Newsletter Novembre 2016 - GIABBANI, Avocats spécialisés en

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Newsletter Novembre 2016 - GIABBANI, Avocats spécialisés en
NEWSLETTER
N°2
NOVEMBRE 2016
© étude Giabbani 2016
DANS CE NUMÉRO
Protection de 26 semaines
Corporate restructuration
Doctrine
Indemnité de départ
Clause de non-concurrence
Notion de cadre supérieur
Agenda des conferences
2
2
3
4
5
8
10
ÊTRE CADRE SUPÉRIEUR AU LUXEMBOURG
Les cadres supérieurs sont en principe exclus du
champ d’application des conventions collectives
de travail. Exit donc certains avantages comme le
paiement du 13ème mois (bien que rien n’interdit
l’employeur de le lui verser), le paiement des primes
de conjoncture et celui des primes d’ancienneté. Puis
et surtout, ils ne bénéficient pas du paiement des
heures supplémentaires prestées. Pour schématiser,
le cadre supérieur est étranger à la réglementation
du droit du travail sur les questions relatives à la
durée (dont le travail du dimanche). C’est ce qui
d’ailleurs donne lieu à l’essentiel du contentieux
devant les juges (…) p. 8
LA RÉSILIATION POUR FAUTE GRAVE DE
L’EMPLOYEUR N’EMPÊCHE PAS LE PAIEMENT DES
INDEMNITÉS DE PRÉAVIS ET DE DÉPART
A l’occasion de deux arrêts rendus le 8 juillet 2016,
la Cour constitutionnelle a été saisie de deux
questions préjudicielles relatives au versement de
diverses indemnités de rupture du contrat de travail
à l’occasion d’une résiliation aux torts de l’employeur.
En l’espèce, un salarié ayant démissionné de son
emploi en raison de la faute grave de son employeur
a saisi la juridiction du travail d’une demande en
indemnisation et a saisi la Cour constitutionnelle des
questions préjudicielles suivantes (…) p. 3
1
MALADIE –
PÉRIODE DE
PROTECTION DE
26 SEMAINES
Aux termes de l’article L. 121-6 (3)
du code du travail l’employeur averti
de la maladie ou en possession du
certificat médical n’est pas autorisé,
même pour motif grave, à notifier au
salarié la résiliation de son contrat de
travail pour une période de vingt-six
semaines au plus à partir du jour de la
survenance de l’incapacité de travail.
Soutenant qu’en vertu de la
convention européenne sur la
computation des délais du 16 mai 1972
le premier jour de cette période de
vingt-six semaines serait le lendemain
de la déclaration d’incapacité de
travail, A.) estime qu’elle n’était pas
révolue au moment du licenciement.
Les dispositions de l’article L. 121-6
(3) du code du travail constituent une
mesure de protection du salarié. Tel que
la formulation employée (« jour de la
survenance » et non pas « lendemain du
jour de la survenance ») l’indique, cette
protection produit ses effets dès que
l’incapacité de travail existe, pourvu que
l’employeur en ait été mis au courant.
C’est partant à tort que A.) se réfère à la
prédite convention.
En l’occurrence la période de vingt-six
semaines a commencé le 28 octobre
2011 pour se terminer le 26 avril 2012.
Au moment de l’envoi de la lettre de
licenciement (28 avril 2012) A.) n’était
partant plus protégé.
(C.S.J., 30/05/2016, 41376).
CE QU’IL FAUT RETENIR
« Aux termes de l’article L. 121-6 (3)
du code du travail l’employeur averti
de la maladie ou en possession du
certificat médical n’est pas autorisé,
même pour motif grave, à notifier au
salarié la résiliation de son contrat de
travail pour une période de vingt-six
semaines au plus à partir du jour
de la survenance de l’incapacité de
travail. »
THE DISMISSAL
IS JUSTIFIED IN THE
CASE OF
CORPORATE
RESTRUCTURING
“It should first of all be noted that
contrary to the findings of B., it does
not emerge from the aforementioned
termination letter that his dismissal is
based on economic reasons, strictly
speaking. The dismissal is based
instead on considerations related
to the restructuring of the company
in the interests of rationalization
and reduction of its operating costs,
consisting of the species in the
removal of the “Belegverwaltung”
involving the dismissal of the two
people composing the department
and the transfer of these tasks to the
“Disposition” service.
the Labour Code, the law does not
require the existence of economic
difficulties to justify the dismissal,
but takes into consideration only the
business operational requirements,
establishment or service.
(…) It is sufficient that the motivation
letter states precisely the reason based
on the operational requirements of the
company, establishment or service.
