La condition résolutoire en droit du travail

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La condition résolutoire en droit du travail
LA CONDITION RESOLUTOIRE EN DROIT DU TRAVAIL
Denis PHILIPPE
Professeur extraordinaire à l’Université catholique de Louvain et à l’Ichec
Avocat aux Barreaux de Bruxelles et de Luxembourg1
1.- C’est un honneur et un plaisir pour moi de rendre hommage à Maître Claude WANTIEZ,
qui était assistant en droit social lorsque je faisais mes études à Louvain et qui était mon collègue
à l’ICHEC. Maître WANTIEZ est un des plus grands spécialistes du droit social belge, ce qui
mérite mon plus profond respect.
La question analysée constitue une bonne illustration de la confrontation entre les principes
généraux du droit civil, basés sur la liberté contractuelle, d’une part et la protection de la partie
faible dans la matière la plus emblématique, à savoir le droit du travail.
CHAPITRE I .LA CONDITION EN DROIT DES OBLIGATIONS.
2.- Aux termes de l’article 1168 du Code civil, une obligation est conditionnelle lorsqu’elle
dépend d’un évènement futur et incertain2, soit en la suspendant jusqu’à l’évènement arrive
(condition suspensive) soit en résiliant selon que l’évènement arrive ou n’arrivera pas
(condition résolutoire)3.
1
[email protected].
Voy. Sur le caractère essentiel du caractère incertain de la survenance de l’évènement J. DE CONINCK, op.cit
p. 19.
3
Cass. 25 mai 2007, R.C.J.B. 2009, p. 285 et note M. VAN QUICKENBORNE, p. 285 ; voy. aussi M. VAN
QUICKENBORNE, Voorwaardelijke verbintenissen, Kluwer, 2006; J. DE CONINCK, De voorwaarde in het
contractenrecht, Brussel, La Charte 2007, 620 pages; J-J. TAISNE, “Obligations conditionnelles”, Juris-Classeur
Civil, art. 1175 à 1180; I. DURANT et M. CLAVIE, « La vente conditionnelle bien plus qu’une abréviation de
langage », in B. DUBUISSON et P. WERY, Ed., La mise en vente d’un immeuble, Bruxelles, Larcier, 2005, 76132 ; Voy. pour une définition de la condition, Cass. 9 février1933, Pas. 1933, I, 105, 1e esp. Sur la validité des
conditions générales purement potestatives, voy. F. LAURENT, Principes de droit civis, 1875, Tome 17, n° 65 ;
DE PAGE, Traité élémentaire de droit civil, Tome 1, n° 155bis ; Novelles droit civil, Tome IV, vol. 2, Y.
HANNEQUART, La condition n° 123 Voy. aussi sur le contrat de travail, J. CLESSE et F. KEFER, Examen de
jurisprudence, 2002-2011, Contrat de travail, R.C.J.B., 2012, p. 185, spécialement en ce qui concerne les
résolutions judiciaires, n° 47 e.s. ; Voy. aussi R. JAFFERALI, « Les effets de la résolution de la condition
suspensive », in La rétroactivité d’un contrat, Bruxelles, Bruylant, 2014, p. 350-419.
2
1
L’on sait que le terme présente un caractère certain tandis que la condition présente un caractère
incertain4. L’évènement donnant lieu à la condition doit être futur5. Le fait qu’il soit connu dans
le chef des parties est dénué de pertinence6.
La condition est un évènement, une circonstance. Elle présente un caractère neutre7.
La condition est aussi contingente. Ceci signifie que c’est l’évènement, tel qu’il a été convenu
par les parties, qui devra être vérifié. Non seulement l’évènement lui-même mais aussi la
manière dont les parties estiment qu’il doit se réaliser. L’on peut prendre l’exemple du décès
d’une personne. Celui-ci constitue un évènement certain mais le fait que cette personne meure
dans un délai bien déterminé constituera un évènement incertain8.
3.- La condition, qui dépend de la volonté de celui qui s’oblige, c’est-à-dire la condition
purement potestative, est nulle9. Est valable la condition casuelle, c’est-à-dire celle dont la
réalisation ne dépend pas des parties10, on admet aussi la validité d’obligation conclue sous une
condition simplement potestative ou mixte, c’est-à-dire une condition qui ne dépend pas
exclusivement de la volonté du débiteur11. Ainsi, si vous stipulez la clause « j’achète votre
maison si je me marie » sera ainsi valable.
La question de savoir si une condition est purement potestative12 est soumise à l’appréciation
du juge, qui scrutera notamment la volonté des parties13.
Si la condition potestative dépend aussi de la volonté d’un tiers ou de circonstances extérieures,
elle ne peut plus être qualifiée de purement potestative14.
Cette règle est importante en droit du travail15. Nous y reviendrons ultérieurement.
4.- L’article 1174 du Code civil ne s’applique qu’aux conditions suspensives et non aux
conditions résolutoires16.La condition résolutoire potestative ne met donc pas en péril la validité
de l’obligation17. L’on estime que l’obligation est née et que rien ne s’oppose à ce que le
débiteur puisse obtenir le pouvoir de décider d’y mettre fin18.
