Newsletter Novembre 2016 - GIABBANI, Avocats spécialisés en
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NEWSLETTER N°2 NOVEMBRE 2016 © étude Giabbani 2016 DANS CE NUMÉRO Protection de 26 semaines Corporate restructuration Doctrine Indemnité de départ Clause de non-concurrence Notion de cadre supérieur Agenda des conferences 2 2 3 4 5 8 10 ÊTRE CADRE SUPÉRIEUR AU LUXEMBOURG Les cadres supérieurs sont en principe exclus du champ d’application des conventions collectives de travail. Exit donc certains avantages comme le paiement du 13ème mois (bien que rien n’interdit l’employeur de le lui verser), le paiement des primes de conjoncture et celui des primes d’ancienneté. Puis et surtout, ils ne bénéficient pas du paiement des heures supplémentaires prestées. Pour schématiser, le cadre supérieur est étranger à la réglementation du droit du travail sur les questions relatives à la durée (dont le travail du dimanche). C’est ce qui d’ailleurs donne lieu à l’essentiel du contentieux devant les juges (…) p. 8 LA RÉSILIATION POUR FAUTE GRAVE DE L’EMPLOYEUR N’EMPÊCHE PAS LE PAIEMENT DES INDEMNITÉS DE PRÉAVIS ET DE DÉPART A l’occasion de deux arrêts rendus le 8 juillet 2016, la Cour constitutionnelle a été saisie de deux questions préjudicielles relatives au versement de diverses indemnités de rupture du contrat de travail à l’occasion d’une résiliation aux torts de l’employeur. En l’espèce, un salarié ayant démissionné de son emploi en raison de la faute grave de son employeur a saisi la juridiction du travail d’une demande en indemnisation et a saisi la Cour constitutionnelle des questions préjudicielles suivantes (…) p. 3 1 MALADIE – PÉRIODE DE PROTECTION DE 26 SEMAINES Aux termes de l’article L. 121-6 (3) du code du travail l’employeur averti de la maladie ou en possession du certificat médical n’est pas autorisé, même pour motif grave, à notifier au salarié la résiliation de son contrat de travail pour une période de vingt-six semaines au plus à partir du jour de la survenance de l’incapacité de travail. Soutenant qu’en vertu de la convention européenne sur la computation des délais du 16 mai 1972 le premier jour de cette période de vingt-six semaines serait le lendemain de la déclaration d’incapacité de travail, A.) estime qu’elle n’était pas révolue au moment du licenciement. Les dispositions de l’article L. 121-6 (3) du code du travail constituent une mesure de protection du salarié. Tel que la formulation employée (« jour de la survenance » et non pas « lendemain du jour de la survenance ») l’indique, cette protection produit ses effets dès que l’incapacité de travail existe, pourvu que l’employeur en ait été mis au courant. C’est partant à tort que A.) se réfère à la prédite convention. En l’occurrence la période de vingt-six semaines a commencé le 28 octobre 2011 pour se terminer le 26 avril 2012. Au moment de l’envoi de la lettre de licenciement (28 avril 2012) A.) n’était partant plus protégé. (C.S.J., 30/05/2016, 41376). CE QU’IL FAUT RETENIR « Aux termes de l’article L. 121-6 (3) du code du travail l’employeur averti de la maladie ou en possession du certificat médical n’est pas autorisé, même pour motif grave, à notifier au salarié la résiliation de son contrat de travail pour une période de vingt-six semaines au plus à partir du jour de la survenance de l’incapacité de travail. » THE DISMISSAL IS JUSTIFIED IN THE CASE OF CORPORATE RESTRUCTURING “It should first of all be noted that contrary to the findings of B., it does not emerge from the aforementioned termination letter that his dismissal is based on economic reasons, strictly speaking. The dismissal is based instead on considerations related to the restructuring of the company in the interests of rationalization and reduction of its operating costs, consisting of the species in the removal of the “Belegverwaltung” involving the dismissal of the two people composing the department and the transfer of these tasks to the “Disposition” service. the Labour Code, the law does not require the existence of economic difficulties to justify the dismissal, but takes into consideration only the business operational requirements, establishment or service. (…) It is sufficient that the motivation letter states precisely the reason based on the operational requirements of the company, establishment or service. This requirement makes sense and is necessary to the extent that it cannot be required of an employer to wait until the financial situation of the company degrades completely