néologismes : une typologie des typologies
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néologismes : une typologie des typologies
NÉOLOGISMES : UNE TYPOLOGIE DES TYPOLOGIES Jean-François SABLAYROLLES C.I.E.L., Université de LIMOGES INTRODUCTION Travaillant sur les néologismes contemporains, j'ai été amené à collecter une masse de données d'environ un millier de lexies considérées comme néologiques. La collecte dépend crucialement de la définition que l'on donne de la néologie et en particulier des concepts de nouveauté et d'unité lexicale pertinente. Sur ces problèmes de définition et d'interaction entre l'incorporation de données et l'élaboration théorique des concepts, je renvoie à mon exposé précédent (Cahiers du CIEL 1993), ainsi qu'à un article paru dans les Cahiers de lexicologie (n° 69, 1996-2). Ma visée était d'abord morphologique : les néologismes devaient permettre de discerner ce qui était productif (plus ou moins et dans quelles conditions) de ce qui ne l'était pas ou plus. Les travaux de lexicologie générale ont tendance à ne pas faire le départ entre les deux, à ne pas distinguer la manière dont le lexique français s'est constitué au cours du temps et la manière dont il se renouvelle à un moment précis, comme le montre, par exemple, l'affirmation suivante extraite de la Grammaire française de H.D. Béchade (1994) : "Le français a créé et crée des mots selon différents procédés de formation". Cahier du CIEL 1996-1997 Le nombre d'items et les préoccupations évoquées ci-dessus conduisaient nécessairement à une activité taxinomique. Parfois décriée comme vaine ou de peu d'intérêt, l'activité taxinomique présente l'avantage de chercher à mettre de l'ordre dans ce qui, sans elle, ne serait que chaos. Sur cette nécessité de collecter des données en grand nombre et de les organiser, je renvoie à l'argumentation de Maurice Gross (qui s'oppose à Chomsky) telle qu'elle est présentée par N. Danjou-Flaux et E. Fichez-Vallez (1985), en particulier p. 106. Mais classer implique une grille de classement et c'est là que le bât blesse : aucune grille ne s'impose d'elle-même. Qu'on se la constitue soimême ou qu'on la reprenne à autrui, la bonne méthode voudrait qu'on la justifiât. Dans les faits, ce n'est pas toujours le cas. Le propos de cet article est d'examiner et comparer les classements opérés par un certain nombre de linguistes et grammairiens, d'établir une sorte de typologie des typologies, pour y voir un peu plus clair, parce que la situation est assez confuse quand on y regarde d'un peu près. Enfin, après l'établissement d'une grille de comparaison des typologies et des commentaires que cette comparaison conduit à faire, je proposerai la mienne. 1. EXAMEN DES SOURCES DE CONFUSION Les sources de confusion sont multiples et diverses, et leurs poids de responsabilité respectifs dans le flou sont plus ou moins mesurables. Par commodité je distinguerai des facteurs quantitatifs et des facteurs qualitatifs, mais il faudrait se garder de croire que ceux-là sont plus objectifs et plus faciles à manier que ceux-ci. 1.1. Facteurs quantitatifs J'en distinguerai deux : un facteur numérique et un facteur dimensionnel. 1.1.1. Le grand nombre des typologies Au fur et à mesure qu'augmentaient mes lectures augmentait le nombre de typologies différentes. N'étant pas préparé à cette abondance, je n'ai pas relevé, dans un premier temps, toutes celles que je trouvais ; je l'ai fait plus systématiquement quand il m'est apparu que ce grand nombre méritait réflexion et devait faire l'objet d'un examen. Près d'une centaine de typologies différentes sont reproduites dans ma thèse. Je me contenterai ici de quelques échantillons représentatifs, en prenant celles qui sont les plus différentes et 12 J.-F. SABLAYROLLES - Typologies des néologismes celles qui paraissent les plus instructives ou les plus satisfaisantes. Elles sont données en annexe. 1.1.2. Place qui leur est consacrée La place accordée à l'exposition de la typologie peut être très variable, de quelques lignes, voire quelques mots dans des définitions de dictionnaire (cf. Larousse classique 1957) à des livres entiers comme ceux de J. Tournier (1985 et 1991) consacrés aux matrices lexicogéniques de l'anglais. Les différences de dimension font qu'on ne peut pas attendre la même précision dans les diverses typologies. Ce critère quantitatif de dimension, assez facile mais fastidieux à mettre en œuvre (à l'aide de mesures en cm2, nombre de mots, nombre de pages), doit néanmoins être relativisé : l'intérêt n'est pas directement proportionnel à la dimension. À volume égal, certains développements typologiques sont plus denses que d'autres. Face à la concision et à la densité de certaines analyses (C. Hagège 1983 eg), d'autres développements, d'assez vastes dimensions, sont peu approfondis car ils comportent de nombreuses listes ou extraits de texte (Histoire de la Langue Française de F. Brunot ou C. Giardina 1992 pour les néologismes de B. Vian eg). Aux facteurs purement quantitatifs, pas nécessairement signifiants, il faut préférer des facteurs qualitatifs. 1.2. Facteurs qualitatifs Les facteurs qualitatifs sont eux aussi divers. J'en distinguerai trois sortes, avec, pour les deux premières, deux situations diamétralement opposées. S'il existe des cas relevant assez clairement de ces extrêmes prototypiques, beaucoup d'autres typologies sont moins tranchées et s'échelonnent tout au long d'un continuum reliant les deux pôles, mais ceci ne retire rien à la pertinence de la distinction. 1.2.1. Rôle dans l'article ou le livre Deux situations complètement opposées peuvent être distinguées, du moins dans les cas les plus clairs. Il y a bien sûr des cas indécis et des situations intermédiaires, mais cela n'ôte, redisons-le, rien à la validité de cette distinction. L'établissement d'une typologie peut constituer le but avoué du travail, ce qui suppose une réflexion, dont les étapes sont plus ou moins indiquées, mais qui livre des résultats qui ne sont pas le fruit du hasard. Cf. L. Deroy (1971), C. Hagège (1983), J. Tournier (1985) eg. 13 Cahier du CIEL 1996-1997 Inversement, l'activité typologique peut être exercée sans faire l'objet d'une réflexion particulière sur les catégories retenues. Cela est vrai des définitions de néologisme ou néologie dans certains dictionnaires ou quand il s'agit de présenter du matériau lexical avec un minimum d'ordre : les néologismes de tel ou tel auteur dans l'HLF de Brunot ou le vocabulaire de Rousseau étudié par F. Deloffre (1985) eg. 1.2.2. Diversité des profondeurs d'enchâssement La différence quantitative du nombre des catégories qui s'emboîtent les unes dans les autres, un peu à la manière de poupées russes, n'est pas toujours facile à établir car la hiérarchie des catégories n'est pas toujours explicitement et systématiquement indiquée et son calcul n'aurait pas grand intérêt en soi si elle ne reflétait un phénomène qualitatif fondamental. Là encore, en simplifiant, et en prenant les cas extrêmes, on peut distinguer deux attitudes : la première consiste à faire un catalogue, en mettant toutes les données sur le même plan (cf. J. Boissy 1988 ou J. Picoche 1977), l'autre consiste à vouloir organiser les données, par une tentative de situer les éléments retenus (catégories de classement) les uns par rapport aux autres (cf. C. Hagège 1983 ou J. Tournier 1985 eg). Cette deuxième façon de procéder paraît plus satisfaisante pour l'esprit et aussi plus courageuse ou plus téméraire : elle nécessite plus de travail et comporte des risques. De longues réflexions, le maniement de nombreuses données et beaucoup de tâtonnements, d'essais successifs sont nécessaires avant d'obtenir un résultat qui semble satisfaisant, mais celui-ci est toujours susceptible d'être remis en cause, par l'apparition de nouvelles données, de nouvelles catégories, ou par la contestation et redéfinition de concepts ou de définitions qui ont fait rattacher telle ou telle catégorie à telle ou telle grande classe1 . C'est le caractère mouvant des distinctions/classes à établir qui dissuade F. Deloffre (1985) ou P. Gilbert (1980) d'établir une telle grille hiérarchisée et qui les conduit à proposer une liste de catégories sur le même plan en indiquant bien, l'un et l'autre, le caractère peu assuré de ces grilles, susceptibles de modifications. 1 Le même phénomène qui consiste à utiliser un "mot" dans une autre catégorie grammaticale que sa catégorie d'origine est ainsi rattaché parfois à la néologie morphologique (cf. la dénomination de dérivation impropre), parfois à la néologie sémantique (J. Tournier 1985), parfois à la néologie syntaxique (M. VerdelhanBourgade 1990)! 14 J.-F. SABLAYROLLES - Typologies des néologismes 1.2.3. Diversité des types de critères de classement Non seulement les typologies sont nombreuses et établissent des classes et sous-classes plus ou moins nombreuses (et ces données arithmétiques peuvent facilement être comparées, même si le maniement des résultats et les conclusions qu'on peut en tirer sont parfois délicats), mais encore elles sont fondées sur des critères qui ne relèvent pas des mêmes domaines : ils peuvent être radicalement hétérogènes, ce qui interdit toute comparaison directe d'une typologie à l'autre. Nombre de typologies sont fondées sur les procédés de formation, mais d'autres se fondent sur des critères sémantiques (E. Coseriu 1981), sur des critères d'origine (R. Le Bidois 1970), sur des critères fonctionnels (R.L. Wagner 1969, A. Dauzat 1943). Quelques linguistes présentent plusieurs classements complètement indépendants les uns des autres comme, par exemple, C. Hagège (1983) qui procède à un classement par procédés et à un autre par type de locuteurs/émetteurs. A. Rey (1974) établit lui aussi plusieurs classements dont les fondements sont indépendants. Certaines typologies combinent en leur sein plusieurs types de critères, soit d'une manière délibérée et cohérente (comme celle de G. Mounin (1990) qui fait correspondre à des fonctions en discours des procédés de formation qui leur sont particulièrement attachés), soit sans justification et d'une manière peu cohérente car mettant sur le même plan, des concepts radicalement étrangers les uns aux autres comme GLE (1960) ou P. Wijnands (1985). L'accumulation de ces multiples et diverses typologies m'a inspiré le désir de les organiser, de les regrouper par familles, pour mieux cerner leurs ressemblances et leurs divergences. Pour cela il a fallu bâtir toute une grille comparative qui prenne en compte les caractéristiques significatives afin que les résultats aient quelque intérêt. 2. L'ÉTABLISSEMENT D'UNE GRILLE DE COMPA RAISON L'élaboration de cette grille ne s'est pas faite d'un coup. Elle a été obtenue après des tâtonnements et ne s'est que progressivement mise en place. Certains critères se sont imposés d'emblée et se sont maintenus jusqu'à l'état définitif, d'autres se sont avérés peu intéressants ou peu faciles à mettre en œuvre d'une manière systématique et ont été abandonnés. Le besoin de certains autres ne s'est fait sentir que plus tardivement, pour combler ce qui semblait des lacunes de l'analyse ou pour tenir compte de nouvelles typologies. Nous pouvons maintenant, avant de donner le tableau comparatif, 15 Cahier du CIEL 1996-1997 passer à la présentation et à la justification des critères retenus. Il y en a sept, donc sept colonnes qui s'ajoutent à celle réservée à l'identification du classement (nom du linguiste et date du travail d'où est tiré le classement) 2 et à une dernière colonne destinée à des informations relatives à d'éventuelles particularités. 2.1. Données chiffrées (colonnes 2 à 4) Après la première colonne d'identification, trois colonnes sont consacrées à des données chiffrées. La première indique le nombre total d'"étiquettes" sous lesquelles sont classées les lexies. Mais ceci n'est pas suffisant. Pour rendre compte de la différence qualitative, évoquée précédemment, entre catalogue et système plus ou moins hiérarchisé, j'ai indiqué dans la colonne suivante le nombre de niveaux d'enchâssement. Dans cette direction, une information supplémentaire s'est imposée plus tardivement : elle porte sur le nombre des classes distinguées au premier niveau, ce qui indique le nombre de grandes voies que peut emprunter l'innovation lexicale. Ces trois colonnes prises ensemble permettent de se faire une idée approximative du degré de hiérarchisation et de l'aspect de la grille classificatrice. 2.2. Cadre et domaine couvert (colonnes 5-6) Les préoccupations qui animent les linguistes se livrant à l'activité typologique peuvent être fort diverses : tous ne se situent pas dans un même cadre, ni ne prétendent étudier exactement le même type de données. Or cette diversité peut avoir des incidences sur les principes de classement mis en œuvre. Aussi m'a-t-il paru nécessaire d'indiquer dans les colonnes 5 et 6 le cadre de travail et le domaine étudié. Pour ce qui est du cadre, il peut s'agir de lexicologie (c'est le cas le plus fréquent), mais aussi de sociolinguistique (parler jeune, branché etc.), de psycholinguistique (langage enfantin), de littérature (le vocabulaire, les néologismes de tel ou tel auteur, ou de tel ou tel mouvement littéraire), d'histoire (et de son influence sur le renouvellement lexical, en particulier lors d'événements marquants comme la Révolution française, ou la première Guerre mondiale), de terminologie (avec, en particulier, le souci de l'aménagement linguistique), d'analyse de discours. La détermination du cadre n'est pas toujours facile à effectuer ou sûre, d'où 2 Les références précises sont données dans la bibliographie de ma thèse et ne sont pas toutes reproduites ici pour un gain de place : seules le seront celles des typologies qui sont données en annexe. 16 J.