Perception des jeunes filles et garçons finalistes des

Transcription

Perception des jeunes filles et garçons finalistes des
LA PERCEPTION DES JEUNES FILLES ET GARÇONS
FINALISTES DES HUMANITÉS ET CEUX DES
MOUVEMENTS DE JEUNES DE 18 A 24 ANS SUR LES
CONSÉQUENCES DES IVG
(Présentation faite à Québec, au 3e Congrès international du SIDIIEF, 2006)
AUTEURS
Tambwe Kabamba, [email protected]
Gaston TSHEFU PONGO [email protected]
Nsenga et Walo
Septembre 2008
INTRODUCTION
Nous traitons dans cette étude de la perception des jeunes filles et jeunes garçons de 18 à
24 ans sur les conséquences des interruptions volontaires de la grossesse (IVG). Cette
étude a été menée à Kinshasa, République Démocratique du Congo. Dans ce pays,
l’interruption volontaire de la grossesse est prohibée et punie par la loi.
Dans cette intervention, nous ressortons la problématique, le but de l’étude, la
méthodologie choisie, l’aspect éthique, la présentation des données, les résultats, la limite
de l’étude, la conclusion et quelques recommandations.
PROBLÉMATIQUE
En pratique, une grossesse normale aboutit à une naissance, mais pour une raison ou une
autre, nous remarquons que certaines jeunes filles optent d’interrompre, seule ou en
complicité avec leur partenaire, l’évolution à terme d’une grossesse.
Au Congo Démocratique, l’avortement n’est pas autorisé, à l’exception des cas où la
grossesse met en danger la vie de la mère.
Notons que l’avortement est une interruption précoce de la grossesse qui pose peu de
problèmes s’il est spontané alors que l’avortement clandestin provoqué (interruption
volontaire de la grossesse) est souvent suivi des complications plus ou moins graves.
Ce type d’avortements est encore fréquemment pratiqué dans notre pays. Il est source de
morbidité et surtout de mortalité maternelle élevée. La seule chose que parviennent à
obtenir ces lois, c’est de rendre l’avortement dangereux, de transformer des filles en
criminelles et de remettre en question le respect dû à la loi.
On voit ainsi certaines filles qui, volontairement, risquent leur vie pour mettre un terme à
une grossesse non désirée. Les raisons alors évoquées pour cette pratique sont surtout
d’ordre socio-économique.
Nous estimons que l’interruption volontaire de la grossesse a plusieurs conséquences
notamment : les hémorragies continuelles ou sporadiques, les infections, les
intoxications, l’infection à VIH, le coma, etc. Elles peuvent aussi entraîner tardivement la
stérilité secondaire, les accidents obstétricaux (grossesse extra-utérine, avortements
spontanés à répétition) et le SIDA.
SRIANI BASNAKE estime qu’il y a environ 46 millions de cas d’avortements pratiqués
chaque année et 20 millions d’entre eux sont illégaux. Il ajoute que le taux de mortalité
est de 43,4 % l’an.
En outre, BAYA BANZA montre dans son enquête menée au BURKINA FASO,
précisément à Ouagadougou que 8000 avortements clandestins sont effectués chaque
année sur les adolescentes de 15 à 19 ans. Son enquête ajoute que 28 femmes mourraient
2
chaque année des suites de l’avortement et que les plus exposées étaient les femmes qui
pratiquaient l’opération elle-même, avec 80 % d’avortement ayant un impact négatif sur
la santé.
En plus, MASSOSSA constate que sur un total de 221 cas observés d’avortement à
Brazzaville, il y a eu 51,13 % de rétention ovulaire, 10,86 % d’anémie aiguë, 10,86 %
péritonite, 8,15 % d’ endométrite, 5,88 % de septicémie, 2,26 % de perforations utérines,
0,9 % de plaies intestinales, 0,9 % d’abcès du douglas et 0,9 % de paraplégie.
Nasdine (1999) constate, qu’en France, les femmes qui vivent seules ont recours souvent
à l’interruption volontaire de la grossesse. En plus sur les interruptions volontaires de la
grossesse enregistrées en 1990, 51 % des femmes ayant eu une l’interruption volontaire
de la grossesse étaient célibataires, 10 % avaient moins de 20 ans, 7 % avaient 40 ans et
plus, 42 % n’avaient pas d’enfant, 16 % avaient 3 enfants et plus et 22 % avaient déjà eu
une l’interruption volontaire de la grossesse.
Rayston et Armostrong (1990) estiment qu’au département de Gynécologie de l’hôpital
Provincial Général de Référence de Kinshasa, 60 % environ des cas gynécologiques sont
des complications d’avortement; de même dans un Hôpital à Accra, le taux dépassait
50 %. Dans le même établissement, les complications étaient à l’origine de 60 à 80 % des
interventions de petite chirurgie et absorbaient la moitié du sang dont disposait l’hôpital.
