Jean-Christophe LE DUIGOU

Transcription

Jean-Christophe LE DUIGOU
N° 112
JUILLET/AOÛT
2007
QUELLES FONDATIONS POUR
L’EUROPE SOCIALE
RÉFLEXIONS APRÈS LE 11
DE LA CES
E
CONGRÈS
S O M M A I R E
Europe :
quels
objectifs
sociaux
..........................................................................................
..........................................................................................
3
Comment mettre fin à la « panne d’Europe ? »
..........................................................................................
..........................................................................................
4
Quelle stratégie commune ?
..........................................................................................
..........................................................................................
5
Sécurité professionnelle ou flexicurité ?
..........................................................................................
..........................................................................................
7
Les problèmes non résolus
..........................................................................................
..........................................................................................
8
L’avenir du syndicalisme européen
..........................................................................................
..........................................................................................
10
2
 CCEES-Cgt, Note économique n° 110, mai 2007
L
e Congrès de la CES s’est tenu les
21-22-23 et 24 mai à Séville. Le
plat de résistance du congrès a été
un texte relativement long appelé
« Programme stratégique ». Il est complété
d’un manifeste dit « Manifeste de Séville »
qui ramasse sous une forme courte, les
principales propositions pour que le
syndicalisme passe à l’offensive sur les
principaux « fronts » de l’Europe sociale.
Un large consensus s’est manifesté autour
de ces orientations.
Ce congrès a confirmé la force que
représente le syndicalisme en Europe. Ce
dernier est cependant loin d’avoir résolu
les importantes questions stratégiques qui
lui sont posées. Cette force qui compte
n’est dès lors pas pleinement utilisée pour
faire aboutir les objectifs qui nous sont
communs1.
Plusieurs problèmes demeurent posés et
ont été au cœur des débats : les enjeux liées
à la transformation et à la relance de la
construction européenne, les problèmes de
renforcement et de développement de la
CES sans oublier la question essentielle de
notre intervention et celle des salariés sur
les dossiers revendicatifs européens
concrets notamment celui de l’organisation
future du marché du travail en Europe.
Europe :
sociaux ?
quels
objectifs
Si, à l’instar de ce que certains pays
souhaitent, l’Union européenne n’était
qu’une zone économique de libre-échange,
la politique européenne pourrait se limiter
à la redistribution de quelques fonds
destinés à accompagner les restructurations
et à atténuer leurs conséquences. Mais
l’Europe est pour les forces syndicales
1
Voir compte rendu du « 11ème Congrès de la CES
établi par la délégation, note du secteur EuropeInternational de la CGT, mai 2007.
européennes, un projet intégré autant
politique et social qu’économique. Pour le
syndicalisme, il s’inscrit dans un héritage
de valeurs communes démocratiques et
participe de la construction d’une
perspective de développement durable. Le
projet européen va donc bien au-delà du
« grand marché » et porte des contenus
nouveaux de solidarité et de coopération.
Le contenu actuel de la mondialisation, tiré
par les intérêts des multinationales et les
politiques néo-libérales, aggrave les
inégalités, pousse aux délocalisations et au
moins disant social, dégrade la situation
des travailleurs partout dans le monde. Ce
n’est pas inéluctable ! Face à cette situation
les salariés attendent que l’Europe
s’affirme comme un moyen de régulation
et de réorientation de cette mondialisation
prenant en compte les objectifs de
développement durable, de respect des
droits fondamentaux, d’accès à un emploi
décent pour tous, de développement des
services publics de qualité.
Tel n’est pas le cas de l’Europe actuelle : la
faible dimension sociale et le refus de
renforcer celle-ci, l’accélération de la
privatisation des services publics à coup de
directives générales ou sectorielles
(transport, énergie, poste…), le « tout
marché », érigé en dogme d’efficacité au
détriment de véritables garanties sociales
nouvelles, caractérisent la construction
européenne. La stratégie de Lisbonne dont
l’objectif affiché était de rendre l’économie
européenne la plus compétitive au niveau
mondial grâce à la formation, à la
qualification et à un équilibre plus
acceptable
entre
flexibilité
pour
l’entreprise et sécurité pour les salariés, est
un échec. La flexibilité s’étend.
