Les Etats-Unis face au « Nouveau Désordre Mondial » ?
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Les Etats-Unis face au « Nouveau Désordre Mondial » ?
Les Etats-Unis face au « Nouveau Désordre Mondial » ? Depuis la fin de la guerre froide en 1991, le monde est entré dans une période de transition marquée d’abord par l’incontestable domination des Etats-Unis, devenue une hyperpuissance après la chute de l’URSS. Cette domination est brutalement remise en cause après les attentats du 11 septembre 2001 qui sont suivis de l’intervention en Afghanistan en 2001 et en Irak en 2003. En dépit de l’activisme de la nouvelle administration Bush qui désigne un nouvel « axe du mal » et des « Etats voyous » (Corée du Nord, Iran, Irak, Syrie), les Etats-Unis voit leur leadership contesté par les menaces nouvelles représentées par les mouvements islamistes et terroristes et face à l’émergence de nouvelles puissances. Entre 2007 et 2015, une nouvelle séquence semble bien avoir débuté, avec tout d’abord une crise économique mondiale qui a accentué l’endettement américain et favorisé l’émergence de nouvelles puissances au détriment d’un nord affaibli, puis la crise géorgienne marquant le réveil des ambitions russes et un coup d’arrêt à l’expansion occidentale à la périphérie de l’ancien empire soviétique et en 2011 le mouvement de révolte des pays arabes bouleversant brutalement l’équilibre géopolitique de la région. Les crises de Crimée et d’Ukraine entre 2013 et 2015 ont semblé amener le retour d’une « nouvelle guerre froide » entre les Etats-Unis et l’Europe occidentale et une Russie à nouveau impériale tandis que la puissance chinoise s’affirme de plus en plus. Les tensions d’un monde plus instable A. Les guerres d’ex-Yougoslavie La fin de la guerre froide en 1991 (avec l’implosion de l’URSS) est la cause d’un réveil des nationalismes et des revendications identitaires. Les conflits nationaux, ethniques et religieux, étouffés ou instrumentalisés par la guerre froide, deviennent les sources majeures d’instabilité. Les conflits se déplacent également à l’intérieur des Etats, ce qui rend les interventions extérieures difficiles et pose la question du droit d’ingérence face aux prérogatives de la souveraineté nationale. L’éclatement de la Yougoslavie à partir de 1991 marque le retour des revendications nationales en Europe et montre que les logiques d’alliances qui remontent quelquefois à la première guerre mondiale perdurent : Slovénie et Croatie proclament leur indépendance en 1991. L’Allemagne reconnaît quasi-immédiatement l’existence de son allié historique, la Croatie, ce qui a pour effet de précipiter l’effondrement de confédération yougoslave. La Serbie de Slobodan Milosevic entame alors une guerre de reconquête avec l’armée de l’ex-Yougoslavie. Si la Slovénie est relativement épargnée par les combats, Serbie et Croatie s’entredéchirent, et les massacres interviennent dans chacun des deux camps. Milosevic se fait le chantre d’un renouveau panslaviste et panserbe assorti d’une politique de « purification ethnique » visant à regrouper le peuple serbe au sein de la grande Serbie. L’armée croate n’est pas exempte de son côté d’exactions pratiquées à l’encontre de populations civiles. En octobre de la même année, la Bosnie Herzégovine (2 millions de musulmans, 1,5 millions de Serbes orthodoxes et 750 000 croates catholiques) proclame son indépendance. Nettoyage ethnique : l’exemple de la Krajina de Krin La Krajina de Knin, en Croatie, est un parfait exemple de territoire ayant subi plusieurs nettoyages ethniques et ce dans un laps de temps assez court. Ancienne marche militaire des Habsbourg (Militärgrenze ou vojna krajina), cette région fut le théâtre d’un double nettoyage ethnique durant l’éclatement de l’ancienne Yougoslavie (1991-95). Lors de l’accès à l’indépendance de la Croatie, la Krajina de Knin était majoritairement peuplée de Serbes qui s’insurgèrent et en expulsèrent la population croate en 1991. Après quatre années d’affrontements, et d’indépendance autoproclamée, la Krajina fut reconquise par les forces croates durant l’été 1995. À cette occasion, la Krajina de Knin fut vidée de l’essentiel de sa population serbe. (source : Nicolas Lejeau, « Le nettoyage ethnique en exYougoslavie : le cas de la Krajina de Knin », Revue Géographique de l'Est [En ligne] http://rge.revues.org/597 Slobodan Milosevic déclare vouloir protéger et regrouper dans un ensemble politique les Serbes de Bosnie. La guerre avec la Bosnie commence avec le siège de Sarajevo. Le siège de Sarajevo Le siège de Sarajevo fut le plus long siège de l'histoire de la guerre moderne. Il a duré du 5 avril 1992 jusqu'au 29 février 1996 et a opposé les forces de la BosnieHerzégovine, qui avaient déclaré leur indépendance de la Yougoslavie, et les paramilitaires serbes qui voulaient rester attachés à la Yougoslavie. Le nombre de morts civils, estimé à 10 000, dépasse le nombre des pertes militaires, estimé lui à moins de 7000. Craignant une Yougoslavie dominée par les Serbes, la Croatie et la Slovénie déclarèrent leur indépendance en 1991. Le 1er mars 1992, le gouvernement de la république de Bosnie-Herzégovine organisa un référendum qui aboutit à l'indépendance de la Bosnie en dépit de l’opposition des Serbes de Bosnie.La Bosnie proclama son indépendance le 5 avril 1992. Elle fut reconnue par la Communauté européenne dès le lendemain. Du côté serbe on affirme que la première victime de la guerre fut Nikola Gardović lors d'un cortège de mariage serbe tandis que les Bosniaques avancent eux le nom de Suada Dilberović, participant d’une marche de paix mitraillée par des extrémistes. Ce fut l’attaque d’un point de collecte d'armes des Nations unies par les forces serbes qui déclencha officiellement la campagne de bombardement de l'OTAN contre l’armée serbe en 1995. Un cessez-le-feu fut décrété en octobre 1995, et les accords de Dayton furent ratifiés plus tard dans l'année, marquant la fin des hostilités. Le gouvernement de la république de Bosnie-Herzégovine déclara officiellement la fin du siège de Sarajevo le 29 février 1996. L’Europe démontre à l’occasion de cette crise majeure à deux heures d’avion de Paris son impuissance diplomatique en ne parvenant à imposer aucun arbitrage aux bélligérants. Ce sont finalement l’OTAN et les Etats-Unis qui interviennent, soulignant l’impuissance de l’Union Européenne (créée par le traité de Maastricht en 1992). Le dernier acte des guerres d’ex-Yougoslavie intervient avec la crise du Kosovo, province considérée comme historique par la Serbie, qui proclame son indépendance en 1998. Cette décision provoque l’intervention de l’armée serbe et une nouvelle intervention de l’OTAN en 1999 qui débouche sur la création d’un protectorat de l’ONU dans lequel est stationné la KFOR (force de maintien de la paix). La guerre du Kosovo (chronologie explicative) En mars 1989, Slobodan Milosevic réduit drastiquement le statut d'autonomie du Kosovo. Les Albanais se révoltent alors contre la suppression de l’autonomie du Kosovo, d’abord pacifiquement sous l’impulsion d’Ibrahim Rugova, puis violemment. Le Kosovo compte 1 600 000 Albanais, contre 220 000 Serbes. - Le 13 octobre 1998, l'OTAN adresse un ultimatum à la partie serbe pour le retrait de ses forces et le début de négociations avec la partie albanaise. L'ultimatum est appuyé d'un ordre d'activation de ses forces. - A la suite de la résolution 1199 du Conseil de Sécurité des Nations Unies, c'est l'OTAN qui prend l'initiative malgré les articles 166 et 177 de la résolution 1199. Ceci principalement en raison de la menace d’un veto russe. - Le 30 janvier 1999, le conseil de l'OTAN autorise son Secrétaire général à engager des actions militaires. Slobodan Milosevic est finalement renversé en 2000 par sa propre population, remis au Tribunal pénal international à La Haye et meurt en captivité en 2006. A. Les conflits du Moyen-Orient Le Moyen Orient en particulier demeure une zone sous tension particulièrement importante dans l’arc de crise qui va de la Mauritanie jusqu’à l’Afghanistan. Depuis 1948 et la première guerre israélo-arabe, les conflits réccurents entre l’Etat d’Israël et ses voisins, ainsi que le conflit israélo-palestinien ont fait de la région un des points de fixation des crises internationales. Mais il faut ajouter à cela la rivalité entre puissances régionales, qui reviennent au devant de la scène aujourd’hui, opposant Arabie Saoudite, Iran, Emirats et Egypte. Le mandat britannique en Palestine En 1947, les Britanniques quittent la Palestine qu’ils ont administrée sous mandat de la Société des Nations depuis 1923. Le 2 novembre 1917, une lettre