4
J. DE CONINCK, op.cit., p. 21, et les références citées ; Voy. sur les clauses prêtant à discussion, notamment la
clause de retour à meilleure fortune, Ibidem.
5
J. DE CONINCK, op.cit., p. 28.
6
J. DE CONINCK, op.cit., p. 29.
7
J. DE CONINCK, op.cit., p. 36.
8
Sur le caractère prévisible et sur le caractère impossible de la condition, voy. J. DE CONINCK, op.cit., p. 35 e.s.
9
Art. 1174 du Code civil. Voy. M. VAN QUICKENBORNE, “Voorwaardelijke verbintenissen”, précité,p.78.
10
Art. 1169 du Code civil.
11
Art. 1171 du Code civil.
12
Pour une analyse approfondie du caractère potestatif de la condition J. DE CONINCK, op.cit., p. 337 e.s.
13
Cass. 18 juin 1970, Pas. 1971, 925 et note P. VAN OMMESLAGHE, Examen de jurisprudence, 1974-1982,
Les obligations, R.C.J.B., 1986, n° 177.
14
Cass. 25 novembre 1988, Pas. 1989, I, 339.
15
Pour une application des principes, en matière de condition purement potestative ou condition potestative mixte,
qui dépendent à la fois de la volonté d’une des parties et la volonté d’un tiers Voy. Cour du travail Bruxelles, 3
septembre 1991 ; Cour du travail Liège, 27 janvier 1993, J.L.M.B. 1993, p. 1374 et, de manière implicite, Cour du
travail Liège, 11 mai 1998, Chroniques de droit social, 1998, p. 391
16
M. VAN QUICKENBORNE, “Voorwaardelijke verbintenissen”, précité 50.
17
J. DE CONINCK, op.cit., p. 351; P. VAN OMMESLAGHE, Examen de jurisprudence (1974 à 1982), Les
obligations, R.C.J.B. 1988, n° 177, p. 78 ; P. WERY, Droit des obligations, Vol. I, Théorie générale du contrat,
2011, p. 996.
18
J. DE CONINCK, op.cit., p. 351.
2
C’est de manière tout à fait pertinente que le Professeur FORIERS s’interroge sur la distinction
de régime juridique entre la condition résolutoire d’une part et la condition potestative
suspensive d’autre part19.
Entre dire « je m’engage si je le veux bien » ou dire « je m’engage si je ne le veux plus », la
nuance est subtile20. L’auteur souligne, à juste titre, que les ventes sous conditions résolutoires
potestatives sont fréquentes et il cite, très pertinemment, la vente à réméré21.
5.- La condition est une modalité.
On ne peut prétendre mettre sous conditions un élément essentiel du contrat. La condition
constitue une modalité de l’obligation, en ce sens qu’elle réfère à un sujet ou, en l’espèce, à un
contrat existant22.
Une modalité n’a aucun sens si elle ne se réfère pas à un objet, en l’occurrence le contrat, dont
elle organise des effets. La modalité ne sortit en elle-même aucun effet indépendant. La
condition ne peut pas être liée à un fait juridique mais uniquement à un acte juridique23.24
La condition est donc externe ou extrinsèque par rapport à l’acte juridique dont la condition
résulte25. Ainsi le Procureur général LECLERCQ écrit, à propos de la clause de réserve de
propriété : « Suivant le juge du fond, la condition suspensive consisterait dans l’exécution par
l’acheteur de l’obligation qu’il lui incombait en vertu de la vente de payer intégralement le
prix. C’est là une impossibilité.
Si, en effet, la vente est sous condition suspensive, l’acheteur n’a pas l’obligation de payer le
prix, puisqu’il n’y a pas vente. La condition consisterait dans l’exécution d’une obligation qui
ne peut exister. Il y a impossibilité à ce que dans un contrat synallagmatique, l’obligation pour
l’une des parties d’accomplir ses engagements soit la condition suspensive sous laquelle le
contrat est passé ; il n’y aura en effet jamais de contrat, puisque le contrat n’existe pas tant
que l’obligation, qui incombe à la partie, ne sera pas exécutée et que l’obligation ne peut être
exécutée tant que le contrat est en suspens ». 26
6.- Effets de la condition résolutoire.
Le juge ne dispose en cas de réalisation de la condition résolutoire d’aucun droit
d’appréciation27.
La condition purement potestative rend nulle l’obligation mais si cette obligation forme la cause
du contrat, celui-ci devient à son tour nul. 28.29.
19
P.A. FORIERS propose sur la condition résolutoire purement potestative, in Liber amicorum, Y. MERCHIERS,
2001, p. 115-126 ; Voy. aussi J. DE CONINCK, op.cit., p. 352-353.
20
P. WERY, op.cit., p. 927.
21
P. WERY, op.cit., p. 927.
22
J. DE CONINCK, op.cit., p. 140.
23
J. DE CONINCK, op.cit., p. 143.
24
Voyez aussi sur le caractère de modalités de la condition, M. VAN QUICKENBORNE,
Voorwaardelijke verbintenis, p. 13 e.s., n° 16 e.s
25
Cass. 9 février 1933, Pas. 1933, I, 103.
26
Ibid.
27
Voy. R. BLANPAIN et O. VANACHTER, Schets van het Belgisch arbeidsrecht, Die Keure, 1998, n° 323, p.
