le coeur du sportif

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le coeur du sportif
LE COEUR DU SPORTIF
Ed. BERTRAND, Y. FRANCES, V. LAFALY
RESUME
Le coeur du sportif a un fonctionnement normal. Mais
il peut présenter certaines particularités électrocardiographiques (ECG) et/ou échographiques lorsque
l’entraînement dépasse 10 à 12 heures par semaine.
L’examen clinique et la tension artérielle sont sans
anomalies. L’examen radiologique est souvent normal ;
parfois le coeur est augmenté de volume.
L’ECG de repos peut présenter une bradycardie sinusale avec parfois des rythmes d’échappement. Des
t roubles de conduction liés à l’hypervagotomie
peuvent être observés. L’indice de Sokoloff peut être
élevé. Des anomalies de l’onde T et de ST peuvent être
notées, mais elles disparaissent à un effort important.
Il faut prendre garde à certaines inversions extensives
de T. L’épreuve d’effort est particulièrement intéressante pour vérifier la disparition des anomalies ECG
de repos et vérifier les modifications axiales. Le Holter
est intéressant en cas de trouble du rythme et de la
conduction.
L’échographie apporte des données essentielles. Elle
permet de constater parfois une hypertrophie myocardique, en règle symétrique, et une dilatation des
cavités. L’hypertrophie est réversible. Les fonctions
ventriculaires, systolique et dialostique, sont normales.
Des épreuves d’eff o rt ont pu être enregistrées. Le
prolapsus de la valve mitrale peut être observé.
La phonomécanographie permet d’enre g i s t rer des
indices intéressants de performance myocardique.
Chez certains sujets très entraînés, on peut observer
des anomalies dont certaines peuvent exceptionnellement faire discuter des états pathologiques
( s u rtout myocardiopathie hyper t rophique et
coronaropathie) Mais il est important de noter qu’on
peut avoir un coeur strictement normal chez des
athlètes de bon niveau.
Le coeur du sportif peut présenter certaines particularités
mais son fonctionnement est normal. Les particularités
peuvent être essentiellement radiologiques, électrocardiographiques (ECG) ou échographiques (ECHO). Elles sont
liées à l’entraînement : elles apparaissent lorsque l’athlète
fait 10 à 12 heures de sport très actif chaque semaine. Mais
ces particularités ne permettent pas en l’état actuel de
caractériser la “forme” ou de prévoir la performance.
Il faut souligner aussi qu’un athlète de bon niveau peut
avoir un coeur strictement normal et sans aucune particularité.
RAPPEL PHYSIOLOGIQUE
A l’effort l’organisme s’adapte pour ravitailler les muscles
en oxygène et en sucre. En ce qui concerne le coeur, il doit
donc augmenter son débit pour assurer le transport de ces
éléments : le débit cardiaque peut être multiplié par 5 ou 6
et atteindre 20 à 30 litres par minute. D’où un travail
supplémentaire considérable qui nécessite une hypertrophie
du muscle cardiaque et une dilatation des cavités
cardiaques. Ceci est obtenu par l’entraînement. Pendant
l’effort, le coeur augmente son rythme cardiaque et sa
tension artérielle maximale pour répondre à la demande de
l’organisme.
Lorsque le coeur entraîné est au repos, sa dilatation cavitaire lui permet de ralentir son rythme pour maintenir un
débit de repos suffisant. De même la tension systolique est
plutôt basse et la vitesse de raccourcissement des fibres
circonférentielles est réduite. C’est un moteur qui a une
réserve de puissance et “tourne au ralenti”.
Une adaptation de la circulation artérielle correspond à
l’adaptation du coeur. En effet : d’une part la circulation
musculaire est très augmentée (multipliée par 20 parfois) ;
d’autre part la circulation est réduite au niveau des viscères
à l’exception du muscle cardiaque, du cerveau et de la peau
(quand celle-ci doit éliminer de la chaleur). Ainsi l’orga-
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nisme réalise un délestage de certains territoires au profit
des territoires actifs ou essentiels.
