GEOGRAPHIE – DEMOGRAPHIE
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GEOGRAPHIE – DEMOGRAPHIE L’exploitation du bois énergie, une stratégie de survie à Meskine Baguirmi (sud-est de N’djamena au Tchad Médard Lieugomg, Chargé de Cours au Département de Géographie, Faculté des Arts, Lettres et Sciences Humaines, B.P. 454 Université de Ngaoundéré, République du Cameroun. E-mail : [email protected] et Idriss Abdelkérim Foudoussia Abstract Like all other sahelian countries, Chad has for several centuries been witnessing a series of aggressive phenomena due partly to population explosion and partly to natural crises and the development of poverty. In fact, the droughts of 1973 and 1984; the civil wars of 1979,1982 and 2000, the devaluation of the Franc CFA and the Structural Adjustment Programs imposed by the Bretton Woods Institutes have all exacerbated poverty in the chadian society. This condition of poverty has forced a greater part of the population to develop survival mechanisms. As a result, some Chadian have invested in the exploitation and sale of woodenergy (fire wood, charcoal, etc). This commodity is highly demanded because Chadian families’ low incomes do not enable them to satisfy their needs. They cannot buy a bottle of cooking gaz, even it has received state subvention. If this commercial activity enables some to survive, others to hoard money, it has enormous negative consequences on this fragile zone. Key-words: Wood-energy, poverty, environment, survival strategies, Chad. Introduction Le Tchad est l’un des pays africains qui a le plus souffert ces dernières décennies des crises. Les crises naturelles (sécheresses de 1973 et 1984), les crises politico-militaires des années 1979 à 1982 voire à 2000, les crises économiques des années 1990 accompagnées de la dévaluation du FCFA et du programme d’ajustement structurel, ont renforcé la misère dans la grande masse des Tchadiens. Avec plus de 60% de sa population au dessous du seuil national de pauvreté (Banque Mondiale, 2002), l’indice de développement humain du PNUD place le Tchad parmi les dix pays les plus pauvres de la planète. Face à cette situation d’extrême pauvreté, les populations ont développé des stratégies de survie où les activités informelles occupent une place de choix, tant en milieu urbain qu’en milieu rural. C’est ainsi que malgré la fragilité de leur écosystème, les populations, en croissance rapide comme dans la plupart des pays d’Afrique noire, vont s’attaquer à la couverture ligneuse dans le but de produire le bois-énergie (bois de chauffe et charbon de bois). Ce produit est demandé par les familles qui ne peuvent, à cause de leur faible revenu, s’approvisionner en gaz domestique ni accéder à l’électricité. Ce travail qui porte sur les stratégies de survie est le résultat de l’exploitation des données secondaires et primaires, accumulées d’avril à mai 2002. Il s’agit des observations (N’djamena, 4 villages de production et marchés de bois-énergie) et des entretiens avec les charbonniers et les paysans commerçants de bois-énergie. Des enquêtes ont également menées auprès de 113 sur 153 acteurs (dont 76 charbonniers, 15 paysans commerçants de bois-énergie, 8 grossistes, 6 détaillants et 9 transporteurs). La rareté des photographies aériennes, des écrits et des statistiques sur le sujet, ainsi que la réticence de certains acteurs lors de nos entrevues ne nous ont pas permis de faire une étude plus fine. Malgré ces difficultés de terrain, le traitement manuel et informatique des données collectées nous a permis de bâtir ce travail qui comporte trois parties : le bois-énergie comme une alternative de survie au sud-est de N’djamena ; la filière bois-énergie, un monopole des grossistes ; l’exploitation du