Document - Confédération Paysanne

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DOSSIER
VIGNOBLE : QUELS PILOTES POUR
CONDUIRE UN PROJET COLLECTIF ?
EDITO
Gérard Pogu,
membre du comité départemental
de la Confédération Paysanne 44
Assainir les marchés
et redonner confiance
L’Europe, continent qui a inventé la démocratie
par les politiques (gestion de la cité par les citoyens)
a tourné le dos à son histoire pour abandonner
la politique à l’économie.
L’individualisme a pris le dessus, chaque pays s’efforce
de communiquer sur le fait qu’il est le meilleur,
met en avant ses points forts. Tous s’accusent
mutuellement d’être responsables de la situation.
L’Europe n’a pas de gouvernance qui porte un projet
collectif, une politique cohérente. Les spéculateurs,
au vu de la situation, ne se gênent pas pour en profiter.
Et le vignoble nantais ?
Les viticulteurs se prennent en main pour mettre
en place la vente directe, nécessaire mais à quel prix ?
Dans quelle cohérence ?
Déçus par le négoce, les viticulteurs deviennent
négociants. Maîtrisent-ils ce nouveau métier ?
Les diverses démarches commerciales (grands crus,
salon, etc.) sont nécessaires pour l’image. Du Colombard
(cépage de Charentes ayant des aptitudes aromatiques)
dans le Muscadet, nécessité ou fuite en avant ?
Dans toutes ces initiatives il y a du positif mais cela
ne répond que partiellement à la problématique
de notre vignoble.
Qui s’occupe des surplus de stocks (150 000 à
300 000 hl) qui pèsent sur le marché ? Qui organise
la part de volume vendu aux négociants ? Qui organise
la politique du vignoble pour mettre en synergie
les initiatives individuelles ?
Comme l’Europe devrait racheter la dette des États tout
en fixant des règles communes, le vignoble doit mettre
en place des mécanismes qui doivent permettre de
gérer la totalité des volumes ainsi que les excédents,
sans quoi les prix ne remonteront jamais.
Dans les deux cas c’est l’assainissement des marchés
qui redonne confiance et intérêt collectif pour rebondir.
Des restaurateurs confiants dans le Muscadet se font
accuser de le vendre trop cher. Ils nous répondent
que les prix trop bas dévalorisent le produit et le client
s’en détourne.
Comme pour l’Europe, il nous faut une gouvernance
qui mette en place des politiques fortes. Pour cela il faut
des personnes de tous horizons, vente directe, vente
négoce, coop, etc. Des personnes ayant diverses
sensibilités syndicales. Une équipe qui travaille avec tous
les acteurs commerciaux. Puis définir un projet collectif
et mettre en place des règles qui permettront de réaliser
ce projet.
4 - PAYSAN NANTAIS - 1248 - JANVIER 2012
Le marché du Muscadet
Le vignoble nantais a perdu 2000 ha depuis 2 ans, ce qui permet
de rapprocher les volumes produits de ceux que le marché est
capable de consommer. Toutefois, si la demande en Muscadet
progresse un peu, les cours restent très bas, bien loin du prix
de revient. Les producteurs s’interrogent aussi
sur les changements à apporter pour coller à l’évolution
des goûts des consommateurs.
Explications de Joël Charpentier, vigneron à Vallet.
Le Sur Lie, seul vin
« séducteur » ?
Le marché du Muscadet est-il en
reconquête ou en repositionnement ? Un
peu les deux à mon avis. La part de linéaire
dans les GMS semble de plus en plus se
retrouver pour notre appellation.
En tout cas c’est ce qu’affirmait Joël
Forgeau président du SDAOC à l’assemblée
générale le 2 décembre dernier au Landreau,
surtout en ce qui concerne les Sur Lie. Cela
semble plus difficile pour les Muscadet AC,
c’est-à-dire l’entrée de gamme.
En ce qui concerne les sorties de chais des
vignerons, là aussi, l’offre et la demande
semblent plus s’équilibrer mais par contre la
remontée des cours à des prix plus rémunérateurs se fait toujours attendre.
Aujourd’hui, ceux-ci sont autour de 55 €
l’hectolitre pour les 2010 et 65 € pour les
2011. Loin des prix de revient qui sont au
moins autour de 85 à 90 € l’hectolitre en
moyenne.
Retrouver des cours
rémunérateurs
Comment positiver sur le marché de nos
Muscadet ?
Retrouver des ventes c’est bien, arriver à
l’équilibre entre commercialisation et
production c’est bien aussi, mais maintenant si nous voulons que cela continue, il
faut que les prix d’achat à la propriété
retrouvent des cours couvrant au minimum
les frais de production dans un premier
temps. Et vite dégager une plus-value pour
que chaque producteur puisse réinvestir et
surtout entretenir son outil de production.