-F. SABLAYROLLES - Typologies des néologismes quelques points d'interrogation. Par ailleurs, certaines typologies peuvent relever de plusieurs cadres. Le domaine couvert est en général plus facile à déterminer : soit le linguiste couvre tout le champ de l'innovation lexicale, soit il opère à l'intérieur de ce champ des restrictions clairement annoncées pour n'étudier qu'un domaine précis. Outre les restrictions du domaine liées au cadre de référence (sociolinguistique : langage branché pour P. Beucler 1986 ou littéraire : néologismes de B. Vian pour C. Giardina 1992 ou vocabulaire de Rousseau pour F. Deloffre 1985 etc.), apparaissent des restrictions indépendantes ou supplémentaires. Schématiquement, les restrictions peuvent porter soit sur les données, soit sur le domaine linguistique. Les premières peuvent être plus ou moins sélectives. et ne concerner que les jeux de mots (L. Hesbois 1989), les noms de marque (R. Arnaud 1972) ou encore les synthèmes publicitaires (J.A. Piacentini 1981). Dans le second cas, les linguistes n'étudient qu'un aspect de la néologie : formelle, sémantique, la composition etc. Une double restriction est perceptible dans le travail de H. Brekle (1984) sur les composés ad hoc en allemand. 2.3. Degré d'explicitation et fondement du classement (colonnes 7-8) La variation qualitative indiquée en 1.2.1. à propos du degré d'explicitation de la démarche, peut être appréciée en la ramenant à trois niveaux 3 . Au niveau inférieur, symbolisé par un signe -, le classement est donné sans justification et ne fait pas directement l'objet du travail au sein duquel il se trouve inclus. C'est en particulier, sauf exceptions notables, le cas des définitions des dictionnaires. Au niveau intermédiaire, l'activité de classement est centrale mais ne fait cependant pas l'objet d'une réflexion spécifique sur les catégories qui sont posées. Un signe + symbolise les typologies de ce type. Au niveau supérieur, non seulement l'activité typologique est centrale, mais encore elle fait l'objet d'une réflexion explicite, plus ou moins approfondie. Deux croix ++ signalent ces classements. Certaines typologies particulièrement argumentées font l'objet de la mention réflexion théorique dans la colonne 9 consacrée aux particularités. Les fondements du classement recourent le plus souvent à l'analyse des procédés mis en œuvre pour la création des lexies. Mais d'autres fondements sont aussi utilisés, soit parallèlement quand plusieurs typologies sont 3 La première échelle comportait quatre degrés, mais il est vite apparu qu'il n'y avait pas grand intérêt à garder deux niveaux au sein du niveau inférieur - et - - , établis originellement par souci de parallélisme avec + et ++. 17 Cahier du CIEL 1996-1997 proposées, soit concurremment à la place des procédés qui sont parfois récusés comme inintéressants (E. Coseriu 1981, R.L. Wagner 1969, P. Wijnands 1990). La nature des mots, la sémantique, la recherche des causes ou effets, l'origine (émetteurs ou domaines), les paramètres de communicabilité sont autant de domaines au sein desquels sont puisés d'autres critères de classement. 2.4. Remarques sur des particularités (colonne 9) Il arrive que des classements offrent des spécificités ou comportent des éléments dont la connaissance peut être utile pour mieux les apprécier et les comparer aux autres classements. Ces informations diverses figurent dans la dernière colonne. Outre les indications réflexion théorique mentionnées cidessus, j'ai indiqué jugements de valeur pour ceux qui en émettaient, ou doute / arbitraire pour ceux qui font explicitement mention du caractère fluctuant des distinctions posées. En outre, R.L. Wagner (1969) porte un jugement de valeur (négatif) sur le classement traditionnel qu'il rappelle, avant de lui en substituer un autre. P. Lerat (1988) se soucie d'internationalisation des termes en langues de spécialité ; D. Bécherel (1981) s'intéresse au sort des mots officiels proposés, ou imposés, en remplacement des emprunts. 3. LE TABLEAU COMPARATIF DES TYPOLOGIES Dans le tableau qui suit j'ai indiqué en : colonne 1 colonne 2 colonne 3 colonne 4 colonne 5 colonne 6 colonne 7 colonne 8 colonne 9 18 l'identification, le nombre de classes, la profondeur, le nombre de grandes parties, le cadre, le domaine couvert, le degré d'explicitation, le fondement, les particularités. J.-F. SABLAYROLLES - Typologies des néologismes 19 Cahier du CIEL 1996-1997 20 J.-F. SABLAYROLLES - Typologies des néologismes 4 4 21 Cahier du CIEL 1996-1997 22 J.-F. SABLAYROLLES - Typologies des néologismes 23 Cahier du CIEL 1996-1997 4. COMMENTAIRES DU TABLEAU COMPARATIF DES TYPOLOGIES Le travail comparatif sur un nombre assez élevé de typologies (près d'une centaine) avec huit rubriques pour chacune pourrait conduire très loin ; je m'en tiendrai ici aux constatations qui me paraissent les plus significatives. 4.1. Nombre de typologies multiples à une même source Une première constatation a trait aux typologies multiples puisées à une même source. Selon les points de vue adoptés dans l'étude du phénomène néologique, les crières et les distinctions varient, et il n'est pas possible d'embrasser tous les aspects de l'innovation lexicale d'un seul coup d'œil et avec une seule grille. Onze linguistes ou lexicographes présentent plus d'une typologie, et trois en présentent trois. Cette multiplicité reflète la complexité de la notion : il n'y a aucune raison de décider a priori que tel ou tel aspect est seul pertinent : tous le sont d'un certain point de vue. Tout dépend en effet de ce qui constitue l'objet et le but du travail de classement. Mais quand, comme je l'ai fait, on met la néologie au centre de ses recherches, aucun des ces points de vue ne doit être écarté : il convient de procéder à des études parallèles avant de voir s'il n'existe pas d'éventuels liens entre tel et tel point de vue5. 4.2. Disparités au sein d'ensembles comparables Il faut prendre garde, ensuite, que les différences liées au cadre de travail, au domaine couvert et au type de fondement adopté ne permettent pas de mener des comparaisons à l'aveuglette, terme à terme, d'une ligne à l'autre : on ne peut comparer que ce qui est comparable. Mais, même au sein de typologies comparables, les disparités numériques sont flagrantes. Si l'on s'en tient à celles qui se situent dans le cadre lexicologique, sans aucune restriction, et qui se fondent sur les procédés, on va de deux groupes sur le 5 Ces études ont donné lieu dans ma thèse à d'autres classements que celui qui sera proposé ici ainsi qu'à une tentative de comparaisons croisées mettant en jeu plusieurs propriétés consignées dans plusieurs colonnes, mais beaucoup reste encore à faire dans cette voie. 24 J.