Sektion 11 / Section 11 Mensch-Tier

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Sektion 11 / Section 11 Mensch-Tier
Frankoromanistentag 2016 – Universität des Saarlandes
Sektion 11 / Section 11
Mensch-Tier-Beziehungen in den frankophonen Kulturen, Literaturen und Medien /
Les relations entre homme et animal dans les cultures, littératures,
et médias francophones
Sektionsleitung / Présidence
MAG. DR.DORIS G. EIBL (UNIVERSITÄT INNSBRUCK)
MMAG. DDR. JULIA PRÖLL (UNIVERSITÄT INNSBRUCK)
JUN.-PROF. DR.CHRISTOPH VATTER (UNIVERSITÄT DES SAARLANDES)
Sektionsbeschreibung / Présentation
L’identité de l’homme comme celle de l’animal s’éclairent de leur
mutuelle confrontation.
(Dominique Lestel, L’animalité)
„Deux mammifères devant un crustacé.“ Diese Szene aus Michel
Houellebecqs Roman Plateforme, die Besucher eines Fischrestaurants beschreibt und auf ironische Weise die Gleichartigkeit und
Gleichrangigkeit von Menschen und Tieren nahelegt, erscheint
symptomatisch für eine seit den 1990er Jahren zunehmende transdisziplinäre wissenschaftliche Beschäftigung mit Mensch-TierBeziehungen. Ausgehend von den interdisziplinären Human-AnimalStudies angloamerikanischer Provenienz (Cf. Shapiro 2008), zeigt
sich in den letzten fünfzehn Jahren auch in Europa ein verstärktes
Interesse an dieser Thematik, die gerade auch von den Kultur- und
Geisteswissenschaften
rezipiert
wird
(Cf.
z.B.
Spann-
ring/Schachinger/Kompatscher/Boucabeille 2015). Den frankophonen Raum betreffend sind dabei neben dem von Anne Simon initiierten Forschungsprojekt Animots (http://animots.hypotheses.org/)
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vor allem die dem Thema „Humain/Animal (Part 1 & 2)“ gewidmeten Nummern der Contemporary French and Francophone Studies
aus dem Jahr 2012 (16,4+5) zu erwähnen, die Beiträge des Twentieth-Twenty-First Century French and Francophone Studies International Colloquium versammeln, das 2011 in San Francisco abgehalten wurde.
Da die Impulse für dieses Forschungsfeld, wie der Blick auf den
aktuellen Diskussionsstand gezeigt hat, nach wie vor aus dem angloamerikanischen Raum ausgehen und außerdem das Schwergewicht bisheriger Studien eher auf der Darstellung von Tieren in der
Literatur zu liegen scheint, möchte die vorgeschlagene Sektion gerade Mensch-Tier-Beziehungen aus interdisziplinärer, frankoromanistischer Perspektive in den Mittelpunkt ihrer Arbeit stellen.
Neben einer Bestandsaufnahme des Diskurses über Mensch-TierBeziehungen in den frankophonen Kulturen sollen auch philosophische Traditionslinien verfolgt werden. Dazu gehört beispielsweise
Gilles Deleuzes’ Konzept eines devenir animal ebenso wie FranzOlivier Giesberts Manifeste pour les animaux (2014). Diese Diskurse
werden auch in Medien und Literatur aufgegriffen, wie beispielsweise neuere Romane (Marie Darrieussecq Truismes (1996), Alain
Mabanckou Mémoires de porc-épic (2007) und Wajdi Mouawad
Anima (2014)) zeigen. Der Fokus soll dabei nicht auf einer ethisch
motivierten Frage nach ‚Tierrechten’, etc. im Sinne der Critical Animal Studies liegen, sondern vielmehr die vielfältigen Thematisierungen und Darstellungsweisen der nach wie vor stark anthropozentrisch geprägten Beziehungen zwischen Menschen und Tieren in den
frankophonen Kulturen diskutieren.
Die Sektionsarbeit orientiert sich dabei v.a. an folgenden Achsen:
Mensch-Tier-Beziehungen in Literatur und Medien; Mensch-Tier207
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Beziehungen in gesellschaftlichen und medialen Diskursen der frankophonen Kulturen.
Résumé
« Deux mammifères devant un crustacé. » Décrivant les clients d’un
restaurant de poissons, cette scène, tirée de Plateforme de Michel
Houellebecq, évoque de façon ironique la similitude entre homme
et animal ainsi que leur équivalence et renvoie, si l’on veut, à
l’intérêt grandissant porté à l’étude des relations entre homme et
animal depuis les années 1990. Inspirées des Human-Animal-Studies
trans- et interdisciplinaires de provenance anglo-américaine (Cf.
Shapiro 2008), les recherches respectives effectuées en Europe ces
quinze dernières années ont investi notamment les sciences humaines (Cf. i.e. Spannring/Schachinger/Kompatscher/Boucabeille
2015). Pour ce qui est du contexte français et francophone, retenons le projet de recherche « Animots » d’Anne Simon et surtout les
deux numéros de Contemporary French and Francophone Studies
publiés en 2012 (16,4+5).
Ce champ de recherche étant largement marqué par les discussions
outre-atlantiques centrées en grande partie sur les représentations
de l’animal dans la littérature, notre session se propose, pour élargir
l’optique, de focaliser sur les relations entre homme et animal, dans
une perspective franco-romaniste et interdisciplinaire.
Outre l’établissement du bilan des discours existants sur les relations entre homme et animal dans les cultures francophones, il
s’agira pour la session d’interroger certaines positions philosophiques dont le concept du « devenir animal » de Gilles Deleuze ou
le Manifeste pour les animaux (2014) de Franz-Olivier Giesbert. Ces
derniers investissent non seulement les médias mais aussi les litté208
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ratures comme en témoignent, entre autres, Truismes (1996) de
Marie Darrieussecq, Mémoires de porc-épic (2007) d’Alain Mabanckou ou encore Anima (2014) de Wajdi Mouawad. La section
propose des interventions pluridisciplinaires qui, au-delà des perspectives éthiques des Critical Animal Studies, ouvrent de nouvelles
pistes de réflexion sur les représentations des relations entre
homme et animal, dont le caractère anthropocentrique semble
rester intact.
Bibliographie
Contemporary French and Francophone Studies 16.4+5 (2012)
Shapiro, Kenneth: Human-Animal Studies: Growing the Field, Applying the Field. Ann Arbor, Animals and Society Institute
http://puffin.creighton.edu/phil/Stephens/Honors%20Courses/pdfs
/Human-AnimalStudies1.pdf. (5.06.2015)
Spannring, Reingard/Schachinger, Karin/Kompatscher, Gabriela/Boucabeille, Alejandro (Hrsg.): Disziplinierte Tiere? Perspektiven
der Human-Animal Studies für die wissenschaftlichen Disziplinen.
Bielefeld: Transcript, 2015.
