0 450 71 39 47 - Scènes Magazine
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scènes magazine la visite de la vieille dame © vanappelghem ISSN 1016-9415 275 / septembre 2015 CHF. 12.-- 12 € DANSE - THÉÂTRE - MUSIQUE - HUMOUR - CHANSON - OPÉRA... ALAIN PLATEL | MICHEL AUMONT | EMMANUELLE DEVOS | AVISHAI COHEN OMAR PORRAS | MOURAD MERZOUKI | ÉDOUARD BAER | LÉA DRUCKER | SYDNEY DANCE CIE CIRQUE AÏTAL | COMPANY WAYNE MCGREGOR ... ,;-i= ,;56= ,;4(9: ROBOT! SŒURS *647(.50,)3(5*(30 +,>(1+046<(>(+ :,7; PRELJOCAJ 3,:70Ï*,:+,5,>@692 SHAKE +,+(51,44,;; CANDOCO DANCE COMPANY 3(),33,,;3()Ì;, ,;1(5 ,;(=903 ,;1(5 MALANDAIN BALLET BIARRITZ 4(9: MALIA CIE ANTONIO GADÈS 56*,:+,:(5. ,;:<0;,-3(4,5*( Découvrez les 80 spectacles de la saison 2015 | 2016 sur www.equilibre-nuithonie.ch Billetterie Fribourg Tourisme et Région 026 350 11 00 s o m m a i r e 66 cinéma 8 9 10 12 cine die / raymond scholer les cinémas du grütli / christian bernard, serge lachat cinémathèque suisse / raymond scholer les films du mois / serge lachat locarno : 68e festival del film / émilien gür opéra 14 14 16 17 17 18 20 22 23 grand théâtre : guillaume tell / éric pousaz scala : otello / martine duruz strasbourg : la dame de pique / éric pousaz lyon : pelléas et mélisande / françois jestin zurich : i capuleti e i montecchi, elektra, lohengrin / é. pousaz vienne : the tempest, geistervariationen, rigoletto / é. pousaz berlin : faust & ariadne auf naxos / éric pousaz à la comédie : cassandre / kathereen abhervé ailleurs 25 25 chronique lyonnaise : saison / frank langlois danse 26 26 meyrin et villars-sur-glâne : ballet preljocaj / bertrand tappolet saisons 28 28 30 31 32 équilibre & nuithonie : riche saison / valérie vuille thonon-évian : à chacun ses couleurs ! / kathereen abhervé vidy : le théâtre n’existe pas / frank dayen entretien : pascal rambert / nancy bruchez spectacles 34 34 35 36 37 la bâtie : arts en transversalités / bertrand tappolet carouge : semianyki express / julien roche théâtre st-gervais / rosine schautz théâtre am stram gram / kathereen abhervé festivals 38 38 40 entretien : daniel bizeray / pierre-rené serna avignon / frank fredenrich omar porras 41 42 43 44 45 46 48 49 50 le théâtre en paroles et musique / frank dayen livres : omar porras et le teatro malandro / rené zahnd entretien : odile cornuz / anouk molendijk portrait : philippe gouin / brigitte prost entretien : anne schwaller / frank dayen entretien : valère girardin / laurence tièche chavier entretien : catherine bolle / nadia el beblawi entretien : jean liermier / laurence tièche chavier 275 / septembre 2015 51 52 53 54 entretien : clotilde mollet / jérôme zanetta christophe rauck & figaro divorce / frank fredenrich portrait : cécile garcia-fogel / jérôme zanetta entretien : cédric pescia / martine duruz festivals 57 57 58 60 62 63 64 66 avignon / anouk molendijk chorégies d’orange / françois jestin aix-en-provence / françois jestin radio france et montpellier / françois jestin montpellier danse / bertrand tappolet beaune : extases baroques / pierre-rené serna, éric pousaz verbier : atmosphères contrastées / éric pousaz musique 68 68 70 71 72 73 74 entretien : david greilsammer / christian bernard portrait : werner güra / david verdier portrait : valery gergiev / éric pousaz ensemble contrechamps : saison / anouk molendijk ensemble vocal de poche / martine duruz agenda romand / yves allaz expositions 76 76 78 78 79 79 80 80 81 81 82 fondation gianadda : matisse et son temps / s. clar-boson mémento beaux-arts : france landerneau : alberto giacometti mémento beaux-arts : ailleurs trieste : ippolito caffi mémento beaux-arts : suisse romande musée de carouge : concours international de céramique mémento beaux-arts : suisse alémanique bienne : journées photographiques 2015 musée rath : j’aime les panoramas / nadia el beblawi paris 84 84 85 86 89 90 90 90 91 91 entretien : stéphane lissner / pierre-rené serna entretien : christian schirm / pierre-rené serna opéra : adriana sans histoires / pierre-rené serna sélection musicale de septembre / françois lesueur mémento théâtre bouffes du nord : battlefield poche-montparnasse : the servant mémento expositions institut du monde arabe : osiris, mystères engloutis d’égypte 92 les mémentos 92 93 encarts : messe en si au victoria hall / quatuor de genève & quatuor terpsychordes / ombres sur molière à l’alchimic encarts - eldorado au théâtre du loup / sylviane deferne à lausanne EDITO direction Frank Fredenrich comité de rédaction Christian Bernard, Serge Bimpage, Françoise-Hélène Brou, Laurent Darbellay, Frank Dayen, Martine Duruz, Frank Fredenrich, Jérôme Zanetta éditeur responsable Frank Fredenrich publicité bimpage-communication Kathereen Abhervé Viviane Vuilleumier secrétaire de rédaction Julie Bauer collaborateurs Kathereen Abhervé, Yves Allaz, Julie Bauer, Eléonore Beck, Nancy Bruchez, Gabriele Bucchi, Sarah Clar-Boson, Gilles Costaz, Martina Diaz, Nadia El-Beblawi, Catherine Graf, Emilien Gür, Bernard Halter, Christophe Imperiali, Pierre Jaquet, François Jestin, Régine Kopp, Serge Lachat, Frank Langlois, François Lesueur, Anouk Molendijk, Lou Perret, Michel Perret, Eric Pousaz, Stéphanie Nègre, Christine Pictet, Brigitte Prost, Christine Ramel, Serene Regard, Christophe Rime, Julien Roche, Emmanuèle Rüegger, Maya Schautz, Rosine Schautz, Raymond Scholer, Pierre-René Serna, Bertrand Tappolet, Laurence Tièche Chavier, David Verdier, Valérie Vuille, Christian Wasselin, Beata Zakes maquette : Viviane Vuilleumier imprimé sur les presses de PETRUZZI - Città di Castello, Italie Vidy-TKM: le derby peut commencer A ux oubliettes l'histoire d'amour entre Vidy et Kléber-Méleau. Leurs capitaines (René Gonzales† et Philippe Mentha), jadis alliés, sitôt disparus, les deux formations se distinguent, vont s'affronter. Première conséquence : il faudra désormais choisir entre l'abonnement Vidy et l'abonnement TKM. Deux styles En se profilant comme le défendeur du texte et du théâtre populaire, Omar Porras construit un programme aux antipodes de la programmation de Baudriller à Vidy. Jugée exigeante, abstraite, choquante, voire incompréhensible pour certains, la ligne artistique du nouveau directeur a secoué les habituels abonnés – ce qui n'est pas sans mérite. Mais, à force de trop viser le coup d'éclat ou la polémique (entendez le buzz), Vidy risque de perdre en crédibilité et ne garder que l'avant-garde intellectuelle, trop petite pour être rentable et souvent infidèle. Ambitieux, le Théâtre au bord de l'eau s'autoproclame “espace théâtral européen“. Mais, au contraire de celui du Festival d'Avignon, le public de Vidy n'est pas constitué de vacanciers festoyeurs, suffisamment détendus pour avaler une performance par soir sur une semaine. Aujourd'hui, Vidy convie à consommer (autant à la Kantina que dans les salles) et à enchaîner les spectacles (jusqu'à pouvoir les cumuler afin d'en voir plusieurs en une soirée). Le public que Gonzales a réussi à fidéliser était autre. Il s'était forgé une vision du théâtre, savait écouter puis réfléchir, et était entraîné à la digestion. Après 20 ans, le public de l'ère Gonzales était certes vieillissant, mais cela ne l'empêchait guère de goûter aux productions les plus novatrices et pointues (Goebbels, Lupa…). Deux tactiques Alors ? Miser sur un rajeunissement du public ? Cela paraît légitime à l'heure où la fréquentation est en baisse (de 85% de fréquentation en 2011 à 77% aujourd'hui pour Vidy, alors qu'il est arrivé de voir la salle à moitié vide à Kléber-Méleau). Le problème est que cette clientèle est devenue de plus en plus consommatrice – et à moindre coût - du Tube, qui accapare toujours plus son esprit, se préoccupant de moins en moins de théâtre. Il n'y a qu'à voir le peu de succès que remporte l'initiative Passculture auprès des écoles vaudoises, ainsi que la politique tarifaire très avantageuse pratiquée par Vidy auprès des jeunes ces dernières années. Si Vidy vise l'élite, les écoles et les jeunes (jusqu'à programmer cette saison trois spectacles pour enfants), TKM mise sur le spectateur de tous les jours, le travailleur lambda, le vulgum pecus, pour qui le théâtre n'est ni épreuve ni performance, mais poésie et artisanat. TKM risque donc bien de récupérer les anciens de Vidy laissés sur la touche. Alors, développer les alliances ? Vidy a grappillé l'audience de l'Arsenic pour lui voler sa place de scène d'avant-garde (si l'Arsenic et Vidy renouvellent leur programme commun en 2016, Sandrine Kuster a déjà annoncé son départ pour 2017), est en train de phagocyter le Festival la Bâtie (un partenariat initié par l'Arsenic) et a ratissé large avant l'arrivée de Porras au TKM en multipliant ses collaborations tous azimuts (Art Brut, Cinémathèque, Manufacture, UNIL, Sévelin 36, Musée de l'Elysée…), quitte à bouleverser le paysage théâtral scènes magazine case postale 48 - 1211 Genève 4 Tél. (022) 346 96 43 de France 00-41-22 346 96 43 www.scenesmagazine.com e-mail : [email protected] romand. De son côté, TKM s'est émancipé de son grand frère Vidy (chaque salle aura son abonnement spécifique) avec l'ambition de se trouver son propre public. (suite page .....) Il s'assure de nouvelles alliances (Théâtre de Beausobre, Am Stram Gram, ainsi que des institutions en France et au Japon) et reprend une collaboration que Vidy a laissé tomber (celle du Théâtre de Carouge). Mais Porras compte déjà un réseau romand solide et un public acquis à sa ligne artistique. A qui les fonds publics ? Vidy et TKM sont aussi deux entreprises, dont la gestion se doit d'être en phase avec leur temps. TKM a transformé son statut d'association en fondation, en s'attirant les subsides pérennes de huit communes alentours – ce que Mentha n'avait pas réussi. TKM peut ainsi compter sur au moins deux millions de francs de soutiens publics. Tandis que Vidy se trouve dans une position fragile parce que son système d'autofinancement, mis en place par l'ancien directeur René Gonzales (jusqu'à 60% de recettes à l'époque, contre à peine 20% d'autofinancement pour les autres salles de la francophonie) est de moins en moins évident. En effet, crise oblige, avec la réduction du soutien à la culture dans l'Hexagone, les productions étrangères y seront de moins en moins les bienvenues. Par conséquent, si Vidy aura de plus en plus de peine à s'exporter, il aura besoin d'un financement supplémentaire. Le problème est que l'importance de son subventionnement fait déjà des jaloux (le budget de fonctionnement de Vidy s'élève à 20 millions, soit plus que le Théâtre de l'Odéon à Paris). Et pas question d'augmenter encore le prix des billets (55.pour un spectacle à Vidy (!), 45.- au TKM). Par conséquent, tandis que les publics des théâtres s'amenuisent, l'avenir est à qui pourra le plus prétendre à des subventions. Les deux équipes ont aligné leurs joueurs, les politiques arbitrent la partie, le public applaudit. Que le spectacle commence. MIGRO -CULTUREL-CL T N E C R U O P S 01 Saison 2015/2 6 au Victoria H ASSICS all à 20 h Jeudi 29 octobre 2015 PHILHARMONIA ORCHESTRA LONDON Esa-Pekka Salonen (direction), Arabella Steinbacher (violon) Œuvres de Dubugnon**, Brahms, Sibelius Jeudi 26 novembre 2015 ORCHESTRE DE CHAMBRE DE L’ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE LA RADIO BAVAROISE Hélène Grimaud (piano) Œuvres de Hefti**, Bach, Mozart, Haydn Jeudi 3 décembre 2015 ORCHESTRE DES CHAMPS-ÉLYSÉES Philippe Herreweghe (direction), Isabelle Faust (violon) Œuvres de Beethoven Jeudi 21 janvier 2016 ORCHESTRE SYMPHONIQUE D’INDE Zane Dalal (direction), Zakir Hussain (tabla) Œuvres de Smetana, Hussain, Bartók Jeudi 25 février 2016 CAMERATA SALZBURG Katia et Marielle Labèque (piano) Œuvres de Haydn, Mozart, Mendelssohn Jeudi 17 mars 2016 ORCHESTRE NATIONAL DE RUSSIE Mikhail Pletnev (direction), Lionel Cottet* (violoncelle) Œuvres de Tchaïkovski, Glazounov Mardi 26 avril 2016 ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE ROTTERDAM Yannick Nézet-Séguin (direction), Sol Gabetta* (violoncelle) Œuvres de Tchaïkovski, Chostakovitch, Prokofiev Vendredi 27 mai 2016 ORCHESTRE DE PARIS Paavo Järvi (direction), Khatia Buniatishvili (piano) Œuvres de Dubugnon**, Schumann, Chostakovitch * Solistes suisses ** Compositeurs suisses Billetterie dès le 14 septembre: Service culturel Migros Genève, rue du Prince 7, Tél. 058 568 29 00 Stand Info Balexert et Migros Nyon-La Combe. www.culturel-migros-geneve.ch Organisation: Service culturel Migros Genève www.culturel-migros-geneve.ch | www.migros-pour-cent-culturel-classics.ch PREMIÈRE SUISSE THÉÂTRE DE BEAULIEU 30 SEPTEMBRE, 20H 1ER OCTOBRE, 20H FD/SCENES MAGAZINE Formulaire d’abonnement à la page 55 MIKHAILOVSKY BALLET SAINTPÉTERSBOURG T 021 315 40 20 WWW.OPERALAUSANNE.CH c i n é m a le cinéma au jour le jour Cine Die 15e Neuchâtel International Fantastic Film Festival 6 Japon J’inaugure le festival avec une conférence de Shion Sono, l’enfant terrible du cinéma japonais, qui semble avoir pris la relève du stakhanoviste Takashi Miike en le dépassant. Par acquit de conscience, je compare les filmos : Miike sort deux films cette année, Sono six ! Que dans cette ivresse productive la qualité puisse rester parfois sur le carreau n’étonne guère et Tokyo Tribe (2014) en est l’illustration. Dans le Japon d’un futur plus ou moins proche, mais probablement alternatif, les gangs de Shibuya se livrent à des luttes hégémoniques où les sympas se mesurent aux méchants. Les sympas sont amoureux et loyaux, quoique filous, et excellent en arts martiaux (surtout la fille du chamane !), les méchants ricanent, grimacent, humilient, torturent et tuent pour un rien et utilisent des artilleries élaborées. Leurs rejetons ont des plaisirs pervers, comme celui d’utiliser comme canapés ou sièges des esclaves à quatre pattes. Zut ! j’ai failli oublier : tout le film est chanté sur des (il y en a plusieurs ?) rythmes de rap et la langue nippone s’y prête étonnamment bien. Tant sur le plan dramatique que sur le plan musical, la répétitivité règne en maître. Mais les «Tokyo tribe» de Shion Sono plans sont toujours pleins de choses à regarder. Cela se voit donc sans ennui, mais un remontant est indispensable après le film. Monsieur Sono n’a pas dit grand-chose sur le film et ce qu’il a raconté sur ses débuts au cinéma était d’une plate banalité. Manifestement, il préfère s’exprimer à travers ses films. Tant Why Don’t You Play in Hell (2013) que Strange Circus (2005) étaient autrement plus construits et inventifs que son opéra rap. Dans Strange Circus, Mitsuko, à peine pubère, est contrainte par son père (directeur d’école, pour corser l’histoire) à assister en secret aux ébats de ses parents. Le père la viole ensuite devant maman, qui n’ose rouspéter. Dès lors, le mâle a son harem bicéphale soumis à sa volonté incestueuse. Voilà l’édifiante histoire d’une famille dysfonctionnelle racontée par une femme écrivain en chaise roulante qui ressemble furieusement à la mère de l’histoire. On se dit donc que l’écrivain est peut-être Mitsuko adulte, qui se guérit par l’écriture du traumatisme subi. Mais on n’est qu’au milieu du film et Sono n’a pas dévoilé toutes ses cartes, une plus a c t «Why Don’t You Play in Hell» délirante que l’autre. Why Don’t You Play in Hell est une ode jubilatoire au 35 mm, où un producteur yakuza (joué par le pince-sans-rire Jun Kunimura) qui veut faire de sa fille gâtée une star de cinéma, confie la réalisation d’un film d’action à une équipe de tournage juvénile (sous les ordres d’un réalisateur in spe qui se prend pour un avatar d’Eisenstein et de Tarantino). Les sbires occuperont les rôles secondaires et compléteront l’équipe technique. Parallèlement, ils sont impliqués dans une guerre sans merci entre gangs, dont le tournage profitera pour des scènes de bataille dantesques qui entraîneront leur lot de vraies morts et mutilations, où seul Dieu reconnaîtra les siens. Quand on aime le cinéma, il faut en baver ! Si les films de Sono ont tendance à se vautrer dans toutes sortes d’excès, ils emportent l’adhésion à cause de leur enthousiasme communicatif. On ne peut en dire autant du dernier film de Mamoru Oshii, Nowhere Girl, où le réalisateur nous inflige pendant une heure les déambulations fatiguées d’une héroïne amorphe, Ai, qui encaisse stoïquement les coups et humiliations que lui infligent ses camarades de la classe d’arts visuels sur fond de « Petite Musique de Nuit » de Mozart. On devine vaguement qu’elle travaille en secret sur une sculpture monumentale qu’elle cache sous une bâche dans la salle omnisports, mais on attend qu’elle se réveille de sa torpeur. Comme la même actrice, Nana Seino, cassait des membres à gauche et à droite dans Tokyo Tribe (c’est elle, la fille du chamane !), on n’est pas étonné qu’au bout d’une heure, un tremblement de terre (ou bombardement ?) secoue l’école et que Ai se mette en mode action pour régler leur compte à ceux qui l’ont enquiquinée et pour liquider des vagues incessantes de soldats russes. Cela se déroule peut-être uniquement dans sa tête, mais son enrôlement ultérieur dans l’armée en branle-bas de combat laisse songeur. Pour Abe et le Tenno ? Vivement qu’Oshii retourne au cinéma d’animation qui l’a rendu célèbre (Ghost in the Shell, 1995). Asie Continentale Full Strike (Derek Kwok & Henri Wong), où une championne déchue de badminton retrouve un deuxième souffle, grâce à un coach alcoolique qui renonce pour elle à la dive bouteille, ne m’enthousiasme guère, car il accumule les poncifs obligatoires de la grosse comédie hongkongaise qui tache. Black and White : Dawn of Justice du Taiwanais Yueh-Hsun Tsai est un film catastrophe où un terroriste obnubilé par le désir de nettoyer la planète de son pire ennemi, l’homme, fait exploser tous les accès à une ville située sur une île, pour la tenir à sa merci. Il sème ensuite un virus dont il est le seul détenteur d’anticorps. Sans surprise, le film coche les étapes convenues, rendues intéressantes à la tranche du public qui y est sensible, par un policier au physique agréable. Le seul nouveau film asiatique de belle tenue fut Office du Sud-Coréen Won-Chan Hong (scénariste de The Chaser