Quel Avenir pour les Sociétés Anonymes ?

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Quel Avenir pour les Sociétés Anonymes ?
Etude du mois
Quel Avenir pour les Sociétés Anonymes ?
Comme chacun sait, le droit marocain des
sociétés anonymes s’est mis en place à
partir de règles précédemment élaborées en
France. Cette transposition a été faite
cependant d’une façon plus systématique
pour le dahir du 11 août 1922 qui rendait
purement et simplement applicable au Maroc
la loi française du 24 juillet 1867, que pour la
loi n° 17-95 du 30 août 1996, dont l’entrée en
vigueur est généralisée depuis le 1er janvier
2001, ayant transposé la loi française du 24
juillet 1966 avec tout de même quelques
nuances. Ainsi, par exemple, en ce qui
concerne
l’institution
par
l’article
76
«d’administrateurs non dirigeants» inconnus
en France mais que le rapport Bouton
présenté au Medef (principal syndicat
patronal)
le
23
septembre
2002,
recommande à présent d’introduire dans le
droit français au titre de ses propositions de
règles de bonne conduite relatives au
gouvernement d’entreprise.
Au-delà des commentaires que peut inspirer
cette habitude d’importation massive du droit
étranger qui présente toutefois l’intérêt de
rapprocher le droit d’économies appelées à
œuvrer de concert dans le cadre de la
mondialisation des échanges, elle intervient
à chaque fois avec un retard fort important
par rapport aux dates de promulgation du
texte d’origine ; les lois françaises
successives de 1867 puis de 1966 ayant été
transposées respectivement en 1922 et en
1996, soit avec un décalage de 45 ans puis
de 30 ans.
Ces décalages de plusieurs décennies
altèrent
immanquablement
l’objectif
d’harmonisation recherché, dans la mesure
où les normes d’origine subissent dans
l’intervalle des modifications visant à en
améliorer la rédaction, à la lumière des
enseignements suscités par son application
pratique ou encore des actualisations
rendues nécessaires par l’évolution du
contexte économique.
Or, force est de constater que ces
amendements, additions et autres correctifs
se trouvent rarement et/ou incomplètement
pris en considération dans le texte " d’accueil
", qui ne reflète le plus souvent que la seule
version d’origine, partiellement dépassée, du
texte de référence… .
En outre, un certain nombre de critiques de
fond, et surtout les solutions qu’elles ont pu
(ou auraient dû) recevoir d’autres systèmes
juridiques nationaux ou internationaux, n’ont
pas donné lieu aux réflexions et propositions
qui auraient dû enrichir de façon autonome la
réglementation marocaine.
Patrick MONTIER
Avocat au Barreau de
Paris
Expert Consultant
Cabinet Masnaoui
Ces critiques, relativement convergentes, de
la loi française de 1966 et par voie de
conséquence de la loi marocaine de 1996,
conservent donc toute leur actualité et des
propositions d’amendements ont été émises
par bien des voix autorisées, qu’elles
émanent par exemple de la Confédération
Générale des Entreprises du Maroc (CGEM),
du Conseil Déontologique des Valeurs
Mobilières (CDVM), des Chambres de
Commerce ou encore des praticiens du droit
des sociétés, et continuent de s’élever pour
réclamer
une
modernisation
et
une
libéralisation de la législation en vigueur pour
les sociétés anonymes.
Les axes majeurs de cette contestation
doctrinale, dont nous limiterons l’examen aux
seules sociétés non cotées, incriminent
principalement les rigidités de la loi n°17-95
d’une part et l’absence de créativité du
législateur d’autre part. On s’attachera donc
dans une première partie (I) à souligner les
principaux inconvénients que présente le
droit actuel des sociétés anonymes avant de
dégager dans une seconde partie (II)
certaines des voies susceptibles de lui
restituer sa vocation, qui est d’accompagner
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Etude du mois
et de faciliter la création et la gestion des
entreprises constituées sous cette forme.
I- Des rigidités dissuasives
Ces rigidités seront illustrées au travers de
deux aspects particulièrement éloquents qui
touchent le premier au caractère impératif de
la loi et le second à son caractère répressif.
