CHAPITRE 10 LE DÉTROIT DE COOK EN ALASKA 10.1 Introduction

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CHAPITRE 10 LE DÉTROIT DE COOK EN ALASKA 10.1 Introduction
CHAPITRE 10
LE DÉTROIT DE COOK EN ALASKA
10.1 Introduction
Dans l’environnement naturel, les interactions sont suffisamment complexes pour qu’il ne soit pas toujours
possible d’estimer avec exactitude les effets d’une activité nouvelle, comme la production de gaz et de
pétrole. On peut néanmoins obtenir de précieuses indications en étudiant des bassins similaires où
l’industrie du pétrole et du gaz est rendue au stade adulte. Le bassin du détroit de Cook, en Alaska, présente
de nombreux traits communs avec le bassin de la Reine-Charlotte (BRC) (Strong et coll., 2002), et il y a
donc lieu de l’analyser de plus près. Le résumé qui suit est basé sur les recherches de Pauline Honarvar.
Le détroit de Cook se trouve sur la côte centre-sud de l’Alaska (Figure 10.1), et une industrie dynamique du
pétrole et du gaz y est présente depuis près de 50 ans. On a découvert du pétrole sur terre en 1957, à
hauteur de Swanson River (80 km au S-O d’Anchorage) et en mer en 1963, au centre du détroit (Wagner,
1969).
Figure 10.1 Carte du détroit de Cook, Alaska. Les points rouges sur le rivage ouest du détroit marquent
l’emplacement des volcans actifs.
Anchorage, située à la tête du détroit de Cook, est la plus grande ville de l’Alaska (population de
260 000 habitants) et constitue un grand port de mer. Les autres villes du détroit de Cook sont Kenai (6 900
habitants) et Nikiski (4 300 habitants). En comparaison, Prince Rupert (la ville la plus importante dans le
BRC) est également un port de mer important, mais sa population n’est que de 17 000 personnes, et la
population totale des îles de la Reine-Charlotte est d’environ 6 000 personnes. La population dans la région
du détroit de Cook est donc beaucoup plus importante que dans le bassin de la Reine-Charlotte (BRC).
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Les similarités entre le détroit de Cook et le BRC sont nombreuses. Les réserves de pétrole et de gaz du
détroit de Cook sont similaires aux réserves potentielles estimées par Hannigan et coll. (voir la section 10.2
ci-dessous). Le détroit et le bassin sont tous deux des voies navigables fermées – le détroit de Cook est un
estuaire tidal, et le détroit d’Hécate est un environnement de plateau partiellement abrité. Dans chacune de
ces régions, on trouve une industrie des pêches établie depuis longtemps, une industrie touristique
croissante, les inquiétudes environnementales y sont similaires (protection des parcs, sanctuaires, habitats
critiques), les Premières nations y ont des intérêts, et l’on s’interroge sur la façon de trouver le juste
équilibre entre toutes ces activités concurrentielles et coexistantes.
Bon nombre des questions qui préoccupent les résidents et les groupes environnementaux de la C.-B. ont
déjà été traitées dans la région du détroit de Cook, et on peut s’en servir comme base pour surveiller les
activités pétrolières et gazières et leurs effets sur l’environnement dans le BRC. Une des principales
mesures prises dans la région du détroit de Cook, particulièrement après l’accident de l’Exxon Valdez, a été
d’établir des conseils et des « comités de surveillance », afin de faire participer le public aux activités de
surveillance de la production et du transport du pétrole et du gaz. Il s’agit de projets réels de surveillance,
avec un volet d’éducation et d’information.
Figure 10.2 Carte du bassin géologique du détroit de Cook, d’après les limites des baux gaziers et pétroliers dans
cette région (tiré http://www.dog.dnr.state.ak.us/oil/products/publications/cookinlet/cookinlet.htm, J. Cowan, Alaska
Department of Natural Resources, 2003, comm. pers., présentation en atelier)
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10.2 Production de pétrole et de gaz
Le bassin du détroit de Cook (Boyd et Shively, 1999) a une longueur d’environ 380 km et une largeur
d’environ 70 km (Figure 10.2). Le BRC a une longueur de 470 km (depuis l’enclave de l’Alaska jusqu’aux
îles Scott, au nord de l’île de Vancouver), et une largeur d’environ 100 km. Dans les deux bassins, les
zones pétrolifères les plus importantes ont à peu près la même longueur – environ 200 km – mais la zone
pétrolifère du détroit de Cook est un peu plus large.
