La SuiSSe, eLdorado deS touriSteS gay
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La SuiSSe, eLdorado deS touriSteS gay
reportage∑35 income no kids), soit les ménages sans enfant disposant de deux revenus, qui voyagent et consomment plus que les familles. Pour les seuls EtatsUnis, le poids du tourisme homosexuel est ainsi estimé à 60 milliards de dollars (58 milliards de francs). Point fort Chaque année, les participants de l’Arosa Gay Ski Week revêtent les tenues les plus folles le temps du slalom humoristique des Drags Queens. Le reste de la semaine, ils arpentent les pistes en combinaison de ski. La Suisse, Eldorado des touristes gay Ski. 350 homosexuels passent la semaine sur les pistes et dans les boîtes d’Arosa. A force de marketing, la Suisse s’est fait une place dans le big business du tourisme arc-en-ciel. Linda bourget S ouliers de ski aux pieds, lunettes de soleil relevées sur la tête, Arek, Artur et Ben sirotent leurs bières en se dandinant sur les notes de Gloria Gaynor. La nuit tombe et la reine du disco hurle I will survive dans les haut-parleurs plantés à l’arrivée de la piste du Weisshorn, à Arosa. Venus de Pologne et d’Irlande, les trois trentenaires ont mis douze heures à rejoindre la station grisonne. «C’est la première fois qu’on vient ici. Cet aprèsmidi, on a exploré les pistes», 13 janvier 2011 L’Hebdo explique Arek. «Maintenant, on a enfin la possibilité de rencontrer d’autres homos.» Du 8 au 15 janvier, la Gay Ski Week s’empare, pour la septième fois, d’Arosa. Une semaine pendant laquelle la station hisse quelques drapeaux multicolores pour accueillir près de 350 homosexuels – essentiellement des hommes – en provenance d’une trentaine de pays. Au programme: ski, curling, bonnes tables, tour en hélicoptère et nuits endiablées. «On se détend davantage dans les séjours communautaires», explique Arek. «Parce qu’on sait que les autres sont aussi gay et qu’il n’y aura pas de malaise. On est tous sur la même longueur d’onde.» Cette envie de rester entre eux pendant les vacances, un tiers des homosexuels la partagent, selon le rapport 2010 de l’institut de recherche américain Community Marketing. Et de plus en plus de destinations touristiques se proposent de satisfaire le désir de ceux dont le pouvoir d’achat fait rêver. La plupart des homosexuels appartiennent de fait à la catégorie des «dinks» (Double Tourisme a décidé de profiler la Suisse sur ce segment en 1999, attaquant d’abord les marchés anglais et américains (où la communauté est la mieux structurée). «Au niveau européen, la Suisse fait vraiment figure de pionnière», commente David Paisley, de Community Marketing. «Elle est l’un des premiers marchés du Vieux Continent à s’être activement vendu auprès de la communauté gay et lesbienne anglo-saxonne.» Le retour sur investissement ne déçoit pas: selon Suisse Tourisme, 10% des nuitées en provenance des destinations ciblées sont attribuables à la communauté gay (la proportion d’homosexuels dans la population oscille entre 5% et 7%, selon les études) alors que l’enveloppe dédiée à ce segment n’est que de 150 000 francs par an. A titre comparatif, l’organisme a dépensé 32,4 millions pour promouvoir la dernière saison d’été. Fort de ce succès, Suisse Tourisme a élargi le spectre en 2010. Désormais, les homosexuels d’Allemagne, de France, d’Italie, d’Espagne et des Pays-Bas sont également courtisés. «La Suisse séduit parce qu’on peut passer des nuits vibrantes de Zurich au calme des montagnes en quelques heures. L’offre n’est donc pas en concurrence directe avec celle des grandes capitales européennes», détaille John Tanzella, directeur de l’Association internationale du voyage gay et lesbien (IGLTA). Actuels alexandre herkommer Pionnière européenne. Suisse 36∑reportage reportage∑37 photos maikel schell photos maikel schell Après-ski Sur la terrasse du Strumpfbar on trinque sur des tubes disco. Phénomène mondial. L’idée de profiler la Suisse sur ce juteux marché, Hitsch Leu a sauté dessus. Patron de l’hôtel Eden à Arosa, le Grison a organisé sa première semaine de ski gay en 