Le mythe du Vampire Partie 2 : Le mythe moderne du
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Le mythe du Vampire Partie 2 : Le mythe moderne du
Le mythe du Vampire Partie 2 : Le mythe moderne du Vampire I. Une inflexion majeure dans l’histoire de la littérature vampirique : l’introduction du « je ». 1819 : 1er texte en prose, la nouvelle de John William Polidori, « the Vampyre ». Personnage mystérieux, ni un fantôme, ni un démon, empruntant toutefois aux deux, dont le nom ne nous est révélé que dans le dernier paragraphe de la nouvelle. Polidori s’exprime à la 3è personne, du point de vue de l’une des victimes. Le principe se maintient tout au long du XIXe et début XXe. Seule exception, le récit à la 1ère personne mais du point de vue de la victime : La morte amoureuse de Théophile Gautier (1836), Carmilla de Le Fanu (1872). Bram Stocker compose une trame narrative éclatée en recourant au style épistolaire : lettres, journaux intimes, coupures de presse, enregistrements sur un dictaphone. Nouveauté quant à la forme, mais aucune sur le fond. Dracula reste une altérité, un être isolé qui ne prend jamais la parole. On ne comprend ce qu’il est, ce qu’il fait, qu’à travers ce qu’en disent les autres. En 1939, un changement se produit avec la nouvelle « Cross of fire » de Lester del Rey. Le vampire, Karl Hahrhöffer, raconte lui-même son histoire. Il ne comprend pas ce qui lui est arrivé, se demande pourquoi il gît par terre sous la pluie. Il va ainsi de surprise en surprise : les gens du village le fuient, il dort 1 toute la journée, et quand la mémoire lui revient, il comprend qu’il a été luimême victime d’une femme vampire. Le lecteur est invité pour la première fois à s’identifier au narrateur : l’autre inaccessible, détesté et redouté est devenu moi. Dracula a lui-même bénéficié de ce changement d’optique : Roger Singleton dans une nouvelle, « An interview with Count Dracula », 1972, raconte comment Dracula, de passage à New-York, donne une interview à un journaliste dans laquelle il se plaint de l’image déplorable que le cinéma a dressé de lui. Fred Saberhagen dans Les confessions de Dracula, 1975, imagine que le comte a survécu au coup de poignard de Quincey Morris et décide de rétablir la vérité en livrant ses confessions sur un magnétophone. Tout au long du XXe siècle, les auteurs vont ainsi permettre aux vampires de s’exprimer, du récit à la 3è personne mais conçu du point de vue du vampire, au récit autobiographique, journal intime, forme dialoguée, interview, jusqu’à l’identification complète entre le lecteur et le protagoniste comme on peut le lire dans la nouvelle de Ramsey Campbell, « Conversion », 1976. Le lecteur est ainsi amené à se mettre dans la situation de quelqu’un qui rentre chez lui le soir et qui a l’impression que quelque chose d’anormal s’est produit. La terrible vérité se fait jour dans l’esprit du lecteur lorsque sa femme lui jette au visage de l’eau qui le brûle comme de l’acide : « Et vous savez pourquoi vous ne pouvez pas vous voir dans le miroir et que vous ne voyez que la pièce et la porte par laquelle vous avez jeté l’ail, votre femme agrippant en sanglotant le crucifix qu’elle porte à son cou, le verre vide de l’eau bénite que 2 vous avez amenée chez vous avant de partir venger la mort de sa sœur au château Dracula ». Donner la parole au vampire va permettre au lecteur de comprendre, ressentir les impressions, les sensations du monstre qui va par là-même sortir de ce statut pour entrer dans une autre caractérisation : celle d’une autre humanité. S.P Somtow, dans Vampire Junction, 1984, écrit les confessions du vampire, Timmy Valentine, à sa psychanalyste. Il parle de sa souffrance, de sa solitude, le poids des souvenirs, se présente comme une partie inconsciente de l’humanité : « Je suis moi-même un miroir : quand les gens me regardent, ce sont eux qu’ils voient en moi ; ce n’est pas forcément une parti d’eux-mêmes qu’ils veulent reconnaître, mais elle est quand même bien là ». Dans le roman de Marc Lovell, Vampire of the shadow, 1977, les vampires sont en réalité des gens tout à fait normaux et