-F. SABLAYROLLES - Typologies des néologismes même plan dans L C 1957, DMCLF 1889, Littré ou Q F 60 (quatre dictionnaires, il est vrai) à plusieurs dizaines de groupes : seize dans J. Tournier 1985 (mais seulement douze dans son manuel de 1991) dix-sept dans F. Brunot ou dans G. Mounin (1990), vingt-cinq dans la grammaire du français contemporain, vingt-sept dans C. Hagège (1983) et quarante et un dans A. Goose (1975). Quant au nombre des niveaux d'enchâssement dans ces mêmes typologies, lui aussi est très variable : de un (le minimum) à quatre pour C. Hagège et J. Tournier. Il est remarquable que la typologie qui établit le plus de distinctions n'est pas de celles qui instituent le plus de niveaux hiérarchiques, puisque A. Goose n'en établit que trois, ce qui est déjà pas mal. 4.3. Sur-représentation des typologies fondées sur les procédés La suprématie des procédés se traduit de trois manières : en nombre absolu d'abord, puisqu'ils sont présents dans plus des deux tiers des typologies (on en compte environ soixante-sept, soit seuls, soit couplés avec un autre principe), puis dans le fait que les linguistes qui proposent plusieurs classements en proposent presque toujours un fondé sur les procédés (sauf NLI 1898, G. Gaillard 1911 et H. Brekle 1984), et enfin par la multitude des fondements concurrents (une dizaine) qui se partagent le petit tiers restant : ce qui représente une faible proportion pour chacun. Les typologies qui se fondent sur la nature de la lexie (i.e son aspect extérieur, sa conformation), sur des modes de manifestation de la néologie ou sur la structure des néologismes ne s'éloignent à vrai dire pas beaucoup des classements au moyen des procédés (simplement le point de vue est plus statique que dynamique, on s'intéresse plus au résultat qu'au processus), ce qui ne fait que renforcer la prédominance de ceux-ci. Celles qui se fondent sur l'origine des formants s'en éloignent à peine plus, mais leurs visées sont différentes : il s'agit souvent de justifier des jugements de valeur à propos des emprunts et surtout des éléments latins et grecs. Les autres typologies sont quasiment toutes singulières et prennent appui sur des bases originales. H. Bonnard (1979) règle toute l'innovation lexicale avec les deux concepts de transfert (= dérivation propre et impropre) et de coalescence (qu'elle opère par ellipse ou affixe à différentes places du syntagme). R.L.Wagner (1961-1980) fixe lui aussi deux grands principes : l'élargissement d'une base (à l'aide d'affixes) et la fixation d'une base (par transposition d'une catégorie grammaticale dans une autre, ou par dégagement ou création d'une base fixée). Quelques typologies se fondent sur la nature des référents et opposent généralement la dénomination d'un objet nouveau au néologisme stylistique : "néologismes de choses" vs "néologismes d'expression" (Cf. GEB 1855, GLE 1960, P. Wijnands 1985). D'autres encore 25 Cahier du CIEL 1996-1997 se fondent sur la nature de l'émetteur ou du contexte sémantique pour aboutir à des grilles quelque peu différentes : il y a souvent néanmoins opposition entre néologisme scientifique et néologisme littéraire. Dans cette optique, R. Le Bidois (1990) distingue aussi des néologismes administratifs. Dans un de ses classements, C. Hagège (1983) distingue des néologismes spontanés, des néologismes réfléchis (les termes) et, entre les deux, les néologismes d'auteur. Deux linguistes se fondent sur des critères sémantiques, mais de manière fort différente : H. Brekle (1984) et E. Coseriu (1981). La recherche des causes sert de fondement à un des classements de H. Brekle (1984) et à un de ceux de G. Mounin (1990) qui fait correspondre à chacune des fonctions qu'il distingue des procédés de formation qui leur sont plus particulièrement attachés. Une dernière typologie enfin se fonde sur le degré de communicabilité, en appliquant les concepts de la mercatique : P. Wijnands (1985). 4.4. Prédominance d'un schéma classique, avec quelques variantes Bien loin de ces classements aux fondements assez singuliers, domine le classement par procédés et, au sein de ce modèle dominant, domine un schéma classique qui se présente sous une forme pure ou à peine modifiée par quelques variantes qui ne mettent pas en cause l'identité de la structure du classement. Ces constantes ont quelque chose de rassurant au milieu de la diversité et de l'hétérogénéité qui semblaient dominer dans l'activité taxinomique. 4.4.1. La trichotomie classique : formel, sémantique, emprunt Si l'on prend en considération les grands groupes de premier niveau, les typologies dichotomiques distinguent la néologie formelle (i-e la création d'un signifiant non attesté dans un état immédiatement antérieur de la langue, quelle que soit la dénomination adoptée dans tel ou tel classement) et la néologie sémantique (i-e un nouveau sens pour une lexie dont le signifiant existait déjà avec un autre signifié). Les typologies qui sont trichotomiques (elles sont plus nombreuses) ajoutent l'emprunt à ces deux classes. La Grammaire du français contemporain (1988), A. Joly (1981), J.L. Leduc Adine (1980), R. Le Bidois (1990) présentent ce schéma ainsi que K. Nyrop (1919), A. Dauzat (1943) et G. Merle (1987- 1989) ou G. Matoré (1952) moyennant un réaménagement de présentation. Ce dernier, rappelant une tradition souvent oubliée selon lui, inclut par exemple l'emprunt dans la nouveauté formelle, ce qui n'est pas niable, mais passe sous silence la 26 J.-F. SABLAYROLLES - Typologies des néologismes différence entre matrices internes et matrices externes (sans compter que cela ne règle pas les cas d'emprunts sémantiques). 4.4.2. Les variantes ou petits écarts Quelques typologies (une douzaine), qui établissent plus de trois classes au premier niveau, ajoutent à la trichotomie classique d'autres distinctions. Par ordre chronologique, - M. Fuchs (1911) ajoute les archaïsmes, - J.M. Gautier (1952) les mots rares, les termes provinciaux et les archaïsmes, - M. Riffaterre (1953) les mots qui réapparaissent (et qui ne sont pas des archaïsmes), - J. Dubois (1962) les sigles et les abréviations, - J.C. Corbeil (1971) les créations ex nihilo et les changements de catégorie grammaticale, - L. Guilbert les néologismes phoniques et graphiques, - A. Goose (1975) les créations ex nihilo, les abrègements, et les emplois nouveaux (au sein d'une rubrique fourre-tout "autres procédés"), - A. Rey (1976) les anciens noms propres et les sigles (ajoutés aux emprunts et néologismes de sens dans la sous-classe des mots morphèmes qui, avec les mots complexes et certains syntagmes, constituent les unités lexicales), - J. Picoche l'abréviation d'un mot savant, la lexicalisation d'un sigle, la dérivation et composition savante, - C. Hagège (1983) les mots factices, - J. Tournier (1985) les néologismes purement morphologiques tels les réductions de signifiant par aphérèse, apocope, siglaison. 4.4.3. Écarts plus nets par rapport au schéma classique Dans quelques autres, on retrouve des éléments du schéma classique, mais il est plus profondément altéré. C'est par exemple le cas de : - L. Deroy (1971), dans un système dichotomique création / emprunt, scinde la néologie sémantique en attribuant la création d'un sens nouveau au premier ensemble et l'ajout d'un sens supplémentaire au second. - R. Arnaud (1972) oppose les procédures classiques (préfixation, suffixation, composition) aux hybrides franglais et aux autres formules (ludiques en particulier). 