2003, avec le soutien de Suisse Tourisme et de l’office du tourisme local. La première année, il n’y a eu qu’une trentaine d’intéressés. Mais aujourd’hui, l’événement rapporte environ 1 million de francs à la station, soit environ 500 francs par jour et par touriste. «Ces semaines sont à la mode», commente Olivier Paria. Posté dans le lobby pistache et lilas de l’hôtel Eden, le Français est venu dans les Grisons pour se détendre… et scruter la concurrence. Fin mars, c’est lui qui accueillera des nuées de gays pour une semaine à la montagne, dans le cadre de la European Gay Ski Week, qu’il organise depuis 2005. Cette année, à Tignes, il attend un millier de participants. «Les homosexuels ne sont plus obligés de se cacher. Il est donc de plus en plus facile d’organiser des événements fédérateurs comme ces semaines de ski. Et puis en Europe, nous sommes à la traîne», estime-t-il. En Amérique du Nord, Aspen accueille chaque année quelque 5000 gays le long de ses pistes, en une semaine. Au Canada, la station de Whistler connaît le même succès. Autour du monde, des dizaines de Gay Ski Weeks jalonnent le calendrier 2011 des vacances homos. Pas évident, dans ces conditions, de séduire la communauté. Plusieurs stations ont Expédition Josef, Stephan et Jürgen sont venus de Berlin pour faire la fête avec d’autres homos. Jürgen est un habitué des croisières gay. que la clientèle homosexuelle est difficile tant à capter qu’à garder. Indispensables soirées. «En Europe continentale, les soirées ne valent jamais celles de Londres», illustre John en enjambant l’un des canapés mauves de l’hôtel Eden. Les yeux bleus de l’Anglais sont injectés de sang, lourdement cernés. «Mais hier, c’était pas mal. En fait, j’ai passé une nuit de folie alors aujourd’hui, je reste tranquille», lance le «Pour faire venir en nouvelles du monde à Arosa, il faut manager technologies, avant de plus que de la neige.» s’envoler vers la table Alexandre Herkommer, des cocktails. Alangui co-organisateur de l’Arosa Gay Ski Week sur un fauteuil, son ami George étaye: «Si ainsi trébuché dans leur course les soirées d’ici n’étaient pas à aux dollars roses. En automne la hauteur, nous n’envisagedernier, Grindelwald annonçait rions pas de revenir.» par exemple qu’elle organise- Pour atteindre les standards rait sa première semaine de ski d’une clientèle internationale gay en janvier 2011. Mais les et branchée, Hitsch Leu s’est hôteliers de l’Oberland bernois associé à Alexandre Herkomà la base du projet ont tout mer, organisateur des fameuses annulé au mois de décembre. soirées gay du MAD (Jungle Alors qu’ils espéraient 200 per- parties) de Lausanne. «A Arosa, sonnes, seules 20 chambres les soirées doivent être plus avaient été réservées… C’est diversifiées», explique-t-il entre deux sushis, deux coups de fil, et deux rendez-vous. «Sans compter qu’on doit avoir les meilleurs DJs du moment. Parce que pour faire venir les gens jusqu’ici, il faut un peu plus que de la neige.» Michel Poulain ne dira pas le contraire. «Pour les hétéros, les bonnes soirées, c’est un plus. Pour nous, c’est un must», décrète le Parisien qui a longtemps travaillé pour le DJ Bob Sinclar, avant de rejoindre l’équipe de David Guetta. Ce soir là, il délaisse toutefois sans regret les soirées parisiennes pour assister au concert de l’artiste belge La Diva: une voix de femme qui vaut bien celle de Lady Gaga, et des hanches d’homme, moulées dans une robe de satin bleu. Se vendre en ligne. Nicolas et Cristiano, eux, ne sont pas des oiseaux de nuit. C’est sur les pistes que les deux amoureux prévoient de passer l’essentiel de la semaine. Malgré l’épais brouillard qui recouvre la région, ils se sont attablés sur la terrasse de la Tschuggenhütte, dans le flanc de la monL’Hebdo 13 janvier 2011 Hôtel Eden à arosa Couples et groupes d’amis se retrouvent dans le lobby pour un verre et un repas, suivis d’une soirée... électrique. Un tiers des gays et lesbiennes préfèrent les voyages réservés aux gens de même orientation sexuelle. Les acteurs du tourisme s’arrachent cette population qui voyage plus que