505 L`HARMONISATION DE LA LEGISLATION DOUANIERE

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505 L`HARMONISATION DE LA LEGISLATION DOUANIERE
L’HARMONISATION DE LA LEGISLATION
DOUANIERE TUNISIENNE AVEC LA LEGISLATION
DOUANIERE COMMUNAUTAIRE
Bassem KARRAY
Maître-assistant à la Faculté
de Droit de Sfax
1-La législation douanière, premier rempart juridique de tout
système et marqueur de son image, se trouve à l’heure de la
mondialisation des échanges au carrefour de fonctions difficilement
conciliables, surtout dans une conjoncture économique critique. Il
s’agit de continuer à assumer la fonction de protéger et de sécuriser
l’économie locale et d’œuvrer en même temps à l’accroissement des
échanges en garantissant la célérité et l’égalité dans le traitement des
opérations et des opérateurs de commerce international.
2-Depuis que l’ouverture économique est devenue une
exigence à la quelle aucun pays ne peut se prétendre être exempté, le
contenu de la législation douanière n’est plus souverainement
déterminé par les instances étatiques mais plutôt déterminé par les
instances qui commandent le droit aussi bien sur le plan régional que
multilatéral. C’est ainsi que l’impératif de se doter d’une législation
douanière compatible avec les standards internationaux découle de
plusieurs instruments internationaux1 et régionaux dont notamment les
accords d’intégration régionale.
1
Notons à titre d’exemple la déclaration du conseil de coopération douanière
concernant la bonne gouvernance et l’éthique en matière douanière (déclaration
d’Arusha, 81ème 82ème sessions du conseil Arusha Tanzanie telle que révisée lors
de la 101ème et 102ème sessions en juin 2003).
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Législation douanière tunisienne et législation communautaire
3-La législation douanière, qui constituait un symbole de la
souveraineté juridique, subit depuis quelques temps une remise en
cause de certaines règles. Elle peut être entendue dans le sens le plus
général comme toute disposition légale ou réglementaire applicable
sur le territoire tunisien et ayant pour objet de régir les opérations
d’importation et d’exportation2. Dans une acception plus restrictive de
son objet, la législation douanière est l’ensemble des dispositions
encadrant les opérations effectuées auprès des services de douane à
l’occasion des opérations d’importation et d’exportation ainsi que
toutes les dispositions ayant trait à déterminer les droits et les
obligations des différents intervenants. Bien que la notion de
législation douanière ait une portée large puisqu’elle a trait à toute
règle ne figurant pas nécessairement dans le code des douanes, on
limiterait notre étude aux règles prévues par le nouveau code des
douanes tunisien (CDT) promulgué le 2 juin 20083. L’objectif de ce
dernier est de renforcer la compétitivité de l’économie et de
l’entreprise tunisienne à travers notamment la rationalisation des
pouvoirs de l’administration et l’injection d’une dose de transparence
dans les relations entre la douane et les usagers. Son adoption s’inscrit
dans le cadre d’une refonte du droit tunisien destinée à répondre aux
défis induit par les engagements régionaux découlant du partenariat
euro-méditerranéen qui suppose, entre autres, une convergence
normative.
4-Le phénomène de rapprochement de la législation douanière
tunisienne avec le droit communautaire est préparé par l’histoire du
fait que les premiers textes régissant la douane ont été adoptés sous le
protectorat français. La législation douanière tunisienne était et reste
aujourd’hui largement influencée par le droit français. La première
législation douanière tunisienne promulguée le 3 octobre 1884 sous le
2
3
Selon le protocole 5 sur l’assistance mutuelle en matière douanière entre les
autorités administratives annexé à l’accord d’association, la législation
douanière doit être entendue comme « toute disposition légale ou réglementaire
applicable sur le territoire des parties contractantes et régissant l’importation,
l’exportation, le transit des marchandises et leur placement sous tout régime
douanier, y compris les mesures d’interdiction, de restriction et de contrôle
adoptés pour lesdites parties ».
Loi n° 2008-34 du 2/6/2008 portant promulgation du code des douanes (JORT,
n° 47 du 10/6/2008, p. 1748)
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Législation douanière tunisienne et législation communautaire
protectorat français4 rompait avec une politique de perception des
droits et des revenus de l’Etat qui reposa sur des usages et pratiques
discriminatoires5. L’Etat français cherchait à l’époque à garantir un
accès avec franchise des produits français sur le territoire tunisien
ainsi que leur protection. Plus tard, tout en poursuivant l’objectif de
construire un Etat moderne disposant de frontières inviolables en se
dotant d’une législation protectionniste6, les rédacteurs du CDT de
1955 se sont également largement inspirés du droit français.
L’architecture du CDT ainsi que son contenu étaient largement
similaires à ceux du code des douanes français (CDF).
5-Bien que le code de 1955 ait été révisé à maintes reprises, il
n’était pas purgé des imperfections multiples notamment d’ordre
juridique qui le caractérisaient. Sa modification est devenue nécessaire
depuis que la Tunisie a accéléré sa conversion aux principes de libre
échange dès le début des années quatre-vingt-dix. De plus, l’UE a
vigoureusement recommandé la Tunisie de rénover son cadre
juridique en matière douanière dans le plan d’action voisinage de mai
2005, ainsi que dans les rapports annuels sanctionnant la mise en
œuvre de la politique de voisinage7. Le point 19 du plan d’action
voisinage prescrit l’exigence de poursuivre l’amélioration du
fonctionnement des services des douanes en Tunisie, de simplifier et
de moderniser la législation et les procédures douanières. Parmi les
objectifs inscrits dont la réalisation doit s’effectuer à court terme,
figure la révision du code des douanes sur la base des résultats d’une
consultation menée parmi les utilisateurs en vue de le rapprocher des
standards internationaux et du code des douanes communautaire
4
5
6
7
La législation ayant trait à l’imposition de certains droits sur certains produits
remonte aux années cinquante et soixante du 19ème siècle.
Le décret du 3/10/1884 prévoit « considérant que la législation qui régit
actuellement la perception des droits et revenus de l’Etat, repose, dans un
grand nombre de cas, sur des usages consacrés presque toujours, il est vrai, par
une longue pratique, mais qui diffèrent fréquemment entre eux suivant les
territoires ; qu’il importe de fixer cette législation d’une manière uniforme ;
après nous être assurés de l’assentiment du Gouvernement français ».