Nous avons perdu 2000 ha de vignes en
2 ans, cela est certes un gâchis pour notre
vignoble, nos communes, notre département, notre région, mais je ne pense pas que
cela entraînera un manque de volume. La
consommation baisse en Europe, donc il
fallait s’adapter à cette modération.
Maintenant la question qu’il faut se
poser et que se pose le SDAOC Muscadet est
celle-ci : est ce que notre entrée de gamme
Muscadet correspond aux goûts des
consommateurs ? L’étude réalisée par le
cabinet Equonoxe à la demande d’Interloire*
a montré que non, qu’il fallait des vins plus
séducteurs, plus aromatiques, mais que par
contre les Sur Lie eux ont bien leur place
comme ils sont.
Mais aujourd’hui, le marché du Sur Lie
c’est seulement 250 000 hl. Alors que
faisons-nous des 250 000 hl restants ? Si
l’on retient les conclusions de l’étude
d’Equonoxe, il faut y ajouter un pourcentage
d’un autre cépage ayant un potentiel aromatique plus élevé ou à des méthodes de vinification différentes pour que demain ce
segment de produit trouve preneur par une
nouvelle clientèle (jeune par exemple).
Cette nouvelle donne sera le travail de cet
hiver des délégués AOC du syndicat Muscadet.
Pour conclure, même s’il faut apporter
quelques modifications dans nos comportements pour séduire de nouveaux consommateurs, je pense que cela est préférable
d’aller dans ce sens pour garder une production représentative et qui j’espère demain
fera vivre ses producteurs, plutôt que de
produire des vins sans identité géographique
(vin blanc) avec des cours à 35 € par hectolitre qui ne font pas mieux vivre celui qui les
produit.
Le Muscadet, je pense, avec ses 9000 ha
de production, devrait et doit faire vivre une
filière et attirer encore des consommateurs.
Comparons-le avec d’autres blancs secs, il
accompagne souvent beaucoup mieux bon
nombre de mets. Faisons tout pour que
notre vignoble demeure vif, et continue
d’embellir nos paysages.
Joël Charpentier
*Avec le soutien de l’État et de la Région, l'interprofession InterLoire a confié une étude de repositionnement
de la gamme de Muscadet au cabinet d'études Equonoxe
situé à Reims. Le premier objectif était de bien clarifier la
différence du Muscadet avec ses appellations sous-régionales (Sèvre-et Maine, Côtes de Grandlieu et Coteaux de
la Loire) ainsi qu’avec les vins portant la mention « sur
lie ».
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DOSSIER I VIGNOBLE NANTAIS
Quel devenir des terres libérées ?
L'arrachage de vignes pose la question du devenir des terres viticoles. Doit-on laisser ces terres quitter
définitivement la viticulture, en les laissant partir au maraîchage ou à l'urbanisation ? Ou doit-on maintenir
le potentiel viticole en pratiquant des reconversions temporaires ? Et faut-il saisir l'occasion de faire
une restructuration foncière ? Analyse d'Alain Gripon, vigneron à La Chapelle Heulin.
La situation économique du vignoble
nantais nous amène à une modification
importante de notre paysage viticole. Si nous
restons passifs, ce sont les économies florissantes du moment qui vont prendre la
main : l’urbanisation, les grosses unités de
maraîchage, espaces définitivement abandonnés à la viticulture. Nous constatons
encore une fois que les initiatives individuelles conduisent vers des investisseurs
extérieurs qui n’ont comme seul objectif que
de tirer une plus-value financière de notre
territoire conduisant le plus souvent vers des
conflits d’intérêts.
Nous devons porter aujourd’hui un
projet cohérent pour retrouver une rémunération de notre travail. Il passe par une
restructuration foncière et une gestion
commune de notre territoire. Nous avons
aujourd’hui un zonage viticole validé qui
définit les contours de notre appellation.
Restituons à l’agriculture les espaces disponibles portés par des agriculteurs en place ou
par de nouveaux projets économiques
viables. Les terroirs viticoles reconnus de
qualité, récemment arrachés, doivent
pouvoir être mis en reconversion temporaire
(céréales, légumineuses) par les exploitants
ou propriétaires, afin de restructurer le sol,
faciliter les échanges pour conserver un
potentiel viticole destiné à un éventuel redémarrage de la culture de la vigne. Nous nous
devons de respecter nos espaces, tant
viticoles et agricoles que boisés et de proximité de rivières et marais.
L’arrachage apporte une occasion de
recréer des îlots plus cohérents, de pratiquer
des échanges amiables de cultures, des
échanges de baux, d’installer des projets qui
ne scellent pas la disparition du potentiel
viticole. Cependant, les charges d’arrachages
et la reconquête de marchés ne nous
permettent plus d’investir dans la création
de filières nouvelles de vente de proximité,
sans aides financières ciblées. Aujourd’hui,
les vignerons n’ont pas la capacité, seuls, de
gérer cette mutation, concentrant leurs
efforts sur la vente de leurs vins, la réorganisation de l’appellation.