before reacting and that he not be allowed to take restructuring measures by reducing operating costs and proceeding if necessary to layoffs. The employer, who is invested with the company’s managing power, may, for reasons of economic efficiency, restructure its services in a more rational way, even in the absence of a burdened financial situation. His powers of decision on the organization or restructuring of the Company with respect to his discretionary choice to dismiss are only questioned when the dismissal is unrelated to the reorganization and is merely a pretext or carried out with reprehensible levity” (C.S.J., 23/10/214, n° 39784 du rôle). In the event of a dismissal based on the operational requirements of the business or service within the meaning of Article L.124-5 (2) of 2 LA RÉSILIATION POUR FAUTE GRAVE DE L’EMPLOYEUR N’EMPÊCHE PAS LE PAIEMENT DES INDEMNITÉS DE PRÉAVIS ET DE DÉPART A l’occasion de deux arrêts rendus le 8 juillet 2016, la Cour constitutionnelle a été saisi de deux questions préjudicielles relatives au versement de diverses indemnités de rupture du contrat de travail à l’occasion d’une résiliation aux torts de l’employeur. En l’espèce, un salarié ayant démissionné de son emploi en raison de la faute grave de son employeur a saisi la juridiction du travail d’une demande en indemnisation et a saisi la Cour constitutionnelle des questions préjudicielles suivantes : 1) L’article L. 124-6 du Code du travail qui prévoit le droit à une indemnité de préavis pour les salariés licenciés par leur employeur avec effet immédiat et dont le licenciement est jugé abusif par la suite est-il conforme au principe d’égalité devant la loi consacré par la Constitution en ce qu’il ne prévoit pas la même indemnité pour les salariés à l’initiative d’une résiliation de leur contrat de travail pour faute grave de l’employeur et dont la résiliation est jugée justifiée et fondée ? 2) L’article L. 124-7 du Code du travail qui prévoit le droit à une indemnité de départ pour les salariés licenciés par leur employeur avec effet immédiat et dont le licenciement est jugé abusif par la suite par la juridiction du travail est-il conforme au principe d’égalité devant la loi consacré par la Constitution en ce qu’il ne prévoit pas la même indemnité pour les salariés à l’initiative d’une résiliation de leur contrat de travail pour faute grave de l’employeur et dont la résiliation est jugée justifiée et fondée ? La Cour constitutionnelle, dans deux arrêts rendus le 8 juillet 2016, rappelle que la mise en œuvre du principe d’égalité suppose que les catégories de personnes entre lesquelles une discrimination est alléguée se trouvent dans une situation comparable au regard de la mesure invoquée. En outre, elle rappelle que le législateur peut, sans violer le principe constitutionnel d’égalité devant la loi, soumettre certaines catégories de personnes à des régimes différents, à condition que les différences instituées procèdent de disparités objectives et qu’elles soient rationnellement justifiées, adéquates et proportionnées à leur but. Or, la Cour remarque que « seul le salarié licencié abusivement avec effet immédiat par son employeur peut prétendre aux indemnités de préavis et de départ prévues respectivement aux articles L. 124-6 et L. 124-7 du Code du travail, tandis que le salarié qui a démissionné de façon justifiée pour faute grave de l’employeur ne peut se voir allouer que des dommagesintérêts sur base de l’article L. 12410 du même code ». Elle relève de surcroît « qu’à la différence des dommages-intérêts, dont l’allocation présuppose la preuve de l’existence d’un préjudice en relation causale avec la rupture de la relation de travail, l’indemnité compensatoire de préavis et l’indemnité de départ sont des indemnités forfaitaires revenant au salarié du seul fait du caractère abusif du licenciement avec effet immédiat ». CE QU’IL FAUT RETENIR « le salarié qui a résilié son contrat de travail avec effet immédiat pour faute grave de l’employeur, et dont la résiliation est déclarée justifiée par la juridiction du travail, se trouve dans une situation comparable au salarié dont le licenciement avec effet immédiat par l’employeur a été déclaré abusif par la juridiction du travail. Par conséquent, le fait de ne pas accorder le bénéfice des indemnités de préavis et de départ au salarié ayant résilié son contrat de travail aux torts de l’employeur institue entre ces deux catégories de salariés, se trouvant dans des situations comparables, une