FRANCE – Quel impact de la crise en Russie
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FRANCE – Quel impact de la crise en Russie
Apériodique – n°15/67 – 5 mars 2015 FRANCE – Quel impact de la crise en Russie ? La crise russe se diffuse à l’économie française via plusieurs canaux de transmission, avec un impact plus ou moins direct et donc plus ou moins immédiat sur l’activité. Le commerce extérieur est bien sûr affecté, via l’effet négatif sur les exportations et les importations, de biens comme de services. Les flux d’investissement directs seraient, à l’inverse, peu impactés par cette situation. Un autre effet, plus insidieux, et pourtant peut-être plus puissant, transitera par une dégradation de la confiance et un attentisme plus marqué des agents. Enfin, n’oublions pas qu’à défaut d’en être l’origine, la baisse du prix du pétrole a joué un rôle d’accélérateur dans la crise russe. Ce repli des prix du Brent a un effet favorable sur l’activité française, qui transite par un effet positif à la fois sur le pouvoir d’achat des ménages et sur les marges des entreprises. Que peut-on espérer pour la Russie ? Les origines de la crise La brutalité de la crise économique russe est liée aux chocs externes (géopolitique et prix du pétrole), mais ceux-ci ont surtout amplifié une mécanique de ralentissement de la croissance, dont les causes sont dans le modèle de croissance lui-même : cette économie souffre d’une insuffisance de capacités de production, liée à un déficit d’investissements. Après 2009, la Russie ne retrouve pas les niveaux de croissance qu’elle avait avant la crise. Par ailleurs, la principale composante du PIB reste la consommation des ménages (dont ont profité beaucoup d’investisseurs, dans l’automobile ou la grande distribution, par exemple), soutenue par une forte progression des salaires réels. Tout concourt alors à cette hausse des revenus : le Études Économiques Groupe http://etudes-economiques.credit-agricole.com crédit, la politique sociale active de l’État (notamment en direction des retraités), le contexte démographique (la baisse de population explique un taux de chômage très faible, de l’ordre de 5%), et jusqu’à l’an dernier, la désinflation. Taux de croissance du PIB (% a/a) 20 15 10 5 0 -5 -10 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014 Brésil Chine Inde Russie Cependant avec cette poussée de la consommation et la hausse du PIB par habitant, la croissance se déforme : les Russes consomment, ils voyagent, ils importent (et l’excédent courant, logique pour un grand pays énergétique, ne cesse de se contracter, signalant les premiers symptômes d’une « maladie hollandaise »). Mais les Russes n’investissent pas assez, et surtout dans les infrastructures. Cela conduit à une dégradation de la compétitivité et peu à peu, de la croissance potentielle, ramenée à 1,3%. Les niveaux de productivité sont à 40% de ceux des États-Unis, et la Russie est donc installée dans une économie de rente, bien plus que dans un processus de transition. Le ralentissement de la croissance devient flagrant en 2012, et cela entraîne une perte de popularité de Vladimir Poutine ; car le contrat social, depuis quinze ans, était fondé sur la progression des revenus… France : quel impact de la crise en Russie ? Axelle LACAN [email protected] Tania SOLLOGOUB [email protected] Le grand projet eurasien de Vladimir Poutine Confronté à ce danger, « l’ex-nouveau président » Poutine opte en 2013 pour une stratégie de capitalisme d’État. Cela se traduit par une affirmation de l’État dans tous les secteurs stratégiques, mais aussi par un projet de société conservateur et un retour de thèmes nationalistes, autour d’une ambition géopolitique eurasienne – que la révolution pro-européenne de l’Ukraine va cependant faire avorter. Tandis qu’elle s’affirme dans la sphère politique, cette stratégie est un échec économique, car elle ne réussit pas à stimuler l’investissement, contraint par une corruption qui n’a cessé de s’accroître, y compris dans les périodes de croissance. L’accélération de la crise fin 2014… La crise ukrainienne et la chute du pétrole arrivent donc