Dangers et risques associés aux agents infectieux
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Dangers et risques associés aux agents infectieux
Dangers et risques associés aux agents infectieux Les risques chez les policiers Michèle Tremblay, DRSP de Montréal-Centre Chantal Bertrand, CLSC du Centre-de-la-Madeleine Chantal Beaulieu, CSST – D.R. Longueuil Claire Marien, APSSAP TABLE DES MATIÈRES 1. PROBLÉMATIQUE ........................................................................................................................ 3 1.1 MISE EN SITUATION ....................................................................................................................... 3 1.2 SOMMAIRE DE LA LITTÉRATURE DES INFECTIONS CHEZ LES POLICIERS.............................................. 4 1.3 AGENTS PATHOGÈNES TRANSMISSIBLES PAR CONTACT : VOIE SANGUINE ......................................... 4 1.3.1 Probabilité d’exposition professionnelle aux pathogènes transmissibles par le sang....... 4 1.3.2 Expositions professionnelles rapportées ............................................................................ 9 1.3.3 Fréquence des infections chez les policiers....................................................................... 9 1.3.4 Avis de vaccination contre le VHB déjà émis ................................................................... 10 1.4 AUTRES AGENTS INFECTIEUX ....................................................................................................... 12 1.4.1 Rage ................................................................................................................................. 12 1.4.2 Tétanos............................................................................................................................. 12 1.4.3 Poux, gale......................................................................................................................... 12 1.4.4 Autres infections (virale, bactérienne, mycotique)............................................................ 12 2. DESCRIPTION ET ÉTAT DU GROUPE VISÉ ............................................................................. 15 2.1 POLICIERS .................................................................................................................................. 15 2.1.1 Policiers municipaux (incluant policiers /pompiers et ambulanciers) ............................... 15 2.1.2 Policiers provinciaux ......................................................................................................... 16 2.2 PERCEPTION DU MILIEU (TRAVAILLEURS / EMPLOYEURS ) .............................................................. 17 2.2.1 Perception des employeurs (municipaux) ........................................................................ 17 2.2.2 Perception des policiers (municipaux).............................................................................. 18 3. FRÉQUENCES ET COÛT DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES ........................................... 19 4. RECOMMANDATIONS................................................................................................................ 20 4.1 VACCINATION EN PRÉ-EXPOSITION CONTRE LE VHB DES TRAVAILLEURS ........................................ 20 4.2 VACCINATION EN PRÉ-EXPOSITION CONTRE LE TÉTANOS ............................................................... 21 5. BIBLIOGRAPHIE ......................................................................................................................... 22 LES RISQUES CHEZ LES POLICIERS 1. PROBLÉMATIQUE 1.1 Mise en situation Les policiers ont de fréquents contacts avec le public. De par la nature spécifique de leur travail, ils côtoient fréquemment des utilisateurs de drogues par injection, des prostitués, des prisonniers, des blessés et des malades. Ils peuvent de plus, occasionnellement, toucher du sang ou des liquides biologiques (sperme, larmes, salive, urines, selles), secourir des blessés, manipuler des personnes décédées ou noyées. Aussi, ils peuvent, en travaillant à l'extérieur, se blesser avec des objets contaminés par de la terre. Finalement, dans certaines municipalités, postes ou districts, ce sont les policiers qui déplacent et manipulent les carcasses d'animaux morts dans des endroits publics. Il est donc extrêmement pertinent de bien identifier les principaux agents infectieux auxquels les policiers peuvent être exposés et d'évaluer leur importance dans le cadre de leur travail. De façon résumée et synthétique, les agents infectieux peuvent être ainsi divisés : Agents infectieux qui se transmettent par contact (direct ou indirect) via le sang ou les liquides biologiques visiblement teintés de sang, soit : le virus de l’hépatite B, le virus de l’hépatite C et le virus de l’immunodéficience humaine. Tel qu'il sera discuté plus en détail, ce sont ces agents qui constituent des risques pour les policiers. Agents infectieux qui se transmettent par contact (direct ou indirect) via la voie fécale/orale : ces pathogènes (ex. : hépatite A, salmonellose) ne constituent pas un risque professionnel pour les policiers. Agents infectieux qui se transmettent par contact (direct ou indirect) avec de la terre : ces pathogènes (ex. : tétanos) peuvent constituer un risque professionnel pour les policiers. Agents infectieux transmis par voie aérienne : ex. : tuberculose. Compte tenu du type de contact avec la population, ce pathogène ne constitue pas un risque professionnel pour les policiers. En effet, sauf dans des situations exceptionnelles, la durée de contact avec cet agent pathogène est trop courte pour occasionner un risque professionnel. À titre indicatif, si on découvre que le passager sur un vol d’avion était contagieux, Transport Canada ne fait une recherche de contacts que dans les rangées voisines du passager contagieux et si le vol a duré plus de 8 heures (Isler, 2001) Agents infectieux transmis par contact direct cutané (ex. : gale, pédiculose) : le risque professionnel est peu important. Dangers et risques associés aux agents infectieux – Les risques chez les policiers 3 Agents infectieux transmis par des animaux (zoonoses : ex.: rage); le risque professionnel est peu important à cause de la rareté des contacts. 