Un espoir peut renaître à condition que
ce projet viticole soit construit, débattu dans
les communes et les cantons pour être
validés dans les prochains mois par une
nouvelle gouvernance représentant l’ensemble des instances syndicales et professionnelles. Un arbitrage de l’État nous apparaît
indispensable, au vu des derniers événements, pour réussir ce projet et ne pas laisser
les deux tiers des vignerons sur la touche !
L’arrachage
apporte une
occasion de
recréer des îlots
plus cohérents.
Mais il crée des
charges qui
limitent
les capacités
d’investissement.
Alain Gripon
Ces efforts seront réalisables à condition
qu’un projet viticole commun, cœur de
notre économie locale, soit validé par
l’ensemble des acteurs viticoles que sont les
vignerons indépendants, les coopératives et
les négociants, respectés dans leurs entités
par des responsables professionnels qui les
représentent.
Le rôle de la coopération
dans la mutation du vignoble
Les Vignerons de la Noëlle, la coopérative viticole du vignoble nantais branche de Terrena, représente 5 %
des surfaces et des volumes du vignoble. Sa commission viticole travaille notamment sur la valorisation des terres
où des vignes ont été arrachées, pour ne pas compromettre un éventuel retour à la viticulture.
Explications de Pierre-Luc Pavageau.
Dans un contexte de crise viticole,
Terrena joue la carte de la complémentarité
et la solidarité entre les productions. La
notion d’appartenance à un groupe permet
d’accompagner les adhérents dans la mutation du vignoble, deux axes sont travaillés au
sein de la commission viticole : le premier
porte sur la valorisation de la production
avec les partenaires des vins de Loire. Le
second axe concerne le devenir des terres
libérées suite à l’arrachage.
C’est donc ce second point que je vais
développer, la commission viticole a défini
un plan de travail autour de la capacité de la
coop à trouver une valorisation de ces terres
sans compromettre à terme un éventuel
retour à la viticulture.
Le premier travail effectué avec le service
agronomie de Terrena a été de faire des
prélèvements de sol et sous sol pour voir les
teneurs des différents éléments notamment
du cuivre. Après analyse des premiers échantillons, une très grande hétérogénéité entre
les parcelles est ressortie avec le cuivre, le PH
et une vie microbienne affaiblie comme
principaux facteurs limitants.
Le constat de l’état des sols effectué, nous
nous posons la question du type de culture
pouvant trouver sa place, avec quelle valorisation en aval. Le sarrasin est une piste, les
rendements restent très aléatoires, des
débouchés existent en meunerie mais la
collecte reste difficile à organiser seul d’où
la nécessité de trouver des partenariats.
D’autres pistes sont étudiées autour de
l’herbe avec un travail au niveau de la région
pour trouver des solutions avec des éleveurs.
Pour pouvoir diversifier les cultures,
Terrena a fait le constat qu’il fallait améliorer l’état sanitaire des sols, un accompagnement technique et financier est à disposition des adhérents pour l’achat d’intrants
et plus particulièrement le chaulage.
La diversité du groupe Terrena est une
force pour trouver des synergies entre les
productions sur le territoire du vignoble où
l’élevage est encore très présent, fédérer un
maximum de vignerons qui veulent
travailler collectivement est notre rôle, les
élus et la coopérative peuvent avancer avec
les adhérents si toute la profession tire dans
le même sens. L’utilisation des sols libérés
doit apporter un complément de revenu
mais l'axe principal de Terrena est bien de
tout faire pour que les adhérents vignerons
retrouvent une rémunération de leur travail.
Pierre-Luc Pavageau
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DOSSIER I VIGNOBLE NANTAIS
Les impacts de la crise viticole à Vallet
Quels sont les impacts de la crise viticole à Vallet, « capitale du Muscadet » qui compte 230 emplois viticoles
directs ? Quel rôle peuvent jouer les élus municipaux en responsabilité pour conserver la viticulture
sur leur commune, avec quels moyens ? Réponse de Nicole Lacoste, maire de Vallet.
Un constat 13 % de surfaces
arrachées ou abandonnées
Sur la commune de Vallet, 240 ha de
vignes ont été arrachées ou abandonnées en
cette fin 2011, soit plus de 13% des surfaces
cultivées en vigne.
La crise agricole, et plus particulièrement
viticole, parce que mettant en cause l’avenir
à travers le fait de toucher toutes les classes
d’âge, impacte tout le vignoble nantais
de façon durable. Pour ce qui est de la
viticulture, au-delà des observations concernant des comportements très individualistes,
et une quasi-absence de structures collectives, on ne peut que constater que ce qui
aurait dû n’être qu’un phénomène climatique, en 2008, a révélé une grande fragilité
des viticulteurs. Fragilité devant les grands
négociants, dans un milieu lui-même en
pleine restructuration, et fragilité dans les
négociations à la fois avec la grande distribution, et avec le circuit des CHR (café,
hôtels restaurants).