27 Cahier du CIEL 1996-1997 - A.H. Robinson (1981-1982) distingue en français trois voies pour créer des mots : la création indigène, la création syntagmatique et la création néoclassique. - H. Walter (1984) fait du verlan une grande catégorie, sur le même plan que les nouveaux signifiés ou les nouveaux signifiants. - A. Borrell (1986) distingue quatre grandes parties : nouveaux signifiés, nouveaux signifiants, nouveaux signifiés sur nouveaux signifiants, et rhétoriques. - J. Rey-Debove (1987) distingue trois voies d'innovation lexicale : les néologismes (où figure l'innovation sémantique), les mots savants et les emprunts. - M. Verdelhan-Bourgade (1990) n'a pas de partie de premier niveau pour les emprunts, mais en a une pour la syntaxe. 5. P R O P O S I T I O N NÉOLOGISMES DE TYPOLOGIE DES 5.1. Une typologie fondée sur les procédés de formation Sans récuser l'intérêt, souvent réel, des typologies et critères minoritaires, c'est la voie majoritairement arpentée par les prédécesseurs que j'ai suivie à mon tour, en prenant comme base les procédés de formation 6. Ceci répond bien sûr à ma première préoccupation, tournée vers la morphologie, qui n'a pas disparu même si elle s'est élargie en cours de route et a fait l'objet d'un recentrage, mais cela répond aussi, quoi qu'en aient dit certains (E. Coseriu (1981), R.L. Wagner (1969), P. Wijnands (1985) entre autres) au fait que cet aspect des néologismes paraît incontournable, comme en témoignent sa surreprésentation et la quasi-unanimité des pratiques : rares sont les linguistes qui n'ont pas une typologie fondée sur les procédés de formation. Le problème alors est d'établir une grille qui satisfasse à deux exigences : être la plus complète possible et intégrer toutes les distinctions ou classes trouvées ici ou là et qui ont paru pertinentes (aucune typologie ne comprend toutes les classes terminales attestées au moins une fois), puis, deuxième exigence, antinomique de la première, être cohérente et maniable. 6 Ce classement des données collectées a été mené parallèlement à beaucoup d'autres comme cela a été indiqué dans une note précédente. Cf. infra la conclusion. 28 J.-F. SABLAYROLLES - Typologies des néologismes 5.2. Adoption du modèle de J. Tournier comme base de travail Parmi toutes les typologies fondées sur les procédés et bien qu'elle ait été formulée pour l'anglais, c'est celle de J. Tournier que j'ai prise pour base de travail de préférence à d'autres, fort intéressantes aussi, pour plusieurs raisons. Il s'agit d'un travail assez récent qui prend largement en compte les travaux des prédécesseurs pour les améliorer. L'auteur y traite un matériau abondant et précisément dans l'optique qui est la mienne, celle de la productivité lexicale. À cet égard, il n'est pas indifférent qu'il nomme ses procédés "matrices lexicogéniques". Ses préoccupations et ses conceptions de la lexie se sont révélées assez proches des conceptions du néologisme que j'avais développées indépendamment. Les données de mes corpus se sont donc assez bien laissé traiter par les classes distinguées, alors que d'autres grilles en laissaient un plus grand nombre de côté. Mais si les conceptions sont proches, elles ne sont pas exactement superposables et certaines lexies néologiques de mes corpus, correspondant à mes définitions, m'ont amené à remanier légèrement les matrices de J. Tournier, en particulier par quelques ajouts ou distinctions supplémentaires. 5.3. Aménagements apportés au tableau de J. Tournier Mes conceptions des lexies néologiques m'ont conduit à créer une matrice "détournement", pour tous les cas où une modification, i-e une nouveauté, est introduite dans un ensemble où elle est inattendue, que ce soit dans une locution toute faite comme il y a lurette, il y a sacrée lurette, ou les dindons de la paix etc. ou dans une lexie mémorisée par une large frange de la population comme Liberté, égalité, parité ou Splendeurs et misères de la science économique. Il est curieux que J. Tournier, qui partage les mêmes conceptions larges de la lexie, n'en ait pas tiré des conclusions à propos de l'innovation dans les lexies qui dépassent, en longueur et/ou en complexité, le niveau du "mot". La néologie syntaxique par changement de construction ou par modification des traits de sélection a été introduite puisqu'il s'agit de nouveauté par rapport au savoir engrangé avec une lexie. Cette manière de voir n'est pas nouvelle : on la trouve exprimée, mais pas systématisée, dans HLF de Brunot, dans la définition de néologisme de NLI (1898-1907) etc. Mais ce sont surtout les travaux de la lexicologie explicative et combinatoire (Mel'çuk et alii 1995) qui ont remis à sa juste place le rôle des informations syntaxiques en lexicologie. En revanche leur modèle ne travaillant que sur des champs sémantiques définis, aucune place n'est réservée au traitement de 29 Cahier du CIEL 1996-1997 l'innovation lexicale, sous quelque forme que ce soit. Il s'agit pour moi de rendre compte d'énoncés comme le loisir nous évade de la solitude, j'hallucine etc. Au sein de l'affixation, ont été ajoutés les parasynthétiques, i.e l'adjonction simultanée d'un préfixe et d'un suffixe à une base. D. Corbin (1980) conteste l'existence de ce mode de formation et de fait nombre des mots traditionnellement considérés comme des parasynthétiques sont obtenus par l'application successive de deux règles de construction des mots (RCM), la seconde pouvant s'appliquer à une base non attestée. Il n'en demeure pas moins qu'il existe des cas où la construction parasynthétique me semble être le procédé de formation le plus probable. Il s'agit de cas fondés sur l'analogie de lexies à préfixe et suffixe : ceux-ci sont alors appliqués simultanément à une autre base. Sur anti-gaullisme primaire, on peut créer à volonté antichiraquisme primaire, anti-jospinisme primaire, anti-allégrisme primaire etc. Au sein du vaste ensemble intitulé composition, j'ai distingué de la composition proprement dite les mots-valises, qui y sont curieusement amalgamés, alors que le processus de production est assez sensiblement différent et qu'il s'en crée en assez grand nombre, même s'ils ne sont pas destinés à durer comme pyrowoman, clochemerdesque ou le vieux slogan Antillais ne vous laissez pas emmessmerder du temps où P. Messmer était secrétaire d'État aux DOM-TOM. Métaphore et métonymie ne couvrent pas tous les cas de changements de sens, et, plus globalement, tout le champ de ce que l'on peut appeler la néologie sémantique. Resriction et extension de sens doivent être bien distingués de la métaphore, comme l'a bien montré M. Bréal (1897) : il y a ajout ou perte d'un sème et non perception d'une similitude. Arriver c'est "parvenir à destination" avec la perte du sème "navigation". Outre des métaphores comme dans haussmanisation (de Prague) ou des métonymies comme les sacs à dos "les touristes qui voyagent à moindres frais", beaucoup d'autres figures sont mises à contribution dans la création de néologismes. Citons en quelques-unes : vrai-faux est un oxymore ; escorteuse "prostituée" est un euphémisme vrai, manteau de Vénus "préservatif" est un euphémisme feint ; respectueuse "prostituée" est une antiphrase ; la riboud (ou écopoubelle) est une antonomase ; roule-couilles "slip de bain" est une sorte d'hyperbole ou de déformation par exagération etc. Au sein de la suffixation, j'ai fait un sort particulier à la néologie flexionnelle : ils closirent ou écrivaine, lesbien "homme qui aime les femmes". Là encore, il s'agit d'un savoir lié à la connaissance et à la maîtrise de l'emploi de la lexie. Toute innovation à ce niveau, volontaire ou non, relève d'un mécanisme néologique. 