1.2 Sommaire de la littérature des infections chez les policiers La littérature scientifique qui traite des risques biologiques chez les policiers concerne presque exclusivement les pathogènes transmissibles par le sang (virus de l’hépatite B, virus de l’hépatite C et virus de l’immunodéficience humaine). C'est pourquoi ces agents infectieux seront traités en détail. Le ratio du nombre de décès observés chez les policiers sur le nombre de décès attendus (Standardised mortality ratio) dans la catégorie des maladies infectieuses et parasitaires (CIM 210-239) est toujours dans les études très inférieur à 1, et ce, de façon statistiquement significative ( Demers et autres, 1992, Feuer et Rosenman, 1986, Forastière et Perucci, 1994, Finkelstein, 1998, Vena et Violanti, 1998). Ceci signifie que ces infections ne sont pas une cause de mortalité professionnelle importante chez les policiers, au contraire. 1.3 Agents pathogènes transmissibles par contact : voie sanguine 1.3.1 Probabilité d’exposition professionnelle aux pathogènes transmissibles par le sang (Virus de l’hépatite B, virus de l’hépatite C et virus de l’immunodéficience humaine). Cette probabilité est fonction de la fréquence d’infection dans la clientèle desservie par les policiers, des tâches particulières effectuées par les policiers et l’applicabilité des mesures de prévention. 1.3.1.1 Épidémiologie dans la population générale Hépatite B : On estime, en 2000, qu'environ 0.5 % de la population canadienne (0,6 % pour le Québec) est actuellement infectée par le virus de l'hépatite B et peut donc le transmettre. Ces taux sont assez stables depuis le début des années 1990, au niveau canadien et au niveau du Québec. Entre 1994 et 1998 cependant, le nombre de cas d’hépatites B déclarés tend à diminuer de façon constante (1895 cas en 1994 vs 1292 en 1998). La même tendance se retrouve à Montréal, région socio-sanitaire qui compte les nombres les plus élevés (730 cas en 1998) et en même temps, les plus hauts taux d’hépatite B de la province (MSSS, 2001). Dangers et risques associés aux agents infectieux – Les risques chez les policiers 4 Hépatite C : La prévalence de l'infection dans le monde se situerait autour de 3 %. Cependant, il est estimé que moins de 1 % de la population canadienne est infectée ou a été infectée par le VHC. Dans l'ensemble, la majorité des cas se retrouvent chez les 30 à 49 ans (posttransfusion). Cependant, les nouveaux cas d'hépatite C surviennent surtout chez des personnes de 20 à 39 ans qui utilisent des drogues par injection. Actuellement, l’utilisation de drogues injectables est responsable de 63 % des nouveaux cas d’hépatite C (Zou S et Tepper M, 2001). Au Québec, on estime que de 40 000 à 50 000 personnes seraient infectées par le VHC. La prévalence se situerait près de 5,5/1 000 (0,55 %) et les hommes seraient infectés deux fois plus souvent que les femmes. À Montréal, la prévalence est plus élevée et serait autour de 15/1 000 (1,5 %) (Cox J et autres, 2001). Infection par le VIH : Au Canada, plus de 17 000 personnes ont été infectées entre 1979 (découverte de l’infection) et le début de l’an 2000. Onze personnes au Canada seraient infectées chaque jour dont une au Québec. L’infection par le VIH continue de progresser, touchant de plus en plus les utilisateurs de drogues par injection et les personnes hétérosexuelles. Au Canada, au début de 1999, plus de 46 000 personnes avaient été détectées VIH+ par des tests sanguins (Santé Canada, 2000). Au Québec, à la fin de 1996, on a été estimé que près de 14 000 adultes étaient infectés par le VIH. Le taux de prévalence (nombre de personnes ayant l’infection à un moment donné) est donc de 2,2 par 1 000 adultes (1 adulte sur 500). À Montréal, région la plus touchée, ce taux serait d’environ 6,4 par 1 000 adultes (1 adulte sur 200) (MSSS, 2000a) Les principales populations touchées par l’infection au Québec sont (MSSS, 2000a) : ♦ hommes homo et bisexuels : ils représentent plus de 60 % de tous les cas d’infection. Dans cette population cependant, le nombre de nouveaux cas par an diminue depuis 1986; ♦ personnes originaires de pays où la transmission hétérosexuelle prédomine (pays endémiques pour le VIH) : La majorité des cas de sida déclarés jusqu’en 1984 concernaient des personnes originaires d’Haïti; depuis, l’augmentation annuelle de leur nombre demeure assez stable; ♦ utilisateurs de drogues injectables (UDI). Cette population a commencé à être infectée en 1985 et a augmenté depuis de façon très importante. Ils représentent 21 % des personnes infectées au Québec mais près de 45 % des nouvelles personnes infectées en 1996 sont des UDI. Des estimations récentes de 2000 (Santé Canada, 2000) démontrent que 34 % des nouveaux cas d’infection au VIH au Canada sont attribuables à l’utilisation des drogues injectables (cocaïne et héroïne surtout). La progression de l’infection dans ce groupe est donc la plus importante et prend des proportions inquiétantes; Dangers et risques associés aux agents infectieux – Les risques chez les policiers 5 ♦ Sida : ♦ ♦ 1.3.1.2 population hétérosexuelle, enfants nés de mères infectées, personnes ayant acquis l’infection à la suite d’administration de sang et de produits sanguins. au Québec, 5 743 cas de sida (la dernière phase de l’infection par le VIH) ont été déclarés jusqu’au 31 décembre 2000, dont 77 % proviennent de Montréal (Turmel B et Meunier L, 2000); le nombre de cas de sida diminue au Canada et au Québec depuis 1994. Ceci est dû, entre autres, à l’amélioration des traitements antirétroviraux qui peuvent retarder l’évolution de l’infection par le VIH vers le sida. Épidémiologie dans la population desservie Dans les populations particulières côtoyées régulièrement par les policiers, l'épidémiologie de ces infections est la suivante : Prisonniers (ou récidivistes) : Dans la population carcérale, on retrouverait plus d’infections reliées aux virus de l’hépatite B, de l’hépatite C et du VIH que dans la population en générale. Aux États-Unis, 1 à 8 % de tous les détenus sont infectés par le virus de l’hépatite B et à risque de le transmettre (CDC 1990). Au Canada, selon une étude menée dans les centres de détention fédéraux de la ColombieBritannique, 28 % des détenus ont des marqueurs pour le VHB comparativement à 5 % à 10 % de la population du Canada. 