dans un contexte de stagnation de la croissance qui s’annonçait durable. Elles font basculer la Russie dans la récession en la privant des deux principaux moteurs d’activité : la consommation des ménages (frappée par les sanctions qui assèchent le crédit bancaire) et la contraction en valeur des exportations. À cela s’ajoute la crise géopolitique dont l’impact sera sans doute profond sur les comportements d’investissement : Dans ce contexte, les sorties de capitaux atteignent des niveaux records (152 Mds USD en 2014), le rouble chute et les spreads souverains s’écartent. La Banque centrale augmente les taux et dépense en vain 76 Mds USD pour stabiliser le rouble. Elle finit par abandonner l’ancrage du change. Début 2015, la perte du statut investment grade (Standard, puis Moody’s) ne fait qu’accentuer cette volatilité monétaire. … Et pour 2015 : la stagflation Les conséquences de la crise du change (et de l’embargo sur les importations alimentaires) sont rapides sur l’inflation (16,6% en février dernier) et sur la croissance : la récession devrait se situer entre -3 et -5% cette année, et tous les secteurs confrontés au retournement de la consommation seront particulièrement touchés. Les banques, frappées de plein fouet par les sanctions occidentales, sont très fragiles et dépendantes de l’aide de la Banque centrale. Mais surtout, le dilemme de la stagflation complique la tâche de la Banque centrale (des taux élevés pour défendre la sphère monétaire, mais qui cassent l’activité…). Seules bonnes nouvelles, l’excédent courant augmente et la dette extérieure diminue. L’État affiche aussi sa volonté d’aider les entreprises et banques systémiques, en faisant appel à ses fonds souverains. En fait, il s’apprête à nationaliser et à monétiser une partie de la dette privée, ce qui laisse penser que l’environnement inflationniste va être durable (surtout dans un contexte d’insuffisantes capacités de production). Moscou a-t’il les moyens d’une telle politique ? Oui, car les réserves de change restent importantes (385 Mds USD), notamment au regard de la dette à court terme. Le profil souverain russe n’est certes plus investment grade, mais il n’est pas encore menaçant, d’autant que la dette publique reste inférieure à 15%. La Russie est donc très fragile, mais n’est pas dans la situation de risque de solvabilité des années 1990. Et ensuite ? La grande glaciation ? En bref, Moscou peut donc vivre sous sanction, mais mal. Après la phase de récession (sous réserve du prix du pétrole et d’une stabilisation de la situation géopolitique à terme), la Russie retrouvera la mécanique qui l’a conduit à la stagnation : en effet, le gouvernement ne semble pas en mesure de proposer un programme de réformes structurelles qui puissent relancer l’investissement, d’autant que la stratégie économique est aujourd’hui dominée par des considérations politiques (la composition des dépenses budgétaires en témoigne, orientée autour des dépenses sociales et militaires). La crise a évidemment de grandes implications politiques. Pour l’instant, la popularité du président est au plus haut, resserrée par l’idéal nationaliste et la sensation de forteresse assiégée. Mais il va falloir entretenir cela et camoufler le relatif échec du projet eurasien. Cette situation est dangereuse pour V. Poutine et conduit à un renforcement de l’autoritarisme. Elle change aussi le rapport de l’État avec l’oligarchie, la liberté d’action de cette dernière étant vouée à être réduite. En conclusion, la crise russe a donc des implications majeures pour le pays, car elle touche à tous les équilibres : économiques, politiques et sociaux. Mais elle impacte aussi l’Europe, au moins parce que la géopolitique à ses frontières de l’Est a sans doute durablement changée. Un effet globalement limité sur le commerce extérieur, mais attention à quelques segments La crise russe aura un impact négatif sur le commerce extérieur français. D’autant que la situation initiale de la balance commerciale, au sens de la balance des biens et services, est assez défavorable. La balance des biens est déficitaire depuis 2005. Certes, ce déficit