This requirement makes sense and
is necessary to the extent that it
cannot be required of an employer
to wait until the financial situation of
the company degrades completely
before reacting and that he not be
allowed to take restructuring measures
by reducing operating costs and
proceeding if necessary to layoffs.
The employer, who is invested with
the company’s managing power, may,
for reasons of economic efficiency,
restructure its services in a more
rational way, even in the absence of a
burdened financial situation.
His powers of decision on the
organization or restructuring of
the Company with respect to his
discretionary choice to dismiss are
only questioned when the dismissal
is unrelated to the reorganization and
is merely a pretext or carried out with
reprehensible levity”
(C.S.J., 23/10/214, n° 39784 du rôle).
In the event of a dismissal based
on the operational requirements of
the business or service within the
meaning of Article L.124-5 (2) of
2
LA RÉSILIATION
POUR FAUTE GRAVE
DE L’EMPLOYEUR
N’EMPÊCHE PAS LE
PAIEMENT DES
INDEMNITÉS
DE PRÉAVIS ET DE
DÉPART
A l’occasion de deux arrêts rendus le 8
juillet 2016, la Cour constitutionnelle
a été saisi de deux questions
préjudicielles relatives au versement
de diverses indemnités de rupture du
contrat de travail à l’occasion d’une
résiliation aux torts de l’employeur. En
l’espèce, un salarié ayant démissionné
de son emploi en raison de la faute
grave de son employeur a saisi la
juridiction du travail d’une demande
en indemnisation et a saisi la Cour
constitutionnelle des questions
préjudicielles suivantes :
1) L’article L. 124-6 du Code du travail
qui prévoit le droit à une indemnité de
préavis pour les salariés licenciés par
leur employeur avec effet immédiat
et dont le licenciement est jugé abusif
par la suite est-il conforme au principe
d’égalité devant la loi consacré par la
Constitution en ce qu’il ne prévoit pas
la même indemnité pour les salariés
à l’initiative d’une résiliation de leur
contrat de travail pour faute grave de
l’employeur et dont la résiliation est
jugée justifiée et fondée ?
2) L’article L. 124-7 du Code du travail
qui prévoit le droit à une indemnité de
départ pour les salariés licenciés par
leur employeur avec effet immédiat et
dont le licenciement est jugé abusif par
la suite par la juridiction du travail est-il
conforme au principe d’égalité devant
la loi consacré par la Constitution en ce
qu’il ne prévoit pas la même indemnité
pour les salariés à l’initiative d’une
résiliation de leur contrat de travail pour
faute grave de l’employeur et dont la
résiliation est jugée justifiée et fondée ?
La Cour constitutionnelle, dans deux
arrêts rendus le 8 juillet 2016, rappelle
que la mise en œuvre du principe
d’égalité suppose que les catégories
de personnes entre lesquelles une
discrimination est alléguée se trouvent
dans une situation comparable au
regard de la mesure invoquée. En outre,
elle rappelle que le législateur peut,
sans violer le principe constitutionnel
d’égalité devant la loi, soumettre
certaines catégories de personnes à
des régimes différents, à condition que
les différences instituées procèdent de
disparités objectives et qu’elles soient
rationnellement justifiées, adéquates et
proportionnées à leur but.
Or, la Cour remarque que « seul le
salarié licencié abusivement avec effet
immédiat par son employeur peut
prétendre aux indemnités de préavis
et de départ prévues respectivement
aux articles L. 124-6 et L. 124-7 du Code
du travail, tandis que le salarié qui a
démissionné de façon justifiée pour
faute grave de l’employeur ne peut
se voir allouer que des dommagesintérêts sur base de l’article L. 12410 du même code ». Elle relève
de surcroît « qu’à la différence des
dommages-intérêts, dont l’allocation
présuppose la preuve de l’existence
d’un préjudice en relation causale avec
la rupture de la relation de travail,
l’indemnité compensatoire de préavis
et l’indemnité de départ sont des
indemnités forfaitaires revenant au
salarié du seul fait du caractère abusif
du licenciement avec effet immédiat ».
CE QU’IL FAUT RETENIR
« le salarié qui a résilié son contrat de
travail avec effet immédiat pour faute
grave de l’employeur, et dont la
résiliation est déclarée justifiée par
la juridiction du travail, se trouve
dans une situation comparable au
salarié dont le licenciement avec effet
immédiat par l’employeur a été déclaré
abusif par la juridiction du travail.