bois-énergie, une activité rentable mais dommageable pour l’environnement. (Figure 1) Localisation de Meskine-Baguirmi I – Le bois-énergie, une alternative de survie au sud-est de N’djamena Le bois-énergie est nécessaire à la vie de la masse des Tchadiens : (cuisson des aliments, fabrication des boissons locales comme le bili-bili…, production des briques cuites, grillades, etc.) Malheureusement, son exploitation traditionnelle et anarchique est dommageable pour l’environnement de ce pays sahélien. N’ayant pas d’autres alternatives énergétiques du fait de la pauvreté, les populations sont contraintes de s’attaquer à cette ressource. I –1- Le Tchad un pays en proie à la pauvreté Les effets conjugués des sécheresses (1973 et 1984), des guerres civiles de 1979 à 1982 voire 2000, du Programme d‘Ajustement Structurel (PAS) de 1992 imposé par les institutions de Bretton Woods, ont aggravé la pauvreté dans la société tchadienne. Plus de 60% de la population sont en dessous du seuil national de pauvreté (Banque Mondiale, 2002). Le salaire des fonctionnaires qui oscille entre 20 000 et 700 000 FCFA (Idriss A. F., 2003) ne peut être substantiellement augmenté et l’intégration des jeunes diplômés dans le monde du travail n’est pas toujours évidente. Par conséquent, le nombre de demandeurs d’emploi (25% de la population active, Idriss A. F., 2003) ne cesse d’augmenter. A tout ceci s’ajoutent l’analphabétisme (89% de Tchadiens, BCR, 1993), la persistance du paludisme (cause du décès de 2/5 de Tchadiens, BCR, 1993) et la propagation du VIH/SIDA1. Autant de problèmes qui brisent tout espoir de vie dans ce pays classé parmi les 10 les plus pauvres de la planète (Indice de développement humain du PNUD, 2001). En d’autres termes, un Tchadien ne dépense pas plus de 0,5 $US (soit 350 FCFA) par jour2. Selon le rapport du PNUD sur le développement humain en 2001, au Tchad en 1998, 2,3% seulement du PIB sont consacrés aux dépenses de santé publique, et de 1990 à 1999, la croissance du PIB par habitant est de –0,9%. Ce pays qui sort d’une longue guerre civile est aujourd’hui en proie à une forte mortalité. En effet, de 1995 à 2000, l’espérance de vie à la naissance est de 45,2 ans, alors que le taux de mortalité infantile est de 118 pour 1000 en 1999. Et ce pays ne compte que 3 médecins pour 100 000 habitants (entre 1990 et 1999). Pour sortir de cette pauvreté, l’exploitation du bois-énergie devient une alternative pour certaines des populations du sud-est de N’djamena. I – 2– Le bois-énergie, un produit fortement sollicité Le bois-énergie est nécessaire à la vie de la masse des Tchadiens. Il est très demandé par les populations de N’djamena en forte croissance. En effet, au Tchad, la population urbaine est passée de 19 à 24% de 1980 à 2000. Pendant ce temps, la population urbaine vivant dans les grandes villes est passée de 40 à 57% (Banque Mondiale, 2002). Pour répondre à la demande 1 Au Tchad, le taux de prévalence se situe entre 5 et 10% chez les adultes (ONUSIDA, 2001), ce que confirme le News release n° 2002/018/AFR de The World Bank Group qui constate que le taux de prévalence, très faible au départ, a atteint actuellement 5% pour l’ensemble du pays et, dans certaines régions urbaines, entre 12 et 15% des habitants sont séropositifs ou atteints de SIDA. 2 Selon la Banque Mondiale, est pauvre un pays dont un habitant dépense moins de 1,6 $US (environ 1 120 FCFA) par jour. de cette population sans cesse croissante, la production du charbon de bois s’intensifie dans les villages. Selon Yonoudjim C. (1996), avec un taux d’accroissement de 6,7%/an, la demande en bois-énergie de la ville de N’djamena est estimée à 250 000 tonnes. Tableau 1 : Quantité de bois vendu sur les marchés du sud-est de N’djamena/an* Nombre