EXAMEN CLINIQUE
Il n’existe aucun symptôme chez un sportif. A l’auscultation on note une bradycardie et parfois un 3e ou 4e bruit.
Le choc de pointe est souvent large et bien perçu.
La tension artérielle est normale.
A l’examen radiologique, le coeur est normal. Parfois l’arc
ventriculaire gauche a une convexité accrue. Rarement le
coeur apparaît augmenté de volume.
ELECTROCARDIOGRAMME DE REPOS
La présence d’ondes T négatives dans 2 ou 3 dérivations
précordiales droites ne peut être considéré comme “sportive” qu’après un examen cardiologique complet permettant d’éliminer une myocardiopathie hypertrophique ou
une maladie coronaire.
ECG D’EFFORT
1 - Il est particulièrement intéressant chez les sportifs pour
interpréter un ECG de repos anormal. Les anomalies de
repos peuvent être :
. normalisées à l’effort : elles ne sont pas pathologiques ;
. accentuées au début de l’effort et diminuées à l’effort
maximal : ceci reste rassurant ;
. atténuées à l’effort : ces anomalies sont à surveiller ;
. majorées à l’effort : il y a danger de coronaropathie.
1 - Parfois il est strictement normal.2 - En règle il présente une bradycardie sinusale. Si la
bradycardie est très marquée on peut avoir des échappements : wandering pacemaker, rythme du sinus coronaire, rythme jonctionnel et même syndrome de Wo l ff Parkinson-White (lorsque la voie anormale devient plus
“rapide” que la voie normale). On peut observer aussi une
extrasystolie disparaissant à l’effort.
2 - La recherche des modifications axiales à l’effort est
intéressante :
. chez le sportif normal : les axes de QRS et T se
dévient à droite et gardent une angulation normale ;
. chez le sportif fatigué : A QRS est dévié à droite et
AT à gauche ;
. il y a un risque si A QRS est dévié à gauche : en ce
cas le sujet doit subir un examen cardiologique
complet, notamment si l’axe de T est dévié à droite.
3 - Certains troubles de conduction peuvent être observés
chez des sportifs très entraînés. Ils paraissent dûs à l’hypervagotomie : sino-auriculaire, bloc auriculo-ventriculaire du
1er degré ou 2e degré (Luciani-Wenckebach) qui disparaissent à l’effort.
3 - Enfin rappelons, pour mémoire, que l’épreuve d’effort
permet d’évaluer le niveau d’entraînement par le calcul de
la V02 Mx.
HOLTER D’EFFORT
4 - L’indice de Sokoloff est souvent compris entre 35 et
40 mm. En ce qui concerne le ventricule droit, on note
souvent un aspect de bloc incomplet droit mineur ou avec
onde R élevée.
5 - On peut observer chez le sportif très entraîné des anomalies mineures de la phase de repolarisation : T plats ou
négatifs et ST légèrement sous-dénivelés en dérivations
inféro-latérales (D2, D3, aVF, V5, V6). Ces anomalies
diminuent ou disparaissent pour un effort important (alors
qu’elles peuvent augmenter pour un effort minime).
D’autre part on peut observer en dérivations précordiales
notamment droites, des ondes T amples avec parfois surélévations du segment ST et parfois des ondes U d’interprétation difficile (métabolique ? neurotonique ?).
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Comme l’ECG d’effort, il permet d’interpréter les anomalies de l’ECG de repos : il permet notamment une meilleure étude des troubles du rythme et des troubles de conduction.
DONNEES ECHOGRAPHIQUES
L’échographie permet d’approcher les modifications
anatomiques du coeur sportif et donne aussi des indications
précieuses concernant la fonction cardiaque. C’est dire
combien cette technique est importante. On comprend
qu’elle ait suscité un très grand nombre de publications au
cours des 15 dernières années et qu’elle ait occulté (trop
peut être ?) les autres approches cardiologiques. Nous
allons résumer les donnes essentielles.
