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Vendredi 17 juin 2016 // No 282 // 7e année
INTERNET
Les ravis
de la crèche P. 6
CHF 3.50 // Abonnement annuel CHF 140.– // www.vigousse.ch
HUMOUR
Pourquoi
c’est drôle P. 7
PDC
Pfister et boule
de gomme P. 16
MÉTÉO
L’hiver indien
P. 17
JAA – 1300 Eclépens PP/Journal – Poste CH SA
2
C ’ E S T P A S P O U R D I R E !
Bordel de dieux
Sebastian Dieguez
D
Schmidt & Müller,
c’est pas très clair
FAUSSE PUB Notre action de la semaine passée pour dénoncer
les publireportages a été interprétée par certains lecteurs comme
un véritable publireportage.
Vrai logo
Vendredi 10 juin 2016
// No 281 // 7e année
// CHF
Abonnement annuel
CHF 140.– // www.vigousse. 3.50
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Faux monsieur
Schmidt
CH SA
Fausse
annonce
PP/Journal – Poste
Vigousse vendredi 17 juin 2016
3
EXPLICATION DE TEXTE
JAA – 1300 Eclépens
ans un chef-d’œuvre de contorsion verbale,
le Tribunal fédéral a émis l’avis suivant (arrêt
6B.361/2010, 1.11.2010) : « L’attaque dirigée
contre une vaste collectivité de personnes prises
dans son ensemble ou son universalité n’est pas
propre à porter atteinte à l’honneur de chacun des individus
qui lui appartiennent. » C’est tordu, mais en gros ça veut
dire qu’il est parfaitement autorisé en Suisse de diffuser
le message que l’homosexualité est un « comportement
déviant », une menace contre « l’équilibre psychique et
moral de la jeunesse » ou un encouragement à l’avènement
d’une « société hétérophobe ». A condition, bien sûr, que
personne ne soit visé directement, comme c’est le cas
dans ces exemples empruntés à des élus valaisans, tous
bons chrétiens.
A ce compte, si le massacre d’Orlando s’était produit en
Suisse, il n’aurait légalement aucun caractère homophobe.
Après tout, le tueur a clairement tiré dans le tas, sans viser
personne en particulier (lui non plus). Bon d’accord, ces
tarés d’islamistes n’aiment personne. Mais visiblement,
ils ne manquent pas d’alliés sur le front de l’homophobie,
et beaucoup de ceux-ci ont du pouvoir et une voix qui
porte. Une voix qui tue, ici et ailleurs. Inutile d’ouvrir
une longue enquête : la voilà, la « revendication », les voilà,
les « commanditaires ».
Non, l’homophobie n’est pas une opinion. C’est le vestige
d’un système moral hérité de l’âge du bronze, un virus
quasiment impossible à attraper sans l’aide de la religion.
C’est d’ailleurs facile à comprendre : contrairement à Dieu,
il n’y a aucun doute que l’homosexualité existe. Ça doit
rendre un peu fébrile : le fondamentaliste, a fortiori s’il
est lui-même gay, doit maintenir que l’homosexualité
est anormale, tout en se convainquant que sa croyance
au surnaturel est parfaitement respectable.
Là se situe la véritable inversion.
QUELLE SEMAINE!
er,
Schmidt & Müll
c’est clair !
Faux slogan
SCHMIDT & MÜLLER
QUINCAILL
A Moudon, Lausanne
ERIE
et Vevey depuis
1955
Nous étions convaincus d’avoir réalisé un grand coup la semaine dernière,
avec le 281e numéro de Vigousse. La
fausse pub pour la quincaillerie fictive
Schmidt & Müller occupant toute la
première page, à l’instar de ce que font
certains journaux (notamment gratuits, mais ce ne sont pas les seuls),
nous semblait un moyen adéquat de
dénoncer la nouvelle plaie du journalisme : les liens troubles entre publicité
et contenu rédactionnel.
Hélas, notre démarche n’a pas été com-
prise par tous les lecteurs. Certains ont
pris la fausse pub pour argent comptant. Nous avons donc reçu des lettres
incendiaires nous traitant de vendus
au grand capital, mais aussi des téléphones de gens surpris de ne pas trouver trace de la fameuse quincaillerie à
Moudon et qui se sont sentis trompés
lorsqu’ils ont appris que l’entreprise
n’existait pas.
Il est vrai que nous n’avons pas lésiné
sur l’imitation parodique. Outre la
réclame de une, le journal contenait
un publireportage de deux pages
plus vrai que nature et des allusions
incongrues à Schmidt & Müller dans
de nombreux textes, sans oublier une
fausse publicité pour des meuleuses
à disque sur le site web de Vigousse.
Ce matraquage avait de quoi en désorienter plus d’un, malgré un édito fustigeant les publireportages, un grand
dessin satirique de Sjöstedt sur le sujet
en page 3 et un rappel de la récente
prise de position du Conseil suisse de
la presse contre un mélange des genres
toujours plus présent dans les médias.
Notre but n’était en aucun cas de
nous moquer de nos lecteurs en les
soumettant à un canular. Nous voulions par cette action spéciale souligner les dérives toujours plus fréquentes observées dans les journaux.
Voyages payés par des marques en
échange d’articles complaisants, citations régulières de sponsors dans
des papiers sans rapport avec eux,
publireportages présentés comme du
contenu journalistique, vente d’espace
aux annonceurs en échange d’articles
sur leur domaine d’activité : presse et
entreprises redoublent d’inventivité
pour repousser les limites de ce qui
est possible en matière de partenariat,
au détriment de l’indépendance des
journaux et au grand dam des lecteurs
en quête d’informations fiables.
Ce qu’indique peut-être la confusion
engendrée par notre opération, c’est
que les publireportages sont déjà si fréquents que les lecteurs y sont désormais insensibilisés. La frontière entre
publicité et information est devenue
tellement floue que même des lecteurs avisés comme ceux de Vigousse
peuvent se sentir déboussolés lorsque
la satire s’en mêle. A moins que ce
besoin impérieux de croire à la véracité de la publicité soit sans rapport
avec tout cela, et qu’il signale plutôt un manque cruel de quincailleries sérieuses, auquel cas l’équipe de
Vigousse aurait tout intérêt à créer réellement la maison Schmidt & Müller
et à faire fortune dans les clous plutôt
qu’à vivoter dans la presse satirique…
Stéphane Babey
Vigousse vendredi 17 juin 2016
4
FAITS DIVERS ET VARIÉS
FAITS DIVERS ET VARIÉS
Copains d’école
Amnésie
extrême
COUVRE-CHEF Quand Oskar Freysinger recherche une responsable de l’enseignement spécialisé en Valais, il crée un profil de poste adapté
à un proche.
En Valais, le poste de chef de l’Office
de l’enseignement spécialisé (OES)
est mis au concours. L’annonce a
paru au Bulletin officiel le 10 juin
et le délai de postulation court
jusqu’au 24 juin. Le profil recherché a fait bondir les professionnels :
« Il est étonnant que l’on ne mette pas
en avant les connaissances du terrain
ou l’expérience dans l’enseignement
spécialisé ! » s’insurge un prof. Ainsi,
un comptable pourrait postuler, cela
dit avec tout le respect que mérite un
comptable.
Dans le milieu, on constate avec
regret que la définition du poste
correspond à la carrière de Bruno
Perroud, un proche de Freysinger :
un gestionnaire, un administrateur. Le député UDC Perroud est
également directeur de l’association Cerebral Valais. Ses enfants fréquentent une école privée, ironise le
site www.1dex.ch.
Michel Délitroz, responsable actuel
de l’OES, dont le travail a été largement salué, s’en ira en août. Selon
certains observateurs, il devait être
fatigué de faire tampon entre les gesticulations de Jean-Marie Cleusix, le
chef de l’Enseignement, et le terrain.
Car il avait le souci des élèves et se
devait dans le même temps d’être
loyal envers son chef.
C’est que sous le conseiller d’Etat
Freysinger, le Service de l’enseignement navigue à vue : « On sent que
tout est fragile. La parole n’a plus de
valeur. Les décisions sont prises sur le
COLLUSIONS
EN CHAÎNE
coin d’une table et on se vante de brasser de l’air… Sur le terrain, impossible de garder la confiance en la hiérarchie », soupire une enseignante.