de Hong- u a l i t é c i n é m a Jin Na, 2009) où une petite stagiaire de bureau se venge des humiliations infligées par ses collègues en les liquidant à l’occasion d’une méprise policière : les détectives croient que les meurtres sont perpétrés par un collègue (qui vient d’assassiner sa famille). Sphère Hispanique La Isla Minima (Alberto Rodriguez, 2014) se déroule dans les années suivant la mort de Franco dans le delta poisseux du Guadalquivir : deux flics, dont l’aîné est soupçonné d’un passé pas net dans les rangs des tortionnaires du régime, essaient de mettre la main sur un tueur d’adolescentes. Atmosphère à la True Detective, construction limpide quoique tortueuse, suspense impeccable : pas étonnant que le film ait triomphé aux Goya espagnols en février. El Cadaver de Anna Fritz de Hector Hernan Vicens raconte un méfait particulièrement glauque, le viol, à la morgue, du cadavre d’une actrice jeune et célèbre par trois copains. Mais … Le cadavre se réveille pendant l’acte et n’arrive pas à se défaire tout de suite de sa rigidité mortuaire. Le trio se concerte : quoi de plus simple que de terminer le travail de la nature, ni vu ni connu, et on n’en parlera plus ? Une chose est sûre : il faut se décider vite. Scherzo Diabolico, du Mexicain Adrian Garcia Bogliano, commence également par un acte de vilenie : un sous-chef masqué kidnappe la fille du directeur et la maintient au secret pendant une semaine dans le but de faire perdre les pédales au papa pour s’emparer de son poste dans l’entreprise. Il réussit son coup, mais en prenant congé du père et de la fille, un minuscule détail sonore met la puce à l’oreille de la jeune victime. Sa vengeance sera cent fois pire que le préjudice subi. Dans Todos Estan Muertos de l’Espagnole Beatriz Sanchis, une grand-mère, sentant sa fin approcher, fait revenir son fils d’outre-tombe pour qu’il sorte la mère de son petit-fils (qui est aussi la sœur dudit fils), devenue autiste au point de négliger l’ado, de sa dépression. Le regard hanté de la belle Elena Anaya reflète les reproches qu’elle se fait à longueur de journée. n’a plus le moindre sentiment. Du coup, la jeune femme se sent destinée à la reconquête de son mec ! Très coloré (les parents alcoolos ressemblent à des zombies) et peuplé de façon hilarante d’individus qui pratiquent le métier de super héros par la bande. Dans I Am Here du Danois Anders Morgenthaler, Kim Basinger joue une femme d’affaires hambourgeoise quadra qui ne peut avoir d’enfants. Plaquant tout, elle roule jusqu’à la frontière tchèque où les Lovemilla prostituées, lui a-t-on dit, vendent volontiers leurs bébés. Elle se fait happer par ce demi-monde d’où elle émergera, après six semaines d’inconscience due à la drogue, comblée, puisqu’enfin enceinte. Le titre se réfère à la voix de l’enfant à naître qui lui parle tout au long de son périple. Men & Chicken / Maend & Hons de Anders Thomas Jensen, est une allégorie sur l’eugénisme et la différence fondamentale entre le civilisé et l’humain. Deux demi-frères dotés d’un bec-de-lièvre mais d’intérêts très divergents, apprennent à la mort de leur père qu’ils ne sont que des enfants adoptés. Leur vrai géniteur vit sur une île reculée et lorsqu’ils veulent lui rendre visite, ils découvrent qu’ils ont encore trois frères supplémentaires, qui arborent tous le bec-de-lièvre familial, et vivent, coupés du monde, dans une maison de maître délabrée et sale, où des pièces entières sont occupées par des animaux de ferme. Le père n’est plus qu’une Sphère Nordique Alors que le fantôme espagnol se révélera bénéfique, le revenant du crooner japonais qui accompagne les heures creuses et rêveuses de la malheureuse Liza, the Fox-Fairy du Hongrois Karoly Ujj Meszaros s’avère fourbe et maléfique : il s’ingénie à provoquer la mort des rares amants de la pauvrette. Arrivera-t-elle à trouver une âme sœur qui restera en vie ? «Men & Chicken» de Anders Thomas Jensen «Liza the fox-fairy» de Karoly Ujj Meszaros Lovemilla du Finlandais Teemu Nikki est une pochade de science-fiction, où un jeune cuistot, inquiet de ne plus être à la hauteur à cause des flirts innocents de sa dulcinée, se fait renforcer par un exosquelette qui, tout en lui donnant des forces surhumaines, le rend monstrueux aux yeux de sa belle. Son cœur se brise et il le fait remplacer par un exemplaire mécanique, qui a c t u a l momie non déclarée, la fratrie interdisant tout accès au domaine. Au cours de leurs investigations, les nouveaux arrivés découvrent que leur père a trafiqué l’ADN de chacun de ses fils, y insérant un bout d’ADN animal. Le fait que Mads Mikkelsen soit constamment en rut s’explique par le fait que son matériel génétique a été combiné à celui d’un taureau ! Der Bunker de l’Allemand Nikias Chryssos épingle la coquille vide de l’éducation, quand un couple vivant en autarcie dans un bunker en forêt confie l’instruction de son rejeton, qui a l’air trentenaire, à un étudiant qui est venu vivre chez eux pour rédiger en paix sa thèse scientifique. Un extraterrestre logé dans la jambe de la femme prodigue à celle-ci des conseils, telle la pythie de Delphes. Les parents exigeants promettent à leur fils qu’il deviendra président dès qu’il saura par cœur les capitales des pays. Au mois prochain Raymond Scholer i t é 7 c i n é m a les cinémas du grütli Miguel Gomes, une rétrospective, trois sorties Rentrée substantielle avec la très attendue trilogie de Miguel Gomes Les Mille et une nuits, une rétrospective Francesco Rosi et trois sorties. 8 Les Mille et une nuits Francesco Rosi Plutôt qu’une trilogie, un film en trois parties ou volumes (L’Inquiet, Le Désolé et L’Enchanté) présenté à la Quinzaine des réalisateurs au dernier Festival de Cannes. Gomes est l’auteur d’un film inoubliable, Tabou (2012), mélodrame décalé à la fois parlant et muet, au somptueux noir et blanc. Loin de l’épure esthétique et du retour sur un genre cinématographique que constituait Tabou, il nous propose ici son regard sur la crise que traverse le Portugal depuis quelques années. Tour à tour Du 9 au 22 septembre, hommage en 10 films à l’auteur de Salvatore Giuliano, Mains basses sur la ville, Les Hommes contre, Cadavres exquis. Du grand cinéma politique italien. Trois sorties Trois films qui tous ont remporté des prix dans différents festivals. Tout d’abord Sam d’Elena Hazanov (dès le 9 septembre) qui raconte comment un petit garçon de 7 ans qui doit aller vivre avec son père qu’il ne connaît pas et qui est en pleine crise de la quarantaine apprivoise peu à peu celui-ci. Un film plein de bons sentiments, mais aussi de stéréotypes. La Isla minima d’Alberto Rodriguez (dès le 1er septembre), un thriller apprenne qu’il a été un terrible tortionnaire de la police politique de Franco. Le Challat de Tunis enfin (dès le 9 septembre) qui offre une saisissante peinture des rapports hommes-femmes dans une Tunisie où ces dernières cherchent à s’occidentaliser. S’inspirant d’un fait divers ou d’une rumeur datant de l’époque de Ben Ali, la réalisatrice Kaouther Ben Hania décide d’enquêter sur l’histoire d’un homme à moto qui, armé d’un rasoir, balafrait les fesses des femmes aux jupes trop courtes ou aux jeans trop serrés. La bonne idée de la cinéaste est de se filmer elle-même en train de préparer le tournage d’un film sur ce « challat ». A partir de là, le spectateur n’arrive plus à distinguer le vrai du faux. Ainsi, interrogeant des acteurs (?) parmi lesquels elle est supposée trouver celui qui pourrait incarner le « challat », elle obtient un flot de discours « machistes » de tous ces candidats qui « comprennent » ce geste punitif. Et que croire lorsque s’immisce parmi ces « acteurs potentiels » un candidat qui affirme être le vrai « challat » ? Continuant son enquête préparatoire, caméra à l’épaule, la cinéaste interroge les gens dans la rue, tombe sur un imam qui affirme que le sexe féminin est le diable, puis sur l’inventeur d’un jeu vidéo à succès dont le héros est le « challat ». Pire, elle rencontre la créatrice d’un test urinaire, le « vaginomètre » qui permet de mesurer la virginité des futures candidates au mariage ! Confronté à ce « documenteur » roublard qui brasse les scènes les plus loufoques et les scènes «Le Challat de Tunis» © Trigon Films fiction et documentaire, il emboîte tel Schéhérazade les histoires comme des tranches de rêves, dans une profusion baroque qui sait soudain s’effacer devant les témoignages des victimes de la crise, face caméra. La critique cinéphile évoque selon les histoires, Pasolini, Godard, Agnès Varda, Manoel de Oliveira ou Apichatpong Weerasethakul…. Le 11 septembre à partir de 18h. projection de l’intégralité des Mille et une nuits en collaboration avec la Bâtie et en présence de Miguel Gomes. Puis projections de L’Inquiet à partir du 12 septembre, Le Désolé à partir du 30 septembre, L’Enchanté à partir du 31 octobre. a espagnol qui fait «Les Mille et une Nuits» - volume 1 © Box Productions parfois penser à ces polars noirs qui se déroulent dans le sud des Etats-Unis. Ici, on est les plus vraisemblables, le spectateur ne sait plus au début des années 80 dans l’embouchure du vraiment distinguer le réel de l’imaginaire. Guadalquivir où deux flics, un ancien de la poli- D’autant plus que les acteurs sont majoritairement ce franquiste et un jeune qui a commencé avec la des non-professionnels. Mais il ressort du film démocratie, tentent d’élucider une série de meur- avec une certitude : la société tunisienne (masculitres dont sont victimes des jeunes filles. ne, bien sûr, mais aussi en partie féminine) est Récompensé par 10 Goyas (!!!), ce film habile et d’une misogynie terrifiante et elle reste, malgré le maîtrisé est troublant dans la mesure où il nous « printemps arabe », viscéralement traditionaliste présente le vieux flic comme beaucoup plus sym- dans sa vision des rapports entre les sexes. Christian Bernard, Serge Lachat pathique que son jeune confrère jusqu’à ce qu’on c t u a l i t é c i n é m a septembre à la Cinémathèque suisse Sam Peckinpah (1925-1984) Les 14 longs métrages de ce cinéaste américain à nul autre pareil ne sont pas tous des chefsd’œuvre, mais seuls ses deux derniers, Convoy Peckinpah au tournage de «The Gateway» assouvit sa soif de vengeance et trouve sa rédemption, pour l'ultime fois dans un film de Peckinpah, dans la catharsis de la violence et l'amour d'une femme. La même année, Peckinpah tourne Ride the High Country, qui marque le début de ce qu'on a appelé le western crépusculaire. Deux icônes du western, Joel McCrea et Randolph Scott, montrent leur âge. L'intrusion de la civilisation dissout l'éthique de l'amitié et de la loyauté chère au western. Et quand le soleil se couche sur McCrea mourant, il se couche aussi métaphoriquement sur le western. Dorénavant il n'y aura plus de repères moraux. Dans Major Dundee, Peckinpah voulait aller à l'encontre du mythe américain sur la Guerre de Sécession et les guerres contre les Indiens, en montrant l'arrogance, le racisme, la violence. Mais malgré l'intercession de Charlton Heston, il ne put tourner sa version et dut se contenter d'un film mutilé. Après une traversée du désert de trois ans, nourrie par une haine pour les producteurs et les studios et une consommation accrue de drogues et d'alcool, Peckinpah mène un style de vie que l’on retrou-ve dans ses films. L'histoire du tournage de The Wild Bunch reflète ainsi celle que raconte le film. Un quarteron d'outlaws se réfugie au Mexique, avant le début de la Grande Guerre, pour se mettre au service d'un général contrerévolutionnaire corrompu. Par loyauté pour un jeune révolutionnaire mexicain, ces repris de justice se sacrifient dans une scène finale de massacre dont la dimension et l'horreur n'avaient jusque là jamais existé au cinéma, où le son de l'impact des projectiles dans les corps se faisait entendre pour la première fois. Le motif suicidai- re des protagonistes qui cherchent la mort parce qu'ils se sentent perdus dans le monde moderne se retrouvait encore dans The Ballad of Cable Hogue et Pat Garrett and Billy the Kid. Dans Straw Dogs, un jeune mathématicien américain qui s'est retiré avec sa femme dans un petit village anglais, est contraint, pour sauver son couple des loubards qui le menacent avec agressivité et stupidité, de recourir à une violence archaïque et brutale, ceci montrant que le vernis de civilisation qui recouvre les instincts primitifs est très fragile. Dans Junior Bonner et The Getaway, le héros de western renaît sous une forme moderne, une fois comme champion de rodéo (le rêve américain transformé en show business), une autre fois comme gangster qui est le seul dans un monde corrompu qu'on ne peut acheter. Comme dans The Wild Bunch, le Mexique redevient un espace de liberté dans Bring Me the Head of Alfredo Garcia. Un Américain au bout du rouleau perçoit, dans la quête de la tête d'un mort, la chance de sa vie, mais elle se termine sous une grêle de balles. L'ère de l'individu est terminée, celle des conglomérats opaques a commencé, comme le montre The Killer Elite des services secrets. Dans Cross of Iron, le sergent Steiner garde sa dignité en dépit de l'inhumanité de la guerre totale. Peter Ustinov (1921-2004) Ustinov a réalisé 8 films, la Cinémathèque en a choisi deux pour son hommage, Billy Budd (1962) et Lady L (1965), les mêmes qu'elle a montrés il n'y a pas si longtemps. On aimerait bien une fois voir son premier, School for Secrets (1946) ou son dernier, Memed My Hawk (1984) ou sa satire sur la guerre froide, Romanoff and Juliet (1961). N'est-ce pas le but d'une cinémathèque de faire découvrir des raretés ? De même, parmi les films où l'acteur Ustinov tient le haut du pavé, pourquoi avoir choisi 2 films connus où il incarne Hercule Poirot ? (1978) - un film d’action dans le milieu des camionneurs - et The Osterman Weekend (1983) – un thriller politique sur des rivalités entre agents secrets – sont des œuvres de commande où le désintérêt du cinéaste est palpable. Issu d’une famille californienne de juges et d’avocats, Peckinpah se soustrait à une carrière juridique en abordant, dès son retour de l’armée, des études d’art dramatique. Il se retrouve au milieu des années cinquante à la télévision, où il écrit des épisodes de séries tv comme Tales of Wells Fargo, Gunsmoke et Klondike avant de passer à la réalisation avec The Rifleman (1958-1959) et The Westerner (1960). Son premier western de cinéma fut The Deadly Companions (1961), où un Ben Johnson, Warren Oates, William Holden et Ernest Borgnine dans «The Wild Brunch» héros vieillissant et blessé a c t u a l i t é Histoire du cinéma en mots et en images À partir du 16 septembre, et en principe en alternance, Freddy Buache, l’éminence grise, et Alain Boillat, le petit dernier, donneront ce nouveau cours les mercredis de 14h à 16h au Cinématographe. L’entrée est libre. Stimulantes perspectives ! Raymond Scholer 9 c i n é m a Les films du mois «Amnesia» © Praesens films AMNESIA 10 un film de Barbet Schroeder, avec Marthe Keller, Max Riemelt, Bruno Ganz,… (F-CH 2015) Sorti en séance spéciale à Cannes, projeté sur la Piazza à Locarno, le dernier film de Barbet Schroeder, tourné dans la maison de la mère du cinéaste à Ibiza, c’est-à-dire dans les lieux mêmes où avait été tourné More, son premier film, en 1969 (film qui ressort d’ailleurs simultanément sur les écrans français), se donne comme une réflexion personnelle sur la question de la langue et de son rapport à l’histoire d’un pays. En effet, l’histoire racontée par Amnesia est celle de la rencontre, au moment de la chute du Mur de Berlin au tournant des années 90, de Jo, un jeune musicien allemand, DJ passionné de sampling, et de Martha, qui après la guerre a refusé de parler allemand et de continuer à faire de la musique (rappelons que la mère de Barbet Schroeder a refusé d’apprendre la langue de Goethe à son fils né en 1941!). On le comprend : des éléments autobiographiques permettent au cinéaste de reprendre sous un angle inédit la question de la culpabilité du peuple allemand et de sa culture dans les horreurs de la dernière guerre mondiale et de la possibilité d’expier cette culpabilité. Grave question et qui mérite d’autant plus d’être soulevée qu’évidemment Jo, qui est né bien après la guerre, ne comprend pas la position de Martha. Il devra pourtant affronter la question de la a mémoire collective allemande lors d’un repas où sont réunis sa mère, son grand-père et Martha. Repas au cours duquel le grand-père qui n’a pas fait l’armée pour cause de défaillance auditive doit bien reconnaître sa responsabilité dans le massacre de jeunes filles juives tout à la fin de la guerre. Si la question est grave et rappelle que Schroeder tourne autour des mêmes problématiques que dans Le Mystère von Bülow et L’Avocat de la Terreur, Amnesia n’atteint malheureusement jamais la force de ces deux films. D’abord parce que l’histoire d’amour entre Jo et Martha manque quelque peu de crédibilité : même si Marthe Keller reste d’une grande beauté, la voir « danser » dans une boîte de nuit sur les rythmes de Jo confine au grotesque. Ensuite parce que le film de Barbet Schroeder est d’une lourdeur démonstrative, d’un didactisme (il va jusqu’à nommer la boîte de nuit où se produit Jo Amnesia !!!) à décourager les spectateurs les mieux intentionnés… Et les magnifiques couchers de soleil et le décor paradisiaque d’Ibiza, même filmés en numérique 6K, ne suffisent pas à emporter notre adhésion. Serge Lachat COUP DE CHAUD Serge Lachat un film de Raphaël Jacoulot, avec Jean-Pierre Darroussin, Grégory Gadebois, Karim Leklou, Carole Franck… (F, 2015) Avant l’aube (2011) avait fait découvrir Raphaël Jacoulot et son goût pour le huis-clos et la montagne, ainsi que son envie de mêler les c t u genres (drame social, psychologique, enquête policière). Ce goût et cette envie se retrouvent dans Coup de chaud : dans un village de la France profonde, on a appris à accepter les écarts de l’idiot du village (vol de fleurs et de figurines au cimetière, intrusions dans les maisons, marques trop fortes d’effusions,…). Mais il suffit que la canicule frappe trop longtemps, que les angoisses