Néji BACCOUCHE, « Les implications de l’accord d’association sur le droit
fiscal et douanier », Mélanges en l’honneur de Habib AYADI, CPU, 2000, p. 9.
Voir à titre d’exemple rapport de suivi Tunisie SEC (2008) 401 du 3/4/2008.
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Législation douanière tunisienne et législation communautaire
(CDC)8. De même, le point 21 du plan d’action voisinage porte sur la
nécessité d’élaborer et de mettre en œuvre une législation douanière
compatible avec les normes internationales et communautaires.
6-La norme à laquelle le droit tunisien devait se rapprocher
était durant des décennies le CDF. Ce dernier s’est progressivement
convertit avec l’évolution de la construction européenne aux principes
et règles prévus par le code des douanes communautaire promulgué le
12 octobre 19929. Ainsi, en s’inspirant du droit français le législateur
tunisien se rapprochait indirectement des normes du droit
communautaire. L’objectif de rapprochement serait inscrit depuis la
conclusion de l’accord d’association du 17 juillet 1995 dans l’article
52 qui prévoit que la coopération vise à aider la Tunisie à rapprocher
sa législation de celle de la Communauté. Désormais, la norme de
référence à laquelle la législation douanière tunisienne doit se
rapprocher est à la fois le CDF et le CDC. Ce dédoublement
s’explique par la particularité du système de répartition de
compétences au niveau européen entre l’Union et les Etats membres
en vertu duquel toutes compétences non attribuées à l’Union
reviennent aux Etats membres. De ce fait, le droit tunisien continue à
s’inspirer du droit français dans les aspects non couverts par le droit
communautaire (par exemple la répression douanière pénale) et tend
en même temps à se rapprocher de la législation douanière
communautaire dans les domaines attribués à l’Union européenne.
7-L’architecture générale du code de 2008 est largement
similaire à celle de 1955. Curieusement le législateur n’a pas prévu
des dispositions transitoires pour organiser les procédures douanières
8
9
Il prévoit également l’exigence de mettre en œuvre les recommandations liées à
la facilitation du commerce adoptées à Palerme en juillet 2003. Ces
recommandations consistent à favoriser l’abonnement de la Tunisie trade net à
tous les opérateurs, y compris étrangers ; renforcer le coopération de l’ensemble
des services travaillant à la frontière ; renforcer le contrôle douanier des
importations et des exportations de produits piratés ou contrefaits ; renforcer la
capacité administrative de la douane, y compris dans le domaine des règles
d’origine ; renforcer la mise en œuvre de la politique d’éthique douanière
reposant sur des normes internationales (déclaration d’Arusha) ; renforcer la
coopération administrative en vue de lutter contre les irrégularités et la fraude
en matière de douane et dans les domaines connexes.
Règlement (CEE) du Conseil, n° 2913/92, JOCE L 302 du 19/10/1992.
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Législation douanière tunisienne et législation communautaire
en suspens, ou la durée de validité des accords en vigueur lors de
l’entrée en vigueur ou le cautionnement douanier en cours10. Les
dispositions transitoires permettent de garantir la prévisibilité du droit
en clarifiant la portée et l’étendue des nouvelles règles pour ses
destinataires11. Elles amortissent le choc occasionné avec le passage
d’une législation qui était restée inchangée pendant des décennies par
une autre plus modernisée. Longtemps abritée sous une législation lui
reconnaissant des méthodes arbitraires à l’égard des usagers et des
pouvoirs insolites à l’égard du juge, l’administration des douanes ainsi
que son environnement doivent s’adapter à une nouvelle donne
commandée par l’essor des principes de l’Etat de droit, notamment par
le tribunal administratif.
8-Les apports du code de 2 juin 2008 sont multiples. Ils
touchent pratiquement tous les domaines couverts par l’ancien code :
les règles de l’assiette, les régimes douaniers économiques et
suspensifs, le rôle du juge, le réaménagement du droit de recours
administratif, l’introduction des procédures simplifiées et la
rationalisation des opérations de vérification… Dans sa préparation12,
qui a duré presque huit ans, l’administration s’est référée, selon
l’exposé des motifs, au code communautaire en vigueur, c'est-à-dire à
celui de 1992, lequel faisait l’objet d’une révision ayant donné
naissance à un code des douanes modernisé, promulgué quelques
semaines avant le code tunisien13. Le nouveau code communautaire
tend à rationaliser les procédures douanières en vigueur14 et à
satisfaire à l’impératif de mieux légiférer en adoptant des règles moins
complexes et mieux structurées, à travers la simplification des
10
11
12
13
14
Contrairement à la législation de 1955 dans laquelle le législateur a prévu des
dispositions transitoires dans le décret de promulgation.
Voir Jean-Marie WOEHRLING, « L’obligation d’édicter des mesures transitoires comme instrument de la protection des situations juridiques constituées
(à propos de la sécurité juridique) », RDPSP, 2007, n° 1, p. 285 et suivantes.
Alors que le projet de CDC était disponible sur le site officiel de l’UE pour sa
consultation conformément à l’initiative de définition interactive des politiques
de la commission, le projet du CDT a circulé entre les coulisses de
l’administration dans la confidentialité extrême.
Règlement (CE) n° 450/2008 du Parlement européen et du Conseil du
23/4/2008 établissant le code des douanes communautaire (code de douane
modernisé), JOCE n° L 145 du 4/6/2008, p. 1.
Considérant n° 13 du nouveau CDC.
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Législation douanière tunisienne et législation communautaire
procédures. Dès lors, l’apparition concomitante du code tunisien et
celui communautaire équivaut-elle à une convergence des méthodes
de gouvernance administrative et des solutions juridiques touchant les
droits des usagers à un traitement simplifié, fiable et sécurisant dans
un contexte où la compétitivité d’un système juridique se mesure au
prisme de la mise en œuvre de la règle de droit ?
9-Le législateur de 2008 a procédé à un réaménagement du
régime déclaratif en vue de le rendre plus simplifié (I). Alors que la
révision a touché les régimes douaniers, les apports demeurent
nuancés comparativement aux évolutions connues en droit
communautaire (II). Longtemps fragilisés par une législation
singulière, les droits des opérateurs semble être renforcés par la
consécration d’un droit de recours administratif leur permettant de
faire valoir leur cause devant une commission administrative dénommée la commission de conciliation et d’expertise douanière (III).
