Chronique écrite pour la revue Shangaï Express, n°3. (http
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Chronique écrite pour la revue Shangaï Express, n°3. (http
Chronique écrite pour la revue Shangaï Express, n°3. (http://shanghai.express.free.fr/) ------------------------------------------------------------------------Le polar, à l’instar de la SF, est une littérature qui parfois engendre son sous-genre littéraire ou de nouveaux codes de genre très précis à l’occasion d’une découverte scientifique, d’un bouleversement social, d’un progrès quelconque… Ainsi, sans l’invention du train, on n’aurait pas inventé le polar ferroviaire, sans la serrure trois point les meurtres en chambre closes, sans la gay pride, le polar lesbien et sans l’invention du Minitel et de la matrice schyzoïde, le cyberpolar branchouille qui pète les plombs (Je sais, mes exemples ne sont pas terribles, mais je suis persuadé que vous voyez ce que je veux dire). Le 16 mars dernier, une information a peut-être annoncé, mine de rien, l’apparition prochaine d’un nouveau genre littéraire : « PEKIN - La Chine a créé la première banque d'odeurs humaines censée aider les chiens de la police à confondre les criminels, rapporte l'agence Chine nouvelle. A Nanjing, dans l'est du pays, 500 odeurs différentes, destinées à être comparées avec celles relevées sur des scènes de crime, sont ainsi conservées à -18°C. "De cette manière, les échantillons gardent leur fraîcheur pendant au moins trois ans", a expliqué à l'agence Song Zhenhua, le créateur de la banque. L'agence n'a pas indiqué comment les effluves seront prélevés. Dans d'autres pays, les enquêteurs prélèvent les odeurs sur des vêtements, les captent grâce à des feuilles de gaze et les conservent dans des boîtes en plastique hermétiques ». Voilà qui est tout bonnement vertigineux. Egrenons les conséquences littéraires de cette nouvelle. En effet, à l’heure où j’écris ces lignes il me plait d’imaginer qu’un type tape furieusement sur son clavier, se pressant pour être celui qui publiera le premier polar renifleur. Mais l’Histoire nommera peut-être aussi cela le « nez au polar », l’odopolar ou la littérature nose (à ne pas confondre avec les polars hyper thématisés qui ne traitent que de cocaïne dans le show biz). Attendons-nous donc à voir naître l’archétype du détective dépressif, victime d’une sinusite chronique, ex-nez entré dans la police par dégoût des relents nauséabonds de la mafia du parfum. Il lutte contre son envie de reprendre la cigarette à l’eucalyptus au risque de perdre son job et se demande s’il ne devrait pas quitter sa petite amie qui s’asperge de ce déodorant bon marché qui brûle la langue. Déjà qu’il n’est pas en odeur de sainteté avec le patron « qui l’a dans le pif »... Bientôt les librairies crouleront sous les piles de romans comportant des dialogues bien sentis entre flics qui ont le plus grand mal à constituer leur banque de molécules vue leur maigre budget de fonctionnement (« Qui a mis au frigo les chaussettes du serial killer près du melon ? ») ou à mener leurs enquêtes (« Lieutenant : non seulement cette affaire pue, mais nous sommes dans le pâté ») sinon leurs interrogatoires (« Ton alibi tient pas. Tu ne peux cacher que t’étais chez la victime le soir de la raclette »)…, Avec toutes les déclinaisons que suscite le thème : remugles embrouillés chez les tanneurs ou les poissonniers ; génies du mal ne se nourrissant que d’asperges et de choux de Bruxelles pour égarer la brigade canine, erreurs judiciaires (le transexuel portait-il mis un parfum d’homme ou de femme ?), stratagèmes et coups tordus (escroquerie au spray arôme de plastique neuf, braquage à l’ionisateur d’air, horrible prise d’otage au désodorisant senteur des prés…). Le nez au polar chic sera aromatique et l’odopolar choc à rots mastocs. Le régional sentira le beurre frais ou l’aïoli, le cassoulet ou la choucroute. Les versions hardcore se dérouleront dans les décharges, dans la profession des déboucheurs de canalisations, chez les égoutiers ou dans les vestiaires des employées de parfumerie. Les polars plus métaphysiques ou intellos torturés seront quant à eux situés respectivement chez les producteurs de formol ou d’encens et les designers olfactifs. Evidemment, les zoïles et les compassés, amateurs de livres aux délicats arômes de roses qui se fanent dans des salons confinés, se pinceront les narines en se penchant sur ces romans qui osent ventiler les miasmes du social. Fi, nous autres lecteurs revendiqueront la lecture de ces ouvrages qui embaumeront nos nuits blanches. Pour une fois qu’on peut en lâcher au lit, hein. Francis Mizio. http://www.francismizio.net