Par conséquent, le fait de ne pas
accorder le bénéfice des indemnités de
préavis et de départ au salarié ayant
résilié son contrat de travail aux torts
de l’employeur institue entre ces deux
catégories de salariés, se trouvant
dans des situations comparables, une
différence de traitement qui ne procède
pas de disparités objectives et qui n’est
pas rationnellement justifiée, adéquate
et proportionnée à son but. »
Au regard des dispositions analysées,
la Cour constitutionnelle conclut
que le salarié qui a résilié son contrat
de travail avec effet immédiat pour
faute grave de l’employeur, et dont la
résiliation est déclarée justifiée par la
juridiction du travail, se trouve dans une
situation comparable au salarié dont le
licenciement avec effet immédiat par
l’employeur a été déclaré abusif par la
juridiction du travail. Par conséquent,
le fait de ne pas accorder le bénéfice
des indemnités de préavis et de départ
au salarié ayant résilié son contrat
de travail aux torts de l’employeur
institue entre ces deux catégories
de salariés, se trouvant dans des
situations comparables, une différence
de traitement qui ne procède pas de
disparités objectives et qui n’est pas
rationnellement justifiée, adéquate et
proportionnée à son but.
3
Il y a donc lieu, selon la Cour constitutionnelle, de dire que les articles L. 1246 et L. 124-7 du Code du travail ne sont
pas conformes au principe d’égalité
devant la loi consacré par l’article 10bis,
paragraphe 1, de la Constitution et
d’allouer les indemnités de préavis et de
départ au salarié ayant résilié son contrat pour faute grave de son employeur.
Cour constitutionnelle, 8 juillet
2016, n°123/16 du registre, Mémorial
A – N°127 du 15 juillet 2016 ; Cour
constitutionnelle, 8 juillet 2016,
n°124/16 du registre, Mémorial A –
N°127 du 15 juillet 2016
B challenges the the browser history
joined to the dismissal letter sustaining
that it doesn’t allow to distinguish
between private and professional
emails, that the connections qualified
as “private” are the result of personal
appreciation of the employer and that
no evidence is provided in this direction
and that no browser history in relation
to the date of the 29th October 2010
is annexed to the letter of dismissal.
In addition, navigating equipment and
decoration sites would have nothing
personal to the extent that her function
as “technical designer-sales”, led her to
make plans and to conduct research
on decoration in general to meet the
needs of the company’s clients.
Lucas LEFEBVRE
USING THE
INTERNET FOR
PRIVATE PURPOSES
DURING WORKING
HOURS
“In regards to the third reason for
dismissal relating to surfing the internet
for private purposes, Company
A complains that the first judges
dismissed this reason for lack of
precision. It argues that the consultation
of the Internet for purposes of a
private nature is clear from the internet
browser history detail which is part
of the dismissal letter. For example,
the appellant refers to the first ten
pages of the browser history and to
the 29th October 2010 to denounce
the manifestly abusive conduct of the
employee.
Examining the browser history attached
to the letter of motivation it is possible
to detect some connections to
maternity clothes websites or private
trips and a number of emails. This list
does not, however, in the absence of
further clarification as to the frequency
and duration of these consultations,
allow the judges to assess their
excessiveness. It is therefore rightly
so that the trial court dismissed this
ground of lack of precision.”
(C.S.J., 11/06/2015, n°40871 du rôle).
CALCUL DE
L’INDEMNITÉ DE
DÉPART
Le tribunal du travail a accordé une
indemnité de départ de 7.505,90
euros, soit 2 x 3.752,95 euros.
Dans l’acte d’appel, le salarié critique
cette décision qui aurait pris en
considération le salaire mensuel net au
lieu du salaire brut de 4.525,46 euros
et conclut à l’allocation du montant
de 9.050,92 euros (2 x 4.525,46).
Il est d’accord qu’il n’y a pas lieu de
tenir compte du salaire payé au titre
d’heures supplémentaires.
L’employeur conclut à la confirmation
du jugement. En ordre subsidiaire, il
soutient que l’indemnité de départ
devrait être calculée sur base des
rémunérations des douze mois qui
précèdent le licenciement, à l’exclusion
des heures supplémentaires. De
juillet 2011 à juin 2012, le salarié aurait
touché trois fois le montant de 4.415
euros et à partir d’octobre 2011 neuf
fois le montant de 4.525,46 euros,
soit le montant mensuel moyen de
4.497,84 euros. L’indemnité de départ
s’élèverait dès lors au montant de
8.995,68 euros (2 x 4.497,84).
CE QU’IL
FAUT RETENIR
« La Cour retient qu’au vu d’une
ancienneté de plus de dix ans, à
compter du 2 avril 2001, au moment
du licen-ciement immédiat abusif du
6 juillet 2012, le salarié a droit à une
indemnité de départ de deux mois
de sa-laire, calculée sur base des
salaires des douze mois qui précèdent
le licenciement, à l’exclusion des
rémunéra-tions des heures supplémentaires, soit en l’occur-rence le
montant de 8.995,68 euros.