181.
28
Cass. 22 avril 2013, n° C.12.0285.F.
29
Sur les effets du contrat conclu sous condition, voy. Cass. 5 juin 1981, R.C.J.B. 1983, 199 et note J. HERBOTS
3
7. - Condition résolutoire et concepts voisins.
a) Il est intéressant de comparer la condition résolutoire potestative et le pouvoir unilatéral de
modifier le contrat, bien connu sous le terme de partijbeslissing .
Certaines clauses permettent une adaptation unilatérale du contrat, ce que les auteurs
néerlandophones appellent la partijbeslissing30. Ces clauses sont valables en droit des
obligations sauf, comme on le verra à propos du droit du travail, dérogations ou abus de droit31.
b) Les relations entre la condition potestative et le droit d’option ont souvent été mises en
évidence32.
Rappelons d’ailleurs que, par rapport au droit d’option, la condition n’est qu’une modalité de
l’obligation33 et dépend d’un événement incertain tandis que l’option est levée par la volonté
de son bénéficiaire. Nous reviendrons sur ce point dans l’étude la jurisprudence en matière de
droit du travail.
c) Condition résolutoire et pacte commissoire exprès
La condition résolutoire organise les effets d’un évènement futur et incertain sur le contrat. Il
est étranger à la notion de faute. En outre, la condition constitue une modalité du contrat34. La
condition résolutoire opère effet automatique35.
Le pacte commissoire exprès ou la clause résolutoire expresse nécessite un acte de volonté de
son bénéficiaire. Elle suppose aussi que le débiteur ait commis une faute portant soit
objectivement, soit de la volonté des parties, sur un élément essentiel du contrat.
CHAPITRE II. VALIDITE DE LA CONDITION RESOLUTOIRE EN DROIT DU
TRAVAIL.
8.- Rappelons que la relation de travail repose tout d’abord sur le modèle contractuel ; il s’agit
d’un louage de services36. Le droit commun des obligations constitue donc la base du contrat
30
P. WERY, op.cit., p. 891; C. DELFORGE, La modification unilatérale du contrat, in La volonté unilatérale dans
le contrat, Editions du jeune barreau de Bruxelles,2008, p. 139 e.s.
31
P. WERY, op.cit., p. 891 et 892.
32
J. DE CONINCK, op.cit., p. 365, et les références citées ;dans un arrêt de la Cour de cassation de France du 15
janvier 2003, Dalloz 2003, Jurisprudence 1190 et note H. KENFACK, la Cour analyse la validité d’un droit
d’option, notamment sous l’angle de la condition potestative ; J. DE CONINCK critique l’assimilation entre
condition potestative et droit d’option et écrit à juste titre « Aangezien er geen verbintenis om te verkopen bestaat,
kan deze ook niet – potestatief – voorwaardelijk zijn. », op.cit., p. 365.
33
P. WERY, Droit des obligations, Vol. I, Théorie générale du contrat, 2ème Ed., p. 925.
34
P. WERY, op.cit., p. 925.
35
P. WERY, op.cit., p. 926.
36
M. JAMOULLE, Tome I, Le contrat de travail, Faculté de droit d’économie et de sciences sociales de Liège,
1982, p. 7 e.s.
4
de travail37. « Il apparaît ainsi que notre ordre juridique non seulement comporte un lien
génétique entre droit civil et droit du travail, mais aussi maintient cette filiation pour parties.
Construit sur base contractuelle, le droit du travail ne peut entièrement se passer des règles
civilistes38. »39
L’article 32 de la loi du 3 juillet 1978 prévoit que les obligations, émanant d’un contrat de
travail, peuvent se terminer selon les modes généraux d’extinction des obligations. Comme le
souligne le Professeur CLESSE , cette disposition laisse une large part à l’autonomie de la
volonté et donc laisse aussi la possibilité d’insérer une condition résolutoire dans le contrat.
Certes, l’ordre public, les bonnes mœurs et les textes fondamentaux sont susceptibles d’être
invoqués afin d’invalider les clauses contractuelles et notamment la condition résolutoire40. Et
la loi elle-même proscrit certaines conditions résolutoires mais ces exceptions sont limitatives.
41
Signalons que l’article 25 de la loi sur le contrat de travail proscrit les clauses qui permettent à
l’employeur de modifier unilatéralement les conditions du contrat de travail.
Précisons enfin que les conditions résolutoires, prescrites en faveur des travailleurs, sortiront
toujours leurs effets puisque la plupart des dispositions, en matière de la loi sur le contrat de
travail, visent à protéger le travailleur et sont donc unilatéralement impératives42.
9.- La Cour de cassation a considéré qu’une clause résolutoire, reprise dans un contrat de travail,
est en principe valable dans la mesure où elle n’a pas effet rétroactif43.
La Cour suprême eut à trancher la question de la validité de la condition résolutoire dans le
contrat de travail, dans un arrêt rendu chambres réunies le 16 septembre 196944.
Dans cette affaire, un premier arrêt avait été rendu le 14 juin 1963, arrêt cassant une décision
au fond qui avait écarté l’application de la condition résolutoire. La Cour suprême avait, dans
cet arrêt du 1963, reconnu la validité et les pleins effets de cette clause. L’affaire revint devant
les juridictions de fond qui écartent, une fois encore, la validité de la condition résolutoire.