28 % des détenus étaient positifs pour le VHC (Préfontaine RG, Chaudhary RK, Mathias RG, 1994) comparativement à 0,3 % à 1 % dans la population canadienne. Une autre étude faite auprès des détenus du centre fédéral de Kingston montre que 27,9 % des hommes testés étaient séropositifs pour le VHC (Pearson M, Mistry PG, Ford PM, 1995). Selon une étude similaire à la prison pour femmes de Kingston, 39,8 % des détenues testées étaient séropositives pour le VHC (Ford PM et autres, 1995). La prévalence de l’infection au VIH dans les établissements de détention provinciaux de l’Ontario serait de 7,7 % chez les femmes et de 4,7 % chez les hommes (Ford PM et autres,1994). Pour fin de comparaison, on retrouve à Montréal 0,5 % d’adultes qui seraient actuellement infectés par le VIH (Montréal étant la ville où le taux serait le plus élevé au Québec). Une autre étude fait état de la présence d’anticorps dans la salive de 3,2 % des incarcérés (7,6 % chez les femmes et 2,2 % chez les hommes) d’un centre de détention du Québec comparativement à un taux de 7,5 par 10 000 habitants, c’est-à-dire 0,075 % dans la population générale de la province (hors Montréal) (Dufour, 19??). Utilisateurs de drogue injectable (UDI) : La fréquence des infections reliées aux virus de l’hépatite B (VHB) de l’hépatite C (VHC) et de l’immunodéficience humaine (VIH) est plus élevée chez les utilisateurs de drogues injectables (UDI). Aux États-Unis, 60 à 90 % d'entre eux ont déjà été infectés par le virus de l’hépatite B (VHB) et 3 à 10 % seraient actuellement infectés (Levine, Vlahof, et Koehler, 1995). Au Canada, ces chiffres ne sont pas disponibles mais suivent probablement la même tendance. De plus 60 à 90 % d'entre eux seraient actuellement infectés par le virus de Dangers et risques associés aux agents infectieux – Les risques chez les policiers 6 l’hépatite C (VHC). Et actuellement, l’utilisation de drogues injectables est responsable de 60 % des nouveaux cas d’hépatite C (Cox et autres, 2001). Pour ce qui est du virus de l’immunodéficience humaine (VIH), il y a actuellement 1 455 UDI infectés. Des chiffres récents de 2000 démontrent que 34 % des nouveaux cas d’infection au VIH au Canada sont attribuables à l’utilisation des drogues injectables (cocaïne et héroïne surtout) (Santé Canada, 2000). 1.3.1.3 Profil des tâches effectuées Dans chaque administration municipale, le service de police regroupe surtout (sinon exclusivement) des policiers patrouilleurs, des enquêteurs de poste et des policiers administrateurs. Dans certaines municipalités, on retrouve aussi des policiers qui effectuent le travail de pompier ou d'ambulancier. Dans les corps policiers plus importants, plusieurs escouades sont aussi présentes : citons le service d'identité judiciaire, l'escouade de la moralité et drogues (ou stupéfiants), etc. Les policiers patrouilleurs répondent, dans leur communauté, à tous les appels dans le but de faire respecter les lois et d'aider toute personne dans le besoin. Ils sont des intervenants de première ligne et sont en contact avec la population générale pour la majorité de leurs activités. Ils sont, entre autres, appelés à appliquer les premiers soins lors d'accidents ou d'événements où il y a des blessés (intervenants d’urgence). Cependant, en milieu urbain comme Montréal, les secours ambulanciers (9-1-1) arrivent très rapidement sur les lieux aussi les policiers du SPCUM donnent peu de premiers soins. Les policiers patrouilleurs sont cependant aussi appelés à côtoyer des individus qui présentent des comportements à risque d'acquisition d'hépatite B et d'autres pathogènes transmissibles par le sang (virus de l'hépatite C (VHC), virus de l'immunodéficience humaine (VIH)), tels les prostitués, les utilisateurs de drogues injectables (UDI), les récidivistes, les personnes incarcérées, etc. De plus, suite à l’adoption de la loi concernant l’identification par les empreintes génétiques, en juin 20001, l’agent de la paix (ou toute personne agissant sous son autorité) peut prélever des substances corporelles (incluant du sang) pour des analyses génétiques, auprès de personnes coupables d’une infraction désignée. Ces prélèvements nécessitent l’utilisation d’une lancette et des contacts avec du sang de la personne prélevée sont possibles, surtout lors de résistance ou de non-coopération du prévenu. Face à ces individus, plus fréquemment, mais aussi face à d'autres individus, les policiers patrouilleurs ont : ♦ ♦ ♦ 1 à les fouiller, fouiller leurs sacs à mains lors de leur arrestation; à intervenir en maîtrisant un individu violent qui résiste à son arrestation; à intervenir lors de bagarres, etc. Gouvernement du Canada Projet de loi C-3. : Loi sur l’identification par les empreintes génétiques. Dangers et risques associés aux agents infectieux – Les risques chez les policiers 7 Aussi, les policiers lors de leurs interventions : ♦ ♦ ♦ ♦ ♦ ♦ ♦ peuvent être blessés avec une arme blanche ou tout autre type d'arme artisanale; peuvent se piquer avec l’aiguille d'un utilisateur de drogues injectables (UDI ), lors de la fouille d'un individu ou d'un local quelconque; peuvent se blesser lors d'une altercation avec un prévenu; peuvent être éclaboussés par le sang d’un individu qui saigne, lorsque celui-ci a des comportements violents ou qu’il résiste à son arrestation; peuvent être mordus; peuvent être exposés à du sang lorsqu'ils interviennent sur les lieux d'un accident; etc. Les policiers d'escouade spéciale (moralité, drogues, stupéfiants) ont, comme les policiers patrouilleurs, à intervenir et à procéder à l'arrestation d'individus. Cependant, leur clientèle, tels les toxicomanes, prostitué(e)s etc., est plus fréquemment à risque d'acquisition de pathogènes transmissibles par le sang (virus de l’hépatite B (VHB), virus de l’hépatite C (VHC), virus de l’immunodéficience humaine (VIH)). Les fouilles d'individus ou d'appartement risquent encore plus de comporter des contacts accidentels avec des aiguilles et des armes blanches. Les policiers techniciens en identité judiciaire doivent manipuler régulièrement et durant de longues périodes des objets souillés de sang et utiliser des outils coupants qui peuvent être en contact avec du sang. Les policiers des autres escouades ont des tâches spécifiques à leur travail (section des homicides, filature, maître-chien, etc.) et, selon ces tâches, peuvent être exposés plus ou moins régulièrement à du sang ou des produits biologiques teintés de sang. Les policiers administrateurs n'ont que peu de contact avec la population et leurs tâches les mettent peu à risque d'exposition au sang ou aux liquides biologiques. 