montent à propos des récoltes et que des tensions naissent à propos de la pénurie d’eau pour que le fragile équilibre local habilement entretenu par un maire tolérant (Darroussin) se lézarde et que la violence explose. Ce qui semblait devoir prendre la forme d’une chronique paysanne « à l’ancienne » (Jacoulot filme d’ailleurs et raconte « à l’ancienne ») avec ses jalousies et ses conflits larvés bascule dans la fable sociale féroce avec une brutalité insoupçonnée. L’idiot du village multiplie ses écarts, mais ce qui était toléré devient tout à coup insupportable pour tous et Josef Bouzou (étonnant Karim Leklou) endosse rapidement le rôle de bouc émissaire qui cristallise toutes les rancœurs et toutes les haines. Il avait l’habitude de chaparder des babioles, il est forcément celui qui a volé la pompe qui permettait d’irriguer les champs ; il explosait dans ses refoulements sexuels au point que presque violer une octogénaire, le voilà soupçonné du viol d’une adolescente mal dépucelée par son petit ami, soupçonné aussi de vouloir s’attaquer aux petites filles du village. Jacoulot, non sans finesse, réussit à nous inclure dans cette communauté villageoise : difficile de ne pas partager les angoisses des habitants et de ne pas juger bien légère la tolérance des autorités policières à l’égard de Josef ! C’est dire que la mort de celui-ci est un soulagement pour tout le monde, d’autant plus qu’elle coïncide avec le retour de la pluie ! Le village reprend sa vie tranquille avec sa nouvelle maire : malgré les vieux conflits et les inégalités, l’ordre règne à nouveau. Mieux : celui qui est emprisonné pour le meurtre de Josef est le menuisier, nouveau venu à l’intégration difficile. Sans oublier que la mort de l’idiot du village provoque le départ de son ferrailleur de père et de sa famille, eux aussi marginaux puisque manouches… a LA BELLE SAISON un film de Catherine Corsini, avec Cécile de France, Izïa Higelin, Noémie Lvovsky, Kevin Azaïs, Bruno Podalydès… (F, 2015) A l’ouverture du film, nous découvrons l i t é c i n é m a Delphine (Izïa Higelin) qui aide avec bonheur son père dans ses travaux d’agriculteur. Un père qu’elle adore, mais dont elle ne supporte plus la pression qu’il exerce pour la voir mariée. Aussi, lorsque celle avec qui elle entretient une relation cachée lui annonce qu’elle choisit le confort d’un mariage conventionnel, Delphine quitte la ferme pour un travail de bureau à Paris. C’est là que le spectateur prend pleinement conscience que l’histoire racontée se déroule en 1971 avec les premières revendications féministes. Lors d’une course-poursuite avec la police à la fin d’une manifestation, Delphine rencontre Carole, professeur d’espagnol et militante, qui lui fait découvrir les réunions politiques où il est question de l’aliénation des femmes et des hommes « prisonniers » de leurs rôles ancestraux, des inégalités de salaires entre les sexes, question aussi de liberté sexuelle, de contraception et d’avortement… Rapidement les deux femmes vont nouer une relation amoureuse passionnée, compliquée par la situation « conjugale » de Carole et surtout par la situation familiale de Delphine dont le père est victime d’un AVC qui le laisse à l’état de légume, ce qui contraint la jeune femme à retourner à la ferme pour aider sa mère. La séparation ne fait qu’exacerber les sentiments de Carole qui préfère rompre avec son compagnon et sacrifier l’indépendance qu’elle revendique avec ses compagnes de lutte. Mais elle ne tarde pas à découvrir que, dans cet univers paysan, les revendications féministes relèvent du délire (pour ces agriculteurs, leurs femmes doivent déjà être bien contentes de pouvoir toucher au porte-monnaie familial), et que Delphine passe pour une excentrique simplement parce qu’elle prend dans ses mains de femme la destinée (économique) de la ferme parentale. C’est dire qu’il est exclu pour elles d’afficher leur relation amoureuse et leur homosexualité. La cinéaste réussit à montrer à la fois combien la campagne et la nature portent à incandescence la sensualité de cette relation et combien cette passion s’effrite forcément devant les mensonges qu’impose un univers aussi « codé ». Et lorsque la mère de Delphine (magnifique Noémie Lvovsky) découvre la vérité, elle chasse la « tentatrice diabolique » du paradis dans une scène terrible. Film vraiment émouvant malgré quelques maladresses (les personnages masculins ne font pas vraiment le poids, la campagne apparaît caricaturalement figée dans les conventions), ce mélodrame social magnifiquement porté par ses actrices est aussi un film qui redit les espoirs de toute une génération d’après 68 : frémissant du a c t u dynamisme joyeux de mouvements pas encore figés dans un discours idéologique, La belle Saison est un film porteur d’espoir (cf. la magnifique lettre envoyée par Delphine à Carole 6 ans après la fin de leur histoire). Un film qui fait du bien, un film nécessaire après les Manifs pour tous du printemps dernier en France ! Jesuthasan Antonythasan dans «Dheepan» © Filmcoopi Serge Lachat DHEEPAN un film de Jacques Audiard, avec Antonythasan Jesuthasan, Kalieasvari Srinivasan, Claudine Vinasithamb, Vincent Rottiers… (F,2015) Palme d’Or quelque peu controversée lors du dernier Festival de Cannes, le dernier film de Jacques Audiard apparaît comme un film curieusement déséquilibré, passant de la chronique sociale au thriller hyperviolent. Au départ du film, nous sommes en 2009 au Sri Lanka où les Tigres tamouls viennent d’essuyer une terrible défaite. Nous découvrons l’un d’entre eux préparant le bûcher où seront brûlés ses camarades de combats. Dheepan (c’est une fausse identité) s’arrange ensuite avec une jeune femme, Yalini, qui passera pour son épouse, et Yalini se lance à la recherche d’un fille orpheline ou abandonnée pour constituer une famille susceptible d’être évacuée par le HCR. Ils arrivent en France où le traducteur tamoul trouve pour Dheepan un emploi de gardien dans une cité ironiquement baptisée Le Pré où une barre d’immeuble est aux mains de trafiquants de drogue. Le film d’Audiard s’attache dans un premier temps à montrer l’intégration difficile et progressive de cette « famille ». C’est le moment le plus réussi du film, d’autant plus qu’Audiard conserve l’essentiel des dialogues en langue tamoule prononcés par des acteurs inconnus pour nous: on y voit Dheepan retrouver sa dignité en effectuant d’humbles tâches de nettoyage, mais aussi des réparations plus techniques (l’ascenseur). La fille devient très vite la plus à l’aise en français et, après des débuts violents, semble bien inté- a l i t grée dans sa scolarité. Quant à Yalini, elle trouve elle aussi un travail et s’occupe d’un vieil habitant de l’immeuble d’en face qui semble avoir perdu la tête. Audiard, à ce moment du film, échappe aux clichés en nous montrant comment, dans un contexte de fait « criminel », une vie normale semble possible. La famille fictive des protagonistes semble même sur le point de devenir une famille « réelle ». Mais la rencontre par Dheepan d’un de ses anciens colonels qui lui dit que la guerre des Tamouls n’est pas finie et qu’on attend qu’il y participe en versant de l’argent pour acheter des armes, en même temps que la recrudescence de la violence née de la sortie de prison du petit malfrat local (Vincent Rottiers) qui replonge les immigrés dans les peurs de la guerre qu’ils ont vécue font retrouver à Dheepan ses réflexes de combattant. Et le film bascule soudain dans un déferlement de violence filmée comme Audiard sait le faire (et, à l’évidence, a envie de le faire), certes, mais qui enlève au film sa dimension sociale pour en faire un film d’autodéfense et de vengeance. Pire : on a l’impression que le cinéaste fait remonter son héros du monde des morts pour assouvir sa vengeance dans une mise en scène onirique qui rappelle quelques films américains ! Et la scène finale où tout ce petit monde tamoul se retrouve en Angleterre pour un barbecue dans le jardin d’un cottage relève terriblement du cliché et explique, voire justifie, le désir des immigrants de passer coûte que coûte au Royaume-Uni ! Serge Lachat é 11 c i n é m a 68e Festival del film locarno Du 5 au 15 août, Locarno vibrait au rythme de la 68ème édition du festival du film. Retour sur quelques découvertes marquantes. Sous le signe du minimalisme 12 Un cinéaste renommé est invité à donner une conférence dans une petite ville de province à l’occasion d’une rétrospective qui lui est consacrée. Arrivé un jour en avance, il rencontre au cours d’une promenade une jeune femme dont la beauté le frappe. Tous deux sympathisent et passent la soirée ensemble. Toutefois, la jeune femme constate avec amertume que l’intérêt que lui porte son nouvel ami est loin d’être désintéressé. C’est en ces quelques lignes que tient l’enjeu de la première partie de Right Now, Wrong Then, dernier opus de Hong Sang-Soo présenté au Concorso internazionale, chef d’œuvre de délicatesse et d’humour. Dans la cette nouvelle réussite, le réalisateur coréen nous livre une belle leçon de cinéma, un cinéma capable de trouver matière à chef d’œuvre dans les motifs les plus anodins. Dans son film Chevalier, la cinéaste grecque Athina Rachel Tsangari parvient également à tirer parti du potentiel comique des faits et gestes du quotidien. Un groupe d’amis passent leurs vacances sur un yacht de luxe. Pour tromper leur ennui, ils décident de jouer à un jeu dont l’objectif est de déterminer lequel d’entre eux est le « meilleur ». Dès lors, tout devient matière à compétition: il s’agit de savoir qui parmi eux s’habille le mieux, qui monte le plus vite une étagère, qui ronfle le moins, qui prépare le mieux la salade d’oursins, etc. Un système Belgique en 1938 pour fuir la Pologne, les pogroms et les exactions. Constitué d’une série de plans-séquences, le film fait se succéder sans aucun commentaire une suite de conversations entre les deux femmes, les unes sur Skype, les autres dans l’appartement bruxellois de la mère, entrecoupée par des plans de paysages désertiques. Derrière l’austérité de ce dispositif qui ne facilite pas l’immersion du spectateur se dessine en filigrane le portrait émouvant d’une femme qui a survécu à Auschwitz. À la croisée des genres, No Home Movie, malgré la rigueur programmatique de son titre, laisse au spectateur une grande liberté dans sa lecture du film, aussi bien film de famille, portrait de femme que film expérimental. Suite Armoricaine Autre temps fort de cette 68ème édition du Festival de Locarno, Suite Armoricaine de Pascale Breton raconte le retour d’une professeure d’Histoire de l’art à Rennes, la ville où elle avait étudié, tandis que l’on suit parallèlement les débuts à la fac de Ion, étudiant en géographique dont la vie est loin de ressembler à un long fleuve tranquille. Alors que Françoise, l’enseignante, en retrouvant la Bretagne et d’anciens amis, redécouvre une part d’elle-même qui avait jusqu’alors sommeillé, Ion est lui aussi confronté à son passé lorsqu’il reçoit un jour la visite de sa mère sans-abri qu’il avait jusqu’à présent reniée. Evocation du parcours intérieur de deux subjectivités, Suite Armoricaine livre un portrait sensible de ces deux personnages dont les routes finiront par se croiser, interprétés par d’excellents comédiens (Valérie Dréville et Kaou Langoët). Emilien Gür «Suite Armoricaine» de Pascale Breton seconde partie de ce film conçu comme un diptyque, on retrouve les mêmes personnages, dont la rencontre se déroule dans des circonstances identiques. En revanche, la relation qui s’établit entre eux se distingue par une série de nuances subtiles de celle que nous avions vu se développer dans la première partie du film. On retrouve là ce qui fait le charme irrésistible de l’œuvre de Hong Sang-Soo, minimaliste et brillante : exploration des potentialités narratives que contient une seule et même situation, jeu sur les dérapages que réserve la vie sociale ainsi qu’un sens de l’absurde qui insuffle une fraicheur comique aux situations les plus banales. Avec a de points est établi pour « mesurer » les performances de chacun dans les moindres tâches qu’il accomplit. Il faut saluer le geste de la cinéaste, qui déconstruit avec humour et légèreté l’imaginaire de la compétition constitutif d’une certaine masculinité. Les personnages, sympathiques au premier abord, finissent tous par sombrer dans le grotesque, se complaisant dans la performance ridicule de leur virilité. Œuvre minimale elle aussi, mais dans un tout autre sens, No Home Movie de Chantal Akerman affirme une radicalité déroutante en nous faisant plonger dans l’intimité de la relation de la cinéaste à sa mère, arrivée en c t u a Palmarès Le jury a décerné le Léopard d’or à Right Now, Wrong Then de Hong Sang-Soo, dont l’acteur principal a par ailleurs reçu le Prix de la meilleure interprétation masculine. Les quatre comédiennes du magnifique Happy Hour de Ryusuke Hamaguchi se sont vues quant à elle récompensées par le Léopard de la meilleure interprétation féminine. Tikun de Avishai Sivan et Cosmos de Andrzej Zulawski ont reçu respectivement le Prix spécial du jury et le Prix de la meilleure réalisation. l i t é SAISON1516 O PÉRA A UG RAND THÉÂTRE THÉÂTRE D EG ENÈVE OPÉRA AU GRAND DE GENÈVE LA BELLE HÉLÈNE JJACQUES ACQUES OFFENB OFFENBACH ACH DIRECTION D IRECTION M MUSICALE GÉRARD DAGUERRE MISE M I SE E EN N SCÈNE SCÈ ROBERT SANDOZ CHŒUR D CHŒUR DU GRAND THÉÂTRE L’ORCHESTRE DE CHAMBRE DE GENÈVE 14 > 25 25.10.2015 WWW.GENEVEOPERA.CH +41 22 322 5050 o p é grand théâtre de genève : ouverture La Tarte Guillaume Tell ? L'appellation n'est peut-être pas des plus respectueuses, mais elle est de Rossini lui-même!... En effet, lorsqu'à trente-sept ans, après le succès triomphal de la création parisienne de son opéra suisse, le compositeur décide de ne plus composer pour la scène, il se tourne vers les plaisirs culinaires et se pique de diffuser des recettes savoureuses aptes à faire vibrer de plaisir les papilles de ses admirateurs. 14 C'est ainsi que, progressivement, la Tarte GuillaumeTell s'accompagne des Bouchées de la Pie voleuse pour clore un repas dont le mets de résistance pourrait avoir été le Tournedos Rossini... Derrière l'ironie facétieuse du compositeur se cachait pourtant une prise de conscience assez réaliste de la valeur de son ultime ouvrage. Avec ses longs ballets, ses nombreux intermèdes choraux, ses quatre actes nécessitant plusieurs changements de décors, sa distribution prolixe et une durée d'exécution de plus de quatre heures en cas d'exécution intégrale, Guillaume Tell sollicite à l'extrême les ressources d'une maison d'opéra d'importance et ne ménage pas ses auditeurs non plus. C'est pourquoi, au fil des reprises, le bon sens et le pragmatisme des gens de théâtre ainsi que du compositeur lui-même auront tôt fait de l'emporter et plusieurs séquences musicales passèrent rapidement à la trappe, comme par exemple l'air de Jenny juste avant le tir à la pomme... Une date incontournable dans musique lyrique Dès sa création, Guillaume Tell est pourtant considéré par toute une volée de musiciens et de critiques clairvoyants comme la pierre angulaire d'un nouveau style, celui du grand opéra à la française qui allait établir pour longtemps la suprématie absolue de l'Opéra de Paris dans le monde lyrique international. Jusqu'à la première guerre mondiale, le succès de l'ultime opus lyrique de Rossini ne s'est jamais démenti; mais par la suite, les goûts évoluèrent et le public commença a bouder ces grandes machines où le spectacle a souvent tendance à prendre le pas sur les mérites purement musicaux ou dramatiques des opéras représentés. Bien que souvent mentionné dans les encyclopédies, le titre ne paraît alors plus que rarement à l'affiche (à Paris, il est même devenu une rareté absolue), même s'il se voit souvent parodié, comme ce sera le cas dans La Belle Hélène d'Offenbach, par exemple, également à l'affiche du Grand Théâtre cette saison. a r a Le spectacle qui marquera l'ouverture de la saison lyrique genevoise est importé du Welsh National Opera où il a été créé en automne passé après avoir encore fait une escale au Théâtre Wielki de Varsovie en mai dernier. Et bien entendu, il comportera quelques coupures, la durée de la représentation n'excédant pas quatre heures, entracte compris. La mise en scène a été réalisée par David Pountney, l'actuel directeur de l'institution galloise qui a également présidé pendant onze ans aux destinées du fameux festival de Bregenz jusqu'à l'an passé. Pour le metteur en scène anglais, qui s'est souvent fait remarquer par le côté iconoclaste de ses réalisations scéniques, l'aspect 'grand opéra' ne présente plus grand intérêt de nos jours. Ce qui fait sens, par contre, c'est la légitime aspiration d'un peuple décidé à reconquérir sa liberté en se dégageant du joug des tyrans qui l'oppressent. Dans ce spectacle, l'accent est donc mis sur l'enjeu primordial que doit représenter pour tout peuple soumis la prise en main de sa propre destinée politique, à l'image de ce qu'ont osé les Suisses en lutte contre la famille des Habsbourg. Ce défi se double d'une interrogation essentielle sur le plan privé : Arnold, le héros suisse, assume en effet pleinement son amour pour une princesse étrangère issue du camp ennemi car, à ses yeux, l'indépendance véritable ne se conçoit pas sans un affranchissement délibéré de tous les liens qui entravent la liberté d'action des individus. A ce titre, Guillaume Tell est donc vraiment une œuvre prophétique qui n'a pas perdu une once de sa modernité pour autant que l'on en fasse disparaître les aspects trop ouvertement passéistes dictés par les conventions théâtrales des opéras à la française du XIXe siècle. "De grandes idées portées par de grandes émotions" C'est en ces termes que David Pountney résume les enjeux dramatiques de cet ouvrage. "La lutte du peuple suisse pour reconquérir sa liberté est une des nombreuses facettes des luttes communes à toutes les populations opprimées." A ce titre, l'ouvrage joua d'ailleurs dès le XIXe siècle un rôle essentiel dans l'apparition des nationalismes en musique