1) le caractère impératif de la loi
La loi n°17-95, reproduisant en cela
l’essentiel du dispositif français de 1966, ne
propose qu’un modèle unique pour les
sociétés anonymes dont l’organisation et
le fonctionnement sont prédéterminés
avec minutie : il ne s’agit pas vraiment d’un
contrat que les parties auraient toute latitude
de personnaliser en proportion de leurs
besoins réels, mais d’un assemblage de
règles obligatoires devant être adoptées en
leur intégralité ou pas du tout.
Même si ce tronc commun offre aujourd’hui
un choix entre deux variantes fonctionnelles
(soit avec conseil d’administration, soit avec
directoire et conseil de surveillance), il
impose, pour le surplus, un bloc uniforme
organisé selon une immuable pyramide
d’instances à laquelle il n’est quasiment
pas concevable de déroger (ainsi un
organe délibérant en principe souverain –
telle l’assemblée des actionnaires- ne peut
pas même se substituer à un autre, serait-il
placé en dessous de lui dans cette hiérarchie
–tel le conseil d’administration dans notre
exemple- !) pour l’adapter aux exigences
comme aux contraintes des entreprises
pourtant invitées à y recourir.
Tant au stade de sa constitution qu’en cours
de son existence, la société anonyme est
enserrée dans un formalisme astreignant
auquel ses fondateurs ne peuvent échapper,
sauf évidemment à renoncer à cette forme
sociétale ou à aller se réfugier sous d’autres
cieux législatifs supposés plus cléments !
Ce formalisme étroit se vérifie aisément à la
lecture de règles comme celles exigeant un
actionnariat minimal de cinq personnes (il reste
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même fixé à sept fondateurs en France !) alors
que, surtout en phase de démarrage, les
créations d’entreprises sont bien souvent le fait
d’un nombre plus restreint d’entrepreneurs, si
ce n’est même d’un seul… .
D’où l’artifice, partout constaté, d’associer aux
statuts " des proches " qui ne joueront aucun
rôle dans la société anonyme, si ce n’est peutêtre celui de tromper inconsciemment les tiers
sur le sérieux de leur engagement au succès
des affaires sociales…
La société unipersonnelle n’est en effet
reconnue (par l’article 44 de la loi n°5-96), et la
grande majorité des auteurs le déplorent, que
pour les sociétés à responsabilité limitée dont
l’envergure est en principe moindre que les
sociétés anonymes. Toutefois, si l’article 358
fait encourir à la société anonyme la sanction
d’une dissolution en cas de réduction du
nombre de ses actionnaires en deçà du
minimum légal de cinq (et donc jusqu’à un
actionnaire… !), cette mesure suppose d’une
part que la situation ait duré plus d’une année,
prorogeable judiciairement de six mois, et
d’autre part qu’elle ait été dénoncée par un "
intéressé ". Il s’agit donc bien d’un premier pas,
certes encore timide, vers la reconnaissance
des sociétés unipersonnelles.
La rigueur du régime légal actuel explique sans
doute aussi le recours assez généralisé aux
pactes d’actionnaires et conventions de
vote dont la légalité est implicitement reconnue
par les articles 11 et 144 de la loi n°17-95,
mais sans qu’ils offrent pour autant une
suffisante sécurité juridique au-delà du seul
domaine de l’article 257 (validant certaines
conventions relatives aux cessions de titres et
au droit de préemption).
Sur ce point également, le carcan légal devrait
être notablement assoupli pour permettre, sous
la
seule
réserve
de
l’ordre
public,
l’indispensable adaptation de l’outil juridique
proposé aux attentes des entreprises.
2) le caractère répressif de la loi
On sait (voir l’étude publiée dans le
Bulletin d’Information Périodique n°116
paru en septembre 2002) que les dirigeants
Bulletin d'Information Périodique - n°117 – Octobre 2002
Etude du mois
sociaux, de droit et de fait, encourent déjà
une responsabilité civile assez lourde à
raison de leur gestion puisque ce premier
niveau de responsabilité peut aboutir à faire
voler en éclats la limitation théorique du
risque d’entreprise au seul montant des
apports effectués.