se réduit sur la période récente, mais ce tassement s’explique principalement par la contraction des N° 15/67 – 5 mars 2015 -2 - France : quel impact de la crise en Russie ? Axelle LACAN [email protected] Tania SOLLOGOUB [email protected] importations, dans un contexte de stagnation de l’activité économique et par un reflux des achats énergétiques, compte tenu de la baisse du prix du baril (-5,7 % pour le Brent par rapport à 2012, en euros). % PIB 2 France : balance des biens et services L’impact sur la balance des biens Les exportations de biens En préalable, rappelons que la France a un indice de diversification (indice Herfindhal) de ses exportations élevé, à plus de 94%, ce qui signifie que les exportations françaises sont destinées à une multitude de partenaires, limitant les risques en cas de tensions avec l’un de ses partenaires. 1 France : indice de diversification pays 0 94,6% -1 94,4% -2 94,2% -3 94,0% -4 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 Balance des biens Balance des services Balance commerciale 93,8% 93,6% Source : EIU, CA S.A. 93,4% L’érosion des parts de marché françaises à l’exportation est une illustration de la faiblesse du commerce extérieur français. Certes, tous les grands pays de la zone euro ont perdu des parts de marché, compte tenu notamment de la concurrence grandissante de certains pays émergents. Mais la dégradation de la position française a été plus rapide, pénalisée par l’évolution dynamique des coûts de production. Grands pays de la zone euro : part dans les exportations mondiales En % En % 7 10 6 93,2% 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 Source : Crédit Agricole S.A. Qu’est-ce qu’un indice de diversificationpays ? L'indice de diversification-pays évalue la répartition des exportations d'un pays entre ses différents partenaires commerciaux. Plus il est élevé, plus les exportations sont diversifiées entre une multitude de partenaires. Au contraire, plus il est faible, plus les exportations sont concentrées entre un petit nombre de partenaires 5 4 9 3 2 1 0 8 92 94 96 98 00 02 04 06 08 10 12 14 France Italie Espagne Allemagne (éch. dr.) Source : OCDE, Crédit Agricole S.A. Alors quel sera l’ampleur de l’impact négatif de la crise russe sur un commerce extérieur déjà fragile ? Le niveau élevé de l’indice de diversification-pays est un élément rassurant sur le plan macroéconomique. Tout comme la part des exportations vers la Russie dans les exportations totales. La Russie est la dixième destination des exportations françaises et représente 1,6% des exportations totales de biens (cf. graphique page suivante). Toutefois, bien que cette part puisse apparaître comme faible, le recul des exportations vers la Russie a expliqué, en 2013, à hauteur de 0,3% la contraction des exportations françaises observée sur l’année. N° 15/67 – 5 mars 2015 -3 - France : quel impact de la crise en Russie ? Axelle LACAN [email protected] 0,6% 0,5% 0,4% 0,3% 0,2% 0,1% 0,0% -0,1% -0,2% -0,3% -0,4% Tania SOLLOGOUB [email protected] France : top 20 principaux importateurs et contribution à la croissance des exports en 2013 Contribution à la croissance Source : UN Comtrade, CA S.A. Il convient donc d’analyser les impacts sectoriels. D’autant que s’ils sont plus aigus, ils peuvent, par effet de contagion à d’autres secteurs amont et aval, toucher l’ensemble de l’économie. Un focus est ici présenté sur les trois secteurs exportateurs ayant le poids le plus important dans le total des exportations à destination de la Russie, à savoir : Les autres matériels de transport (13,2% des exportations françaises vers la Russie) ; Les produits médicinaux et pharmaceutiques (11,1%) ; Les machines et appareils électriques (8,2%). 18% 16% 14% 12% 10% 8% 6% 4% 2% 0% Poids dans exports tot. (dr.) Dans le secteur des « autres matériels de transport », l’Allemagne est le premier client de la France, avec 29% des exportations destinées à ce pays. Les États-Unis sont notre deuxième client (9%), puis arrivent la Chine (8%) et le Royaume-Uni (4%). La Russie ne représente que 2% des exportations françaises d’autres matériels de transport. Autres matériels de transport : top 4 marchés destinataires 35% 29% 30% % des exportations totales du secteur 25% 20% % exports 14% France : top 3 des exportations vers la Russie 8% 4% 5% 10% 6% 9% 10% 12% 8% 15% 2% 0% Allemagne Etats-Unis 13,2% 11,1% Chine Roy.