1.3.1.4 Application des mesures de prévention Les équipements de protection personnelle des policiers devraient être les gants jetables et l’équipement de réanimation cardiorespiratoire à valve unidirectionnelle. Les autres mesures préventives relèvent de l’organisation du travail (lavage régulier des mains, fouille sécuritaire de prévenus et manipulation sécuritaire de pièces à conviction et/ou d’objets piquants ou coupants, sécurité lors d’une intervention). Certaines mesures préventives, dont le port de gants, peuvent être plus difficilement applicables lors d’interventions urgentes et dangereuses. En cas de contact à risque (exposition significative), en post-exposition, les policiers des grands centres urbains pourraient avoir accès au service de santé de leur municipalité ou être référés à une ressource médicale d’urgence. Par la suite, le service de santé peut ou non assurer le suivi du travailleur exposé. Par contre, ce service n'existe pas pour la majorité des municipalités du Québec. Dangers et risques associés aux agents infectieux – Les risques chez les policiers 8 1.3.2 Expositions professionnelles rapportées Trois études se sont penchées sur le type et la fréquence des expositions professionnelles des policiers. Les incidents rapportés se sont produits surtout avec les utilisateurs de drogues injectables (UDI) ou les vendeurs de drogues. Ces incidents concernent surtout des piqûres avec des aiguilles, des contacts avec des personnes qui saignent ou des contacts agressifs (sans saignement cependant) (Bandaranayake DR et autres, 1991). À Denver au Colorado, entre 1990 et 1991, 42 expositions au sang se sont produites. Ces expositions étaient surtout des contacts entre du sang et une peau non saine ou une muqueuse. Quelques expositions étaient causées par des piqûres d'aiguilles, des morsures ou des blessures avec des objets souillés, mais près de 50 % de ces expositions étaient sous-déclarées (Hoffman et autres, 1994). Dans la ville de New York, en 1992 et 1993, le taux d'exposition par blessures percutanées des policiers s'élevait à 38,7/10 000 personnes. Il a été aussi estimé que 60 % des prévenus à New York durant cette période étaient utilisateurs de drogues par injection (Pagane J, 1996). Finalement une même tendance se retrouvait en Californie, à San Diego, en 1996, alors que 30 % des policiers rapportaient au moins une exposition professionnelle par piqûre d’aiguille d’UDI, surtout au cours des cinq premières années de travail. De ces policiers, près du 1/3 rapportaient plus d’une telle exposition à risque. Les activités de patrouille (surtout reliées aux fouilles d’individus, de véhicule et de propriété) étaient surtout impliquées (Lorentz et autres, 2000) Sur le territoire de l’île de Montréal, entre mars 1999 et novembre 2000, 9 policiers (sur 665 consultations au total) se sont présentés au service régional de post-exposition pour une évaluation médicale et un traitement, suite à une exposition professionnelle significative (Nolet, 2001). Plus de 3 000 policiers sont actuellement à l’emploi du Service de police de la communauté urbaine de Montréal. En dehors de la région métropolitaine de Montréal, il est connu que la prévalence de l'hépatite B, de l'hépatite C et du VIH dans la population générale est moins importante. Cependant, cet avantage est atténué par certaines contraintes dues à la géographie. Souvent les secours ambulanciers sont moins rapidement présents que sur les territoires des grands centres urbains et il est possible que la prophylaxie post-exposition soit moins facilement disponible et moins régulièrement administrée. 1.3.3 Fréquence des infections chez les policiers Chez les policiers, la littérature scientifique s'est peu attardée à la prévalence de marqueurs sérologiques du virus de l’hépatite B (VHB), du virus de l’hépatite C (VHC) et du virus de l’immunodéficience humaine (VIH) ainsi que sur les types d'expositions professionnelles. Dans les études internationales les plus récentes (Morgan C et Hudson P, 1988; Bandaranayake DR et autres, 1991; Rischitelli et autres, 2001), l'évaluation des marqueurs sérologiques du virus de l’hépatite B (VHB) chez les policiers démontre des taux de prévalence similaires et même inférieurs à ceux de la population générale. Une seule étude a trouvé que le risque s'élevait en région de forte et de moyenne endémicité d'infection à ce virus. Ce risque s'élevait aussi selon les années d'exposition du policier. Dangers et risques associés aux agents infectieux – Les risques chez les policiers 9 Ces quelques études avaient aussi été effectuées en milieu semi-urbain (Angleterre et Nouvelle-Zélande), régions qui sont difficilement comparables avec nos centres urbains. De plus, les études ne départageaient pas les policiers administrateurs ou gestionnaires des policiers patrouilleurs. Ils ne distinguaient les escouades spécialisées (drogues, moralité, service d'identité judiciaire) que pour les exclure des études, car ces policiers avaient déjà été vaccinés. Une étude récente, effectuée auprès de 1560 policiers de Détroit (Upfal et autres, 2001), a estimé que la prévalence de l’infection au VHC (tests anti-VHC positifs) était de 0,6 % dans cette population de travailleurs. Ce taux était inférieur à celui de la population urbaine de Détroit. Une analyse multivariée a mis en évidence que des facteurs de risque personnels, plutôt que professionnels, étaient reliés à une infection au VHC. À notre connaissance, la prévalence de marqueurs sérologiques pour les virus des hépatites B (VHB) et C (VHC) et le VIH, ainsi que la prévalence d'infection actuelle pour les policiers au Québec et au Canada sont inconnues. 1.3.4 Avis de vaccination contre le VHB déjà émis À notre connaissance, plusieurs municipalités du Québec, ont recommandé la vaccination en pré-exposition de leurs policiers depuis 1987, mais surtout depuis le milieu des années 1990. Les villes de Laval, Québec et Sherbrooke sont des municipalités plus populeuses qui ont fait de même. Les policiers des escouades drogues, moralité et stupéfiants ainsi que les policiers du service d'identité judiciaire de la SQ et du SPCUM, entre autres, se sont faits offrir la vaccination en pré-exposition entre 1989 et 1991. Depuis, le SPCUM a offert le vaccin en pré-exposition aux policiers des sections des homicides et des agressions sexuelles. La SQ a recommandé, au printemps 2001, la de ses policiers. Le SPCUM s’apprête à faire de même, à partir de l’automne 2001. En 1994, une recommandation de vaccination pré-exposition des policiers patrouilleurs et enquêteurs des postes de la S.Q. a été émise par la direction régionale de Santé publique (DRSP) de Montréal Centre, secteur santé au travail et environnementale (SATE), dans le cadre de l’élaboration du programme de santé spécifique à l’établissement (PSSE). Par ailleurs, Santé Canada (Santé Canada, 1998) mentionne que les travailleurs des services d’urgence, incluant les policiers, peuvent être plus exposés au sang que la population, bien que l’on ne dispose pas, actuellement, de données permettant de quantifier leur risque. Le Protocole d’Immunisation du Québec (PIQ) (MSSS 2000b), recommande l’immunisation en pré-exposition des travailleurs suivants : « Les sujets à risque élevé : (…) les personnes qui courent un risque, de par leur profession, d’être exposés au sang et aux produits sanguins ou qui risquent