qui feront rapidement florès partout en Europe... Mettre l'accent sur la dimension humaine implique, pour David Pountney, un retour à une forme de stylisation scénique évitant l'histoire de la la facilité du spectacle tape-à-l'œil. Sur une immense toile de fond, le décor présente une masse glaciaire qui évoque les sublimes paysages de montagnes enneigées de la Suisse primitive et pure tout en faisant étrangement allusion à un certain tableau du peintre romantique allemand Caspar Friedrich. Sur le devant du plateau, un échafaudage signale la mise en route de projets importants, encore au stade de la construction. Les costumes situent très clairement l'action au XIXe siècle, mais avec quelques curieux rappels historiques presque ironiques comme ces cuirasses et heaumes portés par les soldats autrichiens massés autour d'un Gessler en chaise roulante : pour le metteur en scène, il s'agit de montrer par ce biais que l'Histoire est en route et que les tyrans font déjà partie des avatars du passé, - voilà pour l'utopie rossinienne!.. Le ton est donné dès le début de la représentation : le violoncelle solo en charge de la superbe mélodie calme et suave qui domine le début de l'Ouverture est placé sur le devant David Pountney © Anja Kiesel de la scène vide. Soudain, des soldats font c t u a l i t é o p é r a Une mise en images décalée Le principal défi pour tout metteur en scène moderne réside dans la construction même du livret. L'action à proprement parler ne commence qu'après une bonne heure de musique, lorsqu'Arnold apprend l'assassinat de son père. Par la suite, le peuple suisse semble prendre son temps avant de se révolter et les premiers chœurs qui signalent le refus de l'oppression sont construits sur des mélodies fluides qui n'ont absolument rien de martial. Ce sont de tels moments qui incitent David Pountney à une mise en images intentionnellement décalées par rapport au texte de façon à souligner par l'ironie, voire l'invraisemblance, des prises de position critiques qui n'auraient pas passé le cap de la censure si elles n'avaient été soigneusement déguisées par leurs auteurs sous le fatras des conventions théâtrales d'alors. Rossini aimait à dire, en parlant de la musique de Wagner, qu'elle comportait trop de mauvais quarts d'heure. Si cette mise en scène de Guillaume Tell en comporte aussi quelques-uns, ils sont donc intentionnels et servent d'abord à empêcher que le spectateur ne se carre confortablement dans son siège pour déguster sans arrière-pensées les sublimes mélodies de Rossini. Car l'opéra a aujourd'hui encore le pouvoir (le devoir ?) de choquer en refusant de faire l'impasse sur les réalités douloureuses dont nous abreuve quotidiennement une certaine presse. Preuve en est la réaction horrifiée d'une bonne partie du public assistant en juin dernier à la première d'une nouvelle mise en scène iconoclaste de Guillaume Tell au Covent Garden de Londres où le metteur en scène s'est vu conspué en plein spectacle parce qu'il avait osé montrer le viol d'une jeune Suissesse par l'occupant autrichien sur la musique de ballet du 2e acte. S'il veut survivre, l'art lyrique doit-il vraiment continuer à jeter un voile pudique sur ce que le cinéma, le théâtre ou la télévision nous montrent avec complaisance à longueur d'année ? Eric Pousaz Guillaume Tell au Grand Théâtre : ve 11 sept 15 - 19h30, di 13 à 15h00, ma 15 à 19h30, je 17 à 19h30, sa 19 à 19h30 & lu 21 à 19h30. Billetterie en ligne. a c t u a l i t é MÉMOIRE DU VIVANT 12 sept. au 25 oct. 2015 Jean-François Lapointe sera Guillaume Tell © DR laFERME de laCHAPELLE DELPHINE SANDOZ — MARIE-NOËLLE LEPPENS — CHARLOTTE NORDIN — CÉLINE SALAMIN laFERME de laCHAPELLE irruption et emmènent de force l'instrumentiste en coulisses, comme s'ils s'agissait de montrer manu militari que la culture n'a plus droit de cité dans un pays sous occupation étrangère. Par la suite, la mise en scène oscille entre naturalisme et ironie comme pour mieux piéger le spectateur tiraillé entre le plaisir que procure une réalisation fidèle à la lettre du livret et divers dérapages scéniques introduits par les mouvements caricaturaux des danseurs ou par de subits arrêts sur image, notamment dans l'étonnante scène de l'arbalète... GALERIE LA FERME DE LA CHAPELLE 39, ROUTE DE LA CHAPELLE | CH -1212 GRAND-LANCY WWW.FERMEDELACHAPELLE.CH Ville de Lancy République et canton de Genève o p é r a scala de milan Otello Pour sa programmation estivale, la Scala accueillait Otello de Rossini le 24 juillet dernier. 16 Le livret de l’opéra s’écarte largement de la tragédie éponyme de Shakespeare, malheureusement. Plus proches de l’original, Verdi et son librettiste, le poète et compositeur Arrigo Boito ont atteint les sommets de l’émotion, dont Rossini et Francesco Berio di Salsa restent éloignés. Il ne fallait pas chercher dans les décors minimalistes – la chaise de jardin est exploitée à fond ! de Jürgen Flimm, auteur de la mise en scène également, ni dans les costumes tristes parsemés d’anachronismes d’Ursula Kudrna, l’intérêt principal de la soirée. Il est vrai que la mise en scène réservait quelques surprises, mais pas vraiment bonnes : par exemple, un tableau noir sur un chevalet posé côté jardin, sur lequel Desdémone écrit à la craie trois mots correspondant à des signes arabes déjà présents : errore, puis infida et gelosia. Est-ce la traduction de ces signes ? Mystère, pour nous en tout cas. Autre sujet d’étonnement, des « serviteurs » en longs manteaux noirs, certains portant une fraise autour du cou (?!), s’occupent à desservir la table pendant le duo Iago/Otello, alors qu’une choriste arrose parcimonieusement le sol à l’aide d’une sorte de karcher ! Au troisième acte, un cercueil apparaît sur une barque apportée sur scène ; mais qui est dans le cercueil ? Isaura, l’amie de Desdémone dont cette dernière chante la triste fin dans l’air du saule, est morte depuis longtemps, et Rodrigo, lui est toujours vivant ! C’est sur ce cercueil qu’Otello assassinera sa femme, tandis que le rideau de fond tombe, découvrant coulisses et projecteurs. Oui, on avait compris, c’est du théâtre, mais Desdémone ne se relève évi- a demment pas pour autant et son époux se suicide bel et bien ! On ne peut qu’admirer dans le rôle titre le ténor américain Gregory Kunde : à 61 ans il a qui sollicite les graves comme les aigus. La chanson du saule correspond en revanche parfaitement à ses moyens actuels et la cantatrice délivre ce chant avec souplesse et une sensibilité touchante. Le Iago de Rossini n’a pas la force de celui de Verdi. Dans ce rôle Edgardo Rocha a du mal à tirer son épingle du jeu, en particulier en raison de qualités vocales inférieures à celles de ses partenaires ténors et que l’on ne peut que remarquer, tant dans sa confrontation avec Rodrigo que dans le duo avec Otello. N’oublions pas surtout de saluer encore les prestations de l’excellente mezzo Annalisa Stroppa (Emilia), du jeune Sheenon Moon, dont le timbre suave et le legato font dresser l’oreille dans «Otello» © Matthias Baus / Scala de Milan gardé ses aigus, son timbre riche, sa puissance. Ses vocalises cependant n’ont plus la précision d’antan et manquent quelque peu d’homogénéité. Prix à payer sans doute pour avoir dirigé sa carrière vers des rôles plus dramatiques. Chouchou du public, Juan Diego Florez (Rodrigo), se tire sans accrocs des périlleuses coloratures et décoche ses suraigus avec une autorité sans pareille. On regrette malgré tout une certaine sècheresse dans le timbre, comme si la rondeur du son ne faisait pas partie de ses préoccupations. La belle Olga Peretyatko dispose d’une voix mélodieuse et agile, dont le medium n’est souvent pas assez puissant pour passer la barrière de l’orchestre dans une salle aussi grande que La Scala, ce qui lui pose problème surtout au deuxième acte, c t u a la très brève intervention du gondolier ; de Roberto Tagliavini (Elmiro) et de Muhai Tang, qui a su donner au chœur et à l’orchestre de La Scala les impulsions fines ou vigoureuses favorables au jaillissement de la musique de Rossini. Martine Duruz l i t é o p é r a opéra du rhin lyon L'Opéra du Rhin a clos sa saison avec La dame de pique de Tchaïkovski, donnée en coproduction avec l'Opéra de Zurich. Pelléas et Mélisande… le film ! C’est l’impression que donne la nouvelle production très cinématographique de l’écrivain et réalisateur Christophe Honoré. Robert Carsen signe là une mise en scène d'un classicisme de bon ton, d'allure austère mais néanmoins fidèle aux intentions du compositeur. L'action se déroule dans un décor unique, une sorte de salle de jeu tendue de vert où tables, chaises et lit apparaissent et disparaissent comme par enchantement. Hermann, au lever du rideau, est étendu sur le sol et semble baigner dans son sang. La suite est un long flash-back qui contraint le spectateur à voir l'entier de l'intrigue par les yeux de son protagoniste masculin. Quelques coupures plus ou moins bienvenues (le chœur des nourrices au début et surtout l'intermède dans le style mozartien du troisième tableau...) permettent un resserrement de l'action qui se déroule ainsi comme un long cauchemar halluciné et se termine exactement à l'endroit où il a commencé... Misha Didyk épouse les intentions du metteur en scène avec une abnégation impressionnante : même les fêlures d'un aigu parfois sollicité au-delà du raisonnable semblent assumées avec un panache qui souligne les blessures intérieures du personnage alors que la pâte sonore épaisse mais toujours malléable de son ténor plus solide qu'élégant lui permet de traverser cet interminable rôle avec un héroïsme qui force l'admiration. A ses côtés, la Lisa parfaite de Tatiana Monogarova séduit autant par la puissance radieuse d'un soprano magnifiquement charpenté que par la pure beauté d'une étoffe vocale rayonnante de santé. La Comtesse inhabituellement jeune qu'incarne Malgorzata Walewska permet de déguster jusque dans ses moindres nuances un rôle trop souvent confié à des artistes en fin de carrière qui tentent péniblement de donner quelque cohérence à des moyens fort dégradés : ici, les pianissimi sont pleins et les silences assumés avec panache et non imposés par un souffle trop court. La scène de sa mort, véritable drame en miniature inséré dans l'intrigue, forme de ce fait l'indiscutable plat de résistance vocal de la soirée. Magnifiques, le Comte Tomsky plein de retenue de Roman Ialcic et le Prince Eletski plus insolent de Tassis Chrystoyannis ainsi que la Paulina prenante d'Eve-Maud Hubeaux complètent ce plateau où aucun soliste ne démérite jamais. L'Orchestre Philharmonique de Strasbourg placé sous la direction remuante et plutôt pressée de Marko Letonja et les choeurs de la maison, légèrement en retrait à en juger par quelques imprécisions aussi bien dans l'intonation «La Dame de pique» © K. Beck que dans le rythme, contribuent efficacement au succès notable de cette splendide fin de saison. (5 juillet) Une route qui défile en images dans un paysage nocturne de forêt inquiétante, une voiture qui stationne sur le plateau tous feux allumés et Mélisande qui se relève du sol, habillée pour une soirée… ou plutôt pour racoler. Quand Pelléas un peu plus tard parle de rejoindre son ami Marcellus mourant, des images de celui-ci nu passent à l’écran, suggérant des relations homosexuelles. C’est ensuite Mélisande – en songe ou en flash-back ? – qui se trouve prise entre les deux précédents, défroqués, dans une sensuelle relation à trois. Puis le petit Yniold fume – bientôt la drogue ? – et se tape la tête sur une vitre... On retrouve ainsi plus ou moins clairement exprimés les sujets abordés depuis plusieurs années par le metteur en scène, comme le mal-être, l’inceste, l’homosexualité, mais son traitement certes original ne colle pas toujours à l’œuvre. Dans sa vision, Mélisande couche ainsi rapidement avec Pelléas, retirant tout le mystère qui entoure en général les relations entre les deux. Pas de grotte, pas de fontaine sur scène, mais des bâti- La dame de pique Pelléas et Mélisande Eric Pousaz a c t u a l «Pelléas et Mélisande» © Fernandez ments déplacés sur roulettes, dont une espèce de poissonnerie industrielle dans une ambiance de bord de mer. La direction musicale de Kazushi Ono revêt de belles qualités de clarté et de transparence, mais manque certainement de contrastes, de nerf, de drame, de menace. La distribution vocale est très satisfaisante pour ses deux rôles-titres, Bernard Richter et Hélène Guilmette, jolis timbres à l’élocution soignée, la voix du ténor s’étant nettement élargie par rapport à ses premiers emplois mozartiens d’il y a quelques années. Les interventions de Vincent Le Texier (Golaud) sont sonores et autoritaires mais ne flattent pas l’oreille, tandis que le grain de Jérôme Varnier (Arkel) sonne plus noble et que la voix de caractère de Sylvie Brunet-Grupposo (Geneviève) fait toujours aussi forte impression. François Jestin Debussy – PELLEAS ET MELISANDE : le 12 juin 2015 à l’Opéra de Lyon i t é 17 o p é r a zurich I Capuleti e i Montecchi Cette version de la tragédie de Roméo et Juliette n'a pas grand rapport avec Shakespeare. Le librettiste, Felice Romani, s'est en fait inspiré de la tradition littéraire italienne où la constellation des personnages est réduite à l'extrême et où le sort tragique des amants occupe seul le devant de la scène. 18 Christof Loy ne peut s'empêcher de creuser le texte pour découvrir ce qui se cache derrière le refus réitéré de Giulietta de céder aux avances de Romeo alors qu'elle lui voue un amour enflammé. Il croit avoir trouvé la réponse dans une réplique où la jeune femme déclare à son amoureux qu'elle ne peut quitter un père auquel la lient des liens plus forts que ceux de l'amour. Du coup, le metteur en scène imagine une relation ambiguë entre le père et la fille, faite d'attouchements vicieux dans la salle de bain et de caresses inappropriées dans la chambre à coucher... Si l'idée peut séduire, elle ne constitue pas une mise en scène à elle seule et il faut bien convenir que le spectacle, encombré de cadavres et d'un personnage allégorique censé rappeler le poids du Destin dans l'évolution du drame, tourne en rond, au propre comme au figuré, puisque le plateau tournant nous promène continuellement à travers les diverses pièces du palais. La musique est royalement servie, malgré un changement de distribution de dernière minute. La jeune chanteuse ukrainienne Olga Kulchynska, fraîche émoulue de l'école réservée aux jeunes artistes en formation du Théâtre Bolchoï de Moscou, s'impose à vingt-cinq ans seulement et malgré son relatif manque d'expérience comme une des toutes grandes interprètes de ce rôle délicat qui joint la haute voltige débridée d'une ligne de chant riche en écarts délicats à négocier aux longs lamentos chargés de mélancolie typique du premier romantisme italien. La voix est à la fois légère dans les pianissimi mais corsée lorsque le drame monte en puissance, et le jeu scénique s'apparente déjà à celui d'une grande actrice de théâtre. En face d'elle, le Roméo grandiose de Joyce DiDonato parcourt la gamme des émotions de l'amoureux toujours repoussé avec un timbre d'une malléabilité incroyable : la grandeur tragique du personnage est rendue de bouleversante façon par l'aplomb musical dont l'interprète sait faire preuve autant que par les impalpables raffinements de couleur d'un chant qui fait un sort sans rupture aucune aux mélodies sans fin caractérisant l'écriture de ce rôle exigeant. Le jeune ténor français Benjamin Bernheim, membre de la troupe zurichoise, impressionne favorablement l'auditeur avec une voix qui a gagné en puissance et semble prête à s'attaquer aux emplois les plus en vue de ce registre dans l'opéra italien de cette époque. Les deux chanteurs confinés dans des rôles plus épisodiques s'en sortent plus ou moins bien alors que le chœur, malgré une musique qui ne compte pas parmi les meilleures qui soient tombées de la plume du compositeur, donne un profil accusé aux scènes d'ensemble sous la direction d'un Fabio Luisi peu inspiré aux gestes métronomiques. (27 juin) Elektra Olga Kulchynska et Joye DiDonato dans «I Capuletti e I Montecchi» © Monika Rittershaus a c t A chaque nouvelle reprise de cette production vieille de près de dix ans, le succès public est au rendez-vous. Malgré un changement radical d'optique de la part du metteur en scène Martin Kusej (l'action se déroule dans un palais de plaisirs douteux où domine la recherche de plaisirs sadomasochistes), les ressorts dramatiques fonctionnent à merveille et l'horreur absolue que suscite une telle accumulation de dévergondages souligne l'inéluctable descente dans la folie d'une héroïne qui termine le spectacle dans un état de prostration total. Les éclairages rasants de Jürgen Hoffmann magnifient le décor d'une profondeur déroutante de Rolf Glittenberg et ajoutent plus d'une fois une touche de surréalisme à l'action scénique en auréolant les personnages de reflets diffus. Lothar Koenigs, peu connu sous nos latitudes, ne voit pas en Strauss un compositeur de l'extrême mais s'attache bien plutôt à démonter les mécanismes d'une instrumentation prolixe qui met en lumière les moindres mouvements de l'âme. Les violentes explosions sonores sont certes rendues avec toute la sauvagerie nécessaire, mais elles ne sont jamais assourdissantes, comme s'il s'agissait d'abord pour le chef d'en souligner la complexité harmonique plutôt que de cultiver le pur déferlement de décibels. En plus, le musicien sait doser avec suffisamment de subtilité de telles envolées pour ne jamais couvrir les voix et confère par là au texte, presque toujours compréhensible, un maximum d'efficacité dans l'instant. u a l i t é o p é r a Homoki a, elle aussi, gagné en cohérence au fil de la saison. Certes, elle continue d'irriter par certains parti-pris faciles comme l'élimination systématique de tout élément surnaturel, car la représentation théâtrale d'un mythe peut-elle vraiment faire l'impasse sur la dimension ... “mythique“, c'est-à-dire fantastique, surnaturelle, libérée de toute contrainte réaliste, de son sujet ? Cette approche scénique