabète. Les souris dépourvues d’HNF-1α (–/–) présentent de nombreuses anomalies : stéatose hépatique et prolifération massive des hépatocytes, phénylcétonurie, syndrome de Fanconi tubulaire avec glycosurie massive, retard de coissance sévère et mort prématurée d’une partie des animaux [29]. Des anomalies du métabolisme des acides biliaires et du cholestérol ont également été décrites [30]. Chez ces souris il existe une hyperglycémie en rapport avec une diminution drastique (de 85 p. 100) de la réponse insulinosécrétoire au glucose et à l’arginine du pancréas ou d’îlots isolés [31]. L’absence de réponse au glucose pourrait être secondaire à une anomalie de la production mitochondriale d’ATP [32]. La taille du pancréas et la masse de cellules B semblent en rapport avec le poids des animaux. Cependant, compte tenu de l’hyperglycémie, l’absence de régénération insulaire pourrait correspondre à une anomalie spécifique. HNF-1α semble également impliqué dans la transcription de gènes impliqués dans le transport du glucose (GLUT 2) et dans son métabolisme (pyruvate kinase) dans la cellule β, ainsi que dans la transcription du gène de l’insuline chez le rat et chez l’homme [33, 34]. Globalement, l’expression de nombreux gènes impliqués dans le développement des îlots et dans leur métabolisme est altérée [35]. Les études fonctionnelles, dans des systèmes in vitro, de certains des mutants identifiés ont montré qu’une diminution de la liaison à l’ADN ou une perte de l’activité de transactivation peuvent être en cause dans les anomalies de l’insulinosécrétion [36, 37]. Certains mutants ont de plus un effet dominant négatif, la protéine mutée perturbant la fonction de la protéine normale [33, 37]. Ceci pourrait expliquer pourquoi, contrairement à ce qui est observé chez l’homme, chez qui l’hétérozygotie pour la mutation est associée au diabète, les souris hétérozygotes pour l’allèle nul (+/–) ne se distinguent pas des souris normale. Cependant ces études ne permettent pas de corréler le génotype des patients avec le phénotype et de rendre compte de la variabilité de l’expression du diabète en fonction de la nature ou de la localisation de la mutation. L’expression phénotypique du MODY 3 est en effet très variable d’une famille à l’autre et au sein d’une même famille. Par opposition au MODY 2, dont la pénétrance est complète, dans une même famille certains sujets porteurs d’une mutation DIABÈTES DE TYPE MODY 93 du gène HNF-1α sont normoglycémiques alors que leurs germains d’âge comparable sont très hyperglycémiques. Dans une famille anglaise, deux sujets non diabétiques âgés de 46 et 87 ans étaient porteurs de la mutation du gène HNF-1α associée au diabète chez d’autres membres de la famille [38]. Les apparentés porteurs de la mutation dont la tolérance au glucose est normale ont une sensibilité à l’insuline normale mais ont des anomalies de l’insulinosécrétion [24] et peuvent développer ultérieurement un diabète, en particulier dans des situations d’insulinorésistance, comme la grossesse ou une prise de poids. Dans l’étude de Lehto, 38 p. 100 des patientes ayant un MODY 3 avaient eu un diabète gestationnel [23]. Dans les familles de MODY 3, les sujets porteurs mais non diabétiques sont plus minces (IMC moyen 21 kg/m2) que les sujets diabétiques (IMC 25) [23]. La présentation initiale du MODY 3 est également variable. Le début du diabète survient, dans la majorité des cas, dans la période post-pubertaire (âge moyen au diagnostic : 22 à 26 ans selon les séries), contrairement au MODY 2 [16, 21]. La plupart des sujets présentent un syndrome polyuro-polydipsique franc lors du diagnostic. Il existe en effet une diminution de 50 p. 100 environ du taux maximal de réabsorption (Tm) du glucose qui majore ce syndrome (et limite peut-être l’hyperglycémie) [16, 39]. La diminution d’activité d’HNF-1α altère l’expression de transporteurs du tubule proximal, en particulier SGLT2 [40]. Cette anomalie est présente chez les sujets encore normoglycémiques porteurs de mutations d’HNF 1-α et pourrait rendre compte de l’observation ancienne de glucosurie précédant la survenue d’un diabète. Les patients sont le plus souvent de poids normal et ne présentent pas les anomalies métaboliques habituellement associées au diabète de type 2 (« syndrome X »). Le diagnostic clinique de MODY 3 est donc relativement aisé lorsqu’existe une histoire familiale évocatrice chez un sujet jeune, sévèrement hyperglycémique mais non ou peu cétosique. Cependant aucun de ces arguments n’a de valeur absolue. Dans