L’affaire fut nécessairement soumise à la Cour siégeant en chambres réunies. La Cour de
cassation a, dans la décision du 16 septembre 1969, maintenu la position qu’elle avait prise en
1963. Dans ses conclusions, l’avocat général DUMON souligna que la loi n’interdisait pas la
clause résolutoire dans les contrats de travail. Il s’agit, exposa-t-il, d’un élément qui est laissé
à l’autonomie de la volonté des parties45. L’avocat général précisa aussi que, dans les travaux
préparatoires de ce qui deviendra la loi de 1978, certains types de clauses résolutoires étaient
interdits, par exemple celles qui prévoyaient la fin du contrat à l’occasion d’un mariage, d’une
grossesse46 ou de tout évènement que la loi considérait comme étant des causes de suspension,
- la maladie par exemple, mais le principe même de la condition résolutoire est admis.
37
M. JAMOULLE, op.cit., p. 93.
M. JAMOULLE, op.cit., p. 97. J. CLESSE & F. KEFER, Manuel de droit du travail, Éditions Larcier, Collection
de la Faculté de droit de l’Université de Liège, p.388.
39
Voyez aussi sur la validité des conditions résolutoires W. RAUWS, Civielrechtelijke beëindigingswijzen van de
arbeidsovereenkomst: nietigheid, ontbinding en overmacht, Kluwer, 1987, p. 571.
40
M. JAMOULLE, Le contrat de travail, Tome II, 1986, n° 335, p. 382.
41
Voyez sur l’application du droit civil dans la fin du contrat de travail W. RAUWS, Civielrechtelijke
beëindigingswijzen van de arbeidsovereenkomst: nietigheid, ontbinding en overmacht.
42
W. RAUWS, op.cit., p. 573.
43
Cass. 14 juin 1963, Pas. 1963, I, 1083 ; Cass. 30 mai 1969, R.W., 1969-70, 893.
44
Pas. I, p. 50 et conclusions avocat général DUMON.
45
Pas. I, p. 53.
46
J. CLESSE, op.cit., p.45.
38
5
Lorsque la condition résolutoire est admise, aucun préavis ne doit être notifié47.
La Cour précisa que la condition générale qui dépend, à la fois, de la volonté de l’employeur et
de celle d’un tiers est valable48. Elle rappela aussi que l’article 32 de la loi sur le contrat de
travail stipule que le régime commun du droit de l’extinction des obligations s’applique au
contrat de travail.
L’arrêt attaqué considérait également que la clause résolutoire permettrait de stipuler des délais
de terminaison de l’obligation plus courts que ceux prévus par la loi. L’avocat général DUMON
écarta ce point de vue. Il estima que le contrat ne pouvaitt pas prendre fin tant que la condition
n’était pas remplie et comme la condition n’était pas interdite par les dispositions en matière de
contrat de travail, il convenait de respecter la volonté des parties.
L’arrêt est très clair. Il confirme la pleine validité d’une clause résolutoire sans effet rétroactif
dans un contrat de travail. Cette clause ne prive pas le contrat de sa nature de contrat à durée
indéterminée, précise la Cour. La Cour rappelle que rien n’interdit, sur base du principe de la
liberté des contrats, la présence d’une condition résolutoire dans un contrat de travail.
Le parcours très hésitant de l’affaire montre le choc des principes qui régissent cette
problématique.
L’on a vu que cet arrêt de 1969 tient compte du droit en devenir qui sera consacré dans la loi
du 3 juillet 1978.
Section 2.Critiques formulées quant au régime de la condition résolutoire en droit du travail
10.- La validité d’une condition simplement potestative pose débat en droit du travail49. En
effet, le débiteur, puisqu’il a un rôle à jouer dans la réalisation ou la non réalisation de la
condition, pourra de son propre chef faire en sorte qu’il ne doive pas exécuter son obligation.
.
§1. Condition simplement potestative en droit du travail.
Madame JAMOULLE écrit que l’évènement, visé par la condition, ne peut constituer un
manquement contractuel50. Ceci n’empêche les conditions simplement potestatives dans lequel
le comportement d’une des parties peut avoir pour effet de réaliser la condition. d’être valables
en droit du travail puisque Contrairement à ce qu’écrit Madame JAMOULLE et Monsieur
RAUWS51, la condition résolutoire simplement potestative semble toujours reconnue par la
Cour de cassation.
.
47
Voy. sous une autre référence, Cass. 16 septembre 1969, A.C. 1970, 50, conclusions avocat général Dumon.
Cass. 18 janvier 1993, op.cit., Tribunal du Travail Liège, 11 mai 1998, Chroniques de droit social, 1998, p. 391 ;
Cour du Travail Mons, 13 août 1998, J.T.T., 1999, p. 154.
49
J. DE CONINCK, op.cit., p. 353 et les auteurs cités.
50
Op.cit., p. 384.
51
W. RAUWS, op.cit., p. 577.
48
6
Certains auteurs critiquent la validité des conditions résolutoires notamment en raison de
l’absence de prévisibilité pour le travailleur de l’accomplissement de la condition. Cette thèse
n’a pas été retenue par la jurisprudence52.53.