I- LE REAMENAGEMENT DU REGIME DECLARATIF
10-L’émergence d’un régime dérogatoire par l’effet de
conclusion des accords d’intégration régionale a conduit le législateur
tunisien à simplifier le régime de déclaration (A) et à moderniser le
traitement électronique des déclarations (B).
A- La simplification du régime déclaratif
11-Le droit tunisien consacre le système de « la déclaration
contrôlée » qui confie à l’opérateur l’entière responsabilité, sous
réserve de contrôle, d’établir l’acte permettant d’appliquer à la
marchandise importée la réglementation en vigueur selon qu’elle soit
mise pour la consommation intérieure ou placée sous un régime
douanier économique ou suspensif quelconque. Ce système est
enraciné dans le droit positif tunisien puisque le décret réglementant
les douanes et les monopoles d’Etat du 3 octobre 188415 l’avait prévu.
15
L’article 1 prévoit que « tout propriétaire, consignataire ou conducteur des
marchandises qui entreront dans la Régence soit par la voie de mer, soit par
celle des frontières de terre, devront faire à la Douane une déclaration en
détail, dont le coût sera… de 5 centimes de franc énonçant la nature, l’espèce,
la qualité, le poids, le nombre, la mesure et la valeur de leur marchandises,
ainsi que l’espèce, les marques et les numéros de colis. Les déclarations à faire
à la Douane seront écrites en langue française ».
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Législation douanière tunisienne et législation communautaire
12-Dans le souci de simplifier les procédures de déclaration, le
nouveau code tunisien a institué des procédures simplifiées dans son
article 11816. Ce droit n’est pas accordé à quiconque mais à des
opérateurs exerçant dans des secteurs économiques spécifiques ou
effectuant certaines opérations d’importation ou d’exportation. Il
s’agit d’autoriser, entre autres, au bénéficiaire que sa marchandise soit
placée sous un régime douanier sur la base d’une déclaration
simplifiée pouvant ne prévoir que quelques énonciations et non
assorties de tous les documents d’accompagnement, lesquels seront
présentés dans une déclaration complémentaire. L’octroi de ce régime
est laissé à la discrétion des services de douane17. Il est accordé, selon
l’article 118.6, en vertu d’une convention entre les deux parties,
l’administration et l’opérateur18. Alors que le CDC ne consacre qu’un
seul type de déclaration simplifiée19, le CDT prévoit que les
procédures simplifiées prennent trois formes : déclaration initiale
estimative, simplifiée ou globale qui font l’objet d’une déclaration
complémentaire20. Bien que présenté à deux dates différentes, mais
portant sur une même opération, la première déclaration ainsi que la
déclaration complémentaire constituent un acte unique et indivisible.
13-La déclaration en douane et les documents qui y sont
joints21, revêtent selon l’article 111.4 un caractère unique et
16
17
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19
20
21
Ces procédures sont prévues par l’article 109 et suivants de CDC et l’article 100
bis du CDF.
L’article 118 ne détermine pas l’autorité habilitée à accorder le bénéfice de ce
régime. Par contre, l’article 158.3 attribue la compétence de remplacer la
déclaration en détail par une déclaration sommaire ou simplifiée ou tout autre
document au directeur général des douanes.
Dans le CDC la déclaration simplifiée peut prendre la forme d’une inscription
dans les écritures du déclarant et d’un accès à ces données par les autorités
douanières.
Considérant n° 27 du règlement 450/2008.
Article 148 du CDT.
Les documents joints sont la facture sur la base de laquelle la valeur de la
marchandise est déclarée, les documents nécessaires à l’application d’un régime
tarifaire préférentiel ou de tout autre mesure dérogatoire au régime de droit
commun applicable aux marchandises déclarées et tous autres documents
nécessaires à l’application des dispositions relatives à la mise en consommation.
Il peut être exigé par les autorités douanières, la production des documents de
transport ou, selon les cas, des documents afférant au régime douanier
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Législation douanière tunisienne et législation communautaire
indissociable. La déclaration serait déclarée irrecevable par les
autorités douanières lorsqu’elles relèvent des irrégularités dans les
énonciations et/ou la non production de certains documents exigés.
Une fois enregistrée, la déclaration ne peut pas être modifiée ni
annulée. Toutefois, le code reconnaît la possibilité de rectification et
d’annulation dans des cas limités22. Son exercice est, à l’instar du droit
communautaire, triplement conditionné23. Il doit intervenir avant
l’octroi de la main levée des marchandises et à conditions que les
services de douane n’aient pas constaté l’inexactitude des énonciations
de la déclaration ni informé le déclarant de leur intention de procéder
à un examen des marchandises24. Cette disposition, quoique profitable
au déclarant, peut être à l’origine de complicité visant à éluder le
paiement des pénalités. Quant à l’annulation, elle ne peut être déclarée
par les services de douane que sur demande du déclarant et dans des
cas limitativement énumérés par l’article 117.2. En tout état de cause,
la décision d’annulation ne peut pas être prononcée après l’octroi de la
mainlevée des marchandises ou lorsque l’administration a procédé
déjà à l’examen des marchandises25.
14-Outre, la consécration du droit d’être entendu avant qu’une
mesure ne soit prise à l’encontre du contribuable, le droit
communautaire exige que la main levée doive être accordée aussi tôt
que possible. La main levée rapide doit être érigée en une règle
générale lorsque le déclarant fournit à l’avance les informations
nécessaires pour effectuer les contrôles d’admissibilité des
22
23
24
25
précédant, la liste de colisage en cas où la marchandise est présentée en
plusieurs colis… (Voir l’article 108 du CDC)
L’ancien article 88 prévoit que la rectification ne peut avoir lieu que le jour
même du dépôt de la déclaration et avant le commencement de la vérification.
L’objet de vérification doit porter sur les énonciations relatives au poids, au
nombre, à la mesure ou à la valeur, à la condition de représenter le même
nombre de colis, revêtus des mêmes marques et numéros que ceux
primitivement énoncés, ainsi que des mêmes espèces de marchandises.
Voir également l’article113 du CDC.
Article 117 du CDT.
