la génétique
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Nouvelles perspectives sur les mécanismes Comprendre le diabète : la génétique ` Graham Hitman Chez la plupart des personnes qui développent le diabète, il existe un composant héréditaire (génétique). Cependant, dans pratiquement tous les cas, la cause du diabète n'est pas seulement d'ordre génétique mais résulte plutôt d'une série d'interactions avec l'environnement chez une personne génétiquement prédisposée. L'épidémie de diabète qui se répand à travers le monde le démontre clairement. L'impressionnante augmentation des chiffres ne peut évidemment pas être mise sur le compte des facteurs génétiques. Le plus probable est que cette augmentation soit due aux changements de styles de vie dans les zones urbaines. Le style de vie occidental est caractérisé par une alimentation plus élaborée, une sédentarité et plus de stress. Cela nous donne un indice sur les méthodes à appliquer pour réduire le fardeau que représente cette condition. Et de nouveau, cela n'a rien à voir avec la génétique. Toutefois, sans une prédisposition génétique, ces changements vers un style de vie moderne n'auraient pu trouvé de terrain fertile sur lequel exercer leur dangereuse influence. Le présent article se concentre sur la prédisposition génétique au diabète, en particulier sur les troubles monogénétiques qui conduisent au diabète de type 2 et sur la recherche des gènes dans les formes les plus communes du diabète de type 2. Il y a également des leçons à tirer d'un type de diabète que l'on trouve principalement dans les "pays tropicaux" – le diabète pancréatique fibrocalculeux (FCPD, Fibrocalculous Pancreatic Diabetes). >> Juin 2003 Volume 48 Numéro spécial 32 Un composant génétique : une preuve indirecte Il y a plus de 2000 ans, les médecins hindous Charuka et Susruta commentaient les deux causes de "l'urine au goût de miel" – "transmise de génération en génération par le sperme" (c'est-à-dire la génétique) et une "alimentation peu judicieuse" (c'està-dire l'environnement). C'est la référence la plus ancienne à la fois au composant génétique et à la nature multifactorielle de la condition. ( ) Lorsque les deux parents sont atteints de diabète, le risque pour les enfants dépassent 70 %. Le diabète de type 2 est plus courant dans certaines familles. Il est bien connu que le risque de diabète chez les enfants est plus faible si aucun des parents n'est atteint de diabète de type 2. Le risque augmente si un des parents est atteint de diabète et il est plus élevé encore si les deux parents en sont atteints. Des données en provenance d'Inde ont démontré que lorsque les deux parents sont atteints de diabète, le risque pour les enfants dépasse 70 %. On a observé que le risque de diabète de type 2 chez les enfants semble augmenter si la mère est atteinte de Nouvelles perspectives sur les mécanismes diabète ou si le parent a développé la condition très jeune. Chez des jumeaux monozygotes, si un des jumeaux est atteint de diabète de type 2, dans environ 28-34 % des cas, l'autre jumeau développera également le diabète. Par contre, chez des jumeaux qui ne sont pas génétiquement identiques, l'autre jumeau ne sera atteint de diabète que dans 14-16 % des cas. De plus, en suivant des jumeaux monozygotes pendant plusieurs années, on a observé que le risque pour l'autre jumeau d'être atteint de tolérance abaissée au glucose approche graduellement les 100 %. Des données plus significatives peuvent être extraites de populations chez qui il existe des preuves de mélange génétique – en particulier entre un groupe ethnique à haut risque et un groupe à faible risque. L'île de Nauru dans le Pacifique constitue un bon exemple. Les habitants de pure souche de plus de 60 ans ont une prévalence du diabète de 83 %. Cependant, dans un environnement identique, la prévalence du diabète n'est que de 17 % chez ceux qui possèdent des gènes europoïdes. Les hypothèses du génotype et du phénotype d'épargne sont-elles exclusives ? L'hypothèse du "génotype d'épargne" tente d'expliquer l'avantage que représente les gènes de la prédisposition au diabète pour les humains. Dans le passé, la famine était monnaie courante. Malheureusement, c'est toujours le cas dans certaines régions du globe. Pour pouvoir survivre à la famine, l'être humain doit faire des réserves d'énergie pendant les périodes d'abondance et les utiliser efficacement en période de famine. L'hypothèse suggère que les individus qui possèdent ces gènes "bénéfiques" survivraient à la famine.Toutefois, dans le contexte de l'occidentalisation, cet avantage devient un désavantage et entraîne l'obésité. ( ) Les petits bébés qui affichent ensuite une surcharge pondérale à l'âge adulte sont ceux qui présentent le plus grand risque d'être atteints de diabète. Par contre, l'hypothèse du "phénotype d'épargne" met l'accent sur les événements qui précèdent la naissance et qui conditionnent la programmation métabolique du fœtus et le diabète plus tard. En effet, il a été démontré de façon indiscutable que les bébés de petits poids (probablement un reflet des influences nutritionnelles dans l'utérus) qui afficheront ensuite une surcharge pondérale à l'âge adulte présentent le plus grand risque d'être atteints d'un certain nombre de conditions à l'âge adulte, notamment le diabète et les maladies cardiovasculaires (voir l'article de Chittaranjan Yajnik dans ce numéro de Diabetes Voice pour une analyse des origines fœtales du diabète). Chacune de ces hypothèses ne sont toutefois pas exclusives et la vérité réside quelque part à mi-chemin. En effet, il a été démontré que des affections monogéniques avaient un effet profond sur la croissance du fœtus. De plus, un terrain génétique à la prédisposition de la programmation métabolique pourrait, en plus de ceux impliqués dans l'action et la secrétion de l'insuline, concerner d'autres gènes – notamment ceux participant au développement du fœtus. 