ouverte signée par Arthur Balfour, le Foreign Secretary britannique, avait été interprétée comme un signe tangible de la puissance britannique en faveur de l’établissement d’un Etat juif en Palestine, en ce que Balfour appelait à l'établissement d'un « foyer national pour le peuple juif ». Cette déclaration fixait un des objectifs du mandat britannique qui devait déboucher sur l’indépendance de la Palestine. Entre la publication de la déclaration Balfour et la fin de la seconde guerre mondiale, l’émigration européenne n’a cessé de renforcer la communauté juive de Palestine : il y a 55 000 Juifs pour 560 000 Arabes en 1918 contre 600 000 Juifs pour 1 200 000 Arabes en 1948. C’est dans une atmosphère tendue que les Britanniques remettent la question de la Palestine et leur mandat à l’ONU en février 1947. Ils se sont en effet trouvés confrontés aux opérations menées par les mouvements indépendantistes juifs comme la Haganah et l’Irgoun (organisations clandestines paramilitaires sionistes créées respectivement en 1920 qui seront intégrées à l’armée israélienne, Tsahal, en 1948). L'effondrement de l'Empire ottoman vers 1923 a été accompagné par l’émergence du nationalisme dans ses provinces arabes. En Palestine, celui-ci s’est manifesté sous la forme du mouvement sioniste, qui visait à l’établissement d’un Etat juif et par le nationalisme palestinien, hostile à la présence britannique et à l’immigration juive. Ce mouvement est notamment représenté par l’organisation de la Main Noire (à ne pas confondre avec l’organisation nationaliste serbe du même nom) qui pratique une violence politique d'inspiration religieuse, le Jihad et l'anti-sionisme. En témoigne le massacre d’Hébron, le 24 août 1929, au cours duquel les activistes de la Main Noire massacrent 67 Juifs et blessent 53 personnes. L’ampleur du massacre est cependant limitée par l’intervention d’habitants arabes d’Hébron qui permet de sauver plus de trois-cent habitants juifs de la ville. Guerres israélo-arabes Depuis le 30 novembre 1947 et le vote du plan de partage de la Palestine par l’ONU, les forces paramilitaires juives affrontent les irréguliers arabes palestiniens et les volontaires de l'Armée de libération arabe, tandis que les Britanniques qui sont responsables de l'administration du pays l'évacuent. Le 14 mai 1948, la Déclaration par David Ben Gourion qui proclame l'indépendance de l'État d'Israël crée l'État d'Israël. Cinq heures plus tard, les armées égyptiennes, jordanienne, irakienne et syrienne – ainsi que le Jihad Al-Muqadas, l’Armée de la Guerre-sainte, une force d'irréguliers Palestiniens – interviennent militairement contre le nouvel Etat. Les forces juives ne disposent au départ que de 5 à 10 000 combattants mais ce sont pour l’essentiel des combattants de l’Irgoun et de la Haganah qui ont de plus, pour une partie d’entre eux, bénéficié d’une formation militaire européenne en tant que juifs européens immigrés. En face, les forces arabes sont numériquement supérieures mais divisées, très mal formées et mal encadrées. Cependant, tandis que les milices Palestiniennes assiègent Jérusalem en avril, les armées arabes pénètrent largement en Israël. Le rapport de force n’est cependant largement inégal que dans le courant du mois de mai. Dès juin, une mobilisation intensive de la population civile permet à la jeune armée israélienne, Tsahal, de regrouper près de 80 000 combattants, soit autant que les forces arabes. Cette armée est renforcée également par des armes qui passent la frontière. Les Français livrent ainsi aux israéliens d’antiques chars Hotchkiss qui datent de la première guerre mondiale mais permettent de s’opposer aux tanks arabes. Ce qui permet également à l’armée israélienne de survivre pendant le premier mois de la guerre est d’avoir le temps de se renforcer est l’incapacité des forces arabes à se coordonner entre elles, ce qui permet aux forces israéliennes de les affronter successivement, non réunies. Le 9 avril 1948, des éléments de l’Irgoun entre dans le village de Deir Yassin et y massacrent 100 à 120 personnes qui sont supposés faire partie des forces irrégulières palestiennes. En représaille, 79 personnes sont tuées le 13 avril dans l’attaque d’un convoi médical se dirigeant vers l'hôpital Hadassah du mont Scopus à Jérusalem. Les combattants arabes exécutent