-Uni Russie Source : UN Comtrade,Crédit Agricole S.A. 8,2% 4% 2% 0% Autres matériels Prod. médicinaux Machines et de transport et appareils pharmaceutiques électriques, nda Source : UN Comtrade, Crédit Agricole S.A. Il est pertinent de regarder si, sur l’un de ces secteurs, le poids de la Russie est suffisamment élevé pour rendre dangereuse l’exposition à la crise russe. Pour les « produits médicinaux et pharmaceutiques », la Belgique arrive en tête et représente 18% des exportations françaises sur ce segment, devant l’Allemagne (11%), les États-Unis (7%) et l’Italie (5%). Seules 3% de nos exportations de produits médicinaux et pharmaceutiques sont à destination de la Russie. N° 15/67 – 5 mars 2015 -4 - France : quel impact de la crise en Russie ? 20% Axelle LACAN [email protected] Tania SOLLOGOUB [email protected] Produits médicinaux et pharmaceutiques : top 4 des marchés destinataires 18% Machines et appareils électriques : top 4 marchés destinataires 25% % des exportations totales du secteur 20% % des exportations totales du secteur 20% 15% 15% 11% 10% 10% 7% 5% 5% 6% 3% 0% Belg. Allem. Etats-Unis Italie Source : UN Comtrade, Crédit Agricole S.A. 6% 5% 5% 2% 0% Russie Enfin, concernant le marché des « machines et appareils électriques », les clients principaux de la France sont l’Allemagne (20%), l’Italie (6%), l’Espagne (6% également) et les ÉtatsUnis (5%). La Russie arrive encore assez loin derrière, en ne représentant que 3% des exportations françaises. Allem. Italie Espagne Etats-Unis Source : UN Comtrade, Crédit Agricole S.A. Russie L’impact direct sur les exportations de biens resterait donc relativement limité. Il convient toutefois de dépasser l’analyse de ces quelques données, plutôt rassurantes sur un plan macro-économique. L’activité de certaines entreprises, qui ont orienté une part importante de leurs ventes vers la Russie, sera impactée, avec des impacts sur leur profitabilité et donc sur les capacités d’investissement. L’embargo sur les produits agro-alimentaires européens pèse également sur certaines filières. L’effet néfaste est double. Il porte à la fois sur les volumes d’exportations, via la baisse de la demande adressée à la France (perte d’un client) et sur les prix. Les pays de l’Est, la Pologne notamment, ne peuvent plus écouler leur production vers la Russie et se tournent donc vers d’autres marchés, notamment vers ceux important initialement des produits français. Cet excès d’offre et cette concurrence accrue ont un effet baissier sur les prix, N° 15/67 – 5 mars 2015 -5 - France : quel impact de la crise en Russie ? Axelle LACAN [email protected] Tania SOLLOGOUB [email protected] pénalisant les entreprises françaises, déjà soumises à des coûts de production élevés. Des impacts indirects transiteront également par l’Allemagne, principal partenaire commercial de la France (destination de 16,6% des exportations françaises) et plus exposée à la Russie (cf. encadré p. 10). Les importations de biens La Russie est le dixième partenaire commercial de la France à l’importation. Les produits importés par la France de Russie sont essentiellement (à hauteur de 85,5%) des combustibles minéraux, huiles minérales et produits de leur distillation (houilles, cokes et briquettes ; pétrole et produits dérivés ; gaz naturel et gaz manufacturé ; énergie électrique). L’Europe est très dépendante de la production de gaz naturel et de pétrole russe. Mais la Russie l’est tout autant de ses exportations de pétrole et de gaz à destination de l’Europe, souffrant d’un modèle économique peu diversifié (cf. graphique ci-dessous). Ainsi, si la volonté existe de réduire cette dépendance mutuelle, sa remise en cause prendra du temps et peu d’évolutions sont attendues à court terme. Russie : répartition des exportations par secteur 100% 80% 60% 40% France : top 3 des importations en provenance de Russie