Vorträge / Communications
Marise Chartrand (Ottawa)
« Grognements, reniflements et raisonnements » : L’importance
du chien chasseur à la construction du héros policier de la fin du
e
e
XIX siècle au début du XX siècle
Il n’est pas hors de l’ordinaire de rencontrer, dans la France de la
e
première moitié du XIX siècle, des voyous repentis, transformés en
policiers. Même si la sûreté ne prend plus de repris de justice à son
service à partir de 1832, le « syndrome de Vidocq », c’est-à-dire la
croyance que les malfaiteurs font les meilleurs policiers, est encore
répandue pendant plusieurs années. Cette croyance ne dote pas le
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policier du respect que la population devrait lui témoigner et lui
confère l’image d’un être cru, violent et rapporteur. Parallèlement,
la littérature de la Monarchie de juillet au Second Empire n’aide pas
à rétablir une image authentique de la police française. Balzac crée
Vautrin qui, avant de devenir chef de la police, est un « forçat évadé
du bagne de Toulon ». Le deuxième roman de Paul Féval, Les Mystères de Londres, présente Robin Cross, un policier paresseux, uniquement motivé par l’argent. Pensons également à Jackal, chef de
la police dans Les Mohicans de Paris (1854) qui connaît « tous les
voleurs, tous les filous, tous les bohémiens de Paris » et qui embauche d’anciens criminels, et à Rocambole (1857), personnage
éponyme qui devient justicier après son passage au bagne.
Quand Émile Gaboriau décide, en 1863, de faire du héros de son
prochain roman un agent de la sûreté, une lourde tâche se présente
à lui : réinventer le policier français. Rapidement, dans l’œuvre de
Gaboriau, mais aussi dans les fictions policières subséquentes, dont
celles de Sherlock Holmes (Arthur Conan Doyle), d’Arsène Lupin
(Maurice Leblanc) et de Joseph Rouletabille (Gaston Leroux), le
« bon » enquêteur se distingue facilement du « mauvais » par sa
ressemblance physique au chien de chasse et au comportement
animal qu’il endosse quand il se trouve sur la scène d’un crime.
Nous proposons, dans cette communication, de nous pencher sur la
e
e
relation entre le héros policier (fin du XIX siècle et début du XX
siècle) et celui du limier au sens propre du terme tout en réfléchissant aux paroles de Jean-Claude Vareille : « Rouletabille, Lupin ou
Holmes, lorsqu’ils deviennent chiens, ne s’abâtardissent pas en
créatures inférieures, ils se transforment vers le haut. Ils remontent
vers le Primitif et le Sacré ». Cette analyse nous mènera finalement
à comprendre comment ce rapprochement homme-animal permet
la réhabilitation de l’image associée au héros policier.
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Ninon Chavoz (Paris)
L’animal entre l’arche et l’alphabet : variations d’un vecteur de
connaissance dans l’espace africain.
La relation entre l’homme et l’animal dans l’espace africain francophone se traduit d’abord par un rapport d’identification religieuse
et métaphorique. Le roman ethnographique de Paul Hazoumé (Doguicimi, 1937) met ainsi en évidence une double fonction du motif
animalier – à la fois ingrédient des fétiches et à ce titre porteur de
qualités transmissibles à l’homme (comme d’ailleurs dans le cas des
contes et proverbes) et image symbolique de ce dernier. L’image de
l’animal vaut alors comme symbole de l’individu, ou comme forme
synthétique d’une épopée royale dont elle assure la remémoration.
Elle apparaît donc comme un lieu de mémoire humain, assurant la
préservation d’une connaissance historique particulière.
On s’attachera ici à la mise en évidence d’un double processus
d’assouplissement
de
cette
dynamique
symbolique
:
l’autonomisation de la figure animale et l’élargissement du champ
du savoir.
Chez Alain Mabanckou (Mémoires de porc-épic, 2006), si le double
animal reste le témoin privilégié de la vie de son maître, le récit se
fonde sur une rupture du lien d’identification, qui n’est d’ailleurs
scellé par aucune analogie physique ou formelle. L’animal narrateur, loin de constituer la pierre de touche d’un savoir sur l’homme
proféré par l’homme, se fait le penseur autonome d’une « science
de l’homme » qui rivalise avec celle des ethnologues. La prise de
conscience d’une altérité interspécifique ouvre ainsi la voie à un
nouveau mode de connaissance, caractérisé par la transformation
des perspectives et par l’élargissement du champ. Détaché d’une
relation binaire et médiée, l’animal ferait ainsi signe vers la variété
du monde offert à la connaissance et à un inventaire inachevé (voir
Ahmadou Kourouma, En attendant le vote des bêtes sauvages,
1998). L’alphabet bété proposé par Frédéric Bruly Bouabré (1923211
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2014) ne se fonde-t-il pas sur les formes animales ? De
l’ordonnancement d’une arche de la mémoire humaine à travers
l’image animalière (voir Sony Labou Tansy, Conscience de tracteur,
1979), on passe ainsi à une autonomisation de la figure, devenue
syllabe d’un monde et d’une connaissance universels.
Sophie Dubois (UNIVERSITÄT DES SAARLANDES)
Bestiaire beaulieusien : animaux et écriture chez Victor-Lévy Beaulieu
Depuis 2005, grâce au documentaire réalisé par Manon Barbeau, on
1
sait que Victor-Lévy Beaulieu vit « du bord des bêtes ». Dans la
maison de l’auteur à Trois-Pistoles, les bêtes côtoient les livres et
l’écriture prend place à l’intérieur d’un quotidien rythmé par
l’activité animale. La relation qui unit l’homme à ses animaux est
également au cœur de son essai, paru en 2010, Ma vie avec ces
animaux qui guérissent. Cet ouvrage est à la fois un essai autobiographique centré sur un aspect de la vie de l’auteur (son rapport
aux animaux) et un plaidoyer en faveur du respect et de la compréhension de la vie animale. Mais, pour les lecteurs des romans de
Beaulieu, cet essai évoque également des souvenirs de lecture, des
épisodes familiers, puisque, comme il l’avoue lui-même, les anecdotes contenues dans ce livre, il les a racontées plusieurs fois dans
2
ses récits fictifs .
C’est donc moins à une lecture de Ma vie avec ces animaux qui
guérissent que sera consacrée la communication proposée qu’à une
incursion dans l’œuvre romanesque à partir de cet essai. Il s’agit de
quitter le caractère harmonieux qui existe dans l’essai pour voir
comment les animaux sont présents – et présentés – dans quelques
romans de l’auteur québécois qui mettent le plus souvent en scène
son alter ego Abel Beauchemin. Appartenant soit à la sphère du réel
soit à celle de l’imaginaire, les animaux apparaissent en effet, dans
ces romans fortement métadiscursifs et autofictifs, comme des
partenaires d’écriture pour le personnage-écrivain.
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Deux périodes de l’œuvre seront abordées qui correspondent à
deux régimes symboliques entourant les animaux : l’un, « littéraire
et mythologique », datant des premiers romans (dans les années
1970), avec le chat et le cheval; l’autre, « historique et national »
(rattaché notamment à l’histoire du Québec), datant des années
2000, avec le cochon et le mouton. Littérature et mémoire nationale viennent ici se substituer au référent catholique présent dans
les bestiaires médiévaux, bien que certains référents bibliques, tels
l’agneau et l’arche de Noé, demeurent présents dans l’œuvre beaulieusienne, mais dans une forme renversée, typique du carnavalesque.
