Détail d`une jurisprudence judiciaire

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Détail d`une jurisprudence judiciaire
Cour de cassation
chambre sociale
Audience publique du mercredi 3 février 2010
N° de pourvoi: 08-41872
Publié au bulletin
Cassation
Mme Mazars (conseiller doyen faisant fonction de président), président
Me Blondel, SCP Peignot et Garreau, avocat(s)
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée le 1er juillet 1998 par l'association Office du tourisme
de Thueyts, aux droits de laquelle vient l'association Office du tourisme du Val d'Ardèche, en qualité d'hôtesse
d'accueil dans le cadre d'un contrat emploi solidarité, renouvelé à deux reprises jusqu'au 25 décembre 1999 ;
que les parties ont conclu le 1er janvier 2000 un contrat emploi-jeune d'une durée de cinq ans ; qu'estimant ne
pas avoir été remplie de ses droits, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident, qui est préalable :
Vu les articles L. 5134-1, L. 5134-2 et D. 5134-4 du code du travail ;
Attendu qu'il résulte de la combinaison de ces textes qu'aucun contrat emploi-jeune ne peut être conclu avant la
signature de la convention avec l'Etat ;
Attendu que pour débouter la salariée de sa demande en requalification du contrat emploi-jeune en contrat à
durée indéterminée, la cour d'appel a retenu que la signature par le préfet de l'Ardèche et l'employeur, le 4
janvier 2000 d'une convention conforme aux exigences de la loi est sans effet sur la validité du contrat conclu
antérieurement le 1er janvier 2000, qu'il importait seulement que cette convention existât et que le fait qu'elle
eût été signée postérieurement au contrat de travail ne rendait pas ce dernier sans effet ou nul, ce qui excluait
sa requalification en contrat à durée indéterminée et que la commune intention des parties avait bien été de
signer un contrat emploi-jeune à durée déterminée de cinq ans ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le contrat emploi-jeune avait été conclu le 1er janvier 2000
et avant la date de la signature de la convention avec l'Etat, intervenue le 4 suivant, de sorte que le contrat
emploi-jeune devait être requalifié en un contrat de droit commun à durée indéterminée, la cour d'appel a violé
les textes susvisés ;
Et attendu que la cassation sur le moyen unique du pourvoi incident entraîne la cassation sur le premier moyen
du pourvoi principal ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen du pourvoi principal :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 février 2008, entre les parties, par la cour
d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit
arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Condamne l'association Office du tourisme du Val d'Ardèche aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'association Office du tourisme du Val d'Ardèche à payer
à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour
être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience
publique du trois février deux mille dix. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits au pourvoi principal par Me Blondel, avocat aux Conseils pour l'association Office du tourisme
du Val d'Ardèche.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné l'ASSOCIATION OFFICE DU TOURISME DU VAL
D'ARDECHE à payer à Madame Sabine X... un rappel de salaires, un rappel de prime d'ancienneté, une
gratification annuelle, les congés payés afférents et la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du
Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QU'il résulte de l'article L. 320-4-20 du Code du travail que le contrat emploi jeune est un contrat
de droit privé ; qu'en tant que tel, il est soumis à l'ensemble des dispositions légales ou réglementaires prévues
par le Code du travail à l'exception de dispositions spécifiques qui sont prévues pour les emplois jeunes ; que
l'article L. 322-4-20 dispose en son alinéa 2 que : « lorsqu'ils sont pérennisés, les emplois pour lesquels ces
contrats ont été conclus, seront intégrés dans les grilles de classifications des conventions ou accords collectifs