Combustibles minéraux, huilles minérales, prod. de leur distillation Prod. chimiques inorganiques, composés inorg./org. de métaux précieux 20% 0% 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 Autres biens Machine/matériel transport Autre manufacturé Produit chimique Energie Mat.première Alimentaire/Tabac Source : UN Comtrade, Crédit Agricole S.A. 85,5% 2,8% . Navigation aérienne ou spatiale 1,6% 0% 30% 60% Source : Un Comtrade, Crédit Agricole S.A. 90% N° 15/67 – 5 mars 2015 -6 - France : quel impact de la crise en Russie ? Axelle LACAN [email protected] Tania SOLLOGOUB [email protected] L’impact sur la balance des services La ventilation géographique des échanges de biens et services entre la France et le reste du monde, extraite de la balance des paiements française, montre que les échanges de services (cumul des exportations et des importations) restent limités entre la France et la Russie. Ils ne représentent que 0,9% des échanges de services entre la France et le monde. Ainsi, l’impact de la crise russe restera globalement plutôt limité sur la balance des services française. Mais, comme pour les exportations de biens, certaines exceptions sont à noter. Les exportations de services vers la Russie sont avant tout des ventes de services de transport, voyages et autres services aux entreprises. Sur ces segments, et pour certaines entreprises dont les clients sont essentiellement russes, l’impact de la crise qui s’est traduite par un effondrement du rouble en particulier sera éminemment plus violent (pour l’impact sur le tourisme, voir le tableau sur les nuitées passées en France en 2013 cidessous). Ventilation géographique des échanges de biens & services Biens* Allemagne Services* 15,1 12,6 Belgique 8,0 6,5 Pays-Bas 4,3 5,2 Italie 7,3 5,0 Espagne 6,3 4,9 46,0 42,4 5,5 10,8 Royaume-Uni 57,5 57,8 France Zone euro Royaume-Uni Union européenne Etats-Unis 6,0 10,9 Suisse 2,4 6,0 Chine 6,0 2,1 Japon 1,5 1,1 Brésil 0,8 0,8 Russie 2,1 0,9 Inde 0,8 0,8 100,0 100,0 Monde * Exportations + importations Source : Banque de France Nuitées en 2013 Évolution 2012-2013 (en millions) (en %) 125,9 -3,1 Allemagne 6,4 1,6 Belgique 5,3 0,5 Espagne 4,1 -2,9 Italie 5,2 -3,5 Pays-Bas 3,1 -5,6 11,3 3,9 Russie 2,3 5,6 Scandinavie 2,1 6,5 3,1 4,5 48,3 1,6 Suisse Europe hors France Amérique centrale et du Sud 4,0 4,7 États-Unis 7,7 15,3 Amérique 11,7 11,4 Asie et Océanie 10,6 15,9 Afrique Étranger Total clientèle 1,4 11,2 72,0 5,2 197,9 -0,3 Sources : Insee, Crédit Agricole SA N° 15/67 – 5 mars 2015 -7 - France : quel impact de la crise en Russie ? Axelle LACAN [email protected] Tania SOLLOGOUB [email protected] France : exportations de services vers la Russie en 2013 France : importations de services en provenance de Russie en 2013 2 500 2 500 Mds € 2 000 2 000 1 500 1 500 1 000 1 000 500 0 Sources : Eurostat, CA S.A. Mds € 500 S. Administrations publiques S. Personnels, culturels et relatifs aux loisirs Autres services aux entreprises S. Redevances et droits de licences S. Informatique et d'information S. Financiers S. Assurances S. Construction S. Communication S. Voyages S. Transports Total services 0 Sources : Eurostat, CA S.A. S. Administrations publiques S. Personnels, culturels et relatifs aux loisirs Autres services aux entreprises S. Redevances et droits de licences S. Informatique et d'information S. Financiers S. Assurances S. Construction S. Communication S. Voyages S. Transports Quelques définitions Qu’est-ce qu’un « investissement direct » ? Services de transport : Ils regroupent les services de transport de passagers, mais aussi de marchandises (fret), ainsi que la location de moyens de transport et de leur équipage. Les « investissements directs » sont les investissements de capitaux dans les entreprises dont l’investisseur détient au moins 10% des capitaux, ainsi que les mouvements de fonds (prêts-emprunts) et les bénéfices réinvestis (cf. glossaire) entre des sociétés ainsi liées les unes aux autres. Services de voyage : Les voyages recouvrent les biens et services acquis par un pays, grâce aux voyageurs, au cours de visites d’une durée inférieure à un an. Les