Jean-Christophe LE DUIGOU
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Jean-Christophe LE DUIGOU
N° 112 JUILLET/AOÛT 2007 QUELLES FONDATIONS POUR L’EUROPE SOCIALE RÉFLEXIONS APRÈS LE 11 DE LA CES E CONGRÈS S O M M A I R E Europe : quels objectifs sociaux .......................................................................................... .......................................................................................... 3 Comment mettre fin à la « panne d’Europe ? » .......................................................................................... .......................................................................................... 4 Quelle stratégie commune ? .......................................................................................... .......................................................................................... 5 Sécurité professionnelle ou flexicurité ? .......................................................................................... .......................................................................................... 7 Les problèmes non résolus .......................................................................................... .......................................................................................... 8 L’avenir du syndicalisme européen .......................................................................................... .......................................................................................... 10 2 CCEES-Cgt, Note économique n° 110, mai 2007 L e Congrès de la CES s’est tenu les 21-22-23 et 24 mai à Séville. Le plat de résistance du congrès a été un texte relativement long appelé « Programme stratégique ». Il est complété d’un manifeste dit « Manifeste de Séville » qui ramasse sous une forme courte, les principales propositions pour que le syndicalisme passe à l’offensive sur les principaux « fronts » de l’Europe sociale. Un large consensus s’est manifesté autour de ces orientations. Ce congrès a confirmé la force que représente le syndicalisme en Europe. Ce dernier est cependant loin d’avoir résolu les importantes questions stratégiques qui lui sont posées. Cette force qui compte n’est dès lors pas pleinement utilisée pour faire aboutir les objectifs qui nous sont communs1. Plusieurs problèmes demeurent posés et ont été au cœur des débats : les enjeux liées à la transformation et à la relance de la construction européenne, les problèmes de renforcement et de développement de la CES sans oublier la question essentielle de notre intervention et celle des salariés sur les dossiers revendicatifs européens concrets notamment celui de l’organisation future du marché du travail en Europe. Europe : sociaux ? quels objectifs Si, à l’instar de ce que certains pays souhaitent, l’Union européenne n’était qu’une zone économique de libre-échange, la politique européenne pourrait se limiter à la redistribution de quelques fonds destinés à accompagner les restructurations et à atténuer leurs conséquences. Mais l’Europe est pour les forces syndicales 1 Voir compte rendu du « 11ème Congrès de la CES établi par la délégation, note du secteur EuropeInternational de la CGT, mai 2007. européennes, un projet intégré autant politique et social qu’économique. Pour le syndicalisme, il s’inscrit dans un héritage de valeurs communes démocratiques et participe de la construction d’une perspective de développement durable. Le projet européen va donc bien au-delà du « grand marché » et porte des contenus nouveaux de solidarité et de coopération. Le contenu actuel de la mondialisation, tiré par les intérêts des multinationales et les politiques néo-libérales, aggrave les inégalités, pousse aux délocalisations et au moins disant social, dégrade la situation des travailleurs partout dans le monde. Ce n’est pas inéluctable ! Face à cette situation les salariés attendent que l’Europe s’affirme comme un moyen de régulation et de réorientation de cette mondialisation prenant en compte les objectifs de développement durable, de respect des droits fondamentaux, d’accès à un emploi décent pour tous, de développement des services publics de qualité. Tel n’est pas le cas de l’Europe actuelle : la faible dimension sociale et le refus de renforcer celle-ci, l’accélération de la privatisation des services publics à coup de directives générales ou sectorielles (transport, énergie, poste…), le « tout marché », érigé en dogme d’efficacité au détriment de véritables garanties sociales nouvelles, caractérisent la construction européenne. La stratégie de Lisbonne dont l’objectif affiché était de rendre l’économie