des patients, des médecins et des infirmières. Le 13 mai 1948 le massacre des colonies juives de Kfar Etzion entraîne la mort de 130 personnes. Le massacre de Deir Yassin eut un impact psychologique terrible sur la population palestinienne, convaincue que l’objectif de l’armée israélienne était de procéder à un nettoyage ethnique. L’armée israélienne encourage d’ailleurs largement cette opinion en procédant à des expulsions et en rasant des villages. On estime à plus de 700 000 le nombre d’Arabes palestiniens qui fuient ou sont expulsés de leurs villes et villages et se voient refuser tout droit au retour sur leurs terres tant pendant qu'après la guerre. A l’issue de la guerre, Israël annexe Jérusalem-ouest (en février 1949) et 77 % de l’ancienne Palestine. La Jordanie, seul pays arabe qui soit vraiment bénéficiaire de la guerre, met la main sur la Cisjordanie, à l’est de la mer morte. La guerre de 1948 est suivie de deux autres guerres israélo-arabes : 1) la guerre des Six Jours, en 1967, qui voit Israël attaquer préventivement l’Egypte suite au blocus du détroit de Tiran dans le Golfe d’Aqaba et rend l’Etat hébreu maître du Sinaï et du plateau du Golan où l’armée syrienne est également battue. 2) La guerre du Yom Kippour en 1973 qui voit les armées arabes, et notamment l’Egypte, attaquer par surprise Israël mais celui-ci renverser le cours des opérations militaires pour repousser finalement ses adversaires. Le conflit du Yom Kippour avait surtout, du côté égyptien, pour but de forcer les Israéliens à se rassoir à la table des négociations afin de permettre aux Egyptiens de récupérer le Sinaï, ce qui va se révéler être un succès. En 1977, Anouar El-Sadate, qui a besoin de l’aide financière des Etats-Unis, se rend à Jérusalem. Dans son discours devant la Knesset, il reconnaît l’existence de l’Etat d’Israël et un traité de paix est signé en 1979 qui permet à l’Egypte de récupérer le Sinaï en 1982. En revanche, Israël conserve toujours la Cisjordanie et une partie du plateau du Golan. Les Palestiniens qui ont fui les combats en 1948 se sont installés majoritairement au Liban, dans des camps de réfugiés, en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Leur volonté de fonder un véritable Etat palestinien et l’opposition israélienne sont à l’origine du conflit israélo-palestinien. Le conflit israélo-palestinien L’Organisation de libération de la Palestine est fondée par Ahmed Choukairy le 28 mai 1964 à Jérusalem. Elle est composée de plusieurs organisations palestiniennes, dont le Fatah, le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) et le Front démocratique pour la libération de la Palestine (FDLP). L'arrivée de Yasser Arafat qui la dirigea de 1969 à sa mort, le 11 novembre 2004 la change en véritable organisation de guérilla. L’organisation obtient malgré tout le statut d’observateur à l’ONU en 1974. La première Intifada (guerre des Pierres) est déclenchée en 1987 par une génération qui a toujours vécu sous l’occupation israélienne et vise à attirer l’attention de l’opinion internationale. C’est également l’année de la naissance du Hamas qui se donne pour objectif la libération par les armes de toute la Palestine, de la Méditerranée au Jourdain et refuse donc l’existence d’Israël En 1988, Yasser Arafat, chef de l’OLP (rivale du Hamas) proclame la naissance de l’Etat de Palestine, sur la base de la résolution de l’ONU de 1947 (la carte en « tâches de léopard »). En 1993, les accords d’Oslo, supervisés par les Etats-Unis permettent de lancer un projet de paix. Ils sont signés par Yitzhak Rabin et Yasser Arafat et prévoient l’instauration d’une autorité palestinienne c’est à dire d’un gouvernement dirigé par Arafat. Ce n’est pas un Etat : ses pouvoirs sont limités à certains domaines (éducation, santé, protection sociale, police) et l’’autorité palestinienne n’est pas compétente en termes de relations extérieures (pour nouer des relations diplomatiques ou mener une politique de défense) Néanmoins, Rabin n’essaie pas de démanteler les colonies, leur nombre double même entre 1990 et 2000 et les extrémistes des deux côtés tentent de faire échouer les accords : Hamas et Jihad islamique multiplient les attentats auxquelles répondent les frappes israéliennes qui, plus ou moins ciblées, touchent la population civile. Yitzhak Rabin est de