L’investissement, la production et l’emploi
reculent. Seuls, les profits sont au rendezvous pour les plus grandes firmes.
C’est le rejet de cette logique, combiné à
une critique des processus bureaucratiques
à
l’œuvre,
qui
provoque
le
« désenchantement européen » évoqué par
plusieurs analystes des opinions publiques.
Au moment où s’esquisse un marché
européen du travail, il faut impérativement
renforcer la dimension sociale de l’Europe.
Pour nous, les priorités couvrent les
domaines suivants : salaires minima,
sécurité de l’emploi, condition de travail,
santé, droits syndicaux transeuropéens
(droit de grève), durée du travail avec la fin
de « l’opting-out » actuellement en
discussion, révision de la directive
« comités d’entreprises » et sortie de la
directive sur « le travail intérimaire ».
De même il y a besoin de réaffirmer
l’exigence d’une directive cadre sur les
services publics, indispensable afin de
donner un véritable statut aux services
d’intérêt général.
La négociation collective et la participation
des travailleurs doivent être de meilleure
qualité afin de permettre un renforcement
des garanties collectives nationales par des
accords collectifs et des législations
européennes
interprofessionnelles
et
sectorielles qui élèvent le niveau des droits
en Europe et réduisent les possibilités de
dumping social.
Une harmonisation européenne de la
fiscalité est indispensable tout comme une
révision de la stratégie de Lisbonne qui a
échoué, une véritable politique industrielle
et de recherche de l’Europe, une
augmentation du budget et d’une réforme
de la PAC indispensables pour promouvoir
une croissance plus forte, la création
d’emplois de qualité, la cohésion sociale
avec l’intégration des nouveaux et futurs
entrants dans l’UE.
Sur tous ces points, les débats préparatoires
au congrès ont permis d’avancer ensemble.
Reste qu’ils ne mettent pas fin en soi à
toutes les interrogations sur l’avenir de
l’Europe.
Comment mettre fin
« panne d’Europe ? »
à
la
L’enjeu d’une Union européenne plus forte
et plus sociale est incontournable pour
mettre fin à la panne d’Europe.
La Cgt a partagé le constat collectif porté
par la CES : la construction européenne a
été vecteur de paix et de solidarité sur tout
le continent. Elle a fourni un cadre et des
politiques concrètes qui ont contribué à
faire progresser les pays les moins
développés.
Mais nous soulignons fortement que
l’Europe est aujourd’hui en difficulté et
qu’elle a besoin d’une ambition. La
transformation et le processus de relance
de l’Union suppose d’intégrer plusieurs
thématiques : le chômage reste beaucoup
trop élevé et les mises en concurrence
s’accentuent entre les salariés, la
croissance économique est trop faible,
nombre de nouveaux emplois créés sont
précaires et n’offrent pas de sécurité, les
systèmes sociaux sont attaqués, de
nombreux retraités s’appauvrissent, les
inégalités hommes/femmes s’accentuent
tout comme celles qui ont trait à la
répartition des revenus et de la richesse.
S’il y a crise de confiance, c’est parce que
l’Europe ne parvient pas à s’affirmer
comme un moyen de régulation et de
réorientation de la mondialisation.
La Cgt n’a pas partagé l’appréciation
positive du traité constitutionnel à la
différence de la majorité des organisations
de la CES. Elle s’est donc légitimement
interrogée sur l’insistance à reprendre ce
débat dans les conclusions du congrès. On
ne reviendra pas en arrière. Nous estimons
que la responsabilité syndicale suppose
d’aller en avant, plus loin sur le terrain
social et économique qui est pleinement le
nôtre. C’est ainsi que nous pourrons
assurer l’avenir de l’Union.