Dans le détroit de Cook, on a découvert en 1957 du pétrole et du gaz sur terre, dans la région de Swanson
River, puis en 1963 on a trouvé du pétrole au centre du détroit (Figure 10.3; Wagner, 1969). On compte
actuellement sept champs de pétrole en production dans la péninsule de Kenai (> 30 000 barils/jour) et
17 champs de gaz (> 485 millions pi³/jour), selon l’Alaska's Oil and Gas Association (AOGA, 2000).
Quinze plates-formes exploitent les champs au large. Celles-ci sont reliées par pipeline à des réservoirs sur
terre, à partir desquels le pétrole est transféré par pétrolier à la raffinerie de Nikiski, où l’on trouve
également une usine d’engrais et une usine de liquéfaction du gaz. La production de pétrole a été maximale
en 1970, avec 230 000 barils/jour. Elle est actuellement d’environ 30 000 barils/jour (et l’on s’attend à ce
qu’elle fléchisse à 7 000 barils/jour d’ici 2003; AOGA, 2000). L’industrie du pétrole et du gaz emploie plus
de 1 500 travailleurs, et plusieurs centaines d’autres en sous-traitance, et elle injecte plusieurs centaines de
millions de dollars chaque année dans l’économie locale.
Figure 10.3 Carte des installations pétrolières dans le bassin du détroit de Cook. Les champs pétroliers et gaziers sont
en bleu; les pipelines sont également indiqués. Il y a une raffinerie de pétrole à Nikiski. (D’après Cook Inlet Keeper,
2003).
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La production totale cumulative dans le détroit de Cook jusqu’en 2000 a été de 1,2 milliards de barils de
pétrole brut et de 5,6 billions de pi3 de gaz naturel. On estime que 90 % des réserves récupérables ont été
extraites (AOGA, 2000). Selon Hannigan et coll. (2001), le BRC devrait offrir six champs de pétrole de
plus de 100 millions de barils récupérables, pour une quantité totale récupérable de 1,3 milliard de barils.
Pour ce qui est des ressources de gaz dans le BRC, il y aurait neuf champs de plus de 500 milliards de pi3,
pour une quantité totale récupérable de 9,8 billions de pi3 (Hannigan et coll., 2001). Les deux bassins sont
donc très similaires pour ce qui est de l’importance des réserves d’hydrocarbures.
Les systèmes pétroliers dans les deux bassins sont quelque peu similaires : dans les deux, on y retrouve des
roches-mères datant du Mésozoïque et des réservoirs datant du Tertiaire (voir, par exemple, Magoon, 1994,
pour le détroit de Cook). Dans les deux bassins, on trouve également des structures de compression (failles
et chevauchements), bien que l’on ne trouve pas dans le bassin du détroit de Cook les épisodes d’extension
et de cisaillement horizontal qui caractérisent le Tertiaire tardif dans le BRC.
10.3 Environnement physique
Boyd et Shively (1999) résument l’environnement physique du détroit de Cook. Les vents moyens au large
sont de 12 à 18 nœ uds, mais les chenaux dans les vallées peuvent donner lieu à des vents dépassant les
100 nœ uds, à terre. Dans le détroit de Cook, la profondeur de l’eau est habituellement de 20 à 40 m dans le
cours supérieur où l’on retrouve principalement la production du pétrole. Un chenal central atteint 75 m de
profondeur, et dans le cours inférieur, 150 m. L’amplitude des marées est relativement élevée dans le
détroit de Cook, l’amplitude diurne moyenne étant de 9 m à Anchorage. L’amplitude des marées et la
géométrie du détroit causent de forts courants : les courants de surface atteignent une vitesse maximale
d’environ 3 nœ uds, et les courants de fond de 1,5 nœ ud sont suffisamment forts pour former des vagues de
sable en migration; des courants atteignant 12 nœ uds ont été enregistrés à certains endroits. Ces courants
transportent des quantités importantes de sédiments glaciaires provenant de l’érosion des montagnes
environnantes, et qui sont déposés sur des méplats tidaux ou transportés au large vers la fosse des
Aléoutiennes. Enfin, le détroit de Cook est encombré de glaces d’octobre à avril.