(C.S.J., 26/05/2016, 41117 et 41237). »
Dans ses conclusions du 30 décembre
2014, le salarié déclare que son salaire
mensuel moyen était effectivement de
4.497,84 euros et il conclut à l’allocation
du montant de 8.995,68 euros.
4
La Cour retient qu’au vu d’une
ancienneté de plus de dix ans, à
compter du 2 avril 2001, au moment
du licenciement immédiat abusif
du 6 juillet 2012, le salarié a droit à
une indemnité de départ de deux
mois de salaire, calculée sur base
des salaires des douze mois qui
précèdent le licenciement, à l’exclusion
des rémunérations des heures
supplémentaires, soit en l’occurrence
le montant de 8.995,68 euros.
(C.S.J., 26/05/2016, 41117 et 41237).
and it is not for the Court to review
the appropriateness of this action
taken by the employer under his
management power.”
(C.S.J., 08/06/2015, n°40800 du rôle).
LA CLAUSE DE NONCONCURRENCE
EN DROIT
LUXEMBOURGEOIS
YOUR EMPLOYER
MAY DELETE YOUR
POSITION
“ Mrs. A.) believes that the COMP1.)
did not sufficiently proove the need
to abolish her position and also
criticized the Company for having
made only a rough estimate of
the average turnover business she
generated.
The Court holds that regardless of the
explanations provided by COMP1.)
to justify the abolition of Mrs. A’s
position, created especially to adress
the HORECA market, it follows from
witness statements, and Mrs. A.) does
not dispute this, that the position
has in fact been deleted. The reason
given in support of dismissal, namely
the elimination of her job position, is
therefore real.
The reason is also serious as the
employer is authorized to organize
his business in a rational way
and this not only under threat
of potential losses, but also if he
realizes that the job is not profitable
informer la clientèle d’une société A,
pour laquelle il travaille encore, qu’il
va travailler prochainement pour une
société B tout en les incitant à le suivre.
Une jurisprudence récente a
notamment eu à traiter du cas d’une
salariée qui, tirant prétexte de ce
qu’elle était la seule à parler portugais
et à traiter avec la clientèle d’origine
portugaise de la société, leur faisait
signer un document de transfert
de clientèle en plus de les informer
de son départ (C.S.J., 20/04/2015,
40806). L’employeur a obtenu des
dommages-intérêts.
En matière de concurrence, y a-t-il
une distinction à opérer selon que le
contrat de travail a pris fin ou non ?
Le salarié peut-il préparer une
entreprise concurrente durant
l’exécution de son contrat de travail ?
La distinction à opérer est la suivante :
bien qu’un contrat de travail ne
contienne pas toujours expressément
de clause de non-concurrence, il est
de principe que les contrats doivent
être exécutés de bonne foi aux
termes de l’article 1134 du code civil.
Il existe toujours pour le salarié une
possibilité de préparer une activité
future. En effet, l’obligation de
loyauté et de fidélité n’interdit pas
au salarié, alors qu’il est encore dans
les liens contractuels, de préparer
une activité future que l’employeur
peut considérer comme concurrente,
à condition cependant qu’il ne
commence cette activité qu’après
la rupture de son contrat de travail
(C.S.J., 02/02/2012, 35965).
Il en découle qu’une partie devra
s’abstenir durant l’exécution du
contrat de tout acte qui porte
délibérément préjudice à son
co-contractant, cette interdiction
découlant du devoir de loyauté que
chaque partie doit respecter.
Il est partant interdit au salarié de
poser des actes de concurrence à
l’employeur en cours d’exécution de
son contrat.
Il est par exemple défendu de
débaucher la clientèle de son
employeur en usant de moyens
déloyaux en vue d’une activité
future ou en vue d’intégrer une
société concurrente. Cela consiste
notamment pour un employé à
Tout est ici appréciation au cas par
cas pour le juge qui doit opérer
une distinction entre simples actes
préparatoires, qui ne sont que la
projection de l’activité future, et actes
constitutifs de concurrence déloyale tel
que par exemple le démarrage effectif
de l’activité concurrente compilé à un
détournement de clientèle.
En pareille hypothèse, le salarié
engage sa responsabilité pour les
pertes et dommages subis par
l’employeur dès lors qu’il a commis un
acte volontaire.
5
Notons que tout est ici question de bonne
foi à apprécier dans le chef du salarié.