Les circuits dépendants de la viticulture,
en particulier, sont beaucoup plus lourds en
emplois induits que perçus : approvisionnement, matériels, transports, chimie… de
même que les apports directs au commerce
local ! 230 emplois, c’est autant de situations individuelles qui sont à repenser, de
charges familiales à reconsidérer, de retraites
à recalculer. Les viticulteurs exploitants,
mais aussi les petits propriétaires, qui
avaient gardé quelques hectares pour
compléter une retraite trop maigre sont
impactés en direct. Tous ont vu se fermer des
perspectives confortables ou au moins
raisonnables d'avenir.
L’ensemble de la population agricole et
viticole en recherche de solutions alternatives subit de plus de plein fouet les conséquences directes du resserrement du crédit,
et de la frilosité des banques.
Les enjeux
Il faut se projeter dans l'avenir, et imaginer ce que pourrait être un paysage du
vignoble nantais... sans viticulture ! Or,
6 - PAYSAN NANTAIS - 1248 - JANVIER 2012
conserver une population active dans le
milieu viticole, comme agricole, avoir dans
nos écoles une mixité réelle, voir se côtoyer
les enfants de valletais qui travaillent à
l’extérieur dans tous les milieux, et ceux des
vignerons et des agriculteurs capables de
témoigner de la réalité de ce secteur, voilà
une des données clé des années à venir…
Si nous voulons conserver et développer
les capacités de diversification, il faut
pouvoir préserver, en ces temps de crise, la
capacité de produire, mais aussi de commercialiser, pour garder intacte la possibilité de
s'installer en milieu rural... C’est l’enjeu
d’une action collective, regroupant les
efforts des réseaux de solidarité, mais aussi
l’action des élus, et la vision d’un intérêt
commun partagé.
Si tant est qu’il faille trouver des solutions temporaires de modification des
cultures pratiquées sur certaines parcelles, la
plupart des élus sont en recherche des outils
capables d’aider à trier les occupations fonctionnelles des terres agricoles pour aboutir à
une agriculture responsable, à vocation de
mise en valeur de la capacité de production
agricole à long terme. Le maraîchage en
particulier suscite beaucoup de questions,
tant il peut être pratiqué avec des visions à
long terme très différentes selon les acteurs
en place...
Des actions collectives, telles celles engagées pour le respect des contrats, un aménagement du territoire qui puisse porter des
projets de restructurations d’exploitation,
des documents d’urbanisme qui permettent
de sauvegarder l’outil de production… Le
travail des élus se situe à ces niveaux, en
même temps que la nécessaire discussion
avec les organismes représentatifs des
professionnels.
C’est en ayant une vision globale des
enjeux, en s’entourant des professionnels
responsables, et en restant ferme sur notre
vision de l’avenir, que la municipalité peut,
à son humble place mais aussi en tant
qu’acteur d’un aménagement de territoire
plus large, apporter sa contribution à la
préservation à long terme de ce qui est vital
pour notre façon de vivre.
Nicole Lacoste
Les moyens
Les élus en responsabilité ont la possibilité d’agir et de soutenir, même si tout ne se
résout pas à cela, l’image du vignoble et de
ses terres agricoles, par l’intermédiaire de
classement en zones dédiées, mais aussi par
le soutien aux initiatives de vente directe et
la préservation des circuits de commercialisation.
DES ACTIONS EN JUSTICE
POUR LE RESPECT DES CONTRATS
Plusieurs viticulteurs ont engagé des actions en justice pour faire respecter les contrats signés
avec des négociants. C’est le cas d’Emmanuel Luneau, viticulteur à Vallet. Il commercialise une
partie de sa production en négoce (un peu plus d'un quart il y a quelques années), portant sur
9 ha en moûts et en mise sur lie propriété.
En 2010, le négociant avec qui il travaille décide de diminuer unilatéralement le prix auquel il
lui achetetait sa production, et il l’informe en dehors des délais.
Beaucoup de viticulteurs préfèrent accepter ces modifications unilatérales du contrat sans rien
dire, plutôt que de prendre le risque de perdre leur contrat avec le négociant, car les débouchés
commerciaux sont beaucoup plus limités.
Ce n’est pas le cas d’Emmanuel Luneau, qui a choisi de ne pas accepter cette modification de
son contrat et a engagé une démarche en justice pour non respect des clauses du contrat.
Aujourd’hui, le litige n’est pas tranché par la justice.
Parce qu’un contrat ne sert à rien s’il n’est pas respecté, M. Luneau encourage les viticulteurs
dans sa situation faire respecter leurs droits.
« Si nous
voulons
conserver et
développer la
diversité des
activités
économiques,
il faut
préserver la
capacité de
produire ».
Rôle des élus
Les élus ont
la possibilité
d’agir et de
soutenir l’image
du vignoble par
le classement
en zones dédiées.