33 Succès génétique – le diabète de type MODY (maturity onset diabetes of the young) Le MODY est un modèle de réussite en matière de recherche sur le diabète, dans laquelle la génétique a été le vecteur d'une meilleure compréhension de cette condition. Elle montre également la future application possible aux formes plus communes du diabète de type 2. Le MODY est cliniquement défini comme le développement du diabète de type 2 avant 25 ans chez au moins deux membres de la même famille de générations successives. Le MODY représente environ 2 % des cas de diabète de type 2 dans le monde. Jusqu'à présent, on a identifié six gènes qui sont impliqués dans 95 % des cas de diabète de type MODY, dont deux (un gène de la glucokinase et celui d'un facteur qui contrôle la transcription des gènes dans les protéines – le facteur nucléaire hépatique (HNF )) constituent la majorité des cas. Des mutations de ces six gènes affectent le métabolisme des cellules bêta productrices d'insuline. Ces mutations entraînent des troubles de la secrétion d'insuline. Le thermostat des cellules bêta du pancréas est la glucokinase. Cette enzyme aide à détecter les niveaux de glucose (sucre) dans le flux sanguin. Elle détermine ensuite la quantité appropriée d'insuline à secréter. Les mutations de la glucokinase représentent environ un tiers de tous les cas de MODY. Le diabète glucokinase est un diabète extrêmement léger. Par conséquent, son diagnostic est souvent accidentel ou le résultat d'un diabète gestationnel. Les complications classiques du diabète affectant les yeux, les nerfs et les reins sont rares. Les personnes atteintes de ce type de >> Juin 2003 Volume 48 Numéro spécial Nouvelles perspectives sur les mécanismes Même si, globalement, le calpain-10 n'est pas le gène principal du diabète, la compréhension de la biologie de cette nouvelle protéine peut apporter des indices thérapeutiques importants pour le diabète. Par exemple, nos données préliminaires indiquent qu'il joue un rôle direct dans la sécrétion de l'insuline. diabète sont généralement traitées par un régime alimentaire et ont rarement besoin d'injections d'insuline. L'autre principale cause du diabète de type MODY sont les mutations de l'enzyme HNF. Cette enzyme agit comme un interrupteur principal des cellules bêta, notamment celles de la glucokinase. Contrairement aux patients qui subissent des mutations de la glucokinase, ceux qui sont atteints de mutations de la HNF , bien que non insulino-résistants, s'apparentent au diabète de type 2 classique, et sont donc atteints d'une condition plus grave. Election du gène candidat Les mutations de gènes associées au MODY peuvent être diagnostiquées via des tests génétiques et peuvent donc contribuer à établir un diagnostique précis de la cause du diabète. © mauritius Le triomphe mexicain – le diabète de type 2 "polygénique" commun Deux méthodes principales sont utilisées pour identifier les causes du diabète de type 2 : la recherche génomique et l'analyse du gène candidat. Ces deux méthodes se basent sur les progrès impressionnants réalisés par le projet du génome humain. Dans la recherche génomique, aucune hypothèse n'est émise concernant la cause possible du diabète. On procède à une sélection d'un grand nombre de familles dont plus d'un membre sont atteints de diabète. Par le biais de méthodes semi-automatisées, le génome est scanné à l'aide d'environ 400 marqueurs de base répartis sur le génome humain. L'objectif est de trouver les zones du génome humain qui sont partagées par les membres de la famille atteints de diabète. On observe que des zones identiques sont Juin 2003 Volume 48 Numéro spécial fréquemment partagées par d'autres familles. Il existe également une diversité de formes du diabète – comme dans toutes les formes communes de diabète de type 2. Une des explorations du génome a déjà permis d'identifier un gène jusque là inconnu – le calpain-10. Ce gène contribue significativement à la prédisposition génétique au diabète de type 2 chez les Américains d'origine mexicaine. De plus, on sait que, bien que de moindre importance, il contribue également soit au diabète soit à des troubles de la fonction insulinique chez un certain nombre de groupes ethniques. Par exemple, chez les personnes du sud de l'Inde, une variation du calpain-10 a conduit à une prédisposition à la fois au diabète de type 2 et à la tolérance abaissée au glucose et pourrait être associée à un phénotype maigre. 