La même possibilité de préparer une
activité future existe a fortiori pendant
la période de préavis.
Qu’en est-il lorsque le contrat de
travail a pris fin ?
Le salarié dispose d’une liberté absolue
de travailler pour une entreprise
concurrente même en présence d’une
clause de non-concurrence.
Aux termes de l’article L. 125-8 du
code du travail, la clause de nonconcurrence inscrite dans un contrat
de travail est celle par laquelle le
salarié s’interdit pour le temps qui suit
son départ de l’entreprise, d’exercer
des activités similaires afin de ne
pas porter atteinte aux intérêts de
l’ancien employeur en exploitant une
entreprise concurrente.
De cette définition légale, il en résulte
que l’article L.125-8 du code du travail
ne vise que le cas d’une activité en tant
qu’entrepreneur individuel. Cet article
vise uniquement l’hypothèse de celui
qui s’interdit d’exploiter une entreprise
personnelle concurrente à la fin de ses
relations de travail.
Il faut en déduire que la clause de nonconcurrence est inopérante pour le cas
où l’ancien salarié détiendrait des parts
sociales dans une société concurrente.
La personne du salarié et celle de
la société dont il serait actionnaire
majoritaire sont à considérer comme
des entités juridiques distinctes, et si
concurrence il y devait y avoir, cette
concurrence émanerait tout au plus de
la société, de sorte qu’une demande en
dommages et intérêts dirigée contre le
salarié et basée sur une clause de nonconcurrence serait non fondée.
Tous les salariés peuvent-ils se
voir imposer une clause de nonconcurrence ?
Aux termes de l’article L.125-8
(3) du code du travail, la clause
de non-concurrence est réputée
non-écrite lorsque le salaire ou le
traitement annuel qui est versé au
salarié au moment du départ de son
entreprise ne dépasse pas un niveau
déterminé par règlement grandducal (6.817,07.-euros à l’indice 100,
règlement grand-ducal du 11 juillet
1989, article 6).
La clause de non-concurrence doit
être écrite, elle doit se rapporter à
un secteur professionnel clairement
identifié et doit être limitée dans le
temps. La durée de l’obligation de
non-concurrence ne peut en effet
dépasser une période de 12 mois qui
commence à courir le jour de la fin des
relations de travail.
La clause de non-concurrence
doit également être limitée
géographiquement en fonction du
secteur concerné.
Il faut enfin préciser que seul le salarié
peut invoquer la nullité de la clause
de non-concurrence en justice. Selon
la jurisprudence, il n’était pas dans
l’intention du législateur, soucieux de
protéger le salarié, de placer, en ce qui
concerne le cadre légal de la clause
de non-concurrence, l’employé et
l’employeur sur un pied d’égalité .
CE QU’IL FAUT RETENIR
Clause de non-concurrence :
« De cette définition légale,il en résulte
que l’article L.125-8 du code du travail
ne vise que le cas d’une activité en tant
qu’entrepreneur individuel. Cet article
vise uniquement l’hypothèse de celui
qui s’interdit d’exploiter une entreprise
personnelle concurrente à la fin de
ses relations de travail.
Il fait en déduire que la clause de nonconcurrence est inopérante pour le cas
où l’ancien salarié détiendrait des parts
sociales dans une société concurrente.
La personne du salarié et celle de
la société dont il serait actionnaire
majoritaire sont à considérer comme
des entités juridiques distinctes, et si
concurrence il y devait y avoir, cette
concurrence émanerait tout au plus de
la société, de sorte qu’une demande en
dommages et intérêts dirigée contre le
salarié et basée sur une clause de nonconcurrence serait non fondée. »
David GIABBANI
6
CADRE SUPÉRIEUR
ET ATTRIBUTS DE LA
FONCTION
B réclame sur base de la convention
collective des salariés de banque les
montants de 2.368,84 euros du chef
de primes de ménage pour les mois de
novembre 2009 à avril 2012 et de 6.546
euros du chef de prime de conjoncture
pour les années 2010 et 2011.
A S.A. conteste ces demandes,
soutenant que B a été cadre
supérieur et que les dispositions de
la convention collective des salariés
de banque ne lui sont dès lors pas
applicables.
Aux termes de l’article L.162-8 du
Code du travail: « (1) Sont soumises
aux dispositions d’une convention
collective ou d’un accord subordonné
toutes les personnes qui les ont
signés personnellement ou par
mandataire.
(2) Lorsqu’un employeur est lié par
de tels conventions ou accords, il
les applique à l’ensemble de son
personnel visé par la convention ou
l’accord en cause.