Tout comme le BRC, le détroit de Cook se trouve à proximité d’une marge de plaque. La subduction de la
plaque de l’océan Pacifique sous la plaque nord-américaine provoque des tremblements de terre et des
volcans. Dans la région du détroit de Cook, on a dénombré 99 tremblements de terre d’une intensité
supérieure à 5,0 depuis 1899, dont quatre ont affiché une intensité supérieure à 7,0. Certaines failles de
poussée dans les zones pétrolières peuvent générer des séismes d’une intensité de 6,3 à 6,9. Les risques de
séisme sont un peu plus élevés que dans le BRC. Des volcans actifs occupent la rive ouest du détroit de
Cook. Les installations de production pétrolière sont hors de portée des coulées de cendre qui pourraient
être provoquées par toutes les éruptions, sauf les plus importantes, mais les inondations causées par la fonte
de la glace et des neiges sur les pentes supérieures qui reçoivent des matières éjectées par les volcans sont
un problème récurrent. L’impact des tsunamis produits à l’extérieur du détroit de Cook est faible, mais les
tsunamis causés par les avalanches de débris volcaniques locaux atteignant le littoral présentent un certain
danger potentiel. Les risques volcaniques dans le BRC sont relativement très faibles.
Les courants intenses perturbent les sédiments au fond du détroit de Cook. Au début de la production
pétrolière dans cette région, les pipelines ont connu des défaillances, problème attribué à l’érosion des
sédiments sous les pipelines. On a maintenant mis en place des mesures préventives, notamment en fixant
les tuyaux à des pilotis enfoncés dans le fond marin, en ancrant les tuyaux dans du béton, en utilisant des
tuyaux lourds et chemisés, et en effectuant régulièrement des levés par sonar latéral pour détecter les
déplacements de sédiments. L’érosion côtière est chose courante autour du détroit de Cook, comme autour
du BRC, et sur terre les installations doivent être bâties avec un certain retrait des côtes et des berges de
rivière. La traversée des plages sujettes à une forte érosion est autorisée, seulement avec un renforcement
adéquat des infrastructures.
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Les gisements peu profonds de gaz présentent des risques pour les structures reposant sur le fond marin
au-dessus de ces gisements. Certaines de ces structures ont causé des éruptions.
10.4 Levés sismiques
Depuis 1970, on a obtenu environ 19 600 km de données sismiques 2D et 500 km² de données sismiques
3D dans le détroit de Cook. Avant 1970, environ 4 000 à 5 000 km additionnels auraient été obtenus
(J. Cowan, Alaska Department of Natural Resources, comm. pers., 2003). La longueur totale des levés est
similaire aux profils sismiques totaux d’environ 21 000 km obtenus dans le BRC. Même si nous n’ayons
pas d’information sur les sources acoustiques utilisées pour les levés sismiques dans le détroit de Cook, on
peut présumer que la plupart des données obtenues avant les années 1970 l’ont été avec des explosifs, et
que la plupart des données après 1970 l’ont été avec des canons à air.
10.5 Déversements et éruptions de pétrole
Boyd et Shively (1999) présentent des statistiques sur les déversements de pétrole dans le détroit de Cook.
Entre 1965 et 1980, il y a eu 187 déversements, pour un volume total d’environ 7 600 barils. Ces
déversements étaient associés à la production et au transport du pétrole brut. Pendant cette même période, il
y a eu 206 autres déversements (navires de pêche, navires de transport de produits, autres), pour un volume
total de 23 000 barils. Entre 1987 et 1997, un peu plus de 5 000 barils ont été déversés dans le détroit, dont
96 % à l’occasion d’un même événement. Les déversements de pétrole dans le détroit de Cook, dus aux
travaux d’exploration et de production, entre 1984 et 1994, ont totalisé 250 barils, et dans le détroit de
Cook il n’y a jamais eu de déversement de pétrole majeur (> 1 000 barils) attribuable à cette phase
d’activité. Il n’y a jamais eu d’éruption de pétrole dans le détroit de Cook, mais il y a eu trois éruptions de
gaz.