Certains auteurs, réticents à l’extension du champ d’application de l’article 1174 du Code civil
aux conditions résolutoires, estiment que cette matière doit être régie par l’article 1178 et non
l’article 1174 du Code civil54. En effet, l’article 1178 requiert du débiteur qu’il participe de
bonne foi à la réalisation de la condition. Rien n’empêche une application conjointe de ces
articles.
Henri FRANK55 écrit que les libertés fondamentales sont de nature à mettre en échec les
conditions résolutoires. Il souligne que certaines juridictions se sont fondées sur la Convention
européenne des droits de l’homme pour censurer des conditions résolutoires portant sur le fait
de contracter un mariage après divorce contrairement aux préceptes de la religion catholique ou
à vivre en concubinage. Non seulement pareilles clauses ne se retrouvent plus, eu égard à
l’évolution sociologique, dans les règlements des institutions catholiques mais nous verrons en
outre que les juridictions respectaient en principe les statuts
Monsieur FRANK écrit qu’un contrat de travail à durée déterminée ne pourrait être affecté
d’une condition résolutoire56.A notre avis, la survenance d’une condition est indépendante de
la durée du contrat.
§2. Force majeure
11.- Aux termes de l’article 26 de la loi sur le contrat de travail, la force majeure ne met pas
fin au contrat lorsqu’elle ne fait que suspendre momentanément l’exécution du contrat.57 En
d’autres termes, comme l’écrit Professeur CLESSE la force majeure ne peut avoir pour effet
de mettre fin au contrat par le biais d’une condition résolutoire.58
59
.
La condition suspensive ne peut pas non plus être invoquée lorsqu’elle a pour effet de mettre
fin au contrat de travail alors que seule une suspension est autorisée par la loi, par exemple en
cas de service militaire60.
52
J. CLESSE, op.cit., p. 47.
Voyez aussi sur cette question, Mr. FRANCK, Condition résolutoire, stabilité de l’emploi et libertés
fondamentales Faculté de droit de Liège, 1979, p. 25 à 35.
54
R. LIBCHABER, « Les chemins actuels de la potestativité », Defrénois, 2002, art. 37486, n° 8, p. 254-255.
55
Op.cit., p. 125.
56
Op.cit., p. 124.
57
Lorsque l’empêchement est définitif, le contrat peut être résolu, voy .R. BLANPAIN. op.cit., p.182, n° 326.
58
J. CLESSE, op.cit., p.48.
59
Un récent arrêt de la Cour de cassation traite de la force majeure dans le contrat de travail (Cass. 10 mars 2014,
J.T.T. 2014, p. 222 ; R.A.B.G. 2015, p. 174, Note DEMETS.).
Il est constaté que la rupture pour force majeure avait été posée à tort par l’employeur. Dans cette hypothèse une
indemnité sera due par l’employeur à l’employé, en raison de la rupture du contrat de travail. Le travailleur devra
constater ce congé irrégulier dans un courrier adressé à l’employeur. En matière de condition résolutoire mise
en œuvre à tort, une indemnité sera bien évidemment due par l’employeur.
53
60
Ibidem.
7
§3. Résolution du contrat pour motif grave.
12.- Effectivement, la condition résolutoire porte sur un évènement futur et incertain. Il est assez
logique que la possibilité de mettre fin au contrat pour condition résolutoire ne doive pas porter
atteinte au pouvoir d’appréciation du juge dans la mise en œuvre de la résolution du contrat,
sans préavis pour motif grave. Ainsi, le tribunal de travail de Mons a considéré, dans un
jugement du 10 juin 1971 : « Attendu qu’il ne conviendrait pas que, par le biais d’une condition
résolutoire, le juge voit soustrait à son appréciation celle du motif grave qui lui a été
expressément conférée par le législateur. Attendu que le Tribunal écarte dès lors l’hypothèse
de toute réalisation d’une condition résolutoire mettant fin au contrat, parce qu’elle est
illicite. »61
CHAPITRE III ILLUSTRATIONS JURISPRUDENTIELLES
§1. Clause d’option de prolongation dans les contrats de joueurs sportifs professionnels.
13.- Il est assez interpellant de voir certaines divergences de jurisprudence portant sur la validité
de la clause d’option, souvent insérée dans les contrats de joueurs sportifs professionnels, qui
autorise l’employeur à prolonger unilatéralement la durée d’un contrat de travail à durée
déterminée. Il est tout aussi surprenant de voir que la discussion se situe sur le terrain de la
condition résolutoire.62
L’on rappellera que la clause d’option est une clause qui permet de modifier, de manière
unilatérale, l’existence du contrat ou certains de ses éléments du contrat63.
La caractéristique de la clause d’option dans le contrat des footballers, est de permettre la
prolongation du contrat conclu pour une saisie pour une deuxième saison.