les hétéros. tagne, pour étudier la géographie du domaine skiable. «J’adore le ski mais lui n’en avait jamais fait», se souvient Nicolas. «Alors nous avons cherché une semaine à la montagne pour homos. Afin qu’il puisse apprendre pendant que je dévale les pentes, et qu’on se sente à l’aise, au milieu de gens comme nous.» Le choix d’Arosa s’est fait au hasard d’une pub vue sur un site homo. La Gay Ski Week grisonne, comme les autres, se vend essentiellement dans les pages des magazines et sites spécialisés. Car, comme le montre également l’étude de Community Marketing, ces médias jouent un rôle clé dans le choix de vacances des gays et lesbiennes. Au point que Suisse Tourisme a, depuis l’année dernière, abandonné les petites brochures qu’il imprimait pour le marché gay, afin de concentrer l’entier de ses ressources sur la promotion en ligne. «Arosa nous a aussi attirés parce que les gens d’ici sont un peu plus ouverts que chez nous», poursuivent les deux Italiens. Une image que la 13 janvier 2011 L’Hebdo Suisse sait cultiver dans le milieu. «Le gros avantage de ce petit pays, c’est qu’il est ouvert aux homosexuels à peu près partout», commente David Paisley. «C’est plutôt rare. Aux Etats-Unis par exemple, certaines villes sont très gay-friendly. Mais si vous allez dans les campagnes, c’est autre chose.» rente. «C’est bien qu’ils soient là, ça fait vivre un peu le village.» Traditionnellement, la semaine suivant les vacances de Noël était l’une des plus calmes de la saison. Maintenant s’y déroule le second plus grand événement de l’année. La partie, pourtant, n’était pas gagnée. Au début, certains ont rejeté le concept. «Arosa est une station familiale Swiss aussi. Dans les rues cal- et quelques personnes craimes d’Arosa, après sept ans de gnaient de voir débarquer la semaine homo, personne ne cage aux folles», analyse Alexandre Herkommer. «Aujourd’hui, nous som«Les gens d’ici sont mes très bien accueillis.» un peu plus ouverts A mesure que les esprits que chez nous.» s’ouvrent, à Arosa comme Nicolas et Cristiano, ailleurs, le marché du couple de touristes italiens tourisme gay s’enracine dans le pays. En septemsemble plus s’émouvoir de la bre dernier, Zurich hébergeait présence de ces 350 touristes. ainsi le Symposium européen Philip, venu de Nouvelle- du tourisme gay et lesbien. Une Zélande, se demande d’ailleurs manifestation itinérante à où se trouve toute cette équipe. laquelle se sont notamment «Je sais qu’ils sont par là, mais associés Suisse Tourisme, je ne les ai jamais vus», dit-il Zürich Tourisme, et Swiss. La alors que son fils d’une dizaine compagnie aérienne démarche, d’années le rejoint. «Nous ne elle aussi, dans le milieu. En fréquentons sans doute pas les juin dernier, lors de l’inauguramêmes endroits.» Plus loin, la tion de la liaison Zurich-San fleuriste du village est indiffé- Francisco, elle a par exemple dragué les associations pour homosexuels de la région. Quant à Zurich, elle se profile ostensiblement sur ce segment de marché. En 2009, la ville accueillait l’Europride, l’un des plus importants rendez-vous de la scène homosexuelle. «Les gays et lesbiennes sont un de nos marchés cibles, parce que ce sont des faiseurs de tendance, qu’ils voyagent beaucoup et qu’ils dépensent plus que la moyenne», résume Marlis Ackermann, directrice de Zürich Tourisme. Et de souligner qu’avec le «Kreis», la ville accueillait, dans les années 30, le seul réseau gay du monde. Mais cela ne suffit pas. Selon Reto Kleeb, «ambassadeur » du tourisme homosexuel en Suisse pour l’IGLTA et membre de Suisse Tourisme, le pays doit devenir «un point plus important sur la carte de voyage des gays et lesbiennes». Peut-être les images du traditionnel slalom de drag queens d’Arosa, qui feront le tour du net dès la semaine prochaine, aiderontelles à asseoir la réputation du petit pays.√ Actuels Actuels homme du milieu Organisateur des soirées gay du MAD de Lausanne, Alexandre Herkommer veille à inviter des DJs en vue à Arosa, afin de satisfaire une clientèle exigeante.
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