européenne la plus compétitive au niveau mondial grâce à la formation, à la qualification et à un équilibre plus acceptable entre flexibilité pour l’entreprise et sécurité pour les salariés, est un échec. La flexibilité s’étend. L’investissement, la production et l’emploi reculent. Seuls, les profits sont au rendezvous pour les plus grandes firmes. C’est le rejet de cette logique, combiné à une critique des processus bureaucratiques à l’œuvre, qui provoque le « désenchantement européen » évoqué par plusieurs analystes des opinions publiques. Au moment où s’esquisse un marché européen du travail, il faut impérativement renforcer la dimension sociale de l’Europe. Pour nous, les priorités couvrent les domaines suivants : salaires minima, sécurité de l’emploi, condition de travail, santé, droits syndicaux transeuropéens (droit de grève), durée du travail avec la fin de « l’opting-out » actuellement en discussion, révision de la directive « comités d’entreprises » et sortie de la directive sur « le travail intérimaire ». De même il y a besoin de réaffirmer l’exigence d’une directive cadre sur les services publics, indispensable afin de donner un véritable statut aux services d’intérêt général. La négociation collective et la participation des travailleurs doivent être de meilleure qualité afin de permettre un renforcement des garanties collectives nationales par des accords collectifs et des législations européennes interprofessionnelles et sectorielles qui élèvent le niveau des droits en Europe et réduisent les possibilités de dumping social. Une harmonisation européenne de la fiscalité est indispensable tout comme une révision de la stratégie de Lisbonne qui a échoué, une véritable politique industrielle et de recherche de l’Europe, une augmentation du budget et d’une réforme de la PAC indispensables pour promouvoir une croissance plus forte, la création d’emplois de qualité, la cohésion sociale avec l’intégration des nouveaux et futurs entrants dans l’UE. Sur tous ces points, les débats préparatoires au congrès ont permis d’avancer ensemble. Reste qu’ils ne mettent pas fin en soi à toutes les interrogations sur l’avenir de l’Europe. Comment mettre fin « panne d’Europe ? » à la L’enjeu d’une Union européenne plus forte et plus sociale est incontournable pour mettre fin à la panne d’Europe. La Cgt a partagé le constat collectif porté par la CES : la construction européenne a été vecteur de paix et de solidarité sur tout le continent. Elle a fourni un cadre et des politiques concrètes qui ont contribué à faire progresser les pays les moins développés. Mais nous soulignons fortement que l’Europe est aujourd’hui en difficulté et qu’elle a besoin d’une ambition. La transformation et le processus de relance de l’Union suppose d’intégrer plusieurs thématiques : le chômage reste beaucoup trop élevé et les mises en concurrence s’accentuent entre les salariés, la croissance économique est trop faible, nombre de nouveaux emplois créés sont précaires et n’offrent pas de sécurité, les systèmes sociaux sont attaqués, de nombreux retraités s’appauvrissent, les inégalités hommes/femmes s’accentuent tout comme celles qui ont trait à la répartition des revenus et de la richesse. S’il y a crise de confiance, c’est parce que l’Europe ne parvient pas à s’affirmer comme un moyen de régulation et de réorientation de la mondialisation. La Cgt n’a pas partagé l’appréciation positive du traité constitutionnel à la différence de la majorité des organisations de la CES. Elle s’est donc légitimement interrogée sur l’insistance à reprendre ce débat dans les conclusions du congrès. On ne reviendra pas en arrière. Nous estimons que la responsabilité syndicale suppose d’aller en avant, plus loin sur le terrain social et économique qui est pleinement le nôtre. C’est ainsi que nous pourrons assurer l’avenir de l’Union. La Cgt n’est bien sûr pas indifférente à l’évolution des institutions européennes. Nous sommes favorables à des réponses renforçant leur caractère démocratique et efficace. Mais la voie constitutionnelle ne peut pas être le cœur de nos préoccupations. La CES a tout à gagner à améliorer encore ses capacités de mobilisation sociale et de coordination des négociations. C’est par cette voie que les syndicats et la CES contribueront à enrayer la « panne européenne » et à rééquilibrer logique sociale et logique économique. Nous soutenons toutes les propositions de mobilisation qui permettent aux salariés de peser en ce sens. La crise institutionnelle est profonde, durable. Mais, le mouvement syndical n’est pas responsable de cette situation, pas plus qu’il ne peut se substituer aux partis politiques pour