Ces affirmations nous démontrent que l’interruption volontaire de la grossesse est un
problème de Santé publique qui doit nous préoccuper, puisqu’un grand nombre
d’interruptions volontaires de la grossesse se passe dans la clandestinité et que seuls les
cas compliqués sont conduits à l’hôpital.
Ainsi, nous estimons que les IVG constituent aussi une menace à la vie humaine tant
maternelle que fœtale.
De ce qui précède, nous soulevons ce questionnement « les jeunes filles et les jeunes
garçons ont-ils une large connaissance des risques des IVG ? »
Notre étude visait à évaluer la perception des jeunes filles et des jeunes garçons sur les
risques des interruptions volontaires de la grossesse.
Spécifiquement, nous nous sommes assigné la démarche ci-après :
1. Circonscrire le cadre conceptuel selon l’approche systémique sur la perception en
matière des interruptions volontaires de la grossesse.
2. Construire un instrument de collecte des données.
3. Recueillir les données auprès des jeunes filles et garçons âgés de 18 à 24 ans.
4. Circonscrire la perception des jeunes filles et garçons âgés de 18 à 24 ans sur les
conséquences des interruptions volontaires de la grossesse.
L’intérêt est d’attirer l’attention des encadreurs sanitaires, en l’occurrence, de la
profession infirmière à mettre aussi l’accent sur la santé des adolescentes. Nous désirons
aussi attirer l’attention des éducateurs de la jeunesse en milieu scolaire et universitaire,
3
sur le caractère de santé publique que rêvait la perception des jeunes sur ce problème, au
même titre que d’autres cas dont l’infection à VIH-SIDA, le paludisme, etc.
Pour la réalisation de notre étude, nous nous sommes intéressés à la méthode descriptive
et plus particulièrement à la méthode d’enquête.
L’étude s’est réalisée auprès des jeunes finalistes de 18 à 24 ans candidats aux examens
d’État résidant dans les maquis et ceux qui évoluent en milieu ecclésiastique.
Pour faire partie des unités en étude, il fallait répondre aux critères d’inclusion suivants :
• Avoir entre 18 et 24 ans d’âge;
• Être finaliste aux examens d’État et habitant le maquis ou appartenir au mouvement
de jeunes en milieu ecclésiastique;
• Être présent et lucide au moment de l’enquête;
• Accepter de prendre part à l’étude.
À l’aide d’une part de deux « focus group » composés d’une part de 12 filles et d’autre
part de 12 garçons finalistes aux examens d’État 2004 dans le maquis situé au quartier
DEBONHOMME, et d’autre part de deux autres « focus groups » orientés vers les jeunes
de milieu ecclésiastique, dont nous avons recueilli les perceptions.
Pour ce faire, nous avons utilisé un guide d’entretien pré testé auprès des élèves finalistes
du secondaire en maquis à la commune de Lemba 1 . Dans la première partie, nous y
trouvons l’âge, l’état civil, le niveau d’études et le sexe. Et dans la seconde partie, leurs
réactions sur l’avortement ainsi que les conséquences immédiates et tardives de
l’avortement.
Du point de vue éthique, nous avons tenu compte de la confidentialité des participants et
de leur consentement éclairé en vue d’une libre participation.
Le dépouillement des données était manuel compte tenu de la taille de notre échantillon.
Et le traitement des données s’est centré sur la statistique descriptive
PRÉSENTATION DES DONNÉES
Tableau I : Répartition des participants par tranche d’âge (n %)
Répondants (es) filles
garçons
Tranche d’âges
n=12
N=12
%
%
18-19
7
4
58,3
33,3
20 -21
3
3
25
25
22 et plus
2
5
16,7
41,7
TOTAUX
12
12
100
100
1
Une des vingt-quatre Communes de la Ville province de Kinshasa en RD Congo
4
Dans ce tableau I, nous voyons que 58,3 % de la tranche d’âge de 18-19 ans constitue le
groupe majoritaire, 25 % se trouve dans la tranche d’âge de 20-21 ans suivi de 16,7 %
dans la tranche d’âge de 22-23 ans constituant ainsi le groupe minoritaire en ce qui
concerne les filles. Tandis que pour ce qui est des garçons, nous remarquons que 41,7 %
d’entre eux, se situe dans la tranche d’âge de 22 ans et plus, constituant le groupe
majoritaire, que 33,3 % sont répartis dans la tranche d’âge de 18-19 ans et que 25 % sont
dans la tranche de 20 à 21ans.