Dans un arrêt du 4 avril 201164, la cour d’appel d’Anvers a considéré qu’une condition
résolutoire dans un contrat de travail, dont l’accomplissement ne dépend pas seulement de
l’employeur mais aussi de la volonté d’un tiers, était en principe valable. L’article 2 du contrat
litigieux prévoyait:« Deze overeenkomst wordt gesloten voor een bepaald werk vanaf 03.09.07,
om te eindigen bij melding door de klant-opdrachtgever ». La Cour estima que ce contrat avait
pour but l’accomplissement d’un travail déterminé. C’était lorsque le donneur d’ordre de la
société employeuse estimait que ce travail était terminé que le contrat devait prendre fin. Il
s’agit, énonçait la cour, d’une condition résolutoire. C’était bien la fin du travail par le donneur
d’ordre qui était à l’origine de la fin du contrat et qui était mentionnée sur le formulaire C4,
comme cause du chômage. L’arrêt reste muet sur la détermination de l’événement futur et
incertain qui justifie la présence d’une condition en l’espèce.
61
Revue de Droit Social, 1971, p. 181 ; H. FRANK, op.cit., p. 61.
Sur la ratio de cette clause, voy. H. DE WAELE, De optieclausule : een paard van Troije voor het
arbeidsovereenkomstrecht, R.W., op.cit., 2007, p. 1326.
63
Voy. sur la partijbeslissing, P. VAN OMMESLAGHE, Examen de jurisprudence, 1968 à 1973, Les obligations,
R.C.J.B. 1975, p. 454 ; M. STORME, “De bepaling van het voorwerp van een verbintenis bij partijbeslissing”,
T.P.R. 1988, p. 1260.
64
N° 2011-04-04-6
62
8
Tout au contraire, dans un arrêt du 8 février 201265, la cour du travail de Mons a considéré que
cette clause d’option de prolongation du contrat était nulle. La cour a considéré que cette clause
était contraire à l’article 25 de la loi sur le contrat de travail en ce qu’elle permettait aux parties
de modifier unilatéralement un élément essentiel de ce contrat, à savoir la durée. S’il s’agissait
d’une condition, elle serait nulle car contraire à l’article 1174 du Code civil ; en effet, elle
faisait dépendre la fin du contrat de la seule volonté de l’employeur, sans respect des règles
impératives régissant le licenciement.
Nous croyons que l’on peut effectivement, comme l’a fait la cour d’appel de Mons, douter de
la qualification de cette clause comme une condition. En effet, elle ne dépend pas d’un
évènement extérieur, futur et indéterminé et dépendant, à tout le moins partiellement, de la
volonté d’un tiers.
Par contre, la cour du travail d’Anvers66 a considéré que la clause d’option pour sportifs
professionnels, conclue pour la durée d’une saison par laquelle l’employeur se réserve le droit
de prolonger unilatéralement le contrat d’une saison complémentaire, n’est pas une condition
suspensive ni une modification interdite du contrat de travail au sens de l’article 25 de la loi sur
le contrat de travail mais une clause d’option de durée qui est tout à fait légitime. La Cour
souligne que cette clause ne concerne pas exclusivement l’obligation souscrite par le club de
football mais par les deux parties. Par ailleurs, l’article 25 de la loi sur le contrat de travail ne
porte pas sur les clauses qui font dépendre la poursuite du contrat d’un évènement futur et
incertain.
Bien que l’annotateur ne critique pas en soi la solution dégagée par la cour du travail en
l’espèce, il s’interroge à juste titre sur la non application de l’article 25 de la loi sur le contrat
de travail 67. Rappelons que cet article prohibe les clauses permettant de modifier
unilatéralement le contrat de travail. Il est tout à fait cohérent que la possibilité pour
l’employeur de prolonger un contrat constitue une modification de celui-ci au sens de l’article
25.
§2. Epreuveorganisée par l’employeur.
14.-Dans un arrêt de la cour du travail d’Anvers du 25 avril 200268, il fut jugé qu’une clause
résolutoire liée à la réussite par le travailleur d’un examen organisé par l’employeur dont il
détermine de manière unilatérale les modalités et les critères, et contre lequel aucune possibilité
d’appel n’est ouverte, ne constitue pas une condition purement potestative mais la prolongation
de la période d’essai. Il peut alors être mis fin au contrat de plein droit. La convention qui
prévoyait cette épreuve avait été signée le dernier jour de la période d’essai.
L’accomplissement ne dépendait pas uniquement de l’employeur mais évidemment aussi, et
dans une mesure importante, du travailleur. La réussite de l’examen était en premier lieu
fonction de la compétence et des connaissances du travailleur en la présente espèce.
En l’espèce, deux réunions préparatoires de travail pour préparer le test avaient organisées. Il
avait été organisé pour plusieurs travailleurs et les examens avaient été corrigés de manière
65
J.L.M.B., 2013, p. 1203.
9 février 2005, R.W., 2007, p. 1318.
67
Hans DE WAELE note précitée, R.W., op.cit., 2007, p. 1326.
68
R.W. 2004-2005, n° 24, p. 945.
66
9
anonyme. Le travailleur pouvait également contrôler les résultats de cette épreuve. Ces éléments
montraient donc qu’il ne s’agissait pas d’une condition purement potestative.