assurer la relance institutionnelle de l’Europe. Etait-il efficace de vouloir soutenir l’essence du projet de traité constitutionnel alors que l’idée même de « Constitution » n’est plus d’actualité ? La Cgt a deux priorités pour travailler à l’avenir de l’Europe : la construction d’une Europe sociale et le développement d’une « Europe de projets ». Nous pensons que ces objectifs articulés étroitement rejoignent les préoccupations de nombre d’organisations de la CES. Notre analyse est quelque peu différente. Les problèmes de société en Europe et leurs répercussions politiques trouvent leurs racines dans les contradictions sociales et notamment dans les problèmes liés au travail. Et le travail, c’est notre terrain d’intervention à nous autres syndicalistes ! C’est sous cet éclairage que la Cgt veut considérer ses responsabilités : il nous faut avancer à partir de ce que les salariés attendent de nous en Europe. La construction de l’Europe sociale dépend donc avant tout de nous, c’est-à-dire de l’action de la CES et de ses composantes. Ils aspirent au progrès social et nous ne pouvons pas subordonner celui-ci à l’aboutissement d’un projet politique. Le syndicalisme se donne comme priorité la construction d’un socle de droits sociaux communs à l’Union européenne. Nous partageons totalement cet objectif. La charte des droits fondamentaux doit être intégrée dans le droit communautaire, comme cela a été rappelé. De même, notre démarche revendicative en lien avec un essor conséquent de la syndicalisation, doit gagner en efficacité pour parvenir à cet objectif. La priorité est donc de renforcer l’intervention syndicale et revendicative. Quelle stratégie commune ? La question de la stratégie des organisations syndicales dans le contexte actuel de la construction européenne est dès lors plus que jamais posée. « Nous devons passer d'une attitude défensive à une stratégie offensive ». Tel a été le thème principal du congrès de la CES. Nous ne pouvons en effet nous satisfaire d’une situation dans laquelle l'action du mouvement syndical a toujours une longueur de retard sur la mondialisation économique et sociale. Les firmes qui pilotent la mondialisation, considèrent au mieux l’Europe comme une base arrière de leurs opérations. Les syndicats ne peuvent être à la remorque des opérations de restructuration. Leur rôle doit aussi être « préventif » : ils doivent les anticiper et chercher à promouvoir des alternatives. Le nouveau programme d'action de la Confédération Syndicale Internationale (CSI) prend l'engagement de « construire un mouvement syndical basé sur une transformation sociale, en ouvrant la voie à une mondialisation qui bénéficiera à tous ». Nous devons montrer que la chose peut commencer à se réaliser en Europe et que l’Europe peut contribuer à aider d’autres régions du monde. La CES et ses organisations ont de grandes responsabilités. La CES a l’ambition d’être un outil de mobilisation sociale et de coordination des négociations. Plusieurs pistes d'actions syndicales ont été confirmés au plan de l’Union : – les systèmes de relations industrielles et la gouvernance d'entreprise ; – la garantie et l'évolution des systèmes de protection sociale et de santé qui forment le cœur du modèle social européen ; – le développement, au niveau européen, d'un dialogue social, de négociations collectives et de la participation des travailleurs. proportion de la main-d'œuvre syndiquée n’a jamais été, depuis un demi-siècle, aussi faible. L'organisation et le recrutement incombent clairement aux syndicats nationaux, mais la CES veut jouer un rôle dans la coordination des activités, des politiques et des échanges entre ses organisations membres. « Étant donné le recul de l'affiliation syndicale, la stratégie visant à regagner le terrain perdu doit être un engagement sérieux et à long terme », précise la version finale du texte du programme stratégique. Le soutien et l'affiliation ne sont pas seulement une question d'organisation. Ils dépendent aussi de la manière de représenter les travailleurs, de combiner les politiques et les actions. Le problème ne sera pas résolu de manière satisfaisante sans la mise en œuvre d’une stratégie qui tienne compte des intérêts des membres potentiels et des conditions auxquelles ils sont confrontés, en particulier, dans le secteur des services privés et des salariés précaires. Cela est bien sûr incompatible avec une CES considérée au mieux comme accessoire, voire une simple superstructure de représentation. De même, c’est incompatible avec tout affaiblissement syndical qui appelle des réponses concertées et collectives au plan européen. Le congrès de Séville a adopté un