La Cgt n’est bien sûr pas indifférente à
l’évolution des institutions européennes.
Nous sommes favorables à des réponses
renforçant leur caractère démocratique et
efficace. Mais la voie constitutionnelle ne
peut pas être le cœur de nos
préoccupations.
La CES a tout à gagner à améliorer encore
ses capacités de mobilisation sociale et de
coordination des négociations. C’est par
cette voie que les syndicats et la CES
contribueront à enrayer la « panne
européenne » et à rééquilibrer logique
sociale et logique économique. Nous
soutenons toutes les propositions de
mobilisation qui permettent aux salariés de
peser en ce sens.
La crise institutionnelle est profonde,
durable. Mais, le mouvement syndical
n’est pas responsable de cette situation, pas
plus qu’il ne peut se substituer aux partis
politiques pour assurer la relance
institutionnelle de l’Europe. Etait-il
efficace de vouloir soutenir l’essence du
projet de traité constitutionnel alors que
l’idée même de « Constitution » n’est plus
d’actualité ?
La Cgt a deux priorités pour travailler à
l’avenir de l’Europe : la construction d’une
Europe sociale et le développement d’une
« Europe de projets ». Nous pensons que
ces
objectifs
articulés
étroitement
rejoignent les préoccupations de nombre
d’organisations de la CES.
Notre analyse est quelque peu différente.
Les problèmes de société en Europe et
leurs répercussions politiques trouvent
leurs racines dans les contradictions
sociales et notamment dans les problèmes
liés au travail. Et le travail, c’est notre
terrain d’intervention à nous autres
syndicalistes ! C’est sous cet éclairage que
la Cgt veut considérer ses responsabilités :
il nous faut avancer à partir de ce que les
salariés attendent de nous en Europe.
La construction de l’Europe sociale dépend
donc avant tout de nous, c’est-à-dire de
l’action de la CES et de ses composantes.
Ils aspirent au progrès social et nous ne
pouvons pas subordonner celui-ci à
l’aboutissement d’un projet politique. Le
syndicalisme se donne comme priorité la
construction d’un socle de droits sociaux
communs à l’Union européenne. Nous
partageons totalement cet objectif. La
charte des droits fondamentaux doit être
intégrée dans le droit communautaire,
comme cela a été rappelé. De même, notre
démarche revendicative en lien avec un
essor conséquent de la syndicalisation, doit
gagner en efficacité pour parvenir à cet
objectif. La priorité est donc de renforcer
l’intervention syndicale et revendicative.
Quelle stratégie commune ?
La question de la stratégie des
organisations syndicales dans le contexte
actuel de la construction européenne est
dès lors plus que jamais posée. « Nous
devons passer d'une attitude défensive à
une stratégie offensive ». Tel a été le thème
principal du congrès de la CES. Nous ne
pouvons en effet nous satisfaire d’une
situation dans laquelle l'action du
mouvement syndical a toujours une
longueur de retard sur la mondialisation
économique et sociale.
Les firmes qui pilotent la mondialisation,
considèrent au mieux l’Europe comme une
base arrière de leurs opérations. Les
syndicats ne peuvent être à la remorque des
opérations de restructuration. Leur rôle
doit aussi être « préventif » : ils doivent les
anticiper et chercher à promouvoir des
alternatives.
Le nouveau programme d'action de la
Confédération Syndicale Internationale
(CSI) prend l'engagement de « construire
un mouvement syndical basé sur une
transformation sociale, en ouvrant la voie
à une mondialisation qui bénéficiera à
tous ». Nous devons montrer que la chose
peut commencer à se réaliser en Europe et
que l’Europe peut contribuer à aider
d’autres régions du monde. La CES et ses
organisations
ont
de
grandes
responsabilités.
