Comprendre l`architecture des arbustes pour planifier la taille
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Technique horticole 1 2 1-2/ Deux massifs de Spiraea x vanhouttei (plante basitone à rameaux médians) âgées de plus de 20 ans. Les premières (à gauche), jamais taillées, sont inférieures à 2 m et sont couvertes de fleurs. Les secondes (à droite), systématiquement “consciencieusement” taillées en boule tous les ans avant l’hiver, n’ont que peu de fleurs et atteignent déjà 2 m… après la taille Comprendre l’architecture des arbustes pour planifier la taille Celui-ci se taille en automne, cet autre ne doit pas être taillé. Il n’a jamais refleuri, ou repart anarchiquement de la base. Pour beaucoup de jardiniers, les arbustes n’ont pas encore livré tous leurs secrets. Or, comprendre leur mode de développement permet de savoir comment intervenir, et de la justesse de ces interventions dépendront la croissance et le rendu esthétique de l’arbuste. Pour tout comprendre et agir en conséquence, un peu d’observation et de bon sens suffiront ! Tour d’horizon des techniques de taille, avec Pascal Prieur, formateur et conférencier, président de l’association Les Arbusticulteurs. A u-delà des couleurs des fleurs, des ports et des feuillages, les arbustes sont principalement définis par leurs modes de ramification. Si les principes de ramification des arbres sont relativement simples et assez bien connus, il en va tout autrement pour les arbustes. De plus, pour compliquer encore un peu plus la donne, plusieurs principes peuvent se cumuler sur le même arbuste, dont l’architecture est alors le résultat d’une combinaison de caractéristiques génétiques et de comportements liés à des contraintes ou facteurs environnementaux. Ramification des arbustes De manière synthétique, trois modes de ramification sont possibles pour les arbustes : • l ’acrotonie : principe de ramification selon lequel une plante développera davantage les bourgeons situés à l’extrémité des rameaux de l’année précédente. Les bourgeons situés à la base ou sur la souche se développeront moins, voire pas du tout dans la très grande majorité des cas. Ils restent latents et peuvent ne jamais débourrer, sauf si un accident de végétation lève les inhibitions qu’ils subissent ; • la basitonie : principe selon lequel une plante développera chaque année ou presque, à partir de la base des rameaux ou directement sur la souche, des ramifications dont la vigueur sera d’autant plus importante qu’elles seront proches de la base des rameaux (basitonie de rameaux) ou de la souche (basitonie de 14 Avril 2014 Les cahiers du fleurissement souche). Certains arbustes émettent des rejets souterrains (ex : Perovskia atriplicifolia, Kerria japonica, Diervilla splendens, Prunus spinosa...) qui peuvent être considérés comme un autre type de basitonie, la basitonie souterraine. Sur une même plante, plusieurs formes de basitonie coexistent fréquemment ; • la mésotonie : cas d’une plante qui développe chaque année des pousses vigoureuses vers le milieu des rameaux préexistants, tout en perdant la vigueur des extrémités des bois de plus d’un an. La mésotonie vraie n’est pas très fréquente (ex : Sambucus, Lonicera arbustifs, Ribes). Quand les rameaux mésotones se succèdent année après année, la plante accroît progressivement son volume. En revanche de nombreuses plantes émettent de nouvelles ramifications médianes sans pour autant engendrer de croissance en hauteur (nombreux Forsythia, Deutzia, Weigelia). Comportement naturel ou induit ? Acrotonie, basitonie et mésotonie sont des comportements naturels, fonction des caractéristiques génétiques de la plante. A l’inverse, différents comportements induits ont des conséquences sur le développement. Ainsi, sous le poids de leur extrémité, de nombreuses ramifications s’arquent ou s’inclinent, entraînant l’affaiblissement de l’extrémité du rameau et l’apparition de repercements vigoureux en début de courbure. Les plantes s’élargissent alors et se régénèrent partiellement, même en l’absence d’intervention. Dans le même esprit, il est possible d’interférer, dans une certaine mesure, sur le 3 4 3/ Contrairement à Buddleja davidii, qui fleurit sur les pousses de l’année, Buddleja alternifolia (plante à rameaux médians) fleurit sur les bois d’un an. Pour une bonne floraison, il n’acceptera par conséquent pas que ses jeunes rameaux soient raccourcis. 