(3) Sauf disposition contraire de la
convention collective ou de l’accord
subordonné, les conditions de travail
et de salaire des salariés ayant la
qualité de cadres supérieurs ne sont
pas réglementées par la convention
collective ou l’accord subordonné
conclus pour le personnel ayant le
statut d’employé.
Toutefois, les parties contractantes
qualifiées au sens des dispositions
qui précèdent peuvent décider de
négocier une convention collective
particulière pour les cadres supérieurs
au sens des dispositions visées cidessus.
collective, mais il y a lieu d’analyser si
B jouissait en réalité des attributs de
la fonction de cadre supérieur.
Sont considérés comme cadres
supérieurs au sens du présent titre, les
salariés disposant d’une rémunération
nettement plus élevée que celle des
salariés couverts par la convention
collective ou barémisés par un autre
biais, tenant compte du temps
nécessaire à l’accomplissement des
fonctions, si cette rémunération
est la contrepartie de l’exercice
d’un véritable pouvoir de direction
effectif ou dont la nature des tâches
comporte une autorité bien définie,
une large indépendance dans
l’organisation du travail et une large
liberté des horaires du travail et
notamment l’absence de contraintes
dans les horaires. (…) »
A cet égard, il convient d’emblée de
constater que les affirmations de A
S.A. que seuls les cadres supérieurs
bénéficiaient d’une voiture de
service et d’une prime de fonction
ne sont appuyées par aucune pièce
justificative. La « Car Policy » versée
en cause par A S.A. n’est entrée en
vigueur que le 1er mars 2011, soit
postérieurement à la conclusion
entre parties du contrat de mise à
disposition de B d’une voiture de
service en date du 2 avril 2009. Ce
contrat ne fait par ailleurs aucune
allusion à un statut de cadre supérieur
qui serait lié à cette mise à disposition.
B a été engagé avec effet au 1er
décembre 2005, par la société C S.A.,
devenue à partir du 17 mai 2009 A
S.A., suivant contrat intitulé « contrat
de travail statut hors convention »
comme attaché dans la fonction de
« adjoint responsable comptabilité et
reporting fonds ».
B conteste avoir joui des attributs
de la fonction de cadre supérieur,
tels que définis en l’article L.162-8
précité. Il nie avoir disposé d’une
rémunération nettement plus élevée
que celle des salariés couverts par la
convention collective et d’avoir eu
un pouvoir de direction et bénéficié
d’une large dépendance.
Le fait que le contrat de travail conclu
entre parties stipule que B est engagé
sous le « statut hors convention »
et que la mention « HCCT » figure
sur ses fiches de salaire ne suffit pas
pour exclure le salarié du bénéfice
des dispositions de la convention
Il résulte des fiches de salaire versées
en cause que la salaire mensuel brut
de base de B s’élevait à 5.921,89
euros, qu’il touchait encore une prime
de fonction de 551,29 euros et que
l’avantage en nature correspondant
à la voiture de service était de 315,21
euros, de sorte que son revenu annuel
brut était de 13 x 6.788,39 euros =
88.249,07 euros. Il résulte encore des
éléments de la cause qu’un salarié
conventionné, groupe VI seuil 2, avait
droit à la même époque à un salaire
mensuel de base de 5.950,52 euros,
soit un salaire annuel de 13 x 5.950,52
= 77.356 euros ( indice 737,83 au 1er
janvier 2012), qu’il touchait encore une
prime de ménage d’environ 1.000
euros et une prime de conjoncture
d’environ 3.273 euros, de sorte que son
salaire annuel s’élevait à 81.629 euros.
Force est dès lors de constater que la
différence entre le traitement annuel
de B et le traitement annuel d’un
salarié tombant sous le régime de la
convention collective était inférieure
à 10.000 euros. La Cour considère
7
que cette différence ne permet pas
de conclure que B disposait d’une
rémunération nettement plus élevée
à celle de ses collègues conventionnés.
A cela s’ajoute qu’il ne résulte pas des
éléments du dossier que B disposait
d’un véritable pouvoir de direction
effectif et d’une large indépendance et
liberté dans l’organisation du travail et
des horaires de travail.
Le renvoi au descriptif des
différents postes occupés par B est,
contrairement à ce qui est soutenu
par A S.A., insuffisant à cet égard. Si
la liste des tâches confiées à B est
effectivement longue, il n’en découle
pas pour autant que B disposait pour
l’exécution de ses tâches d’un véritable
pouvoir de direction effectif appuyé
sur une autorité bien définie. A S.A.
ne fournit pas de précisions à ce sujet
et ne verse aucun organigramme
qui permettrait de mieux apprécier
le niveau de hiérarchie atteint par le
salarié au sein de la société ou tout du
moins au sein du département auquel
il était affecté.