Michel Délitroz anticipe peut-être
la diminution des moyens imposée par Freysinger dans son plan
d’économies. Car c’est bien le nouveau chef qui devra appliquer ces
mesures dès 2017, alors autant qu’il
ne soit pas récalcitrant puisque l’on
parle d’une réduction d’un tiers
du nombre de conseillers pédagogiques. Et si cela se réalise, « on va
couler », note un professionnel. Le
chef de l’OES devrait théoriquement
occuper 80 % de son temps avec les
conseillers pédagogiques, il devrait
donc avoir un solide ancrage dans le
terrain. Le candidat pressenti donne,
lui, plutôt l’impression d’un personnage hors sol.
En 2014 déjà, une collaboratrice
scientifique, Ariane Doyen, proche
d’Ecône, avait été nommée par
Freysinger. Elle était vice-présidente de l’UDC du Valais romand
quand Oskar en était le président.
Elle aussi juge l’école privée favorable pour ses enfants, ce qui a fait
grincer les dents des enseignants.
Certains intervenants voient même
l’école confiée aux intégristes. Ils
exagèrent sans doute.
Le ministre a bientôt placé toute
sa garde rapprochée. « On travaille
avec nos portables personnels. Chez
moi, chez Jean-Luc Addor, chez Bruno
Perroud, Jérôme Desmeules ou Ariane
Doyen », disait Oskar Freysinger dans
un aimable portrait du Nouvelliste
(18.3.13). Une belle équipe de
campagne pour sa candidature au
Dans le SonntagsBlick,
Christoph Blocher
s’inquiète de la montée de
l’extrême droite en Europe.
Pourquoi pas. Avec l’âge,
on commence à se poser
des vraies questions. On
raconte que, vers la fin de
sa vie, Staline s’inquiétait de
la montée du communisme
dans le monde, ou que
Vlad l’Empaleur se sentait
concerné par la nombre
incroyable de personnes qui
mouraient avec un pieu en
bois dans le fondement.
Conseil d’Etat, récompensée par des
postes dans l’administration.
Freysinger prône l’appris par cœur.
« Mais on le faisait avant Oskar et on
le fera après lui, à dosage intelligent.
Le par cœur a une valeur pédagogique certaine mais pas tout le temps
et pour tout. La différence est qu’il en
fait un thème de propagande », relève
un autre prof.
A notre longue liste de questions,
Freysinger nous a fait répondre,
via le chef de l’information André
Mudry, que « le Département de la
formation et de la sécurité ne fait pas
de commentaires durant une procédure en cours ». N’empêche qu’alertés par les gazouillis des réseaux
sociaux, des députés ont déposé un
postulat urgent au Grand Conseil
pour réclamer un profil conforme
pour le nouveau chef.
On ne saura donc pas aujourd’hui si
les candidats qui seraient qualifiés
mais ni Saviésans ni UDC ont une
chance. Jean-Luc Wenger
Evasion provisoire
FENÊTRE SUR MUR Faute de place, les détenus souffrant de
maladie psychiatrique se retrouvent dans des prisons normales.
Récit d’une petite exception heureuse.
Cette semaine, Dan pourra s’évader,
un peu, de la prison de Bellevue à
Gorgier (NE). Il passera quelques
jours à Curabilis, à Genève, un
établissement certainement plus
adapté à son profil de cas psy
(Vigousse, 24.3).
Fin mai, Dan ne se sentait pas bien,
on l’envoie alors pour quatre jours au
centre de psychiatrie de Préfargier.
Selon son récit au téléphone, quatre
gendarmes armés de boucliers
auraient été mobilisés pour l’y amener menotté. « Là, le psy a refusé de
me voir parce que je l’aurais menacé de
mort il y a dix ans. N’importe quoi ! »
se fâche Dan.
Il finit en cellule de décompensation,
dans 10 m2. « Ils voulaient me légumiser. Ils me disaient : si vous ne prenez
pas ces cachets, vous aurez droit à la
Vigousse vendredi 17 juin 2016
piqûre. » A Bellevue, depuis quelque
temps, il avait été privé de promenade matinale. « Or c’est ma bulle
d’air, sans ça, je ne suis plus rien, ça
stabilise mon humeur. »
A son retour à Gorgier, il reçoit enfin
une bonne nouvelle. Il pourra passer quelques jours à Curabilis. Pour
rappel, Dan croupit en prison depuis
plus de 11 ans, alors qu’il avait été
condamné à 16 mois pour un acte
commis en 2004. Il est sous le coup
de l’article 64, soit les mesures pour
les criminels dangereux ou incurables, une forme d’internement à
vie. A 44 ans, Dan trouvera peut-être
sa place à Curabilis et pourra espérer
ne pas terminer ses jours en taule,
encore plus cabossé qu’aujourd’hui.
J.-L. W.
5
AFFAIRES EN COURT
Manne
du ciel
Lundi 13 juin, le Palais des
Nations inaugurait la Salle
des Emirats. Au siège
européen des Nations
unies, à Genève, la salle
de conférences aura coûté
22 millions de dollars.
Le plafond pèse 20 tonnes
et change de couleurs en
fonction de la météo. Sous
le ciel offert par les Emirats
arabes unis, la lumière
ne pourra que régner.
N’est-ce pas ?
Vinaigre d’avocats
L’Ordre des avocats neuchâtelois
ne veut pas d’un hôtel
judiciaire unique à La Chauxde-Fonds, comme le défend
le gouvernement. C’est que
deux tiers de ses représentants
gagnent leur croûte dans le Bas
du canton, alors pas question
pour eux de se poser 30 minutes
dans un train. Pourvu que le
Grand Conseil n’écoute pas les
plaidoiries de ces hommes (et
femmes) de robe et maintienne
son investissement de
51 millions de francs. Aller au
tribunal en robe de chambre
et en pantoufles, ce sera
alors terminé.
LE CHIFFRE
26,2
En milliards de dollars, c’est la
somme consentie par Microsoft pour
acheter LinkedIn. Le réseau social
professionnel étant essentiellement
connu pour ne servir à rien, sinon
à persécuter ceux qui n’y sont pas
inscrits avec d’incessantes invitations
et à garder captifs ceux qui ont le
malheur de vouloir s’en libérer, on
peut espérer que Microsoft a mis le
paquet simplement pour libérer le
web de cette engeance. Après tout,
son fondateur Bill Gates est connu
pour sa philanthropie…
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Centre éléctroménager
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Tél. 021 613 10 50
Vigousse vendredi 17 juin 2016
6
FAITS DIVERS ET VARIÉS
Bébés éprouvés
C’EST LE POUPON ! Sur Instagram,
des mères exhibitionnistes et des
jeunes filles impudiques se livrent
en direct un combat sans merci. Rien
de sulfureux, cependant : il s’agit
pour les premières d’empêcher les
secondes de kidnapper virtuellement
leurs enfants.
On le savait pertinemment, les
savants l’avaient prédit, différents
offices fédéraux avaient sonné la
tirette d’alarme : en ne proposant
aucun encadrement psychique à la
disparition des tamagotchis, c’est
tout un pan de la jeunesse (surtout
des filles, il faut bien le dire) qu’on
laissait sur le bas-côté, et dont on
hypothéquait l’avenir à long terme.
Cette disparition survenue à la fin
des années 90 ouvrait dans nos
sociétés post-industrielles un trou
béant, trou duquel allait forcément
sortir, sous sa forme la plus brute,
tout le mal-être et toute la misère
intellectuelle que dissimulent pour
un instant les artefacts techniques
les plus abscons. Que restait-il à
ces filles, trop jeunes pour se faire
engrosser par leur beau-père, mais
trop vieilles déjà pour coiffer lascivement la longue queue bigarrée de
leur Petit Poney ?
Il aura fallu pas moins de 15 ans à
la jeunesse pour panser cette plaie
et trouver une alternative à peu près
satisfaisante au petit animal électronique de la marque Bandai. L’enjeu ?
Jouer à la maman, les nuits blanches
et le vomi en moins. Et c’est évidemment sur internet que la solution
se cachait (au milieu de toutes les
autres). Depuis quelques mois, des
adolescentes (états-uniennes, principalement) s’adonnent donc à une
activité dont personne, à part elles
(et encore), ne saisit bien la finalité :
il s’agit de récupérer sur Instagram
des photos de bébés postées par
des parents et de les détourner en
inventant à ces rejetons une nouvelle identité. Il existe même une
fausse agence d’adoption en ligne,
avec nombre de portraits de poupons
légendés de manière fantaisiste, poupons que ces ados peuvent adopter
pour de faux.