Au-delà de ce régime de sanctions financières
et reproduisant en cela les excès de la
législation française, la loi 17-95 n’a pas oublié
d’importer aussi son arsenal pénal spécifique
qui, à côté et en sus du droit commun,
sanctionne le moindre manquement aux
minutieux formalismes légaux.
Cette matière occupe tout le titre XIV (" Des
sanctions pénales ") de la loi 17-95, titre
qui ne comporte pas moins de dix chapitres
accueillant les articles 373 à 424 que la loi
consacre à la répression des multiples
manquements
susceptibles
d’affecter
telle ou telle prescription relative à la
constitution ou au fonctionnement des
sociétés anonymes.
1.2.1.Cet amoncellement d’infractions et de
sanctions, pour le moins inquiétant, s’est avéré
si mal ajusté à nos entreprises qu’il a engendré
une répulsion conduisant de nombreuses
sociétés anonymes, jusqu’alors régies par la loi
du 11 août 1922, à préférer purement et
simplement se transformer, en sociétés à
responsabilité limitée surtout, plutôt que de
courir les risques d’harmoniser leurs statuts "
ancienne formule " aux exigences nouvelles.
Ce sont en effet quelques 249 infractions
pénales qui ont pu être décelées dans
l’actuelle loi alors que la sévérité de pareilles
sanctions (l’emprisonnement y est fort répandu
!), et le discrédit qui leur est attaché, apparaît
totalement disproportionné dans la plupart des
cas qui sont, de toute évidence, exclusifs d’une
quelconque intention frauduleuse.
En effet, la majorité des délits et des
contraventions prévus par la loi sont le plus
souvent le résultat d’omissions, pour ne pas
dire d’oublis ou d’ignorances, sans grandes
conséquences préjudiciables et qui sont
d’autant plus difficilement identifiables, et donc
évitables, pour des petites et moyennes
entreprises, que les innombrables obligations
qui leur sont faites sont pointilleuses à l’excès.
Nul n’a le goût, au-delà du risque
d’entreprise déjà considérable en soi, de
risquer la prison, l’infamie et la ruine sur des
questions
purement
administratives
et
d’autant moins constitutives d’atteinte à
l’intérêt social qu’elles surviennent en réalité
dans des sociétés unipersonnelles de fait !
De surcroît, les entreprises utilisatrices de la
loi 17-95 (capital minimal de 300 000
dirhams libérables du quart, soit 75 000
dirhams seulement, à la constitution, selon
l’article 17 de la loi) ne sont pas
nécessairement nanties de la culture
juridique ou des ressources financières leur
permettant de s’entourer de conseils
permanents, tant dans le domaine du droit
que dans celui de la comptabilité.
1.2.2. Or et à supposer même que cette
accumulation
de
contraintes
juridicoadministratives doive être conservée, force
est de relever qu’à côté des poursuites
pénales, il existe bien d’autres méthodes
(pour certaines déjà en vigueur et se
cumulant donc avec une répression pénale
qu’elle devrait éviter), sans doute aussi
efficaces et
en
tout
cas,
moins
traumatisantes, pour assurer le respect de la
loi ou sanctionner sa violation.
Pour la plupart des obligations à caractère
administratif, le greffe du Tribunal de
Commerce, ou la juridiction consulaire ellemême selon les cas, serait parfaitement en
mesure de saisir l’entreprise concernée d’une
mise en demeure et/ou d’une injonction de faire
lui intimant de régulariser, dans le nouveau
délai imparti, les formalités omises ou de
remédier à l’anomalie constatée.
Pour les obligations à caractère comptable,
un même pouvoir d’injonction, voire ensuite,
mais en suite seulement, de transmission
aux autorités judiciaires de poursuite en cas
de résistance fautive, pourrait également
accélérer le règlement d’un certain nombre
de difficultés en évitant qu’elles aillent trop
vite encombrer les juridictions pénales.