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VIGNOBLE NANTAIS I DOSSIER
Benoît Landron, jeune vigneron à Ligné
« Sortir de la politique de volume
et faire bon »
Comment s'installer vigneron en pleine crise du vignoble nantais ? Malgré la situation économique difficile,
des jeunes passionnés et volontaires continuent d’avoir une idée noble du métier et se battent à leur niveau
pour sortir par le haut. Exemple à Ligné où Benoît Landron s’est installé en 2009 sur le domaine familial.
Paysan Nantais : Quel était ton projet
quand tu as commencé ton activité de
vigneron ?
Benoît Landron : Après avoir été vignerons dans le vignoble Nantais pendant
plusieurs années, mes parents se sont
réinstallés en 2002 à Ligné. J’ai travaillé sur
l’exploitation comme salarié pendant 1 an,
avant de m’installer, en 2009, sur l’exploitation familiale, qui comptait alors mes
parents, et 1,5 salarié, sur 19 ha de vignes.
Mon projet était d’arriver en apportant
les 28 ha de vignes du château de Clermont,
exploitation située au Cellier. Exploitation
qui aurait été composée de 3 associés : un
associé sur les vignes, un sur la cave et un
sur la partie commerciale pour être vraiment
performant, et de convertir le tout en bio.
Mais la crise de 2008-2009 a chamboulé
vos plans...
L’idée était d’arriver rapidement à 100 %
de vente directe avec pendant 5 ans une
grosse part négoce. Le vin se vendait très
mal. 2 récoltes ont suffi à ruiner l’exploitation. À l'automne 2010 on a compris que le
marché n’était plus en capacité d’absorber la
totalité de la production, et donc qu'il
fallait faire des choix pour continuer notre
activité. On a passé beaucoup de temps à
réfléchir autour de trois hypothèses : attendre et ne rien faire, diminuer la surface de
30 ha pour garder 3 associés, ou baisser à 12
ha pour se limiter au marché le plus porteur.
On a fait le choix de ne garder que 27 ha,
et de tout passer en bio progressivement
(20 ha début 2010, 7 ha début 2011). La
décision d’arracher 20 ha était dure à
prendre, avec des conséquences importantes,
mais elle a été prise dans l’objectif de garder
la maîtrise de notre produit, en ne gardant
que ce qu’on pouvait vendre.
Le plus dur a été de réduire le nombre de
travailleurs. Mais notre idée reste de faire
vivre un maximum de monde de notre
production. Par exemple on récolte 7 ha à la
main, mais si on en avait la possibilité
économique, tout serait récolté manuellement. Nous sommes 5 à travailler sur 27 ha
et il manque une personne actuellement.
Comment cela se traduit sur les cépages
cultivés ?
En Muscadet nous sommes passés de
20 ha à 9 ha, en Gamay de 16 à 13, en
Cabernet de 5 à 3, en Malvoisie nous
sommes restés à 3 ha, et le reste en vins
blancs. En supprimant beaucoup de Muscadet et en conservant d’avantage les autres
cépages, on a gardé ce qui correspond à la
demande des clients.
Tu as dû aussi faire évoluer ton projet ?
J’ai choisi le métier de vigneron pour
m’occuper des vignes. Aujourd’hui je passe
Benoît Landron
Installé en 2009
sur le domaine
familial à Ligné,
sur un projet
d’exploitation
à 3 associés sur
47 ha. Le projet
a été modifié
en 2010 :
conversion en bio,
développement
de belles cuvées.
la moitié de mes 55 heures de travail hebdomadaires à la vinification et à l’élevage du
vin, et l’autre moitié à la commercialisation
auprès de la clientèle professionnelle
(cavistes, restaurants, export) pour la
recherche de nouveaux marchés. J’avais
prévu de m’occuper essentiellement de la
commercialisation, car on voulait et on veut
toujours développer le commerce. L’objectif
aujourd’hui c’est de vendre tout ce qui est
produit. On peut faire un très bon vin, si on
ne maîtrise pas ses ventes, ça ne sert à rien
et on l’a bien vu !
Au niveau économique l’équilibre reste
précaire car les prêts JA, liés au projet initial
sont toujours maintenus. Pour tenir il faut
arriver à doubler la durée de remboursement
du prêt, mais les banques sont difficiles à
convaincre, on sent un désintéressement
total de leur part vis-à-vis du vignoble.
Pourquoi avez-vous choisi de convertir
vos vignes en bio ?
Mon père voulait passer en bio depuis
longtemps. Moi aussi je voulais m’installer
en bio, donc les décisions qu’on a eu à
prendre ces deux dernières années ont un
peu accéléré le mouvement. Passer en bio ça
demande de la volonté, beaucoup de technicité, donc du temps à passer. Ça a un coût
qui s’ajoute à la baisse de rendement, qui
explique aussi pourquoi le vin bio se vend
plus cher.
Au niveau technique, on participe au
suivi collectif viticulture organisé par la
Coordination Agrobio des Pays de la Loire
(CAB), qui se fait avec une technicienne
spécialisée bio. Dans ce groupe il y a de
l’échange, la volonté de partager les expériences, ce qui est très positif et stimulant.