inoffensifs, mais qui souffrent d’une maladie rare du sang et se plaignent d’avoir toujours été victimes des superstitions et du fanatisme des hommes. La chronique des vampires d’Anne Rice : Entretien avec un vampire, 1976, le premier volet dans lequel Louis, son héros, se livre à un journaliste, révélant ses pensées comme s’il était sur le divan d’un psychanalyste. Nous apprenons ainsi ce qu’est pour un vampire le passage entre la vie et la mort, ou encore le plaisir de boire du sang. Nous voyons le monde à travers ceux de Louis : les vampires sont bien des monstres, au sens moral du terme puisqu’ils tuent pour survivre, ils n’en restent pas moins capables d’éprouver du dégoût et un sentiment de culpabilité. Louis est attachant en ce qu’il est esclave des lois biologiques qui régissent ceux de son espèce. Son existence, par bien des aspects, est un 3 fardeau. A Louis, Anne Rice oppose Lestat, un mort-vivant plus proche de la tradition et à la vie duquel elle consacre le deuxième volume de sa Chronique (1985) : cynique, cruel, dépourvu de scrupule. On sait qu’Anne Rice a regretté cette vision très négative de Lestat. Elle ira jusqu’à le réhabiliter en en faisant son unique narrateur dans les autres romans du cycle. Le problème du bien ou du mal n’est plus l’unique ressort de ces histoires : le personnage du vampire devient plus complexe, plus concret, il s’inscrit de manière plus réelle dans notre société. En suivant les aventures de Lestat, nous sommes ainsi amenés à pénétrer dans toutes les époques qu’il a traversé, à le considérer lui-même comme un témoin de l’Histoire, depuis la France de 1789 où il est initié au vampirisme, à l’âge de 21 ans, jusqu’à nos jours où il devient une rock Star qui éprouve le besoin de briser le cercle vicieux de sa solitude en profitant de ses pouvoirs pour gagner la gloire et la célébrité. Au XIXe, la figure du vampire ne présente pas encore cette complexité, mise à part quelques exceptions (Clarimonde dans la Morte amoureuse, Carmilla, Varney, dans un roman de 1847, le plus long des romans de vampires, 4x la taille de Dracula, dont l’auteur est incertain, qui finit par se suicider en se jetant dans le cratère du Vésuve à cause de ses états d’âmes), le vampire est le méchant de l’histoire et l’on se réjouit quand il est mis hors d’état de nuire et c’est un sentiment d’échec quand il arrive à s’en sortir (Lord Ruthven chez Polidori). Dans les romans plus contemporains, l’évolution est flagrante. Louis, dans Entretien avec un vampire, se pose la perpétuelle question de savoir s’il est un monstre ou encore un être humain. Ce n’est qu’au terme de sa quête qu’il comprend que ce n’est en fait ni l’un ni l’autre, le choix de son existence ne se posant pas en ces termes. 4 Parfois, l’élimination du vampire est assimilée à un crime pur et simple, comme dans le roman de Peter Atkins, Morning Star (1992) où le méchant est incarné par le chasseur de vampire, personnage sadique qui veut exterminer tous les membres de l’espèce vampiroque. Il finit éliminé par ses victimes, à l’issue d’une scène apocalyptique. L’un des vampires explique à la fin du roman pourquoi il s’est lancé dans cette mise à mort : « Frost tuait « l’autre ». Comme le font tous ceux de son espèce. Parfois l’autre à la peau noire. Parfois l’autre suce. Parfois l’autre ressemble à une mère qui serait morte. Frost s’est forgé son propre mythe, où il en a trouvé un qui lui convenait. » Nous sommes donc dans une période incontestable de réhabilitation du vampire. D’agresseur il devient victime. Dans Je suis une légende de Richard Matheson (1954), les vampires sont des survivants de l’apocalypse nucléaire, dont le métabolisme a été modifié suite à un virus, et voient en Neville, le dernier représentant de l’espèce humaine, un monstre dangereux et détesté de tous. Neville doit être exécuté et, au moment de mourir, il comprend leur attitude : « Pour eux, il incarnait une terrible menace, un fléau pire que la maladie avec laquelle ils avaient appris à vivre. Il était un invraisemblable spectre qui laissait comme seule preuve de son existence et de son passage les cadavres exsangues de ceux qu’ils aimaient. Et il comprit ce qu’ils ressentaient à sa vue, et il ne leur en voulut pas ». 