Dans un arrêt du 3 septembre 199169, la cour du travail de Bruxelles avait estimé comme
condition potestative la clause qui permettait de mettre fin au contrat en cas de non réussite de
l’examen. Il s’agissait en l’espèce d’un concours organisé par l’O.N.Em ; le contrat prévoyait
que si le salarié, formateur à l’ O.N.Em, et salarié de l’O.N.Em, ne réussissait pas ce test, il
était mis fin à son contrat de plein droit. La cour du travail avait relevé que l’O.N.Em fixait les
modalités de l’examen, participait au jury et décidait des résultats.
Un pourvoi fut introduit contre cet arrêt .Le pourvoi critiquait la qualification de la clause
litigieuse comme condition purement potestative. En outre, soulignait le pourvoi, l’article 1174
du Code civil s’applique à la condition suspensive et non à la condition résolutoire. La Cour
cassa cet arrêt en reconnaissant la validité de la condition résolutoire70.
La cour du travail avait estimé que la condition simplement potestative ne pouvait être retenue
en droit du travail. C’était là son erreur. La Cour de cassation avait relevé que la cour du travail
ne contestait pas que la réalisation de la condition ne dépendait pas uniquement de la volonté
de l’employeur.
Et malgré tout, cette décision de la cour du travail avait été approuvée par l’annotateur qui
écrivait, dans le cas de l’O.N.Em, qui, en l’espèce était l’employeur au moment de la rupture
du contrat, il s’agit d’une récidive sinon d’une pratique constante ; en effet, c’est également cet
organisme que condamna, le 9 janvier 1981, le tribunal de travail de Tournai71. Le tribunal avait
effectivement considéré que, et nous reproduisons la décision : « La condition purement
potestative entraîne la nullité de la condition résolutoire mais ne vicie pas le contrat qui
subsiste pour le surplus. Est purement potestative, la condition résolutoire consistant en l’échec
de l’employé à l’occasion d’un test ou examen dans l’organisation (conditions et délai) et le
résultat relèvent du seul pouvoir de l’employeur, sans aucun contrôle de tiers ».
Nous avons cité le premier alinéa car il montre bien que la condition n’est qu’une modalité de
l’obligation mais lorsque la condition est essentielle, c’est l’ensemble du contrat qui pourrait
être affecté. S’agissant du deuxième paragraphe, il montre que cette thèse a été rejetée par la
Cour de cassation et c’est la raison pour laquelle nous croyions très opportun d’illustrer notre
propos par des exemples concrets qui montrent que la Cour de cassation doit régulièrement
remettre les pendules à l’heure.
15.- La cour de travail de Mons a eu également à se pencher sur la licéité d’une clause
résolutoire qui portait sur la passation d’un examen. Le contrat entre le chauffeur de bus et la
société de transport en commun était assorti d’une condition résolutoire portant sur la réussite
des épreuves de formation et d’obtention du permis de conduire D et du certificat d’aptitude
professionnelle72. La travailleuse échoue à ses examens. La cour considéra que le contrat de
travail prenait fin de plein droit par la réalisation de la condition résolutoire. Après la réalisation
de la condition résolutoire – ceci est l’originalité de l’espèce – la travailleuse introduisit un
recours auprès de la Commission instituée par le SPF Mobilité et Transport. Celle-ci l’autorisa
à présenter un nouvel examen pratique avec un autre examinateur. La travailleuse fit le choix
69
C.D.S. 1992, p. 66 et note Jean JACQUEMAIN.
Voy. Cass. 18 janvier 1993, R.C.J.B., 1994, p. 37 e.s. et note J. CLESSE.
71
Tribunal de travail Tournai, 2e ch., 9 janvier 1981, J.T.T. 1981, p. 138.
72
Cour de travail de Mons, 14 octobre 2014, J.L.M.B. 2015, p. 14 et note J. GAILLIET.
70
10
de ne pas présenter à nouveau cette épreuve pratique, comme autorisé par la Commission de
recours.
La Cour, faisant une juste application des principes, considéra que le contrat prenait fin
automatiquement lorsque les conditions d’application de la condition résolutoire étaient
réunies. Comme le souligne l’annotateur : « A la différence du pacte commissoire express en
effet, une condition résolutoire opère automatiquement, sans qu’il soit nécessaire qu’une partie
manifeste sa volonté de l’appliquer. »
§3 Règlement de l’enseignement catholique
16.- Antérieurement, se trouvaient dans les règlements du personnel de l’enseignement
catholique, des conditions résolutoires qui prévoyaient la fin, de plein droit et sans indemnité,
des contrats de travail lorsque l’enseignant se trouvait dans une situation personnelle ou
familiale qui était contraire aux lois de la morale catholique, notamment le concubinage, associé
à une condamnation d’adultère. Ces clauses ont été reconnues comme valables73.
Ainsi, dans une décision de la Cour du travail de Mons du 27 mai 198174, le pouvoir
organisateur du personnel de l’enseignement catholique prévoyait comme condition résolutoire
le refus d’une dérogation en matière de titre de capacité pour le subventionnement de l’emploi.
En l’espèce, l’Etat avait refusé cette dérogation et, partant, la clause résolutoire pouvait sortir
ses effets. La Cour a estimé que cette condition n’était pas purement potestative puisque c’était
l’Etat, donc un tiers, qui devait accorder cette dérogation.