de subir des piqûres ou des coupures accidentelles notamment les travailleurs de la santé, les embaumeurs, les personnes intervenant en situation d’urgence (ex : policiers, pompiers, ambulanciers). Les étudiants dans ces domaines Dangers et risques associés aux agents infectieux – Les risques chez les policiers 10 devraient recevoir toute la série vaccinale avant une exposition professionnelle éventuelle au sang ou à des piqûres ou des coupures accidentelles. » De plus, un document de deux directions régionales de Santé publique (Robillard et autres, 1998) estime les risques professionnels des policiers en regard du VHB et propose des recommandations : « Les policiers effectuent des tâches de premiers répondants, les mettant potentiellement en contact avec du sang ou des liquides biologiques visiblement teintés de sang. Avec les données disponibles actuellement, on peut estimer que le risque d’exposition est présent pour les policiers patrouilleurs, les policiers qui doivent aussi répondre à des situations d’urgence les mettant régulièrement en contact avec du sang et des liquides biologiques visiblement teintés de sang et les policiers que, en fonction de leur travail sont en contact régulier avec du sang ou des liquides biologiques visiblement teintés de sang. Risque faible de transmission professionnelle du VHB au travail pour les policiers administrateurs et gestionnaires qui n’ont que très peu de contacts à risque. La vaccination en pré-exposition est : - Recommandée pour les policiers patrouilleurs. - Recommandée pour les policiers d’escouades ou de départements qui doivent répondre à des situations d’urgence les mettant régulièrement en contact avec du sang et des liquides biologiques visiblement teintés de sang. - Recommandée pour les policiers d’escouades ou départements qui effectuent des tâches les mettant régulièrement en contact avec du sang et des liquides biologiques visiblement teintés de sang. Pas d’indications spécifiques de vaccination contre le VHB pour les policiers administrateurs ou gestionnaires qui n’ont que très peu de contacts à risque. » Finalement, la DRSP de Montréal Centre a clairement recommandé la vaccination en préexposition gratuite des étudiants en techniques policières, étudiant dans les CÉGEPS de sa région. Cette direction de santé publique élargissait une recommandation du MSSS faite à l’égard des stagiaires de la santé à risque de contracter l’hépatite B2 Nous croyons que les stagiaires policiers, à travers tout le Québec, devraient bénéficier de tels avantages. 2 Cette recommandation du MSSS, en mai 2000, était de vacciner gratuitement des stagiaires de la santé à risque de contracter l’hépatite B durant leurs stages et durant leur vie professionnelle future. Dangers et risques associés aux agents infectieux – Les risques chez les policiers 11 1.4 Autres agents infectieux 1.4.1 Rage La rage est une maladie infectieuse très grave, habituellement mortelle, plus souvent transmise par la morsure ou le léchage d'une plaie ou d'une muqueuse (l'intérieur de la bouche, du nez et les yeux) par un animal infecté excrétant le virus dans sa salive. Il n'y a eu que deux cas de rage humaine signalé au Québec depuis plusieurs décennies, un cas en 1964 et un autre en 1999, ce dernier suite à une morsure de chauve-souris. La rage animale va cependant en augmentant. Certains animaux sauvages sont atteints et contaminent des chats, des chiens et du bétail. Un vaccin antirabique existe afin de prévenir l'exposition d'un travailleur au virus responsable. Les policiers qui sont appelés à manipuler, de façon occasionnelle des animaux sauvages ou domestiques, morts ou vivants ne sont pas considérés comme des travailleurs ayant besoin d'une vaccination en pré-exposition. Il demeure cependant important de fournir une bonne information à tout travailleur qui peut être occasionnellement exposé. 1.4.2 Tétanos Le tétanos est une maladie aiguë grave du système nerveux, caractérisée par des contractures (contractions prolongées et involontaires des muscles). Celles-ci sont causées par une toxine extrêmement puissante fabriquée par une bactérie, le Clostridium tetani. Cette maladie est souvent mortelle. Les spores de cette bactérie sont présentes dans la terre ou sur des objets souillés ou rouillés. Un adulte est protégé, théoriquement, par les vaccins reçus durant la jeunesse (primo-immunisation). Il est cependant important et recommandé que chaque adulte (donc chaque policier) ait une dose de rappel aux 10 ans. 1.4.3 Poux, gale Ce sont de petits parasites désagréables que les policiers peuvent attraper, par exemple, en fouillant des gens qui ont peu d'hygiène corporelle. La transmission se fait par contact direct cutané. Il existe des moyens simples pour s'en protéger. Toutefois, si un policier en attrape, cela cause des désagréments mais cela se traite facilement et n'est aucunement dangereux pour sa santé. 1.4.4 Autres infections (virale, bactérienne, mycotique) D'autres agents infectieux peuvent contaminer le policier, à cause de la spécificité de son travail. Les circonstances particulières suivantes sont citées : Dangers et risques associés aux agents infectieux – Les risques chez les policiers 12 Contact avec des sécrétions respiratoires (transmission par gouttelettes ou par voie aérienne) Comme pour tout travail comportant des contacts fréquents avec le public, le policier peut être exposé à la transmission d’agents infectieux par la mise en aérosol de sécrétions respiratoires (par exemple lors de toux d'une personne côtoyée de très près). Influenza Les virus influenza (grippe) se propagent par gouttelettes; mais leur faible pathogénicité et leur fréquence élevée au niveau de toute la population, à certaines périodes de l'année, font en sorte qu'ils ne constituent pas un risque particulier et important pour les policiers. En prévision d’une pandémie de grippe appréhendée dans le monde, il est recommandé de vacciner préventivement « les personnes qui, dans l’exercice de leurs fonctions, rendent des services essentiels dans la communauté. (…) Dans ce cas, le vaccin est alors aux frais de l’usager ou de son employeur »(MSSS, 1999). Tuberculose Le bacille tuberculeux se propage par mise en aérosol de l’agent infectieux. Cependant, dans la population, la fréquence de personnes tuberculeuses et contagieuses est très faible et ce risque infectieux n'est pas à retenir compte tenu de la durée et du type des contacts des policiers avec la population. En effet, les contacts qu’ont les policiers avec une personne tuberculeuse et contagieuse sont considérés comme à faible risque d’être infectés. En effet, dans le protocole d’intervention