Une "Bonne Ame" un peu trop boy- scout
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Une "Bonne Ame" un peu trop boy- scout
08.11.2013 à 18h37 Par Fabienne Darge Une "Bonne Ame" un peu trop boy- scout "La Bonne Ame du Se-Tchouan", par Jean Bellorini aux Ateliers Berthier du Théâtre de l’Odéon. | POLO GARAT Bertolt Brecht n'a jamais été naïf, mais quand il commence à écrire La Bonne Ame du SeTchouan, en 1938, il l'est moins que jamais. Harcelé par les nazis depuis 1930, l'auteur de L'Opéra de quat'sous est en exil en Scandinavie. Il écrit coup sur coup, excusez du peu, La Vie de Galilée, Mère courage et ses enfants, La Résistible Ascension d'Arturo Ui et cette Bonne Ame, qui n'est plus si fréquemment jouée, de nos jours, et que l'on se réjouissait de retrouver , mise en scène par Jean Bellorini aux Ateliers Berthier du Théâtre de l'Odéon (avant de partir en tournée en France). On se réjouissait, car La Bonne Ame a beaucoup à nous dire , aujourd'hui. En imaginant l'histoire de Shen Té, la petite prostituée récompensée par les dieux pour sa générosité et qui fait l'expérience de l'exploitation et de l'impossibilité de changer le monde à un niveau strictement individuel, Brecht a créé une parabole d'une ironie mordante sur la manière dont la société capitaliste broie les individus, les corrode intimement, jusqu'au cœur de leurs sentiments les plus profonds. Comment faire le bien dans un monde pourri jusqu'à la moelle ? Voilà la question que pose Bertolt Brecht. On se réjouissait, aussi, que la pièce soit mise en scène par Jean Bellorini, un garçon de 32 ans qui, depuis quelques années, fait un joli bout de chemin avec son théâtre généreux et humaniste, porté par un bel esprit de troupe. Il se murmure d'ailleurs beaucoup que le ministère de la culture le verrait bien prendre la tête du Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis ). Sur le papier, tout cela aurait dû amener cette Bonne Ame vers le paradis du théâtre, mais hélas, ce n'est pas le cas. DES CRÉATURES FOLKLORIQUES Tout semble bien lourd et bien surligné, dans cette mise en scène qui fait des pauvres des créatures folkloriques manière Deschiens. C'est d'ailleurs Macha Makeïeff qui signe les costumes de cette production. Et les acteurs y sont d'un niveau bien inégal, prisonniers d'une forme de jeu appuyé, sans finesse. C'est dommage, parce que Karyll Elgrichi, qui joue Shen Té, ou François Deblock, qui incarne Wang, le porteur d'eau, ont indéniablement du talent et une belle présence. L'humanisme de Jean Bellorini est tout à fait respectable, surtout par les temps qui courent, empreints de cynisme. Mais il est marqué par une forme de naïveté assez éloignée de l'esprit de Brecht, qui savait que changer le monde est un vrai combat, qui se gagne aussi par l'invention de formes artistiques fortes et nouvelles. C'est ce mordant, cette dimension politique profonde, qui manquent à cette mise en scène où l'ambiguïté de la fable et du double personnage de Shen Té-Shui Ta est quand même fortement lissée. Si on voulait être un peu méchante, on se laisserait aller à dire que cette Bonne Ame est un peu boy-scout. Et donc pas très brechtienne. http://www.lemonde.fr/culture/article/2013/11/08/une-bonne-ame-un-peu-trop-boyscout_3510939_3246.html
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