plus assassiné par un juif extrémiste en 1995 ce qui conduit à geler tout plan de paix entre 1996 et 1999. En 1999, l’élection d’Ehoud Barak et les négociations de Camp David, avec l’arbitrage de Clinton qui veut finir son mandat sur un coup d’éclat, semblent ramener un espoir de paix mais s’achèvent sur un échec, en raison, à nouveau de la question de la colonisation juive des territoires occupés. En 2000, la seconde Intifada fait suite à la visite d’Ariel Sharon sur le Mont du Temple le 28 septembre, déclenchant des manifestations qui sont durement réprimées. Cette Intifada est moins massive mais s’accompagnent d’une vague d’attentats-suicides au cœur des villes juives. En conséquences, les autorités israéliennes décident d’entamer en 2003 la construction d’un mur (ou no man’s land par endroits) entre Israël et la Cisjordanie. C’est une réponse à la multiplication des attentats suicides liés à la seconde Intifada. Mais c’est aussi un constat d’échec, celui de la pacification voulue par le premier ministre Shimon Peres. Ce projet contribue à la mise à l’index d’Israël dans la communauté internationale. 2004 : mort d’Arafat. Mahmoud Abbas devient le président de l’Autorité palestinienne et doit faire face à la montée en puissance du Hamas, en particulier dans la bande de Gaza. En 2005, le premier ministre israélien Ariel Sharon décide d’évacuer la Bande de Gaza et en 2006, la population gazaouites est conviée à participer aux premières élections à Gaza. Celles-ci sont remportées, avec 56% des voix, par le Hamas, qui rejette les accords d’Oslo et refuse de reconnaître Israël. Le Hamas est boycotté par la communauté internationale qui ne reconnaît que Mahmoud Abbas comme interlocuteur. L’opposition politique se transforme en 2007 en lutte armée entre le Hamas et le Fatah (parti historique d’Arafat, qui soutient Abbas). Le Hamas étend son autorité sur l’ensemble de la bande de Gaza et le Fatah est contraint de se replier sur la Cisjordanie. Le conflit israélo-palestinien est un argument politique pour tous les pays arabes qui se déclarent volontiers solidaires des palestiniens, plus par hostilité à Israël que par volonté réelle de voir se créer un Etat palestinien. Mais il a des conséquences directes sur certains pays comme le Liban, qui se trouve de plus en plus déstabilisé par l’afflux massif de réfugiés palestiniens et par le jeu trouble des pays voisins (la Syrie, agissant par le biais du Hezbollah qu’elle arme, Israël qui soutient les milices chrétiennes du général Aoun). En 1982, Israël déclenche l’opération « Paix en Galilée » qui a pour but de mettre fin aux agissements des groupes terroristes ayant pris pied dans les camps de réfugiés, l’armée israélienne organise en 1982 les massacres de Sabra et Chatila des camps de réfugiés par les milices chrétiennes du Général Aoun, du 16 au 18 septembre 1982. Les Israéliens doivent finalement évacuer le Liban, soumis à l’influence syrienne jusqu’en 2005. Les EU et la France obtiennent le retrait de la Syrie du Liban après l’assassinat du premier ministre Rafic Hariri. En 2006, une nouvelle intervention israélienne contre le Hezbollah se solde par un demi-échec militaire. Le Hezbollah est désormais une force politique incontournable au Liban et une force militaire (possède drones et missiles) armée par la Syrie et l’Iran. C) La multiplication des zones de conflit au Moyen-Orient, en Asie et en Afrique En 1990, au cours de la première guerre du Golfe, une coalition internationale, sous le commandement américain libère le Koweït envahi par Saddam Hussein. L’URSS en pleine décomposition ne peut rien pour son ancien allié irakien. Les EtatsUnis obtiennent à partir de là l’alliance durable de l’Arabie Saoudite et la possibilité d’installer des bases militaires dans ce pays qui contient les deux villes saintes les plus importantes du monde musulman (La Mecque et Médine). Parallèlement, l’effacement soviétique s’est confirmé avec le retrait des troupes russes d’Afghanistan en 1989, suivi d’une longue guerre civile à l’issue de laquelle le pays tombe sous le contrôle des Talibans. Les conflits civils et interethniques se multiplient également sur le continent africain: au Rwanda, en 1994, avec le génocide d’environ 800 000 Tutsis par la minorité Hutus, au Darfour, déchiré depuis 2003 par une guerre civile