provincial sur la tuberculose, il est écrit : « (…)Les contacts à faible risque sont les contacts occasionnels qui passent un petit nombre d’heures avec le cas index. » (MSSS, 2000c). De plus, à titre indicatif, si on découvre que le passager sur un vol d’avion était contagieux, Transport Canada ne fait une recherche de contacts que dans les rangées voisines du passager contagieux et si le vol a duré plus de 8 heures (Isler, 2001). Rarement, il peut y avoir contact entre un policier et une personne atteinte de tuberculose maladie (en général, diagnostiquée par la suite). Le risque réel d’infection du policier et la possibilité d’un suivi du policier par un TCT (test cutané à la tuberculine, ou PPD) en postexposition serait à discuter avec l’équipe de la direction de la santé publique et les spécialistes impliqués. Ces experts considéreraient les résultats du frottis et l’évaluation du degré de contagiosité du patient. Trois situations à risque de contact avec des sécrétions respiratoires sont : ♦ ♦ ♦ réanimation cardiorespiratoire effectuée par un policier qui aurait causé de la toux chez une personne atteinte de tuberculose maladie, présence durant plusieurs heures (au moins 8 heures) d’un prévenu atteint de tuberculose maladie, dans une cellule ou un espace d’un poste de police où le système de ventilation fait recirculer l’air dans toutes les pièces du poste, présence policière constante auprès d’un prévenu (lors d’accompagnement à la Cour par exemple) et impliquant le partage des mêmes zones respiratoires. Dangers et risques associés aux agents infectieux – Les risques chez les policiers 13 Morsure humaine Surtout si la plaie est profonde, les bactéries retrouvées normalement dans la bouche (staphylocoque, streptocoque, autres) pourront infecter les lésions. De plus, l'action des enzymes digestifs de la salive endommagera les tissus lésés et favorisera aussi la surinfection. Le virus de l'hépatite B (VHB), tel que vu précédemment, peut aussi contaminer la blessure. Morsure animale Le danger potentiel d'infection bactérienne, est similaire à la morsure humaine. S'y surajoute le risque rare mais potentiellement présent de la rage animale. Contact avec des cadavres et leurs liquides biologiques (Tremblay et autres, 1994) Si une personne n'avait pas d'infection au moment du décès, aucun mécanisme de transformation du corps après le décès ne crée ou ne conduit à un risque d'infection par la présence du corps, la manipulation de sang ou de liquide de l'organisme, ou même l'autopsie du cadavre. La putréfaction est causée par des bactéries habitant le tube digestif (surtout l'intestin) de toute personne et est donc habituellement ni dangereuse ni source d'infection. La présence de mouches, asticots, larves ou œufs sur ou autour du cadavre, n'est pas non plus une source d'infection dans notre contexte québécois ou nord-américain. Si une personne avait une infection au moment du décès, il n'y a pas prolifération des microbes après le décès, mais plusieurs demeurent présents dans le corps, dans le sang, les sécrétions ou les liquides organiques après la mort. Ils pourraient donc éventuellement être transmis. Dans les cas de morts violentes, il est impossible de savoir si le cadavre était infecté par un microbe. Les policiers doivent toujours demeurer prudents, dès qu'il y a manipulation de sang ou d'autres liquides organiques d'un cadavre. Dangers et risques associés aux agents infectieux – Les risques chez les policiers 14 2. DESCRIPTION ET ÉTAT DU GROUPE VISÉ 2.1 Policiers 2.1.1 Policiers municipaux (incluant policiers /pompiers et ambulanciers) Il y avait, au Québec, en 1998, près de 9 000 policiers répartis dans environ 150 corps municipaux. De ces 9 000 policiers, il y en a environ 1 000 qui cumulent aussi les fonctions de pompiers. Un très petit nombre, que nous sommes pour le moment incapables de quantifier précisément, ajoute à leurs fonctions de policier/pompier celle d’ambulancier. On retrouve cette particularité en région plus éloignée, là où les services ambulanciers sont plus difficilement accessibles. Le nombre de policiers cadres est difficile à déterminer de façon exacte, mais on ne se trompe pas beaucoup en estimant qu’ils représentent environ 5 % à 10 % des effectifs terrain syndiqués. Ce milieu de travailleurs est syndiqué à 100 % et représenté, en majorité, par la Fraternité des policiers du Québec. Les autres policiers sont représentés par des associations locales. Pour ce qui est des officiers cadres, ceux-ci ne sont pas syndiqués, dans la majorité des cas. Leurs employeurs sont les différentes municipalités du Québec. Il existe une association paritaire sectorielle couvrant le secteur municipal soit l’Association paritaire sectorielle - affaires municipales (APSAM). Mis à part les grands centres urbains, l’image de ce milieu a beaucoup changé depuis 1997 environ. En effet, dû au phénomène de la rationalisation budgétaire, plusieurs municipalités ont opté pour la régionalisation de plusieurs services. Elles se sont donc regroupées pour partager ceux-ci, dont les services policiers, lesquels ont, par le fait même, considérablement augmenté leurs effectifs. Dans certaines municipalités, il y a eu des interventions par rapport aux risques biologiques, effectuées par différents intervenants, tels l’APSAM et les équipes de santé au travail du réseau public. Ces interventions ont porté principalement sur l’information traitant des agents pathogènes et entre autres de l’instauration de méthodes sécuritaires de travail et des moyens et équipements de protection individuels. Dans certains cas, la vaccination préexposition des policiers contre l’hépatite B a même été discutée et appliquée. La majorité des équipes de Santé au travail du réseau public étant intervenue avant la restructuration, les policiers nouvellement embauchés n’ont pas été informés par celles-ci sur les risques biologiques. Par contre, les jeunes policiers formés à l’Institut de police du Québec reçoivent 90 minutes d’information sur les risques biologiques à l’intérieur de leur formation générale. Il y a donc tout lieu de croire que ces nouveaux policiers municipaux possèdent une information de base sur les risques biologiques. Dangers et risques associés aux agents infectieux – Les risques chez les policiers 15 Tel que mentionné précédemment, certaines municipalités ont fait vacciner ou s’apprêtent à faire vacciner leurs policiers contre l’hépatite B. Pour quelques-unes, cela a même dû être négocié à l’intérieur de leur convention collective. Les municipalités et leurs représentants soulèvent souvent l’absence de bons outils leur permettant d’effectuer un suivi adéquat (protocoles, registres, etc.) de leurs interventions. 