convainc néanmoins par le travail approfondi réalisé sur les attitudes de ces montagnards bornés et superstitieux et sur la cristallisation des conflits dans la vie quotidienne d'une petite bourgade bavaroise confrontée à l'apparition de phénomènes dépassant son entendement. L'Elsa radieuse d'Elza van den Heever et le Lohengrin vocalement lumineux et confondant d'aisance de Klaus Florian Vogt font face à un formidable couple maléfique incarné par une Petra Lang (la Brünnhilde du récent Ring genevois) dont la voix semble ne connaître aucune Evelyn Herlitzius dans «Elektra» à Aix-en-Provence. Photo Pascal Victor /ArtcomArt limite de réserves dramatiques dans son portrait frémissant de rage d'Ortrud et par un Martin Juste avant de reprendre le rôle d'Isolde à Bayreuth, Evelyn Herlitzius Gantner au baryton d'une noirceur péremptoire. Les passages choraux s'imposait en quelques minutes comme la plus formidable Elektra du éblouissent par la richesse sonore et la véhémence impérieuse de chaque moment, en renouant sans difficulté avec sa formidable prestation lors des registre alors que l'orchestre, dirigé avec une précision remarquable par la représentations de ce même ouvrage à Aix-en-Provence dans l'ultime cheffe australienne Simone Young, détaille les richesses de cette partition spectacle réglé par le regretté Patrice Chéreau au Festival de l'an passé : voix pleine, souple, presque féline et dotée d'insoupçonnées réserves dans le forte, aigus pleins et chaleureux, médium solide, - bref : chaque note de la partition paraît ici assumée jusqu'au bout dans cette interprétation qui fera sans nul doute date dans les annales de ce spectacle. Hanna Schwarz reste elle aussi un miracle de fraîcheur vocale après une très longue carrière qui n'a jamais connu d'accrocs et habite le rôle déchirant de Klytämnestra avec un aplomb scénique et vocal que beaucoup d'interprètes plus jeunes pourraient lui envier. Le soprano pulpeux, superbement dégagé dans le haut de la tessiture, d'Emily Magee en Chrysothemis complète d'idéale façon ce trio féminin hors norme avec lequel fait contraste le baryton prenant, à la pâte sonore d'une magnifique souplesse, de Christof Fischesser en Orest. Les comparses et les instrumentistes superbement réactifs du Philharmonia Zurich achèvent de donner à cette représentation ce lustre que pourraient Klaus Florian Vogt et Elza van den Heever dans «Lohengrin» © Monika Rittershaus lui envier bien des scènes internationales... (3 juillet) Lohengrin La nouvelle production de Lohengrin donnée en ouverture de saison en septembre dernier refaisait un court tour de piste dans le cadre de ce festival. La distribution, inchangée si l'on excepte le remplacement de Christoph Fischesser par Günther Groissböck en Henri l'Oiseleur, se montrait digne de ce qui se fait de mieux actuellement à Bayreuth, Vienne ou New-York. Le chœur et l'orchestre Philharmonia de Zurich ont encore acquis un degré supplémentaire d'assurance sous la direction rapide mais jamais précipitée de Simone Young alors que la mise en scène d'Andreas a c t u a l avec une gourmandise qui fait oublier le statisme relativement longuet de certaines scènes guettées par le pompiérisme musical d'un compositeur enclin à vouloir faire de l'effet à tout prix... (11 juillet) Eric Pousaz i t é 19 o p é r a vienne Fins de saison Les dernières représentations de la saison qui s’achève se sont révélées assez étonnantes : Une Tempête séduisante, un curieux dyptique alliant Bartok et Schumann, et un Rigoletto à oublier au plus vite... Staatsoper : The Tempest 20 Le 17 juin 1956, l'Opéra de Vienne créait Der Sturm (La Tempête) du compositeur suisse Frank Martin avec notamment Christa Ludwig dans la distribution et Ernest Ansermet à la direction, représentations qui marquèrent les seules apparitions du chef suisse à la tête de l'illustre institution. Après six représentations, l'ouvrage, inspiré de la pièce de Shakespeare, disparaissait définitivement du répertoire et mène depuis une existence plutôt modeste sur les autres scènes du monde. Le 14 juin 2015, dans cette même salle, Thomas Adès dirigeait la création autrichienne de son opéra The Tempest, créé à Londres en 2004 et déjà repris depuis dans diverses mises en scène jusqu'au Met de New York. Le succès public de l'ouvrage que l'institut viennois a déjà remis à l'affiche pour cet automne, paraît donc nettement plus promet- teur que celui de l'opus du musicien genevois... De fait, la mise en scène de Robert Lepage, déjà vue en Amérique et au Canada et présentée dans différentes salles de cinémas de la planète dans le cadre des retransmissions du Metropolitan Opera de New York, joue certainement un rôle déterminant dans l'acceptation, par le grand public, d'une musique qui ne s'écoute pas facilement. Né en 1971, le compositeur britannique Thomas Adès utilise un langage multiforme qui se calque très étroitement sur les atmosphères contrastées dans lesquelles baignent les scènes de la pièce de Shakespeare souvent marquées au sceau de la magie. L'île déserte de Prospero, chassé de Milan par son ambitieux frère, est ici le lieu de magie par excellence qu'est le Théâtre de la Scala. Le formidable décor de Jasmine Carudal présente la prestigieuse salle tantôt vue depuis la scène, puis vue «The Tempest» avec Adrian Eröd (Prospero) et Stephanie Houtzeel (Miranda) © Wiener Staatsoper / Michael Pöhn a c t u a depuis la salle et enfin, dans un grandiose troisième acte, en coupe avec le plateau où se déroule une représentation à jardin et une impressionnante rangée de loges à cour. Sous la direction du compositeur, le Philharmonique viennois semble s'être approprié ce langage novateur avec une facilité qui force l'admiration. La coulisse sonore qui émane de la fosse fascine par ses ruptures de ton caméléonesques selon qu'Ariel, Miranda, Prospero ou Caliban, ici devenu un rôle d'une importance capitale, occupent le devant de la scène. La musique évoque parfois le cinéma par sa capacité impressionnante à donner à voir ce qu'elle dépeint grâce à des alliages de timbres surprenants tout en exigeant des chanteurs des prouesses vocales qui dépassent de loin ce que l'on entend habituellement sur les plateaux d'opéra, notamment pour le rôle d'Ariel. La représentation viennoise séduit d'abord par l'homogénéité d'une distribution où chaque membre paraît avoir fait sien des emplois complexes servis ici avec un naturel ahurissant. Certes, le Prospero d'Adrian Eröd ne possède pas le timbre vibrant du créateur du rôle, Simon Keenlyside, mais son personnage gagne en profondeur dramatique ce qu'il perd en pur brio scénique. Malgré un timbre aux aigus métalliques, Audrey Luna maîtrise avec une efficacité à la fois légère et étincelante les invraisemblables chaînes de vocalises qui encombrent le rôle d'Ariel au point qu'on en oublie leur difficulté d'exécution. Thomas Eberstein, dont le timbre est mis à rude épreuve par l'écriture du rôle de Caliban, est tout aussi bouleversant sans jamais donner l'impression de réaliser un exploit vocal. Stephanie Houtzeel, une Miranda chaleureuse aux accents prenants, et Pavel Kolgatin, un Ferdinand à l'émission vocale un peu trop raide mais tout de même capable de belles envolées lyriques, forment un couple de jeunes amants à la présence très affirmée, tout comme le Trinculo vaillant du contre-ténor David Daniels, ou le Gonzalo aux épanchements passionnés de Sorin Coliban. Dans les autres rôles moins en vue, la distribution ne présente aucun point faible et justifie amplement les interminables ovations qui ont marqué la fin de ce spectacle d'une grandiose originalité (18 juin) l i t é o p é r a Theater an der Wien : Bartok et Schumann Changement radical d'atmosphère le lendemain soir au Theater an der Wien avec la dernière production lyrique des Festwochen, le traditionnel Festival de musique et de théâtre qui s'étend chaque année sur plus d'un mois à partir de la mimai. La metteuse en scène Andrea Breth, encore peu connue dans les pays francophones, proposait une version scénique d'un curieux dytique composé du Château de Barbe-Bleue de Bartók et des Variations en mi bémol appelées parfois Geistervariationen (Variations des Esprits) de Schumann, l'ultime partition écrite pour le piano par le compositeur juste avant qu'il ne soit transféré définitivement dans un asile psychiatrique après une crise de folie où il se croyait assailli de fantômes. En première partie de soirée, Judith et Barbe-Bleue errent sans trouver ce qu'ils cherchent dans un grandiose décor de château abandonné dont les salles défilent sans bruit grâce à un vaste plateau tournant. Au fur et à mesure de l'ouverture des portes, la tension s'accentue et finit par étouffer les deux époux. Derrière la sixième porte, qui donne accès au Lac des larmes autour duquel sont groupées les femmes antérieures de Barbe-Bleue, Judith découvre l'inanité de sa recherche et accepte son échec en se laissant glisser dans l'eau à côté de celles qui l'ont précédée; elle est aussitôt suivie de BarbeBleue, accompagné soudain de fantomatiques doubles qui semblent aussi se figer pour l'éternité dans l'élément liquide. Nora Gubisch et Gábor Bretz, secondés par les instrumentistes d'une grandiose maîtrise technique du Mahler Jugendorchestrer que dirige un Kent Nagano au meilleur de sa forme, incarnent ce couple fatal avec une impétuosité lumineuse qui laisse l'auditeur pantois. Au début de la deuxième partie, une septième porte ouvre sur le salon vide d'un institut médico-social où errent plusieurs vieillards esseulés, qui portent tous le même costume que Barbe-Bleue. Ils ont visiblement perdu la mémoire et ressassent inlassablement des petites phrases sans suite qui les rattachent à un vécu dont ils ont oublié la teneur. Trois femmes habillées comme Judith (des aides-soignantes ? a c t u «Geistervariationen» avec Nora Gubisch (Judith), Gábor Bretz (Herzog Blaubart). Photo Bernd Uhlig des infirmières ?), essaient parfois d'entrer en contact avec ces pensionnaires déboussolés mais sombrent vite dans l'indifférence devant l'inanité de leurs efforts. Après plus d'une demiheure de silence meublé de quelques éructations sans queue ni tête, le Barbe-Bleue juvénile du début réapparaît pour redire le texte du Prologue de l'opéra de Bartók et finit par ouvrir une porte derrière laquelle se trouve, invisible au spectateur, la pianiste Elisabeth Leonskaïa; celle-ci joue alors avec une retenue d'une impressionnante intériorité ces cinq Variations vertigineuses où l'auditeur découvre un Schumann qui ne se préoccupe plus des règles du bien-écrire de son temps. (19 juin) Staatsoper : Rigoletto La Malédiction qui accable Rigoletto dans le drame hugolien semble aussi s'être acharnée sur cette nouvelle production qui a perdu son chef et deux de ses interprètes principaux dans des conditions parfois dramatiques. Le soir de la première en décembre dernier, le Rigoletto du baryton Simon Keenlyside a en effet perdu sa voix en cours de représentation alors que le chef Myung Whun Chung, appelé à remplacer Franz Welser-Möst parti sur un coup d'éclat, a eu l'heur de s'attirer l'ire d'une partie du public en continuant à diriger le spectacle malgré l'aphonie du chanteur principal. En cette soirée de fin de saison, ne restait sur le plateau que les décombres d'une mise en scène de Pierre Audi qui chercherait loin à la ronde son équivalent pour son culte systéma- a l i t tique de la laideur dans le décor et de l'incohérence dramatique dans la direction d'acteur. Et du côté de la musique, cela n'allait pas vraiment mieux: Rigoletto s'est révélé d'une platitude exemplaire en restant tout au plus correct au plan vocal, - mais peut-on vraiment reprocher son indifférence expressive à un Giovanni Meoni appelé à la rescousse en dernière minute après que Dmitri Hvorostovsky a dû lui aussi baisser pavillon pour des raisons de santé? Ekaterina Siurina commence elle aussi mal la soirée avec son soprano déjà trop large pour croquer le portrait convaincant d'une pure jeune fille au premier acte, mais retrouve son assiette dans les deux derniers où elle arrache les larmes avec ses accents douloureux de femme trahie. Le Duc de Mantoue de Saimir Pirgu se défend avec ardeur mais sans rendre justice au côté séducteur de ce personnage dont les aigus d'airain paraissent ici avoir tout au plus les qualités qu'on attend chez un militaire montant à l'assaut des forteresses féminines sans se poser trop de questions sur la manière. Et du côté de la direction, Evelino Pidõ a bien de la peine à mener tout son monde à la baguette et se voit souvent mis en difficulté par des solistes qui ont une autre conception que lui du rythme et de la démarche du langage verdien. A oublier au plus vite (20 juin) Eric Pousaz é 21 o p é r a berlin Ariadne et Faust Un Faust de Gounod proposant une superbe distribution, avec des chanteurs qui s’acquittent à merveille des exigences de leur rôle, et une surprenante Ariadne auf Naxos de Strauss réglée par Hans Neuenfels, voici ce qu’offrait à fin juin la saison lyrique berlinoise. Deutsche Oper : Faust 22 Beaucoup moins joué en Allemagne qu'en Italie ou en Angleterre, le chef-d'œuvre de Gounod souffre de sa parenté avec le Faust de Goethe, que le public germanique cultivé considère comme un des sommets absolus du théâtre digne des meilleures réussites de Shakespeare ou Racine. La romance douce-amère de la pauvre jeune fille naïve abandonnée par son amant après une nuit passionnée dans un jardin aux effluves entêtants paraît, il est vrai, bien minçolette lorsqu'elle est comparée aux prolongements métaphysiques insondables de la pièce dont elle s'inspire. Aussi Philipp Stölzl s'est-il efforcé dans sa mise en scène de supprimer tout ce qui aurait pu rappeler aux spectateurs d'aujourd'hui la source dont se sont inspiré les librettistes de Gounod. Méphistophélès n'est ici qu'un charlatan cabotin dont les pouvoirs surnaturels semblent surtout recelés dans son porte-monnaie sans fond. Quelques coupures plus ou moins adroites dans la partition font rapidement oublier ce que le personnage a de démoniaque et d'inquiétant, de sorte que l'opéra se déroule sans anicroche comme la déchéance programmée d'une jeune femme abusée incapable d'assumer les conséquences de son acte et amenée à tuer pour se sortir de son mauvais pas. La mise en scène «Faust» © Matthias Baus déçoit, car un décor trop encombrant restreint l'espace de jeu à moins d'un quart de la vaste scène. Elle se résume finalement à une interminable série de défilés sur la tournette de tableaux vivants et de praticables qui permettent d'évoquer sans rupture temporelle les nombreux lieux de l'action. Celui qui chercherait quelques prolongements à la réflexion que suggère un destin aussi pathétique se voit finalement confronté à une insignifiante galerie d'images dont il se désintéresse rapidement. Et comme la direction d'acteurs est quasi inexistante, la soirée finit par tourner à vide.... Heureusement, les chanteurs sont, eux, à la hauteur des exigences vocales de leurs rôles. Krassimira Stoyanova prête à Marguerite son timbre séducteur, chaleureux et brillant à la fois alors que Teodor Ilincai, que les Lausannois ont pu applaudir en Roméo dans l'œuvre de Gounod sur la scène du Théâtre de Beaulieu il y a quelques années, surprend agréablement avec son Faust stylé à l'aigu admirable de clarté autant que de plénitude. Ildebrando D'Arcangelo n'est peut-être pas le plus impressionnant des Méphisto avec son chant extrêmement stylé et son jeu répétitif, mais la mise en scène l'a certainement empêché de donner toute la mesure de son talent a c t en enfermant le personnage dans une série d'attitudes convenues. L'excellent Valentin de Marcus Brück et le touchant Siebel de Stephanie Lauricella complètent cette superbe distribution que la direction attentive aux subtils équilibres sonores de Marco Armiliato porte à des sommets expressifs admirables. Comme de coutume, le chœur de la maison fait honneur à sa réputation et rend justice avec aplomb à un style musical qui ne figure pas très régulièrement à l'affiche de ce théâtre. (24 juin) Camilla Nylund (Ariadne) © Monika Rittershaus Staatsoper : Ariadne auf Naxos Pour sa première mise en scène d'un opéra de Strauss, Hans Neuenfels a surpris tout le monde. Cet artiste iconoclaste qui est habitué des scandales de tous ordres (qui a oublié les rats envahissant la scène du dernier Lohengrin de Bayreuth ?) s'est pour l'occasion fendu d'une mise en scène d'un classicisme épuré. L'intrigue n'est certes pas narrée de façon linéaire, mais les coups de canif donnés au livret se suivent comme autant de moments visuels qui ajoutent du piment à la superposition de deux ouvrages de nature différente en suggérant des pistes de lecture auxquelles on n'aurait pas forcément songé. Ainsi le spectacle improvisé qui constitue l'opéra à proprement parler donne-t-il vraiment l'impression d'être improvisé, avec de fausses entrées, des hésitations dans les déplacements, voire du flou dans le dialogue. Bien que Zerbinetta fasse son cinéma habituel en énumérant le nom de tous les amants entre les bras desquels elle a passé et en répétant à l'envi que le secret de la réussite amoureuse réside dans le changement, son comportement reste imprégné d'une mélancolie qui contredit ses affirmations. Parallèlement, quand Ariadne se trouve face à Bacchus, elle ne cède pas à ses insidieuses avances mais préfère se poignarder, au risque d'invalider les prédictions de la comédienne italienne. Dynamique et peu avare en retournement de situations, ce spectacle est admirablement sous-tendu par l'accompagnement musical aux tournures capricieuses que tisse un Ingo Metzmacher déchaîné à la tête des quelques instrumentistes de la Staatskapelle à la dégaine irrésistible. Les chanteurs, dans un tel contexte, se surpassent tous, de l'acolyte à qui ne sont confiés que quelques mots aux protagonistes les plus en vue. Camilla Nylund prête à Ariadne un somptueux soprano dont l'ampleur wagnérienne reste toujours capable de délicatesses raffinées qui siéraient parfaitement à la musique de Mozart. Brenda Rae se joue des