différence de traitement qui ne procède pas de disparités objectives et qui n’est pas rationnellement justifiée, adéquate et proportionnée à son but. » Au regard des dispositions analysées, la Cour constitutionnelle conclut que le salarié qui a résilié son contrat de travail avec effet immédiat pour faute grave de l’employeur, et dont la résiliation est déclarée justifiée par la juridiction du travail, se trouve dans une situation comparable au salarié dont le licenciement avec effet immédiat par l’employeur a été déclaré abusif par la juridiction du travail. Par conséquent, le fait de ne pas accorder le bénéfice des indemnités de préavis et de départ au salarié ayant résilié son contrat de travail aux torts de l’employeur institue entre ces deux catégories de salariés, se trouvant dans des situations comparables, une différence de traitement qui ne procède pas de disparités objectives et qui n’est pas rationnellement justifiée, adéquate et proportionnée à son but. 3 Il y a donc lieu, selon la Cour constitutionnelle, de dire que les articles L. 1246 et L. 124-7 du Code du travail ne sont pas conformes au principe d’égalité devant la loi consacré par l’article 10bis, paragraphe 1, de la Constitution et d’allouer les indemnités de préavis et de départ au salarié ayant résilié son contrat pour faute grave de son employeur. Cour constitutionnelle, 8 juillet 2016, n°123/16 du registre, Mémorial A – N°127 du 15 juillet 2016 ; Cour constitutionnelle, 8 juillet 2016, n°124/16 du registre, Mémorial A – N°127 du 15 juillet 2016 B challenges the the browser history joined to the dismissal letter sustaining that it doesn’t allow to distinguish between private and professional emails, that the connections qualified as “private” are the result of personal appreciation of the employer and that no evidence is provided in this direction and that no browser history in relation to the date of the 29th October 2010 is annexed to the letter of dismissal. In addition, navigating equipment and decoration sites would have nothing personal to the extent that her function as “technical designer-sales”, led her to make plans and to conduct research on decoration in general to meet the needs of the company’s clients. Lucas LEFEBVRE USING THE INTERNET FOR PRIVATE PURPOSES DURING WORKING HOURS “In regards to the third reason for dismissal relating to surfing the internet for private purposes, Company A complains that the first judges dismissed this reason for lack of precision. It argues that the consultation of the Internet for purposes of a private nature is clear from the internet browser history detail which is part of the dismissal letter. For example, the appellant refers to the first ten pages of the browser history and to the 29th October 2010 to denounce the manifestly abusive conduct of the employee. Examining the browser history attached to the letter of motivation it is possible to detect some connections to maternity clothes websites or private trips and a number of emails. This list does not, however, in the absence of further clarification as to the frequency and duration of these consultations, allow the judges to assess their excessiveness. It is therefore rightly so that the trial court dismissed this ground of lack of precision.” (C.S.J., 11/06/2015, n°40871 du rôle). CALCUL DE L’INDEMNITÉ DE DÉPART Le tribunal du travail a accordé une indemnité de départ de 7.505,90 euros, soit 2 x 3.752,95 euros. Dans l’acte d’appel, le salarié critique cette décision qui aurait pris en considération le salaire mensuel net au lieu du salaire brut de 4.525,46 euros et conclut à l’allocation du montant de 9.050,92 euros (2 x 4.525,46). Il est d’accord qu’il n’y a pas lieu de tenir compte du salaire payé au titre d’heures supplémentaires. L’employeur conclut à la confirmation du jugement. En ordre subsidiaire, il soutient que l’indemnité de départ devrait être calculée sur base des rémunérations des douze mois qui précèdent le licenciement, à l’exclusion des heures supplémentaires. De juillet 2011 à juin 2012, le salarié aurait touché trois fois le montant de 4.415 euros et à partir d’octobre 2011 neuf fois le montant de 4.525,46 euros, soit le montant mensuel moyen de 4.497,84 euros. L’indemnité de départ s’élèverait dès lors au montant de 8.995,68 euros (2 x 4.497,84). CE QU’IL FAUT RETENIR « La Cour retient qu’au vu d’une ancienneté de plus de dix ans, à compter du 2 avril 2001, au moment du licen-ciement immédiat abusif du 6 juillet 2012, le salarié a droit à une indemnité de départ de deux mois de sa-laire, calculée sur base des salaires des douze mois qui précèdent le licenciement, à l’exclusion des rémunéra-tions des heures supplémentaires, soit en l’occur-rence le montant de 8.995,68 euros. (C.S.J., 26/05/2016, 41117 et 41237). » Dans ses conclusions du 30 décembre 2014, le salarié déclare que son salaire mensuel moyen était effectivement de 4.497,84 euros et il conclut à l’allocation du montant de 8.995,68 euros. 