transports de voyageurs à l’intérieur des pays qu'ils visitent, ainsi que le transport international de voyageurs, sont tous deux couverts par les services de transport. Sont également exclus les biens achetés par les voyageurs dans le but de les revendre dans leur pays d’origine. Autres services aux entreprises : Ils regroupent les services commerciaux internationaux, les services de location et d’exploitation, les services juridiques, comptables, publicitaires, et les services de recherche. Source : Manual on Statistics of international trade in services Un impact (nécessairement) modéré sur les flux d’investissement directs étrangers La crise russe aura-t-elle un impact majeur sur les flux d’investissements étrangers entre les deux pays ? Ce n’est pas le scénario qui semble le plus probable. Source : Banque de France L’impact sur les flux d’investissement directs français vers la Russie En 2013, la Russie est le troisième pays d’accueil des investissements directs français à l’étranger (2 milliards), après la Belgique (11 milliards, compte tenu de mouvements de trésorerie intragroupe très importants vers ce pays) et l’Espagne (3 milliards). Les investissements faits depuis plusieurs années (la croissance russe très dynamique était attractive) sont tels qu’il est peu probable que d’importants désinvestissements soient réalisés par les entreprises françaises, du moins à court terme. Le coût de sortie de la Russie pour les entreprises concernées est fortement dissuasif. Une réorganisation de certaines entreprises est possible, mais une sortie massive et brutale du pays est à priori à exclure. N° 15/67 – 5 mars 2015 -8 - France : quel impact de la crise en Russie ? Axelle LACAN [email protected] Tania SOLLOGOUB [email protected] France : un climat des affaires toujours fragile France : total IDE en Russie net 6 000 115 millions d'euros 5 000 solde d'opinion, %, cvs 105 4 000 95 3 000 85 2 000 75 1 000 65 08 0 09 10 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 Source : Insee, Crédit Agricole S.A. Source : Banque de France, Crédit Agricole SA L’impact sur les flux d’investissement directs russes vers la France France : total IDE en provenance de Russie (net) 1200 11 12 13 14 15 Climat des affaires global Climat des affaires dans l'industrie Climat des affaires dans les services Cette confiance retrouvée est donc un maillon indispensable à la reprise. L’impact de la crise russe, si elle perdure et se renforce, ne sera donc pas négligeable, si elle génère de l’attentisme et conduit ainsi à limiter l’impact des réformes structurelles menées. millions d'euros 1000 Ne pas oublier l’effet favorable de la baisse du prix du pétrole 800 600 La baisse du prix du pétrole entraîne plusieurs types d’effets : 400 200 0 -200 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 Source : Banque de France, Crédit Agricole SA Comme le montre le graphique ci-dessus, le montant des investissements directs russes en France est en moyenne d’ores et déjà très limité. L’impact sur la confiance est plus indirect, mais plus problématique C’est un effet moins direct, mais peut-être plus problématique pour l’économie française, qui en est déjà privée : la confiance des agents pourrait souffrir de la montée des tensions géopolitiques. Or, le scénario que nous avons retenu – un redressement de l’activité française en 2015 (croissance à + 0,9% en moyenne annuelle, après trois années de croissance à 0,4%) – repose sur une hypothèse forte : l’amélioration du moral des ménages et du climat des affaires doit permettre la concrétisation effective des impacts positifs des mesures structurelles menées (montée en puissance du CICE, pacte de responsabilité, pacte de solidarité). À court terme, la baisse prononcée du prix du baril provoque un freinage de l’inflation, avec un effet favorable sur le pouvoir d’achat et la consommation des ménages. La baisse des prix du pétrole se diffuse également aux prix de production, via les consommations intermédiaires, puis aux salaires. Elle accroît ainsi les marges des entreprises. Enfin, des effets transitent par le commerce extérieur. Les pays