l’UKPDS, des antécédents familiaux de diabète n’étaient pas trouvés systématiquement chez les patients porteurs d’une mutation d’HNF-1α [23]. Dans quelques observations une authentique acido-cétose initiale a été rapportée. Chez les sujets jeunes au moment du diagnostic la sévérité de l’hyperglycémie et des symptomes cliniques conduit en fait souvent au diagnostic de diabète de type 1. L’intérêt de la recherche des marqueurs immunologiques du diabète de type 1 autoimmun (anticorps anti-cellules d’îlots ou anticorps anti-décarboxylase de l’acide glutamique et anti-IA-2) est ici évident. L’absence de marqueur immunogénétique de diabète de type 1 doit faire évoquer le diagnostic. Dans cette situation 5 à 10 p. 100 des patients sont porteurs d’une mutation. Ainsi, dans une étude danoise, 4 des 39 patients initialement considérés comme ayant un diabète de type 1 selon les critères de l’OMS mais non porteurs des haplotypes HLA de susceptibilité DR3 et DR4 et appartenant à des familles multiplex étaient porteurs d’une mutation d’HNF-1α co-ségrégeant avec le diabète [41]. De même parmi 28 patients japonais considérés comme diabétiques de type 1, mais n’ayant aucun des auto-anticorps associés au diabète auto-immun, deux avaient une mutation d’HNF-1α [42]. Une partie des sujets ayant un diabète dit de type 1 non auto-immun, selon la nouvelle classification étiologique, pourrait en fait avoir un MODY 3. Les complications de microangiopathie sont fréquentes au cours du MODY 3. Après 16 années d’évolution connue la prévalence de la rétinopathie est de l’ordre de 50 p. 100, les formes sévères (rétinopathie pré-proliférative, proliférative, œdème maculaire et/ou nécessité d’un traitement par laser) atteignant 15 à 20 p. 100 des patients [16, 19, 43]. Une néphropathie débutante (micro-albuminurie pathologique) 94 J. TIMSIT ET COLL. est présente dans environ 20 p. 100 des cas. À durée d’évolution et sévérité de l’hyperglycémie comparables la prévalence de ces complications est donc la même qu’au cours des diabètes de type 1 et de type 2 [43]. En revanche la prévalence de l’hypertension artérielle, des anomalies lipidiques et des complications de macroangiopathie (maladie coronarienne) est plus faible qu’au cours du diabète de type 2 [19, 23, 43]. Le traitement du MODY 3 n’est pas standardisé. Initialement, le diabète est souvent non insulino-dépendant, et une sensibilité particulière aux sulfamides hypoglycémiants a été rapportée chez certains patients [44]. Nous avons la même expérience : chez une patiente très sévèrement hyperglycémique (glycémie à jeun de l’ordre de 5 g/l et HbA1c de 15,9 p. 100) l’introduction du glibenclamide à la dose de 15 mg/j a normalisé les glycémies (HbA1c 6,1 p. 100). Chez les sujets chez qui le mode de révélation aigu a conduit à instaurer une insulinothérapie d’emblée le diagnostic de MODY 3 peut conduire à revoir cette attitude et à faire l’essai d’un traitement oral. Cependant, contrairement au MODY 2, le défaut d’insulinosécrétion du MODY 3 s’aggrave avec le temps comme le suggère l’altération profonde de la fonction bêta chez les sujets âgés de plus de 20 ans [16], ce qui impose fréquemment l’instauration d’une insulinothérapie. Dans une série de 100 patients MODY 3, un tiers étaient traités par régime, un tiers par sulfamides hypoglycémiants, et un tiers par insuline [16] ; de même dans une série de 79 patients, après une évolution de 18 années en moyenne, 47 p. 100 étaient traités par insuline [45]. Les patients traités par insuline ont un BMI plus élevé et sont plus âgés. Par ses caractéristiques cliniques et évolutives et du fait de sa survenue chez des sujets jeunes le diabète de type MODY 3 justifie une prise en charge analogue à celle d’un diabète de type 1. Comme pour le MODY 2 un dépistage familial doit être proposé, en particulier chez les femmes susceptibles d’être enceintes, pour éviter les risques associés à une hyperglycémie méconnue en début de grossesse. Les sujets porteurs de la mutation mais non diabétiques doivent être surveillés régulièrement. De plus les données d’observation suggèrent que l’excès pondéral est un facteur aggravant de l’hyperglycémie ce qui doit conduire à des mesures préventives. La question d’un éventuel dépistage ante-natal n’a pas été évoquée dans la littérature, mais il faut garder à l’esprit le caractère partiel et actuellement imprévisible de la pénétrance de cette forme de diabète. AUTRES FORMES DE MODY Le MODY 1, dû à des mutations du gène de HNF-4α, semble rare mais sa description ancienne et le suivi