De la petite Ally par exemple, on
apprend qu’elle « aime le lait de
maman et les habits chauds, souhaite
une peluche rose et cherche une gentille famille ». Le fonctionnement
est simple, pour ne pas dire complètement creux : une ado poste les
photos, et une autre ado fait part de
son souhait d’adopter. La première
joue alors le rôle du tout-petit,
exprimant des requêtes en langage
bébé : « Zé faim, ze veux faire un
gros dodo », etc. A quoi la seconde
répond « Oui, je te donne à manger, je
te mets en pyjama », et ainsi de suite.
Consternant.
Le phénomène, appelé baby role
play, a pris une telle ampleur que les
mères biologiques des enfants ont
déclaré une véritable guérilla à leurs
cadettes décérébrées. Ainsi peut-on
lire, en dessous des commentaires
des ados, les injures des mamans à
base de « I don’t give a damn what the
news says, this is a crime and I want
all you sick bastards to pay. » On peut
comprendre la réaction de ces mères,
qui protègent bec et ongles l’intégrité
et l’image de leur précieuse progéniture… qu’elles passent leur temps à
exhiber à poil sur internet.
S’il serait injuste de dire que ces
mères ont exactement ce qu’elles
méritent, on pourrait se risquer à
avancer que ces mères ont exactement ce qu’elles méritent. Et
si, comme le disait le philosophe
Ernest Renan, « chaque génération
doit à la suivante ce qu’elle a reçu de
ses devancières », on n’est pas sorti de
l’auberge… Séverine André
Conso & consorts
Habits de confiance
En 2014, le « normcore » avait fait
son apparition sur la scène de la
mode : dans la quête effrénée d’une
coolitude toujours plus tapageuse,
les hipsters s’étaient pris à leur
propre piège en se retrouvant, à
l’insu de leur plein gré, habillés normalement. Au point que la journaliste états-unienne Fiona Duncan
s’était avouée incapable de « distinguer les jeunes branchés des touristes
de la classe moyenne ». On mesure
l’étendue du désarroi.
Dans la continuité de cette tendance d’une profondeur insondable, la marque française de vêtements Vetements a lancé cette saison
un T-shirt que les fashion victimes
s’arrachent : le T-shirt DHL. Oui oui,
Vigousse vendredi 17 juin 2016
l’affreux T-shirt jaune au logo rouge
de la marque de livraison express.
Seule différence, la taille du logo…
et le prix.
Si le T-shirt originel est disponible
sur le site du transporteur pour
6,5 dollars, c’est à 245 euros que les
gens cool l’achètent auprès de la boutique française. Et si par malheur le
jaune n’est pas leur couleur de prédilection, ils peuvent se rabattre sur
d’autres habits professionnels recyclés en fringues hyper tendance :
Vetements propose ainsi une réinterprétation des pulls en laine qui
gratte portés par les sapeurs-pompiers ou les policiers municipaux
(prix sur demande).
7
FAITS DIVERS ET VARIÉS
Vaud vaches
moutons
Questions d’humour
Le 16 décembre 2015, le Département
de la formation, de la jeunesse et de
la culture du canton de Vaud avait
lancé l’alerte : à tous les directeurs
d’établissement scolaire et aux enseignants, il avait adressé une liste des
animaux autorisés ou prohibés dans
les classes. Ainsi cette directive bannissait-elle, entre autres espèces indésirables, la chauve-souris, la mygale
ou encore le cheval. Les parents qui
espéraient que leur progéniture soit
initiée à l’équitation dans les couloirs
de l’école ont dû déchanter. Dès lors,
il ne leur reste plus qu’à inscrire leurs
bambins au manège.
COMEDY CLUB Vous connaissez celle
des philosophes qui voulaient expliquer
l’humour ? C’est une très vieille blague
avec beaucoup de variantes : petit
tour d’horizon.
Mais le communiqué de l’Etat de
Vaud n’a pas surpris que les parents
d’élèves, puisqu’il a suscité une réaction du Centre patronal vaudois.
Dans sa revue, ce dernier a publié un
article au sujet de la fameuse liste, en
concluant par cette phrase : « Doit-on
en déduire que, aux yeux des départements concernés, il y a une forte
proportion d’ânes au sein du corps
enseignant ? »
Il est vrai qu’on peut se demander
s’il est réellement utile de préciser,
par un règlement, qu’il est interdit
de venir en classe avec sa tarentule
de compagnie, son cobra cracheur
domestique ou ses taureaux de
concours, même si on les aime très
fort. Et ce quand bien même il s’agirait d’illustrer un projet pédagogique
sur lesdits animaux.
Plus globalement, à force de se mêler
de tout et tout le temps, l’Etat en
vient à légiférer sur des choses de
plus en plus absurdes. A quand une
liste exhaustive, détaillée et officielle
des armes de guerre à ne pas confier
aux enfants de moins de 6 ans ?
Pascale Tardin
L’humour est un exercice bien périlleux. On peut se prendre un bide
avec la blague du siècle, ou être porté
aux nues pour un pirouette minable.
Parfois les gens se marrent pour
de mauvaises raisons, ou ne comprennent tout simplement pas « pourquoi c’est drôle ». En plus, ils se mettent
en colère, les gens : soit qu’ils aient bien
compris la vanne, soit qu’ils enragent
de ne pas avoir pigé. Avec tout ça, c’est
à se demander si on sait vraiment ce
qu’est l’humour, dans le fond.
Un élément de réponse a été fourni
par un chercheur en 1998 : travaillant à sa propre théorie de l’humour,
Thomas Veatch affirmait en avoir
dénombré 619 autres… Ça fait beaucoup de théories pour une chose en
apparence aussi simple que la rigolade. En fait, ça suggérerait presque
que personne ne comprend vraiment
pourquoi on rit. Est-ce si grave ? Pour
les humoristes, pas tellement. Une
perruque, un accent local, quelques
observations sur les petits travers de
notre quotidien, et l’affaire est pliée.
Mais pour la science, quel embarras !
On prétend aller bronzer sur la planète Mars, et on ignore pourquoi les
humains se bidonnent ?
Il était temps de faire le point sur la
question. Lauren Olin, philosophe à
l’Université du Missouri, à Saint-Louis,
propose justement un état des lieux
des théories de l’humour sous forme
de questions, auxquelles il faudrait
répondre si on tient à aboutir un jour
à une vraie science de la poilade. On
peut selon lui résumer la prolifération
des réflexions sur l’humour en trois
grandes théories. La théorie de la supériorité, que l’on retrouve chez Platon,
Hobbes et Baudelaire, postule qu’on se
marre pour ridiculiser un rival : le rire
permet de se faire mousser, de triompher, de foutre la honte. La théorie du
soulagement, popularisée par Freud,
invoque le besoin de décharger des
émotions pénibles ou négatives. On
rit pour faire face à l’indicible et pour
se rassembler. La théorie de l’incongruité, en germe chez Aristote, Kant et
Bergson, et la plus en vogue actuellement (notamment chez le susnommé
Veatch), est plus cérébrale, et implique
que l’humour concerne la résolution
d’une incohérence, d’une transgression ou d’un tabou.
Chacune de ces trois approches a ses
points forts et de nombreuses variations. Elles se complètent, comme par
exemple dans la satire, mais elles se
contredisent aussi parfois et surtout
laissent de nombreuses questions
en suspens. Olin en dénombre une
dizaine. Par exemple, pour la théorie de la supériorité : comment interagissent les composantes agressives et
prosociales de l’humour ? quel est le
statut d’une blague raciste lorsqu’elle
est racontée par un antiraciste ou un
membre d’une minorité ? Pour la théorie du soulagement : pourquoi le sexe
joue-t-il un rôle aussi important dans
l’humour ? quand est-ce que l’humour
n’est pas une bonne stratégie pour survivre ou s’adapter ? Et pour la théorie
de l’incongruité : pourquoi certaines
personnes aiment l’humour absurde
et d’autres pas ?