5 II. Comment expliquer cette évolution ? Des raisons historiques : deux guerres mondiales, les totalitarismes, la guerre froide, la décolonisation, l’avènement de la société de consommation et son rejet en particulier auprès de la jeunesse. Crise identitaire à laquelle la religion, les idéologies traditionnelles n’apportent aucune réponse. Un monde devenu incertain, sans certitude ni finalité acquise et acceptée, les notions de mal et de bien deviennent dès lors relatives. En devenant un personnage comme les autres, en exprimant sa propre vision du monde, le vampire change de rôle : il n’est plus un monstre, c’est-à-dire un élément de rupture dans l’équilibre du monde dont il faut se débarrasser, il devient un accusateur. Il porte un regard critique sur nous. S’il est un monstre ce n’est que pour mieux souligner la monstruosité qui est en nous (Voir début et fin du film Entretien avec un vampire : long plan séquence d’introduction durant lequel la caméra se promène à hauteur de vue des hommes et femmes qui marchent dans la rue. La caméra se fond dans la foule, elle s’arrête devant la façade d’un immeuble, progressivement elle remonte en direction d’une fenêtre à travers laquelle regarde Louis. Hors de la foule, hors du monde, le silence se fait dans la pièce quand la caméra pénètre à l’intérieur. Louis est un observateur de notre société, mais qui porte sur nous un regard critique, celui d’un témoin de nos actions dans l’Histoire, une critique qui explose à la fin de son récit, quand le journaliste, ébahi par le récit de sa non-vie, lui demande de faire de lui un vampire : « Vous ne m’avez pas écouté *…+ ça vous excite de servir de nourriture pour les immortels ! »). 6 Le vampire n’est plus l’image de l’Autre, il est devenu notre propre reflet. Il n’est plus issu de lointaines contrées, il est désormais notre voisin de palier et, à ce titre, il nous observe et il nous juge selon ses propres critères. Il nous invite à découvrir une vérité que nous refusons souvent de voir en face, selon laquelle on est toujours le vampire de quelqu’un. Des raisons psychanalytiques : rôle du vampire dans l’imaginaire collectif s’est modifié. Au XIXe : il fait partie du domaine de l’interdit. Il incarne les fantasmes sexuels que la société condamne et refoule dans son subconscient. Quand il est séduisant, le vampire est un fruit défendu dont la consommation entraîne la chute. Lord Ruthven est un Dom Juan pervers qui choisit parmi ses victimes les jeunes filles les plus innocentes afin de mieux les pervertir. Le vampire incarne une sexualité interdite : Clarimonde dans la Morte amoureuse incarne le péché de chair pour Romuald, jeune prêtre voué au célibat et à la chasteté. Carmilla éveille chez Laura des désirs troubles, homosexuels, que réprouvent les mœurs de l’époque (ainsi que la justice). Dans Dracula, le jeune Harker tente d’oublier sa jeune épouse quand il est confronté aux trois épouses du comte : « Je sentis le doux contact de ses lèvres sur ma peau et le contact de deux dents aigües qui semblaient attendre encore une seconde avant de mordre doucement. Je fermai les yeux, pris par un sentiment d’extase, et attendis, attendis, le cœur battant ». 7 La sexualité est interdite, tout du moins sévèrement encadrée, car il y a toujours une autorité qui vient s’interposer. Une autorité généralement représentée par un homme adulte qui symbolise la figure paternelle. Dans La morte amoureuse, c’est l’abbé Sérapion, dans Carmilla, c’est la général Spielsdorf, dans Dracula, c’est à la fois le Dr Van Helsing et le vampire lui-même qui s’interpose entre les femmes vampires et Jonathan Harker. Littérature au final très ambiguë, qui joue avec les tabous, flatte les désirs érotiques du lecteur tout en les réprimant au nom de la morale établie (une pratique littéraire très en vogue au sein de la très chaste et… très longue… période victorienne !). Au XXe, avec les premiers signes de libération sexuelle les carcans de la censure commencent à se fissurer, même