30 J.-F. SABLAYROLLES - Typologies des néologismes Au sein de la composition, les synapsies et quasi-morphèmes ont été distingués puisque ces procédés ont des règles et des comportements spécifiques. 5.4. Proposition de grille typologique des procédés de formation 1 préfixation affixation 2 3 4 5 suffixation 21: flexion dérivation inverse parasynthétique composition , 51 synapsie, 52 quasi-morph mot valise onomatopée, phonesthème 71 fausse coupe et jeu phonique : paronymie 72 déformation graphique conversion // // // composition // changement de sens // // 13 construction différente métaphore métonymie autres figures (restriction, extens de sens) etc troncation 14 15 16 siglaison détournement emprunt // pragmatique 6 7 8 9 10 11 12 // construction // // // // // imitation et déformation changement de fonction réduction de la forme morphosémantique // // // // matrices internes // // // // // // // // syntacticosémantique // // // // // morphologique // // // // // // // // matrice externe 31 Cahier du CIEL 1996-1997 QUELQUES TYPOLOGIES REPRÉSENTATIVES Arnaud 1972 les noms de marque Becherel 1981 (procédés de remplacement des anglicismes dans propositions officielles) Beucler 1986 parler branché Boissy 1988 tendances linguistiques de la néologie en terminologie Bonnard 1979 formation des mots 32 - procédures classiques - préfixation - suffixation - composition (pas toujours faciles à différencier) - hybrides franglais - autres formules (ludiques en particulier) - dérivation - suffixe - préfixe - confixation - confixe + confixe - confixe + monème - faux confixe + monème - composition -N+N - Vb + N - N + adj + prep N - calque de mots - équivalence - autres procédés - abréviation - nouveaux radicaux - nouveaux signifiés - par polysémie simple - par changement de construction syntaxique - par transfert de classe - nouveaux signifiants - par dérivation - par troncation du signifiant initial - par emprunt - à l'argot - à l'anglais - par verlanisation - mot-valise - dérivation impropre - bouleversement dénotatif - dérivé morphologique - composé savant - formants de sigles - allogène - mot composé - transfert - dérivation propre - dérivation impropre - coalescence - par ellipse - milieu de syntagme ...../..... J.-F. SABLAYROLLES - Typologies des néologismes Bonnard 1979 - début de syntagme - dérivation impropre - composition (suite) - fin de syntagme - par affixe - début de syntagme - fin de syntagme Brekle 1984 a/ - composés relationnels (les composés ad hoc - composés à relation sous-jacente en allemand) - composés dont signification dépend étroitement du contexte Brekle 1984 b - principe "minimax" conditions gouvernant - principe bouche-trou la création des mots - facteur de réification ad hoc Brunot HLF - dérivation impropre - adjectif substantivé le néologisme - infinitif substantivé tome 3, volume 1, - autres dérivés (5 changements de ch. 7 catégorie) - dérivation propre - diminutif - substantif (liste par suffixe) - adjectif idem - verbe idem - adverbe idem - composition par particule : liste de mots - composition proprement dite - adjectif et substantif - deux adjectifs - antithétique - participe et son régime - verbe et son régime - emprunts (latin, grec, italien, espagnol, autres langues ...origine inconnue ou incertaine) Corbeil 1971 - composition - par dérivation source des - préfixation néologismes - suffixation - par juxtaposition (mots blocs) - à partir de racines grecques et latines - à partir de sigles - emprunt - externe - interne - création ex nihilo - extension de sens - changement de catégorie grammaticale 33 Cahier du CIEL 1996-1997 Coseriu 1981 les procédés sémantiques dans la formation des mots Dauzat 1943 Dauzat 1943 b/ Deloffre 1985 (vocabulaire de Rousseau dans les Rêveries du promeneur solitaire) 34 Avec deux critères entrecroisés, distinction de trois types de formation de mots : 1/ nombre des unités de base : une ou deux unités de base : modification vs développement, composition 2/ type général de la fonction grammaticale impliquée par le produit : fonction inactuelle (du type genre ou nombre) ou actuelle (du type sujet, prédicat, complément): modification vs développement - modification - changement de classe, de genre - quantification diminutive, augmentative, collective intensive : répétition, négation, particularisation - développement - prédicatif - attributif - d'objets prépositionnels - composition - d'accord + subdivisions - de rection - emprunt (langue par langue, uniquement vivante) - tiré de son propre fonds - composition (limitée) - dérivation ("en s'exagérant soulève juste critique") - changement de sens - mots nouveaux pour objets nouveaux/idées nouvelles - nécessité de réparer pertes dues à - disparition des choses désignées - causes internes (mot trop court, mal constitué, sujet à amphibologie) - problème de mode, peu explicable - archaïsmes - forme - mots locaux - mots techniques - mots désignant des realia - quelques faux amis - mots anciens dont sens évolue ou qui sortent de l'usage - mots et emplois nouveaux - emprunts à langues étrangères - mots composés par dérivation propre - mots composés par dérivation impropre - élargissement de constructions verbales - diverses extensions de sens ou d'emploi J.-F. SABLAYROLLES - Typologies des néologismes Deroy 1971 (essai de typologie générale) DHLF 1992 a/ DHLF 1992 b/ DMCLF 1889 Dubois 1962 DUPL 1874 DUPL 1874 Gaillard 1911 a/ - création - dérivation - progressive - régressive - composition - abrègement ou amputation - création de sens nouveau - emprunt - mot - sens supplémentaire - néologie de forme (unités nouvelles à partir de règles) - néologie sémantique - règles syntaxiques (dérivation et composition) - sur base - française - latine - grecque - anglaise - sigle - combinaison d'éléments autonomes - soudés - avec trait d'union - sans trait d'union - siglaison - par emprunt, avec adaptation - phonique - graphique - sémantique - création de sens nouveau - changement de catégorie - déplacement d'un vocabulaire spécial dans un autre - emprunt de sens à une autre langue - emploi figuré - introduction d'un mot nouveau - emploi d'un mot ancien dans un sens nouveau - mots nouveaux (dérivés) - emprunts étrangers - sigles et abréviations - développement des composés - mouvement sémantique - néologismes scientifiques - néologismes tirés des langues étrangères - néologismes littéraires - mot nouveau - sens nouveau pour un mot déjà existant (par extension) - mots absents du glossaire ou introduits récemment - mots qui ont une vie éphémère - liés à une personnalité en vue - quand allusion à un événement particulier ...../..... 