Dans le CDC l’invalidation d’une déclaration n’est acceptée que dans deux cas :
lorsque les autorités douanières sont assurées que les marchandises sont placées
immédiatement sous un autre régime douanier et lorsqu’elles sont assurées que,
par suite des circonstances particulières, le placement des marchandises sous le
régime douanier pour lequel a été déclarée ne se justifie plus.
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Législation douanière tunisienne et législation communautaire
marchandises. Il est également possible d’accorder la main levée des
marchandises litigieuses non prohibées sous caution solvable, ou sous
consignation d’une somme qui peut s’élever au double du montant des
droits et taxes présumés compris. Même si la marchandise est
prohibée, l’administration des douanes peut accorder à l’opérateur sur
demande ou sur initiative de l’administration la main levée sous
caution solvable, ou sous consignation d’une somme qui peut s’élever
au montant de leur valeur estimée par les services des douanes. La
main levée peut être ordonnée par le juge, en cas de procès, avant
même de se prononcer sur l’affaire moyennant caution solvable ou
consignation d’un montant égal à la valeur desdites marchandises26.
Cet article dresse les différentes mesures qui peuvent être prises par
les tribunaux compétents.
15-Bien que les avancées en matière de simplification des
déclarations douanières soient importantes27, les nouvelles
dispositions ne retiennent pas la bonne foi du déclarant comme
principe dans le cas où une dette douanière naît par suite au non
respect de la législation douanière par négligence. L’article 381 ne
retient pas la bonne foi en cas d’omission ou d’irrégularité.
Cependant, le nouveau CDC de 2008 consacre le principe de la bonne
foi du déclarant28.
B- Vers l’extension de la place de l’électronique dans le
traitement des déclarations
16-Alors que l’ancien code prévoyait un principe selon lequel
la déclaration en douane doit s’effectuer par écrit29 ou verbalement30,
le nouveau code a prévu dans son article 111 que la déclaration peut
26
27
28
29
30
Article 344.2 du CDT.
Les articles 115 et 116 prévoient d’autres simplifications consistant dans la
facilitation de l’établissement des déclarations en douane relatives à des
marchandises relevant de différentes sous positions tarifaires ou la
simplification des formalités de contrôle en matière douanière.
Considérant n° 24 du CDC.
Article 83 du code de 1955.
La déclaration verbale porte principalement sur les marchandises dépourvues de
tout caractère commercial et certaines marchandises ayant un caractère
commercial mais qui ne dépassent pas un certain seuil.
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Législation douanière tunisienne et législation communautaire
être effectuée également par moyen informatique ou électronique31.
L’admission de l’outil informatique remonte, en réalité, en droit
tunisien à l’année 1981, date de modification des dispositions de
l’ancien code. La voie informatique ou électronique n’est pas érigée
en une règle générale. Cependant, le nouveau code communautaire32
n’admet la déclaration sur support papier qu’à titre exceptionnel.
Outre ces deux formes de déclaration, le CDC reconnaît dans son
article 107.2 la déclaration en douane par tout autre acte33. Avec le
nouveau code, la place de l’électronique est confortée. Il est reconnu
de déposer certains documents douaniers d’une manière
électronique34, de procéder aux paiements électroniques des
prélèvements requis et d’authentifier les documents à caractère
douanier par une signature électronique35.
17-Les douanes sont affrontées aujourd'hui aux problèmes liés
à leur attachement aux documents imprimés qui s’avèrent inutilement
lourds et inadaptés dans un contexte commercial multilatéral reposant
sur la technologie de l’information36. Le recours à des systèmes
31
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33
34
35
36
Article 88 bis ajouté en 1981 à l’ancien code a reconnu la possibilité d’effectuer
le dédouanement par les moyens informatiques. L’article 83 retient le principe
selon lequel toute déclaration doit s’effectuer par écrit. L’introduction de
l’informatique dans la gestion administrative remonte à 1976. Un système
d’information automatisé « SINDA » a été mis en exploitation progressive à
partir de 1977. Passant par une étape de rénovation dans les années 1990, le
système SINDA a connu avec sa version de l’an 2000 une évolution importante
avec la dématérialisation. Actuellement la douane est reliée au système Tunisia
trade net (TTN) qui assure la gestion du serveur de la liasse unique qui connecte
les différents intervenants (administration, banques, transporteurs …). Ce centre
assure la diffusion électronique des différents documents du commerce
extérieur (titre de commerce extérieur –TCE- déclaration en douane des
marchandises –DDM- document de contrôle technique –DCT- manifeste
douanier… ). La connexion au réseau trade net se fait en mode EDI ou WEB.
Article 107 et considérant n° 27 du CDC.
Il s’agit des marchandises dépourvues du caractère commercial et contenues
dans des bagages personnels des voyageurs et bénéficiant d’une franchise…
(Article 230 et s. du règlement de la commission 2/7/1993.)
Il s’agit de la DDM (déclaration en douane des marchandises, DCT (document
de contrôle technique et le TCE (titre de commerce extérieur).
Article 128 du CDT.
Il faut noter que la douane tunisienne a récemment lancé (début de mois de
juillet 2009) un programme de dématérialisation très ambitieux, il porte le nom
de « zéro papier ».
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Législation douanière tunisienne et législation communautaire
différents de traitement douanier de l’information dans la zone euro
méditerranéenne37 prive toute communication entre ces systèmes.
L’émergence d’un espace sans frontières exige une reconnaissance du
principe des déclarations électroniques et de l’interopérabilité entre les
systèmes. Il paraît nécessaire de mettre en place une procédure paneuro-méditerranéene aux entreprises exerçant leur activité dans
plusieurs Etats38. Consciente de l’exigence d’impliquer les pays de
voisinage dans son programme douane 2008 -2013, l’Union a inséré
une clause d’ouverture permettant à ces pays de profiter de
l’assistance financière, technique et humaine européenne. Ce
programme prévoit un cadre juridique et financier destiné, entre
autres, à augmenter la compétitivité des entreprises européennes en
accélérant les régimes douaniers partiellement par la création d’un
cadre européen informatisé sans papier.
18- L’article 5 du CDC témoigne du passage vers l’administration électronique puisqu’il impose que tout échange de données, de
documents d’accompagnement de décisions et de notes opéré entre
autorités douanières requis en vertu de la législation douanière doit
être effectué en utilisant le procédé informatique de traitement des
données. La promotion d’un environnement sans papier pour la
douane et le commerce contribuera à l’évolution des échanges par la
réduction des coûts. Il est ainsi impératif de se doter d’un cadre
législatif comparable à celui du CDC en vertu duquel les opérations
douanières et commerciales doivent être gérées électroniquement.