LE COEUR DU SPORTIF
1 - Hypertrophie et/ou dilatation
Le coeur sportif apparaît à la fois hypertrophié dans sa
musculature et dilaté dans ses cavités, quel que soit le sport
pratiqué d’endurance ou de résistance. On admet généralement que l’hypertrophie, donc la masse myocardique,
prédomine dans les sports de résistance et la dilatation dans
les sports d’endurance. On tend à admettre aussi que
l’hypertrophie est le plus souvent symétrique bien qu’elle
puisse être asymétrique dans certains cas. On doit souligner que l’hypertrophie myocardique du sportif est
réversible en 3 à 6 mois après l’arrêt de l’activité sportive.
La dilatation nous a paru plutôt excentrique dans les sports
d’endurance et concentrique dans les sports de résistance.
2 - Fonction ventriculaire gauche
Evaluée au repos on note que la fonction systolique (fonction pompe et contractile) est en général non modifiée. Une
diminution de la fonction pompe chez les endurants est
controversée dans la littérature. Nous avons aussi observé
une réduction de la vitesse de raccourcissement des fibres.
Point important, on a observé ces dernières années que la
fonction diastolique des sportifs était également normale
malgré l’augmentation de la masse myocardique traduisant
une compliance ventriculaire normale. Ceci différencie
l’hypertrophie du sportif des hypertrophies pathologiques
observées chez l’hypertendu ou dans les myocardiopathies.
On a réalisé des tracés échocardiographiques d’effort sur
cyclo-ergomètre avec enregistrement de la consommation
d’oxygène. Il a été noté que, pour des efforts modérés,
l’augmentation du volume d’éjection systolique chez le
sportif est liée à la dilatation ventriculaire plutôt qu’à
l’augmentation de la fraction d’éjection. Aux niveaux
d’effort élevés, l’augmentation du débit dépend surtout de
la fréquence cardiaque et à un moindre degré, de la dilation
ventriculaire et de l’augmentation de la fraction éjectée.
3 - Prolapsus de la valve mitrale
Il est observé dans des proportions variables allant de 22 %
à 0 % ! Ceci dépend évidemment des critères retenus. Ceuxci doivent être recherchés surtout en bi-dimensionnel.
4 - Coeur normal
Il convient de souligner qu’on peut être sportif avec un
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coeur normal. Ceci se voit surtout pour des niveaux
d’entraînement modéré inférieurs à 10 H de pratique de
haut niveau par semaine. Mais nous avons aussi observé un
coeur normal chez des sportifs de haut niveau.
5 - On peut conclure à partir des données échographiques
que le sportif subissant un entraînement de haut niveau
dispose d’une réserve de muscle (hypertrophie), d’une
réserve de débit (dilatation, tachycardie) et d’une réserve
contractile (fraction d’éjection, raccourcissement des fibres
circonférentielles). Ces différentes réserves dépendent
probablement du type d’entraînement pratiqué.
DONNEES PHONOMECANOGRAPHIQUES
Elles sont intéressantes et fiables pour mesurer la performance myocardique en particulier le rapport temps de pré
éjection/temps d’éjection chez le sportif. Selon nous ce
rapport très reproductible pourrait être plus employé pour
évaluer l’entraînement.
CONCLUSION
On peut observer chez le sportif très entraîné des modifications, notamment, ECG et échographiques témoignant de
l’adaptation du coeur au surcroît de travail qui lui est
demandé pour ravitailler les muscles en oxygène et en
sucre. Mais on peut noter aussi chez la plupart des sportifs
de détente, voire chez des sportifs de haut niveau, un coeur
strictement normal.
Lorsqu’il y a modifications, elles peuvent parfois poser des
problèmes de diagnostic.
Ainsi des anomalies ECG à type d’ondes T inversées et/ou
de surélévation de ST, peuvent conduire à des examens
invasifs pour éliminer myocardiopathie ou coronaropathie.
Ainsi certains troubles du rythme et de la conduction
peuvent nécessiter un examen Holter. Ainsi certains
aspects échographiques évoquant par exemple une myocardiopathie hypertrophique, nécessitent des précisions hémodynamiques.
Mais dans la plupart des cas un examen clinique, ECG et
échographique bien conduits suffisent à la surveillance
cardiologique des sportifs.
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BIBLIOGRAPHIE
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Médecine du Maghreb n°27
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