objectif visant à augmenter les affiliations syndicales sur les 4 années à venir. Les organisations membres seront invitées à préparer des plans d'action afin de déterminer comment s’attaquer à la question de l’augmentation du nombre de membres. La CES entend relever le défi de la syndicalisation. Ces 20 dernières années, la proportion de salariés syndiqués a plafonné ou reculé dans la plupart des pays européens. Ce recul est particulièrement marqué dans les nouveaux États membres mais les difficultés se retrouvent, le déclin sauf exception, est peu ou prou dans la plupart des pays de l'Europe des 15. Aujourd'hui, quelles que soient les disparités et les points forts qui demeurent, force est de constater qu’en Europe la Le soutien de la CES à ces activités comprend : – le développement d'échanges de bonnes pratiques ; – une intensification de la formation des responsables d’organisations ; – une aide à la définition de politiques pertinentes visant des groupes qu’il nous faut organiser de toute urgence : les jeunes, le secteur des services, les migrants, les travailleurs précaires ; – la fixation d’événements coordonnés, très médiatisés, dans toute l'Europe, destinés à attirer de nouveaux membres. Une partie de ce travail consiste également pour la CES à évaluer la charte syndicale adoptée lors du congrès d'Helsinki, et à examiner comment lui apporter un souffle nouveau. Cela ne va cependant pas de soi dans la CES où les situations nationales sont pour le moins différentes. Mais l’enjeu d’un syndicalisme d’adhérents est bien une question centrale si les syndicats veulent pouvoir peser, à tous les niveaux, sur les choix essentiels. Sécurité professionnelle flexicurité ? ou La CES doit être capable de mobiliser les syndicats européens en vue d’actions solidaires. Cette solidarité s’est avérée cruciale dans l’ampleur prise par la campagne contre la proposition de directive « Bolkestein ». Cela a aussi été un élément de la campagne qui a visé à sauver l'usine de VW à Bruxelles. La solidarité est notre tâche principale. Les éléments positifs existent. Le Congrès les a rappelés. La croissance économique s’est redressée dans l’Union même si elle reste encore trop faible. Bien que trop limitée, la négociation collective a sa place en Europe. La CES a été capable sur plusieurs dossiers de dégager des points d’accord avec des groupes au Parlement européen. Elle a favorisé l’adoption de la Directive REACH sur l’environnement, ce qui n’était pas un mince enjeu. Mais nous avons besoin de peser plus fortement sur l’ensemble des institutions européennes, y compris la Commission et le Parlement. La CES veut investir davantage de ressources dans ce travail et être mieux positionnés pour lutter contre l’influence qu’exercent des entreprises et d’autres organismes sur les politiques. Il est aussi important de renforcer les capacités d’intervention syndicales sur les dimensions juridiques du droit communautaire. Ce champ de bataille prend de plus en plus d’importance et, dans ce domaine, l'expertise des syndicats est limitée comparativement avec celle dont ils peuvent se prévaloir en matière de droit du travail. Le congrès s’est arrêté sur la question de la flexicurité. L’engagement des discussions autour de ce thème a retenu longuement l’attention du congrès. Non sans inquiétude, nous avons vu dans la phrase préparatoire au congrès que la « flexicurité » était en train de s’imposer comme cadre du débat sur l’évolution du contrat de travail. Bien sûr, la CES ne peut pas se dérober et doit participer aux discussions. Mais, cela ne justifierait pas l’acceptation du concept lui-même quelles que soient les qualifications qu’on lui accolerait : « vraie flexicurité », « flexicurité véritable », ou « fair 2 flexicurité » en anglais ? Clarifier nos objectifs est une condition pour aborder les discussions avec les autorités européennes et avec le patronat. L’enjeu n’est pas de troquer une flexibilité supplémentaire pour l’entreprise contre une meilleure indemnisation du licenciement. A nouveau, il est de protéger dans les nouvelles conditions économiques qui affectent le marché du travail, le parcours professionnel de chaque salarié. En un mot, il s’agit d’organiser la responsabilité sociale de l’entreprise envers le travail et l’emploi et non de négocier quelques contreparties à une politique de l’emploi encore plus dure. Vaut-il mieux en effet mutualiser très 2 John MONKS lui-même a dénoncé un concept qui est en train de se transformer « en un menu à la carte dont les choix les plus prisés par les hommes sont la fin des contrats sécurisés, la réduction de la protection de l’emploi et les droits aux allocations