4 La Cour retient qu’au vu d’une ancienneté de plus de dix ans, à compter du 2 avril 2001, au moment du licenciement immédiat abusif du 6 juillet 2012, le salarié a droit à une indemnité de départ de deux mois de salaire, calculée sur base des salaires des douze mois qui précèdent le licenciement, à l’exclusion des rémunérations des heures supplémentaires, soit en l’occurrence le montant de 8.995,68 euros. (C.S.J., 26/05/2016, 41117 et 41237). and it is not for the Court to review the appropriateness of this action taken by the employer under his management power.” (C.S.J., 08/06/2015, n°40800 du rôle). LA CLAUSE DE NONCONCURRENCE EN DROIT LUXEMBOURGEOIS YOUR EMPLOYER MAY DELETE YOUR POSITION “ Mrs. A.) believes that the COMP1.) did not sufficiently proove the need to abolish her position and also criticized the Company for having made only a rough estimate of the average turnover business she generated. The Court holds that regardless of the explanations provided by COMP1.) to justify the abolition of Mrs. A’s position, created especially to adress the HORECA market, it follows from witness statements, and Mrs. A.) does not dispute this, that the position has in fact been deleted. The reason given in support of dismissal, namely the elimination of her job position, is therefore real. The reason is also serious as the employer is authorized to organize his business in a rational way and this not only under threat of potential losses, but also if he realizes that the job is not profitable informer la clientèle d’une société A, pour laquelle il travaille encore, qu’il va travailler prochainement pour une société B tout en les incitant à le suivre. Une jurisprudence récente a notamment eu à traiter du cas d’une salariée qui, tirant prétexte de ce qu’elle était la seule à parler portugais et à traiter avec la clientèle d’origine portugaise de la société, leur faisait signer un document de transfert de clientèle en plus de les informer de son départ (C.S.J., 20/04/2015, 40806). L’employeur a obtenu des dommages-intérêts. En matière de concurrence, y a-t-il une distinction à opérer selon que le contrat de travail a pris fin ou non ? Le salarié peut-il préparer une entreprise concurrente durant l’exécution de son contrat de travail ? La distinction à opérer est la suivante : bien qu’un contrat de travail ne contienne pas toujours expressément de clause de non-concurrence, il est de principe que les contrats doivent être exécutés de bonne foi aux termes de l’article 1134 du code civil. Il existe toujours pour le salarié une possibilité de préparer une activité future. En effet, l’obligation de loyauté et de fidélité n’interdit pas au salarié, alors qu’il est encore dans les liens contractuels, de préparer une activité future que l’employeur peut considérer comme concurrente, à condition cependant qu’il ne commence cette activité qu’après la rupture de son contrat de travail (C.S.J., 02/02/2012, 35965). Il en découle qu’une partie devra s’abstenir durant l’exécution du contrat de tout acte qui porte délibérément préjudice à son co-contractant, cette interdiction découlant du devoir de loyauté que chaque partie doit respecter. Il est partant interdit au salarié de poser des actes de concurrence à l’employeur en cours d’exécution de son contrat. Il est par exemple défendu de débaucher la clientèle de son employeur en usant de moyens déloyaux en vue d’une activité future ou en vue d’intégrer une société concurrente. Cela consiste notamment pour un employé à Tout est ici appréciation au cas par cas pour le juge qui doit opérer une distinction entre simples actes préparatoires, qui ne sont que la projection de l’activité future, et actes constitutifs de concurrence déloyale tel que par exemple le démarrage effectif de l’activité concurrente compilé à un détournement de clientèle. En pareille hypothèse, le salarié engage sa responsabilité pour les pertes et dommages subis par l’employeur dès lors qu’il a commis un acte volontaire. 