Culture mobilité

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Culture mobilité
Culture mobilité : définition du rôle de la personne ressource
mobilité et prévention des chutes en EMS.
Auteurs :
Pierre BELLEMARE filière de Physiothérapie Haute École de Santé HES-SO Genève,
Catherine GUILLOD filière Soins Infirmiers Haute École de Santé HES-SO Genève,
Marc DIBY filière Soins Infirmiers Haute École de Santé, HES-SO Genève
Adresse de correspondance :
Pierre Bellemare, chargé d’enseignement, filière de Physiothérapie, HES-SO Genève (Haute
Ecole de Santé) 25 rue des Caroubiers, 1227-Carouge/Genève ;
[email protected]
Résumé :
La culture mobilité est un concept qui repose sur la prise en compte d’une
coordination entre les capacités et les besoins de mobilité des résidents vivant en
EMS. Cette coordination implique une évaluation efficace et régulière du résident
dans le but de lui proposer une offre mobilité spécifiques dont le but ultime est le
maintien de l’autonomie et de la qualité de vie. Ce concept s’inscrit dans une
promotion durable de l’activité physique ciblée dans le milieu de vie du résident
vivant en EMS. Il est viable par la création d’un processus englobant des personnes
ressources mobilité engagées pour la promotion de la mobilité et de la prévention
des chutes.
Encourager la mobilité en regard des besoins spécifiques du résident est un gage de
qualité pour l’image de marque de l’institution, un symbole d’ouverture sur la
collaboration élargie avec le résident, l’équipe soignante et la famille.
La culture mobilité à un impact direct sur la qualité de vie des séniors vivant en
institution et sur la qualité des soins prodigués par ceux qui les accompagnent.
Mots clés :
Culture mobilité, établissement médicosocial (EMS), Personne ressource mobilité,
Morbidité compressée, Physiothérapie.
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Introduction
Les conséquences somatiques, psychologiques et sociales des chutes sont lourdes
chez les personnes âgées fragiles.
Ce sujet complexe, s’appuie sur des données probantes depuis quelques années et
permet ainsi de mettre en évidence les facteurs de risque multifactoriels et
l’approche interprofessionnelle indispensable.
Le phénomène qui prévaut actuellement en Occident en regard de la population
vieillissante a des répercussions directes sur la manière de considérer les
ajustements qui doivent être envisagés dans les EMS, en Suisse. En effet, la
littérature qui se penche sur le devenir des aînés, où qu’ils vivent, est unanime; le
maintien de la mobilité dans les quatre sphères ; force, endurance, équilibre et
souplesse sont des facteurs fondamentaux à prendre en compte pour le maintien de
la mobilité. Et comme le précise Paterson (2007), il n’y a pas d’âge pour reconstruire
la force musculaire d’une personne, et ce, même malgré l’apparition des
phénomènes de sarcopénie et de dynapénie. En considérant les types de
vieillissement que l’on rencontre chez les résidents en EMS, qu’ils soient considérés
comme réussis, habituels, fragiles ou pathologiques, tel que le décrit Martel (2013) le
physiothérapeute (et jusqu’à un certain point tous les autres professionnels de la
santé) a une place prépondérante pour le dépistage, la prévention et la prise en
charge de la personne âgée en perte d’autonomie. Qu’ils soient autonomes
physiquement et/ou cognitivement ou en déficit à l’intérieur de ces sphères, la
mobilité doit être envisagée dans une prise en charge propre aux besoins
spécifiques de chacun des résidents.
Culture mobilité
La valorisation de la mobilité auprès des aînées vivant en EMS dans une perspective
de prévention des chutes n’est plus à démontrer (Chang et al. 2004, Close & Lord
2011, Sherrington, Tiedeman, Fairhall, Close &Lord 2011). A Genève, une
collaboration étroite avec la Fédération genevoise des EMS (FEGEMS) et la Haute
Ecole Spécialisée de Suisse Occidentale (HES-SO) de Genève via sa Haute école
de Santé (HEDS) existe dans le cadre du « Dispositif de prévention des chutes et du
maintien de l’autonomie des personnes âgées vivant en EMS ». Ce dispositif se
pérennise depuis 2006 (Loew & Maupetit, 2005). Cela a permis aux institutions
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concernées de constituer une équipe interdisciplinaire de projet visant une démarche
systématique de prévention des chutes. Celle-ci s’intègre dans le quotidien de
l’établissement. Les groupes de projet en EMS ont mis en œuvre des mesures
ciblées de prévention dans le quotidien des soins à la personne âgée. Ils assurent de
plus en plus un suivi personnalisé et un processus de gestion du risque. Les
professionnels de ces EMS genevois ont développé de nouvelles pratiques
interdisciplinaires les amenant à maîtriser les mesures de prévention des chutes et à
les optimiser, en définir des stratégies internes accessibles à tout le personnel.