Avec le nombre élevé de conversions bio
en ce moment, on pourrait être proches de
la saturation du marché. Mais pour nous
c’est une décision à long terme, importante
pour l’avenir.
C’est en cohérence avec votre développement vers des vins de qualité ?
La gamme classique continue d’être ce
qui nous fait vivre, mais notre développement actuel se fait sur les belles cuvées. On
en avait 10 à mon installation, 20
aujourd'hui. C’est passé par quelques investissements en cave, car ça demande
beaucoup plus de technicité. C’est ce qui me
plaît dans le métier. J’ai la volonté de faire
bon. Il faut revenir à des choses vraies, on y
arrivera qu’en faisant bon.
Aujourd’hui dans le vignoble nantais il y
a un nivellement par le bas, parce qu’il y a
toujours une politique de volume. Il est vrai
que la réalité est difficile à voir en face. Il
devrait être interdit de vendre à perte, même
si c’est dur pour tout le monde. Je refuse
régulièrement de baisser mes prix pour
vendre mon vin. Le muscadet n’étant pas un
produit à forte valeur ajoutée. On fait le
choix d’arracher la moitié de mon domaine
plutôt que de couler le marché.
Il faut revenir à des choses vraies et sortir
de la coupe des « pharmaciens ». Pour cela
il faut beaucoup de technicité que j’ai
trouvée avec l’appui d’un œnologue indépendant. C’est dans cet esprit qu’on a développé les cuvées « Tradition ». L’œnologue
est indépendant, comme ça, il me vend juste
ses conseils, pas des produits. Il est important de respecter le raisin pour qu’il donne
le meilleur de lui-même.
En parallèle, je fais partie de l’association
des Jeunes Vignerons d’Europe. On est tous
dans la même philosophie. Nous nous
rencontrons à l’occasion de salons, et nous
échangeons sur les conditions de production
et d’élaboration de nos vins. C’est un
endroit qui permet de redécouvrir la vinification en regardant des techniques utilisées
dans d’autres vignobles, dans un esprit de
partage où on se sent moins en concurrence.
« On a fait
le choix
d’arracher
la moitié du
domaine plutôt
que de couler
le marché ».
Propos recueillis par C.C.
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DOSSIER I VIGNOBLE NANTAIS
Jean Bosseau, Just'1 Vignerons
« Plus forts ensemble que le plus fort
de l’ensemble »
Se rassembler pour vendre et avoir des exploitations viables, durables et transmissibles : c’est l'esprit de
la démarche poursuivie par 10 vignerons de la commune du Pallet. Ils ont créé « Just’1Vignerons », une structure qui
commercialise l’appellation communale Muscadet, et les autres Muscadet produits par les vignerons du groupe.
Il y a des projets qui, après coup,
semblent nés d’une évidence. Une évidence
qui s’impose à tous et qui fait dire que cela
ne pouvait pas être autrement. Il en va ainsi
de la naissance de Just’1 Vignerons, structure commerciale rassemblant dix exploitations viticoles du Pallet.
Cette dynamique de groupe n’est pas
nouvelle, qui avait revêtu jusqu’alors des
aspects festifs (Jazz sur lie), solidaires
(entraide) ou environnementaux (gestion
collective des effluents).
Lors de la mise en route de la réflexion
sur les appellations communales, on
retrouve cette même envie de débattre et
d’agir ensemble. Les formations techniques
ou de marketing lié à ce mouvement débouchent sur la création d’une structure de
production dédiée à l’élaboration de l’appellation communale Le Pallet. Son slogan :
« Plus forts ensembles que le plus fort de
l’ensemble ». Just’1 Vignerons voit le jour
dans la foulée, pour commercialiser l’appellation communale mais aussi les autres
muscadet produits par les vignerons du
groupe.
Au travers d’une stratégie commerciale
tournée essentiellement vers l’export, il
s’agit pour nous d’être présents collectivement sur le marché, en complément des
ventes réalisées en propre par chaque
Domaine associé.
Traduite sous la forme d’un engagement
en surface, cette forme sociétaire exigeante
et motivante a pour but ultime la pérennisation des exploitations (viables, durables,
transmissibles) mais aussi l’occupation
harmonieuse de notre territoire et le
maintien d’une activité viticole forte sur
notre commune.
Après quatre années d’existence, le bilan
est positif et conforte tous les vignerons du
groupe à poursuivre l’aventure. Il nous reste
encore de belles pages à écrire ensemble.
Jean Bosseau
Viticulture et fermage : des points à revoir
La crise qui secoue la viticulture en Pays nantais depuis quelques années a amené les professionnels
à s’interroger sur la manière dont s’applique le fermage en zone viticole. Un groupe de travail intersyndical
s’est donc penché sur la question.