s’ils ne disparaissent pas complètement : Twilight = amour chaste et pur entre une adolescente plutôt mal dans sa peau et un vampire qui incarne l’idéal masculin. Un amour qui ne tombe pas dans le scabreux mais reste enveloppé d’une chape de pureté dégoulinante en lien direct avec les codes sociaux de la société pour laquelle ce récit a été écrit, celle de la société américaine, très puritaine, qui refuse que la transgression, sous toutes ses formes, soit poussée trop loin quand il s’agit d’un public de jeunes ados (12 ans). Le vampire est devenu un symbole sexuel, en particulier grâce au cinéma. Dans Entretien avec un vampire, on décrit sans équivoque des relations entre des vampires de sexe masculin. Le vampire est un levier pour exprimer une révolte contre une société qui opprime, qui oppresse, d’où son succès évident auprès du public adolescent. 8 C’est le « je » qui s’oppose aux autres. On comprend mieux que dans la période que nous vivons, marquée par la hantise du chômage, l’effondrement des idéologies, la dégradation des conditions de vie, le vampire puisse avoir un attrait auprès d’un certain public qui a besoin de se définir des valeurs nouvelles afin de pouvoir envisager l’avenir d’une manière radicalement différente : construire un monde nouveau au sein duquel il n’y aurait plus d’héritage à recueillir et à préserver (la mode gothique en est un reflet très évident). Toujours dans Twilight, Bella évolue ainsi dans un monde qui est en rupture totale avec l’environnement classique, en particulier familial, qu’elle connaissait jusqu’alors. Au contact d’Edward elle redéfinit ainsi ses valeurs, soj=n mode de vie, en effaçant progressivement les liens qui l’unissent à ses parents ou à ses amis « ordinaires ». Le vampire moderne n’est plus alors, pour parler en termes freudiens, un personnage immonde qui incarnerait les sombres pulsions du « ça », mais une sorte de « surmoi » que l’on admire et auquel on rêve de s’identifier. III. Le vampire au cinéma Evolution majeure sur le plan de l’esthétique. Domination de l’image, dans les mass-médias, influence des éléments traditionnels repérés dans les croyances populaires puis dans les premiers romans du XIXe, puis une littérature et un cinéma qui vont prendre leur indépendance et renouveler par eux-mêmes les formes esthétiques et narrative du mythe du vampire sans aller puiser dans d’autres référents culturels. Par exemple : Dracula de F.F Coppola, synthèse entre tradition et modernité 9 Film qui respecte la tradition : retour à l’origine littéraire, elle-même fidèle aux éléments traditionnels du mythe. Dans le même temps, entreprise de modernisation de l’image du vampire en l’adaptant au contexte contemporain (1992) et aux attentes d’un public amateur de romanesque, mais aussi de violence, d’images fortes et d’érotisme. Respect de la tradition : Le film se veut une adaptation fidèle au roman de Stocker. Structure en 3 parties (voyage de Jonathan Harker, séjour de Dracula en Angleterre, course-poursuite finale). Enchâssement du récit qui respecte la structure épistolaire du roman. Mise en avant de quelques personnages jusque-là dédaignés : Quincey Morris, le Dr aliéniste, le Dr Seward. Mise en avant de quelques lieux : le port de Whitby où accoste le Déméter. Liaison entre Dracula et se figure historique, Vlad Tépès, à travers le prologue du film qui ancre le mythe dans une histoire ellemême légendaire. Hommage aux adaptations précédentes, en particulier au cinéma hollywoodien. Premières images de Dracula dans les rues de Londres, filmées avec une ancienne caméra Pathé, qui évoque le cinéma des premiers temps. Une séquence qui précède une autre scène où Dracula entre dans une salle de cinéma et regarde des tremblotantes de femmes dansant lascivement. Apports modernes : Images romantiques du monstre. Histoire d’amour entre le comte et Mina Harker. 