La qualité de cadre supérieur de B
n’étant dès lors pas établie, c’est à bon
droit que ce dernier revendique à son
profit les dispositions de la convention
collective.
Le jugement entrepris est partant à
confirmer en ce qu’il a déclaré fondées
les demandes de B en paiement de la
prime de conjoncture pour les années
2010 et 2011 pour le montant de 2
x 3.273 euros et en paiement de la
prime de ménage pour les mois de
novembre 2009 à avril 2012 pour
le montant total de 2.368,84 euros.
(C.S.J., 21/04/2016, n°40904 du rôle).
ÊTRE CADRE
SUPÉRIEUR AU
LUXEMBOURG
Pourquoi y a-t-il une distinction à
opérer entre cadre supérieur et salarié
normal ?
Les cadres supérieurs sont en principe
exclus du champ d’application des
conventions collectives de travail. Exit
donc certains avantages comme le
paiement du 13ème mois (bien que rien
n’interdit l’employeur de le lui verser),
le paiement des primes de conjoncture
et celui des primes d’ancienneté. Puis
et surtout, ils ne bénéficient pas du
paiement des heures supplémentaires
prestées. Pour schématiser, le
cadre supérieur est étranger à la
réglementation du droit du travail sur
les questions relatives à la durée (dont
le travail du dimanche). C’est ce qui
d’ailleurs donne lieu à l’essentiel du
contentieux devant les juges.
Par exemple, un salarié est licencié, il
décide d’agir pour licenciement abusif
et demande en plus de la réparation
matérielle et morale de son préjudice,
le paiement d’heures supplémentaires
dont il estime ne pas avoir été payé.
A cet instant peut se jouer devant le
juge une bataille intellectuelle consistant
pour une partie (le salarié) à dire qu’il
n’est pas cadre supérieur et pour l’autre
(l’employeur) à avancer qu’il l’est.
C’est une bataille d’arguments et
d’analyse des faits pour le juge qui
n’est lié par la signature d’aucun
contrat qui plaiderait en faveur de
telle ou telle thèse. Ce qui importe
pour le juge, c’est la réalité factuelle
de l’exercice du travail presté
effectivement par le salarié.
Qu’est-ce qu’un cadre supérieur ?
Aux termes de l’article L.162-8(3), sont
considérés comme cadres supérieurs,
les salariés disposant d’un salaire
nettement plus élevé que celui des
salariés couverts par la convention
collective , tenant compte du temps
nécessaire à l’accomplissement
des fonctions, si ce salaire est la
contrepartie de l’exercice d’un véritable
pouvoir de direction effectif ou
dont la nature des tâches comporte
une autorité bien définie, une large
indépendance dans l’organisation du
travail et une large liberté des horaires
du travail et notamment l’absence de
contrainte dans les horaires.
Cette définition est la résultante de
la définition juridique dégagée par la
jurisprudence au fil des années.
Quels sont les faisceaux d’indices
auxquels s’attachent les juges pour
révéler la qualité de cadre supérieur ?
C’est déjà et principalement la
signature d’un contrat portant la
mention de « cadre supérieur ». Mais
comme je l’ai souligné, ce critère n’est
pas suffisant. Le juge ne se contente
pas de ce que les parties ont convenu
de mettre sur le papier.
Le juge va en effet vérifier si le
salarié bénéficie d’une rémunération
dite « nettement plus élevée ».
On procède alors par comparaison
avec la rémunération moyenne que
touche les salariés-conventionnés
d’une ancienneté plus ou moins
équivalente. Il faut en général se
situer au-delà de 10 % pour parler
de rémunération nettement plus
élevée et ainsi entrer dans le champ
d’application du salarié-cadre
supérieur.
8
Il faut ensuite que le salarié bénéficie
d’un véritable pouvoir de direction
effectif ou d’une autorité bien définie.
L’employeur est alors bien conseillé de
fournir un organigramme permettant
de mettre avant la qualité supérieure
de la fonction occupée par l’employé.
La production du « job description »
peut s’avérer également très utile.
A cela s’ajoute le critère
d’indépendance et d’autonomie
dans la gestion de sa tâche par le
cadre supérieur. C’est par exemple
la possibilité pour le salarié de gérer
son temps de travail librement sans
contrainte des horaires habituellement
fixées pour les autres salariés.
La jurisprudence retient également
d’autres critères telles que la mise à
disposition d’un smartphone et d’un
véhicule de fonction.