5 Notons que tout est ici question de bonne foi à apprécier dans le chef du salarié. La même possibilité de préparer une activité future existe a fortiori pendant la période de préavis. Qu’en est-il lorsque le contrat de travail a pris fin ? Le salarié dispose d’une liberté absolue de travailler pour une entreprise concurrente même en présence d’une clause de non-concurrence. Aux termes de l’article L. 125-8 du code du travail, la clause de nonconcurrence inscrite dans un contrat de travail est celle par laquelle le salarié s’interdit pour le temps qui suit son départ de l’entreprise, d’exercer des activités similaires afin de ne pas porter atteinte aux intérêts de l’ancien employeur en exploitant une entreprise concurrente. De cette définition légale, il en résulte que l’article L.125-8 du code du travail ne vise que le cas d’une activité en tant qu’entrepreneur individuel. Cet article vise uniquement l’hypothèse de celui qui s’interdit d’exploiter une entreprise personnelle concurrente à la fin de ses relations de travail. Il faut en déduire que la clause de nonconcurrence est inopérante pour le cas où l’ancien salarié détiendrait des parts sociales dans une société concurrente. La personne du salarié et celle de la société dont il serait actionnaire majoritaire sont à considérer comme des entités juridiques distinctes, et si concurrence il y devait y avoir, cette concurrence émanerait tout au plus de la société, de sorte qu’une demande en dommages et intérêts dirigée contre le salarié et basée sur une clause de nonconcurrence serait non fondée. Tous les salariés peuvent-ils se voir imposer une clause de nonconcurrence ? Aux termes de l’article L.125-8 (3) du code du travail, la clause de non-concurrence est réputée non-écrite lorsque le salaire ou le traitement annuel qui est versé au salarié au moment du départ de son entreprise ne dépasse pas un niveau déterminé par règlement grandducal (6.817,07.-euros à l’indice 100, règlement grand-ducal du 11 juillet 1989, article 6). La clause de non-concurrence doit être écrite, elle doit se rapporter à un secteur professionnel clairement identifié et doit être limitée dans le temps. La durée de l’obligation de non-concurrence ne peut en effet dépasser une période de 12 mois qui commence à courir le jour de la fin des relations de travail. La clause de non-concurrence doit également être limitée géographiquement en fonction du secteur concerné. Il faut enfin préciser que seul le salarié peut invoquer la nullité de la clause de non-concurrence en justice. Selon la jurisprudence, il n’était pas dans l’intention du législateur, soucieux de protéger le salarié, de placer, en ce qui concerne le cadre légal de la clause de non-concurrence, l’employé et l’employeur sur un pied d’égalité . CE QU’IL FAUT RETENIR Clause de non-concurrence : « De cette définition légale,il en résulte que l’article L.125-8 du code du travail ne vise que le cas d’une activité en tant qu’entrepreneur individuel. Cet article vise uniquement l’hypothèse de celui qui s’interdit d’exploiter une entreprise personnelle concurrente à la fin de ses relations de travail. Il fait en déduire que la clause de nonconcurrence est inopérante pour le cas où l’ancien salarié détiendrait des parts sociales dans une société concurrente. La personne du salarié et celle de la société dont il serait actionnaire majoritaire sont à considérer comme des entités juridiques distinctes, et si concurrence il y devait y avoir, cette concurrence émanerait tout au plus de la société, de sorte qu’une demande en dommages et intérêts dirigée contre le salarié et basée sur une clause de nonconcurrence serait non fondée. » David GIABBANI 6 CADRE SUPÉRIEUR ET ATTRIBUTS DE LA FONCTION B réclame sur base de la convention collective des salariés de banque les montants de 2.368,84 euros du chef de primes de ménage pour les mois de novembre 2009 à avril 2012 et de 6.546 euros du chef de prime de conjoncture pour les années 2010 et 2011. A S.A. conteste ces demandes, soutenant que B a été cadre supérieur et que les dispositions de la convention collective des salariés de banque ne lui sont dès lors pas applicables. Aux termes de l’article L.162-8 du Code du travail: « (1) Sont soumises aux dispositions d’une convention collective ou d’un accord subordonné toutes les personnes qui les ont signés personnellement ou par mandataire. (2) Lorsqu’un employeur est lié par de tels conventions ou accords, il les applique à l’ensemble de son personnel visé par la convention ou l’accord en cause. (3) Sauf disposition contraire