La CES a l’ambition d’être un outil de
mobilisation sociale et de coordination des
négociations. Plusieurs pistes d'actions
syndicales ont été confirmés au plan de
l’Union :
– les systèmes de relations industrielles
et la gouvernance d'entreprise ;
– la garantie et l'évolution des systèmes
de protection sociale et de santé qui
forment le cœur du modèle social
européen ;
– le développement, au niveau européen,
d'un dialogue social, de négociations
collectives et de la participation des
travailleurs.
proportion de la main-d'œuvre syndiquée
n’a jamais été, depuis un demi-siècle, aussi
faible.
L'organisation et le recrutement incombent
clairement aux syndicats nationaux, mais
la CES veut jouer un rôle dans la
coordination des activités, des politiques et
des échanges entre ses organisations
membres. « Étant donné le recul de
l'affiliation syndicale, la stratégie visant à
regagner le terrain perdu doit être un
engagement sérieux et à long terme »,
précise la version finale du texte du
programme stratégique.
Le soutien et l'affiliation ne sont pas
seulement une question d'organisation. Ils
dépendent aussi de la manière de
représenter les travailleurs, de combiner les
politiques et les actions. Le problème ne
sera pas résolu de manière satisfaisante
sans la mise en œuvre d’une stratégie qui
tienne compte des intérêts des membres
potentiels et des conditions auxquelles ils
sont confrontés, en particulier, dans le
secteur des services privés et des salariés
précaires.
Cela est bien sûr incompatible avec une
CES considérée au mieux comme
accessoire, voire une simple superstructure
de représentation. De même, c’est
incompatible avec tout affaiblissement
syndical qui appelle des réponses
concertées et collectives au plan européen.
Le congrès de Séville a adopté un objectif
visant à augmenter les affiliations
syndicales sur les 4 années à venir. Les
organisations membres seront invitées à
préparer des plans d'action afin de
déterminer comment s’attaquer à la
question de l’augmentation du nombre de
membres.
La CES entend relever le défi de la
syndicalisation. Ces 20 dernières années, la
proportion de salariés syndiqués a plafonné
ou reculé dans la plupart des pays
européens. Ce recul est particulièrement
marqué dans les nouveaux États membres
mais les difficultés se retrouvent, le déclin
sauf exception, est peu ou prou dans la
plupart des pays de l'Europe des 15.
Aujourd'hui, quelles que soient les
disparités et les points forts qui demeurent,
force est de constater qu’en Europe la
Le soutien de la CES à ces activités
comprend :
– le développement d'échanges de
bonnes pratiques ;
– une intensification de la formation des
responsables d’organisations ;
– une aide à la définition de politiques
pertinentes visant des groupes qu’il
nous faut organiser de toute urgence :
les jeunes, le secteur des services, les
migrants, les travailleurs précaires ;
–
la fixation d’événements coordonnés,
très médiatisés, dans toute l'Europe,
destinés à attirer de nouveaux
membres.
Une partie de ce travail consiste également
pour la CES à évaluer la charte syndicale
adoptée lors du congrès d'Helsinki, et à
examiner comment lui apporter un souffle
nouveau.
Cela ne va cependant pas de soi dans la
CES où les situations nationales sont pour
le moins différentes. Mais l’enjeu d’un
syndicalisme d’adhérents est bien une
question centrale si les syndicats veulent
pouvoir peser, à tous les niveaux, sur les
choix essentiels.
Sécurité professionnelle
flexicurité ?
ou
La CES doit être capable de mobiliser les
syndicats européens en vue d’actions
solidaires. Cette solidarité s’est avérée
cruciale dans l’ampleur prise par la
campagne contre la proposition de
directive « Bolkestein ». Cela a aussi été
un élément de la campagne qui a visé à
sauver l'usine de VW à Bruxelles. La
solidarité est notre tâche principale.