Ce sont de très bonnes questions,
beaucoup plus intéressantes que le
sempiternel et peu imaginatif « peuton rire de tout ? » On pourrait y ajouter :
quel est le rôle de l’intelligence dans
l’humour, et quels sont ses liens avec la
créativité et la résolution de problème ?
peut-on intégrer l’autodérision, l’humour noir, le sarcasme et l’ironie en
une seule théorie ? pourquoi MarieThérèse Porchet ?
Large programme donc. Mais fautil absolument expliquer l’humour ?
Hélas, c’est le seul moyen de comprendre pourquoi il existe encore
des gens qui ne sont pas abonnés à
Vigousse… Sebastian Dieguez
Questions for a theory of humor, L. Olin,
Philosophy Compass, vol. 11, pp. 338350, 2016.
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Le T-shirt DHL, 6,50 dollars
Jean-Denis Franoux, professeur de
mode au Studio Berçot, analyse le
succès de ce genre de produits comme
« le besoin de s’identifier à des repères
très connus ». Vigousse, petit satirique
romand, y verrait plutôt le résultat d’un lavage de cerveau incitant à
Le T-shirt DHL branché, 245 euros
suivre aveuglément des tendances très
connes. Chacun son métier, après tout.
Quoi qu’il en soit, le T-shirt de la quincaillerie Schmitdt & Müller sera disponible sur notre site, pour la modique
somme de 1499 francs, et ce dès la fin
de la semaine. S. A.
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Vigousse vendredi 17 juin 2016
8
EN COURT...
Jeux interdits
Sur nos écrans, le champion de moto
Thomas Lüthi s’affiche dans une
publicité pour le site internet de paris
en ligne Interwetten.com. Certes,
c’est l’un des sponsors principaux de
son équipe, mais voir le pilote à la
mi-temps des matches de l’Euro sur
la RTS, ça fait bizarre. Car en Suisse,
et pour l’instant, la publicité pour
les paris à l’étranger est interdite.
Théoriquement, on ne peut pas jouer
depuis la Suisse, mais uniquement
consulter les résultats.
Interwetten, société autrichienne
basée à Malte, est prête à pénétrer
le marché suisse « officiellement »
en fonction de ce que décidera le
Parlement. Simonetta Sommaruga a
présenté un projet de loi sur les jeux
d’argent dans lequel elle souhaite
notamment bloquer les sites de jeux
étrangers. Les sites illégaux qui
pullulent, pas Interwetten.
On aurait voulu connaître la position
de la Loterie romande, mais elle
nous a renvoyé à la Commission des
loteries et paris. « S’agissant de la
publicité diffusée sur la RTS, nous en
avons connaissance et avons ouvert
un dossier. Il ne m’est pas possible
d’en dire plus à l’heure actuelle »,
répond Pascal Philipona, directeur
adjoint de la Comlot. On parie qu’il
n’est pas content ? J.-L. W.
DUR D'OSEILLE
QUELLE SEMAINE!
Un bouffon dont
la stupidité vaut de l’or
Vous vous souvenez certainement
du fabuleux western de Sergio Leone
intitulé Le bon, la brute et le truand.
Ce titre pourrait très bien convenir
à la course à l’investiture présidentielle aux Etats-Unis, mais par souci
de précision, il vaut mieux décaler
légèrement les qualificatifs des protagonistes, ce qui donne Le sage, l’experte et le bouffon.
Bernie Sanders dans le rôle du sage
et Hillary Clinton dans celui de l’experte apparaissent à la télévision, lors
d’entretiens ou de débats politiques,
comme des personnes sérieuses,
compétentes, vantant leurs mérites
et décrivant comment leurs actions
à la tête de l’Etat amélioreraient le
sort de tout un chacun. C’est la rhétorique générale de tous les politiciens et il faut bien avouer que ces
litanies sont plutôt casse-pieds, tant
et si bien que leurs taux d’audience à
la télévision sont assez faibles.
Quant au bouffon, Donald Trump,
il atteint des records jamais obtenus dans ce genre d’émissions. Ses
propos simplifiant la complexité
du monde, son arrogance, sa vulgarité et sa grande gueule auréolée de
sa fortune, qui passe là-bas plutôt
comme un attribut de vertu, font des
ravages. Le phénomène est tellement
inédit que le président de la chaîne
de télévision CBS, Leslie Moonves, a
déclaré dans le Hollywood Reporter :
« Trump n’est peut-être pas bon pour
les Etats-Unis, mais il est vachement
bon pour CBS. » Il reconnaît ainsi
que le magnat de l’immobilier newyorkais n’est pas souhaitable en tant
que président de son pays, mais, en
tant que businessman, il apprécie ses
shows télévisuels qui lui permettent,
vu leur immense audience, d’augmenter les tarifs des publicités qui
lardent les discours nauséabonds
de cette espèce d’Ubu roi. Ainsi,
si jamais il devait remporter cette
élection, on aurait non seulement
la preuve que la démocratie états-
PÉPÈTES SHOW
unienne est devenue une ploutocratie, mais encore que les courtisans de
tout poil peuvent s’en mettre plein
les poches en se moquant pas mal
d’où et comment provient l’oseille.
La situation est dangereuse car le
candidat Trump est imprévisible,
irraisonnable, inexpérimenté, xénophobe, misogyne. Entre autres.
Pourtant le public en redemande. It’s
show time. Seul le Parti républicain
peut faire cesser cette tragicomédie,
et si elle doit aboutir au couronnement du bouffon, les Etats-Uniens ne
pourront pas dire qu’ils ne savaient
pas. André Draguignan*
9
EN COURT...
Pubs à deux
balles
Que ce soit Eric Cantonna, dans les
années 90, qui vantait les mérites
des rasoirs Bic affublé d’un bonnet
de bain rose, ou Cristiano Ronaldo
et son strip-tease inachevé pour SFR
aujourd’hui, l’histoire d’amour liant
joueurs de foot et publicité ne date
pas d’hier. Non contents de jouer la
comédie sur les pelouses, les grands
noms du foot aiment jouer les
acteurs pour de grandes marques.
On peut donc tantôt voir un Lionel
Messi succomber à la gourmandise
des chips Lay’s, tantôt un Cristiano
Ronaldo faire la promotion douteuse
d’un fournisseur internet israélien.
Les fins de mois sont difficiles
pour les stars du ballon rond et il
faut bien mettre un peu de beurre
dans le caviar. Le footballeur est
aussi un comédien multifacette
capable d’incarner de nombreux
personnages aussi subtils que
complexes. Peut-on donc en
conclure qu’il est devenu lui-même
une marchandise ? Ce qui est sûr,
c’est que les publicitaires ont bien
compris l’impact qu’il pouvait avoir
sur les consommateurs, surtout
lorsqu’il oublie de mettre un maillot.
* chef d’entreprise connu
de la rédaction
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L’humour
enfin à la portée de tous
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Vigousse vendredi 17 juin 2016
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Vigousse vendredi 17 juin 2016
10
BIEN PROFOND DANS L'ACTU
Pitch
Un village bien isolé
LE COURRIER
DU CHIEUR
LES TAXES D’EXEMPTION DU PROFESSEUR JUNGE
Cette semaine : j’explique comment j’ai trouvé une paix
royale grâce à la possibilité de payer pour ne pas avoir
de réfugiés près de chez moi.
C’est le canton d’Argovie qui avait
ouvert la voie en permettant aux
communes de payer pour éviter d’accueillir des réfugiés. A 110 francs
par jour et par migrant refusé, ça
restait un plaisir de riche. La commune d’Oberwil-Lieli avait ainsi
déboursé 290 000 francs en 2016
pour avoir la paix. Ce système très
avantageux pour les finances cantonales fut bientôt appliqué dans toute
la Suisse.
En tant que syndic d’Isolbourg, j’ai
fait appliquer cette mesure dès que
possible. Mes concitoyens approuvèrent sans réserve cette dépense
afin que notre village reste un petit
coin charmant. Lorsque des réfugiés
glandent autour de la déchetterie ou
squattent les bancs près de l’abri PC,
un sentiment d’insécurité s’installe.
Et puis il y a aussi les considérations
esthétiques : tous ces gens à la peau
noire ou foncée jurent avec le vert de
nos prés et la robe blanche et caramel de nos vaches. Ces mélanges
de couleurs contre nature font mal
aux yeux.
Assez vite, l’idée d’étendre
ce principe à d’autres catégories de gens s’imposa.