de tas Nombre de sacs de m3 de bois de bois charbon Paysans commerçants 6.300 12.600 664,0 Grossistes de Meskine 1.090 2.180 114,9 Baguirmi Total 7.390 14.780 779 Source : Enquêtes de terrain, juillet 2002 - 1 tas de bois = 2 sacs de charbon de bois selon les paysans ; 1m3 = 2,3 stères de bois et 1 stère de bois = 330 kgs selon le Projet Energie Domestique (PED ) 1 sac de charbon de bois = 40 kgs selon l’Agence pour l’Energie Domestique et l’Environnement (AEDE ). Tableau 2 : Production totale du charbon de bois par village Production Nombre de Nombre Sacs de Villages charbonniers charbon de bois Amsabarna 18 2.945 Awingassar 5 850 Patchara Guimézé 31 1.716 Patchara Boulama 22 2.365 Total 76 7.876 % rapport production totale des villages 37,39 10,79 21,79 30,03 100 Source : Enquêtes de terrain, juillet 2002 Les 76 charbonniers produisent 7.876 sacs, soit 315.040 kg de charbon de bois en 2002. La localité de Meskine Baguirmi vend en moyenne 1.791,1 stères, soit 591 063 kg de bois par an. La grande partie du bois (85%) est vendue à N’djamena contre seulement 15% au marché de Meskine Baguirmi. La quantité de charbon de bois produite par la région de Meskine Baguirmi et qui est vendue sur place ou à N’djamena est très importante. Le marché formel de bois-énergie de Djongotoli (14 villages et 295 charbonniers environ) n’a la capacité de produire que 23.254 sacs de charbon annuellement et cette capacité n’est jamais atteinte. Si la quantité de charbon produite à Meskine Baguirmi est importante, elle est insignifiante par rapport à la consommation de la ville de N’djamena. Une enquête menée par la Direction des Forêts, citée par Ndjafa Ouaga (2001) montre qu’au bout de 8 jours, 8.005 sacs de charbon entrent dans la ville de N’djamena. Et selon cet auteur, cette enquête n’aurait montré qu’une infime partie des ressources ligneuses qui entrent à N’djamena. Il l’estime à 365.500 sacs par an. I – 2 – Le bois-énergie, une production artisanale Le bois-énergie provient des arbres abattus pour des raisons de culture ou spécialement pour la commercialisation. Le bois de chauffe est découpé, et attaché en fagots ou regroupé en tas appelés rameaux. Les bûcherons et les agriculteurs les vendent aux grossistes du marché de Meskine-Baguirmi ou aux commerçants des villages. Ces derniers les revendent aux grossistes de N’djamena. La production du charbon de bois est financée par les grossistes de Meskine-Baguirmi ou de N’djamena. Il est obtenu après carbonisation du bois. Cette carbonisation consiste à brûler le bois jusqu’à sa décomposition partielle. Après la coupe, le bois frais est découpé en petits morceaux de 30 à 50 cm de long et laissé au séchage avant la construction du four (ou meule). Le charbonnier monte le four en déposant en cercle les morceaux de bois. Après ce travail, il obtient une tour avec une base assez large comportant une ouverture d’allumage et un sommet effilé. Ce tas de bois est soigneusement recouvert de terre argileuse ou argilo-limoneuse pour contenir la flamme et la fumée. Après ce travail préliminaire, le charbonnier met le feu au four et bouche en même temps l’ouverture d’allumage. Le four est détruit après carbonisation du bois. Le charbon obtenu est conditionné dans des sacs. Un grand four peut fournir en moyenne 100 sacs de charbon pesant entre 35 et 40 kilogrammes1. La masse spécifique du charbon de bois obtenu peut varier entre 0,2 et 0,6t/m3. Cette masse est fortement liée à celle du bois dont le charbon est issu. C’est ainsi que certaines essences sont plus sollicitées que d’autres. Selon Ducène H. (2002), les bois lourds comme Telierytrophleum guineense, donnent un charbon difficile à allumer et à combustion lente. Tandis que les bois moyens comme Casia simra ou Teck-tectona