exportateurs de pétrole voient leurs ressources diminuer, d’où une baisse de la demande qu’ils adressent à la France. Cinq pays sont particulièrement affectés : la Russie, l’Angola, le Nigeria, le Venezuela et l'Algérie. À l’inverse, les pays importateurs connaissent un surcroît d’activité (via les effets décrits dans le paragraphe précédent), d’où une augmentation de leurs importations. En France, du fait de la structure du commerce extérieur, l’effet positif est plus significatif. Une prochaine publication détaillera les effets de cette baisse du prix du pétrole sur l’économie française, notamment sur les entreprises et leur profitabilité. N° 15/67 – 5 mars 2015 -9 - France : quel impact de la crise en Russie ? Axelle LACAN [email protected] Tania SOLLOGOUB [email protected] Quelques implications sur l’économie allemande La balance commerciale est le principal vecteur de transmission de la crise russe à l’économie allemande. Les exportations à destination de la Fédération de Russie représentent 2,5% des exportations totales, et sont principalement axées sur les secteurs allemands privilégiés : les véhicules automobiles (4% du secteur, pondéré à 16% des exportations) et les machines et appareils électriques (5% du secteur, pondéré à 17% des exportations). Si les exportations allemandes sont en constante diminution depuis 2011, cette tendance s’accélère manifestement depuis l’éclatement du conflit en 2013. Les exportations de produits alimentaires étant marginales à destination de la Russie, l’Allemagne, est relativement peu impactée par l’embargo alimentaire russe. Les importations de produits russes représentent 4,3% des importations totales allemandes. Celles-ci sont majoritairement concentrées sur les combustibles fossiles (pétrole et gaz naturel) qui représentent 19% des importations d’hydrocarbures du pays. L’approvisionnement énergétique allemand doit donc faire face à une période de réorganisation, afin de s’affranchir de toute pression gazière (33% des importations de gaz naturel proviennent de Russie). L’amélioration des connexions de pipelines et la construction d’un port pour méthaniers sont des enjeux majeurs pour le pays. L’exposition des banques allemandes à la Russie s’élève à 14 Mds €. Mais l’impact indirect résultant des filiales allemandes implantées à l’étranger tendrait à faire augmenter significativement ce chiffre. L’Allemagne se place en septième position en termes d’investissements directs à l’étranger présents en Russie avec 3,2 Mds USD en 2013, soit 4% des flux totaux. En 2014, le conflit russo-ukrainien aurait coûté 0,3 point de PIB à l’économie allemande. Mds € 120 Allemagne : principaux partenaires à l'exportation en 2013 50 Allemagne : exportations trimestrielles vers la Russie en chute Mds € % a/a 100 100 80 10 30 Russie : onzième partenaire commercial 8 10 6 60 40 12 -10 36 4 -30 20 % a/a en Mds € (dr.) 2 -50 0 FR US GB NL CN AT IT BE CH PL RU ES CZ TR SE Sources : Bundesbank, Crédit Agricole S.A. 0 09 10 11 12 13 14 Sources : Bundesbank, Crédit Agricole S.A. Philippe VILAS-BOAS – Économiste Allemagne N° 15/67 – 5 mars 2015 - 10 - France : quel impact de la crise en Russie ? Axelle LACAN [email protected] Tania SOLLOGOUB [email protected] Crédit Agricole S.A. — Direction des Études Économiques 12 place des États-Unis – 92127 Montrouge Cedex Directeur de la Publication : Isabelle Job-Bazille Rédacteur en chef : Jean-Louis Martin Documentation : Dominique Petit - Statistiques : Robin Mourier Secrétariat de rédaction : Fabienne Pesty Contact: [email protected] Consultez les Études Économiques et abonnez-vous gratuitement à nos publications sur : Internet : http://etudes-economiques.credit-agricole.com iPad : application Etudes ECO disponible sur App store Android : application Etudes ECO disponible sur Google store Cette publication reflète l’opinion de Crédit Agricole S.A. à la date de sa publication, sauf mention contraire (contributeurs extérieurs). Cette opinion est susceptible d’être modifiée à tout moment sans notification. Elle est réalisée à titre purement informatif. 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