Isolbourg abrite des parasites
qui sont déjà dans le fruit,
contrairement à ceux qu’on
veut nous imposer de l’extérieur. Les chômeurs et autres
cas sociaux, par leur simple
présence, gâchent la vie des
citoyens industrieux. Nous avons
été les premiers en Suisse à les payer
pour qu’ils aillent végéter ailleurs. Et
alors, après, quelle sérénité… Finie
l’angoisse de se faire détrousser par
des bandes de sans-emploi en sortant du supermarché du village !
Mais cette peur a vite été remplacée
par la frustration de devoir attendre
à la caisse à cause des retraités qui
font leurs courses aux mêmes heures
que les gens normaux, alors que ces
enquiquineurs pourraient y aller
pendant les moments creux. Une
petite taxe supplémentaire et ces
vieux déchets allèrent promener
leur inutilité sous d’autres cieux.
On put alors s’occuper du cas des
enfants. Ces nuisibles qui rendaient
Andreas Glarner,
Expert de claques
la vie impossible avec leurs braillements furent déportés contre monnaie sonnante.
Ma politique engendrait des réac-
tions toujours plus vives des gauchistes. A grands renforts de billets
de banque, je les envoyai prêcher
l’humanisme ailleurs. Avec les mains
entièrement libres, je pus enfin laisser libre cours à ma créativité. Les
voisins et leur chien énervant : loin !
Le gentil couple d’en face qui sort ses
poubelles le soir avant le ramassage :
dehors ! Tous les crétins qui ne sont
pas d’accord avec moi : raus !
Ça n’a pas été simple et ça m’a coûté
une petite fortune, mais Isolbourg
correspond aujourd’hui exactement à l’idée que je me fais d’une
commune suisse paisible : j’y suis
tout seul et il n’y a personne pour
m’emmerder. Bon, il y a bien encore
de temps en temps des fâcheux qui
tentent de s’approcher de chez moi,
mais je les fais déguerpir à coups de
fusil de chasse. Ça marche très bien,
surtout depuis que j’ai remplacé les
cartouches de gros sel par des billets
roulés très serré. Professeur Junge,
phare de la pensée contemporaine
Cher Monsieur Glarner.
Promu spécialiste des sujets
migratoires pour l’UDC, vous
avez eu l’audace d’interpeller
le Conseil fédéral sur une question absolument centrale : la possession de smartphones par des
requérants d’asile. Vous mettiez
l’accent sur un point important,
à savoir « qui paye pour cela ? »
Interrogation bien légitime même
si, à mon avis, vous passez à
côté de la vraie question : il
s’agit surtout de savoir comment
nous distinguerons les riches
des pauvres quand ces derniers
posséderont exactement les mêmes
choses que les nantis.
Et le problème est très sérieux.
Imaginez plutôt : que se passeraitil si, soudain, les SDF avaient
une maison, ou les petits nègres à
manger ? Je prends un exemple très
simple. L’été dernier, ma petite
cousine Ursula ne savait comment
occuper ses journées. Grâce à la
famine qui sévit actuellement en
Ethiopie, elle a eu l’occasion
d’aider les défavorisés en allant
sur place bâtir une école.
A son retour, elle a pris
conscience de la chance qui est la
sienne, face à sa chambre douillette et au frigo bien garni.
Mais que dira-t-on aux jeunes le
jour où l’écart entre nous et les
traîne-misère sera réduit à néant ?
« Si tu travailles à l’école, tu
auras le même smartphone que ce
migrant » ? Ou « Finis ton yaourt,
pour avoir les os solides comme
un Somalien » ? Je ne crois pas
que ce soit un bon exemple pour
notre jeunesse, qui est l’avenir
de la nation.
Séverine André
Vigousse vendredi 17 juin 2016
11
LE FIN MOT DE L'HISTOIRE
69, année héroïque
Le 14 février 2014, l’initiative de
l’UDC contre « l’immigration de
masse » était adoptée par les Suisses
allemands. Depuis, la Confédération
mobilise la fine fleur de ses diplomates
pour amadouer l’Union européenne,
histoire d’obtenir le droit de bafouer
les accords tout en conservant leurs
avantages. Résultat ? Des nèfles. Les
négociateurs suisses les plus aguerris, les plus habiles et les plus retors
se montrent infoutus d’embobiner la
partie adverse. C’est une vergogne. Et
ces incapables n’ont pas fait mieux
pour sauvegarder le secret bancaire.
A se demander à quoi ils servent, à la
fin ! Même la tradition suisse de proposer des « bons offices » et des pourparlers de paix entre pays en guerre
se révèle aussi inapte qu’inepte. Il n’y
a qu’à voir l’état du monde.
Pour ce faire, Vitellius longea le
Jura côté ouest, par Besançon. Mais
il dépêcha côté est, en pays helvète,
un officier nommé Caecina (ce n’est
pas le quatrième, c’est juste un sousfifre) avec pour mission de récupérer une légion postée à Vindonissa
Pourtant, les diplomates helvétiques
n’ont pas toujours été nuls. Claudius
Cossus, par exemple, savait mener
une négociation délicate avec brio.
C’était en 69 après que le petit Jésus
eut évacué par les voies du Seigneur
naturelles le reliquat de sa première
tétée. Cette année-là, quatre empereurs romains se disputèrent le poste
libéré par Néron, qui avait eu la saine
inspiration de se supprimer en juin
68. Or c’est mathématique : quatre
souverains pour un trône, ça fait des
milliers de tués.
Le premier successeur nommé, un
certain Galba, fut occis en janvier
69 à Rome par le deuxième, Othon,
qui prit la place. Simultanément,
les légions cantonnées en Rhénanie
proclamèrent empereur leur général
Vitellius, et de trois. Il entreprit donc
de marcher sur l’Italie avec son armée
et avec l’idée de déloger Othon sans
ménagement excessif.
(Windisch, Argovie). C’est alors,
comme souvent en Argovie, que les
choses ont mal tourné.
Il faut dire que les Helvètes du coin,
déjà en retard sur leur temps, ignoraient la mort de Galba et que, déjà
obtus et disciplinés, ils voulaient lui
rester fidèles. Pour ne rien arranger, ils étaient en bisbille avec la
légion de Vindonissa pour une histoire d’argent. Bref, tout ça eut l’heur
d’énerver Caecina, qui décida de
mater ces indigènes désagréables :
il mit donc à feu et à sang leur ville
thermale d’Aquae Helveticae (Baden,
Argovie aussi), massacra une partie
des habitants et vendit les autres
en vrac. Après quoi il marcha sur
la capitale helvète, Aventicum
(Avenches, Vaud), avec pour projet
d’y faire exactement pareil.
C’était compter sans la mentalité
vaudoise, qui semble avoir eu cours
à l’époque déjà : soucieux d’éviter les
Fig. 1. Vitellius perplexe (buste).
histoires, prévoyants et matois, les
dirigeants d’Aventicum n’attendirent
pas que l’armée de Caecina soit à leur
porte : ils envoyèrent à sa rencontre
une délégation pour négocier. Rusé.
Ainsi stoppé et dûment entortillé,
Caecina décida qu’il ne pouvait rien
décider et qu’il fallait s’en remettre à
Vitellius, qui campait alors près de
Lyon. Les ambassadeurs helvètes s’y
rendirent aussi sec.
Parmi eux, le susnommé Claudius
Cossus mena les pourparlers, et ce
n’était pas du gâteau : selon l’historien romain Tacite, Vitellius et ses
troupes tenaient mordicus à raser
Aventicum et à « exterminer » les
Helvètes. Mais « Claudius Cossus,
connu pour son éloquence, sachant
toutefois cacher habilement son talent
sous un trouble qui le rendait plus efficace, parvint à amadouer les soldats. »
Lesquels, complètement retournés,
finirent par « implorer Vitellius, les
larmes aux yeux », d’épargner les
Helvètes et de leur ficher définitivement la paix.
Parvenir à retourner, d’un seul discours, rien moins qu’un empereur
romain et toute son armée, voilà
du vrai boulot de diplomate ! Ceux
d’aujourd’hui devraient en prendre
de la graine.
Pour la petite histoire, Vitellius
gagna Rome, défit l’armée d’Othon
qui se suicida, et prit le pouvoir.