difficultés techniques du rôle de Zerbinetta avec un entrain et une bonne humeur railleuse qui donnent un poids inhabituel à ce personnage ambigu. Burkhard Fritz en Bacchus reste légèrement en retrait car appelé au dernier moment à la rescousse pour remplacer le titulaire subitement tombé malade - mais quel éclat dans la voix, quelle solidité dans le médium! Marina Prudenskaya en Compositeur fascine par un timbre aux colorations furtives, passant brutalement de la désespérance du musicien trahi aux débordements emphatiques du jeune homme qui découvre les premières joies de l'amour. Quant au chant à la fois incandescent et résigné du Maître de Musique incarné par Roman Trekel, il compte au nombre des grandes réussites de la soirée en dépit de la brièveté de ses apparitions... (25 juin) Eric Pousaz u a l i t é o p é r a concession de Christa Wolf qui relisait à sa manière la guerre de Troie et la dernière heure de la Troyenne rebelle. du festival d’avignon à la comédie de genève Le triomphe d'une grande tragédienne Le 69e festival d'Avignon entamait sa dernière ligne droite, lorsque Fanny Ardant, le temps d'une représentation, a littéralement embrasé l'Opéra d'Avignon par son interprétation sans faute de la Cassandre de Christa Wolf. Salle archi-comble malgré la touffeur ambiante pour cette unique représentation avignonnaise de Cassandre, monodrame sans souvenirs et son présent, ses cris, sa colère, ses blessures, son amour pour Thésée. Et, seule au milieu d'une scène immaculée et vide, Fanny Fanny Ardant dans «Cassandre» © Marc Vanappelghem chant ou opéra sans chanteur du Suisse Michael Jarrell, que servaient les musiciens du Namscae Lemanic Modern Ensemble placés sous la direction de Jean Deroyer. Le public était curieux de découvrir cette nouvelle production de Cassandre que le compositeur avait remise sur le métier, après avoir présenté dans les années 90 une première lecture inspirée du texte de Christa Wolf. En 2015, il abandonne le chœur grec et resserre son écriture musicale autour du monologue poétique de la prêtresse troyenne oubliée des dieux et des hommes. La musique de Jarrell n'illustre pas le discours de la Troyenne, elle est Cassandre elle-même, ses a c t u Ardant campe, avec le maestria des grandes tragédiennes et la fragilité d'une femme prisonnière et proche de la mort, une rebelle magnifique et vulnérable qui dit non. Maudite par Apollon qui lui a offert le don de divination mais aussi l'incapacité d'être crue, elle crie dans le vide et refuse jusqu'au bout de se taire. Cassandre, affirme Fanny Ardant « est la voix de l'être humain contre la Cité, la société. Et c'est de plus en plus important à notre époque ou la pensée commune asphyxie l'esprit. » Il y a 25 ans, Marthe Keller s'était déjà confronté à la musique de Jarrell et au texte sans a l i t Le metteur en scène et directeur du Théâtre de la Comédie de Genève, Hervé Loichemol s'est incliné devant cette « perdante magnifique » en créant pour elle un espace blanc, intemporel, carcéral, implacable, plaçant les musiciens en retrait dans l'ombre, sur une galerie à plusieurs mètres de haut. Fanny Ardant-Cassandre apparaît, royale et fière, vêtue d'un long manteau noir. Elle se déplace sans ostentation, s'allonge parfois ou s'agenouille, habite la totalité du plateau. Aucun gestes inutiles, pas d'effets spectaculaires. Une sobriété pour dire l'intime. La voix sensuelle et grave célèbre entre toutes, murmure, palpite, s'enfle pour restituer toute l'émotion du texte. Ardant respire avec la musique de Jarrell, s'interrompt pour elle. Ce monologue de près d'une heure est une sacrée performance, même pour une comédienne qui s'est déjà confronté à ce type de travail. Toutefois avec la musique contemporaine, elle reconnaît avoir toujours eu un rapport difficile: « Il faut vivre avec elle, ce n'est pas instantané. La musique de Jarrell est devenue comme une alliée. » Le public qui attendait la performance de la star, véritable icône du cinéma et du théâtre français, en a été convaincu et lui a réservé une formidable ovation. Ce spectacle donnera le coup d'envoi de la saison 15-16 de la Comédie de Genève dès le 21 septembre prochain, puis sera programmé dans plusieurs salles européennes. Ne manquer surtout pas une telle leçon de théâtre où la sobriété verbale, musicale et visuelle se met si justement au service du texte. Kathereen Abhervé Cassandre à la Comédie de Genève, 21-27.09.2015. Billetterie : +41 22 320 50 01 é 23 Bigre © Pascal Pérennec Danse Cirque – Danse Théâtre Angelin Preljocaj 29 et 30 septembre Collectif 4ème souffle 14 octobre Pierre Guillois 27 et 28 octobre Théâtre Musique Danse William Wharton Emmanuel Meirieu 7 et 8 octobre 15 octobre Cie Gilles Jobin 30 et 31 octobre Les Pièces de New York Birdy Le 4ème Souffle Maurane forum-meyrin.ch Place des Cinq-Continents 1 / 1217 Meyrin Billetterie + 41 22 989 34 34 Bigre Quantum a i l l e u r s cette fascinante pièce à laquelle le cinéma (Curtiz, Borzage ou Lang) s’était tôt intéressé. À la baguette, Jean Bellorini, directeur du Théâtre Gérard Philipe, à Saint-Denis. chronique lyonnaise Saison [9 au 21 mai 2016] Les deux principales scènes lyonnaises proposent un menu particulièrement riche et attractif, où, hormis les productions-maison, de grandes figures (auteurs et metteurs-en-scène) du théâtre européen et français sont conviées et où les écritures contemporaines ont, encore et toujours, la part belle. En voici un aperçu, forcément limité mais représentatif. TNP Villeurbanne [04 78 03 30 00 ; www.tnp-villeurbanne.com] Bettencourt Boulevard ou une histoire de France de Michel Vinaver Ce sera un des événements de l’année théâtrale, tant à Lyon qu’à Paris (reprise au Théâtre de la Colline, du 20 janvier au 14 février 2016). Au-delà de cette affaire Bettencourt qui a agité la presse, les tribunaux et le cercle sarkozyste, Michel Vinaver a concocté une pièce formidable, où s’entrelacent traits acérés pour peindre chaque personnage (dont Éric Woerth et Nicolas Sarkozy) et une réflexion sur l’histoire au long cours. Le patron du TNP, Christian Schiaretti, dont la fibre politique n’est plus à vanter, mettra en scène. [du 19 novembre au samedi 19 décembre] Ça ira (1) : Fin de Louis de Joël Pommerat Joël Pommerat est un des plus singuliers metteurs en scènes (il ne s’attache qu’à ses propres textes) et des plus doués parmi les dramaturges vivants. Dans ce nouveau texte (premier épisode d’un cycle sur la Révolution française), il traite l’histoire « comme s’il travaillait sur les mythes anciens […]“comme si” cela avait lieu “ici et maintenant”. Donner un sentiment de proximité : faire (re)découvrir au spectateur ce qu’il croyait savoir. » En co-production avec le Théâtre des Célestins. [du vendredi 8 janvier au 28 janvier 2016] Le canard sauvage d’Henrik Ibsen Juste après sa présentation au Théâtre de la Colline, voici cette pièce d’Ibsen envers lequel le metteur en scène Stéphane Brauschweig a développé une bouleversante familiarité. [du 2 au 6 février 2016] Le retour au désert de Bernard-Marie Koltès Toujours l’indispensable Koltès. Cette fois, mis en scène par Arnaud Meunier, directeur de la Comédie de Saint-Étienne et en co-accueil avec le Théâtre des Célestins. [du 3 au 11 février 2016] Liliom (ou la vie et la mort d’un vaurien) de Ferenc Molnár Autre événement, le retour, au théâtre, de Théâtre des Célestins [04 72 77 40 00 ; www.celestins-lyon.org] En attendant Godot de Samuel Beckett Toujours aussi acéré et généreux, JeanPierre Vincent a réalisé une des plus belles productions (créée au printemps dernier à Marseille) de cette pièce légendaire. [du 29 septembre au 3 octobre] La dernière bande de Samuel Beckett Encore Becket (qui s’en plaindra ?), avec ce monologue dont un vieil écrivain raté (joué par Jacques Weber) est l’anti-héros. À la baguette, rien moins que Peter Stein. [6 au 15 octobre] 887 de Robert Lepage Voici ce nouvel opus du fameux dramaturge et metteur en scène canadien (virtuose créateur d’images et de scénographies). Cette fois, seul en scène, il travaille ce qui distingue la mémoire du souvenir. [du 13 au 21 novembre] Orestie (une comédie organique ?) de Romeo Castelucci Le formidable homme de théâtre italien revisite cette production de 1995 dont, de la trilogie d’Eschyle (Agamemnon, Les Choéphores et Les Euménides), il magnifie la sauvagerie et la poésie. [du 30 au 27 janvier 2016] Les affaires sont les affaires d’Octave Mirbeau Mise en scène par Claudia Stavisky (directrice de ce théâtre), cette amorale pièce centenaire n’a pas pris une ride : un affairiste self made man étend ses ambitions jusque dans la carrière politique. [du 1er au 26 mars puis du 3 au 7 mai 2016] Richard III de William Shakespeare Avec ce Richard III et après sa trilogie constituant Henry VI qui rencontré un ample succès, Thomas Jolly et sa compagnie La piccola familia ferment ce cycle shakespearien consacré à la Guerre des deux Roses. [du 17 au 20 mai 2016] Frank Langlois A Villeurbanne : «Le Canard sauvage» © Elisabeth Carecchio a c t u a l i t é 25 d a n meyrin et villars-sur-glâne : preljocaj Retours sur répertoire Créée au dernier Festival d’Avignon, Retour à Berratham s'inscrit dans les festivités des 30 ans du Ballet Preljocaj. Pour l'occasion, la troupe refigure des œuvres créées pour le New York City Ballet. Un jeune homme à la recherche d’un amour de jeunesse, fait retour sur les terres ravagées de son enfance. Face à un texte commandé à l’écrivain Laurent Mauvignier, Retour à Berratham donne voix à la supplication et aux tourments quotidiens de femmes, de Bosnie en Tchétchénie, d’Ukraine en Biélorussie, hier, aujourd’hui et demain. Femmes violentées 26 Le féminin en attente, oppressé, contraint, étouffé, exécuté, se dévide au filtre d’une choralité dansante. Ce chœur parle en mouvements à l’unisson et par le filtre d’une comédienne récitante, Emma Gustaffson, retrouvant possiblement les accents de la tragédienne Sarah Bernardt pour se muer en coryphée compassionnelle. Elle rapatrie une longue lignée de s e souffrances subies, des Suppliantes d’Eschyle réclamant un asile impossible au chœur des femmes nobles se lamentant avec Electre. Le féminin apparait ici fatalement lié à une communauté, ses rites et codes, qui le dictent alors que le masculin erre, libre de ses exactions, menaces et souffrances infligées qui poussent dans le ventre des femmes. Le chorégraphe, 58 ans, donne à l’impudeur d’un récit âpre et suffocant commandé à Laurent Mauvignier, la pudeur d’états de corps somatiques. Ne doivent-ils pas autant au peintre anglais Francis Bacon comme dans ce duo final réunissant les amants rêvés sur le toit d’une carcasse de voiture, comme une pâte organique émolliente s’écoulant lentement qu’à des tutti à l’écriture coupante et ciselée ? C’est une « qualité de mouvement liée au poids, celui du souvenir et de l’Autre. Le développement du mouvement y rejoint celui de l’eutonie, travail de kinésithérapie basé sur le déplacement du squelette », précise l’artiste. Emigration et renouveau « J’ai toujours été attaché à la notion de répertoire. Les œuvres ont besoin d’être relues, réinterprétées », pose Preljocaj. Confrontant en les tuilant extravagances baroques et antiques d’hier et de maintenant, La Stravaganza (1997) passe en revue la dimension de nouvelle naissance rattachée au dialogue entre immigration européenne et installation d’une Tour de Babel des cultures au sein de la Grosse Pomme. L’exil y est interrogé comme une possible résonance au parcours du chorégraphe d’origine albanaise, dont la famille dû quitter le Monténégro natal. Sur des chants d’oiseaux inauguraux et une sensorialité évocatrice du Nouveau Monde façon Terrence Malick, une trinité de couples aux vêtements d’aujourd’hui contraste avec des silhouettes baroques qui leur font face. Conçu ori- «La Stravaganza» © Jean-Claude Carbonne a c t u a l i t é d a n s e 27 «La Stravaganza» © Jean-Claude Carbonne ginellement pour un ensemble classique de 12 danseurs, la chorégraphie épouse la dynamique ici papillonnante, là inquiète voire tendue d’expectative signée Vivaldi à laquelle se mêlent des pièces américaines contemporaines. « En partie autobiographique, cette première création pour le NYCB évoque ainsi l’arrivée de personnages bizarres qui viennent de la Vieille Europe, étant habillés dans des tonalités pouvant évoquer Vermeer ou Rembrandt. Ils font irruption dans un monde traversé de jeunes danseurs athlétiques, balanchiniens new-yorkais très smarts. C’est la confrontation de ces deux univers, la Vieille Europe et l’American Way of Life. L’opus voit les danseurs échanger un vocabulaire corporel étrange et hybride », explique le chorégraphe. Oui, il y aurait un trésor dans la mobilité et l’exil qui ne seraient pas fatalement synonymes de persécutions, contraintes et exploitations. Soit accepter d’être cet autre renouvelé, recommencé en soi, qui épouse les variations de la géographie et d’histoires « condansées », partagées entre les Modernes et les Anciens. Les premiers s’incarneraient dans les creusets classiques de Balanchine marqués par des mouvements vigoureux, précis, dynamiques, à la beauté formelle tendant vers l’épure que salue Preljocaj. Les Anciens, émigrés hollandais accostant New-York au 17e s. avec en figures de proue, les danseurs français contemporains de la vieille Europe, leur culture multiséculaire. Cet autre recommencé lâche ici ses pesanteurs, l’histoire obligée, préfère à tout et à tous, le vent, les diagonales, ce qui chante et danse, une transparence. de prêches millénaristes, la «preuve spectrale» est une invention fantaisiste censée attester du lien essentiellement de femmes avec les démons et le Malin. La situation de l’été 1692 vit 67 personnes dénoncées, 5 décédées en prison et 25 pendues. « La preuve spectrale s’étendait jusqu’au domaine des rêves. Il est inouï de voir quelque chose de si éminemment subjectif, même fantasmatique se mue en preuves à charge dans des dossiers d’accusations entrant dans le jugement de personnes et pouvant déboucher sur une sentence de mort. C’est un déni de justice. Et avec ce dernier, on rend la justice. Cette dimension m’a troublée. D’où l’envie de travailler sur le thème de la culpabilité, du désir toujours. Et comment la frustration du désir peut générer une réelle et prégnante violence », détaille le chorégraphe. Prolongés par un décor géométrique, quatre couples évoluent graphiquement dans des symétries troublantes. Les danseuses montent en volutes autour des noires silhouettes de clergymen comme le ferait une brume. Les danseurs sculptent des figures anguleuses et rectilignes épousant les mouvements sémaphoriques d’aiguilles d’une boussole cartographiant l’espace de probables carcans moraux aussi rigides que sous-jacents. L’ensemble est rehaussé par le sérialisme percussif anxiogène alternant le bâti et le déconstruit, émanant des musiques signées John Cage (aria, ballade psalmodiée ou choc d’un baiser). La chorégraphie s’adosse merveilleusement aux fondamentaux élémentaires du mouvement que sont l’énergie et la dynamique, le poids et l’espace. Chasse aux « sorcières » Bertrand Tappolet A l’instar d’un duveteux rêve éveillé, Spectral Evidence (2013), réanime un vécu historique singulièrement douloureux en tirant son humus dramaturgique des sinistres procès intentées aux affabulées « sorcières de Salem », en 1692 au cœur de la Nouvelle Angleterre. Sur fond a c t u a l La Stravaganza et Spectral Evidence. Théâtre Forum Meyrin, 29 et 30 sept. ; Equilibre Nuithonie, 25 septembre. Retour à Berratham. Théâtre de Chaillot, Paris, du 29 sept. au 23 oct. 2015. i t é s a i s équilibre-nuithonie Riche saison En 2015-2016, Nuithonie fêtera ses dix ans et Equilibre s’affirmera définitivement comme un pôle de la danse. Foisonnante, la programmation mettra à l’honneur, comme à son habitude, tous les arts vivants. o n cie Fabienne Berger. La compagnie investira à sa guise les lieux pour fêter ses 30 ans (le 18 décembre). La danse ne se limitera pas à cet anniversaire, puisque durant toute la saison des compagnies comme Le Ballet Preljocaj avec Les Pièces de New-York (le 25 septembre) ou encore Blanca Li avec Robot (le 13 et 14 novembre) se succéderont. Le chorégraphe de The Roots, Kader Attou, reviendra, quant à lui, à Fribourg pour présenter Opus 14 (le 4 février). Les festivités anniversaires se clôtureront en musique avec les 30 ans de la Spirale à Équilibre. Les amateurs de Jazz pourront ainsi profiter des concerts du Anouar Brahem Quartet (le 27 mai) et du Avishai Cohen Trio ( le 28 mai). D’autres concerts résonneront durant toute la saison, comme celui de la chanteuse soul Malia (le 9 mars). C’est ainsi une saison riche et lumineuse qui se prépare. C’est une saison riche en spectacles et en anniversaires qui s’annonce à Fribourg. 30 pièces de théâtre, 14 spectacles de danse, de la musique, du nouveau cirque, du tout public et quelques surprises s’alterneront sur les scènes fribourgeoises. 