L’arche de Noé, devenue motif utopique dans le roman antiterre,
clôt en quelque sorte le cycle de l’animalité chez Beaulieu, alors
qu’Abel devient lui-même « laine de moutons, barbichette hirsute
de bouc, crinière huileuse de cheval » et qu’il peut dès lors s’apaiser
et « mâcher des fleurs de trèfle, cancaner, bêler et hennir tout dou3
cement ».
THERESA HIERGEIST (ERLANGEN-NÜRNBERG)
e
La relation homme-animal dans la France du XVI siècle et dans les
Essais de Michel de Montaigne
La différence anthropologique est un sujet qui donne de quoi discuter dans la société française de l’époque moderne. Dans les textes
philosophiques et théologiques, dans les traités de chasse et
d’agriculture, dans les histoires naturelles ainsi que dans la littérature la conception des animaux et de leur traitement se remettent
en question à ce temps-là. D’un côté, c’est dû à la mentalité de la
Renaissance, qui combine des idées chrétiennes et antiques; de
l’autre côté, c’est la conséquence d’une approche de plus en plus
curieuse et empirique des animaux, qui favorise qu’on les perçoive
comme des êtres autonomes au-delà des symbolismes qu’on leur
attribue par tradition.
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La contribution étudie dans quelle mesure ces débats sur la relation
homme-animal s’expriment dans les Essais de Michel de Montaigne.
Elle montre comment ce texte met en scène, cimente et renouvelle
la conception des animaux et de quelle manière il pense
l’interaction entre les espèces. Il fait donc ressortir les cadres dise
cursifs, dans lesquels surgissent les animaux au XVI siècle et démontre que Montaigne les utilise d’une façon ludique et performative et construit ainsi une nouvelle vision de la relation hommeanimal.
ROÏYA KHIREDDINE (ALGER)
Duel homme/animal dans le théâtre contemporain
L’objet du présent propos tend à s’interroger sur les rapports dramaturgiques et symboliques qu’entretiennent deux pièces théâe
trales du XX siècle. La première, étant Rhinocéros d’Eugène Ionesco
montée et mise en scène à Paris en 1959 ; la seconde, Rdjal Ya Hlalef du dramaturge algérien Omar Fetmouche créée au théâtre régional de Bejaïa (Algérie) exactement trente ans plus tard, en est
l’adaptation transculturelle.
Récemment rééditée, d’une part pour rendre hommage à son défunt metteur en scène et de l’autre parce que le public en a émis le
souhait, Rdjal Ya Hlalef semble développer une thématique toujours
d’actualité qui suscite un vif intérêt de la part du public. De ce fait,
nous cherchons à en comprendre la raison. Est-ce que le choix
d’Omar Fetmouche de transposer dans la fable le rhinocéros par un
sanglier est un choix anodin et sans incidence sachant toute la
charge symbolique de cet animal dans la culture arabomusulmane ? A-t-il uniquement crée sa pièce en 1989 pour répondre à des besoins esthétiques et artistiques comme le fait de
nourrir l’imaginaire du public ? Le type de rapports entre l’homme
et l’animal a-t-il un quelconque rapport avec la variante de métamorphose d’une trame dramatique à l’autre ?
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L’objectif de ce propos sera de montrer que cette œuvre transcende
cela et que l’orientation socioculturelle de lasymbolique animalière
choisie dans/pour la fable exprime une intentionnalité contestataire
sous-jacente qui fait de Rdjal Ya Hlalef une pièce engagée.
Pour ce faire, nous procéderons à une analyse textuelle des deux
pièces théâtrales à laquelle nous joindrons certaines réponses offertes par Omar Fetmouche lors d’une interview que nous avons
réalisée avec lui.
C’est principalement à ces questionnements, auxquels viendront se
greffer d’autres, que cette contribution tentera de répondre.
SYLVAIN LAVOIE (MONTREAL)
Animaux expérimentaux
Depuis sa fondation dans les années 1970, le Nouveau Théâtre
Expérimental (NTE) fait figure d’exception sur la scène culturelle
montréalaise. En 1977, la compagnie crée Zoo, un déambulatoire
« où se côtoient spécimens humains et espèces animales » : cette
faune bigarrée se compose en effet d’animaux empaillés et vivants
(trois petits cochons, des cailles, des carpes, etc.), d’une femme
accidentée, d’un couple nu (Jean-Pierre Ronfard, cofondateur de la
compagnie, et sa conjointe Marie Cardinal) et d’un comédien déguisé en « ours polaire des changements climatiques à venir ».
Trente-quatre ans plus tard, la compagnie récidive avec un spectacle éponyme, or cette fois-là les concepteurs misent plutôt,
comme objet d’étude, sur les pratiques qui façonnent la partie invisible du quotidien ; Zoo 2011 se vend comme « une grève humaine
qui […] éveillera la meute en toi ». Ainsi retrouve-t-on notamment,
dans cette foire vivante, des êtes marginaux qui « mettent en lumière d’autres aspects de la réalité ». Ce freak show vient, en
quelque sorte, placer l’humain en cage pour mieux en admirer les
différentes facettes dans l’économie de l’image.
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Enfin, en mars dernier on crée Animaux ; le NTE, dans ce cas-ci,
« toujours en quête de nouveaux défis, fait le pari qu’il est possible
d’orchestrer l’aléatoire et l’indomptable en plaçant des animaux en
situation de représentation. À l’heure du brunch – moment de la
journée où la lumière est à son zénith et la faune, pleinement éveillée –, les spectateurs sont conviés à venir rencontrer plusieurs espèces animales, dont deux authentiques spécimens humains ».
Cette communication veut interroger la mouvance anthropologique
que privilégie le NTE depuis ses débuts. Plus précisément, il s’agit de
voir comment, dans ces trois spectacles, la compagnie a exploité,
sur un même continuum, la question animale afin d’en tester le
pouvoir de représentation en se jouant constamment des codes (et
des limites) du théâtre.
MELANIE LENEVEU (AMIENS)
Les hommes-chevaux simoniens : étude des relations entre
l’homme et le cheval dans Le Cheval, La Route des Flandres et
L’Acacia de Claude Simon
L’étude des relations entre les hommes et les animaux dans les
œuvres de Claude Simon permet de constater la porosité de la frontière entre humanité et animalité, ce qui est particulièrement remarquable à travers l’exemple du cheval.
Claude Simon expose en effet dans son Discours de Stockholm le 10
décembre 1985, à la remise de son prix Nobel, ce qu’il nomme son
« magma d’images et de sensations ». Cette expression définit son
matériau d’écriture, lequel est inspiré notamment de son vécu et de
ses observations en tant que cavalier au 31e régiment de dragons
lors de la bataille de France au début de la Seconde Guerre Mondiale. Cette expérience est à l’origine de l’utilisation récurrente de
motifs liés aux chevaux et aux cavaliers dans plusieurs de ses
œuvres (La Route des Flandres, Le Cheval et L’Acacia) qui présentent les mêmes épisodes traités de manière différente.