Battu peu après par le numéro
quatre, Vespasien, il fut lapidé par
la foule qui balança son cadavre au
Tibre. Quant à Claudius Cossus,
qu’il repose en paix. Laurent Flutsch
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Vigousse vendredi 17 juin 2016
12
CULTURE
CULTURE
Un bouquin
Des films
Touché ou coulé ?
À VOUS DE VOIR La neige de Davos se teinte d’humour noir dans le très bon Nichts Passiert.
Le réalisateur Luca Guadagnino n’éclabousse pas de son talent A Bigger Splash.
Pour ceux qui veulent que les choses
s’arrangent. C’est le genre de type à,
continuellement, mettre la poussière
sous le tapis. Sauf qu’ici, la poussière, ce sont des êtres humains…
Allemand, Thomas s’apprête à
emmener sa femme et sa fille, peu
motivées, dans les Alpes suisses, à
Davos plus précisément. A ce trio se
greffe Sarah, 15 ans, la fille du patron
de Thomas. Le trajet se déroule sans
anicroche. C’est déjà ça de pris. Parce
le reste de ces vacances de ski ne sera
pas de tout repos… D’abord le chalet
n’est pas chauffé. Chaud, un ado du
village, lui, l’est. Fiesta, alcool, fille
étrangère, on devine ce que ce cocktail a d’explosif.
Thomas, dont le courage n’est pas
la qualité première, dont le sens des
responsabilités n’est pas non plus le
point fort, tente de gérer la situation.
Chacune de ces décisions ou nondécisions se révèle catastrophique.
Thomas n’est pas à la noce, mais le
destin étant un petit farceur, il s’en
sort à la suite d’une série de drames
qui sont, pour lui, autant de petits
miracles. Aussi ironique que son
titre, Nichts Passiert enchante par
son humour noir et par sa bande
son signée de la Lucernoise Heidi
Happy. Micha Lewinsky, cinéaste
né en Allemagne ayant grandi en
Suisse, fait de la couardise une amorale petite friandise.
Pour ceux qui veulent que les êtres
se mélangent. Bronzer sur une charmante petite île de la Méditerranée ?
Plonger dans une piscine presque
aussi grande qu’un terrain de
foot ? Pour oublier le gris de notre
ciel, cet été qui, comme l’insurrection, ne vient pas, ou les klaxons
de l’Euro, c’est tentant ! Sauf que
le plan tombe à l’eau tant A Bigger
Splash, remake de La piscine (Alain
Delon, Romy Schneider, 1969, année
érotique), avec ses acteurs en roue
libre et ses bavardages incessants,
touche assez rapidement le fond.
Bertrand Lesarmes
Nichts Passiert, de Micha Lewinsky
(1 h 32) ; A Bigger Splash, de Luca
Guadagnino (2 h 05). En salles.
Des védés
Passé
hantérieur
Le concept de « film de maison hantée »
a beaucoup évolué avec les décennies.
Si l’idée de base est toujours de
faire peur à un moment inattendu,
les versions modernes de ce récit ne
vont jamais s’intéresser aux raisons
qui poussent l’entité surnaturelle à
tourmenter ses victimes ; le monstre
sortira simplement du placard pour
faire taire la première blonde siliconée
hurlante qui passe par là. Il y a 60 ans,
c’est le contraire : dans les immortels
chefs-d’œuvre que sont L’aventure de
Mme Muir (Mankiewicz) ou The Haunting
(Robert Wise), un grand soin sera porté
aux ambiances et aux raisons factuelles
qui amènent à une situation horrifique.
The Uninvited (dont le titre français
est ridicule) est l’un des meilleurs
exemples de cette période : un frère et
une sœur achètent pour une bouchée
de pain une maison au bord de la mer.
Leur erreur est notre chance : c’est un
polar gothique majestueux et une vraie
pépite ! Michael Frei, Karloff, films
culte, rares et classiques, Lausanne
La falaise mystérieuse, Lewis Allen,
1944, Wild Side, vf et vost, DVD et BluRay, 110 minutes.
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Vigousse et la Semaine du Goût® présentent :
Grand concours
de nouvelles
Vigousse et la Semaine du Goût® (15 au 25 septembre 2016) organisent
à l’occasion de ce rendez-vous du patrimoine culinaire un concours
de nouvelles littéraires, ouvert à tous.
Le thème : la politique et le goût, avec la présence obligatoire d’un vin suisse.
La longueur : 12 000 signes maximum, espaces comprises.
Le délai : les textes doivent nous parvenir par courriel d’ici au 15 juillet 2016
à l’adresse [email protected] avec mention « Concours de nouvelles »
et en indiquant vos nom, prénom et coordonnées complètes.
Le jury sera composé de Carlo Crisci, cuisinier étoilé, Gilles Besse, vigneron,
président de Swisswine Promotion, Josef Zisyadis, directeur de la Semaine du Goût®,
Laurent Flutsch, rédacteur en chef adjoint de Vigousse, Roger Jaunin, chef d’édition
de Vigousse et Yvan Fantoli, directeur de Vigousse. Les prix seront proclamés
au début du mois de septembre au Livre sur les Quais.
Premier prix : un repas gastronomique pour 2 personnes au Restaurant du Cerf
de Carlo Crisci, à Cossonay, et une publication de la nouvelle gagnante sur les sites
de la Semaine du Goût® et de Vigousse.
Du 2e au 5e prix : un abonnement d’un an à Vigousse et une publication des
nouvelles primées sur les sites de la Semaine du Goût® et de Vigousse.
A vos plumes !
Vigousse vendredi 17 juin 2016
13
BROUILLON
DE CULTURE
TRIO-PACK Jusqu’au 2 juillet, l’artiste
valaisan Raphaël Moulin ouvre les portes
de son atelier. Il expose notamment ses
derniers travaux en acier inoxydable.
Partageur, il ménage une place à ses
amis artistes Martine Rouiller et PierreAlain Mauron. A Charrat (VS),
www.raphaelmoulin.ch
PHOTOMATON Quartier Libre SIG
présente sa nouvelle exposition, Picture
Yourself, jusqu’au 11 décembre sur
le Pont de la Machine à Genève. En
collaboration avec l’agence Magnum,
elle présentera les plus beaux portraits
et autoportraits de six photographes.
www.sig-ge.ch
Le roi du rien
Insignifiant Ier est le despote autoproclamé du royaume d’Insignifiance, une petite partie de l’Empire
du Rien. Il règne dans l’ombre, souverain fantôme dont tout le monde
ignore l’existence. Ça ne vous rappelle rien ? Les lecteurs fidèles penseront peut-être au 8e conseiller
fédéral, qui dirige la Suisse en secret
chaque semaine dans Vigousse. Le
concept est proche, d’autant que
l’humour est ici aussi un ingrédient
important. Les similitudes s’arrêtent
là, car le Neuchâtelo-Jurassien
Gilbert Pingeon, sous des dehors
goguenards, n’hésite pas à arpenter
des chemins nettement plus philosophiques. Ses réflexions sur le monde
contemporain se teintent parfois
d’une amertume et d’une poésie qui
ne sont pas sans évoquer Cioran, sauf
que lorsque la drôlerie surgit ici, elle
illuminé visionnaire, messager de
l’absurde et du néant, annonçant la
venue du sous-homme. Le procédé
de distanciation critique mis en place
par Pingeon fonctionne à merveille
tant que la noirceur est équilibrée
par l’humour. Dans quelques passages où le pessimisme l’emporte,
l’auteur vire alors au sentencieux
un brin pédant. Heureusement,
ces moments sont rares, et dans la
majeure partie du texte, l’écrivain
nous emporte sur sa plume vivace
et élégante pour nous régaler de ses
piques acérées sur l’état lamentable
du monde. Stéphane Babey
est toujours volontaire. On pourrait
aussi citer les chroniques d’Umberto
Eco, dont Pingeon partage l’ironie cinglante. Insignifiant Ier tient
enfin du Zarathoustra de Nietzsche,
mais croisé avec l’Ubu de Jarry : un
Les insignifiants, Gilbert Pingeon,
Infolio, 200 pages.
PLEIN OCÉAN La compagnie Le
Magnifique Théâtre reprend le spectacle
Novecento d’Alessandro Baricco à
l’Auberge des 4 Vents à Fribourg. Un
dîner-théâtre, avec le comédien Michel
Lavoie et le pianiste Max Jendly, digne
des restaurants des grands navires.