Les défaillances de pipelines marins survenues dans le détroit de Cook, dans les années 1960 et au début
des années 1970, étaient dues à l’érosion des sédiments, à l’érosion par la glace, à la corrosion, aux
vibrations induites par les courants, aux fuites au niveau des raccords et au frottement sur les pipelines. Par
contre, depuis 1976, on n’a signalé aucune défaillance de pipeline reposant sur le fond marin, bien qu’il y
ait encore de petites fuites associées aux pipelines sous-marins. Les installations terrestres ont déversé très
peu de pétrole dans le détroit : dans les années 1990, on a signalé seulement deux ou trois incidents. Deux
déversements de pétrole par des pétroliers ont touché le détroit de Cook. En 1987, le pétrolier Glacier Bay,
en route vers la raffinerie de Nikiski, a déversé moins de 3 800 barils. Le déversement de l’Exxon Valdez
(262 000 barils) dans le détroit du Prince William, principal détroit côtier juste à l’est du détroit de Cook, a
perturbé les pêches dans le détroit de Cook.
Le détroit de Cook est le seul estuaire aux États-Unis dans lequel on rejette les déchets de forage. Dans tous
les autres estuaires américains, les activités de forage et d’extraction obéissent au principe de « rejet zéro ».
En outre, les plates-formes dans le détroit de Cook sont exemptées de cette exigence, en vertu d’une
dispense exceptionnelle du National Pollution Discharge Elimination System (NPDES). Selon les
estimations de 1996 réalisées par l’Environmental Protection Agency (EPA) des États-Unis, l’industrie du
pétrole et du gaz a rejeté plus de 50 millions de barils par année d’eau huileuse dans le détroit de Cook, ce
qui correspond à plus de 1 700 barils de pétrole brut par an. La dilution de cette quantité annuelle dans les
eaux du détroit de Cook représente une teneur en hydrocarbures de 1 partie sur 2 milliards. Or des
concentrations aussi faibles que 1 partie sur 1 milliard d’hydrocarbures polyaromatiques (HAP) peuvent
être toxiques pour les embryons de poissons si l’exposition est chronique (Carls et coll., 1999). Bien que les
niveaux moyens de concentration de HAP dans les eaux rejetées, après dilution dans le volume total des
eaux du détroit de Cook, soient inférieurs au niveau présentant un effet toxique pour les embryons, il peut y
avoir des concentrations transitoires locales toxiques.
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L’évaluation finale des impacts environnementaux de novembre 2003, pour la zone de planification du
détroit de Cook (MMS 2003-056, Lois Epstein, Cook Inlet Keeper, comm. pers.) indique qu’en vertu des
nouvelles exigences de l’EPA, les nouveaux projets de forage de mise en valeur ou de production sont
encore autorisés à rejeter les eaux usées et les eaux de drainage des plates-formes, mais ne peuvent plus
rejeter d’eau produite, ni de débris et de boues de forage.
10.6 Zones protégées
Le détroit de Cook compte quatre parcs nationaux, une forêt nationale, une réserve estuarienne nationale,
deux refuges fauniques nationaux, quatre parcs et sanctuaires d’État et sept zones d’habitat critiques
(CIRCAC, http://www.circac.org). La superficie totale protégée représente une partie importante des terres
adjacentes au détroit, et comprend plusieurs zones marines littorales (Figure 10.4). La protection du détroit
de Cook est plus avancée que celle du BRC, bien que la protection actuelle et les plans de protection
proposés pour le BRC pourraient comporter une partie plus grande de zone marine.
Figure 10.4 Carte des zones protégées dans le cours supérieur du détroit de Cook (d’après Boyd et Shively, 1999).
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10.7 Impacts sur le biote
Le cours inférieur du détroit de Cook est particulièrement riche en biote (Wagner, 1969). Le cours
supérieur du détroit de Cook est également une voie de migration importante pour les poissons, en route
vers les zones de frai. Le poisson d’élevage comprend le saumon, le flétan, la plie, la sole et le chabot.
Parmi les crustacés d’élevage, mentionnons le crabe, les crevettes, les palourdes, les pétoncles, les huîtres
et l’abalone.
Les pêches sont un segment important de l’économie de l’Alaska
(http://www.cf.adfg.state.ak.us/geninfo/about/budget/03overvw.pdf) et de la Colombie-Britannique
(http://www.agf.gov.bc.ca/fish_stats/pdf/BC_Fisheries_&_Aquaculture_Sector_2002.pdf). Les pêches
commerciales en Alaska représentent une valeur « hors navire » annuelle d’environ 1,5 milliard $CAN. La
pêche des poissons de fond représente plus de la moitié de cette valeur, et le saumon environ 20 %.