dont relève l'activité, lorsque ces conventions ou accords existent » ; que le juge départiteur se fondant sur
cette disposition du Code du travail a considéré que la convention collective des organismes de tourisme ne
pouvait pas s'appliquer à la salariée engagée dans le cadre d'un contrat emploi-jeune puisque son emploi n'avait
pas été pérennisé ; que cependant, il doit être souligné que la convention conclue le 4 janvier 2000 entre
l'employeur de Madame X... et le Préfet stipule que « le salaire sera conforme à la convention collective qui
s'applique dès l'embauche » ; que cette stipulation signifie bien que la salariée embauchée dans le cadre d'un
emploi jeune devait bénéficier de l'application d'une convention collective ; que cet engagement permet ainsi au
salarié engagé dans le cadre d'un contrat emploi jeune de bénéficier des avantages consentis aux autres salariés
sans qu'elle soit soumise à la pérennisation de son emploi ; qu'en l'espèce le contrat de travail ne précise pas
l'emploi exact occupé par la salariée ; que cependant, il définit les fonctions que celle-ci devait remplir à savoir,
accueil et renseignements, le recensement des structures d'accueil, secrétaire et à des activités de
l'établissement, conception et développement de circuits touristiques, collaboration avec d'autres établissements
similaires pour favoriser les activités de la population touristique ; qu'à la date du 1er janvier 2000, soit au jour
de la signature du contra emploi jeune, Madame X... avait d'ores et déjà travaillé pour le compte de l'Office du
tourisme pendant 18 mois et avait donc acquis une expérience professionnelle ; que par ailleurs, elle s'est vue
confier des tâches allant au delà de la seule fonction d'agent d'accueil ; que dès lors, compte tenu de son
expérience professionnelle et des tâches ainsi confiées cette salariée aurait bénéficier du paiement du salaire du
pour l'emploi d'agent d'accueil première catégorie coefficient 154 prévue à la convention collective des
organismes de tourisme ; qu'elle devait en outre et tels que cela est stipulé à ladite convention collective
bénéficier également du versement d'une prime d'ancienneté de 3 % après trois années de présence plus 1 %
pour chaque année supplémentaire, et d'une gratification de fin d'année ou de fin d'exercice accordé aux salariés
ayant au moins six mois d'ancienneté ; que dès loirs, et par application des dispositions de la convention
collective des organismes de tourisme, et au visa de la grille des salaires minima, il est du, selon un décompte
produit par la partie appelante qui ne fait l'objet d'aucune contestation sur les montants, à Madame X... les
sommes suivantes :
- au titre du rappel de salaire pour les années 2000 à 2004 la somme de 11 886, 67 euros,
outre la somme de 1 188, 66 euros au titre des congés payés afférents,
- la somme de 2 278, 68 euros au titre de la prime d'ancienneté outre les congés payés afférents soit 227, 86
euros,
- la somme de 750 euros au titre de la gratification annuelle outre 75 euros au titre des congés payés afférents ;
qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la partie appelante la totalité des frais compris dans les dépens
qu'elle a exposés ; qu'il convient de lui allouer la somme de 1000 euros en application de l'article 700 du
Nouveau Code de procédure civile ;
ALORS QUE selon les dispositions de l'article L. 322-4-20 devenu l'article L. 5134-12 du Code du travail,
lorsqu'ils sont pérennisés, les emplois pour lesquels les contrats emploi-jeune ont été conclus sont intégrés dans
les grilles de classification des conventions ou accords collectifs dont relève l'activité lorsque ces conventions ou
accord existent ; qu'en l'espèce, pour condamner l'ASSOCIATION OFFICE DU TOURISME DU VAL D'ARDECHE à
verser à Madame X... un rappel de salaire, de prime et une gratification annuelle, la Cour considère que la
convention conclue entre l'employeur et l'Etat prévoit l'application de la convention collective du tourisme et qu'il
n'est pas donc pas nécessaire que l'emploi en cause ait été pérennisé ; qu'en statuant ainsi, la Cour viole le
texte susvisé.
SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné l'ASSOCIATION OFFICE DU TOURISME DU VAL D'ARDECHE à
payer à Madame Sabine X... la somme de 11 886, 67 euros au titre du rappel de salaire pour les années 2000 à
2004 et celle de 888, 66 euros au titre des congés payés y afférents ;
AUX MOTIFS QU'il résulte de l'article L. 320-4-20 du Code du travail que le contrat emploi jeune est un contrat
de droit privé ; qu'en tant que tel, il est soumis à l'ensemble des dispositions légales ou réglementaires prévues
par le Code du travail à l'exception de dispositions spécifiques qui sont prévues pour les emplois jeunes ; que
l'article L. 322-4-20 dispose en son alinéa 2 que : « lorsqu'ils sont pérennisés, les emplois pour lesquels ces
contrats ont été conclus, seront intégrés dans les grilles de classifications des conventions ou accords collectifs
dont relève l'activité, lorsque ces conventions ou accords existent » ; que le juge départiteur se fondant sur
cette disposition du Code du travail a considéré que la convention collective des organismes de tourisme ne
pouvait pas s'appliquer à la salariée engagée dans le cadre d'un contrat emploi-jeune puisque son emploi n'avait
pas été pérennisé ; que cependant, il doit être souligné que la convention conclue le 4 janvier 2000 entre
l'employeur de Madame X... et le Préfet stipule que « le salaire sera conforme à la convention collective qui
s'applique dès l'embauche » ; que cette stipulation signifie bien que la salariée embauchée dans le cadre d'un
emploi jeune devait bénéficier de l'application d'une convention collective ; que cet engagement permet ainsi au
salarié engagé dans le cadre d'un contrat emploi jeune de bénéficier des avantages consentis aux autres salariés
sans qu'elle soit soumise à la pérennisation de son emploi ; qu'en l'espèce le contrat de travail ne précise pas
l'emploi exact occupé par la salariée ; que cependant, il définit les fonctions que celle-ci devait remplir à savoir,
accueil et renseignements, le recensement des structures d'accueil, secrétaire et à des activités de
l'établissement, conception et développement de circuits touristiques, collaboration avec d'autres établissements
similaires pour favoriser les activités de la population touristique ; qu'à la date du 1er janvier 2000, soit au jour
de la signature du contra emploi jeune, Madame X... avait d'ores et déjà travaillé pour le compte de l'Office du
tourisme pendant 18 mois et avait donc acquis une expérience professionnelle ; que par ailleurs, elle s'est vue
confier des tâches allant au delà de la seule fonction d'agent d'accueil ; que dès lors, compte tenu de son
expérience professionnelle et des tâches ainsi confiées cette salariée aurait bénéficier du paiement du salaire du
pour l'emploi d'agent d'accueil première catégorie coefficient 154 prévue à la convention collective des
organismes de tourisme ; qu'elle devait en outre et tels que cela est stipulé à ladite convention collective
bénéficier également du versement d'une prime d'ancienneté de 3 % après trois années de présence plus 1 %
pour chaque année supplémentaire, et d'une gratification de fin d'année ou de fin d'exercice accordé aux salariés
ayant au moins six mois d'ancienneté ; que dès lors, et par application des dispositions de la convention
collective des organismes de tourisme, et au visa de la grille des salaires minima, il est du, selon un décompte
produit par la partie appelante qui ne fait l'objet d'aucune contestation sur les montants, à Madame X... les
sommes suivantes :
- au titre du rappel de salaire pour les années 2000 à 2004 la somme de 11 886, 67 euros,
outre la somme de 1 188, 66 euros au titre des congés payés afférents,
- la somme de 2 278, 68 euros au titre de la prime d'ancienneté outre les congés payés afférents soit 227, 86
euros,
- la somme de 750 euros au titre de la gratification annuelle outre 75 euros au titre des congés payés afférents ;
qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la partie appelante la totalité des frais compris dans les dépens
qu'elle a exposés ; qu'il convient de lui allouer la somme de 1000 euros en application de l'article 700 du
Nouveau Code de procédure civile ;
ALORS QUE, D'UNE PART, pour condamner l'ASSOCIATION OFFICE DU TOURISME DU VAL D'ARDECHE à payer à
Madame X... un rappel de salaires pour les années 2000 à 2004, la Cour considère que la salariée était en droit
de bénéficier du coefficient 154 de la convention collective des organismes du tourisme ; qu'en statuant ainsi,
cependant que la salariée fondait sa demande de rappel de salaires pour la période de 2000 à 2002 sur le
bénéfice du coefficient 154 de la classification et pour la période de 2003 à 2004 sur le bénéfice de l'échelon
supérieur 1. 2 de la nouvelle classification conventionnelle, la Cour méconnaît les termes du litige et partant,