de la convention collective ou de l’accord subordonné, les conditions de travail et de salaire des salariés ayant la qualité de cadres supérieurs ne sont pas réglementées par la convention collective ou l’accord subordonné conclus pour le personnel ayant le statut d’employé. Toutefois, les parties contractantes qualifiées au sens des dispositions qui précèdent peuvent décider de négocier une convention collective particulière pour les cadres supérieurs au sens des dispositions visées cidessus. collective, mais il y a lieu d’analyser si B jouissait en réalité des attributs de la fonction de cadre supérieur. Sont considérés comme cadres supérieurs au sens du présent titre, les salariés disposant d’une rémunération nettement plus élevée que celle des salariés couverts par la convention collective ou barémisés par un autre biais, tenant compte du temps nécessaire à l’accomplissement des fonctions, si cette rémunération est la contrepartie de l’exercice d’un véritable pouvoir de direction effectif ou dont la nature des tâches comporte une autorité bien définie, une large indépendance dans l’organisation du travail et une large liberté des horaires du travail et notamment l’absence de contraintes dans les horaires. (…) » A cet égard, il convient d’emblée de constater que les affirmations de A S.A. que seuls les cadres supérieurs bénéficiaient d’une voiture de service et d’une prime de fonction ne sont appuyées par aucune pièce justificative. La « Car Policy » versée en cause par A S.A. n’est entrée en vigueur que le 1er mars 2011, soit postérieurement à la conclusion entre parties du contrat de mise à disposition de B d’une voiture de service en date du 2 avril 2009. Ce contrat ne fait par ailleurs aucune allusion à un statut de cadre supérieur qui serait lié à cette mise à disposition. B a été engagé avec effet au 1er décembre 2005, par la société C S.A., devenue à partir du 17 mai 2009 A S.A., suivant contrat intitulé « contrat de travail statut hors convention » comme attaché dans la fonction de « adjoint responsable comptabilité et reporting fonds ». B conteste avoir joui des attributs de la fonction de cadre supérieur, tels que définis en l’article L.162-8 précité. Il nie avoir disposé d’une rémunération nettement plus élevée que celle des salariés couverts par la convention collective et d’avoir eu un pouvoir de direction et bénéficié d’une large dépendance. Le fait que le contrat de travail conclu entre parties stipule que B est engagé sous le « statut hors convention » et que la mention « HCCT » figure sur ses fiches de salaire ne suffit pas pour exclure le salarié du bénéfice des dispositions de la convention Il résulte des fiches de salaire versées en cause que la salaire mensuel brut de base de B s’élevait à 5.921,89 euros, qu’il touchait encore une prime de fonction de 551,29 euros et que l’avantage en nature correspondant à la voiture de service était de 315,21 euros, de sorte que son revenu annuel brut était de 13 x 6.788,39 euros = 88.249,07 euros. Il résulte encore des éléments de la cause qu’un salarié conventionné, groupe VI seuil 2, avait droit à la même époque à un salaire mensuel de base de 5.950,52 euros, soit un salaire annuel de 13 x 5.950,52 = 77.356 euros ( indice 737,83 au 1er janvier 2012), qu’il touchait encore une prime de ménage d’environ 1.000 euros et une prime de conjoncture d’environ 3.273 euros, de sorte que son salaire annuel s’élevait à 81.629 euros. Force est dès lors de constater que la différence entre le traitement annuel de B et le traitement annuel d’un salarié tombant sous le régime de la convention collective était inférieure à 10.000 euros. La Cour considère 7 que cette différence ne permet pas de conclure que B disposait d’une rémunération nettement plus élevée à celle de ses collègues conventionnés. A cela s’ajoute qu’il ne résulte pas des éléments du dossier que B disposait d’un véritable pouvoir de direction effectif et d’une large indépendance et liberté dans l’organisation du travail et des horaires de travail. Le renvoi au descriptif des différents postes occupés par B est, contrairement à ce qui est soutenu par A S.A., insuffisant à cet égard. Si la liste des tâches confiées à B est effectivement longue, il n’en découle pas pour autant que B disposait pour l’exécution de ses tâches d’un véritable pouvoir de direction effectif appuyé sur une autorité bien définie. A S.A. ne fournit pas de précisions à ce sujet et ne verse aucun organigramme qui permettrait de mieux apprécier le niveau