Tableau II : Répartition des participants selon les réponses sur les
conséquences immédiates (en %)
a. Groupe de maquis
Répondants (es)
Sexe Conséquences
1. Hémorragie
FILLES
Fi
GARÇONS
%
Fi
%
10
83,33
10
83,33
2. Infection d’endométrite
4
33,33
-
-
3. Rétention ovulaire
8
66,66
-
-
4. Anémie aiguë
-
-
5
41,66
5. Douleurs abdominales
-
-
9
75
6. Infection VIH
10
83,33
11
91,66
7. Perforation utérine
8
66,66
-
-
8. Traumatisme
6
50
-
-
9. Tétanos
9
75
7
58,33
10. Mort
11
91,66
9
75
Moyenne
68,37
84,99
5
b. Groupe ecclésiastique
Répondants (es)
FILLES
GARÇONS
N=12
%
N=12
%
10
83,3
-
-
2. Infection d’endométrite
-
-
-
-
3. Rétention ovulaire
-
-
-
-
4. Anémie aiguë
-
-
-
-
5. Douleurs abdominales
1
8,3
-
-
6. Infection VIH
9
75
9
75
7. Perforation utérine
8
66,6
-
-
8. Traumatisme psychologie post-abortum
4
33,3
-
-
9. Tétanos
10
83,3
6
50
10. Mortalité
11
91,6
6
50
Sexe Conséquences
1. Hémorragie
Moyenne
44,1
17,5
Le tableau II nous montre pour les filles, qu’il y a 91,66 % de mortalité et 83,33 % de cas
d’hémorragie et d’infection au VIH; 75 % de cas de tétanos et 66,66 % de cas de
perforation utérine. Les cas de rétention ovulaire et les autres conséquences sont
observées à des proportions faibles. Tandis que pour les garçons, on observe 91,66 % des
cas d’infection au VIH, 83,33 % des cas d’hémorragie, 75 % de cas de douleurs
abdominales et la mortalité dans seulement 58,33 % des cas, à égalité pour les cas de
tétanos et 41,66 % pour les cas d’anémie aiguë.
6
Tableau III : Répartition des participants selon les réponses
sur les conséquences lointaines en %
Groupe de maquis
Répondants (es) FILLES
Conséquences lointaines
GARCONS
Fi n=12
%
%
1. Infertilité secondaire
10
83,3
9
75
2. Incapacités physiques
10
83,3
7
58,3
3. Avortement spontané à répétition
8
66,6
8
66,6
4. Grossesse extra-utérine
6
50
5
41,6
5. Fécondité réduite
7
58,3
-
-
6. SIDA
-
-
8
66,6
Moyenne de pourcentage
56,3
Groupe ecclésiastique
Répondants (es) FILLES
Conséquences lointaines
51,3
GARÇONS
Fi n=12 %
Fi n=12
%
1. Infertilité secondaire
9
75
6
50
2. Incapacités physiques
9
75
7
58,3
3. Avortement spontané à répétition
8
66,6
8
66,6
4. Grossesse extra-utérine
7
58,3
-
-
5. Fécondité réduite
7
58,3
-
-
6. SIDA
3
25
5
41,6
Moyenne de pourcentage
59,7
36
Dans ce tableau III, nous voyons que 83,33 % des cas sont à égalité pour l’infertilité
secondaire et les incapacités physiques, 66,66 % des cas d’avortement spontané à
répétition, à égalité avec les cas de malformation congénitale et enfin 58,33 % et 50 %
observent respectivement les cas de fécondité réduite et de grossesse extra-utérine pour
les filles. Tandis que pour les garçons, 75% des jugent à égalité les cas d’avortement
spontané à répétition et de SIDA et 58,33 % les cas d’incapacités physiques et 41,66 %
sont d’avis pour la grossesse extra-utérine.
En observant les résultats obtenus de l’enquête, nous osons dire que ces jeunes élèves
finalistes aux examens d’État sont moyennement conscients de la gravité de l’IVG. Et,
les pourcentages obtenus démontrent suffisamment leur faible perception de certaines
conséquences :
7
a. Conséquences immédiates :
• Les jeunes finalistes de deux sexes ont une perception plus grande que ceux qui
évoluent dans les groupes des jeunes de mouvement ecclésiastique
• En milieu ecclésiastique, les garçons ont une plus faible perception que les filles
• Les garçons finalistes ont une perception plus grande que les filles
Concernant les conséquences immédiates des interruptions volontaires de la grossesse,
les filles (68,37) ont une faible perception contrairement aux garçons (84,99).
b. Conséquences lointaines :
Il s’avère qu’en moyenne les jeunes filles (68,05 %) et garçons (61,66 %) ont une faible
perception des conséquences lointaines des interruptions volontaires de la grossesse.