viole l'article 4 du Code de procédure civile ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, et en toute hypothèse, la classification des emplois de la Convention collective
nationale des organismes du tourisme a été modifiée par l'accord collectif du 10 décembre 2001, étendu par
arrêté du 9 décembre 2002 ; qu'en l'espèce, pour condamner l'ASSOCIATION OFFICE DU TOURISME DU VAL
D'ARDECHE à verser à Madame X... un rappel de salaires pour les années 2000 à 2004, la Cour se borne à
énoncer que la salariée peut bénéficier du coefficient 154 de la convention collective du tourisme ; qu'en
statuant ainsi, bien que ce coefficient ne figure plus dans la classification conventionnelle applicable à compter
de l'année 2003, la Cour ne justifie pas légalement sa décision au regard de l'accord collectif précité tel
qu'étendu et modifié. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Peignot et Garreau, avocat aux Conseils pour
Mme X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Madame Sabine X... de ses demandes tendant à obtenir la
requalification du contrat de travail emploi-jeune en contrat de travail à durée indéterminée et la condamnation
de l'employeur à lui verser diverses indemnités de rupture outre des dommages et intérêts pour licenciement
sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE : « Madame X... fait valoir que le contrat de travail signé par elle et l'Office de Tourisme de
THUEYTS le 1er janvier 2000 ne fait aucunement référence à la convention conclue à la date du 4 janvier 2000
entre le préfet et l'employeur ; qu'elle considère dès lors que son contrat de travail ne satisfait pas aux
exigences de l'article L. 322-4-18 du Code du travail et qu'il doit être requalifié en contrat à durée indéterminée
; que l'article L. 322-4-18 du Code du travail donne une définition de l'emploi-jeune ; que l'article L. 322-4-20
du même code précise la nature du contrat emploi-jeune ; que le contrat signé par l'Office de tourisme et la
salariée, Madame Sabine X..., précise bien qu'il s'agit d'un contrat appelé emploi-jeune d'une durée déterminée
de cinq ans allant du 1er janvier 2000 au 1er janvier 2005 réglementé par la loi de 1998 ; qu'il est stipulé en
outre que ce contrat est à plein temps et que la rémunération doit être égale au SMIC conformément à la loi ;
qu'il est donc bien fait référence à la notion d'emploi-jeune et la signature par le préfet de l'Ardèche et
l'employeur le 4 janvier 2000 d'une convention conforme aux exigences de la loi est sans effet sur la validité du
contrat conclu antérieurement le 1er janvier 2000 ; qu'il revient à l'employeur d'une part, d'établir, de signer une
convention avec l'Etat et d'appliquer les clauses y figurant et, d'autre part, de respecter les conditions prévues
par cette convention et par l'article L. 322-4-20 du code du travail et notamment celles relatives à la durée (60
mois) du contrat emploi-jeune et à sa rupture ; qu'il importe seulement que cette convention existe, ce qui est
le cas en espèce, et le fait qu'elle ait été signée postérieurement au contrat de travail ne rend pas ce dernier
sans effet ou nul ce qui exclut sa requalification en contrat à durée déterminée avec toutes les conséquences
liées à sa rupture ; que la commune intention des parties a bien été de signer un contrat emploi-jeune à durée
déterminée de cinq ans » ;
ALORS D'UNE PART QUE la conclusion d'un contrat de travail emploi-jeune doit donner lieu à la conclusion
préalable d'une convention entre l'employeur et l'Etat ; qu'à défaut le contrat de travail emploi-jeune doit être
requalifié en contrat de travail à durée indéterminée puisque les conditions pour conclure un contrat
emploi-jeune ne sont pas remplies au moment de la signature du contrat de travail ; qu'en décidant qu'il suffisait
que la convention entre l'Etat et l'employeur existe, cependant qu'elle constatait que ladite convention avait été
signée postérieurement au contrat de travail, la Cour d'appel a violé l'article L. 322-4-18 du Code du travail ;
ALORS D'AUTRE PART QUE le juge est tenu de donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes
litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ; qu'ayant constaté que les parties
avaient conclu le contrat de travail avant même que l'employeur n'ait conclu la convention pluriannuelle avec le
Préfet, la Cour d'appel, qui a refusé d'en déduire que la salariée était liée à l'employeur par un contrat de travail
à durée indéterminée de droit commun à compter du 1er janvier 2000 au motif que la commune intention des
parties avait été de signer un contrat emploi-jeune, a méconnu les dispositions de l'article 12 du Code de
procédure civile, ensemble l'article L. 121-1 devenu l'article L. 1221-1 du Code du travail.
Publication :
Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes du 20 février 2008