prospectif de la très grande famille RW par S. Fajans a fourni des informations intéressantes [1, 4]. Dans cette famille les sujets sont généralement minces, le diabète apparaît à un âge variable, entre 7 et 40 ans, mais à terme une hyperglycémie à jeun survient chez 95 p. 100 des sujets porteurs de la mutation. La pénétrance est donc quasi-complète mais l’expression phénotypique est très variable. L’évolution se fait vers une perte progressive de l’insulinosécrétion dont témoigne une réponse aux sulfamides hypoglycémiants qui diminue de 1 à 4 p. 100 par an. Selon S. Fajans, 30 à 40 p. 100 environ des patients ne répondent plus aux sulfamides hypoglycémiants après 3 à 25 ans d’évolution et deviennent « instables » comme des diabétiques de type 1. À l’inverse certains sujets ont pu DIABÈTES DE TYPE MODY 95 être bien contrôlés par ce traitement pendant 40 années. Dans cette famille, comme dans les familles de MODY 3, il existe des sujets diabétiques mais non porteurs de la mutation (phénocopies) ; ils sont en général obèses. Le défaut primaire du MODY 1 est une diminution de l’insulinosécrétion, observé également chez les sujets porteurs de la mutation non encore diabétiques. La sécrétion de glucagon en réponse à une perfusion d’arginine est également réduite. Chez les sujets diabétiques existe une insulino-résistance qui est probablement secondaire à l’hyperglycémie. Les mécanismes impliqués dans les anomalies de l’insulinosécrétion au cours du MODY 1 sont probablement proches de ceux impliqués dans le MODY 3 car HNF-4α est un des facteurs qui activent la transcription d’HNF-1α. Récemment, a été rapportée l’existence d’un second promoteur d’HNF-4α comportant des sites de liaison pour HNF-1α, HNF-1β et IPF-1. Dans une famille une mutation du site de liaison d’IPF-1 co-ségrégeait avec le diabète [46]. Ces résultats suggèrent l’existence d’un réseau interconnectant divers facteurs de transcription impliqués dans le développement et la fonction des îlots pancréatiques. D’identification plus récente, le MODY 5 est dû à des mutations du gène de HNF-1β. Le MODY 5 se caractérise par l’association à un diabète de sévérité variable, proche dans ces caractéristiques du MODY 3, d’anomalies rénales fonctionnelles et morphologiques (kystes rénaux, anomalies du développement rénal), qui font l’objet d’un chapitre spécifique dans ce volume, d’anomalies du développement génital et d’anomalies des tests biologiques hépatiques [47-51]. Ce type de MODY semble plus fréquent que ne le laisse penser le petit nombre des observations rapportées dans la littérature. Le MODY 4, par mutation d’IPF-1 semble très rare ; dans une famille, la mutation homozygote de ce gène était associée à une agénésie pancréatique responsable d’un diabète néonatal et d’une insuffisance pancréatique exocrine ; les sujets porteurs de la mutation à l’état hétérozygote avaient un diabète, cliniquement non insulino-dépendant, secondaire à des altérations profondes de l’insulino-sécrétion, mais de révélation plus tardive que les formes habituelles de MODY [52]. Le MODY 6, par mutation de NeuroD1, semble également très rare. CONCLUSION Le diagnostic de MODY doit être évoqué dans des situations dont le spectre clinique s’est sensiblement élargi par rapport à sa définition initiale. En dehors des atteintes rénales spécifiques du MODY 5, les complications vasculaires des MODY sont directement liées à l’hyperglycémie chronique et sont analogues à celles observées dans d’autres formes de diabète. Le démembrement des MODY se poursuit et les études reliant les anomalies moléculaires aux altérations fonctionnelles sont indispensables pour mieux comprendre la physiopathologie de ces affections. À ce jour les variants des gènes de MODY ne semblent pas jouer un rôle majeur dans la physiopathologie du diabète de type 2 dans sa forme commune. Cependant, l’identification de ces gènes a ouvert de nouvelles perspectives dans la compréhension des mécanismes de la différenciation et de la fonction des îlots pancréatiques. On peut également en attendre une amélioration de la prise en charge des patients fondée sur un pronostic plus précis et, à terme, sur une thérapeutique adaptée aux particularités de ces syndromes. 96 J. TIMSIT ET COLL. BIBLIOGRAPHIE 1. FAJANS SS. Scope and heterogeneous nature of MODY. Diabetes Care, 1990, 13, 49-64. 2. FROGUEL P. Nuclear factors and type 2 diabetes. Schweiz Med Wochenschr, 1998, 128, 1936-1939. 3. MALECKI MT, JHALA US, ANTONELLIS A et al. 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