Au cours de l’année 2009, la Confédération Paysanne avait lancé une réflexion sur
la crise viticole et les moyens pour aider à
l’enrayer. En marge de ce travail, il était
rapidement apparu que des difficultés existaient dans le déroulement des baux ruraux
sur les terres viticoles. Ces difficultés concernaient particulièrement deux points : le sort
des baux et des terres lorsque le preneur
décidait de cesser l’activité viticole, une grille
de détermination des prix de fermage qui
n’était plus en adéquation avec le contexte
de crise. Nous avons donc alerté divers
professionnels et notamment, les représentants du Syndicat des Vignerons Indépendants Nantais (SVIN) mais aussi des
représentants de la chambre d’agriculture,
de la FNSEA et des JA. Un travail intersyndical s’est alors engagé.
Sort des terres et
des baux en cas d'arrêt
Le premier point abordé par le groupe de
travail a concerné le sort des terres et des
baux lorsque les preneurs se trouvaient dans
l’obligation de cesser leur activité viticole du
fait d’un contexte très difficile. Nous constations : que du jour au lendemain, certains
vignerons arrêtaient leur activité sans même
avoir prévenu les bailleurs. Juridiquement,
ces derniers étaient alors en droit d’agir, y
compris par voie judiciaire, pour obliger les
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preneurs à respecter le bail. En effet, le statut
du fermage ne prévoit véritablement rien
pour une rupture « immédiate » de bail en
cas de crise de la production concernée. Ces
ruptures brutales, imposées aux bailleurs
pouvaient donc devenir une source de
conflit potentielle qui n’aurait fait qu’envenimer un climat déjà difficile dans le
vignoble. D’autre part, cela posait le
problème du devenir des terres. L’idée a donc
été de proposer une solution de conciliation
permettant, si possible, d’éviter le conflit en
organisant une rupture conventionnelle du
bail et pour cela, un protocole était proposé
pour éviter un abandon total et immédiat
de la vigne. La réflexion a porté également
sur les conséquences des arrachages de vigne
et sur la répartition des aides (en partant
de ce qui existait dans les années antérieures).
Pour un fermage
plus équitable
Autre point qui pose problème : le prix du
fermage. L’arrêté préfectoral fixant les règles
de détermination des fermages viticoles date
des années 90, à une époque où la crise ne
s’était pas durablement installée. Ensemble,
nous constations :
• Que depuis 1997 (date de l’arrêté), les
rendements maximums autorisés avaient
sensiblement baissé.
• Que, dans le même temps, les revenus
dégagés avaient chuté très fortement.
• Que, malheureusement, beaucoup de
fermages étant trop importants, n’étaient
plus payés.
• Que l’état général de la vigne n’avait cessé
de se détériorer. D’abord, sous l’effet d’un
vieillissement important du vignoble où
beaucoup de vignes dépassent les 50 ans
d’âge. Ensuite, pour les plus récentes, par la
propagation de maladie du bois qui entraîne
un fort déplant.
Nous constations enfin que le
barème retenu pour la détermination du
loyer était calé sur une période de référence
de 10 ans et de ce fait, se trouve déconnecté
des prix actuels. Sans compter que beaucoup
de viticulteurs éprouvent de grosses difficultés à écouler leur production.
C’est pourquoi des propositions ont été
faites pour une modification des arrêtés
préfectoraux concernant les fermages
viticoles. Elles ont été transmises à la
Commission Paritaire des baux ruraux qui a
mis en place un groupe de travail pour que
les négociations s’engagent avec les bailleurs.
Les discussions sont actuellement en cours.
Il est impératif qu’elles aboutissent afin que
les fermages retrouvent un niveau plus équitable compte tenu d’un contexte viticole qui
reste difficile.
Sylvie Frétigné,
juriste Confédération Paysanne 44
La Confédération
Paysanne 44 a
alerté dès 2009
les responsables
viticoles et
agricoles, des
problèmes
se posant aux
baux et terres
lorsque le preneur
cesse son activité.
Un groupe
travaille depuis
pour faire évoluer
les règles du
fermage viticole.
janvier 1248_PAYSAN JANVIER 1248 17/01/12 11:56 Page9
VIGNOBLE NANTAIS I DOSSIER
MSA : les mesures pour prévenir
le mal-être
Face à la détérioration de la situation économique de la production viticole, des viticulteurs en difficulté
se sentent découragés et désespérés. Pour les déculpabiliser, et pour les accompagner afin d’éviter de sombrer
dans la spirale du mal être, la MSA a élaboré une plaquette d’information.
Jean-Claude Lebas, viticulteur à Vallet et délégué MSA est à l’initiative de ce projet.
“Viticulteur et délégué MSA sur Vallet,
régulièrement témoin de découragements de
collègues, je ne pouvais rester insensible aux
conséquences économiques et humaines de
la crise viticole en Pays Nantais.
Par ce fait, il me paraissait important
avec l’aide d’autres délégués de mettre en
place une plaquette relatant les diverses mesures que la MSA met à disposition des vignerons en difficulté. Elles sont de trois
ordres :
• le service action sociale ;
• le service santé, sécurité ;
• le service recouvrement.