Les éléments positifs existent. Le Congrès
les a rappelés. La croissance économique
s’est redressée dans l’Union même si elle
reste encore trop faible. Bien que trop
limitée, la négociation collective a sa place
en Europe. La CES a été capable sur
plusieurs dossiers de dégager des points
d’accord avec des groupes au Parlement
européen. Elle a favorisé l’adoption de la
Directive REACH sur l’environnement, ce
qui n’était pas un mince enjeu. Mais nous
avons besoin de peser plus fortement sur
l’ensemble des institutions européennes, y
compris la Commission et le Parlement. La
CES veut investir davantage de ressources
dans ce travail et être mieux positionnés
pour lutter contre l’influence qu’exercent
des entreprises et d’autres organismes sur
les politiques. Il est aussi important de
renforcer les capacités d’intervention
syndicales sur les dimensions juridiques du
droit communautaire. Ce champ de bataille
prend de plus en plus d’importance et, dans
ce domaine, l'expertise des syndicats est
limitée comparativement avec celle dont ils
peuvent se prévaloir en matière de droit du
travail.
Le congrès s’est arrêté sur la question de la
flexicurité. L’engagement des discussions
autour de ce thème a retenu longuement
l’attention du congrès. Non sans
inquiétude, nous avons vu dans la phrase
préparatoire
au
congrès
que
la
« flexicurité » était en train de s’imposer
comme cadre du débat sur l’évolution du
contrat de travail. Bien sûr, la CES ne peut
pas se dérober et doit participer aux
discussions. Mais, cela ne justifierait pas
l’acceptation du concept lui-même quelles
que soient les qualifications qu’on lui
accolerait :
« vraie
flexicurité »,
« flexicurité
véritable »,
ou
« fair
2
flexicurité » en anglais ?
Clarifier nos objectifs est une condition
pour aborder les discussions avec les
autorités européennes et avec le patronat.
L’enjeu n’est pas de troquer une flexibilité
supplémentaire pour l’entreprise contre
une
meilleure
indemnisation
du
licenciement. A nouveau, il est de protéger
dans les nouvelles conditions économiques
qui affectent le marché du travail, le
parcours professionnel de chaque salarié.
En un mot, il s’agit d’organiser la
responsabilité sociale de l’entreprise
envers le travail et l’emploi et non de
négocier quelques contreparties à une
politique de l’emploi encore plus dure.
Vaut-il mieux en effet mutualiser très
2
John MONKS lui-même a dénoncé un concept qui
est en train de se transformer « en un menu à la
carte dont les choix les plus prisés par les hommes
sont la fin des contrats sécurisés, la réduction de la
protection de l’emploi et les droits aux allocations
chômage ».
partiellement les conséquences négatives
de
suppressions
d’emplois
plus
nombreuses ou développer réellement les
dépenses préventives permettant d’éviter,
autant que faire se peut, le licenciement ?
Travailler en étroite collaboration entre la
CES et les affiliés nationaux sur ce sujet
comme sur d’autres, est vital. Le
syndicalisme ne peut pas être écartelé entre
les différents niveaux de négociation ou
différentes approches de l’évolution des
droits sociaux. Leur articulation est
stratégique comme le montre le dossier du
« contrat de travail » qui se pose à la fois
au niveau national et européen.
Le problème se pose aussi au plan mondial
où domine par contre la réalité du « travail
informel ». La CES a confirmé son rôle à
part entière dans le développement du
syndicalisme mondial, en soutenant le
travail de la Confédération syndicale
internationale, ce nouveau développement
qui a été approuvé lors du congrès
inaugural de Vienne en novembre 2006. Ce
travail comprend nécessairement la mise
en place de la base du conseil régional
paneuropéen, qui sera l’instrument central
de développement de la coopération entre
la CES et les centres nationaux des pays
européens non représentés dans la CES,
mais il doit aussi améliorer les relations
avec les mouvements syndicaux aux
frontières sur de l’Europe particulièrement
autour de la Méditerranée.