de hiérarchie atteint par le salarié au sein de la société ou tout du moins au sein du département auquel il était affecté. La qualité de cadre supérieur de B n’étant dès lors pas établie, c’est à bon droit que ce dernier revendique à son profit les dispositions de la convention collective. Le jugement entrepris est partant à confirmer en ce qu’il a déclaré fondées les demandes de B en paiement de la prime de conjoncture pour les années 2010 et 2011 pour le montant de 2 x 3.273 euros et en paiement de la prime de ménage pour les mois de novembre 2009 à avril 2012 pour le montant total de 2.368,84 euros. (C.S.J., 21/04/2016, n°40904 du rôle). ÊTRE CADRE SUPÉRIEUR AU LUXEMBOURG Pourquoi y a-t-il une distinction à opérer entre cadre supérieur et salarié normal ? Les cadres supérieurs sont en principe exclus du champ d’application des conventions collectives de travail. Exit donc certains avantages comme le paiement du 13ème mois (bien que rien n’interdit l’employeur de le lui verser), le paiement des primes de conjoncture et celui des primes d’ancienneté. Puis et surtout, ils ne bénéficient pas du paiement des heures supplémentaires prestées. Pour schématiser, le cadre supérieur est étranger à la réglementation du droit du travail sur les questions relatives à la durée (dont le travail du dimanche). C’est ce qui d’ailleurs donne lieu à l’essentiel du contentieux devant les juges. Par exemple, un salarié est licencié, il décide d’agir pour licenciement abusif et demande en plus de la réparation matérielle et morale de son préjudice, le paiement d’heures supplémentaires dont il estime ne pas avoir été payé. A cet instant peut se jouer devant le juge une bataille intellectuelle consistant pour une partie (le salarié) à dire qu’il n’est pas cadre supérieur et pour l’autre (l’employeur) à avancer qu’il l’est. C’est une bataille d’arguments et d’analyse des faits pour le juge qui n’est lié par la signature d’aucun contrat qui plaiderait en faveur de telle ou telle thèse. Ce qui importe pour le juge, c’est la réalité factuelle de l’exercice du travail presté effectivement par le salarié. Qu’est-ce qu’un cadre supérieur ? Aux termes de l’article L.162-8(3), sont considérés comme cadres supérieurs, les salariés disposant d’un salaire nettement plus élevé que celui des salariés couverts par la convention collective , tenant compte du temps nécessaire à l’accomplissement des fonctions, si ce salaire est la contrepartie de l’exercice d’un véritable pouvoir de direction effectif ou dont la nature des tâches comporte une autorité bien définie, une large indépendance dans l’organisation du travail et une large liberté des horaires du travail et notamment l’absence de contrainte dans les horaires. Cette définition est la résultante de la définition juridique dégagée par la jurisprudence au fil des années. Quels sont les faisceaux d’indices auxquels s’attachent les juges pour révéler la qualité de cadre supérieur ? C’est déjà et principalement la signature d’un contrat portant la mention de « cadre supérieur ». Mais comme je l’ai souligné, ce critère n’est pas suffisant. Le juge ne se contente pas de ce que les parties ont convenu de mettre sur le papier. Le juge va en effet vérifier si le salarié bénéficie d’une rémunération dite « nettement plus élevée ». On procède alors par comparaison avec la rémunération moyenne que touche les salariés-conventionnés d’une ancienneté plus ou moins équivalente. Il faut en général se situer au-delà de 10 % pour parler de rémunération nettement plus élevée et ainsi entrer dans le champ d’application du salarié-cadre supérieur. 8 Il faut ensuite que le salarié bénéficie d’un véritable pouvoir de direction effectif ou d’une autorité bien définie. L’employeur est alors bien conseillé de fournir un organigramme permettant de mettre avant la qualité supérieure de la fonction occupée par l’employé. La production du « job description » peut s’avérer également très utile. A cela s’ajoute le critère d’indépendance et d’autonomie dans la gestion de sa tâche par le cadre supérieur. C’est par exemple la possibilité pour le salarié de gérer son temps de travail librement sans contrainte des horaires habituellement fixées pour les autres salariés. La jurisprudence retient également d’autres critères telles que la mise à disposition d’un smartphone et d’un véhicule de fonction. Par contre, et cela a été souligné récemment par la jurisprudence dans un arrêt du 28 avril 2016, l’argument suivant lequel le salarié n’a pas d’autres