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Ainsi, à leur lecture, on constate l’existence de figures hybrides
d’hommes-chevaux selon plusieurs modalités : la figure du centaure, l’homme ne faisant plus qu’un avec sa monture qui devient
bien plus qu’un simple outil ; l’homme chevalin, qui possède des
caractéristiques propres à l’animal (des caractéristiques physiques,
mais aussi une forme d’instinct animal qui se réveille dans le contexte guerrier, le soldat devenant-cheval au sens deuleuzien du
terme) ; le cheval humain, car on constate non seulement une humanisation des chevaux, mais aussi une superposition entre
l’homme et l’animal, puisque la condition humaine et la condition
animale sont fortement associées dans le cadre de la guerre et que
le cheval se fait miroir de l’homme.
ROLF LOHSE (BONN)
La fable revisitée
Des animaux à figure humaine et des êtres humains à figure
d’animaux comptent parmi les motifs les plus captivants et stimulants des récits proposés par la bande dessinée franco-belge. Plusieurs exemples récents - issus des plumes de Lewis Trondheim, de
Jean-Marc Rochette et de Jacques Lob ainsi que de Jean-Luc Masbou et de Alain Ayroles – posent les questions de l’origine et de
l’utilisation actuelle de ces motifs dans une perspective historique,
interculturelle et intermédiale. La conférence proposée vise à délimiter les champs de réponses possibles, afin d’élargir le questionnement de la section sur les relations entre humains et animaux
vers le “neuvième art” (Francois Lacassin), en s’interrogeant plus
particulièrement sur l’usage historique et contemporain des motifs
en question, et sur les prises de positions culturelles que constitue
cet usage.
SONJA MALZNER (ROUEN)
Von Wilden (und) Tieren: Scènes de chasse en Afrique coloniale
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Koloniale Eroberungskriege zielten auch darauf, die afrikanische
Natur zu dominieren. Die Jagd, vor allem die Großwildjagd, spielte
dabei eine herausragende Rolle. Sie erlaubte es, die eigene Überlegenheit zu beweisen: der Natur, den Einheimischen, sowie auch den
Jagdkameraden und – dank Trophäen und der Fotografie -, den
Daheimgebliebenen. Zu Beginn des 20. Jahrhunderts war der afrikanische Kontinent weitgehend „befriedet“, die Jagdlust allerdings
hielt an. So zu sehen an zahlreichen illustrierten Reiseberichten, in
denen Jagdszenen eine zentrale Rolle spielen. Europäische Reisende, Männer wie Frauen, profitierten von den Freiheiten auf diesem
‚wilden’ Kontinent, ihren Jagdleidenschaften zu frönen. An den
literarischen wie fotografischen Darstellungen solcher Jagdszenen in
zwei französischen Reiseberichten der ersten Hälfte des 20. Jahrhunderts (Hélène de France Duchesse d’Aoste: Voyages en Afrique
(1913) und Jacques Soubrier: Savanes et forêts (1936)) lässt sich
aber noch viel mehr ablesen als ein starker Drang zur Selbstdarstellung als Held(in) der Wildnis. Die Wahrnehmung derjenigen nämlich, ohne die eine Großwildjagd in Afrika unmöglich wäre: die einheimischen Jäger und Träger. Die meisten jagenden Reisenden sind
sich in ihren Berichten durchaus darin einig, dass die Afrikaner wahre Jagdkünstler sind, die mit Präzision und Disziplin vorgehen, wunderbare Exemplare für die europäischen Hobby-Jäger aufspüren
und scheinbar aussichtslose Situationen meistern. Diese Anerkennung von Professionalität, die in starkem Widerspruch zu den Klagen der (selben) Reisenden über vermeintlich inkompetentes afrikanisches Personal (im weitesten Sinne) steht, bedient jedoch
gleichzeitig eine Verfestigung des Klischees des Afrikaners als Primitiven, der ‚natürlich’ den Tieren näher steht als der Europäer. Und
so werden diese mitunter auch bezeichnet als „sauvages“ (Hélène
de France) oder als Menschen mit „visages bestiaux“ (Soubrier)
oder werden im Foto als sich mit der Buschlandschaft verschmelzende Wesen dargestellt. Das Ziel meiner Untersuchung soll aber
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nicht darin bestehen, ein Inventar rassistischer Darstellungs-formen
von Afrikanern zu erstellen – das wurde schon gemacht -, sondern
das Knäuel an Selbstinszenierungen (der Europäer, der Afrikaner)
und Fremddarstellungen im Kontext der afrikanischen Großwildjagd
etwas zu entwirren. Visuelle wie intermediale Aspekte stehen dabei
im Vordergrund.
SYLVÈRE MBONDOBARI (LIBREVILLE / SAARBRÜCKEN)
L’animal et l’effet-personnage dans le roman francophone contemporain. Microlecture de Temps de chien (Nganang) et de Mémoire de porc-épic (Mabanckou)
Si la présence d’animaux dans la littérature d’Afrique noire n’a rien
de singulier au point où l’on ne puisse penser cette littérature sans
des personnages comme Leuk-le-lièvre, Bouki-l’hyène (Senghor /
Sadji) ou Nze-la-panthère, force est de constater que cette évidence
ne concerne souvent que la littérature orale (Conte, devinette,
épopée, etc.). La littérature francophone contemporaine fait rarement appel à des personnages animaux. Il faut attendre le roman
Temps de chien de Patrice Nganang et Mémoire d’un porc épic
d’Alain Mabanckou pour voir le roman francophone se saisir véritablement de cette figure pour l’installer comme structure significative, à la fois comme métaphore et comme allégorie, dans l’espace
narratif. Toutefois, pour le fond comme pour la forme la littérature
contemporaine diffère de la littérature épique. Elle est un autre
monde, et même un nouveau monde, même si, au fond,
l’imaginaire de l’un est fortement tributaire de l’autre. Notre dessein est donc d’examiner à partir d’une microlecture comment
l’animal, dépassant les significations conventionnelles, participe à la
structuration du texte littéraire en même temps qu’il élabore de
nouvelles significations.