grandis donnent un charbon facile à allumer et à combustion rapide. Les bois très légers comme le N’Taba-cola cordifolia ou le Ceiba pentadra (fromager) donnent un charbon léger et friable. Ces essences ne sont pas souvent carbonisées. Toutefois, leur utilisation ou mélange avec les bois lourds (jusqu’au quart du total) donne un charbon ménager idéal et permet de tirer profit de toutes les essences forestières. I – 3- La production du charbon de bois, une affaire des hommes La maîtrise des techniques de carbonisation et les difficultés de production sont telles que ce travail est surtout une affaire des hommes. Sur 76 charbonniers enquêtés, nous avons dénombré 48 hommes (63% du total). La majorité des acteurs sont d’ethnies sara et hadjarai. Ils viennent respectivement du sud et de l’est, régions où la technique de carbonisation est généralisée. Les autochtones (massa mouloui) ne l’ont appris que récemment auprès des allogènes. C’est pourquoi ils en sont peu représentés. Contrairement aux autres villages, à Awingassar, aucune femme n’est encore impliquée dans cette activité. Elles s’intéressent davantage à l’agriculture et n’interviennent dans la carbonisation que pour assister leurs maris. Elles sont également absentes dans le commerce du bois. La production des charbonniers varie en fonction de leur âge et de leur sexe. Les personnes âgées et les femmes ont une faible production. La majorité des charbonniers dont la production dépasse 30 sacs de 40 kg chacun par four sont des adultes (plus de 25 ans). Les femmes produisent rarement 10 à 15 sacs par four. Chaque charbonnier produit en moyenne trois fours de charbon de bois par an. La rentabilité de cette activité est évidente mais profite-t-elle aux acteurs ? 1 De l’abattage des arbres à la démolition du four (obtention du charbon de bois), il faut en moyenne 45 jours II- Le bois-énergie, une filière contrôlée par les grossistes La filière bois-énergie comprend de l’amont à l’aval les producteurs de bois, les charbonniers, les grossistes, les transporteurs et les détaillants. Les grossistes interviennent entre les charbonniers et les détaillants. Ils détiennent le monopole d’achat et de vente du charbon de bois. Dans les villages ils financent sa production. Ils interviennent aussi dans le bois de chauffe dont ils n’ont commencé la vente qu’en 2001. Par conséquent, ils ne contrôlent pas sa distribution. Ils se regroupent en grossistes de Meskine Baguirmi et grossistes de N’djamena. A Meskine Baguirmi, ils sont au nombre de 5, tous des baguirmiens. Au sud de N’djamena, ils sont environ 8 et en majorité des anciens transporteurs de bois-énergie. Ils financent la production et paient les charbonniers à un prix qui peut varier de 750 FCFA/sac en saison sèche à 1000 FCFA/sac en saison des pluies. Après destruction du four, le grossiste paie la différence entre la somme d’argent versée à l’avance et le prix du nombre de sacs de charbon produit. Dans le cas où le nombre de sacs de charbon produit est inférieur à l’avance versée, le charbonnier est redevable vis-à-vis du grossiste et devra lui livrer le nombre de sacs restants à la prochaine démolition du four. Il arrive que certains charbonniers restent redevables toute l’année. A N’djamena comme dans la plupart des villes du Tchad, la filière bois-énergie est bien organisée. Les grossistes ont créé des grands dépôts à travers la ville. Chagoua est le plus grand marché que la plupart des villages ravitaillent. Les détaillants n’ont pas de relation avec les charbonniers. Ils traitent plus avec les grossistes et les consommateurs. Soit ils se ravitaillent auprès des grossistes de N’djamena, soit ils vont le faire auprès de ceux de Meskine Baguirmi. Ce commerce de détail est animé à N’djamena