D’ailleurs, l’article 2.3 du CDC prévoit que la commission encourage
l’interopérabilité des systèmes douaniers électroniques avec les
systèmes douaniers des pays tiers ou des organisations internationales
et l’accessibilité des systèmes douaniers électroniques pour les
opérateurs économiques des pays tiers, en vue de créer au niveau
international un environnement sans papier pour au tant que les
accords internationaux le prévoient et sous réserve de modalités
financières adéquates.
37
38
Abstraction faite des systèmes de transit informatisé.
La Commission s’est proposée de créer une douane paneuropéenne dans sa
communication COM (169) 2008.
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Législation douanière tunisienne et législation communautaire
19-Le passage à l’administration électronique au niveau
européen39 impose au législateur tunisien d’aligner son dispositif
interne en vue d’assurer un niveau équivalent tant du traitement des
informations que du contrôle douanier. L’UE et les pays
méditerranéens se doivent de mettre en place des systèmes douaniers
électroniques sûrs, intégrés, interopérables et accessibles, à l’image de
celui prévu au niveau européen pour l’échange des données figurant
dans les déclarations en douane et dans les certificats ainsi qu’à
l’échange d’autres informations pertinentes40.
20- Sur d’autres plans, la déclaration poursuit une fonction
importante puisqu’elle permet d’assigner la marchandise importée à
un régime douanier. Relativement aux régimes douaniers existants, le
code de 2008 n’a apporté que des améliorations plutôt nuancées.
II- LES APPORTS NUANCES EN MATIERE DES REGIMES
DOUANIERS
21-L’encadrement juridique des régimes douaniers reste
particulièrement dominé par la multiplicité des régimes puisque le
nouveau code n’a pas procédé à une fusion de certains régimes
similaires (A). Mais, pour autant, il a apporté des simplifications au
sujet de leur gestion (B).
A- Le maintien de la multiplicité des régimes
22-S’inspirant du droit communautaire, le législateur a
déterminé dans l’article 138.1 la vocation ou la fonction des régimes
suspensifs et des régimes douaniers économiques. Il s’agit de
permettre le stockage, la transformation, l’utilisation ou la circulation
des marchandises en suspension des droits de douane et des taxes
39
40
Voir la décision 2004/387/CE du Parlement européen et du Conseil du
21/4/2004 relative à la fourniture interopérable de services paneuropéens
d’administration en ligne aux administrations publiques, aux entreprises et aux
citoyens (IDABC), JOCE n° L 181 du 18/5/2004, p. 25.
Cet objectif implique un échange harmonisé d’informations sur la base de
modèles de données et de formats de messages acceptés au niveau international,
une adaptation des procédures douanières connues et la mise en place d’un large
éventail de service douanier électronique permettent aux opérateurs de
dialoguer avec les autorités douanières.
516
Législation douanière tunisienne et législation communautaire
intérieures exigibles ainsi que de tout autre droit ou taxe dont sont
passibles ces marchandises.
23-Contrairement au nouveau CDC, certains régimes
douaniers dans le CDT n’ont pas été fusionnés ainsi que leur nombre
n’a pas été réduit. L’harmonisation des régimes ainsi que leur
réduction à ceux qui sont économiquement justifiés permettrait
d’améliorer la compétitivité de l’économie et de l’entreprise. Selon
l’article 135 du CDC de 2008, les marchandises peuvent être placées
dans l’une des quatre catégories de régimes particuliers. Il s’agit de
régimes de transit (le transit externe et le transit externe), de stockage
(le dépôt temporaire, l’entrepôt douanier et les zones franches),
d’utilisation spécifique (l’admission temporaire et la destination
particulière) et de transformation (le perfectionnement actif et le
perfectionnement passif). Tout en reprenant l’essentiel de ces régimes,
le CDT ne les a pas classé suivant un critère fonctionnel. Cette
méthode a débouché sur l’éparpillement des régimes portant sur une
même opération. La clarté du droit est liée non seulement à la qualité
de rédaction des textes mais également à leur présentation matérielle.
La complexité de la matière douanière impose la classification des
régimes douaniers suivant un critère thématique.
24-En réalité, le législateur tunisien s’est conformé au CDC de
1992 qui était en vigueur lors de la préparation du code de 2008. La
présentation retenue ignore les similitudes de certains régimes et
n’exclue pas ainsi les interférences. Une classification nouvelle
suivant le critère fonctionnel semble être plus intelligible puisqu’elle
permettrait de regrouper deux ou plusieurs régimes similaires.
D’ailleurs, le nouveau CDC de 23 avril 2008 procède par une
classification fonctionnelle.
25-La simplification des régimes à travers l’adoption des
règles communes applicables à tous les régimes complétées par un
ensemble de règles applicables à chaque catégorie de régime est
requise afin que l’opérateur puisse choisir le régime adéquat. La
complexité peut déboucher sur des erreurs de choix, ce qui accroît le
contentieux tant de recouvrement que de remboursement des droits
payés à l’occasion de placement d’une marchandise dans un régime
déterminé. La régularisation des régimes suspensifs et des régimes
économiques prévue par l’article 149 consiste dans la réaffectation des
517
Législation douanière tunisienne et législation communautaire
marchandises qui passent d’un régime à un autre en fonction des
travaux à entreprendre.
B- La simplification relative des régimes douaniers
26-A travers le nouveau code, le législateur a cherché la
simplification du régime de transit41 en le définissant et en
reconnaissant la possibilité d’adoption des procédures simplifiées42.
Le législateur a également défini le régime de transbordement et de
cabotage.