2.1.2 Policiers provinciaux Il y avait, au Québec, en 1998, environ 4 000 policiers provinciaux répartis dans une centaine de postes de la Sûreté du Québec, présents dans les différentes municipalités régionales de comté (MRC). du Québec. De ces 4 000 policiers, environ 3 800 ont un statut permanent et 200 sont patrouilleurs auxiliaires (occasionnels à contrat). Le nombre de policiers cadres, c’est-à-dire ayant une fonction administrative, est d’environ 750. Cela représente une proportion de 18 % du personnel « terrain ». Ce milieu de travailleurs (agents, caporaux, sergents) est syndiqué à 100 % et représenté par l’Association des policiers provinciaux du Québec (APPQ). Pour ce qui est des officiers cadres, ceux-ci sont non syndiqués. Leur employeur est la Sûreté du Québec (SQ). Il existe une association sectorielle couvrant la Sûreté du Québec, soit l’Association paritaire pour la santé et la sécurité du travail, secteur administration provinciale (APSSAP). Tout comme pour les policiers municipaux et pour des raisons semblables, leur milieu et leur contexte de travail ont beaucoup changé depuis quelques années. Mis à part les postes des grands centres urbains, les autres ont subi des modifications majeures. Il y a eu redéploiement de plusieurs de ces postes suite à la régionalisation, entre autre des corps municipaux. Les postes ainsi que leur personnel se sont par le fait même rapprochés de la nouvelle population qu’ils ont à desservir. La resubdivision s’est faite en fonction des MRC. Eux aussi ont vécu des modifications dans l’organisation de leur personnel. En 1994-95, les équipes de Santé au travail du réseau public, suite à une entente avec la SQ, ont donné des sessions d’information sur les risques biologiques. La Sûreté du Québec offre actuellement, la vaccination en pré-exposition contre le VHB à quelques 300 à 350 policiers qu’elle considère plus à risque, soit par la nature de leurs activités ou à cause d’une difficulté appréhendée d’accéder rapidement à un traitement post-exposition adéquat. Ils seront rejoints à partir de l’automne 1998. Les fonctions qu’ils occupent sont : ♦ ♦ ♦ ♦ ♦ ♦ enquêteur du crime organisé, intervenant dans la répression du banditisme, plongeur, maître-chien, technicien de scènes de crime (la vaccination en pré-exposition leur a déjà été offerte il y a plusieurs années et plusieurs d’entre eux ont été vaccinés), policier en région éloignée. Dangers et risques associés aux agents infectieux – Les risques chez les policiers 16 Pour ce qui est des autres fonctions, la protection vaccinale retenue est celle de la postexposition, bien qu’il n’y ait présentement aucun politique interne écrite sur ce sujet. Les équipes de Santé au travail sont présentement à élaborer les programmes de santé du milieu dans toutes les régions du Québec. 2.2 Perception du milieu (travailleurs / employeurs ) Une enquête par questionnaire, réalisée dans certaines municipalités d’une région du Québec, ayant entre 3 000 et 20 000 habitants, avait pour but d’aller chercher la perception du milieu face aux risques à la santé, dont les risques biologiques. Certaines municipalités avaient des corps policiers, d’autres des corps de policiers-pompiers. Les employeurs comme les policiers ont été rencontrés personnellement. Il y aurait tout lieu de croire que le portrait qui en découle pourrait probablement être exporté aux autres municipalités équivalentes, tout en demeurant bien conscient que l’échantillonnage restreint pourrait amener un certain biais. 2.2.1 Perception des employeurs (municipaux) Une partie des employeurs (70 % ) reconnaissent la présence des risques biologiques pour leurs policiers. Les moyens de prévention privilégiés par les employeurs sont : fournir certains équipements de protection individuelle (70 % des employeurs fournissent des gants jetables et 30 % des masques de réanimation à valve unidirectionnelle; offrir la vaccination en pré-exposition contre l’hépatite B (70 % des employeurs ont offert cette vaccination). Par contre, certains groupes de policiers l’ont refusée. La principale raison invoquée a été la peur qu’ils avaient du vaccin, découlant d’une certaine publicité antivaccinale ayant eu lieu au même moment. L’information aux policiers a été peu utilisée par les employeurs comme moyen de prévention. Mais l’enquête a eu lieu avant la venue des équipes de Santé au travail et des programmes de santé spécifiques à l’entreprise (PSSE). Dangers et risques associés aux agents infectieux – Les risques chez les policiers 17 2.2.2 Perception des policiers (municipaux) Les policiers reconnaissent qu’il existe des risques biologiques dans leur travail. Ceci est encore plus marqué chez ceux qui ne sont pas vaccinés (plus de 50 %). Cette moyenne baisse à 30 %, chez les vaccinés. (Cet élément sera à considérer et à rectifier lors de l’information à transmettre aux policiers à vacciner et déjà vaccinés.) Ils disent à 99 %, qu’ils sont déjà entrés en contact, à un moment ou à un autre, avec des liquides biologiques. De plus, 93 % d’entre eux sont entrés en contact avec de la terre au cours de leurs interventions. Selon eux, la fréquence des contacts avec du sang ou des liquides biologiques serait en moyenne, de 12 contacts par année. Les policiers identifient les altercations lors d’arrestations ou de situations de crise (santé mentale), les fouilles et les premiers secours à donner lors d’un incendie comme étant les principales situations de travail à risques. Les moyens de prévention privilégiés par les policiers sont : la vaccination en pré-exposition gratuite; les équipements de protection individuels : ♦ ♦ gants, masques de réanimation à valve unidirectionnelle; l’information (demande exprimée par 69 % d’entre eux ); des cours de réanimation cardio-respiratoire. Dangers et risques associés aux agents infectieux – Les risques chez les policiers 18 3. FRÉQUENCES ET COÛT DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES Nous ne possédons pas de données provenant de la CSST indiquant qu'il y ait indemnisation professionnelle à cause de l'acquisition par le travail de maladies provenant de pathogènes transmissibles par le sang. Nous sommes conscients aussi que les prises de données et les rapports d’accidents sont difficilement interprétables pour connaître l’ampleur des expositions à des risques biologiques. Nous tentons cependant, dans les deux prochains paragraphes de faire ressortir certains éléments intéressants. En examinant les statistiques (CSST, 2000) sur les « genres d’accidents », l’item « piqûre d’aiguille » semble exprimer la présence