Comme les premières représentations
se sont jouées à guichet fermé, on
embarque pour deux supplémentaires
les 25 et 26 juin. www.aux4vents.ch
DE RETOUR Le désormais célèbre
spectacle satirique N’Dongo, satire de
la Françafrique et du post-colonialisme,
revient du 17 au 19 juin au Théatre du
Grülti à Genève, dans le cadre du festival
romand Plein Tube. Venez découvrir
les relations incestueuses entre un
Occident donneur de leçon et une Afrique
dictatrice, racontées avec humour
et dérision. www.grutli.ch
VOS PAPIERS ! Le Musée du papier
peint, sis au château de Mézières,
ouvre les portes d’une exposition plutôt
énigmatique. Intitulée Afficher – ajuster
– annoter – arracher – blanchir –
brûler…, elle présente le travail d’une
vingtaine d’artistes. On n’en saura pas
plus. www.museepapierpeint.ch
Des cédés
Aline Chappuis A Perdre haleine
Elle nous avait laissés sur Un fil d’audace, opus chargé de belles promesses,
comme en attente d’une nouvelle
livraison plus personnelle, plus assumée. Si fait, Aline Chappuis revient
A perdre haleine, album d’une quinzaine de titres griffés d’une plume à la
fois maîtrisée et vagabonde, libre de
toute contrainte et cependant d’une
précision à couper le souffle. Vaudoise
de sang, exilée en terres valaisannes,
auteure, compositrice, interprète,
Aline Chappuis s’emploie, ainsi qu’elle
le dit, à « aller vers l’essence du vide, la
beauté du rien, là où le grand espace
s’ouvre, là où l’infini m’engloutit… »
C’est qu’il s’agit, à ses côtés, de se
perdre dans La mélancolie des collines, de suivre La valse des démons,
de se retrouver Dépouillés comme les
maudits, mais Libre, autant de titres
si finement ciselés que là encore l’air
nous manque.
Parce que « je n’aurais pas pu vivre
dans une grande ville », elle nous
emmène dans ses forêts-refuges, sur
des chemins de mousse, dans ses
propres rêves et ses propres questionnements de femme, le fil de l’enfance
désormais rompu. A coup sûr une
authentique réussite. Roger Jaunin
A perdre haleine, Aline Chappuis. Avec
Aude Follonier (arrangements/piano)
et Jacky Perrin (saxophone). 16 titres
dont une reprise de Comme un arbre
dans la ville de Maxime Leforestier.
Date des prochains spectacles
sur www.alinechappuis.ch
Le strip de Bénédicte
MONTER EN RADE Petite ou
grande, c’est la Fête de la musique ce
week-end un peu partout en Suisse
romande. C’est certainement à Genève
qu’elle aura le plus d’ampleur, avec plus
de 500 concerts et une trentaine de
scènes. Musiques classiques et actuelles,
d’ici et d’ailleurs, pour s’en mettre plein
les oreilles. www.fetedelamusique.ch
Vigousse vendredi 17 juin 2016
14
15
REBUTS DE PRESSE
LE CAHIER
De qui se foot-on ?
Alors que l’on commence à remettre en question
les retombées économiques de l’Euro 2016, qui
ne seraient pas aussi faramineuses que prévu, la
Fédération française de football (FFF) prend les
devants en développant des stratégies novatrices
pour combler un éventuel manque à gagner (en
tous les cas, vu d’ici, c’est à ça que ça ressemble).
Les savantes réflexions des chargés de comm.
et autres cerveaux de la FFF ont apparemment
débouché sur la conclusion qu’il serait rentable
d’intéresser les femmes au foot. Car en effet, selon
les récentes découvertes des statisticiens, elles
représenteraient près de la moitié de la population.
A la FFF, un type s’est amusé à faire le calcul : une
moitié de la population en plus qui regarderait le
foot, ça représenterait une hausse de l’audimat
de… 100 % ! Etonnant, non ?
L’Hebdo
a bon dos
Le rédacteur en chef de
L’Hebdo, Alain Jeannet,
s’inquiète dans son
éditorial du 9 juin de
l’avenir de la SSR. Il
faudrait « atteindre
les jeunes là où ils se
trouvent », c’est-à-dire
« négocier le passage
vers le numérique »,
tout en économisant.
Il ne va cependant pas
jusqu’à conseiller à ses
confrères de le rejoindre
dans la valorisante
« newsroom » où Ringier
l’a confiné avec Le
Temps, ni d’ouvrir un site
bidon où le contenu n’est
ni relu, ni rémunéré. Les
journalistes ont beau
être solidaires, ils ne
partagent pas toujours
leurs petits secrets ! S. D.
Pour toucher cette catégorie énigmatique, la FFF
a fait appel à une blogueuse mode, Margot. En
partenariat avec ladite fédération, la modeuse
montre dans une vidéo comment préparer « un apéro
foot entre filles ». Si les garçons se contentent de
bières et de chips, dans le merveilleux monde des
filles, on passe trois plombes à orner de fanions
découpés dans du papier bleu-blanc-rouge les
cure-dents qui serviront à prélever délicatement,
dans une vaisselle choisie, des myrtilles, baies
d’açaï et autres fraises au chocolat blanc crépi
de paillettes tricolores. Et, pour couronner le tout,
Margot porte le T-shirt de la fédération, orné du
slogan « Insupportable mais supportrice », slogan qui
n’existe que dans la gamme de T-shirts pour femmes.
Et c’est très bien trouvé : car ce qui est insupportable
dans tout ça, ce sont évidemment les femmes. S. A.
Citoyenne et journaliste
Dans Le Matin Dimanche du 12 juin, la journaliste
Camille Krafft raconte son expérience d’accueil d’une
famille de réfugiés irakiens dans sa commune. Ce
témoignage d’une citoyenne vu à travers les yeux d’une
journaliste, comme elle le décrit elle-même, permet une
plongée émouvante et drôle dans le quotidien kafkaïen
d’une famille déracinée et des Suisses solidaires qui
l’entourent. Un récit précieux comme on voudrait en
lire plus souvent. Comment ça, il n’y a pas d’attaque
sournoise contre Le Matin Dimanche dans cette brève ?
Ben non, on n’est pas là que pour dire du mal… S. Ba.
Encore un article de marques
« A l’invitation de Hublot, Le Temps a assisté à la rencontre
Suisse-Albanie du tout premier rang. » Une phrase
magistrale extraite dudit quotidien du 14 juin. On a déjà
décrit, dans plusieurs numéros de Vigousse, la générosité
sans faille de l’horloger. Les philanthropes de Hublot ont
par exemple permis au Matin Dimanche de rencontrer le
gardien italien Buffon (12.6). Pour notre part, nous tenons
à préciser que cette nouvelle a été écrite au stylo Bric sur
un calepin Clairetonfaine, puis recopiée sur un ordinateur
Apfel et transmise à la rédaction grâce à l’opérateur
téléphonique Switzcom, que nous remercions tous au
passage de nous aider à vous tenir bien informés. J.-L. W.
DES SPORTS
MÉFIER (SE)
Cristiano Ronaldo, ça vous dit quelque
chose ? Mais oui, voyons, le gars qui
à chaque but qu’il marque – et Dieu
sait qu’il ne s’en prive pas – retire
son maillot, affiche ses plaques de
chocolat, son sourire blanc Persil
et brandit deux poings rageurs en
direction des tribunes. Vachement bien
foutu, le mec. Un brin exhibitionniste,
d’accord, mais question plastique,
franchement, ça en jette. Tellement
que depuis quelques mois il possède
sa propre marque de sous-vêtements,
slips, shortys, boxers et Cie. Comme
David Beckham, en plus musclé et un
peu plus bronzé. Largement de quoi
émoustiller toute une génération de
groupies et d’admirateurs des deux
sexes, voire de susciter suffisamment
de curiosité pour devenir le personnage
dont le nom apparaît le plus souvent
sur les sites de recherches pornos.
Du coup, il s’est trouvé un petit malin
pour imaginer faire fortune en usant
(et abusant) de tant d’aura. C’est
ainsi qu’un certain Carlos Ferreira,
spécialiste du genre classé X, s’est
ingénié à faire « apparaître » le bel
homme dans l’une de ses toutes
prochaines productions. Le titre de
l’œuvre ? As Ronaldas. Afin, dit-il, de
« surfer sur l’intérêt grandissant de la
population pour l’Euro, pour la sélection
nationale (portugaise) et pour sa star ».