Ce projet de prospectus a été présenté à
tous les acteurs locaux (maires, adjoints aux
affaires sociales, responsables syndicaux
etc.) puis a été distribué dans tous les sites
censés être fréquentés par des viticulteurs
(commerces, banques, assurances, cabinets
médicaux, etc.). Nous sommes en relation
avec des professionnels de la santé de
l’établissement médical de Montbert. Et
également avec une association de la
communauté de commune de Vallet : GPS.
Cette dernière s’est spécialisée dans la
prévention du mal être et du suicide, d’où
son titre Groupement Prévention Suicide.
Par l’aide de ces rencontres régulières, il
nous paraît donc indispensable d’être informés afin de comprendre les mécanismes engendrant des découragements extrêmes.
Dans un contexte difficile l’isolement est
notre pire ennemi, agir collectivement reste
indispensable.
Jean-Claude Lebas
Des élevages victimes du pyralène
en Mayenne
Dans le Sud de la Mayenne, plus de 300 animaux
d’élevage ont été abattus en 2011 suite à leur contamination par le pyralène. En cause : l’usine Aprochim,
spécialisée dans le traitement de déchets industriels,
en particulier des transformateurs électriques.
Jacky Lebannier, paysan confédéré
dans le secteur, nous présente sa situation et celles de ses confrères et
voisins.
« Je suis producteur de céréales et
de volailles en bio sur la commune de
Bouère. Notre siège social étant à
3,1 km d’Aprochim, les services de
l’État m’ont dit que je n’avais aucun
souci à me faire, la zone sous surveillance ayant été fixée à… 3 km (ça me
rappelle une histoire de nuages). Pour
autant il m’arrive au moins vingt
jours par an de sentir l’odeur caractéristique émanant de l’usine !
Une dizaine de fermes ont été
touchées cette année par la pollution
au pyralène. Elles ont été mises sous
séquestre suite à des taux supérieurs
aux normes, mais d’autres ont des
taux significatifs de pollution qui
laissent sur elles une épée de Damoclès. Le 21 novembre, trois troupeaux
bovins ont encore été amenés à l’abattage. Pour ce qui est des indemnisations, certains négocient un protocole
avec Aprochim ; d’autres ont pris la
voie judiciaire.
Le plus important est que cesse la
pollution, afin qu’une analyse des sols
puisse être faite pour éclairer le trou
noir dans lequel l’avenir des exploitations a sombré.
À Bouère, le sujet est tabou : nous
avons tous dans nos familles, nos
amis, nos voisins, quelqu’un qui
travaille à Aprochim, mais aussi
quelqu’un, riverain ou agriculteur, qui
subit la pollution. Le conseil municipal, dont je suis membre, ne peut
communiquer que sur les informations que lui distille la préfecture. Il se
trouve dans une position très délicate
entre risque de fermeture d’Aprochim
(90 emplois) et risque d’arrêt
d’exploitations agricoles (des dizaines
d’emplois qui n’auront ni prime de
licenciement, ni indemnité de
chômage).
Et plus on monte dans la hiérarchie
politique, plus on oublie le citoyen et
l’environnement. La palme revient à
notre député, Marc Bernier, qui dit
qu’Aprochim a les moyens d’acheter
les fermes impactées pour créer un
périmètre de sécurité. Mais alors, les
exploitants et les riverains : on les
monte dans des camions ? »
Propos relevés par Pierre Fardeau,
animateur de la Confédération paysanne
de Mayenne.
Jacky Lebannier
Fin novembre, manifestation d’éleveurs près de l’usine Aprochim à Grez-en-Bouère (Mayenne)
DE TERRIBLES POISONS
Le pyralène a un autre nom : celui des PCB, pour polychlorobiphényles. Ces
molécules ont été massivement utilisées des années 1930 aux années 1970 car
elles ont la propriété d'être isolant électrique, conducteur thermique et pratiquement ininflammable. On s'en est servi notamment pour la fabrication des
transformateurs électriques.
Mais les PCB sont aussi des cancérogènes probables et de redoutables perturbateurs endocriniens. Bref de terribles poisons. Ils sont essentiellement absorbés
via l'alimentation, mais aussi par inhalation ou passage percutané dans des
situations particulières (professionnelles, accidents).
En France, fabriquer ou utiliser des PCB est interdit depuis 1987. Environ 500 000
transformateurs et condensateurs avaient été recensés pour être détruits dans des
usines telles celle d’Aprochim en Mayenne.
Le 22 novembre, le sous-préfet mettait en demeure Aprochim de respecter les
seuils d'émission en PCB que ses services avaient pourtant prescrits en janvier,
menaçant de suspendre l’activité de l’usine en cas de refus. On ignore quand et
comment tout le pyralène utilisé durant quarante ans pourra être complètement
neutralisé.
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