Par contre, et cela a été souligné
récemment par la jurisprudence dans
un arrêt du 28 avril 2016, l’argument
suivant lequel le salarié n’a pas d’autres
salariés sous ses ordres n’est pas
pertinent, dans la mesure où il a été
décidé « qu’un salarié peut être en
application de l’article susvisé du code
du travail cadre supérieur, sans qu’il
dirige une équipe déterminée. » ( cf.
Cour d’appel, 19 avril 2007, no 30833
du rôle).
N’est pas non plus pertinent le fait que
le salarié était évalué tous les ans par
son supérieur hiérarchique. Cela n’est,
en tant que tel, pas en contradiction
avec l’existence d’un pouvoir de
direction effectif et d’une autorité bien
définie dans son chef.
A qui revient la charge de la preuve de
la qualité de salarié-conventionné ou
de salarié-cadre supérieur ?
En vertu du principe général du droit
selon lequel c’est à celui qui se prévaut
de quelque chose, et qui voudrait tirer
bénéfice de ce statut, d’en rapporter
la preuve, il revient à l’employeur,
excipant du statut de cadre supérieur
de son salarié, d’établir qu’il exerçait
en son sein des fonctions dirigeantes
de cadre supérieur, rémunérées de
façon nettement plus élevée que
celles d’un employé tombant sous le
champ d’application de la convention
collective.
Inversement, il revient au salarié de
rapporter la preuve de son “statut” de
salarié-conventionné.
La seule critique, qui au fond n’en
est pas une, est qu’il plus aisée
pour l’employeur de se prémunir
des preuves car il est la partie
économiquement la plus forte dans
les relations de travail et possédant
toutes les ressources matérielles
nécessaires.
David GIABBANI
ALL CLAUSES IN
THE EMPLOYMENT
CONTRACT
WHICH ARE LESS
FAVORABLE THAN
THE ONES SET BY
LAW, SHALL BE NULL
AND VOID
According to Article L.121-6 of the
Labor Code:
“(1) An employee unable to work due
to illness or accident is obliged, on
the day of the impediment to warn
personally or through another person,
the employer or representative
thereof.
The information referred to in the
preceding paragraph may be made
orally or in writing.
(2) The third day of absence at the
latest, the employee is obliged to
submit to the employer a medical
certificate certifying his/her incapacity
to work and its probable duration.
(3) The employer notified in
accordance with paragraph (1) or in
possession of the medical certificate
under subsection (2) is not allowed,
even for serious reasons, to notify the
employee of the termination of his
employment contract, or if applicable,
the invitation to a preliminary hearing
referred to in Article L.124.2 for a
period of twenty-six weeks at most
from the date of the occurrence of the
incapacity for work ….
9
The provisions of paragraphs 1 and 2
shall cease to apply with regard to the
employer if the presentation of the
medical certificate is not completed
before the end of the third day of
absence from work.
The termination of the contract
made in violation of this paragraph is
abusive. (…)” .
It follows that the sick employee
is authorized by law to inform the
employer of his inability to work the
first day until midnight.
Point 13 of the employment contract
which requires sick employees
working for Company A, to inform
the employer of their absence before
9am is therefore less favorable than
the law. By dismissing the employee
with immediate effect on the first day
of the extension of the sick leave, the
employer acted prematurely and in
an untimely manner, and therefore in
violation of the law. The dismissal is
for this reason alone to be considered
unfair.
It follows that it is superfluous to
analyze whether the other grounds
given by the employer to dismiss his
employee without notice are real and
serious.
AGENDA
DES
CONFÉRENCES
INTERIM, CDD ET
AUTRES CONTRATS
PRÉCAIRES
27/10/2016 | à partir de 15h
LE LICENCIEMENT
POUR FAUTE À
L’ÉPREUVE DE LA
JURISPRUDENCE
ACTUELLE
25/11/2016 | à partir de 9h
réservations à
[email protected]
Plus d’infos sur les conférences sur
WWW.ETUDEGIABBANI.LU
The judgment is therefore, although
for other reasons, to be confirmed, in
that B’s dismissal was declared abusive.
(C.S.J., 12/03/2015, n°40824 du rôle).
10
ÉTUDE GIABBANI
L’Etude GIABBANI spécialisée en droit
du travail et en droit de la sécurité
sociale est une Etude d’avocats indépendante installée au centre ville de
Luxembourg.
GIABBANI publie régulièrement des
articles et ouvrages et donne régulièrement des conférences en droit dutravail.
GIABBANI est responsable de la
publication annuelle de la revue
“L’Actualité du droit du travail au
Luxembourg”.
Etude GIABBANI
3., rue des Bains
L-1212 LUXEMBOURG
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