Cette idée s’inscrit dans un nouveau paradigme, celui de la morbidité compressée
(Depiesse 2009) dont le postulat est le suivant « Plus on reste actif longtemps dans
sa vie, moins longue sera la période de morbidité aux derniers jours de la vie. ».
(Figure 1)
Figure 1 : Relation entre la mobilité et la morbidité dans un rapport de progression
Que l’on adhère ou non à cette idée de compression de la morbidité, il faut
comprendre que le manque de mobilité d’un être humain a de graves répercussions
sur le poids de sa prise en charge, quand il se retrouve en état de dépendance
accrue. La capacité qu’il aura de se mouvoir influencera le degré d’intervention de
l’équipe soignante.
Traçabilité du suivi du résident dans son environnement
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L’informatisation du dossier de soin a permis d’intégrer une évaluation multifactorielle
du risque de chute à l’entrée du résident. Le diagnostic infirmier de risque de chute
est identifié, les objectifs et les mesures prises sont discutés avec le résident et leurs
proches. Dans ce sens, les EMS genevois ont adoptés, après consensus, un
formulaire de recueil de données de déclaration de la chute ou glissade dès 2004,
celui- ci a été révisé une fois en 2010 (FEGEMS 2010). Depuis, les chutes sont
répertoriées et examinées lors de colloques interdisciplinaires dans de nombreux
EMS. Des statistiques sont ainsi établies et présentés aux équipes soignantes.
L’approche des mesures générales de prévention ont pu aussi évoluer pour
s’appliquer à l’ensemble des résidents et peuvent être discutées de manière
interprofessionnelle. La médication des résidents est remise en question tous les 6
mois et la prescription de vitamine D est devenue plus fréquente chez tous les
résidents présentant un risque accru de chute.
Les zones environnementales identifiées comme zones à risque sont documentées
aussi réaménagées de manière à favoriser la sécurité de mouvement des résidents.
Les personnes ressources « Mobilité et prévention des chutes »
L’idée dans laquelle s’inscrit la mise en place de la personne ressource mobilité doit
être vu dans une vision globale, intégrée à l’établissement. Pour que ce processus
puisse évoluer de manière optimale, la direction de l’EMS doit pouvoir endosser
pleinement l’implantation d’un groupe de projet mobilité et prévention des chutes
(qui se transformera dans le temps en un groupe de processus) dont la mission sera
de mettre en place les recommandations de bonnes pratiques autour de la
prévention des chutes dont la promotion de la mobilité, l’état de la nutritionnel, le
statut médicamenteux et l’environnement font partie. Ce processus commence dès
l’admission du résident et tout au long de son séjour afin de proposer une offre de
mobilité la mieux adaptée dans le but ultime de prévenir les événements fâcheux
conséquents à la chute et maintenir la qualité de vie du résident. La personne
ressource mobilité s’assure aussi que les éventuelles chutes et leurs conséquences
soient suivies d’actions correctrices dans le processus de prise en charge du
résident par le biais de cibles de soins spécifiques après analyse
interprofessionnelle.
La personne ressource mobilité se définit comme une personne avec des
compétences spécifiques d’accompagnement et de promotion des changements de
pratiques, une analyse pertinente de l’organisation des processus de travail. Elle doit
investir le rôle de leadership et assurer une communication efficace avec les
membres du groupe. Cette personne a un champ de connaissances spécialisées
dans le domaine et elle est soutenue par sa direction en termes de temps, de feuille
charge et de ressources matérielles. Une nouvelle fonction au sein des EMS vient
d’apparaître.