CHIARA MENGOZZI (HRADEC KRALOVE)
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Les marges de l’homme en jeu aux limbes du Pacifique
L’interprétation de Vendredi ou les limbes du Pacifique, célèbre
roman de Tournier, que je voudrais soumettre à votre attention
s’appuie sur deux considérations préliminaires : 1) à l’heure actuelle, il est souhaitable que les Postcolonial et les Animal Studies
trouvent de nouvelles formes de synergies. En effet, leur rapprochement ne peut se satisfaire ni de l’équation entre le traitement
des animaux et des êtres humains dans les contextes coloniaux ni
d’une image de l’altérité (qu’elle soit humaine ou non-humaine)
inéluctablement apparentée à la notion de victime ; 2) la dimension
symbolique du « double animal » identifiée par Arlette Bouloumié
n’épuise pas le rôle joué par les animaux non-humains dans le roman de Tournier. Autrement dit, du fait que les animaux représentés dans la littérature se prêtent systématiquement à être recodifiés dans un ordre symbolique renvoyant à la condition humaine (dans ce cas, à la quête identitaire de Robinson), il résulte
que le lecteur ne pourra échapper à cette « machine anthropomorphique » qu’en résistant, autant que possible, à l’attrait de
l’allégorie, pour adhérer en revanche à la lettre du texte. Pour Robinson, une fois advenu le naufrage et disparue la normativité sociale apte à contrôler la conformité de ses actions aux critères de
l’humanité, ce qui le différencie des animaux ne peut plus être vécu
de manière spontanée, voire non-problématique. Après avoir démontré que, dans la phase de l’île administrée, Robinson impose un
ordre basé sur la corrélation entre capitalisme, colonialisme et une
sexualité vécue selon le modèle œdipien, comme si l’humanité dans
son universalité se réduisait aux traits qui caractérisent la société
occidentale dans son développement historique (l’écriture, l’argent,
l’agriculture, etc.), je soutiendrai que, avant l’explosion provoquée
par Vendredi, c’est précisément le rapport qu’entretient ce dernier
avec les animaux qui bouleverse et ébranle Robinson par-dessus
tout. Enfin, je montrerai que le nouveau rapport à l’altérité (qu’elle
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Frankoromanistentag 2016 – Universität des Saarlandes
soit humaine ou animale) envisagé par le roman repose sur le jeu :
une pratique qui ne présuppose pas la connaissance de l’autre et
qui, par définition, excède les grandes antithèses catégoriques (vérité-fausseté ; bien-mal ; sagesse-folie ; nature-culture).
LOBNA MESTAOUI (ORT?)
Les rapports Humain/animal dans le contexte francophone subsaharien : Mémoires du porc-épic ou la subversion des réactualisations mythifiantes
Dès les années 70, des écrivains subsahariens francophones comme
Ahmadou Kourouma, Tierno Monénembo, Amadou Hampâté Bâ se
sont inscrits comme des auteurs réactualisateurs de l’oralité africaine, ses motifs et ses traditions mettant de ce fait en texte
l’animisme en tant que croyance en une âme, une force vitale animant tous les êtres. Il s’agit d’une représentation du monde où le
lien humain/ animal et même végétal a su préserver ses singularités
les plus archaïques où prédomine la perméabilité et la communication entre les règnes avec des notions comme le totémisme,
l’interdit ou encore la métamorphose : Les chants de chasseurs, les
mythes et les épopées encore vivaces attestent par ailleurs de cette
représentation.
A cette génération succèdera une nouvelle vague d’auteurs souvent
résidant en Occident et inscrits de plain-pied dans les réalités occidentales et leur rationalité comme Alain Mabanckou, Patrice Nganang ou encore Sami Tchak. Ils se distancient de cette inscription
animiste et archaïque soit par un humour sceptique et une remise
en question tacite de ces motifs en les intégrant comme des topos
mythiques au sens de mensongers, soit par une représentation plus
proche du modèle occidental.
Si le totémisme et la notion du double avec ses potentialités (invisibilité, télékinésie, pré-voyance) s’imposent comme des données
fondamentales de la littérature orale traditionnelle, véhiculées et
221
Frankoromanistentag 2016 – Universität des Saarlandes
inspirées par la philosophie animiste semblent être repris par certains auteurs francophones, ils se profilent dans Mémoires de porcépic comme la réécriture dérisoire et ironisante de ces mêmes motifs. Ainsi par ce choix l’écrivain congolais réintroduit certains archétypes de cette philosophie déjà réactualisés par ces prédécesseurs
(Kourouma, Monénembo, Hampâté Bâ) et destitue par son humour
la sacralisation tacite qui sous-tend l’écriture de ces derniers. Son
roman atteste de l’émergence d’une nouvelle représentation du
rapport humain/animal où l’animisme toujours territorialisé, confronté à la rationalité occidentale, est présenté selon l’auteur de la
quatrième de couverture du roman comme « fable », « conte » et
« légende » ; une lecture démythifiante reléguant les croyances au
rang d’œuvres d’imagination.
Nous nous attacherons dans notre communication à analyser à
travers Mémoires de porc-épic le roman de Mabanckou les interrogations suivantes :
Quelle représentation du totémisme et de la notion du double,
l’auteur nous donne-t-il ? Quel rôle l’ironie et l’humour jouent-ils
dans cette réécriture de ces deux notions ?
Quels écarts Mabanckou opère-t-il vis-à-vis de l’animisme traditionnel ? Quels écarts par rapport aux auteurs de la génération précédente comme Kourouma ou Monénembo ?
MANUEL MÜHLBACHER (MÜNCHEN)
La différence mimétique. Imitation humaine et animale chez Buffon, Condillac et Diderot
Parmi les critères dont on s’est servi depuis l’antiquité pour distinguer l’homme de l’animal, la mimèsis joue un rôle éminent. Déjà la
Poétique d’Aristote réserve aux hommes la capacité d’apprendre
par imitation. Des échos de ce parti pris se trouvent dans nombreux
textes philosophiques et poétologiques jusqu’à nos jours et présentent un intérêt particulier car, à travers la mimèsis, la frontière
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Frankoromanistentag 2016 – Universität des Saarlandes
entre l’homme et l’animal communique avec la question de la création littéraire et artistique.
Cette différence mimétique est susceptible d’être conceptualisée à
l’aide de la machine anthropologique décrite par Giorgio Agamben.
Au lieu d’être réservée exclusivement à l’homme, la mimèsis se
décompose le plus souvent en deux versions, l’une créatrice et
l’autre mécanique, qu’on attribue respectivement à l’homme et à
l’animal. Mais ce clivage est produit tout d’abord à l’intérieur de
l’homme : C’est au sein de l’imitation humaine qu’on cerne une
version déficitaire de la mimèsis pour la caractériser ensuite avec
des épithètes animales (« singer »).
Je voudrais retracer la fonction de la mimèsis au niveau anthropologique en me penchant sur une querelle qui naît aux années 1750
entre le comte de Buffon et l’abbé de Condillac. Tandis que Buffon
considère l’imitation comme un caractère purement animal, Condillac se fait le champion de la mimèsis humaine : Pour lui, ce n’est
que l’homme qui imite car la conduite des animaux est déterminée
par une organisation toujours identique. En sondant ces dichotomies, on finit chaque fois par retrouver une duplicité d’imitations
productrice et passive à l’intérieur de la mimèsis humaine. En revanche, Diderot cherche à rendre visible l’animalité de l’homme :
« sous la forme bipède de l’homme, il n’y a aucune bête innocente
ou malfaisante dans l’air, au fond des forêts, dans les eaux, que
vous ne puissiez reconnaître. » (Satyre première) Encore chez Diderot, cette tentative d’estomper les catégories est liée à la question
de la mimèsis. La différence mimétique communique ainsi avec les
débats esthétiques de l’époque.