La CES, en collaboration avec la CSI, le
TUAC et des organisations syndicales
nationales et régionales entend travailler à
l’incorporation d’une dimension sociale, y
compris
le
travail
décent,
le
développement durable, les droits de
l’homme et les droits syndicaux, dans les
divers accords de commerce, de
coopération et d'association de l'UE. Ceci
se rapporte non seulement aux pourparlers
commerciaux et à l’intégration des normes
de travail fondamentales mais, plus
généralement, à la dimension sociale dont
le point de référence est la Charte
européenne des droits fondamentaux, la
négociation sociale étant un ’instrument
essentiel pour promouvoir cette dimension.
Les problèmes non résolus
Les difficultés que nous avions mises en
évidence en septembre dernier lorsque se
sont amorcés les débats la préparation du
congrès, n’ont pas disparu. Les débats
préparatoires ont permis de préciser
quelques-uns de ces points. Dans la crise
de la construction européenne, la CES et
ses organisations demeurent confrontées à
des choix stratégiques essentiels. Le vote
de la résolution à l’unanimité, aussi positif
qu’il soit, ne peut pas cacher les points de
discussion qui demeurent.
Le calendrier de travail que s’était donné le
Comité exécutif était trop court pour
permettre une discussion un peu large dans
les organisations. Les débats ont été certes
approfondis au sein du Comité Préparatoire
du Congrès. Mais, ils ont montré la
difficulté à arriver à des positions
communes sur certains sujets : salaire
minimum, flexicurité, refonte de la
stratégie de Lisbonne… Sans parler de la
question
institutionnelle
et
du
positionnement de la CES sur l’après
Traité Constitutionnel Européen.
Si beaucoup de suggestions ont été
intégrées, le document final est parfois
resté ambigu. La Cgt a choisi de soutenir
globalement tout en marquant son
désaccord ou ses interrogations sur des
points précis.
Les questions non résolues ne sont pas
mineures. Il n’y a pas à l’évidence
consensus entre organisations sur tous les
points.
C’est le cas de la reconnaissance de la
place et rôle du niveau européen en matière
d’organisation du marché du travail et de
protection des droits sociaux. Certains
syndicats et non des moindres se
prononçant à ce stade a minima, renvoyant
toute évolution aux négociations et
compromis nationaux.
La revendication d’un salaire minimum
européen, ne fait de même pas l’unanimité.
Même quand son contenu est précisé :
principe commun décliné ensuite par pays
quant aux modalités de fixation et au
niveau. Les syndicats des pays nordiques
par exemple, s’opposent à cette
revendication.
Beaucoup d’interventions de personnalités
extérieures, qui bien sûr n’engagent pas le
syndicalisme européen, ont mis en exergue
les succès de tel ou tel « modèle national ».
Cette insistance est significative d’une
tendance lourde en Europe au repli sur ses
réalités nationales.
L’approche de l’organisation du marché du
travail a laissé entrevoir des différences. Il
ne faut pas fuir le débat mais il s’agit de
savoir comment le syndicalisme européen
se positionne dans le processus de
discussion ouvert par la Commission
européenne. S’agit-il d’accepter un
« donnant-donnant » ou, au contraire, de
poser des exigences précises et de haut
niveau quant aux sécurités que les
travailleurs sont en droit d’attendre pour
leur vie professionnelle et sociale. Le
congrès a décidé de poursuivre la
clarification, notamment au travers de la
réponse à formuler au Livre vert européen.3
La discussion porte aussi sur la dimension
économique de l’Union européenne.
Critiques et exigences syndicales en
matière de politique économique sont bien
posées (politique monétaire, politique
budgétaire…). Mais comment s’articulentelles à des projets communs européens
bien identifiés : énergie, formation,
développement durable ou recherche… ?
3
Voir le commentaire de la CES, juillet 2007 qui
apporte une série de précisions intéressantes.
Les conclusions demeurent insatisfaisantes
malgré des progrès sur les questions de
politique industrielle.