Bulletin d'Information Périodique - n°117 – Octobre 2002
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Etude du mois
On peut aussi concevoir que, selon les intérêts
que la loi a entendu protéger, les actionnaires,
les obligataires, les commissaires aux
comptes, les représentants du personnel ou
même les tiers (organismes sociaux, fiscaux,
fournisseurs) puissent eux aussi saisir le
Tribunal de Commerce, ou que cette juridiction
puisse se saisir elle-même, afin qu’il soit
procédé, sous astreinte le cas échéant, soit par
les dirigeants défaillants soit même par un
mandataire ad hoc (ce qu’envisage d’ailleurs
l’article 15 de la loi, et après mise en demeure,
pour certaines formalités) aux publicités qui
auraient été omises.
Ce sont ces rappels préalables à l’ordre de
la loi sous forme de mises en demeure ou
d’injonction
qui
permettraient
de
caractériser un manquement délibéré des
organes de gestion d’administration ou de
direction de la société anonyme et donc de
constituer l’élément moral, la mauvaise foi
en l’occurrence, justifiant de recourir à leur
encontre sur le terrain pénal.
De même, des mesures purement civiles
comme
l’inopposabilité
(présente
dans
l’article 16 pour les publicités relevant du
Bulletin Officiel) ou la nullité (envisagée par
l’article 125, au sujet des assemblées
irrégulièrement convoquées, et dont traite
plus généralement tout le chapitre 1er du
Titre XI de la loi), assorties ou non de
dommages et intérêts ou d’amendes civiles,
devraient suffire à sanctionner (en cas de
réticences
avérées
de
l’entreprise
à
appliquer des prescriptions légales qui
devraient être susceptibles de régularisations
avant toute poursuite) des convocations, des
délibérations ou des actes juridiques ayant
méconnu telle ou telle exigence formelle.
On peut aussi imaginer que dans certains
cas davantage suspects, une enquête
d’office, ou à la demande de tout intéressé
soit diligentée par le Tribunal de Commerce ;
la loi pénale n’ayant vocation à frapper le
justiciable qu’en présence de comportements
délibérément frauduleux.
Enfin, la réforme à venir devrait davantage
considérer la responsabilité pénale de la
société anonyme elle-même, plutôt que celle
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de ses mandataires (particulièrement quand on
constate que, la loi étend la répression pénale
aux membres du conseil de surveillance qui
n’ont pourtant, selon l’article 104, qu’une simple
mission de contrôle et nullement de gestion !),
par une spécialisation (à l’image des
dispositions
intervenues
en
matière
d’infractions à la réglementation des changes
ou de délits douaniers) du domaine de l’article
127 du nouveau code pénal marocain qui fait
des personnes morales des sujets du droit
pénal avec un régime de sanctions approprié.
En toute hypothèse, la pénalisation extrême
du droit des sociétés anonymes constitue
une incitation évidente à la délocalisation des
structures
juridiques,
et
donc
des
investissements,
voire
un
facteur
de
désuétude à terme de la société anonyme.
Face à de telles menaces en effet, il est
indéniable que, dûment informés par leurs
conseils,
les
investisseurs
étrangers
devraient fuir ce régime juridique.
Si l’on veut que ce type de structure retrouve
un minimum d’attraits ailleurs que dans les
grands groupes organisés et ailleurs que
dans les pays moins systématiquement
répressifs (d’où sans doute des distorsions
de concurrence à redouter !), il y a
manifestement urgence à dépénaliser en
profondeur la loi actuelle !
II- Quelles évolutions ?
Cet
apaisement
législatif
qui
est
unanimement réclamé devrait en outre être
l’occasion d’avancer, soit en élaborant des
solutions plus originales que celles du droit
français antérieur soit en anticipant par
référence à certaines évolutions législatives
observables dans d’autres pays.
Il s’agit là à la fois de moderniser le droit
des sociétés anonymes pour le rendre
plus attractif et plus efficace et de lui
apporter davantage de transparence, y
compris pour les entreprises devenues
aujourd’hui réticentes à y recourir dans la
perspective d’encourager le développement
des relations commerciales tant sur la
marché intérieur que, surtout, dans les
échanges internationaux.
Bulletin d'Information Périodique - n°117 – Octobre 2002
Etude du mois
1) Plus de flexibilité ?
On a souligné plus haut les caractères
exagérément impératif d’une part et répressif
d’autre part de l’actuelle loi sur les sociétés
anonymes.