salariés sous ses ordres n’est pas pertinent, dans la mesure où il a été décidé « qu’un salarié peut être en application de l’article susvisé du code du travail cadre supérieur, sans qu’il dirige une équipe déterminée. » ( cf. Cour d’appel, 19 avril 2007, no 30833 du rôle). N’est pas non plus pertinent le fait que le salarié était évalué tous les ans par son supérieur hiérarchique. Cela n’est, en tant que tel, pas en contradiction avec l’existence d’un pouvoir de direction effectif et d’une autorité bien définie dans son chef. A qui revient la charge de la preuve de la qualité de salarié-conventionné ou de salarié-cadre supérieur ? En vertu du principe général du droit selon lequel c’est à celui qui se prévaut de quelque chose, et qui voudrait tirer bénéfice de ce statut, d’en rapporter la preuve, il revient à l’employeur, excipant du statut de cadre supérieur de son salarié, d’établir qu’il exerçait en son sein des fonctions dirigeantes de cadre supérieur, rémunérées de façon nettement plus élevée que celles d’un employé tombant sous le champ d’application de la convention collective. Inversement, il revient au salarié de rapporter la preuve de son “statut” de salarié-conventionné. La seule critique, qui au fond n’en est pas une, est qu’il plus aisée pour l’employeur de se prémunir des preuves car il est la partie économiquement la plus forte dans les relations de travail et possédant toutes les ressources matérielles nécessaires. David GIABBANI ALL CLAUSES IN THE EMPLOYMENT CONTRACT WHICH ARE LESS FAVORABLE THAN THE ONES SET BY LAW, SHALL BE NULL AND VOID According to Article L.121-6 of the Labor Code: “(1) An employee unable to work due to illness or accident is obliged, on the day of the impediment to warn personally or through another person, the employer or representative thereof. The information referred to in the preceding paragraph may be made orally or in writing. (2) The third day of absence at the latest, the employee is obliged to submit to the employer a medical certificate certifying his/her incapacity to work and its probable duration. (3) The employer notified in accordance with paragraph (1) or in possession of the medical certificate under subsection (2) is not allowed, even for serious reasons, to notify the employee of the termination of his employment contract, or if applicable, the invitation to a preliminary hearing referred to in Article L.124.2 for a period of twenty-six weeks at most from the date of the occurrence of the incapacity for work …. 9 The provisions of paragraphs 1 and 2 shall cease to apply with regard to the employer if the presentation of the medical certificate is not completed before the end of the third day of absence from work. The termination of the contract made in violation of this paragraph is abusive. (…)” . It follows that the sick employee is authorized by law to inform the employer of his inability to work the first day until midnight. Point 13 of the employment contract which requires sick employees working for Company A, to inform the employer of their absence before 9am is therefore less favorable than the law. By dismissing the employee with immediate effect on the first day of the extension of the sick leave, the employer acted prematurely and in an untimely manner, and therefore in violation of the law. The dismissal is for this reason alone to be considered unfair. It follows that it is superfluous to analyze whether the other grounds given by the employer to dismiss his employee without notice are real and serious. AGENDA DES CONFÉRENCES INTERIM, CDD ET AUTRES CONTRATS PRÉCAIRES 27/10/2016 | à partir de 15h LE LICENCIEMENT POUR FAUTE À L’ÉPREUVE DE LA JURISPRUDENCE ACTUELLE 25/11/2016 | à partir de 9h réservations à [email protected] Plus d’infos sur les conférences sur WWW.ETUDEGIABBANI.LU The judgment is therefore, although for other reasons, to be confirmed, in that B’s dismissal was declared abusive. (C.S.J., 12/03/2015, n°40824 du rôle). 10 ÉTUDE GIABBANI L’Etude GIABBANI spécialisée en droit du travail et en droit de la sécurité sociale est une Etude d’avocats indépendante installée au centre ville de Luxembourg. GIABBANI publie régulièrement des articles et ouvrages et donne régulièrement des conférences en droit dutravail. GIABBANI est responsable de la publication annuelle de la revue “L’Actualité du droit du travail au Luxembourg”. Etude GIABBANI 3., rue des Bains L-1212 LUXEMBOURG Te le phone : 26 20 16 68 Te le copie : 28 22 50 45 Messagerie : [email protected]