mais aussi au Libéria, en Sierra Leone, en Côte d’Ivoire, en Somalie, en République Démocratique du Congo ou des armées, en partie composées d’enfants et d’adolescents rançonnent, pillent tuent. Le développement du terrorisme international 1) L’Islamisme L’islamisme est un mouvement radical qui cherche à faire de l’Islam et de la stricte application de la charia (loi islamique) la base unique de la vie sociale et politique, ainsi que de la justice. Tous les mouvements islamistes considèrent que l’islamisation de la société passe par l’instauration d’un Etat islamique. Mais le terme regroupe en fait une grande diversité de situations (radicaux qui prônent le Jihad contre l’occident aux légalistes qui jouent le jeu électoral comme l’AKP en Turquie et les Frères musulmans en Egypte). L’Islamisme est en général une réaction face à l’occidentalisation du monde musulman. Il est apparu dés le XVIIIème siècle en réaction à la colonisation avec le mouvement wahhabite mais c’est en réalité dans les années 1970-1980 qu’il parvient à s’implanter réellement dans les sociétés musulmanes, en réaction à la domination communiste ou occidentale/ La révolution d’Iran donne aux formes radicales une valeur exemplaire : depuis 1962, politique de modernisation et d’armement de l’Iran par le Shah Mohammed Reza Pahlavi, allié des EU. Le Clergé Chiite (90% des Iraniens), dépossédé du monopole de l’enseignement, prend la tête de l’opposition. Les religieux chiites appellent le peuple iranien au soulèvement. Le plus prestigieux d’entre eux, l’ayatollah Khomeiny, est exilé en France mais en1979, le départ du shah (roi) d’Iran, Mohammad Reza Chah Pahlavi, chassé par la révolution, provoque triomphale de Khomeiny qui devient Imam (chef religieux et inspirateur du pouvoir) et participe à la mise en place d’une République islamique qui s’appuie sur l’autorité du Clergé (les Mollahs) et instaure une véritable théocratie. La victoire de l’intégrisme iranien donne une impulsion nouvelle aux mouvements politico-religieux qui se réclament de l’islam traditionnel (fondamentalisme = retour aux seuls textes fondateurs de la religion, en contournant tous les apports de l’histoire, de la philosophie, de la tradition), émergent en Algérie, Tunisie, Egypte, Libye, Arabie Saoudite (Wahhabisme = mouvement puritain qui prône une pratique individuelle stricte. L’Arabie Saoudite, d’où est originaire Ben Laden et qui, tout en étant un allié des EU, devient le grand argentier des mouvements terroristes), Turquie, Pakistan. Ainsi, depuis les années 90, l’islamisme s’est transformé et vise à une réislamisation en profondeur de la société. Il rejette les valeurs et la présence occidentale dans le monde musulman. Depuis la fin de la 1ère guerre du Golfe, en 1991, les mouvements extrémistes islamiques sont le fer de lance du terrorisme international. Dirigé surtout contre les EU, il repose sur : le radicalisme de ses dirigeants (dont l’ambition est d’imposer la charia à tous les pays de confession musulmane) La haine de l’Occident incarné par la toute puissance américaine et son allié « sioniste » - Les frustrations d’une population qui vit dans une grande précarité - Le déracinement Chaque mouvements terroriste a sa propre logique et poursuit ses propres intérêts, qui peuvent être liés au panarabisme (comme en Lybie, d’où Khadafi finançait même l’IRA), à des mouvements plus ancien (les Frères Musulmans en Egypte existent depuis 1920), à des intérêts religieux, claniques et tribaux. Chaque mouvement possède sa propre logique culturelle (par exemple le kamikaze palestinien a fait école en Tchétchénie ou en Afghanistan sans pour autant appartenir à la culture du terrorisme de ces deux pays). Le terrorisme international qui prévalait dans les 70-80’s est devenu aujourd’hui un phénomène beaucoup plus parcellaire et insaisissable. Le 11 septembre lui a impulsé en tout cas une dynamique nouvelle. 