A la place de CR7 – c’est son surnom
– on se méfierait. Déjà que, pour avoir
tourné et laissé filtrer une sextape
en compagnie de sa femme, Mathieu
Valbuena s’est vu jeter hors de l’équipe
de France, que, pour avoir voulu s’en
mêler, son ex-ami Karim Benzema a été
jugé définitivement non sélectionnable,
lui risque bel et bien d’y laisser
autrement pire que sa chemise, son
short et ses chaussettes, sa réputation
de surhomme. Ce qui, dans le cas
qui le concerne, ne serait pas le
moindre mâle.
Et ce sera tout pour cette semaine.
MAG
VOIX
Sebastian Dieguez
OFF
« Il faut innover !
Je l’ai toujours dit et
je ne changerai jamais
de discours. »
MÉDECINE
ACTUALITÉ
Rencontre avec Doug J. Parkings,
l’homme qui a prévu qu’on allait droit
dans le mur il y a 40 ans
« A l’époque, on ne voulait pas me croire. J’avais beau
dire que tout allait mal, qu’on ne faisait pas les choses
comme il faut, que nous courions à notre perte, que les
gens devaient ouvrir les yeux, qu’il fallait commencer à se
remuer, etc., on ne m’écoutait pas. » Doug J. Parkings
est un homme de convictions. Jamais il n’a cessé
de dire que nous étions dans la mouise, et ce
n’est pas aujourd’hui qu’il va changer d’avis.
Il a été de tous les combats, des militants
de « C’est la merde » dans les années 70 au
groupe de réflexion « Désastre imminent » dans
les décennies 1980-1990, en passant par la
fondation de l’association « Foutus » en 1991
et un soutien sans faille aux activistes de « Ça
ne marche pas » à partir de 2003. L’homme est
aujourd’hui respecté par tous les pessimistes
plaintifs et revendicatifs du monde, ce qui ne
l’empêche pas de garder un regard critique sur sa
carrière : « Peut-être que j’ai été trop optimiste à un
moment donné, je pensais que quelqu’un pourrait
faire au moins juste une fois quelque chose de bien, mais non. » Ses admirateurs se
pressent aujourd’hui à l’une de ses innombrables conférences où il répète que tout va
mal et que ça ne sert plus à rien de l’écouter. « C’est un des plus grands », s’exclame
cet étudiant en Sciences Critiques de la Société, fan de longue date : « Il m’a fait
comprendre qu’on irait toujours droit dans le mur pour l’éternité, et qu’on peut en vivre
comme conférencier. »
Un homme est dans
le coma, comme Michael
Schumacher
Le CHUV confirme cette information d’une source proche
du dossier : un homme serait en ce moment hospitalisé
suite à un accident et il serait dans le coma, comme
Michael Schumacher. A l’instar du célèbre pilote de
Formule 1, il ne donnerait aucun signe de conscience.
Le coma, explique le professeur Karl Jouxtens, est « un
symptôme grave, comme l’indique la tragédie qui frappe
Michael Schumacher ». L’homme en ce moment dans le
coma n’est pas lié au monde de la course automobile,
mais son pronostic est réservé. A-t-il une chance de sortir
du coma ? Les avis des spécialistes divergent, comme
pour Michael Schumacher, le grand champion. Pour
l’heure, nous informe un soignant, « il faut le garder sous
observation et lui
offrir les meilleurs
soins, un peu
comme avec Michael
Schumacher ».
De fait, à l’heure
où nous mettons sous
presse, Michael Schumacher
serait lui aussi toujours
dans le coma.
QUOI DE NEUF ?
ENQUÊTE
Littérature L’Ensemble Merveilleux des
Il laisse tomber le capuchon de son stylo
et le retrouve à Bornéo
Prodiges Prometteurs pour l’Avenir des Lettres
(EMPPAL) publie un haïku à 86 mains, signe que
la littérature romande se porte bien.
Colère Jacqueline de Quattro en aurait marre
qu’on dise qu’elle tue des chiens et souhaiterait
que l’on parle davantage de ses actions qui
n’impliquent pas l’exécution de chiens.
Polémique A peine ouvert, le musée « Bud
Enorme surprise pour Guy Fontannaz, junior manager chez Campbell & Rognards !
Après 243 jours de traque, il a fini par retrouver le capuchon de stylo qui lui avait
malencontreusement glissé des mains un jeudi matin fatidique. S’était-il logé exactement
dans l’ombre du pied de sa chaise, avait-il rebondi sans logique apparente jusque sous
le bureau de son collègue Gérard, ou se trouvait-il simplement dans la doublure de son
pantalon ? Non ! C’est finalement à Bornéo que se cachait le capricieux bout de plastique.
Enfin rassuré, le jeune cadre a pu se remettre au travail et se montre philosophe : « Il a
dû toucher un truc en tombant et gicler, faut vraiment faire gaffe avec ces machins. »
Spencer & Terence Hill World » est déjà sous
le feu des critiques : les spécialistes le jugent
trop « intellectuel », pas assez tourné vers le
grand public.
Malchance Il pensait « défier les conventions »
avec sa nouvelle Mazda, mais se retrouve dans
les embouteillages comme tout le monde.
Roger Jaunin
EIZE MÈTRES : Dégagement en catastrophe suite à un gros cafouillage devant le but – AILE GAUCHE : Longue passe en profondeur suivie d’un contrôle orient
Vigousse vendredi 17 juin 2016
Vigousse vendredi 17 juin 2016
16
{
B É B E RT D E
PLONK & REPLONK
}
LA SUITE AU PROCHAIN NUMÉRO
Pfister atterre
« Cassant, hautain… autiste » : telles
sont les épithètes qui, aux dires fraternels de son camarade démocrate-chrétien Jacques Neirynck, dépeignent au
mieux le nouveau président du PDC,
le très conservateur conseiller national zougois Gerhard Pfister. Sur les
ondes de La 1ère (23.1.16), Neirynck
ajoutait que Pfister est le plus à droite
des parlementaires du parti, dont il
bafoue parfois la ligne pour voter avec
les pires UDC ; qu’il est un « défenseur acharné de l’école privée » ; que ses
convictions religieuses sont « de style
intégriste ». Est-il le bon président
pour le PDC ? « On peut en douter »,
concluait charitablement Neirynck.
Car l’amour et la miséricorde règnent
entre ces bons chrétiens.
Né en 1962, Gerhard Pfister a fré-
quenté le saint collège du couvent
de Disentis (GR), puis l’Université
de Fribourg (études germaniques
et philosophie), puis l’Institut de
formation économique de SaintGall (management d’établissement scolaire). Il a dirigé sa propre
école, l’Institut Dr. Pfister S.A. à
Vigousse vendredi 17 juin 2016
Oberägeri (ZG), avant de collectionner les conseils d’administration
(promotion immobilière, clinique,
écoles, transports…) Comme il lui
reste du temps entre ces affaires,
sa charge de parlementaire et la
direction du PDC, il préside divers
machins dont la Fédération suisse
des écoles privées, la Fédération
pour l’Education catholique des
Il a dit
adultes et la Jerusalem Foundation
Switzerland. On ignore s’il prend des
vacances, mais on sait qu’on n’aurait
pas trop envie de partir avec lui.
Quoi qu’il en soit, et malgré les
« doutes » de Jacques Neirynck,
Gerhard fait un excellent président
du PDC. La preuve : il n’a pas tardé
à épouser la ligne de son glorieux
prédécesseur Christophe Darbellay,
plusieurs fois sacré champion suisse
de slalom gênant. En digne émule,
Pfister a parfaitement réussi la
célèbre figure acrobatique consistant à retourner sa veste tout en faisant le grand écart : il a défendu une
augmentation du budget fédéral de
la formation, juste avant de prôner
le contraire. La tradition PDC de la
girouette est donc sauve. Mais l’essentiel est de brasser de l’air. Et d’occuper l’espace : pour que son parti
existe, il suffit que Pfister meuble.*
Laurent Flutsch
* calembour totalement gratuit, sans
financement publicitaire.
la semaine prochaine
(ou du moins ça se pourrait bien)
« Coach, on a
le temps de passer
au duty-free ? »
H. Seferovic,
avant centre
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