II.1.1. Cette appréciation devrait a priori être
nuancée par l’institution de la " société
anonyme simplifiée entre sociétés " (voir pour
une étude détaillée, le Bulletin d’Information
Périodique n° 76 de juillet/août 1998) qui
termine la loi 17-95 si ce n’est que la "
simplification " très relative recherchée par les
articles 425 à 436 de la loi (complétés là
encore de sanctions pénales additionnelles
énumérées par les articles 437 à 440) n’est
ouverte qu’aux seules " sociétés " et non pas
aux personnes physiques.
Ce dispositif nouveau (qui réplique en fait une loi
française du 3 janvier 1994, substantiellement
libéralisée depuis) complète les possibilités de
coopération inter-entreprises ouvertes par les
GIE (Groupements d’intérêt Economique de la
loi n°13-97 du 5 février 1999), Sociétés en
Participation et autres SNC (Sociétés en Nom
Collectif),
structures
qui
présentent
l’inconvénient
redoutable
d’impliquer
la
responsabilité financière solidaire de leurs
membres au-delà de leurs apports ! Cette
innovation juridique vise en effet à faciliter la
création de filiales communes ou de mères
communes entre sociétés d’importance puisque
devant être elles-mêmes dotées chacune d’un
capital minimal de deux millions de dirhams.
Or ce type de société (qu’elle soit intitulée "
par action simplifiée " comme en droit
français ou " anonyme simplifiée " comme en
droit marocain) a clairement vocation à
évoluer pour apporter la fluidité et la
souplesse qui devraient être de règle en
matière de société anonyme : c’est
l’orientation qui a prévalu en France avec la
loi du 12 juillet 1999.
Depuis ce texte, les acteurs économiques, que
ce soient des personnes physiques ou morales
et quels que soient le domaine et l’importance
de l’entreprise concernée, peuvent utiliser, en
France, ces sociétés commerciales très
"simplifiées", dont ils déterminent avec la plus
grande liberté, et la plus authentique
responsabilité,
l’organisation
et
le
fonctionnement, à bien des égards, dérogatoires
aux rigidités soulignées ci-dessus, si ce n’est
que le contrôle de la gestion reste
obligatoirement assuré par un commissaire aux
comptes (indépendamment du rôle habituel des
–éventuels- associés lors de l’approbation des
comptes annuels) par définition, indépendant.
Cette société, innovante, bien qu’intitulée "
par actions " ou " anonyme " par référence à
des formules qu’elle dépasse en réalité,
retrouve donc une essence contractuelle et
un intuitu personae très éloignés des aspects
institutionnels qui avaient fini par figer le droit
des sociétés, ce qui s’admet d’autant plus
aisément en l’occurrence, que la SAS n’a à
juste titre aucune possibilité, du moins sous
cette forme, de solliciter l’épargne publique.
Bien plus, on devrait également autoriser la
création de cette société à maintenant se
constituer, à l’image des Sarl, par un "
actionnaire " unique (elle s’intitule alors Sasu
!), ce qui éviterait les tours de table fictifs que
l’on déplore trop souvent tant dans
l’actionnariat
que
dans
les
conseils
d’administration des sociétés anonymes de
forme classique…
D’ores et déjà, on peut prédire un succès certain
à cette nouvelle institution qui a sans doute
vocation à supplanter à terme les différentes
autres structures prédéterminées par la loi.
II.1.2. Au titre des assouplissements qui
paraissent légitimes pour moderniser le
dispositif légal, il y a naturellement lieu de
souligner aussi tout l’intérêt qu’il y aurait à
prendre davantage en compte les nouvelles
techniques de communication, que ce soit
pour les publications incombant aux sociétés
anonymes (consultation via internet des
documents devant être mis à disposition des
commissaires aux comptes, des actionnaires
ou des administrateurs), pour la convocation
de leurs diverses instances (recours au
téléphone, à la télécopie, à la messagerie
électronique) ou pour la tenue des réunions
d’assemblées et de conseils (par téléphone
ou visioconférences).