chômage ». partiellement les conséquences négatives de suppressions d’emplois plus nombreuses ou développer réellement les dépenses préventives permettant d’éviter, autant que faire se peut, le licenciement ? Travailler en étroite collaboration entre la CES et les affiliés nationaux sur ce sujet comme sur d’autres, est vital. Le syndicalisme ne peut pas être écartelé entre les différents niveaux de négociation ou différentes approches de l’évolution des droits sociaux. Leur articulation est stratégique comme le montre le dossier du « contrat de travail » qui se pose à la fois au niveau national et européen. Le problème se pose aussi au plan mondial où domine par contre la réalité du « travail informel ». La CES a confirmé son rôle à part entière dans le développement du syndicalisme mondial, en soutenant le travail de la Confédération syndicale internationale, ce nouveau développement qui a été approuvé lors du congrès inaugural de Vienne en novembre 2006. Ce travail comprend nécessairement la mise en place de la base du conseil régional paneuropéen, qui sera l’instrument central de développement de la coopération entre la CES et les centres nationaux des pays européens non représentés dans la CES, mais il doit aussi améliorer les relations avec les mouvements syndicaux aux frontières sur de l’Europe particulièrement autour de la Méditerranée. La CES, en collaboration avec la CSI, le TUAC et des organisations syndicales nationales et régionales entend travailler à l’incorporation d’une dimension sociale, y compris le travail décent, le développement durable, les droits de l’homme et les droits syndicaux, dans les divers accords de commerce, de coopération et d'association de l'UE. Ceci se rapporte non seulement aux pourparlers commerciaux et à l’intégration des normes de travail fondamentales mais, plus généralement, à la dimension sociale dont le point de référence est la Charte européenne des droits fondamentaux, la négociation sociale étant un ’instrument essentiel pour promouvoir cette dimension. Les problèmes non résolus Les difficultés que nous avions mises en évidence en septembre dernier lorsque se sont amorcés les débats la préparation du congrès, n’ont pas disparu. Les débats préparatoires ont permis de préciser quelques-uns de ces points. Dans la crise de la construction européenne, la CES et ses organisations demeurent confrontées à des choix stratégiques essentiels. Le vote de la résolution à l’unanimité, aussi positif qu’il soit, ne peut pas cacher les points de discussion qui demeurent. Le calendrier de travail que s’était donné le Comité exécutif était trop court pour permettre une discussion un peu large dans les organisations. Les débats ont été certes approfondis au sein du Comité Préparatoire du Congrès. Mais, ils ont montré la difficulté à arriver à des positions communes sur certains sujets : salaire minimum, flexicurité, refonte de la stratégie de Lisbonne… Sans parler de la question institutionnelle et du positionnement de la CES sur l’après Traité Constitutionnel Européen. Si beaucoup de suggestions ont été intégrées, le document final est parfois resté ambigu. La Cgt a choisi de soutenir globalement tout en marquant son désaccord ou ses interrogations sur des points précis. Les questions non résolues ne sont pas mineures. Il n’y a pas à l’évidence consensus entre organisations sur tous les points. C’est le cas de la reconnaissance de la place et rôle du niveau européen en matière d’organisation du marché du travail et de protection des droits sociaux. Certains syndicats et non des moindres se prononçant à ce stade a minima, renvoyant toute évolution aux négociations et compromis nationaux. La revendication d’un salaire minimum européen, ne fait de même pas l’unanimité. Même quand son contenu est précisé : principe commun décliné ensuite par pays quant aux modalités de fixation et au niveau. Les syndicats des pays nordiques par exemple, s’opposent à cette revendication. Beaucoup d’interventions de personnalités extérieures, qui bien sûr n’engagent pas le syndicalisme européen, ont mis en exergue les succès de tel ou tel « modèle national ». Cette insistance est significative d’une tendance lourde en Europe au repli sur ses réalités nationales. L’approche de l’organisation du marché du travail a laissé entrevoir des différences. Il ne faut pas fuir le débat mais il s’agit de savoir comment le syndicalisme européen se positionne dans le processus de discussion ouvert par la Commission européenne. S’agit-il d’accepter un « donnant-donnant » ou, au contraire, de poser des exigences précises et de haut niveau quant aux sécurités que les travailleurs sont en droit d’attendre pour leur vie professionnelle et sociale. Le congrès a décidé de poursuivre la clarification, notamment au travers de la réponse à formuler au Livre vert européen.3 La discussion porte aussi sur la dimension économique de l’Union européenne. Critiques et exigences syndicales en matière de politique économique sont bien posées (politique monétaire, politique budgétaire…). Mais comment s’articulentelles à des projets communs européens bien identifiés : énergie, formation, développement durable ou recherche… ? 