d’une exposition à risque possiblement à un agent biologique transmissible par le sang. Cet item constitue 10 % (et 17 % en 2000) de tous les genres d’accidents et est, pris individuellement, la raison invoquée le plus souvent, et ce, depuis 1999. Il est à noter, peut-être secondairement à l’arrivée de services post-exposition professionnelle reconnus, que le nombre et le pourcentage d’événements « piqûre d’aiguille » ont triplé en 1999 par rapport à 1998(13 (5,2 %) en 1998; 61 (13,9 %) en 1999) et ont poursuivi leur montée en 2000 (105 (17,3 %)). De plus, dans les statistiques concernant la « nature de la lésion » , il y a aussi montée importante de « contact avec le virus VIH », signifiant probablement prescription de médication et remboursement professionnel suite à un contact à risque avec le VIH. Il s’agissait d’une donnée négligeable en 1996-1997. Par la suite, il est noté une montée importante et ininterrompue des événements entre 1998 et 2000 (20 cas, 8 % de toutes les natures de lésions; 95 (22 %) en 1999; 158 (26 %) en 2000). Nous ne connaissons pas les expositions professionnelles des policiers du Québec. À titre indicatif cependant, nous savons qu'au SPCUM, depuis 1988, 500 policiers patrouilleurs (sur environ 2 500 policiers patrouilleurs) et quelques enquêteurs ont reçu une prophylaxie post-exposition pour l'hépatite B. Les autorités médicales ont alors estimé qu'il y avait probablement eu une exposition professionnelle significative au virus lors de ces événements. À la SQ (Sûreté du Québec), selon des estimations fournies il y a quelques années, il y aurait environ 10 situations à risque/année. Cependant, nous croyons que compte tenu de l'étendue du territoire du Québec et de la référence d'emblée de tout policier à des services médicaux d'urgence de sa région, il est possible qu'il y ait eu sous déclaration au bureau de santé de la SQ situé à Montréal. Sur le territoire de l’île de Montréal, entre mars 1999 et novembre 2000, 93 policiers (sur 665 consultations au total) se sont présentés au service régional de post-exposition pour une évaluation médicale et un traitement, suite à une exposition professionnelle significative (Nolet, 2001). Plus de 3 000 policiers sont actuellement à l’emploi du Service de Police de la Communauté Urbaine de Montréal. Dangers et risques associés aux agents infectieux – Les risques chez les policiers 19 4. RECOMMANDATIONS 4.1 Vaccination en pré-exposition contre le VHB La probabilité d’exposition professionnelle aux pathogènes transmissibles par le sang, dont le VHB, est jugée importante chez les policiers. Ceci à cause de : l’épidémiologie élevée de l’infection et des facteurs de risque de l’infection dans une forte proportion de la population côtoyée, les tâches effectuées par les policiers qui les exposent au sang, via des expositions percutanées ou par des muqueuses, la difficulté d’appliquer les mesures de prévention en tout temps. En effet, dans une situation d’urgence, le policier n’aura souvent pas le temps de se protéger adéquatement ou n’aura pas en disponibilité tout l’équipement disponible pour assurer adéquatement sa protection Finalement, même si les services de post-exposition étaient adéquats dans sa région, il est connu que seulement 60 % des expositions percutanées au sang sont identifiées par le travailleur et donc traitées en post-exposition. Donc, malgré des actions efficaces au niveau des connaissances à acquérir et à maintenir par les travailleurs, au niveau des méthodes de travail à appliquer et des moyens et équipements de protection individuels à utiliser, au niveau de l’accès à une intervention post-exposition adéquate, tout en respectant la Charte des droits et libertés et le choix individuel de chacun. Les recommandations du PII sont les suivantes : La vaccination en pré-exposition est : ♦ recommandée pour les policiers patrouilleurs; ♦ recommandée pour les policiers d’escouades ou de départements qui doivent répondre à des situations d’urgence les mettant régulièrement en contact avec du sang et des liquides biologiques visiblement teintés de sang; ♦ recommandée pour les policiers d’escouades ou départements qui effectuent des tâches les mettant régulièrement en contact avec du sang et des liquides biologiques visiblement teintés de sang; ♦ recommandée pour les étudiants en techniques policières, étudiant dans les CÉGEPS de chaque région. Il n’y pas de recommandations spécifiques de vaccination contre le VHB pour les policiers administrateurs ou gestionnaires qui n’ont que très peu de contacts à risque. Dangers et risques associés aux agents infectieux – Les risques chez les policiers 20 4.2 Vaccination en pré-exposition contre le tétanos Le tétanos est quasi inexistant au Québec. Cependant, toute personne inadéquatement vaccinée (primo immunisation ou rappel) est à risque de contracter la maladie. En effet, comme le Clostridium tetani est présent dans le sol et qu’il est impossible de l’éliminer dans la nature, toute plaie assez profonde pour que l’oxygène y pénètre difficilement peut être contaminée et ainsi créer une condition favorable pour provoquer la germination de la spore. Donc, toute plaie constitue un risque, surtout si elle est profonde et contaminée par de la terre. Toute la population est à risque de contracter le tétanos, mais certains travailleurs le sont encore plus, en raison de la nature de leur travail : le travail à l'extérieur, qui favorise le contact avec la terre; le travail où les blessures sont fréquentes; le travail qui présente des risques de blessures avec des objets coupants ou coupants. Les recommandations du PII sont les suivantes : La primovaccination ou la mise à jour de la vaccination contre le tétanos est recommandée pour tous les policiers. Dangers et risques associés aux agents infectieux – Les risques chez les policiers 21 5. BIBLIOGRAPHIE BANDARAYANAKE DR ET AUTRES (1986). « Occupational risk of hepatitis B for police and customs personnel ». Am J Epidemiol, vol 134, p. 1447-1453 CENTER FOR DISEASE CONTROL AND PREVENTION (CDC 1991). » Protection against viral hepatitis: recommandations of Immunization Practices Advisory Committe (ACIP).», Mortality and Morbidity Weekly report, vol 39, n o RR-2, 26 p. COX J, MORISSETTE C, STEBEN M. (2001) « Hépatite C à Montréal : 27 000 personnes infectées dont 18 000 ignorent l’être. De vos patients sont-ils du nombre? » Prévention en pratique médicale. Direction de la santé publique de Montréal-Centre. Février 2001. COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ AU TRAVAIL (2001). Communication personnelle, juillet, 2001. 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