CHAPITRE IV. AUTRES SECTEURS DU DROIT RÉGIS PAR DES DISPOSITIONS
IMPÉRATIVES
17.- Le mécanisme de la condition résolutoire peut être utilisé dans d’autres secteurs du droit,
régi par des dispositions impératives. L’on pense à la concession exclusive de vente et au contrat
d’agence commerciale75. Ainsi, en matière de contrats d’agence commerciale, l’article X.18 du
livre X, titre I, du Code de droit économique, qui prévoit expressément que l’indemnité
d’éviction n’est pas due si le commettant a mis fin au contrat d’agence commerciale en raison
d’un manquement grave
L’article 10.37 du Code de droit économique, anciennement l’article 3 de la loi belge du 27
juillet 1961, prévoit expressément que l’indemnité est due : « si la concession de vente est
résiliée par le concédant pour d’autres motifs que la faute grave du concessionnaire ».
73
Cour du travail Gand, Section Gand, 9e ch., 9 mai 1979, J.T.T. 1980, p. 61.
2e ch., J.T.T. 1982, p. 82.
75
Voy. sur ces contrats et leur règles, le livre 10 du Code de droit économique, Titre I pour le contrat d’agence
commerciale, article 16 e.s. ; Voyez sur la condition résolutoire dans le contrat de distribution, L. DUJARDIN,
Les contrats de distribution sélective, Bruylant, 2014, p. 171 e.s. ; P. WERY, op.cit.p.923. Des conditions
résolutoires pourraient être incluses dans d’autres contrats contenant des dispositions protectrices , comme un
contrat de bail commercial par exemple.
74
11
La faute grave peut être définie par les contractants, par exemple la violation de la clause de
non-concurrence.
CONCLUSION
18.- La présente étude montre les hésitations du juge du travail dans l’application des principes
de droit civil : les décisions au sens contraire, les réformations des jugements de première
instance en constituent la meilleure illustration 76.La Cour de cassation maintient le cap et casse
les décisions qui ne donnent pas au droit civil ses pleins effets, lorsqu’aucune disposition
impérative ne vient mettre à mal son application.
Il convient également de bien avoir égard à la qualification de la clause. Parfois, le juge qualifie
comme une condition des droits qui revêtent d’une autre nature, comme le droit d’option. En
outre, nous croyons que la jurisprudence limite l’effet du droit commun :
d’abord la clause résolutoire ne peut avoir d’effet rétroactif;ensuite la possibilité de modifier le
contrat ou d’y mettre fin de manière un tant soi peu discrétionnaire est strictement réglementée
alors que le droit commun admet la vente à réméré ou la partijbeslissing. Ensuite, l’article 1174
du Code civil est souvent invoqué alors qu’il ne vise que la condition suspensive.
Il faut aussi souligner l’hostilité des spécialistes du droit du travail à la prise d’effet des
conditions résolutoires77tout comme se demander si la jurisprudence n’est pas différente dans
la partie francophone et dans la partie néerlandophone du pays. Monsieur RAUWS, dans son
ouvrage précité, estime que toutes les conditions résolutoires pouvaient être considérées comme
nulles par le législateur.
Il faut aussi souligner l’importance pratique du régime de la condition résolutoire ; comme
l’écrit le professeur CLESSE, l’abandon d’une ligne de production, le non renouvellement d’un
contrat de concession peuvent être constitutifs de condition résolutoire.78 Or, la condition
résolutoire n’est pas souvent organisée dans les contrats de travail.
Enfin, la relation entre le droit commun et le droit social est très bien exprimée dans la décision
suivante de la cour du travail de Mons79 :
« Nonobstant le caractère spécifique du droit social, l’intérêt et la protection des travailleurs
ne seraient pas servis par un isolement total de la législation du travail, hormis les cas prévus
par les lois propres ou lorsque les solutions du droit civil se révèlent inconciliables avec la
76
Voy. l’arrêt de la cour du travail précité du 25 avril 2002, qui réforme le jugement du Tribunal du travail
d’Anvers du 25 octobre 2000.
77
M. JAMOULLE, Le contrat de travail, Tome I, Faculté de droit de Liège, 1982, Tome I, n° 88 à 90, Ed. 1986,
p. 384, n° 337.Voy. sur la clause de terme, qui aménage la fin du contrat de travail à durée déterminée, M.
JAMOULLE, Le contrat de travail, Tome I, 1986, p.346 c’est l’exemple du contrat conclu pour un travail
déterminé ; le terme est alors souvent incertain ( Ibid. p.347)
78
J. CLESSE, op.cit., p.51. L’auteur rejette la validité de la condition résolutoire consistant dans l’exercice d’un
mandat politique par le travailleur. H. VAN HOOGENBEMT, Arbeidsrecht : De praktijk in de rechtbank 20002010, Éditions Lannoo Campus, p.120.L’auteur précise, à juste titre selon nous et jurisprudence à l’appui que le
fait que le travailleur n’atteigne pas ses chiffres de vente ne peut être considéré comme une condition résolutoire
( Liège, 22 février 2000, C.D.S., 2001, p.270.
79
1er octobre 1979, 2e ch., J.T.T. 1980, p. 33.
12
volonté du législateur. Les règles du Code civil, relatives aux vices de consentement, sont
applicables au droit du travail. La législation sur les contrats de travail est impérative et non
d’ordre public. »
13