3 Voir le commentaire de la CES, juillet 2007 qui apporte une série de précisions intéressantes. Les conclusions demeurent insatisfaisantes malgré des progrès sur les questions de politique industrielle. Reste enfin la question de la construction politique européenne. Bien sûr, nous ne nous retrouvons pas dans l’appréciation positive du Traité constitutionnel rappelée dans le texte. Mais, au-delà, règne une certaine confusion sur la démarche. Les syndicats ne peuvent pas se substituer aux politiques pour sortir de l’impasse. Le syndicalisme a une grande responsabilité en matière économique et sociale, dimensions sur lesquelles il faut sans attendre avancer. La difficulté de l’exercice n’était pas mineure. Le Congrès de la CES s’est tenu à 4 semaines d’un important Conseil européen qui a fait de nouvelles propositions en matière de réforme institutionnelle de l’Europe. Une conférence intergouvernementale se réunit depuis le 23 juillet. Elle est censée produire en septembre le document support de la réforme institutionnelle, soumis ensuite à ratification des Etats. Il apparaît évident que les débats sur ce point vont se poursuivre. Nous estimons que le mouvement syndical européen doit se porter sur les enjeux d’avenir et affirmer deux orientations politiques et de réforme institutionnelle : – la priorité à la construction d’une Europe sociale et à partir de là l’exigence de voir la charte des droits sociaux fondamentaux devenir un texte juridiquement intégré dans les traités sans « opting out » ; – le développement d’une « Europe de projets », autour desquels viendraient s’agréger tous les pays européens volontaires pour approfondir les solidarités en matière économique, industrielle, sociale, culturelle. L’avenir européen du syndicalisme Le texte politique et revendicatif court, appelé Manifeste de Séville, reprend en 4 à 5 pages les 5 axes stratégiques essentiels de la CES et esquisse un programme revendicatif lisible au-delà des cercles d’initiés. Il se propose notamment d’avancer sur 3 points : – l’affirmation d’une démarche syndicale, ce qui justifie de partir du rôle de la CES qui est spécifique et ne peut ni se substituer aux politiques ni y être subordonné ; – la clarification de plusieurs points particuliers : est-on ou pas pour le salaire minimum ? Doit-on réécrire la stratégie de Lisbonne ? Comment combattre l’approche flexicurité de la Commission ? – enfin, le besoin de fournir un socle à l’Europe sociale en créant les conditions de mise en œuvre de politiques communes solidaires. Les débats préparatoires y compris sur le fonctionnement et les moyens de la CES (question de l’ajustement des cotisations) montrent qu’a priori, le besoin d’un renforcement de la démarche revendicative dans l’espace européen est un enjeu décisif pour l’Europe, pour chaque pays pris à part et pour le syndicalisme international dont les organisations de la CES sont une composante essentielle. Les tentations face à une crise de la construction européenne qui ne s’avère pas mineure ou passagère, de privilégier un repli national et donc une stratégie qui renforcerait la concurrence entre modèles économiques et modèles sociaux, est grande dans de nombreux pays. Le mouvement syndical n’échappe pas à ces tensions. Il paraît évident, à ce stade, que l’essentiel n’est pas le détail de telle ou telle formulation mais à la concrétisation des engagements des différentes organisations sur 3 points stratégiques : – la mise au point d’un nombre substantiel d’objectifs revendicatifs communs au plan européen ; – le développement de la démarche d’action et d’intervention collective à ce niveau ; – le renforcement de la CES comme outil décisif pour atteindre ses objectifs. Au-delà, le rendez-vous à mi-mandat d’une « conférence d’organisation » portant sur le fonctionnement de la CES prend une grande importance. Mais ne nous trompons pas de responsable. « La structure CES » est un élément clé de la construction de l’Europe sociale. Mais cette « Europe sociale n’existe qu’au travers de la capacité de toutes ses composantes à promouvoir une démarche commune d’innovation sociale et économique.