10 Scène finale où Dracula est figuré dans une posture quasi-christique dans une séquence où se mêlent la mort et la rédemption du vampire. Figure marquée par une hyperlisibilité : référence à tout un corpus d’éléments traditionnellement attachés à la figure du vampire, qui permettent de le reconnaître sans avoir à le nommer expressément : la cape, la chauve-souris, les canines, le cercueil, etc. Parmi ces éléments : synthèse des principaux éléments constitutifs du mythe tels qu’ils se constituent à partir du Moyen-âge, auxquels on rajoute ceux que la littérature et le cinéma ont produit depuis le XIXe. Important de citer le poids colossal du cinéma dans la construction de cette hyperlisibilité (par exemple la mort du vampire dès que l’aube arrive vient du Nosferatu de Murnau, auparavant, rien n’indique que le jour puisse tuer le vampire. Dans le Dracula de Stocker, on nous précise même qu’il peut vivre en plein jour, mais il perd l’ensemble de ses pouvoirs). Puissance inhérente à l’image. L’hyperlisibilité dans sa forme cinématographique concourt à des figures de plus en plus excessives qui font la part belle à la monstration : surenchère dans la violence, dans la sexualité. Spectacle d’horreur fondé sur une violente expressivité (film de Carpenter, roman de Poppy Z. Brite): corps déchirés par les crocs, les griffes, corps dénudés, plaisir sexuel, etc. Le mythe moderne est donc en perpétuel mouvement : se maintient dans ses formes traditionnelles, se renouvelle en intensifiant ou prolongeant certains éléments déjà connus, ou dérive en en construisant de nouveaux, au risque de connaître un débordement, c’est-à-dire de prendre le risque de faire disparaître le mythe sous le coup des excès qu’il subit. 11 Twilight synthétise tous ces aspects : formes traditionnelles dans la physiologie du vampire, en particulier le teint blafard de la peau, les incontournables canines. Prolongement d’autres éléments, par exemple la réaction au soleil qui n’entraine plus la mort du vampire par combustion, mais l’enveloppe d’un hâle de lumière scintillante. Et puis, nous allons trouver des éléments de renouvellement propres au mythe tel que se l’approprie Stéphanie Meyer avec le problème du débordement qui risque alors de se poser: à trop intégrer le vampire dans le monde réel, en particulier dans l’univers adolescent (très fantasmé par ailleurs), on ne le perçoit plus comme un monstre dans le sens littéral du terme, c’est-à-dire comme une rupture dans l’équilibre du monde. Auparavant, même quand il nous était montré de façon sympathique, le vampire restait marqué par des traits négatifs : c’est un prédateur qui voit les humains soit comme des proies, soit comme une tentation qui le torture d’il refuse sa nature meurtrière (voir le personnage de Louis dans Entretien avec un Vampire); solitaire, il ne meurt pas, traverse le temps sans changer physiquement, il doit donc éviter le regard prolongé de la société ; il vit la nuit, c’est-à-dire hors du temps social. Pour toutes ces raisons, il ne peut pas partager le même quotidien que celui des hommes. Or, c’est évidemment ce qui pose problème dans Twilight, où les vampires vivent une vie sublimée d’adolescents ; Edward a une vie sociale, fréquente le lycée, étudie comme tout un chacun (même s’il n’en a guère besoin). Il ne dort pas mais il possède une chambre, sans lit certes, mais typique de celle dont pourrait rêver un jeune ado. Tous les membres de son espèce attirent les regards du fait de leur beauté (une camarade de classe avertit même Bella dès le début du roman qu’Edward a refusé les avances de toutes les filles du lycée), leur richesse, ils possèdent une famille dans laquelle le père et la mère représentent les cadres structurant une famille idéale, où la discussion, la compréhension, l’amour bénéficient à 12 tous… bref, la question se pose dès lors si nous sommes toujours dans le mythe du vampire, là où nous ne voyons plus que des avantages sans poser la question des défauts de cette nature… qui reste maudite (le thème est abordé à travers la mélancolie du personnage, ce qui reste, somme toute, assez léger). A ce titre, Edward se révèle être une figure aussi vide de sens que celle d’un héros de jeu vidéo, bondissant, aux supers pouvoirs, mais qui n’a strictement rien à nous apprendre sur nous-mêmes. 13
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