par les commerçants et les salariés. Parmi ces derniers, il y a des fonctionnaires. Ceux-ci créent de grands dépôts de bois-énergie et confient la gestion à des proches parents (Ndjafa Ouaga, 2001). A partir des grossistes s’est développé un réseau de commercialisation de boisénergie en détail. Des vendeurs sillonnent la ville avec les charrettes ou des portes-tout, chargés chacun de 5 à 6 sacs de charbon ou de fagots de bois. Les grossistes contrôlent tout le réseau de vendeurs ambulants. Avec le développement de la pauvreté, sont apparus des microdétaillants de charbon de bois qui s’installent partout dans les quartiers d’habitation. Composés en majorité de femmes, ils achètent un ou deux sacs de charbon de bois qu’ils revendent dans de petits sachets de 500 grammes entre 50 et 100 FCFA. Produit très distribué entre les villages de production et les villes, le bois-énergie a besoin de transporteurs à tous les niveaux. Deux types de transporteurs assurent cette distribution : ceux qui utilisent la charrette ou la pirogue, et ceux qui utilisent les véhicules (pick-up). Les charrettes transportent les sacs de charbon ou les fagots de bois des villages de production au bord du fleuve Chari. De là, les produits sont transportés par pirogue jusqu’au marché de N’djamena sur l’autre rive. Les transporteurs par car (pick-up) assurent le transport par route jusqu’à N’djamena. Ils traitent plus avec les grossistes. Beaucoup d’entre eux ne sont pas propriétaires des véhicules qu’ils conduisent. Ils sont employés et font en moyenne 3 voyages par semaine entre la ville et les villages. A N’djamena, les transporteurs par charrette ou porte-tout sont en même temps des revendeurs. III – Une activité rentable mais dommageable pour l’environnement La production et la commercialisation du bois-énergie permettent aux populations de cette région de survivre. Malheureusement, cette activité a des effets négatifs sur l’environnement. III – 1 – La filière bois-énergie, une activité rentable à plusieurs niveaux Le prix du bois-énergie varie en fonction des lieux et des saisons. Si dans les villages de production il coûte moins cher, à N’djamena, le prix devient plus élevé. En saison sèche le prix du tas de bois est 9 fois plus élevé en ville que dans les villages de production. En saison des pluies, cet écart passe de 9 à 4 seulement. Le prix du bois transporté par voie fluviale est 6 fois plus élevé en ville en saison sèche, et 3 fois en saison des pluies. On doit cependant noter que le bénéfice des détaillants par sac de charbon est de 400 FCFA en saison sèche, et de 550 FCFA en saison des pluies. Les micro-détaillants font un bénéfice de 605 FCFA par sac en saison sèche et 950 FCFA en saison des pluies. Les grossistes quant à eux ont un bénéfice de 250 FCFA par sac de charbon de bois en saison sèche et, en saison des pluies, ce montant passe à 400 FCFA. Le charbonnier vend le sac de charbon de bois à 750 et 1000 FCFA en saison sèche et en saison des pluies respectivement. En l’absence des dépenses de production faites par le charbonnier, on peut à partir du tableau 3 ci-dessous connaître leurs rentrées d’argent. Tableau 3 : Production et vente de charbon de bois par village Production/an Prix moyen du Montant vente totale Montant vente (sac) sac (FCFA)° (FCFA) totale annuelle S. sèche S. S. S. S. sèche S. pluies pluies sèche pluies Amsabarn 2.209 736 750 1000 1 656 750 736 000 2 392 750 a Awingass 637 213 750 1000 477 450 213 000 690 750 ar Patchara 1.287 429 750 1000 965 250 429 000 1 457 250 Guimézé Patchara 1.774 591 750 1000 1 330 500 591 000 1 921 500 Boulama Total 5.907 1.969 4 434 250 1 969 6 399 500 000 Source : enquêtes de terrain, juillet 2002 D’après ce tableau, les charbonniers enquêtés