2) Le tournant du 11 septembre En 1987 (ou 1992, selon certains manuels), le milliardaire saoudien Oussama Ben Laden (né en 1957, mort en 2011) fonde l’organisation terroriste Al Qaida (la base) au Soudan, à partir de son expérience d’entraînement des volontaires en Afghanistan. En 1996, il se réfugie en Afghanistan. Il se fait connaître entre 1993 et 2001 par des attentats contre des installations militaires américaines en Arabie Saoudite, au Yémen et au Kenya. Mais les attentats du 11septembre 2001 sont d’une tout autre nature : des avions civils détournés par 19 terroristes s’abattent sur les deux tours du World Trade Center ainsi que sur le bâtiment du Pentagone à Washington causant plus de 3000 morts. C’est un tournant pour plusieurs raisons : - massacre de nombreux civils (encore 200 victimes à Madrid en 2004) Sacrifice de jeunes militants entraînés à se donner la mort par des chefs religieux fanatiques. Révèle que l’hyperpuissance américaine peut être vulnérable quand elle est confrontée à des ennemis mal définis, insaisissables. Les EU obtiennent de l’ONU l’autorisation d’intervenir en Afghanistan où ils soupçonnent que le régime Taliban abrite Ben Laden. Après une guerre éclair, les Talibans sont renversés en décembre 2001. Ben Laden reste introuvable pendant plus de dix ans tandis qu’Al Qaida devient le centre d’une nébuleuse terroriste qui s’étend mais qui n’a pas vraiment d’organisation centralisée et revendique les attentats en Indonésie en 2002 et 2005, Maroc, Arabie Saoudite et Turquie en 2003, en Espagne en 2004, au Royaume-Uni en 2005, au Pakistan et Algérie en 2007. La politique de l’administration Bush que la sécurité des EU ne peut être garantie que si le monde est en paix Cela veut dire que les EU se considèrent comme « engagés dans une guerre mondiale » (G.W Bush) et qu’ils mènent une croisade contre les « Etats voyous » : Iran, Irak, Syrie, Corée du nord soupçonnés de soutenir le terrorisme international. Ce sont ces certitudes qui les mènent à l’invasion de l’Irak en mars 2003. Non seulement l’Irak devient un véritable bourbier pour les Etats-Unis (près de 5000 militaires américains officiellement tués en Irak entre 2003 et 2011, beaucoup plus selons certaines associations d’anciens combattants et sources indépendantes) et contribue à faire de l’Irak une véritable base de recrutement pour le terrorisme international. Ce n’est finalement qu’en 2011, après dix ans de traque, que Ben Laden sera localisé et éliminé par les forces spéciales américaines, dans sa villa fortifiée, dans la banlieue d’Abbottabad (148 000 habitants) le 2 mai 2011. La traque et l’élimination, qui a eu lieu à quelques kilomètres seulement d’une académie militaire pakistanaise, est racontée dans le film de Katryn Bigelow, Zero Dark Thirty (2012). Conclusion : une nouvelle donne internationale ? Les événements qui secouent le monde arabe depuis mars 2011, avec la révolution tunisienne, peuvent nous donner l’occasion de dresser un bilan provisoire des rapports de force mondiaux. On peut, depuis la fin de la guerre froide, distinguer deux phases de l’évolution de la politique internationale. De 1991 à 2001, les Etats-Unis passe du statut d’ « hyperpuissance » (expression inventée par Védrine) à celle de superpuissance concurrencée et menacée. En 2002, l’unilatéralisme est encore largement de rigueur et l’administration Bush, dénonçant les Etats-voyous et l’axe du mal, agit largement en dehors de la légalité internationale, ignorant même l’ONU (en Afghanistan, les contingents étrangers ne sont que des supplétifs et en Irak en 2003, l’intervention se fait sous mandat de l’OTAN). En 2011, les choses ont bien changé. La crise économique a affaibli les EU (650 milliards de dette à l’égard de la Chine) et sa diplomatie ne semble plus aussi assurée. La crise géorgienne de 2010 et la réaction très rapide de l’armée russe a bien fait valoir les limites de l’influence américaine et de l’OTAN. La rapidité de l’annexion de la Crimée par la Russie et la gravité de la crise ukrainienne (2013-2015) aujourd’hui devenue une véritable guerre civile, ont semblé faire ressurgir d’étrange manière le spectre de la guerre froide, tandis que l’Union Européenne tente tant bien que mal de se doter d’une politique étrangère et d’une sécurité commune (PESC = politique de sécurité commune), mais ne semble toujours ne pouvoir et vouloir agir que dans le cadre de l’OTAN. La révolte des pays arabes, qui a démarré avec la « révolution de Jasmin » tunisienne et mis le feu au Moyen-Orient a ramené brutalement sur le devant de la scène la notion d’évènement, par essence imprévisible, et semblé désorienter les diplomaties européennes et américaines, tandis que la révolte de la Cyrénaïque finissait