27-Le nouveau code a abandonné l’ancienne classification des
entrepôts douaniers, en entrepôt réel, fictif, spécial et industriel, en
faveur d’une classification, retenue également par le nouveau CDC43,
suivant la nature publique ou privé de l’entrepôt44. Autrement dit, le
critère de distinction retenue est l’ouverture ou non au large public. Le
régime de l’entrepôt peut être ainsi utilisé pour les activités de
stockage de marchandises par toute personne, lorsqu’il s’agit
d’entrepôt public, ou du titulaire d’une autorisation d’entrepôt
douanier, lorsqu’il s’agit d’entrepôt privé. L’entrepôt public45 est
concédé aux municipalités, aux chambres de commerce et d’industrie
et aux entreprises publiques ayant la forme sociétaire, ce qui est de
nature à exclure les établissements publics non administratifs
41
42
43
44
45
Le régime de transit est très ancien puisqu’il figurait dans le décret de 1884. Son
article 42 relatif aux dispositions spéciales du transit prévoit « les marchandises
étrangères, autres que celles frappées de prohibition, arrivent à Tunis à
destination de l’Algérie, ou de Ghardimaou à destination de l’étranger, en
passant par Tunis et La Goulette, seront admises au bénéfice du transit par la
voie ferrée qui relie la régence à l’Algérie sous les conditions et les formalités
ci-après ».
Les conditions d’octroi des procédures simplifiées sont déterminées par l’arrêté
du ministre des finances du 28/1/2009 (JORT, n° 10 du 3/2/2009, p. 384).
Voir l’article 153.2 du CDT.
Le CDF distingue entre entrepôt, public, privé et spécial. L’article 174 du CDT
n’a pas prévu dans son 2ème paragraphe relatif aux fonctions de l’entrepôt
public, la fonction prévue par l’article 84 qui consiste dans le dépôt des
marchandises n’ayant pas fait l’objet d’une déclaration en détail.
C’est l’héritier du régime de l’entrepôt réel. Les modalités d’aménagement et de
fonctionnement des procédures d’exploitation de l’entrepôt public sont fixées
par l’arrêté du ministre de finances du 2/3/2009 (JORT,n° 21, du 13/3/2009,
p. 757)
518
Législation douanière tunisienne et législation communautaire
considérés comme des entreprises publiques46. L’entrepôt privé pour
le compte d’autrui réservé à quiconque dont la profession se rattache
principalement ou accessoirement à l’activité de stockage diffère
l’entrepôt privé particulier affecté exclusivement aux entreprises pour
leur usage propre en vue de stocker des marchandises qu’elles
revendent ou mettent en œuvre à la sortie de l’entrepôt. Les modalités
de gestion ont été assouplies.
28-La création d’une sous catégorie d’entrepôt, qualifié
d’entrepôt privé et ouvert aux personnes physiques et morales,
constitue un apport considérable du nouveau code47. Les personnes
éligibles à l’octroi des entrepôts sont soit des personnes physiques ou
morales ayant comme profession principale ou accessoire le stockage
des marchandises pour le compte d’autrui soit aux entreprises pour
leur usage exclusif.
29-Le régime d’admission temporaire est redéfinit suivant les
termes retenus par le CDC48. Désormais, il ne peut être utilisé que si
les marchandises ne subissent aucune modification autre que celle
exigée par suite à une dépréciation normale occasionnée par l’usage
autorisé sous ce régime49. En plus, le bénéficiaire de ce régime n’est
plus tenu de présenter l’acquit-à-caution. La déclaration en douane
d’admission temporaire tient lieu.
30-Les régimes de transformation se caractérisent par leur
éparpillement puisque leurs dispositions s’étendent des articles 192 à
232 et de 243 à 260. Il sont au nombre de cinq : transformation pour
l’exportation totale, transformation pour l’exportation partielle,
46
47
48
49
L’article 174.2 du CDT utilise la notion d’entreprises publiques à participation
publique. La rétrocession à des tiers n’est plus autorisée ; alors que l’ancien
code l’a autorisé selon son article 130.
On distingue entre entrepôt privé pour le compte d’autrui et entrepôt privé
particulier.
L’apport du nouveau code consiste dans la séparation entre le régime de
l’admission temporaire pour transformation effective et le régime d’admission
temporaire en l’état (foires, expositions, essai, exécution des travaux…)
Sous l’ancienne législation (article 153 du code de 1955) ce régime est accordé
aux produits destinés à être fabriqués ou à recevoir un complément de main
d’œuvres dans le territoire douanier ainsi que des emballages vides à réexporter
pleins et des emballages pleins à réexporter vides ou pleins.
519
Législation douanière tunisienne et législation communautaire
transformation pour le marché local, le perfectionnement actif50 et le
perfectionnement passif. Ces régimes présentent des similarités
multiples. Même si le régime de transformation pour l’exportation
totale et à celui du perfectionnement actif concernent des
marchandises destinées principalement à l’exportation, ils diffèrent
quant à l’origine des marchandises éligible à ces deux régimes. Alors
que le premier est ouvert aux marchandises tunisiennes, le deuxième
est ouvert aux marchandises importées en vue de les réexporter. Le
régime de transformation pour le marché local et le régime de
perfectionnement passif se convergent puisque la marchandise
soumise à ce régime serait mise en consommation. Pour l’activité de
transformation, les régimes pouvant être concernées sont : la
transformation sous douane, le perfectionnement actif et le
perfectionnement passif.
31-Ne faisant pas preuve de rapprochement au nouveau code
communautaire en matière des régimes douaniers, le législateur
tunisien a, par contre sur d’autres plans, repris certaines exigences
élémentaires touchant aux droits des opérateurs économiques face à
une administration disposant des prérogatives redoutables. Il s’agit de
restructurer le droit de recours administratif.
III- LA RESTRUCTURATION DU DROIT DE RECOURS
ADMINISTRATIF
32-Le recours administratif est une modalité de règlement d’un
litige né à l’occasion de l’application de la législation douanière. Son
exercice obéit à certaines exigences procédurales (A) ainsi que son
domaine est limité aux contestations portées sur les éléments d’assiette
des droits de douane (B).
A- Les modalités d’exercice du droit de recours
33-L’exigence de transparence administrative, corollaire de la
bonne gouvernance administrative, implique la reconnaissance aux
opérateurs outre un droit de recours administratif contre toute décision
des autorités douanières, un droit d’être entendue avant qu’une mesure
50
Les modalités d’application du régime de perfectionnement actif sont
déterminés par l’arrêté du ministre de finances du 14/5/2009 (JORT, n°40 du
19/5/2009).
520
Législation douanière tunisienne et législation communautaire
défavorable ne soit prise à son encontre51. En contrepartie du
renforcement des pouvoirs de contrôle de l’administration douanière,
il est indispensable de mettre en place un droit de recours qui peut
jouer le rôle d’une soupape limitant le volume du contentieux porté
devant les juridictions.