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Ces techniques d’expression à distance du
vote des actionnaires, des administrateurs ou
des membres du conseil de surveillance
seraient à l’évidence des plus précieuses pour
mobiliser les investisseurs étrangers comme
les actionnaires nationaux empêchés, et qui en
l’état actuel du texte de 1996, ne peuvent
même
pas
émettre
leur
vote
par
correspondance mais sont à chaque fois tenus
de se déplacer ; contrainte qui peut assez
raisonnablement inciter les partenaires
extérieurs à éviter d’immatriculer au Maroc le
siège social des sociétés anonymes dotées
d’un actionnariat transnational.
La liberté contractuelle qu’autoriserait la société
anonyme simplifiée ainsi " libéralisée "
faciliterait le recours à de telles techniques,
déjà largement en usage dans le monde anglosaxon et qui vont d’évidence se généraliser
partout dans le monde des affaires.…
II.1.3. A titre peut-être plus accessoire, il est
patent de relever des exigences parfaitement
superflues ou dépassées : on peut citer
celles imposant de limiter la durée de la
société à 99 ans ou d’exiger des actions
prétendument
de
garantie
des
administrateurs et a fortiori des membres du
conseil de surveillance (obligation désuète
d’ailleurs abandonnée par le droit maintenant
uniforme des 14 pays de l’Organisation pour
l’Harmonisation du Droit des Affaires en
Afrique, OHADA, comme par le droit
français) ou encore celles de dispenser
d’agrément les cessions d’actions aux "alliés
jusqu’au 2ème degré inclus " ou de continuer
d’exiger dans l’article 31 une inutile
déclaration dite " de conformité ", lors de la
création de la société ou enfin, plus grave,
celle de maintenir les lourdeurs des
procédures de fusion entre deux sociétés
anonymes dont l’une se trouve la filiale à
100% de l’autre), pourraient sans grand
dommage être évacuées du dispositif légal.
social, et à saisir ses actionnaires sur
l’opportunité de poursuivre les affaires sociales
et à quelles conditions.
2) Plus de transparence
II.2.1. Sous l’impulsion évidente des directives
européennes mais aussi sous la pression des
circonstances, le droit français a récemment
intégré des mesures assez disparates résultant
d’une part des critiques que la loi de 1966 avait
suscitées en France (dans les mêmes termes et
pour les mêmes raisons que la loi n°17-95 au
Maroc !) et d’autre part des exigences apparues
en matière de " nouvelle gouvernance " (voir à
ce sujet l’étude du Bulletin d’Information
Périodique n° 108 de novembre 2001). Ces
aménagements se sont partiellement
concrétisés dans la loi sur les " Nouvelles
Régulations Economiques " du 15 mai 2001
(dite loi NRE) qui ambitionnait à la fois une plus
grande efficacité et davantage de transparence
dans le fonctionnement des sociétés anonymes.
Les mesures assez hétéroclites qu’elle
comporte ne constituent certainement pas la
refonte qu’espérait le monde des affaires
mais résonnent toutefois comme en écho à
certaines des revendications qui s’expriment
au Maroc, ainsi au travers :
-
-
Mais l’inverse, on pourrait ne plus attendre que
la société anonyme ait perdu plus des trois
quarts de son capital (article 357 de la loi
calquée sur le droit français de 1966, modifié
depuis) de telle sorte qu’elles réagissent, dès la
perte de la moitié ou même du quart du capital
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de la limitation du nombre des mandats
sociaux (cinq mandats au plus, même à
titre de représentant permanent sauf pour
les filiales, d’administrateurs et/ou de
membres du conseil de surveillance et/ou
de président du conseil, un mandat au
plus de directeur général et/ou de
membre du directoire et/ou de directeur
général unique, tout ceci sous réserve
des filiales contrôlées) ;
de la faculté nouvelle de dissocier les
attributions du président du conseil
d’administration et celles du directeur
général (comme tel était déjà le cas dans
la plupart des autres pays européens) ;
de la faculté, dans le silence des statuts,
de réunir les instances de gestion,
directoire ou conseil d’administration,
voire les assemblées générales " par des
moyens de visioconférence " et de voter
par ces mêmes procédés, sauf sur
certaines résolutions comme celles
Bulletin d'Information Périodique - n°117 – Octobre 2002
Etude du mois
-
touchant aux comptes sociaux ou à la
nomination des représentants légaux;
ou encore de modalités moins "
désinvoltes " d’éviction des dirigeants.