totalisent, selon les villages, les montant cidessous : Villages Recette total vente Nombre de charbonniers Revenus moyen d’un charbonnier par village Amsabarna 2 392 750 FCFA 18 132 930 FCFA Awingassar 690 750 FCFA 5 138 150 FCFA Patchara Guimézé 1 457 250 FCFA 31 47 000 FCFA Patchara Boulama 1 921 500 FCFA 22 87 340 FCFA Total 6 462 250 FCFA 76 85 030 FCFA La recette totale en 2002 est de 6 399 500 FCFA, à répartir entre les 76 charbonniers. Ce qui fait une moyenne de 85 000 FCFA par charbonnier et par an. Si un charbonnier vend en moyenne 700 sacs de charbon de bois par an, comme celui de Patchara Boulama qui déclare produire 525 et 175 sacs en moyenne en saison sèche et en saison des pluies respectivement (vendu au prix de 750 et 1000 FCFA le sac), il gagnerait en moyenne 500 000 FCFA. Pour le bois de chauffe, les prix varient également selon les saisons, tout comme les bénéfices qui varient d’un type d’acteur à l’autre. Les commerçants qui stockent le bois pour le revendre en saison des pluies, gagnent 41 000 FCFA par rameau (tas de bois ligotés). Sa vente aux grossistes dans les villages ne rapporte que 29 000 FCFA en saison des pluies et 20 000 FCFA en saison sèche. Les grossistes gagnent 21 000 FCFA par rameau de bois acheté en saison sèche dans les villages. Si cette activité est rentable et permet à la grande majorité de survivre et à un petit nombre d’accumuler, elle n’est pas sans conséquence sur l’environnement. III – 2 – L’exploitation du bois-énergie, une activité destructrice de l’environnement Le milieu sahélien en général et le milieu tchadien en particulier est très fragile. La production spontanée en ressources ligneuses renouvelables y est à la fois faible et lente. Selon la Banque Mondiale (2002) en 2000, l’espace boisé ne couvrait que 10,1% de la superficie totale du pays et le taux moyen de déforestation était de 0,6% de 1990 à 2000. Pour Courel M. F. et Chamard P. C. (1998), la déforestation générale de la forêt sahélienne est due au fait que la productivité est de l’ordre de 0,3 à 1,3 stères/ha/an alors que la consommation individuelle de bois est, selon qu’on est en milieu urbain ou rural respectivement de 1,5 et 0,6 stères/an. Avec l’accroissement démographique et le développement des villes, cette consommation est en augmentation. A moyen terme, les espaces dégradés seront soumis à toutes sortes d’érosion (hydrique et éolienne) et, à une forte action anthropique (surpâturage et intense activité agricole). A long terme, on court inexorablement vers la désertification. L’effet conjugué de l’accroissement démographique et de la pauvreté est tel que la zone de ravitaillement en bois se situe dans un rayon d’au moins 100 km autour de N’djamena. Or l’exploitation du boisénergie dans la région de Meskine Baguirmi se fait d’une façon anarchique et la production du charbon de bois est une activité très polluante. En effet, cette activité produit non seulement des fines particules, mais aussi elle émet du gaz de combustion qui peut être toxique. Selon Baba El H. M. (1997), la combustion du bois dégage approximativement 4% de dioxyde de carbone. Et au cours de sa combustion, le charbon de bois dégage le monoxyde de carbone qui est un gaz toxique. Cette destruction du couvert ligneux et la pollution peuvent avoir des conséquences néfastes pour l’homme et son environnement. En effet, la destruction du couvert ligneux peut provoquer la disparition de certaines espèces végétales et animales. Le simple fait de ramasser le bois mort peut faire disparaître les oiseaux comme le hiboux et les piverts qui nichent dans les fentes des bois morts (Baba El H. M., 1997). Durant les entretiens sur le terrain, certains paysans ont affirmé que progressivement, ils notent la disparition des singes