Paul Munhoven (Paris)
De quels animaux l’humain est-il fait ?
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Frankoromanistentag 2016 – Universität des Saarlandes
François-Vincent Raspail (1794-1878) a joué un rôle significatif dans
la redéfinition des frontières entre humanité et animalité. Il jouit
d’une renommée basée sur une littérature scientifique abondante
et une réputation de « médecin du peuple » grâce à son manuel
d’automédication : sa célébrité lui a permis d’être le premier candidat socialiste aux élections présidentielles en France (1848).
Raspail est un scientifique atypique, à la fois à l’intérieur et en opposition au monde universitaire médical, il cherche à décloisonner
les grands classements du vivant. Le titre même de son ouvrage
phare, Histoire naturelle de la santé et de la maladie chez les animaux en général et en particulier chez l’homme sonne comme une
mise en garde taxinomique. Il y brosse de nombreux portraits anatomo-pathologiques sur la métamorphose des corps, tels celui du
goitreux qui voit sa « longue mamelle de chèvre pousser » ou celui
du malade de saturnisme qui sent ses doigts se changer en serres
d’aigles.
Dès ses premières recherches, Raspail a déplacé les frontières entre
humanité et animalité et pour une raison qui touche au but de son
travail : définir la cellule. Quand il étudie les invertébrés, il cherche à
comprendre si leur logique de fonctionnement est présente dans le
corps des humains. D’où la formule de son collègue JacquesFrédéric Saigey au sujet des larves aquatiques : « Ce mode de respiration appartient aux animaux les plus simples et semble faire partie inhérente de nos tissus ». Ainsi, Raspail, propose une relecture
de l’être humain en tant que composé, non pas d’animaux, mais de
cellules bien semblables à des animalcules. Il ouvre à ce stade une
zone de contact entre l’homme et l’animal au plus profond de l’être
humain : sa composition. D’une certaine manière Raspail crée un
pendant scientifique à l’idée de l’homme multiple de son contemporain Lamartine. Etudier les très petits animaux permettrait donc,
selon lui, de mieux connaître l’humain. Où est donc la frontière qui
les partage ? L’être humain est-il chimérique ? Avec le perfection224
Frankoromanistentag 2016 – Universität des Saarlandes
nement du microscope s’ouvre l’étude d’un nouveau monde vivant
à l’intérieur même de l’humain.
ISABELLE MOREELS (EXTREMADURA)
Le rôle adjuvant d’animaux (semi-)fantastiques dans la littérature
belge francophone
Nous appuyant sur un corpus constitué par un choix de romans et
nouvelles d’écrivains belges francophones de la deuxième moitié du
e
XX siècle jusqu’à nos jours, nous nous proposons d’analyser la
relation étroite qui s’installe brièvement ou de manière durable
entre le protagoniste de la diégèse et certains animaux d’ordre
(semi-)fantastique. Qu’il s’agisse, par exemple, de l’hipparion, cheval préhistorique surgi de la mer aux côtés d’un instituteur retraité
dans le roman L’Hipparion (1962) de Jean Muno, ou d’un catobarian, chat-singe hébergé par une jeune femme dans la nouvelle
d’Anne Richter, Olga et le catobarian (2008), ces animaux jouent un
rôle d’adjuvant dans le cheminement du personnage principal. À
l’opposé des animaux fantastiques maléfiques, il nous paraît dès
lors intéressant d’étudier les parallélismes non seulement des caractérisations de ces êtres venus d’ailleurs, présentés comme bien
réels, mais aussi des structures narratives qui les mettent en scène
dans les œuvres retenues. Nous souhaitons ainsi comprendre comment ces animaux étranges, sans être thaumaturges, offrent généralement une source d’épanouissement aux humains qu’ils accompagnent, dans le cadre d’un questionnement qui n’est pas sans
relation avec le devenir-animal décrit par Gilles Deleuze et Félix
Guattari.
SIMONE ORZECHOWSKI (UNIVERSITE DE LORRAINE)
Milou, Idéfix et Rantanplan: les acolytes canins des personnages
emblématiques de la bande dessinée francophone
225
Frankoromanistentag 2016 – Universität des Saarlandes
Même si la bande dessinée est depuis quelques années foisonnante, les personnages de référence, en France, pour le grand public n’en restent pas moins les grandes figures que l’on peut sommairement associer aux Trente Glorieuses : Tintin, Astérix et Lucky
Luke. Or il se trouve que les trois héros éponymes sont flanqués de
chiens qui, au fil des aventures, affirment leur présence au point de
devenir partie intégrante de ces aventures.
Milou, l’indéfectible compagnon de Tintin dès la première aventure
du petit reporter, est en quelque sorte l’archétype du chien dans la
bande dessinée francophone. Idéfix, apparu un peu par hasard aux
côtés d’Astérix et d’Obélix au bout de quelques albums, sut conquérir le cœur des lecteurs au point de devenir un personnage récurrent, certes plus discret et moins utile, mais néanmoins incontournable. Quant à Rantanplan, réputé être « le chien le plus stupide de
l’Ouest » et conçu comme contre-point du brillant Rintintin de la
série télévisée éponyme, il doit son succès au fait d’être toujours à
la hauteur de sa réputation.
L’étude de la représentation des trois chiens ainsi que du rôle qu’ils
jouent dans la vie et les aventures des héros devrait fournir un
aperçu d’une relation homme-animal bien particulière, qui
s’affranchit de la vraisemblance. En s’appuyant sur ces données, on
s’efforcera d’abord de faire ressortir les spécificités de chaque animal et de chaque relation homme-animal, pour finalement décrypter le pouvoir de suggestion que les relations ainsi mises en scène
peuvent avoir sur le lecteur.
TREVEUR PETRUZZIELLO (QUEBEC)
La quête du devenir-bête de Crab
La Nébuleuse du crabe, d’Éric Chevillard1 (1993) met en scène un
personnage singulier dénommé Crab, dont le « projet longtemps
caressé, longuement mûri » (NC : 12) est celui « de sombrer dans la
folie, tête la première, tête la seule, [et] ne garder jouissance que
226
Frankoromanistentag 2016 – Universität des Saarlandes
de son corps déboussolé » (NC : 13). Cet être de fiction, en plus de
s’inscrire en rupture avec la société, bouscule la fonction personnage : il déconstruit, à des degrés variables, la conception traditionnelle de personnage à la fois par l’instabilité de ses portraits physique, vestimentaire, psychologique et biographique. Comme le
souligne à juste titre Olivier Bessard-Banquy dans Le roman ludique,
« Crab paraît n’avoir que son nom d’invariable » (2003 : 249). Devant ce phénomène d’amenuisement du personnage, notre intérêt
ici est d’observer quel sens peut revêtir la représentation de cet
être fictionnel et de quelle vision du monde participe l’œuvre qui
l’accueille. Notre hypothèse est que le nom animalier du personnage annoncerait de manière symbolique son profil psychologique.