35 Cahier du CIEL 1996-1997 Gaillard 1911 a/ (suite) Gaillard 1911 b/ où les chercher et trouver Gauvin 1989 forme structurelle de 100 néologismes collectés en un an GEB Giardina 1992 création de mots dans l'écume des jours de B. Vian Gilbert 1980 mots contemporains (classement présenté comme discutable) 36 - mots déformés ou mal formés - mots étrangers, provinciaux, locaux ou de métier - écrivains - traduction de philosophes ou écrivains - philosophes - sciences - littérature et art - journalistes et politiques - Préfixal Radical (1) - Préfixal Radical Suffixal (6) - Radical (4) - Radical Radical (4) - Radical Suffixal (85) - néologismes de choses - création de mots nouveaux pour idées nouvelles - emprunts - néologismes d'expression : forme expressive et claire, mot qui fasse image - populaires - littéraires - à partir d'un mot déjà existant - 6 sous-classes pour les noms - 2 sous-classes pour les verbes - 1 sous-classe pour les adjectifs - formation des mots composés - à 2, 3, 4 termes - sens inhabituel pour mots qui existent déjà - mots basés sur un changement de catégorie grammaticale ou sémantique - mots qui ont une graphie nouvelle - contamination - autres procédés - jurons - constructions incorrectes - inventions intégrales - éléments préfixaux - éléments suffixaux - parasynthétiques - troncations et acronymes - conversion ou dérivation impropre - procédés syntaxiques - syntagmes lexicalisés ou en voie de lexicalisation - tours construits sur un modèle type à partir de locutions naguère figées dont un des éléments est devenu libre - diverses modifications qui peuvent affecter la construction de certains verbes - procédés sémantiques - métaphore - métonymie ..../.... J.-F. SABLAYROLLES - Typologies des néologismes Gilbert 1980 (suite) GLE 1960 a/ GLE 1960 b/ Goose 1975 - extension/restriction de sens - reprise de mots anciens tombés en désuétude - mots ou locutions comportant un sens allusif, à côté du sens banal - mots à la mode, dans le vent sans être codés - emprunt - à langue étrangère - à l'intérieur du système français - dialecte - technolecte - sociolecte - sigle mot d'introduction récente d'une langue créé - soit par dérivation, composition, emprunt - soit de dessein délibéré - emprunt - souvent adapté - calque - utilisation des ressources propres de la langue (dérivation etc.) - création complète (rare) - formation plus ou moins exceptionnelle - préfixe - expression à termes juxtaposés - dérivation - les diverses catégories de suffixes - la préfixation - composition - indigène (5 catégories) - syntagmes en voie de figement - composition savante (5 cas) - procédés particuliers - par coordination et subordination - avec abrègement (5 cas) - emprunt - à l'anglais - autres emprunts - aux autres langues modernes - aux langues anciennes - aux variétés régionales du français - à d'anciens états de la langue - autres procédés - mot nouveau - abrègement - emplois nouveaux (N pr- n com, constr de Vb, dérivation impropre) - sens nouveaux (métaphore, métonymie, champ d'application) 37 Cahier du CIEL 1996-1997 Grammaire du français contemporain 1988 GRIL NL 2 1987 Guilbert 1971 38 - emprunts - relatinisation - emprunt de civilisation - emprunt aux langues modernes - procédés de formation - dérivation - suffixation - préfixation - parasynthétique - dérivation impropre - abréviation - composition - substantif (6 procédés) - adjectif (3 procédés) - verbe - locution adverbiale, prépositive, conjonctive - formation des mots techniques - changements de sens - transfert du sens - métaphore - métonymie - transfert du nom - étymologie populaire - noms en contact en discours - contagion syntaxique - ellipse - préfixation - suffixation - dérivation inverse - composition - juxtaposition - amalgame - conversion - transfert de sens - réduction de la forme - troncation simple - siglaison - graphie - emprunt - création de bases inédites - emprunt de modèles gréco-latins - emprunt de termes étrangers - sémantique - spécification - emprunt à un domaine apparenté - syntagmatique - désignation analytique - siglaison - réduction ...../..... J.-F. SABLAYROLLES - Typologies des néologismes Guilbert 1971 (suite) Guilbert 1973 Guiraud (cité par Guilbert 1975) Hagège 1983 - dérivation - nominalisation - type de suffixe spécifique - système préfixal - phonologique - syntaxique - aspect lexical - dérivation syntagmatique - sémantique - rhétorique (synecdoque, métaphore, comparaison, métonymie) - grammatical (conversion) - sociolinguistique (d'une langue de spécialité à une autre) - emprunt - néologisme graphique - onomatopéique - type morphologique - type sémantique - type allogénique - mots factices - emprunts - internes - ancien état de la langue - langue apparentée - langue véhiculaire d'une grande religion, philosophie, empire - externes - xénismes (= pérégrinismes) - emprunts intégrés - emprunts avec fausse analyse - emprunts avec calembour - emprunts spontanés - à graphie incertaine - hybrides - fabrication autochtone - composé - descriptif - complexes énonciatifs - conglomérés - synapsies - calque - troncation - siglaison - dérivé - modification accentuelle ou tonale - reduplication - modification interne ...../..... 39 Cahier du CIEL 1996-1997 Hagège 1983 (suite) Hagège 1983 b/ Joly, Murcia, DikiKidiri 1981 LC 1957 Le Bidois 1970 Leduc-Adine 1980 (néologismes terminologiques = autres néologismes) Lexis 1992 Littré 1863 Matoré 1952 Merle G . et alii 1989 40 - troncation - aphérèse - apocope - affixation - préfixation - infixation - suffixation - circumfixation - extension de sens - ajout d'un nouveau sens (=polysémie) - remotivation, réactivation, revitalisation - création spontanée - création d'auteur - néologie consciente (en particulier terminologie) - adoption d'un sens nouveau - emprunt à une langue étrangère - création d'une forme nouvelle - construction d'un syntagme à partir de mots connus - par combinaison d'éléments de composition - mot nouveau - acception nouvelle - néologismes littéraires - néologismes administratifs - néologismes "techniques" - prendre un terme du langage courant et l'affecter d'un sens nouveau - emprunt (mais il faut remédier à cette invasion de termes étrangers) - composition et dérivation - formel - dérivationnel = préfixation / composition - syntagmatique - sémantique - emprunt - mot de création récente - mot emprunté depuis peu - mot nouveau - sens nouveau pour un mot existant - mot nouveau - créé ex nihilo - tiré d'une onomatopée - tiré d'un nom de personne - tiré du fonds national (dans la plupart des cas): suffixation, préfixation - emprunté à une langue vivante - emprunté à une langue morte - mot déjà employé auquel on attribue un sens nouveau - changement de catégorie grammaticale -fabrique à partir d'éléments existants - ajout - à gauche - à droite ...../..... J.