Elle est forte en ce qui concerne les cas d’hémorragie, douleurs abdominales pour les
garçons, d’infection VIH, de tétanos pour les filles, des cas d’infertilité secondaire pour
les deux sexes et de la mort pour les conséquences immédiates, d’autre part la perception
est faible pour les variables qui sont en dessous du critère d’acceptabilité c'est-à-dire de
70 %. Il s’agit des cas d’incapacités physiques pour les garçons, d’avortement spontané à
répétition et de grossesse extra utérine pour les deux sexes, de malformation congénitale
y compris la rétention ovulaire, la perforation utérine et l’infection d’endométrite pour les
filles et pour les garçons l’anémie aiguë. La perception est forte au sujet du SIDA pour
les conséquences lointaines chez les deux sexes.
Contrairement, aucune perception ne s’est manifestée d’une part chez les filles à propos
de cas d’anémie aiguë, de douleurs abdominales, de SIDA et d’autre part chez les garçons
au sujet de cas d’infection d’endométrite, de rétention ovulaire, de perforation utérine, de
fécondité réduite et de traumatisme.
En bref, les résultats se présentent de la manière suivante :
• Les jeunes finalistes de deux sexes ont une perception plus grande que ceux qui
évoluent dans les groupes des jeunes de mouvement ecclésiastique;
• En milieu ecclésiastique, les garçons ont une plus faible perception que les filles;
• Les filles finalistes ont une perception plus grande que de celle de milieu
ecclésiastique.
Notre étude s’est effectuée sur un groupe restreint des élèves finalistes des examens
d’État 2004 résidant en maquis et également auprès des jeunes de mouvement
ecclésiastique dans une paroisse.
En effet, les résultats de cette étude ne sont applicables qu’à la catégorie de la jeunesse
ayant les mêmes caractéristiques que notre population de l’étude.
Dans l’ensemble de notre étude, les jeunes filles ne sont pas au courant des conséquences
qui surviennent après l’IVG, mais les réalités de la société auxquelles elles sont
confrontées, les poussent à opter pour cette pratique dangereuse. Mais, la décision de se
8
faire avorter reflète une carence d’informations et de communication concernant le
changement de comportement et les conséquences de l’acte pouvant entraîner la stérilité,
l’infection à VIH, voire la mort.
Après l’enquête menée séparément sur un échantillon de 12 sujets par groupe répartis par
sexe, il s’avère qu’en moyenne les jeunes filles et garçons ont une faible perception des
conséquences lointaines des interruptions volontaires de la grossesse. Concernant les
conséquences immédiates des interruptions volontaires de la grossesse, les filles ont une
faible perception contrairement aux garçons.
Ainsi, nous pensons, à la suite de cette étude que d’une part les jeunes ne sont pas
accompagnés dans leur expérience de sexualité par les aînés (responsable des jeunes,
éducateurs) et que d’autre part, le milieu ecclésiastique ne semble pas se préoccuper de la
santé de la reproduction chez les jeunes.
RECOMMANDATIONS
Au regard des résultats de notre enquête, nous suggérons et recommandons ce qui suit :
•
•
•
La situation des IVG est un cas de santé publique exigeant la participation du
public (le pouvoir public, les responsables des écoles, parents, personnel soignant)
et des organisations non gouvernementales;
Préparer les jeunes a une vie sexuelle responsable (éducation à la vie), c'est
éduquer la société de demain et de sa relève;
Les éducateurs et encadreurs de jeunes ont besoin d’une formation en vue de
remplir leurs obligations.
RÉFÉRENCES
1. BAYA BANZA (2004). Avortement clandestin, Ouagadougou, in
http://fr.allafrica.com/stories/200401220619.html
2. DEROBERT L. et coll. (1989), Médecine légale, Édition Flammarion, Médecine science, Paris.
3. LIKULIA BOLONGO (1985). Droit Pénal Spécial Zaïrois, Tome II, Édition
Sainte Paul, Kinshasa.
4. MASSOSSA-TELO M. (1992). Complication des avortements clandestins,
Brazzaville, 1991-1992, in http://www.santetropicale.com/resume/54403.pdf
5. OMS (1999) Santé de la reproduction, édition OMS, Bureau régional pour
l’Afrique, Zimbabwe.
6. OMS (1997). Complications des avortements, édition OMS, Genève.
7. SRIANI BASNAYAKE (2001). Avortement, Srilanka, in
http://www.chez.com/suryakantha/societe.htm
8. Erica Royston et Sue Armstrong (1990). La prévention des décès maternels,
édition OMS, Genève
9. Nasdine (1999). Propositions pour diminuer les difficultés que rencontrent les
femmes http://www.reseauvoltaire.net/article3020.html
9