Or, sur ce dernier point, il est vrai que la
révocation dite ad nutum, c’est-à-dire
discrétionnaire, à laquelle sont exposés les
directeurs généraux (article 67 de la loi
n°17-95) n’encourage guère la sérénité des
jeunes talents indispensables pour assurer la
relève managériale et le développement des
entreprises marocaines.
Ces dispositions, qui vont dans le sens d’une
facilitation du fonctionnement des sociétés
anonymes, pourraient inspirer l’évolution de
la loi n°17-95.
II.2.2. La transparence, implique d’abord une
meilleure lisibilité de la gestion sociale. Mais
pour y parvenir et bien plus qu’un surarmement pénal, une meilleure articulation
des pouvoirs autant collectifs qu’individuels
des mandataires sociaux, administrateurs et
membres du conseil de surveillance, ainsi
surtout qu’une information plus exhaustive
des actionnaires (sur la rémunération des
dirigeants,
leurs
stocks
options,
les
conventions réglementées ou celles réputées
libres, ou sur les comptes consolidés devant
maintenant être votés) qui se retrouvent les
uns et les autres dotés de recours judiciaires
nouveaux (injonctions, expertises, demandes
en récusation) au moyen de procédures
rapides (référés) plus largement ouvertes
que par le passé.
Dans cet esprit, il serait souhaitable que la loi
s’inquiète davantage du contenu minimal des
différents rapports (ceux tant général que
spécial des commissaires aux comptes –
articles 172 et 174- ainsi que celui de
l’article 194 en cas d’augmentation de
capital avec suppression du droit préférentiel
de souscription) de telle sorte que les
éclaircissements dus aux actionnaires soient
aussi complets et objectifs que possible et
leur permette un véritable débat sur les
orientations de la société ainsi qu’un vote
pleinement réfléchi sur les résolutions qui
leur sont proposées.
Ainsi a-t-il, à juste titre, été suggéré que
toutes les conventions, sans exception
aucune, intervenues avec la société du chef
d’un actionnaire, d’un administrateur ou d’un
membre du directoire, soient soumises à
l’appréciation
des
commissaire(s)
aux
comptes (et non pas à celle des organes de
gestion et de direction) quant à la nécessité
de les soumettre ou non à la procédure
spéciale d’autorisation et de ratification des
opérations autres que " courantes et
conclues à des conditions normales ".
L’information du personnel pourrait-elle
aussi être mieux considérée au travers de sa
représentation obligatoire à toute assemblée
générale, de la faculté ouverte à ses
représentants de requérir l’inscription de projets
de résolution à l’ordre du jour et enfin du droit
de solliciter en justice la désignation d’un
mandataire afin de convoquer l’assemblée
générale des actionnaires en cas d’urgence.
En France, ces acquis ont été jugés trop
fragmentaires au regard des ambitions
(restauration de la liberté contractuelle et
sécurité par des contrôles externes) que les
débats parlementaires avaient pu encourager.
Il est donc à souhaiter, tant sont unanimes ceux
qui en appellent à une réforme radicale du droit
des sociétés anonymes, que le législateur
marocain montrera plus d’audace et de
détermination que son homologue français : la
généralisation d’une société anonyme simplifiée
désormais ouverte à tous les candidats, et
spécialement les personnes physiques, à
l’aventure entrepreneuriale apparaît la mieux
appropriée, dès lors qu’elle est entourée des
garde-fous indispensables, pour réaliser ces
objectifs, au moins pour les sociétés fermées qui
formaient l’objet de notre propos.
C’est du moins la cure de jouvence que l’on
se plait à espérer pour renouveler,
moderniser et redonner l’essor qu’il mérite à
un véhicule juridique, la société anonyme,
qui a démontré par le passé sa capacité à
accompagner l’esprit d’initiative et à favoriser
la création de fortes valeurs ajoutées
économiques et sociales.
Bulletin d'Information Périodique - n°117 – Octobre 2002
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