34-L’ancien code de 1955 prévoyait que le comité supérieur du
tarif des douanes, institué par l’article 21, tranchait toute contestation
au moment de la vérification des marchandises relatives aux
énonciations de la déclaration touchant à l’espèce, à l’origine ou à la
valeur et où le déclarant n’accepte pas les appréciations du service.
Bien que ce dispositif ait marqué une avancée par rapport au décret de
188452, il ne présentait pas, toutefois, les garanties les plus
élémentaires aux opérateurs puisque l’article 92 n’a rien prévu au titre
de sa saisine et des procédures à suivre ainsi qu’à ses conclusions.
Avec le nouveau code, le législateur a refondu l’exercice du droit de
recours en créant une commission de conciliation et d’expertise
douanière (CCED) par le titre 16 du nouveau code.
35-L’article 122 du code du 2 juin 2008 prévoit que la saisine
de la CCED doit intervenir au moment de vérification de la
marchandise lorsque le déclarant n’accepte pas l’appréciation des
services de douanes relatives à l’espèce, à l’origine et à la valeur53.
Les conclusions non contestées rendues par la commission au terme
de son examen peuvent se servir selon l’article 123 comme fondement
pour appliquer les droits, taxes et autres mesures douanières. La
saisine de la commission peut intervenir alors que les marchandises se
trouvent dans les aires et les magasins douaniers ainsi qu’après
l’octroi de la main levée puisque les services de douane peuvent
procéder à un contrôle a posteriori des déclarations et des documents
51
52
53
Article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’UE consacre ce droit ainsi
que le 13ème et le 15ème considérant du règlement n° 450 du 23/4/2008.
Les articles de 2 à 6, 22, 30 à 33 n’avaient prévu aucune garantie puisque la
douane était en mesure de saisir et d’infliger des amendes lorsqu’elle révèle de
fausses déclarations au moment de la vérification.
Les modalités de sa saisine ainsi que les règles de fonctionnement sont
déterminées par l’arrêté du ministre de finances du 10/30/2009 fixant les
conditions de fonctionnement de la commission de conciliation et d’expertise
douanière et les frais susceptibles d’être alloués aux experts (JORT, n° 22 du
17/3/2009, p. 793).
521
Législation douanière tunisienne et législation communautaire
commerciaux relatifs aux marchandises. Si le contrôle révèle de
fausses énonciations, l’affaire peut être portée devant la CCED. La
saisine de la CCED ne peut en principe intervenir qu’en cas
d’importation légale, mais rien n’empêche que le juge ordonne sa
saisine pour avis en cas d’importation illégale.
36-Si la composition de la CCED54 ainsi que le caractère
contradictoire de la procédure55 laissent croire a priori qu’elle est de
nature juridictionnelle, la nature consultative des conclusions qu’elles
adoptent au terme de son examen permet de la qualifier de commission administrative. Elle est qualifiée en droit français d’autorité
indépendante de l’administration56. La commission dispose pour
autant d’une compétence décisionnelle puisqu’elle peut émettre une
décision non susceptible de recours uniquement lorsqu’elle se
considère incompétente57. Elle peut rendre, par ailleurs, des offres de
règlement des litiges soumises à l’entière discrétion des parties. De
plus, l’accord intervenu entre les parties pendant l’examen de l’affaire
dessaisi la commission58. Dans ses conclusions, la CCED peut révéler
l’existence des infractions relatives aux déclarations en douane.
Aucune infraction ne sera établie si les divergences ne touchent que
des points de droit. Dans ce cas, le déclarant procède au paiement des
droits requis à moins que l’administration ne décide d’ester en justice.
Les conclusions qui font apparaître l’inexistence d’infraction atténuent
considérablement la force probante des procès verbaux qui valent
jusqu’à inscription du faux. Cependant, si elle révèle des inexactitudes
ou des omissions concernant des éléments de fait, l’infraction est ipso
facto constituée. Dans ce cas, ses conclusions corroborent la position
de l’administration puisqu’elles peuvent s’en prévaloir comme un
moyen de preuve.
37-L’article 417 du CDT reconnaît aux parties du litige de
saisir le tribunal compétent dans un délai d’un mois et ce à partir de la
54
55
56
57
58
Voir l’article 413 du CDT.
Article 416.2 du CDT.
Jean-Claude BERR et Henri TREMAU, Droit douanier communautaire et
national, économica, 2007, p. 211
Il peut s’agir du cas où le déclarant saisi la CCED pour contester les résultats de
la vérification intégrale ou partielle des marchandises.
Article 416.3 du CDT.
522
Législation douanière tunisienne et législation communautaire
date de notification des conclusions de la CCED. Même si cet article
prévoit l’obligation de joindre le rapport des résultats des travaux de la
commission au dossier de l’instruction, les conclusions matérielles et
techniques qu’il contient ne lient pas le tribunal59. Le juge compétent
peut ordonner de refaire l’expertise en désignant trois experts
judiciaires parmi ceux qui figurent sur les listes établies pour chaque
chapitre du tarif des droits de douane à l’importation60. Le législateur
tunisien n’a pas reconnu au juge la technique de renvoi devant la
commission avec une autre formation lorsqu’il relève que l’expertise
était irrégulière ou lorsqu’il se considère insuffisamment informée ou
lorsqu’il n’admet pas les contestations faites61. Le législateur lui a
accordé la plus grande liberté de choisir les experts judiciaires.
B- Le domaine d’exercice du droit de recours
38-Le droit de recours exercé devant la CCED concerne les
éléments d’assiette des prélèvements douaniers. Il s’agit de l’espèce,
la valeur et l’origine. Avant la promulgation du code de 2008, le
législateur a procédé à la révision de l’article 26 du code de 1955
relatif à la valeur en douane par la loi du 7 août 2001. Cette
modification qui est intervenue alors que l’administration commençait
à préparer sa réforme du CDT s’expliquait par l’arrivée du terme du
délai fixé par l’accord portant sur la mise en œuvre de l’article VII du
GATT 1994. Cette révision a rompu avec la législation antérieure qui
accordait à l’administration des douanes un pouvoir discrétionnaire
étendu au détriment des droits des opérateurs économiques.