et autres petits animaux à cause de l’abattage des arbres qui leur servaient jadis de cachette. Les espèces les plus recherchées sont : Teli-erytrophleum guineense, Casia simra ou Tecktectona. Par contre les bois légers comme N’Taba-cola cordifolia ou Ceiba pentadra sont moins sollicités. Mais parce qu’ils permettent le mélange avec d’autres bois, ils sont également coupés. Les techniques de carbonisation sont rudimentaires. Leurs méfaits ont été démontrés par Courel F. M. et Chamard P. C. (1998), corroborés par Ducène H. (2002) et les paysans. Si les charbonniers n’améliorent pas leurs méthodes et se soumettent à la réglementation forestière en vigueur au Tchad, le marché de Meskine Baguirmi contribuera à la dégradation des essences ligneuses et partant de tout l’environnement. Mais avant d’en arriver au respect de la réglementation forestière, il faut sinon éliminer, du moins réduire la pauvreté. Une note d’espoir cependant. En entrant dans « le cercle très restreint des pays producteurs de pétrole » depuis le 10 octobre 2003, le Tchad peut envisager cet avenir en rose. Surtout que dans la répartition des ressources directes de l’exploitation pétrolière, le pays entend réserver une part importante (80% des 90% de ces ressources dans des comptes spéciaux) aux secteurs prioritaires que sont l’éducation, la santé, les infrastructures, le développement rural, l’environnement et les ressources en eau. Conclusion Les stratégies de survie développées par les populations de la région du sud-est de N’djamena comportent entre autres l’exploitation du bois-énergie pour ravitailler les ménages de la capitale. Ce produit, fortement demandé, a mobilisé un certain nombre d’acteurs. Cette activité n’est plus tournée exclusivement vers la survie. Elle permet à certains, surtout les grossistes, d’accumuler. Malheureusement, cette activité cause des dommages à un environnement très fragile. Elle nécessite non seulement un suivi de la réglementation en vigueur en matière d’exploitation des ligneux, mais aussi un programme efficace de lutte contre la pauvreté. Ceci est possible grâce à l’exploitation des ressources pétrolières dont dispose le Tchad. Et cette exploitation du pétrole pourra également permettre la création d’emplois1(4) et réduire la pauvreté dans ce pays meurtri par l’instabilité politico-militaire. Liste des références bibliographiques - Baba E. H. M. (1997), Déclaration au séminaire sur le fonds pour l’environnement mondial et la lutte contre la désertification, Ouagadougou. - Banque Mondiale (2002), Rapport sur le développement dans le monde : Le développement et l’environnement, Washington. - Courel M. F. et Chamard P. C. (1998), La forêt sahélienne menacée, PUF, Paris. - Ducène H. (2002), Cycle de formation en technique de carbonisation, AEDE, N’Djamena. - Ndjafa Ouaga H. (2001), Crises, mutations des espaces ruraux et stratégies paysannes d’adaptation : cas de la sous préfecture de Mandelia au Tchad, thèse de Doctorat en Géographie de l’Université de Paris I-Panthéon-Sorbonne. - PNUD (2001), Rapport mondial sur le développement humain, New York. - République du Tchad (1993), Bureau Central du Recensement (BCR), - Yonoudjim C. (1996), Besoins en énergie domestique et dégradation de l’environnement au Tchad : analyse du Programme National de Promotion de l’utilisation de Gaz butane, Institut Universitaire d’Etudes du Développement, Genève. 1 Selon les études d’impact sur l’environnement (Ellen P. B., 1997, Koulro-Bézo B., 2001, Madjidoto R., 1999) et Moutedé-Madji V. (2002), le projet pétrolier tchadien est susceptible de causer une immigration allant de 5 000 à 16 000 personnes. En 2002, on dénombre 3000 immigrants dans la région pétrolière, en plus des personnes employées par le projet.