28 L’événement, c’est Nuithonie qui soufflera cette année ses dix bougies avec, entre autres, Le NoShow, spectacle québécois décalé et décapant sur les aléas de la création théâtrale. Un bal, un spectacle déambulatoire mis en scène par Julien Schmutz complèteront ces festivités. Côté programmation, le théâtre sera mis à l’honneur durant toute la saison avec notamment la présence de personnalités. Michel Aumont incarnera Le Roi Lear (le 14 mars), tandis que Emmanuelle Devos interprétera avec sublime le rôle de Anna Petrovna dans Platonov (le 22 novembre). Parmi les invités prestigieux, il faudra également compter Édouard Baer et Léa Drucker ou encore Wajdi Mouawad. Du côté du théâtre suisse, on pourra admirer Sils-Kaboul (du 21 au 23 janvier) mis en scène par Anne Bisang, directrice du Théâtre populaire romand ou encore Marla, portrait d’une femme moderne (du 18 au 20 février) par Denis Maillefer. La création fribourgeoise sera également de la partie, puisque c’est près de 7 créations qui seront hébergées cette année. Théâtre Equilibre : «L'histoire du soldat» © Elisabeth Carecchio a Valérie Vuille Entretien avec Thierry Loup Equilibre-Nuithonie offre cette saison encore des spectacles diversifiés et de tous les genres. Y a-t-il des pièces que vous conseillez particulièrement ? Sœurs de Wajdi Mouawad (le 3 et 4 mars) est une pièce fascinante, c’est une magnifique saga familiale dont Wajdi Mouawad a le secret. Constellations (le 23 avril) de l’auteur anglais, Nick Payne, est quant à lui un spectacle très particulier. Il raconte la rencontre de deux êtres en jouant sur les possibles. Les scènes sont ainsi rejouées en fonction de détails, comme les premiers mots, et le récit change. C’est une réflexion sur les hasards et les aléas de la vie. Le NoShow (du 7 au 10 octobre) est, quant à lui une des pièces à ne pas manquer de la saison. Il sera joué dans le cadre de notre dixième anniversaire. Dans ce spectacle québécois, le public est roi. À l’entrée, il choisit le prix de son billet et en fonction de la recette, il devra même choisir les comédien(ne)s qui resteront sur scène. C’est une manière drôle et décalée, de traiter des aléas de la création théâtrale et son avenir aujourd’hui. La saison théâtrale sera donc riche en découvertes et que se passe-t-il du côté de la danse ? Beaucoup de belles choses, et certaines premières suisses, comme Opus 14 de Kader Attou (le 4 février) ou encore Pixel de Mourad Merzouki (le 16 février). Le chorégraphe français s’est associé aux brillants créateurs numériques Adrien M. et Claire B. pour créer un spectacle de danse dans un univers numérique envoûtant. La musique sera également à l’honneur cette année. Exactement, nous accueillerons la chanteuse soul Malia (le 9 mars) ou encore Avishaï Cohen Trio (le 28 mai). Le groupe Blønd and Blönd and Blónd (le 27 novembre) offrira également un spectacle, « Hommage à la chanson française », drôle et surprenant. En décembre, les salles se rempliront de danse avec l’anniversaire de la c t s Propos recueillis par Valérie Vuille u a l i t é s a i s o n s 29 Théâtre Equilibre : «Opus14» © Michel Cavalca Espace Nuithonie : «Le cirque invisible» © Toussaint a c t u a l i t é s a i s o n s maison des arts du léman, thonon - évian - publier À chacun ses couleurs ! L'esprit de la nouvelle saison est d'emblée donné par la formidable déflagration lumineuse qui explose au centre de l'affiche, projetant dans l'espace encore éteint des jets de couleurs vives. Des couleurs qui, selon Thierry Macia, le directeur de l'institution savoyarde, symbolisent la Maison des Arts du Léman, unique sur son territoire et multiple par la variété des formes qu'elle propose, des lieux et des publics. 30 La nouvelle saison sera donc colorée et multiple avec plus de 70 manifestations embrassant tous les arts de la scène, de la chanson au jazz, de la musique classique au rock, du théâtre musical au théâtre d'auteur, des spectacles humoristiques aux spectacles pour enfants, des marionnettes à la danse et au cirque. Si la plupart des spectacles sont accueillis au Théâtre Maurice Novarina de Thonon, certains poseront leur tréteaux dans 25 communes de la Haute Savoie, les concerts classiques s'installeront quant à eux, dans le magnifique cadre forestier de la Grange au Lac d'Evian. Musique classique La saison s'ouvrira avec l'Orchestre Philharmonique de Baden-Baden et la violoniste Maria Solozobova attendus dans un programme Tchaikovski, Beethoven et Sibelius. L'Orchestre des Pays de Savoie, en résidence à la Maison des Arts du Léman, donnera plusieurs concerts avec Nicolas Chalvin au pupitre; d'une part avec les Chœurs et Solistes de Lyon, d'autre part avec le pianiste Roger Muraro lors d'une soirée romantique, et enfin avec l'Orchestre symphonique de Mulhouse, dans un programme Bartók et Dvořák. Avant que le violoncelliste canadien Gary Hoffman ne forme avec la pianiste Claire Désert un duo d'exception, l'alto Nathalie Stutzmann présentera à la tête de son ensemble Orféo 55, des musiques des 17e et 18e siècles. Autres musiques Du jazz avec le contrebassiste R. GarciaFons et le pianiste D. Peña Dorantes, le chanteur californien Gregory Porter, le flûtiste Michel Edelin, Chucho Valdés et ses AfroCuban Messenger. De l'humour en musique avec le célèbre duo La Framboise Frivole, les Cinq de Cœur virtuoses et déjantés, ou les Autrichiens fous du Mnozil Brass. Les amateurs de chansons seront séduits par le timbre rocailleux de la chanteuse Madjo, la voix hyp- Stephan Eicher © Roch Armando notique de la Franco-Marocaine Hindi Zahra, l'hymne à la beauté du groupe corse I Muvrini, les chansons déstructurées et insolites des Slash/Gordon, la fanfare d'automates de Stephan Eicher et tous les autres. Théâtre, danse et cirque Une quarantaine de troupes invitées alterneront pour présenter des spectacles tout public, drôles ou sérieux comme Les Cavaliers de Kessel, Le Misanthrope de Molière, Pelléas et Mélisande de Maeterlinck, du Feydeau, du Corneille, du Lewis Caroll; du Philippe Caubère, du théâtre forain avec la famille Burattini, de la danse avec le Groupe Emile Dubois ou la Cie Accrorap, des contes avec Henri Gougaud qui ravira grands et petits. Le jeune public fait par ailleurs l'objet d'une attention toute particulière avec près de 20 spectacles qui lui sont destinés, théâtre d'ombre, théâtre d'objet, cirque, danse, contes et marionnettes dont la Cie Les Anges au Plafond de retour à la Maison des Arts du Léman pour le bonheur de tous. Kathereen Abhervé Théâtre Maurice Novarina Tél. +33 450 71 39 47 – www.mal-thonon.org «Quand le diable s'en mele» © N. Hervieux a c t u a l i t é s a i s o n s théâtre de vidy Le théâtre n'existe pas Coup d’œil sur la deuxième saison du théâtre de Vidy placée sous la houlette de Vincent Baudriller. La deuxième saison concoctée par Vincent Baudriller suit la ligne de la précédente avec deux spectacles coups de poing (Castellucci, Delbono), des œuvres hybrides, entre performance, théâtre, danse ou film (La Ribot, Sciarroni, Platel), des productions en langue étrangère (McBurney en anglais, Milo Rau en serbe, bosniaque et allemand, Nicolas Stemann en allemand, Deflorian/Tagliarini en italien), quelques artistes bien de chez nous (Bel Kacem, Tosato, Augustin Rebetez), et une préférence nette pour la danse (De Keersmaeker, Duyvendak, Berrettini) et la musique (Pedroli). Restent Pascal Rambert, Jean-François Peyret et, nouveautés, trois spectacles pour enfants (Forced Entertainment, Bel Kacem, Sciarroni). De Vidy, "théâtre au bord de l'eau", à "Vidy, l'espace théâtral européen". René Gonzales avait ouvert la voie à un théâtre innovant (Novarina, Lupa, Bory, Heiner Goebbels – qui reviendra à Vidy en seconde partie de saison). Dans sa nouvelle programmation, Vincent Baudriller pousse encore plus loin l'exploration de toutes les potentialités du théâtre. Et de remettre en question la définition du 5e art. Fi de la narration. Vive la déconstruction ! Et toucher directement le spectateur, même s'il faut se passer de l'intermédiaire du texte, depuis longtemps sursacralisé par la scène. Aucune pièce classique n'est à l'affiche de la saison - à l'exception de "La Mouette" en seconde partie de saison, d'un lointain "Werther !" du Hambourgeois Nicolas Stemann et d'un texte non-théâtral de Paul Celan ("Le Méridien" par Nicolas Bouchaud). Trouver la voix, perdre la foi Dans The Encounter, Simon McBurney adapte le roman Amazon Beaming du romancier contemporain Petru Popescu grâce à un dispositif où chaque spectateur est muni de ses propres écouteurs. Un voyage auditif qui, s'il met l'accent sur le journal d'un reporter du National Geographic, explore surtout le reste d'un territoire auditif luxuriant. Le texte par excellence, c'est l'évangile. Et Pippo Delbono de se demander quelle voix dit ce texte, sachant que ce n'est pas Dieu qui a écrit les évangiles, parce que c'est "l'homme qui a créé Dieu". Le metteur en scène-comédien-réalisateur a donc voyagé autour du monde pour en ramener des voix qui expriment leur foi à leur manière, et pour les fondre dans une sorte de messe laïque (Vangelo). A quoi ressemble la voix du Père est aussi une interrogation qui nourrit les réflexions théâtrales de l'apostat Romeo Castellucci. Il avait déjà fait parler Dieu dans un remarquable Go down, Moses et filmé en gros plan la trachéotomie d'un cancéreux bavard dans Giulio Cesare. Sa nouvelle hérésie, Sul concetto di volto nel figlio di Dio (Sur le concept du visage du fils de Dieu), interroge la dignité d'un vieillard incontinent et teste l'amour de son soignant de fils. Rien ne sera épargné au spectateur. L'Occident étant en passe de remplacer les logorrhées de la parole a c t u a l divine par des logarithmes du Net, le metteur en scène parisien JeanFrançois Peyret se demande dans Citizen Jobs, comment parler de Steve Jobs, le père d'Apple, au théâtre. Encore plus philosophique, le Delémontain Augustin Rebetez propose simplement [de] Rentrer au volcan. On ne sait pas encore s'il annonce un constat pessimiste sur le monde façon Empédocle, mais l'artiste assure : "Nous avons des cœurs cassés, des rêves magnifiques et ce qu'on exprime c'est fragile sale et touchant ça vient d'ailleurs et pourtant nous sommes là maintenant." «The Dark Ages» © Dashuber L'actualité, la guerre A l'autre extrême de la programmation de Vidy se trouvent des spectacles plus prosaïques, comme cet En avant, marche !, dans lequel les Belges Frank Van Laecke et Alain Platel s'intéressent à la fanfare, et à sa manière de jouer et de passer de Beethoven aux marches populaires. Le Romand Karim Bel Kacem a, lui, choisi de mettre en scène deux pièces de chambre, à l'opposé l'une de l'autre. Ainsi son Gulliver du classique Jonathan Swift – spectacle aussi destiné au jeune public - est-il l'exact contrepoint du B.L.A.S.T.E.D, premier texte de l'écorchée vive Sarah Kane. L'expérience intime de la guerre, fortement présente dans cette dernière pièce, constitue la matière même de The Dark Ages du Bernois Milo Rau. Habitué à analyser les guerres civiles et actions terroristes qui caractérisent de plus en plus notre monde contemporain, The Dark Ages, deuxième partie de sa Trilogie de l'Europe, couvre la période 1945-1995. Cinq acteurs de Bosnie, Serbie, Allemagne et Russie racontent leurs enfances, leurs fuites et leurs exils. La réalité constitue également le matériau du tandem romain Daria Deflorian et Antonio Tagliani. Tandis que quatre retraités grecs finissent par se suicider ensemble dans Ce ne andiamo per non darvi altre preoccupazioni (On s'en va pour ne pas vous donner plus de soucis), Reality s'inspire des 748 carnets de notes qu'une Polonaise, femme au foyer, a laissés à sa mort, en 2000. Avec une précision obsessionnelle, Janina Turek y consignait ses faits et gestes : appels téléphoniques (38'196), rendez-vous (1'922), émissions de télé vues (70'042), cadeaux offerts (5'817)… A partir d'un tel sujet, le spectacle est-il encore possible ? Enfin, l'amateur du verbe théâtral se rassurera à l'intimité de deux pièces chorales signées Pascal Rambert, dramaturge et metteur scène minimaliste et partisan de l'adresse directe, pour qui seul le personnage compte (voir entretien page suivante). Clôture de l'amour, spectacle aux nombreux prix, est un dialogue uniquement constitué de deux longs monologues, celui d'un homme et celui d'une femme qui lui répond. Histoire d'un amour limité. Et puis Répétition décline le même modus operandi, mais avec quatre personnages (et quels acteurs ! Emmanuelle Béart, Denis Podalydès, Stanislas Nordey et Audrey Bonnet). Au fil de ces quatre tirades successives, se règlent les comptes du théâtre. Peut-être qu'au final, Vidy n'oublie pas encore complètement le texte. Frank Dayen Théâtre de Vidy, www.vidy.ch, rés. 021 619 45 45, billetterie du Théâtre de Vidy ou Librairie Payot Lausanne. i t é 31 s a i s o n s théâtre de vidy Pascal Rambert Du 30 septembre au 9 octobre, Pascal Rambert s’installe à Vidy avec 2 spectacles : Clôture de l’amour et Répétition, et une lecture : Avignon à vie. 32 A la sortie d’une masterclass consacrée à la dramaturgie qu’il donnait à la Biennale de Théâtre de Venise à de jeunes écrivains, Pascal Rambert nous a consacré son dernier entretien avant de partir en vacances. Des vacances bien méritées pour ce boulimique de travail à la fois écrivain, metteur en scène, chorégraphe, réalisateur et directeur du Théâtre de Gennevilliers qu'il a transformé en centre dramatique national de création contemporaine. Celui qui se définit comme «un écrivain qui écrit pour des corps et des tessitures» se débrouille pour réfléchir au monde dans lequel il vit et lui donner une forme. Il connaît un succès mondial avec sa pièce Clôture de l'amour créée au festival d'Avignon en 2011, jouée plus de 140 fois depuis, et collectionne les prix et les récompenses jusqu’à être nommé au grade de chevalier de l'ordre des Arts et des Lettres. A Vidy cet automne, après Clôture de l'amour , magnifique texte sur la séparation amoureuse, où d’abord un homme parle, longtemps, puis une femme répond, longtemps, il y aura Répétition qui propose une même succession de monologues, mais pour quatre acteurs : Audrey Bonnet, Stanislas Nordey, Emmanuelle Béart et Denis Podalydès. C’est aussi Denis Podalydès qui prêtera sa voix à la lecture d’Avignon à vie, lumineuse ode au festival d’Avignon. La grande force de Pascal Rambert, c’est la simplicité ; une manière sans détour de dire et de montrer, qui touche droit au sentiment. Entretien. Vous présentez à Vidy en début de saison trois spectacles : deux pièces et une lecture. Est-ce important de les montrer dans leur ensemble et dans l’ordre chronologique de leur création ? Oui. En tant que spectateur j’aime voir le travail d’un artiste à travers le temps. Le premier partenaire de notre travail artistique c’est le temps, spécialement au théâtre. «Répétition» Marc Domage Voir Clôture de l'amour qui est un point central de mon travail depuis plusieurs années, enchaîner avec Répétition qui est la pièce créée juste après où on retrouve les mêmes acteurs mais dans des relations différentes, et avoir un regard sur tout cela avec Avignon à vie, un livre auquel j’ai donné une forme totalement étonnante en vers, est éclairant sur mon travail. Le triptyque est quelque chose que je pratique beaucoup. Cela me plaît qu’on entende la contradiction, nichée aussi dans l’être humain. C’est difficile à reproduire au théâtre, dans la littérature en général, où l’auteur doit afficher une position tranchée. Moi je défends le contraire, je donne à voir des êtres qui bataillent avec leurs contradictions internes et donc je bataille moi-même avec mes propres contradictions internes de pièce en pièce. Une pièce répond à l’autre, la contredit, la conteste. C’est une forme de dialectique du réel et du temps qui avance. «Clôture de l’amour» © Marc Domage e n t r e t i e n s a i s o n s Et puis, je suis très heureux d’ouvrir la saison de Vidy avec Vincent Baudriller qui a été à l’origine de cette chose incroyable que fut Clôture de l'amour. Je le remercie encore de l’impulsion qu’il m’a donnée. C’est lui qui m’a proposé de revenir à Avignon avec quelque chose que j’écrirais. La relation avec Vincent Baudriller est une vraie aventure heureuse. Jouer à Vidy, c’est comme un retour à la maison. Aujourd’hui, il existe 25 versions de Clôture de l'amour qui se jouent dans le monde. J’en ai mis en scène environ sept ou huit depuis 2011 aussi bien au Japon, à New-York qu’à Barcelone ou en Russie. Quand vous créez des adaptations dans d’autres langues ou lorsque vous reprenez des spectacles, votre regard sur le texte change-t-il ? C’est une question philosophique : un objet reste-t-il toujours le même ou, alors qu’il reste le même, se transforme-t-il ? Il est difficile de répondre à une telle question. En fait, ce ne sont pas des adaptations, mais de nouvelles créations avec des acteurs dans une langue étrangère. Il s’agit d’un long processus de traduction, de répétitions. Je travaille de manière à pouvoir privatiser le texte pour chaque acteur. Je l’ai fait par exemple en russe, en anglo-américain, en italien, en espagnol, en serbo-croate, en allemand, et à chaque fois j’adore ça ! La langue que j’écris est une langue de l’oralité et l’acteur a besoin d’une route stable : la phrase. Vous êtes à la fois écrivain, metteur en scène, chorégraphe, réalisateur et directeur de théâtre. Parmi toutes vos activités, s’il fallait en choisir une seule ? Dans mon I-Pad, j’ai cinq pièces en cours. Elles se nourrissent l’une de l’autre. Je rêve dessus et ensuite je rédige très vite. Je prépare un projet très en amont, sinon l’inconscient se bloque, un peu comme un cheval devant l’obstacle. Il faut du temps pour laisser entrer en soi le rêve d’une pièce. Il faut absolument maintenir la capacité de l’inconscient à se cabrer contre l’injonction du quotidien et arriver à dire : « Je ne fais pas ceci ou cela parce que j’écris. » Alors pour répondre à votre question, si je devais vraiment choisir ce serait l’écriture. J’ai mis du temps à l’accepter mais je pense que je suis un écrivain de théâtre. J’écris tous les jours dans les avions, dans les trains, dans les hôtels ou chez moi à Paris. J’ai passé 35 ans de ma vie à faire cela. Vous avez écrit Répétition, avant de commencer à répéter Clôture de l’amour. Ces deux pièces sont étroitement liées. Cela signifie-t-il que vous n’en aviez pas terminé ? Aviez-vous le sentiment qu’il y avait encore des choses à dire ? C’est ce problème que j’ai dans la vie, j’ai des choses à dire… un peu. Mais pas de façon révolutionnaire, plutôt à travers une structure, une forme qui est pour moi le travail sur le langage. C’est difficile d’écrire du théâtre. Nous avons des prédécesseurs monstrueux. Lire Shakespeare, Tchekhov, Molière, ou Bernard-Marie Koltès, ça peut décourager d’écrire. Moi au contraire en lisant ces auteurs-là, je me dis : « Je veux écrire ! ». Pour moi, la littérature est un déclencheur d’écriture. Quand j’ai créé Répétition, c’était une façon de répondre à Clôture de l’amour. J’ai écrit une nouvelle pièce, Argument, qui sera jouée en janvier 2016 et qui répond en certains points à Répétition mais aussi à des choses affirmées dans Clôture. C’est comme si le moi humain de l’écrivain n’était pas un petit moi qui parle de lui-même. Ce que je n’ai d’ailleurs jamais eu l’impression de faire. Même si mes pièces sont souvent très proches de la forme autobiographique, j’essaie de donner une structure à ce moi, à cette parole-là. A ce propos, le monologue est-il une forme qui vous permet de réinventer le dialogue théâtral ? Mais je n’ai pas vraiment choisi le monologue ! Mes textes ressemblent à des monologues, mais en fait ce sont des dialogues très longs. Clôture de l’amour est une question/réponse. Ce n’est pas un monologue lorsque quelqu’un parle et que l’autre l’écoute et réagit. Or Audrey (Bonnet) est entièrement vivante lorsque Stanislas (Nordey) lui parle. En juin dernier, au Théâtre des Bouffes du Nord, j’ai repris avec Arthur Nauzyciel, De mes propres mains, créée en 1993, et les gens trouvaient ce texte très proche de celui de Clôture de l’amour. J’ai toujours écrit de la même manière et à un moment donné ça s’entend, on ne sait pas trop pourquoi. J’ai compris que, parce que j’écris du théâtre, le texte nécessite les meilleurs acteurs que l’on puisse avoir. Si vous n’avez pas des interprètes hors pair, l’effet ou la présence de l’œuvre n’est pas là. Et donc, j’ai réalisé que j’écris toujours pour des grands acteurs, je n’écris pas au hasard. Et les grands acteurs ont besoin d’un texte avec lequel ils peuvent se battre, où ils trouvent les capacités de déployer leur savoir, leur non savoir ou leur inquiétude devant une œuvre neuve. Mon travail est finalement de nourrir des fauves ! Propos recueillis par Nancy Bruchez Théâtre de Vidy-Lausanne : Clôture de l’amour, du 30 sept au 4 oct Répétition, du 6 au 9 oct Avignon à vie, lecture le 4 octobre par Denis Podalydès, sociétaire de la Comédie Française «Avignon à vie», photo Christophe Raynaud de lage e n t r e t i e n 33 s p e c t a c l e s la bâtie - festival de genève Arts en transversalités Sous la bannière de l’étrange, le Festival genevois parcours une galaxie passant de la grâce à l’animalité au coeur à vif de mondes tourmentés et inspirés jusqu’au vertige. 