-F. SABLAYROLLES - Typologies des néologismes Merle G . et alii 1989 (suite) Mounin 1990 NLI 1898-1907 a/ NLI 1898-1907 b/ NLI 1898-1907 c/ NPR 1995 - combinaison de plusieurs éléments - juxtaposition - amalgame (avec troncation) - siglaison (avec moignons) - emprunts - bruts - assimilés - nouveaux sens (néologismes sémantiques) - évolution du monde = - déplacement d'un terme - métonymie - métaphore - restriction de sens - productivité du système - principe d'économie = - troncation - apocope - aphérèse - dérivation régressive - contraction - besoin d'expressivité = - injure - diminutif caressant - litote - contagion due au prestige = - emprunt - usage ludique du langage = - calembour - contrepéterie - lapsus stabilisé - mot-valise - verlan innovation linguistique qui affecte - le lexique - la sémantique - la syntaxe -néologismes scientifiques - néologismes littéraires - néologismes populaires - mot - autres - périphrase - locution - tournure nouvelle - sens nouveau pour un mot ancien - mot nouveau - créé - obtenu par - dérivation - composition - troncation - siglaison - emprunt etc.. - sens nouveau 41 Cahier du CIEL 1996-1997 Nyrop Picoche 1977 QF 1960 Rey 1976 Rey 1974 a/ Rey 1974 b/ Rey 1974 c/ 42 - création de mots nouveaux (rare) - attribution d'un sens nouveau à un mot déjà existant - invasion des mots argotiques dans la langue littéraire - introduction de mots d'emprunt - développement d'un sens nouveau sur un mot ancien - dérivation à partir d'un mot usuel - abréviation d'un mot savant - lexicalisation d'un sigle et dérivation sur lui - emprunt à une langue vivante étrangère - dérivation et composition savante - terme nouvellement forgé - terme avec nouveau sens - unités non lexicales - unités lexicales - mots morphèmes - emprunts - anciens noms propres - sigles - néologismes de sens - mots complexes - certains syntagmes - forme simple - forme complexe - mot complexe - groupe syntagmatique - emprunts et autres formes non motivées - morphologie (qui reflète la structure syntaxique profonde) - base + suffixe - préfixe + base - base + base - parasynthétique - nouveauté formelle - application des règles morphologiques - sigles et acronymes - rares créations absolues - onomatopées (surtout dans BD) - emprunt - nouveauté sémantique (pour tous les néologismes) - totale : emprunt - partielle : préfixation, suffixation, agglutination - faible : sigle, acronyme (modification des connotations) + - cas de dérivation interne : transfert fonctionnel - "néologisme de sens" : transfert sémantique - interne - externe/emprunté ...../..... J.-F. SABLAYROLLES - Typologies des néologismes Rey 1974 c/ (suite) Rey-Debove 1987 les 3 sources d'enrichissement du vocabulaire Riffaterre 1953 Robinson A.H. 1981 hésitation du français entre 3 procédés pour créer un terme TLF 1986 Tournier 1985 - nouveauté pragmatique toujours dans la communication (toute nouveauté formelle et sémantique déclenche et suppose la nouveauté pragmatique) - les néologismes - les mots-savants - les emprunts - mot nouveau - sens nouveau d'un vocable existant déjà - emprunt - à une langue étrangère - à une langue spéciale d'un métier - à la langue d'un groupe social etc. - mots qui réapparaissent (et différents d'archaïsmes) - néo-classique - syntagmatique - indigène - néologisme de forme - créé de toute pièce - formé par un procédé morphologique - dérivation - composition - analogie - néologisme de sens : nouvelle acception d'un mot qui existe déjà - matrices internes - morpho-sémantique - construction - affixation - préfixation - suffixation - dérivation inverse - composition - juxtaposition - amalgame - motivation phonique - onomatopée et élément idéophonique - sémantique - transfert de classe conversion - métasémie - métaphore - métonymie - morphologique réduction du signifiant - aphérèse et apocope - siglaison ...../.... 43 Cahier du CIEL 1996-1997 Tournier 1985 (suite) Verdelhan-Bourgade 1990 (Europe) français branché Wagner 1969 typologie classique jugée banale et peu féconde Wagner 1969 classement de Rheims jugé supérieur Wagner 1980 (1961) 2 mécanismes de formation des mots construits 44 - matrice interne - emprunt - emprunt morpho-sémantique - emprunt sémantique et calque - emprunt morphologique - changement de sens - métonymie - métaphore - autres procédés moins classiques : - antiphrase - litote - créativité lexicale - faire plus court - finales en -o ou -os - coupure en cours de mot - faire plus long - composition à rallonge - dérivé - préfixe - suffixe - caractères syntaxiques - valse des catégories grammaticales - destructuration de l'organisation de l'énoncé : (prolifération de structure en juxtaposition ) - mots proprement inventés - autres - archaïsmes - emprunts - provignement - jeu -exigence plus profonde - extension des champs d'emploi d'une base (à peine un néol) - symboliser choses rares ou plutôt destinées à n'intervenir presque jamais comme élément d'une situation commune - inclure un peu de ce qui dans l'univers se perd à jamais, faute d'un nom qui permette de le faire passer dans le discours - élargissement d'une base - avec préfixe - avec suffixe - parasynthétique - 1ère élaboration - élaboration 2 nde - fixation d'une base - transposition pure et simple d'une catégorie grammaticale dans une autre - dégagement ou création d'une base fixée J.-F. SABLAYROLLES - Typologies des néologismes Walter 1984 néologismes des jeunes Wijnands 1985 récuse typologie classique morphosémantique - nouveaux signifiés - par polysémie simple - par changement de construction syntaxique - par transfert de classe - nouveaux signifiants - par dérivation - suffixe - préfixe - par abréviation - par emprunt - aux langues vivantes (anglais surtout) - argot - par onomatopée - cas particulier des expressions négatives - verlan - néo-dénomination - à connotation néologique - primaire lanceur - secondaire (// en mercatique) initiateur - acclimatée suiveur vs retardataire - sans connotation néologique - néologisme de langue - néologisme stylistique - stylistico-littéraire - stylistico-journalistique CONCLUSION J'espère avoir un peu dissipé le flou qui entoure l'activité typologique en essayant de cerner les causes de leur diversité et en essayant de justifier mes propres choix. Il reste que si cette activité de classement par procédés est incontournable, ce n'est pas, et de loin, les seules analyses qui puissent et qui doivent être menées quand il s'agit d'une étude des néologismes : bien d'autres points méritent d'être examinés systématiquement. Ce n'est pas moins de treize colonnes, donc douze types d'analyse, que j'ai utilisés pour les corpus de ma thèse. L'examen des procédés de formation ne constitue qu'une des douze colonnes d'analyse. 45 Cahier du CIEL 1996-1997 BIBLIOGRAPHIE ARNAUD R. "Les marques de fabrique. Quelques réflexions", Banque des mots 4?, 1972 BÉCHADE H-D. Grammaire française, collection Premier Cycle, P.U.F., décembre 1994. BECHEREL D. "A propos des solutions de remplacement des anglicismes" La linguistique 17, 1981/1982, p 119-131. BEUCLER P. "Les mots de connivence d'élèves de 3ème", Documents. Travaux du. Centre Argotologie, 1986, fasc 1-2, p 18-29. BOISSY J. 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