Dans le détroit de Cook, la pêche du saumon est la plus importante et sa valeur hors navire représente
environ 40 millions $CAN par année, ce qui dépasse légèrement la valeur totale des débarquements de
pêche commerciale du saumon en C.-B. (exception faite de l’aquiculture, qui représente environ
260 millions $). Il y a lieu de noter que les revenus de la pêche récréative du saumon, tant en Alaska qu’en
C.-B., en eau douce comme en eau salée, dépassent ceux de la pêche commerciale du saumon, et ce, d’un
ordre de grandeur. Si on utilise l’élevage du saumon comme indicateur des pêches commerciales dans le
détroit de Cook (p. ex., voir les statistiques annuelles par espèce :
http://www.cf.adfg.state.ak.us/region2/finfish/salmon/uci/ucihhar1960-2003.pdf), on constate que les
totaux annuels ont atteint un maximum à la fin des années 1980, et sont depuis revenus aux niveaux
similaires du début des années 1960. Cette variation des prises annuelles dans le secteur des pêches
s’explique par plusieurs raisons, dont les décisions administratives touchant les quotas de prise, la
fluctuation des prix et les niveaux des stocks. Une industrie fructueuse de la pêche au saumon continue de
coexister avec les activités pétrolières et gazières dans le détroit de Cook.
Chez les mammifères marins, les bélugas dans le détroit de Cook (Huntington, 2000) figurent maintenant
sur la liste des espèces dont la protection est envisagée en vertu de l’Endangered Species Act des États-Unis
(http://www.fakr.noaa.gov/protectedresources/esaakspecies.pdf). L’effet des déversements de pétrole sur la
réduction des proies, et donc la réduction subséquente de la population de bélugas, est jugé incertain
(http://www.fakr.noaa.gov/protectedresources/whales/beluga/eis2003/final.pdf).
10.8 Participation de la communauté
Un aspect notable de l’activité pétrolière et gazière dans le détroit de Cook est la participation des divers
groupes intéressés, qui surveillent et avisent l’industrie et les organismes de réglementation. Cette
participation découle en grande partie du déversement de pétrole par l’Exxon Valdez en 1989 dans le
détroit de Prince William avoisinant. L’Oil Pollution Act, adoptée en 1990, stipule que « c’est seulement
lorsque les citoyens locaux participent au processus qu’on obtiendra la confiance requise pour modifier le
système actuel, et passer de la confrontation au consensus ». La participation de la communauté a été jugée
essentielle, en réaction aux déversements de pétrole et aux autres problèmes environnementaux causés par
les compagnies de pétrole et de gaz, et ce, il y a encore récemment, en 1995 (voir le Cook Inlet Keeper
ci-dessous). Les notes suivantes sur les divers groupes démontrent comment l’industrie, le gouvernement et
la communauté pourraient coopérer dans le BRC, si jamais le moratoire était levé.
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Exxon Valdez Oil Spill Trustee Council (EVOSTC : http://www.oilspill.state.ak.us)
L’accident de l’Exxon Valdez s’est produit en mars 1989, dans le détroit du Prince William, juste à l’est du
détroit de Cook. Un total de 262 000 barils de pétrole brut se sont répandus le long de 1 300 milles de la
côte sud de l’Alaska. L’Exxon Valdez Oil Spill Trustee Council a été formé afin de superviser le
rétablissement de l’écosystème affecté, notamment grâce à la somme de 900 millions $ obtenue en
dédommagement au civil. Ce conseil a financé quelques groupes dans le détroit de Cook (CIRCAC,
CIIMMS; voir ci-dessous).
Même si 14 années se sont passées depuis le déversement, il reste encore du pétrole dans les zones
touchées. Les habitats intertidaux et les habitats subtidaux peu profonds sont encore contaminés, certaines
espèces ne se sont pas rétablies et la productivité de l’écosystème, mesurée par la pêche au saumon et au
hareng, n’est pas revenue au niveau d’avant le déversement
(http://www.afsc.noaa.gov/abl/oilspill/oilspill.htm : le laboratoire d’Auke Bay réalise des projets de
recherche financés par le conseil EVOSTC). Au cours des premières années de remise en état, l’industrie et
des observateurs indépendants ont estimé de façon fort différente l’effet du déversement et le
rétablissement du biote (R. Greer, 2003, comm. pers., présentation en atelier).