par entraîner l’Europe dans une intervention en Libye aux résultats incertains en 2011 et que la révolte à laquelle a été confronté le pouvoir autoritaire de Bachar Al-Assad s’est transformée en véritable guerre civile ayant entraîné la mort de plus de 200 000 personnes, civils et combattants compris. La région, déjà durablement déstabilisée par la crise en Irak, bascule dans une recomposition des rapports de force entre puissances régionales chaotique. L’installation et le développement du Califat de l’Etat Islamique, proclamé le 29 juin 2014, confère une nouvelle dimension au terrorisme inspiré par le fondamentalisme religieux avec le développement du phénomène du djihadisme en Europe, nouvelle source d’inquiètude pour les démocraties européennes. Néanmoins, il montre aussi à quel point les alliances et les rapports de force évoluent au Moyen-Orient, les EtatsUnis étant contraint de tolérer l’intervention de l’Iran sur le territoire irakien, seule puissance réellement à même d’intervenir de manière terrestre contre l’Etat Islamique, implanté à cheval sur un Irak et une Syrie en plein chaos. La crise dans laquelle s’est parallèlement enfoncé le Yémen en 2015 montre aussi l’opposition entre les pays arabes et l’Iran qui mène à une « guerre froide du Moyen-Orient », tout autant qu’à une véritable course aux armements dans la région. Ainsi, après l’effacement de la puissance européenne suite aux deux guerres mondiales, le nouvel ordre mondial caractérisé par la bipolarisation et l’organisation économique ation instituée par la conférence de Bretton Woods a laissé progressivement la place à un retour progressif à une économie-monde multipolaire. Si le leadership incontesté des Etats-Unis s’est imposé dans les relations internationales après la chute de l’URSS, à partir de 1991, force est de constater que le développement du terrorisme international, du 11 septembre 2001 aux attentats de Charlie Hebdo le 7 janvier 2015 à Paris, ainsi que la montée en puissance des concurrences russes et chinoises ont questionné ce leadership, ébranlé qui plus est par la crise des subprimes de 2007. Avec la recherche d’une certaine forme d’indépendance énergétique et un relatif désengagement de l’arc de crise, du Moyen-Orient à l’Asie centrale, on peut se demander si les Etats-Unis, dans le cadre d’un monde marqué par l’installation d’un marché mondial tout autant que par l’instabilité globale, ne pourraient pas troquer l’interventionisme politique dans certaines régions du monde au profit de la construction de la plus vaste zone de libre-échange du monde, avec l’aboutissement des négociations autour du traité transatlantique. Ne verrait-on pas alors ressurgir la division du monde en blocs, selon une logique bien sûr légèrement différente de celle de la guerre froide ? A RETENIR La fin de la guerre froide a installé l’hyperpuissance (H. Védrine) américaine en position de domination incontestée Néanmoins, c’est aussi une période d’instabilité qui est inaugurée avec l’éclatement de conflits interethniques en Europe à la faveur de l’éclatement de la Yougoslavie Le Moyen-Orient reste aussi une zone de forte instabilité avec notamment la poursuite du conflit israélo-arabe La menace terroriste qui semblait s’être amenuisée depuis les années 1980 a retrouvé une nouvelle intensité avec la montée en puissance d’Al Qaida depuis la fin des années 90 puis les attentats du 11 septembre 2001 A cette menace, s’ajoutent aujourd’hui celle d’autres groupes, tels AQMI (Al Qaida au Moyen-Orient). Le monde est caractérisé aujourd’hui par un retour à une forme de multipolarité entraînant de fortes tensions entre puissances (Etats-UnisRussie, Chine-Japon, Inde-Pakistan). BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE Pascal Gauchon (dir.) Le monde - Manuel de géopolitique et de géoéconomie. Presses Universitaires de France – PUF. 2008. 944 p. Claude Meyer. Chine ou Japon, quel leader pour l’Asie ? Les Presses de Sciences Po. 2010. 232 p. Jean-Pierre Filiu. La révolution arabe. Dix leçons sur le soulèvement démocratique. Fayard, 2011 Denise Ammoun. Les Arabes et la paix. Entre guerre et diplomatie 1977-2010. Fayard. 2010 Philippe Droz-Vincent. Moyen-Orient : pouvoirs, autorités, sociétés bloquées. PUF. Collection Proche-Orient. 305 p. L. Gayard – Terminale L – LGT Léonard de Vinci