À cet égard, nous proposons que l’agir du personnage serait motivé
par la nature mimologique de son nom et que, corollairement, Crab
serait animé par une double quête animalière (celle de devenir bête
– s’abêtir –, et de devenir une bête). Dans cette perspective, cette
œuvre proposerait comme vision du monde une conception de
l’homme où une inadéquation assumée avec la société et une marginalité comme mode existentiel seraient prônées, laquelle ferait
écho à la thèse de l’homme à l’état de nature de Jean-Jacques
Rousseau. Cette communication s’appuiera sur l’analyse sémiologique du personnage de Philippe Hamon, l’approche mimologique
de Gérard Genette, ainsi que la thèse de l’homme à l’état de nature
de Jean-Jacques Rousseau.
ANGELICA RIEGER (AACHEN)
Le monde animalier merveilleux du Moyen Âge
Pour rencontrer les animaux merveilleux du Moyen Âge, les héros
doivent transgresser les limites du quotidien, partir en voyage, traverser des forêts enchantées, entrer dans es autre-mondes. La littérature française médiévale est peuplée de véritables troupeaux
d’animaux fantastiques qui croisent les chemins de voyage de ces
227
Frankoromanistentag 2016 – Universität des Saarlandes
héros – les dragons, bêtes fantastiques et monstres sauvages qu’ils
rencontrent pendant leurs aventures, dans les forêts, au bord de
l’eau, dans des lacs et rivières sont légion : écrevisses et lions
géants, sangliers monstrueux et porcs sauvages, licornes, dragons et
griffons, sans compter les habitants mystérieux des jungles indiennes dans le Roman d’Alexandre, le serpent-dragon chez Chrétien de Troyes, etc.
Avec, au centre de mon intérêt, les animaux fantastiques qui marquent les stations du voyage d’Alexandre en Orient, je proposerai –
pour permettre une analyse structurée de leur place et fonction
dans le récit – un choix de ces « complexes intermédiaux (Roloff)
formés par leurs descriptions dans le texte, les rubriques et leurs
représentations dans les miniatures.
SEBASTIEN RIVAL (HAMBURG)
Esquisses animales
L’« art séquentiel », expression tirée d’une définition proposée par
Will Eisner pour qualifier les bandes dessinées, les comics, les mangas et les romans graphiques, offre plus qu’aucun autre objet culturel un rôle graphique et narratif essentiel aux animaux en les mettant en scène ou les dotant du langage. Le couronnement mondial
de Maus d’Art Spiegelmann en 1992 par le prix Pulitzer en est un
exemple retentissant, mais un exemple qui s’inscrit dans une longue
e
tradition remontant aux confins du XX siècle tant aux États-Unis
qu’en Europe. Cette communication se propose, en prenant en
particulier appui sur les travaux déjà initiés en ce sens par Thierry
Groensteen ou Harry Morgan, d’esquisser à partir d’œuvres majeures de la tradition dite « franco-belge » une typologie des représentations animales et des relations hommes-animaux dans ce medium graphique. Si on assiste plutôt rarement à une distinction
nette entre les espèces, où les animaux seraient traités de manière
réaliste, la caricature et l’anthropomorphisme, procédés déjà lar228
Frankoromanistentag 2016 – Universität des Saarlandes
gement répandus dans la mythologie ou la fable, sont courants
qu’ils s’agissent d’animaux dotés de quelques traits humanoïdes et
en charge de certains types de commentaires sur leur comparses
humains, ou bien d’animaux anthropomorphes auxquels on prête
plus ou moins d’éléments typiquement humains (bipédie, habits par
exemple…). Ils sont d’ailleurs si répandus qu’Harry Morgan qualifie
les protagonistes relevant de cette catégorie d’ « aborigènes des
littératures dessinées ». Nous tacherons aussi d’évoquer bien entendu l’hybridité ou la thérianthropie, deux procédés courant dans
les œuvres de science-fiction, et de montrer que l’animal s’impose
comme un référent graphique implicite un grand nombre d’œuvres.
Nous essaierons de considérer dans cette perspective les particularités du medium que constitue l’art séquentiel et les facteurs contribuant à la récurrence de ce motif en son sein, tout comme nous
observerons que tous les animaux n’y semblent pas logés à la même
enseigne.
ANNE SIMON (PARIS)
Présentation de la zoopoétique
Approche littéraire des textes fondée sur un renouvellement des
interfaces avec des disciplines relevant des sciences humaines et
sociales tout comme des sciences du vivant, la zoopoétique a pour
objectif de mettre en valeur la pluralité des moyens stylistiques que
les écrivains mobilisent pour restituer la diversité des comportements, des interactions, des affects et des mondes animaux. Attentive aux autres disciplines qui placent les bêtes au centre de leur
réflexion, elle tente de cerner ce qui en elles fait débat pour proposer une vision renouvelée de la littérature et des relations humains/animaux : si des croisements avec la philosophie, l’histoire ou
la sociologie ne sont pas inédits, des disciplines comme l’éthologie,
la zootechnie, la biosémiotique, l’éthique, l’anthropologie ou le
droit fonctionnent en revanche comme des points d’ancrage ou de
229
Frankoromanistentag 2016 – Universität des Saarlandes
déplacement plus inattendus. La zoopoétique entretient enfin des
liens étroits, entre dialogue et décalage, avec des méthodes et des
Studies ayant majoritairement cours dans d’autres aires culturelles,
notamment nord-américaines et anglo-saxonnes.
L’objectif de la conférence sera de proposer un état de ce champ et
une esquisse des perspectives de recherche aujourd’hui.
MARTINA STEMBERGER (WIEN)
Von Metamorphosen und anderen Schweinereien: Der literarische
Zoo Marie Darrieussecqs
„Je trouve que les animaux sont drôles. Ils nous obligent à une métaphysique instantanée: qu’est-ce qui nous sépare d’eux? Qu’est-ce
qui nous fait humain? C’est peut-être le sujet de mes livres en
général“, erklärt Marie Darrieussecq, Ovid-Übersetzerin und literarische Spezialistin für die Metamorphosen einer prekären Menschlichkeit zwischen Tier und Gespenst, animalischer Regression und
im Freud’schen Sinne unheimlicher Naissance des fantômes (1998),
Schöpferin eines vielfältigen idiosynkratischen Bestiariums (bzw.