4/ Même s’il est possible de raccourcir sans précautions particulières les rameaux des plantes qui fleurissent sur les pousses de l’année sans en hypothéquer la floraison, est-ce une raison pour s’acharner à ce point sur cette pauvre Potentilla fruticosa (plante basitone) ? comportement des plantes. Ainsi, on peut renforcer la basitonie de nombreux arbustes par une taille adaptée. La gestion des arbustes est alors plus facile car on peut contrôler leur développement. Types de floraison Autre élément qui doit conditionner la taille, la floraison se forme essentiellement selon trois principes distincts : • la floraison sur les pousses de l’année : dans la très grande majorité des cas (Lagerstroemia, Fuchsia, Hibiscus, Vitex, Caryopteris, rosiers, etc.), la floraison apparaît à l’extrémité du rameau ou en partie latérale supérieure (Indigofera) après une croissance végétative plus ou moins importante. Ces arbustes sont généralement appelés “arbustes à floraison estivale” ; • la floraison sur les bois d’un an ou plus : les fleurs apparaissent sur des rameaux formés l’année précédente à partir de bourgeons floraux ou mixtes préformés et programmés au cours de l’été qui précède (Chaenomeles, Buddleia alternifolia). La floraison n’apparaît alors bien souvent que l’année suivante, sur des bois courts issus de bourgeons axillaires. Ces arbustes sont généralement appelés “arbustes à floraison hivernale ou printanière”. Mais attention, de nombreux contre-exemples jouent les trublions dans cette classification effectuée par saison. La taille : une étape nécessaire ? De nombreux concepteurs et gestionnaires considèrent que les plantes sont faites pour être taillées, que cela évitera qu’elles ne prennent trop de volume, voire que cela sera bénéfique pour la plante. Pourtant, bien souvent, la taille n’est pas nécessaire. En réalité, elle n’est rendue nécessaire que par l’envie de faire coïncider la croissance des végétaux avec nos critères esthétiques (et donc forcément subjectifs), ou pour les adapter à des espaces auxquels ils ne conviennent pas par nature. Pour ne pas être confrontés à des questions d’ordre technique comme la réduction ou le maintien du volume d’une plante, la gamme arbustive choisie doit donc être adaptée au lieu d’utilisation. Au-delà de ça, différentes règles permettent d’évaluer la nécessité d’intervenir : • plus une plante est proche de ses origines botaniques, moins elle aura besoin d’être taillée. La sélection de cultivars ornementaux peut en effet conduire à la production de plantes “moins 5 6 5/ Elaeagnus x ebbingei en port libre. Acrotonie, rameaux médians et petite basitonie se cumulent. Mieux vaut connaître la vigueur et le développement des arbustes avant de les planter ! 6/ La lavande (totalement acrotone et quasi dépourvue d’aptitude à repercer de la souche) se comporte bien mieux en milieu naturel très aride (Mourre Nègre, point culminant du Luberon) que dans des sols riches et trop bien pourvus en eau. autonomes” dont il faudra éliminer les vieux bois pour favoriser le renouvellement des rameaux ; • une plante qui pousse à bois ne pousse pas à fleurs ; • dans des conditions identiques, plus un rameau est vertical plus il est vigoureux ; • la taille redonne de la vigueur végétative à court terme. Cela ne signifie pas que tailler fera pousser les plantes au-delà de la normale, mais seulement que la plante cherchera à retrouver son volume initial en émettant des pousses vigoureuses. Ainsi, pour qu’une plante fleurisse correctement, plus elle est vigoureuse, moins il faudra la tailler ! Les cahiers du fleurissement Avril 2014 15
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