Quatre phases de la promotion de la mobilité
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Première phase : Evaluation de dépistage
Il s’agit dès l’admission de proposer une évaluation la plus complète possible de la
personne qui garantit une prise en compte de son projet de vie. L’évaluation
générale respecte les bonnes pratiques en vigueurs relativement aux spécificités de
la personne âgée (HAS 2005) en regard du cadre de prévention et les trois
principaux axes : environnement, médicaments à risques et maintien d’une mobilité
adaptée.
Au niveau physique, selon les spécificités du résident, différents tests de dépistages
permettent de situer le niveau de la personne et ainsi mieux orienter la prise en
charge au cours de son séjour (tableau 1).
Nom du test
Caractéristique
Time Up and Go
(TUG)
Se lever marcher trois
mètres
Tourner autour d’un cône
puis revenir s’assoir,
e
mesurer le 2 essai.
Se lever et s’assoir d’une
chaise 5 fois
Sit to stand
Temps de réalisation
du test
Environ 5 minutes
Standard
Environ 5 minutes
+/-10 secondes
Selon l’âge
(Bohannon, 2007)
Adapté au sujet de 75
ans cognitivement
compétent
(Tinetti, 1995)
> 51; risque élevé
(Morse 2006)
Test de Tinetti
Equilibre dynamique
Environ 15 minutes
(adaptable en partie)
Echelle de MORSE
Dépistage et identification
du niveau de risque de
chute
Propre aux EMS qui les
ont conçus
Environ 15 minutes
Test de dépistage de
la mobilité spécifique
Selon les items du test
Moins de 14 secondes
est considéré comme
sans particularité.
(Podsiadlo, 1991)
Selon les EMS
(Foyer du Vallon ou
Résidence de la Rive)
Tableau 1 : Liste de quelques tests pertinents et simple à réaliser pour le dépistage de la mobilité des
résidents en EMS.
Deuxième phase : Inventaire des capacités physiques.
Cette phase consiste à faire l’inventaire des capacités physiques du résident pour
pouvoir lui permettre de maximiser ses activités et sa participation dans le cadre de
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son quotidien. En effet, au sens de l’Organisation Mondiale de la Santé (CIF, 2001),
les activités sont de l’ordre personnel et la participation s’entend au niveau sociétal,
ces deux sphères sont indissociables l’une de l’autre. Ainsi, dans le respect de ses
goûts et de ses désirs spécifiques le résident est invité à intégrer un rythme de vie
qui englobe la culture de la mobilité.
Troisième phase : Projet de vie
Les objectifs du résident en lien avec son niveau de participation permettent de cibler
quel type d’activité il peut bénéficier et lesquelles il souhaite entreprendre. Par
exemple, pour pouvoir continuer à aller au théâtre, un résident doit maintenir la force
dans les jambes pour emprunter des escaliers abruptes. Ou encore, pour qu’un
résident puisse continuer à participer aux sorties avec sa famille, il doit pouvoir
maintenir un niveau d’endurance minimum. A partir des besoins et des contextes
spécifiques propres à chaque personne, l’EMS doit pouvoir proposer une offre
mobilité adaptée en termes de fréquence et d’intensité.
Il existe plusieurs possibilités de mise en œuvre d’activités qui permettent au résident
de bouger dans le cadre de son quotidien. Les séances collectives peuvent être
planifiées par des activités physiques adaptées, comme la gymnastiques de groupe,
le Tai Chi, le Qi Gong, la rythmique Jacques Dalcroze, la marche adaptée, les thés
dansant ou encore les séances individuelles par l’intermédiaire de matériel mis à
disposition dans l’environnement. Le maintien de la force musculaire avec les
bandes élastiques, du vélo-fauteuil ou des parcours d’obstacles au jardin ou en
intérieur en salle d’animation peut être pratiqué au quotidien. Toutes les occasions
sont bonnes pour favoriser la mobilité du résident au jour le jour.
Précisons, ici, que notre expérience de séance de coaching dans plus d’une
vingtaine d’établissements nous a permis de constater l’appellation générique de
« gymnastique douce ou assise» se définissant différemment en fonction de qui
l’anime, des objectifs visés, du contenu, de la durée et de la fréquence. Dans ce
sens nous recommandons que ces activités soient proposées dans le cadre
d’objectifs spécifiques qui englobent les quatre sphères de la mobilité.