34 Couvrir tous les nombreux gènes candidats étudiés dans le cadre des recherches sur le diabète de type 2 est impossible dans ce cadre-ci, en particulier parce que nombre d'entre eux s'avéreront être de fausses pistes. Cependant, un certain nombre de gènes de prédisposition ont été identifiés par cette voie. Ils incluent les gènes du récepteur activé proliférateur du peroxysome (important dans la mise en oeuvre de la toute nouvelle catégorie de médicaments contre le diabète), le substrat 1 du récepteur d'insuline, le locus même du gène de l'insuline et le récepteur sulfonylurée (accepteur pour une autre catégorie de médicaments), pour n'en citer que quelques-uns. Le diabète pancréatique fibro-calculeux (FCPD, fibrocalculous pancreatic diabetes) se trouve dans les pays tropicaux et est caractérisé par un développement précoce du diabète chez une personne maigre (en fait, dans une classification antérieure de l'OMS, il était repris comme une cause du diabète lié à la malnutrition), il requiert souvent des injections d'insuline et est associé à de graves crises de douleurs abdominales et de grosses pierres au pancréas. Auparavant, on pensait que le FCPD était un exemple de cause environnementale du diabète faisant suite à une pancréatite chronique. Cependant, le FCPD a maintenant été associé à l'ensemble de gènes HLA de "groupage tissulaire" et aux gènes de Nouvelles perspectives sur les mécanismes l'insuline. Parallèlement aux progrès réalisés dans la détermination des causes monogéniques du diabète de type 2 (voir ci-dessus), la cause de la pancréatite héréditaire pourrait être dévoilée rapidement. Le gène "Kazal type 1", plus connu sous le terme de SPINK, provoque une prédisposition à la fois à la pancréatite héréditaire et à la pancréatite chronique. Notre hypothèse est qu'il pourrait également s'agir d'un bon gène candidat pour le FCPD. Au moins trois groupes de chercheurs ont publié des données pratiquement identiques démontrant qu'une mutation commune du SPINK représentait jusqu'à un tiers des cas de FCPD. Dans notre étude, nous avons analysé des personnes du sud de l'Asie et du Bangladesh avec des résultats pratiquement identiques. La mutation du SPINK était présente dans 33 % des 180 personnes atteintes de FCPD, comparé aux 4 % des 861 personnes non atteintes de diabète et des 4 % de personnes atteintes de diabète de type 2. Au Bangladesh, les parents de 69 familles ayant un enfant atteint de FCPD ont été étudiés. Pratiquement chaque parent qui possédait une mutation du SPINK la transmettait à l'enfant atteint de FCPD. La cohérence des données et le fait que tant les études basées sur la famille que les études basées sur la population révèlent les mêmes résultats, constituent une preuve irréfutable d'un composant génétique du FCPD. Ces études soulignent également la nature multifactorielle du FCPD – aucun des parents n'était atteint de FCPD et la mutation était présente chez plus de 4 % de la population "normale". Par conséquent, la mutation en elle-même ne provoque pas la condition. Une interaction avec l'environnement et probablement l'intervention d'autres gènes sont nécessaires. Ce niveau de complexité est la raison précise pour laquelle il a été si difficile d'identifier les gènes impliqués dans la prédisposition au diabète de type 2. ( ) Une approche génétique devrait conduire à de meilleures stratégies de prévention du diabète. Applications pratiques des études génétiques à la prévention et au traitement L'identification des gènes de la prédisposition au diabète de type 2 devrait nous aider à comprendre les causes de la condition. Actuellement, nous savons qu'il y a probablement un composant génétique à plusieurs aspects associé au diabète de type 2. Toutefois, à part les causes monogéniques du diabète, nous n'avons toujours qu'une connaissance minimale des processus fondamentaux impliqués. En effet, le traitement du diabète de type 2, qui a un impact sur certaines complications, n'influence pas la progression de la condition. La raison de cet échec est que nous ne traitons actuellement que le résultat du processus diabétique au lieu de nous attaquer à la cause sous-jacente de la condition. Une approche génétique est une approche parmi d'autres qui peut nous aider à mieux comprendre les mécanismes primaires. Cela devrait alors nous conduire à définir de meilleures stratégies de prévention et à trouver de meilleurs outils thérapeutiques de lutte contre le diabète. 35 ` Graham Hitman Graham Hitman est Professeur de Médecine moléculaire et Diabétologue consultant auprès de Barts and à la London Queen Mary's School of Medicine and Dentistry, University of London, Royaume-Uni. Références 1. Ramachandran A, Snehalatha C, Kapur A et al. Diabetes Epidemiology Study Group in India (DESI). High prevalence of diabetes and impaired glucose tolerance in India: National Urban Diabetes Survey. Diabetologia 2001; 44: 1094-101. 2. Neel JV. Diabetes mellitus a 'thrifty' genotype rendered detrimental by 'progress'? 1962. Bull World Health Organ 1999; 77: 694-703. 3. Hales CN, Barker DJ. Type 2 (noninsulin-dependent) diabetes mellitus: the thrifty phenotype hypothesis. Diabetologia 1992; 35: 595-601. 4. Hattersley AT, Tooke JE. 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