Cook Inlet Regional Citizens Advisory Council (CIRCAC: http://www.circac.org)
Financé en partie par le conseil EVOSTC, le CIRCAC a été établi en 1991, dans la foulée de l’Oil Spill Act,
de 1990. La mission du conseil est de « représenter les citoyens du détroit de Cook afin de promouvoir le
transport marin et les opérations pétrolières qui soient respectueux de l’environnement dans le détroit de
Cook ». Il s’agit donc de : 1) surveiller les effets des opérations et faire des recherches sur le sujet;
2) présenter des conseils pour ce qui est de la réglementation; 3) examiner les permis de l’industrie, la
réglementation et les plans d’intervention d’urgence pour les installations et les pétroliers; 4) recommander
des modifications aux pratiques existantes. La loi oblige les grandes compagnies pétrolières présentes dans
le détroit de Cook à financer chaque année le CIRCAC.
Alaska's Cooperatively Implemented Information Management and Monitoring System (CIIMMS:
info.dec.state.ak.us/ciimms)
Il s’agit d’un autre projet financé par le conseil EVOSTC, par l’intermédiaire du ministère de la
Conservation de l’environnement de l’Alaska et du ministère des Ressources naturelles de l’Alaska. Le
projet CIIMMS offre au public des sources d’information sur Internet au sujet des ressources naturelles de
l’Alaska. Cette information comprend un large éventail de cartes et de bases de données accessibles au
public, portant sur le sud de l’Alaska, et qui ont été offertes par de nombreux groupes. Ce système
deviendra d’ici quelques années un système d’information couvrant l’ensemble de l’État.
Cook Inlet Keeper (CIK: http://www.inletkeeper.org/abtkeeper.htm)
Le Cook Inlet Keeper a été établi par des organisations environnementales en 1995, grâce à des fonds de
démarrage d’une durée de 3 ans octroyés par les compagnies de pétrole (Unocal, Shell-Western et
Marathon). Le but de ce projet était, en partie, de régler 4 000 violations de permis au cours des cinq années
précédentes, touchant le rejet dans le détroit de Cook des eaux grises et des eaux produites. L’EPA a jugé
que les accusations étaient suffisamment graves pour se joindre aux plaignants. Le CIK assure l’éducation
du public, surveille l’état environnemental des bassins hydrographiques autour du détroit, et porte une
attention particulière à la qualité de l’eau dans les ruisseaux, les lacs et les estuaires.
10.9 Conclusions
Dans le détroit de Cook, l’industrie de la pêche commerciale est fructueuse, la pêche sportive est très
lucrative et le tourisme est à la hausse (un million de personnes visitent Anchorage chaque année), et toutes
ces activités coexistent depuis plus de 40 ans avec les activités pétrolières et gazières, lesquelles emploient
environ 1 500 personnes dans la région et injectent chaque année plusieurs centaines de millions de dollars
dans l’économie de l’Alaska (AOGA, 2000). La coordination des groupes de citoyens avec les parties
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intéressées de l’industrie et du gouvernement est précieuse pour surveiller la performance de l’industrie et
ses plans futurs. L’éducation publique et la surveillance de l’environnement, jumelées aux sources
d’information déjà disponibles, sont les éléments clés de ce processus. Les effets des activités pétrolières
sur l’environnement sont atténués, grâce à des technologies et à des méthodes améliorées.
On peut tirer une leçon importante de l’histoire du détroit de Cook : la valeur de citoyens éduqués et
informés. Grâce à la coordination assurée par des groupes représentant des intérêts divers et multiples, la
communauté a entrepris de surveiller la qualité de l’eau et le biote, d’effectuer un contrôle indépendant de
la performance de l’industrie et de la qualité de l’environnement en général, qui est touché par de
nombreux autres processus, tant naturels qu’anthropiques. L’acquisition de données de base pour évaluer
les changements est également de première importance. L’efficacité d’une réglementation toujours plus
stricte est manifeste, car elle permet de réduire les déversements, ainsi que les rejets autorisés de déchets
par les opérations extracôtières.
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