Mettre en place un processus de promotion de la mobilité doit pouvoir proposer une
offre de moments de mettre le corps en mouvement pouvant répondre
spécifiquement aux besoins et aux intérêts des résidents, plutôt que de s’inscrire
dans un contexte où le résident doit s’adapter à une offre déjà existante sans
objectifs spécifiques.
Quatrième phase : Réévaluation ponctuelle
Au fur et à mesure de la vie du résident dans l’EMS, différentes situations peuvent
survenir et modifier la condition de celui-ci. Des changements d’état peuvent
nécessiter une réévaluation de ses capacités pour permettre de nouveaux objectifs
correspondants à de nouveaux besoins et projets de vie. Cette réévaluation fait
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partie intégrante du processus et doit pouvoir s’appliquer aux besoins spécifiques du
résident de manière efficiente. Par exemple, un résident ayant fait une chute devrait
pouvoir être réévalué rapidement au niveau médical et au niveau de la mobilité
(tableau 1), et aussi au niveau nutritionnel.
Le tableau 2 résume les différentes étapes de la mise en place du processus
« Promotion de la mobilité et prévention des chutes en EMS ».
Processus promotion de la mobilité et de la prévention des chutes en EMS
Inventaire des capacités physiques
Projet de vie dans l’EMS
Mise en application des activités de
mobilité
Réévaluation régulière du résident

Dépistage des capacités en lien avec
les activités et la participation
 Situer le résident en regard de la
mobilité et du risque de chuter
 Proposition d’un projet de mobilité
 Fréquence
 Intensité
 Durée des séances
 4 dimensions de la mobilité :
o Force
o Souplesse
o Équilibre
o Endurance
Suivi et adaptation à l’évolution du résident
Tableau 2 : Description des étapes de mise en application du processus de la culture mobilité en EMS
Le contexte spécifique des EMS
Bien sûr, tous les contextes sont spécifiques, et tous les établissements ne se
ressemblent pas en termes de taille de l’EMS et de sa clientèle. Il faut donc pouvoir
proposer une offre mobilité attrayante et réalisable quotidiennement, capable de
provoquer des changements de comportements chez les résidents et les
professionnels. Il n’est pas question d’imposer la mobilité mais plutôt d’en faire de la
promotion et de la valoriser. L’activité physique et le mouvement doivent être
considérée sur la base du cycle journalier, du lever matinal, aux activités de la vie
quotidienne, en passant par les activités régulières et spécifiques. Du lit au fauteuil
en passant par la station debout, la marche les escaliers et les activités spécifiques.
L’implémentation de la culture mobilité en EMS offre des bénéfices potentiels
importants en regard de l’autonomie des personnes.
A titre d’exemple, l’EMS du Vallon à Genève et l’EMS de la Rive à Onex (Genève)
ont implémenté en 2015 un groupe de projet devenu groupe de processus autour de
la promotion de la mobilité et de la prévention des chutes. Les équipes de processus
sont composées, de différents types de professionnels (ergothérapeute, infirmière,
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animateur, gestionnaire et personnel administratif et technique ; tel que l’intendance
et l’hôtellerie). Ces EMS ont mis sur pied des outils permettant le dépistage des
risques multifactoriels inhérents à la chute. Des résultats sont attendus sur l’impact
de cette implantation au sein de ces institutions.
Conclusion :
Pour que la culture mobilité puisse s’inscrire de manière efficace en EMS, les
sphères décisionnelles des institutions sont invitées à considérer la création de
groupes de personnes ressources « Mobilité et prévention des chutes » qui
englobent des intervenants issus des différents secteurs d’activité de l’établissement.
Ces groupes doivent pouvoir être valorisé en termes de temps et de reconnaissance
de leurs compétences et se mettre en place, dans un premier temps autour d’un
groupe de projet dans le but de faire un état des lieux de ce qui existe déjà au niveau
de l’offre mobilité, de faire l’inventaire des points d’amélioration et de mettre en place
les mesures nécessaires pour pallier aux éventuels points d’amélioration de
l’institution. Ensuite, ce projet doit pouvoir se transformer en un processus dans
lequel une promotion de la mobilité et de la prévention des chutes soient intégrées
en tenant compte des spécificités de chaque établissement. La compression de la
morbidité par le biais de la mobilité peut permettre de diminuer le poids de la prise en
charge et donner à l’institution une image de marque, gage de soins de qualité au
bénéfice du résident.
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