Reste enfin la question de la construction
politique européenne. Bien sûr, nous ne
nous retrouvons pas dans l’appréciation
positive du Traité constitutionnel rappelée
dans le texte. Mais, au-delà, règne une
certaine confusion sur la démarche. Les
syndicats ne peuvent pas se substituer aux
politiques pour sortir de l’impasse. Le
syndicalisme a une grande responsabilité
en matière économique et sociale,
dimensions sur lesquelles il faut sans
attendre avancer.
La difficulté de l’exercice n’était pas
mineure. Le Congrès de la CES s’est tenu à
4 semaines d’un important Conseil
européen qui a fait de nouvelles
propositions en matière de réforme
institutionnelle
de
l’Europe.
Une
conférence intergouvernementale se réunit
depuis le 23 juillet. Elle est censée
produire en septembre le document support
de la réforme institutionnelle, soumis
ensuite à ratification des Etats.
Il apparaît évident que les débats sur ce
point vont se poursuivre.
Nous estimons que le mouvement syndical
européen doit se porter sur les enjeux
d’avenir et affirmer deux orientations
politiques et de réforme institutionnelle :
– la priorité à la construction d’une
Europe sociale et à partir de là
l’exigence de voir la charte des droits
sociaux fondamentaux devenir un texte
juridiquement intégré dans les traités
sans « opting out » ;
– le développement d’une « Europe de
projets », autour desquels viendraient
s’agréger tous les pays européens
volontaires pour approfondir les
solidarités en matière économique,
industrielle, sociale, culturelle.
L’avenir
européen
du
syndicalisme
Le texte politique et revendicatif court,
appelé Manifeste de Séville, reprend en 4 à
5 pages les 5 axes stratégiques essentiels
de la CES et esquisse un programme
revendicatif lisible au-delà des cercles
d’initiés.
Il se propose notamment d’avancer sur 3
points :
– l’affirmation d’une démarche syndicale,
ce qui justifie de partir du rôle de la CES
qui est spécifique et ne peut ni se substituer
aux politiques ni y être subordonné ;
– la clarification de plusieurs points
particuliers : est-on ou pas pour le salaire
minimum ? Doit-on réécrire la stratégie de
Lisbonne ? Comment combattre l’approche
flexicurité de la Commission ?
– enfin, le besoin de fournir un socle à
l’Europe sociale en créant les conditions de
mise en œuvre de politiques communes
solidaires.
Les débats préparatoires y compris sur le
fonctionnement et les moyens de la CES
(question de l’ajustement des cotisations)
montrent qu’a priori, le besoin d’un
renforcement de la démarche revendicative
dans l’espace européen est un enjeu décisif
pour l’Europe, pour chaque pays pris à part
et pour le syndicalisme international dont
les organisations de la CES sont une
composante essentielle.
Les tentations face à une crise de la
construction européenne qui ne s’avère pas
mineure ou passagère, de privilégier un
repli national et donc une stratégie qui
renforcerait la concurrence entre modèles
économiques et modèles sociaux, est
grande dans de nombreux pays. Le
mouvement syndical n’échappe pas à ces
tensions.
Il paraît évident, à ce stade, que l’essentiel
n’est pas le détail de telle ou telle
formulation mais à la concrétisation des
engagements des différentes organisations
sur 3 points stratégiques :
– la mise au point d’un nombre substantiel
d’objectifs revendicatifs communs au plan
européen ;
– le développement de la démarche
d’action et d’intervention collective à ce
niveau ;
– le renforcement de la CES comme outil
décisif pour atteindre ses objectifs.
Au-delà, le rendez-vous à mi-mandat d’une
« conférence d’organisation » portant sur
le fonctionnement de la CES prend une
grande importance. Mais ne nous trompons
pas de responsable. « La structure CES »
est un élément clé de la construction de
l’Europe sociale. Mais cette « Europe
sociale
n’existe qu’au travers de la
capacité de toutes ses composantes à
promouvoir une démarche commune
d’innovation sociale et économique.