39-En ce qui concerne l’origine62, les dispositions de l’article
25 de l’ancien code sont devenues depuis 1995 incompatibles avec le
4ème protocole annexé à l’accord d’association. Ces mêmes
59
60
61
62
L’article 12 du code de procédure civile et commerciale prévoit que l’avis de
l’expert ne lie pas le tribunal. La commission a pour rang d’expert judiciaire.
Les deux experts membres de la commission sont nommés en raison de leur
compétence technique, ils peuvent ne pas être des experts judiciaires.
En droit français, le juge est tenu de consulter de nouveau la CCED mais avec
une formation différente. Cette exigence est dénoncée par l’observatoire de la
réglementation douanière et fiscale, voir son rapport « Les relations entre la
douane et les entreprises face à l’évolution du commerce mondiale »; mai 2006.
Notons pour l’histoire, la notion d’origine justifiait depuis le 19ème siècle un
traitement préférentiel accordait aux produits dans l’accès au territoire français.
523
Législation douanière tunisienne et législation communautaire
dispositions recevraient application pour les importations non
originaires de l’Union européenne, sous réserve des dépositions
conventionnelles spécifiques. L’article 21 nouveau de CDT reconnaît
qu’il a y lieu en matière de définition de l’origine de tenir compte des
règles spéciales prévues par les accords internationaux conclus par la
Tunisie avec certains pays ou groupe de pays. Le législateur de 2008 a
préféré insérer une liste exhaustive des produits entièrement obtenus
dans un pays, alors qu’il aurait pu simplement renvoyer à un décret ou
un arrêté pouvant être périodiquement actualisé63. Relativement aux
produits dans la production desquels sont intervenus plusieurs pays ou
territoires, ils sont considérés comme originaires de celui où ils ont
subi une transformation substantielle64. Ce critère diffère de celui
retenu par le nouveau CDC, qui a élu comme critère, la dernière
transformation substantielle. Celui-ci se confond avec l’acquisition de
propriété et de compositions spécifiques propres que le produit ne
possédait pas auparavant65.
40-En matière de preuve de l’origine, l’article 21.4 du CDT
accorde aux services de douane en cas de doute la prérogative de
solliciter des justifications complémentaires à celle déjà produites.
Curieusement le décret n° 2009-401 relatif à la détermination de
l’origine des marchandises conformément au critère de la
transformation substantielle a durci le degré de doute puisqu’il exige
63
64
65
L’article 34.4 du CDF renvoie à des arrêtés adoptés par le ministre du budget
pour fixer les règles à suivre pour déterminer l’origine des marchandises
obtenus dans un pays en utilisant des produits récoltés, extraits du sol ou
fabriqués dans un pays.
Voir le décret n°2009-401 du 16/2/2009 fixant les règles à suivre pour
déterminer l’origine des marchandises conformément au critère de la
transformation substantielle (JORT, n° 15 du 20/2/2009, p. 552)
La cour de justice des communautés européenne (CJCE) a considéré que le
découpage de quartiers de viandes et de l’empaquetage sous vide des morceaux
n’ayant que pour effet d’augmenter la durée de conservation de la viande et
d’en ralentir le processus de maturation ne constitue pas une transformation
substantielle (CJCE, affaire n° 93/83 du 32/2/1984, Rec., p. 1095) ; tel est
également le cas de la mouture à différent degré de finesse, de caséine brutes, de
contrôle de qualité, ainsi que du conditionnement du produit moulu. Ces
opérations ne conduisent qu’a modifié la consistance du caséine en vue de leur
commercialisation (JOCE, affaire n° 49/77, Rec., p. 1)
524
Législation douanière tunisienne et législation communautaire
qu’il soit sérieux66. Le législateur communautaire impose, quant à lui,
que le doute doit être raisonnable et que les pièces complémentaires
doivent être nécessaires pour s’assurer de l’indication de l’origine.
Notons qu’en matière de valeur en douane, l’article 35 nouveau du
CDT relatif à la valeur en douane exige que les services de douane ne
peuvent solliciter des justificatifs complémentaires pour prouver
l’exactitude de la valeur déclarée que s’ils ont « des raisons de douter
de la véracité ou de l’exactitude des renseignements ou documents
relatifs à la valeur transactionnelle ». Encore, et même si
l’importateur a fourni des justificatifs complémentaires, la valeur
transactionnelle ne sera déclarée inacceptable que si les services de
douane ont des doutes raisonnables. Les droits des opérateurs
économiques sont dans les textes manifestement améliorés.
42-Sur d’autres plans, le souci de s’aligner sur le droit
communautaire s’est accompagné par des pratiques émanant de
l’administration des douanes qui semblent sacrifier de l’une des
manifestations de la souveraineté juridique. La direction générale de
douane s’est permise de diffuser par une note commune67 un extrait du
JOCE comportant la publication d’un règlement de la Commission en
vue d’informer le public tunisien de l’évolution de l’état du droit
communautaire68. Les notes communes doivent, selon le nouvel article
13 du CDT, se contenter de fixer les dispositions pratiques pour
l’application des droits de douane exigibles conformément aux
dispositions en vigueur. De plus, le journal officiel de la république
tunisienne constitue la seule source officielle de l’information
juridique.
43- Pour conclure, le nouveau CDT marque plusieurs avancées
par rapport à celui de 1955 qui a artificiellement survécu dans un
système ayant connu un profond changement. Néanmoins, il ne suffit
pas que le droit change de contenu, mais encore faut-il que les
hommes changent de méthodes et de pratiques. Le défi de la
modernisation du pays ne saurait être levé uniquement par
66
67
68
Article 14.1
DGD 2001/83.
Il s’agit du règlement (CE) n° 809/2001 de la Commission du 26/4/2001
établissant des valeurs unitaires pour la détermination de la valeur en douane de
certaines marchandises périssables.
525
Législation douanière tunisienne et législation communautaire
l’harmonisation de la législation douanière. L’ouverture est plus
qu’une norme à adopter, elle est plutôt une conviction à intérioriser
tant dans les pays du nord que du sud. L’abandon tardif d’un système
et son remplacement par un autre plus rénové doit s’accompagner par
l’appropriation progressive d’une culture transparente à travers, entre
autres, la conclusion d’un pacte de sincérité et de responsabilité entre
tous les intervenants.
526