auch maritimen „bestiaire à l’envers“). In diesem Vortrag – literaturund kulturwissenschaftliche Exkursion durch den reich bevölkerten
Zoo Darrieussecqs – soll neben dem Romanwerk der Autorin (angefangen mit dem metamorphotischen Debütroman Truismes, 1996)
auch ihre weniger bekannte dramatische und novellistische Produktion – die in poetologischer Hinsicht besonders aufschlussreichen
Novellen aus dem Band Zoo (2006) ebenso wie der experimentelle
Theatertext Le Musée de la mer (2009) – mit Fokus auf die darin
inszenierten
Mensch-Tier-Beziehungen
und
Mensch-TierGrenzüberschreitungen untersucht werden. Die sich sukzessive in
eine – schreibende – truie verwandelnde (Anti-)Heldin der Truismes
(laut Darrieussecq quasi „un manifeste littéraire“ und zugleich „mon
roman le plus autobiographique“), der sprechende Affe Marcel
(„Connaissance des singes“) und die schließlich als monströse Toch230
Frankoromanistentag 2016 – Universität des Saarlandes
ter adoptierte tierische „chose intolérable“, die sich im Domizil der
Schriftstellerin einnistet („My Mother told me monsters do not
exist“), das doppelte – menschlich-animalische, gendertransgressive – Hybridwesen Bella (Le Musée de la mer), inkarnierte
Herausforderung aller etablierten biologischen und ontologischen
Kategorien, aber auch die jugendliche Protagonistin von Clèves
(2011), die auf dem Höhepunkt ihrer pubertären Auseinandersetzung mit ihrer eigenen Kreatürlichkeit den Versuch unternimmt,
sich die Welt aus phänomenologisch verfremdeter Perspektive
„sans les humains“ vorzustellen: Sie alle werfen die – philosophische wie künstlerische – Frage nach den Grenzen der Menschlichkeit auf, die Frage auch nach der Relation zwischen menschlicher
Identität und Sprache bzw. jener „zone où il n’y a pas de mots“, in
die sich die Autorin und Psychoanalytikerin Darrieussecq auf der
Suche nach dem „non-dit“, dem „sans-mot“, nach „cette chose hors
langage qu’on a dans la tête“ beharrlich vorarbeitet, entsteht der
literarische Text doch, so Darrieussecq, stets „pour le corps. Au sens
où Deleuze disait: ‚écrire pour les animaux’“.
CARLOS TELLO (PARIS)
Une bête parmi d’autres : Animal et post-humain dans deux romans de Michel Houellebecq
Si le nourrisson humain, seul de tout le règne
animal, manifeste immédiatement sa présence au monde
par des hurlements de souffrance incessants, c’est bien
entendu qu’il souffre, et qu’il souffre de manière intolérable
La Possibilité d’une île
Dès le début de sa vie, l’être humain de Michel Houellebecq se voit
prisonnier de deux constats fatals, irrémédiables : en premier lieu, il
ne pourra pas être heureux, toute quête du plaisir et du bonheur
est vaine car, deuxième constat, la vie matérielle, l’existence, du
point de vue physique, moral et social, est un processus de dégrada-
231
Frankoromanistentag 2016 – Universität des Saarlandes
tion irréversible. Dans les romans Les Particules élémentaires et La
Possibilité d’une Île, est introduite une perspective que nous pourrions appeler post-humaine, qui donne la voix à des êtres ayant
dépassé la sexualité et donc la mortalité, ainsi que l’égoïsme,
l’individualité et la douleur, ce qui permet un regard distancié et
analytique de la condition humaine et de la réalité. Le résultat de
cette analyse froide et éloignée signifie, à plusieurs reprises, la mise
en parallèle de la condition animale et de la condition humaine.
L’incessante activité humaine acquiert donc les traits d’une histoire
naturelle. Bruno, le personnage désabusé des Particules, est frustré
37
ni plus ni moins qu’une poule affamée ; la domination, la brutalité
et la cruauté générales chez le chimpanzé sont des tendances
propres aussi aux enfants et aux adolescents dans les sociétés hu38
maines développées ; ou bien les animaux domestiques souffrent
de la solitude et l’abandon tout à fait comme les humains dans les
39.
mêmes conditions
Dans ce contexte, les sentiments, les projets et l’entreprise humaine
en général acquièrent un caractère plus léger, voire futile. Une fois
que les frontières classiques qui séparent l’homme, l’animal et la
chose sont mises en question, voire effacées, les oppositions bi37
La première réaction d’un animal frustré est généralement d’essayer avec plus de
force d’atteindre son but. Par exemple une poule affamée (Gallus domesticus),
empêchée d’obtenir sa nourriture par une clôture en fil de fer, tentera avec des
efforts de plus en plus frénétiques de passer au travers de cette clôture. Peu à peu,
cependant ce comportement sera remplacé par un autre, apparemment sans objet.
Ainsi les pigeons (Columba livia) becquettent fréquemment le sol lorsqu’ils ne peuvent obtenir la nourriture convoitée, alors même que le sol ne comporte aucun objet
comestible. Non seulement ils se livrent à ce becquetage indiscriminé, mais ils en
viennent fréquemment à lisser leurs ailes ; un tel comportement hors de propos,
fréquent dans les situations qui impliquent une frustration ou un conflit, est appelé
activité de substitution. Début 1986, peu après avoir atteint l’âge de trente ans,
Bruno commença à écrire. (Particules, 221-222)
38
Particules, p. 59.
39
Possibilité, p. 75.
232
Frankoromanistentag 2016 – Universität des Saarlandes
naires ne sont plus fonctionnelles. Les trois sphères se touchent, se
mélangent et s’expliquent entre elles. Les différences entre
l’animal, l’humain et le post-humain, nous dit Michel Houellebecq,
ne sont pas d’essence mais de degré.
NIELS WERBER (SIEGEN)
Biene und Gesellschaft. Soziale Insekten bei Maurice Maeterlinck
und Gabriel Tarde
Tier-Mensch-Beziehungen nehmen eine gänzlich andere Gestalt an,
wenn gesellschaftsbildende Arten ins Spiel kommen, weil in diesem
Fall eine Grenze zwischen Tier und Mensch eingerissen wird. Für
Aristoteles zählt nicht nur der Mensch zu den „politischen Tieren“,
sondern auch die Ameise und die Biene seien staatenbildende Wesen. Ein "zoon politikon“ sei jedenfalls nicht nur der Mensch, sondern auch andere Tiere; und umgekehrt erinnert der Terminus daran, dass selbstredend auch Menschen als Tiere zu behandeln seien
und einen Ort in der Naturgeschichte der Thiere erhalten.
Was die Gesellschaftsbildung betrifft, lassen sich daher seit der
Antike Menschen und Soziale Insekten trefflich vergleichen; und
man hat immer wieder versucht, in den Staaten der Ameisen und
Bienen die Geheimnisse des Sozialen zu entschlüsseln, die unsere
Gesellschaft auszeichnet. Dies gilt noch für Maeterlinck und Tarde,
die zu Beginn des 20. Jahrhunderts in den sozialen Insekten ein
Reflexionsmedium der menschlichen Kultur entdecken und einerseits bei den Ameisen und Bienen nach alternativen Gesellschaftsformen Ausschau halten, anderseits in ihren Gesetzen des Zusammenlebens Muster erkennen, nach denen auch eine Ethologie des
Menschen als Gesellschaftswesen zu schreiben wäre. Der Beitrag
exploriert, wie Maeterlinck und Tarde auf Insektengesellschaften
und entomologische Theorien zurückgreifen und etablierte Grenzen
zwischen Mensch und Tier in Frage stellen, um die Selbstverständ-
233
Frankoromanistentag 2016 – Universität des Saarlandes
lichkeiten des Selbstbildes der Gesellschaft um 1900 herauszufordern.
234