34 D’un espace hyperréaliste, This how you will disappear transite progressivement vers un univers mental fantasmatique. La pièce part d’une forêt archétypale, comme surgie d’un diorama à l’échelle 1 :1. Elle est traversée par trois personnages, dont on croit suivre l’expérience intérieure avant que ne surgisse un rapace nocturne. Suivant la brume sculptée in vivo, la partition lumière et le bain sonore, on passe de l’harmonie élégiaque chère à la peinture romantique allemande à une atmosphère empreinte de périls telluriques croisée dans les parages des contes gothiques. Pulsions souterraines Dotée d’une souplesse à la grande vigueur, une gymnaste à l’entraînement mène toujours «Demons (Dämonen)». Photo Arno Declair plus avant l’écartèlement anatomique. Jusque dans sa tunique, on la croirait issue du Triomphe de la volonté signé Leni Rifensthal. Le corps en majesté bientôt délitée de la danseuse espagnole Núria Guiu Sagarra, corps automate travaillé d’une étonnante ductilité, est dirigé par un entraîneur. L’homme fonctionne bien plus que comme un tuteur, jetant la trouble dans la relation entre maître de marionnette à l’exercice et figure iconique à la vulnérabilité indicible. Ils se confrontent à des pulsions primitives vitales, létales et sexuées incarnées par une rock star a déambulant avec une lenteur de défonce auréolée d’une improbable catharsis le conduisant à la ruine et au suicide Passé par une voix anglaise murmurante, le récit de l’auteur américain Denis Cooper évoque de manière trouble, brouillée et incertaine, le meurtre commis par le jeune homme gothique puis l’assassinat de ce dernier et le retour de la gymnaste qui a sans doute été abusée par l’entraîneur. Les sfumatos et clairs-obscurs signés Patrick Rioux alliés à la musique qui marquent par ses nappes ambiant associées au drone doom de Stephen O’Malley et Peter Rehberg ne sont pas pour rien dans les retours sur soi mémoriels de souvenirs insondables. Sacre en résistance Le corps et le patrimoine sont pour Olivier Dubois les vecteurs privilégiés d’un travail d’ébranlement et de questionnement de ce qui fait, selon lui, humanité en l’Homme : l’aptitude à se dresser, hurler, résister. Le Sacre du printemps a déjà été visité par l’Afrique. Que l’on songe aux versions signées Georges Momboye ou Heddy Maalem. Mais elles se sont concentrées sur la dramaturgie classique d’un chaînage de l’humain à une communauté visible et dansante. Figure historique de la danse africaine contemporaine tissée d’influences nomades qu’a bien mises en lumière la chorégraphe sud-africaine Robyn Orlin dans son Au moment où nous pointions un doigt vers toi…, la franco-sénégalaise Germaine Acogny, 70 ans, s’est souvenue de sa collaboration avec Maurice Béjart la pressentant dans le rôle de l’Elue au sein d’un nouveau Sacre qui ne vit pas le jour. D’où le titre, « Mon Elue Noire » du solo conçu par Dubois avec lequel elle a développé une étroite complicité. Entre plusieurs passages au noir plateau, c t u a qui ont parfois l’arrière-goût de « mortelles ténèbres », et des fumées déchainées, la danseuse impressionne par son morphing d’expressions, cris et statures et marches en sur place rythmiques. En sous-vêtements noirs, Germaine Acogny, plus chamanique que jamais, peut faire amuïr la musique de Stravinski, l’enfermant entre ses paumes. Elle tire sur sa bouffarde dans l’obscurité fuligineuse d’une boîte scénique. Dans une lumière rougeoyante, on entend : « En ce qui me concerne, je pense que ces têtes d’hommes, ces récoltes d’oreilles, ces maisons brûlées, ces invasions gothiques, ce sang qui fume, ces villes qui s’évaporent au tranchant du glaive, on ne s’en débarrassera pas à si bon compte ». C’est un extrait du Discours sur le colonialisme d’Aimé Césaire (1950), pamphlet anticolonialiste et antiraciste au propos théâtralisé, imagé, baigné de sang et de violence, cri d’indignation face à ceux qui s’arrogent le droit de soumettre d’autres peuples. Amour vital à mort L’amour fait toucher du doigt les limites de l’être humain. Prenez Démons, huis clos nordique signé Lars Noren. Thomas Oestermeier met cette pièce bergmanienne et sexuée en physicalité exacerbée et tournette scénographique véhiculant l’idée de « carrousel qui commence à tourner » décrite par le dramaturge. Un couple de trentenaires aisés s’aime et ne peut plus se sentir. « Ou je te tue ou tu me tues, ou on se sépare ou on continue comme ça. Choisis ! » Il y a entre eux un flot continu d’on ne sait trop quoi, qui dépasse le sexe et l’amour, la haine et la mort et qui ne s’éteindra jamais, même s’ils se séparent physiquement. L’important, c’est que Katarina et Frank sont deux âmes égarées qui se régénèrent l’une auprès de l’autre, parce que l’amour et la haine qu’ils se donnent sont sous-jacents à leurs répliques contenant « une provocation qui est une invitation au conflit », comme le souligne la didascalie inaugurale. Dans un mélange d’impudeur, de brutalité sexuel et de cruauté, d’exhibition et de vérité, les conjoints sont rejoints par un autre couple, lui tranquille et doté d’enfants. Pour ce théâtre-réalité avec projection d’images réalisées notamment en vue surplombante, l’intrigue se déroule en temps réel sur une soirée en 1982. C’est à une chorégraphie mortuaire, un jeu de massacre des masques et apparences que convie Démons. Bertrand Tappolet Du 28 août au 12 septembre 2015. Rens. : www.batie.ch l i t é s p e c t a c l e s théâtre de carouge Semianyki Express Ce décor semble moins planté pour servir de toile de fond au développement d’une histoire ou à la convocation d’un imaginaire ferroviaire, que pour servir d’écrin aux différents numéros. Cet écrin aurait pu être tout autre, mais il fallait que les numéros s’enchaînent avec un semblant de cohérence. Cette cohérence est celle d’un univers évoqué à grands traits, et non celle d’une histoire. On peut ainsi regretter que les Semianyki se soient arrêtés à mi-chemin : la dimension théâtrale est chiche, qui semble uniquement destinée à faire passer la rampe à l’élément clownesque et à produire du liant entre les scènes. Le train affrêté par les Semianyki s’arrêtera pour quelques représentations au théâtre de Carouge en septembre, le temps d’évoquer un univers décalé au rythme endiablé. Référence «Semianyki Express» Dans son essai Contre la poésie, le romancier polonais Witold Gombrowicz déclarait ne pas aimer la poésie pure, pour les mêmes raisons que le sucre pur le rebute : « Le sucre est délicieux lorsqu'on le prend dans du café, mais personne ne mangerait une assiette de sucre : ce serait trop. » Un clown, qui ponctuellement vient sucrer de son comique un spectacle de cirque autrement monotone, saurait-il nous divertir plus longtemps ? Ou lui faut-il trouver une histoire où se dissoudre pour nous tenir en haleine ? C’est cette dernière option qu’ont retenue les Semianyki, clowns russes qui refont un tour de piste après un premier succès en 2011 avec La Famille Semianyki. Les numéros s’inscrivent dans un cadre ferroviaire : la première scène figure, au moyen d’un drap tendu d’un bout à l’autre de la scène, le départ précipité d’un train que certains de ses occupants manquent de rater, et la suite du spectacle représentera différents épisodes du quotidien du personnel de bord et des passagers, sans parler des étapes diverses du voyage, dans le Sud, dans le Nord… a c t u a l Assumé et travaillé en tant que tel, « pur » donc de toute scorie théâtrale, celui-ci aurait peutêtre fait mouche. Telle scène où une danseuse de Flamenco obèse réclame des applaudissements avec autorité fait s’esclaffer un public rompu à ce genre de codes, de conventions. Force est de constater que le clown, qui ne table pas sur ce genre de connivence culturelle pour dérider les spectateurs, qui fait rire par l’absurdité ou le décalage de sa conduite, est un être quasiment absent de ce spectacle. Les Semianyki, au contraire, recourent beaucoup à la référence, en faisant par exemple retentir sur scène des tubes connus des spectateurs, et font peu confiance au simple pouvoir des gestes et des attitudes pour susciter un univers et provoquer le rire. Spectacle facile, Semianyki Express peut d’un autre point de vue se concevoir comme ce morceau de sucre qui vient adoucir, le temps d’une soirée, l’amertume des jours par sa gaieté folle et son rythme endiablé. Mais les palais difficiles regretteront peut-être le manque de sel d’une telle friandise. Julien Roche Semianyki Express Théâtre de Carouge Du 16 au 20 septembre 2015 i t é 35 s p e c t a c l e s théâtre saint-gervais PRINTEMPS : Les trois saisons de Saint-Gervais théâtre : 14 – 26 mars Recyclages et autres petites philosophies suspectes conçus par K. Hernan et A. Rupp théâtre : 5 – 23 avril Tu nous entends création d’E. Blaser, A. Barazzone et Cl. Deutsch Quelques dates-repères en avant-première pour se préparer tranquillement de futurs voyages au long cours. 36 Philippe Macasdar pour sa nouvelle programmation n’a souhaité privilégier aucune thématique au sens habituel du terme, mais a plutôt voulu donner à voir et entendre des artistes avec lesquels il a pris l’habitude de collaborer, que ces derniers soient en résidence dans son théâtre, soient d’ex-étudiants à lui issus de la Manufacture, soient d’anciens ‘compagnons de route’ - comme Jean Louis Hourdin qui proposera une profession de foi contre la «violence du néolibéralisme» inspirée notamment par Marivaux mais pas seulement - ou soient des figures notoires du théâtre contemporain, comme Angelica Liddell qui se lancera en janvier dans un nouveau ‘show’ intitulé Te haré invencible con mi derrota. A noter aussi, car cela s’inscrit en plein dans ces compagnonnages où Philippe Macasdar ancre ses fidélités, une création de Claude-Inga Barbey, La damnation de Faustino, et la venue du toujours fabuleux JeanQuentin Châtelain dans un cabaret autobiographique imaginé par Peter Turrini et intitulé C’est la vie, dont les quatre mots ordinaires voire ‘infra-ordinaires’ rappellent subrepticement certain titre d’un certain Georges Perec…. théâtre : 10 – 21 mai King Kong Théorie adaptation d’un texte de V. Despentes par E. Chariot On le voit déjà, une déclinaison saisonnière qui ne mettra pas que le seul art dramatique en dialogue ou en discussion, mais également l’image, notamment au fil des expositions. AUTOMNE : théâtre : 27 oct. – 7 nov. L’île des esclaves de Marivaux, revue et relue par J.-L Hourdin. théâtre : 1er – 19 déc. La damnation de Faustino, création de Cl.-Inga Barbey exposition : 15 sept. – 25 oct. Le génocide des Arméniens et l’œuvre suisse exposition : 10 nov. – 20 déc. Face à elle Valentine Sergo HIVER : théâtre : 19 – 23 jan. Te haré invencible con mi derrota, spectacle signé Angelica Liddel théâtre : 23 – 27 fév. Au bord du monde, création de Valentine Sergo exposition : 28 jan. – 6 mars Un monde migrant « SGG est un théâtre de quartier, ancré dans un quartier qui nous ressource, nous inspire, nous construit » martèle Ph. Macasdar. « Et si SGG est ce théâtre de quartier ouvert sur le monde, il veut aussi préparer la relève et donner l’occasion aux jeunes équipes, à la nouvelle garde - entre avant-garde et nouvelle vague – de mettre des mots sur les choses, de faire parler les mémoires ici et maintenant dans la diversité des vécus de chacun » conclut le directeur transdisciplinaire de la Tour-théâtre de la Rue du Temple. exposition : 4 – 14 fév. Force de frappe Rosine Schautz Claude-Inga Barbey a c t u a l i t é s p e c t a c l e s théâtre am stram gram Le théâtre de tous les possibles Après trois saisons menées tambour battant, le directeur Fabrice Melquiot, auteur et poète, metteur en scène, comédien, producteur, poursuit son grand rêve d'un théâtre pour les enfants et les jeunes, où « la poésie pourra guérir tous les maux. » L'affiche 15-16, ébouriffante, multiforme, annonce une vingtaine de rendez-vous où alterneront créations et coproductions ponctuées par les traditionnels Laboratoires Spontanés, lieux de tous les possibles, mais aussi des ateliers d'écriture et de jeu théâtral pour petits et grands, bals lit- téraires, théâtre et brioches pour les « mioches » et loto poétique. Cette année, Fabrice Melquiot poussera encore plus loin ses investigations dans le monde du théâtre, jusqu'à l'aller chercher en compagnie du photographe Martin Dustasta, au fin fond de la Transylvanie, auprès de jeunes roumains, hongrois et roms. De ces rencontres naîtra une création théâtrale Les enfants du monde qui sera présentée au public genevois. Place aux héros Outre les Laboratoires Spontanés qui donneront la parole à de jeunes artistes en résidence, 1985 In Progress, ou au metteur en scène Robert Sandoz qui aura carte blanche pour construire un spectacle autour du thème imposé Cette année Noël est annulé, la saison s'aventurera sur les traces de quelques héros et héroïnes célèbres comme la Blanche-Neige (ou la chute du mur de Berlin) inédite transposée par la Cie La Cordonnerie, dans un HLM berlinois en pleine Guerre Froide. Mais avant de suivre les tribulations de cette princesse et de ses 7 copains, le fantasque baron Münchhausen, revisité par la plume poétique du maître des lieux, ouvrira la saison. Joan Mompart, un fidèle de la rue de Frontenex (La Reine des neiges et Ventrosoleil) signera la mise en scène de cette premère création maison. Les aventures rocambolesques du baron préfigureront celles du fier Gascon Cyrano de Bergerac, pièce d'Edmond Rostand réécrite par le Japonais Taï-Marc Le Thanh d'après l'album Cyrano de l'illustratrice Rébecca Dautremer dont les Drôles d'Oiseaux de rotin planent silencieusement depuis 3 ans au-dessus de l'accueil du théâtre. Les jeunes au pouvoir En avril une bande de jeunes de 13 à 24 ans, fidèles compagnons d'Am Stram Gram - ils participent à des ateliers artistiques intergénérationnels proposés depuis 4 ans par le théâtre - investira le plateau pour présenter la seconde création maison, Jean-Luc signée Fabrice Melquiot et mise en scène par Mariama Sylla. Cet hommage à Godard sera donné dans le cadre du 1er festival Ctrl-J durant lequel la jeunesse prendra le contrôle du Théâtre de Carouge, du Poche et d'Am Stram Gram. Une Party littéraire menée par quatre écrivains, et une expérience sensorielle ébouriffante, Les yeux bandés, signée Jean Liermier, seront présentés dans le cadre de ce festival hors normes. On pourra également voir mais surtout entendre Cosmos 110, un spectacle sonore participatif, ou préférer l'univers des contes avec Inuk, une histoire venue du Nord, ou Kant, un conte philosophique de Jon Fosse ou bien encore les Contes abracadabrants. Il y aura aussi du cirque avec J'ai horreur du Printemps, de et par Mélissa von Vépy qui deviendra marionnette humaine dans VieLLeicht. Ne manquer surtout pas le coup d'envoi de cette opulente saison qui sera donné le 18 septembre, au cours d'une folle soirée ouverte à toutes et à tous, jeunes et vieux, sur simple réservation. Kathereen Abhervé Renseignements et réservation : 022 735 79 24 - www.amstramgram.ch «VielLeicht» par Mélissa van Vépy © Christophe Raynaud de Lage a c t u a l i t é 37 f e s t i v a Ambronay 2015 Quels sont les autres mystères que vous nous avez concoctés ? Daniel Bizeray a pris l’an passé la direction du Festival d’Ambronay. Il succédait à ce poste à Alain Brunet, qui avait mené au succès la manifestation depuis 1980, et devient désormais son président. La nouvelle édition du Festival s’inscrit dans la continuité, avec une programmation toujours échevelée, axée principalement sur la musique baroque. 38 L’orientation est partie d’un thème choisi a priori, et non pas a posteriori : « mythes et mystères ». Il est décliné sous quatre aspects : le trois-centième anniversaire de la mort de Louis XIV, avec le mythe du Roi Soleil ; le mystère du baroque, dans le sens de redécouvertes ou de recréations ; les figures mythologiques, à commencer par le mythe fondateur d’Orphée ; et enfin, le thème du mystère à travers certains artistes privilégiés du festival. Et tout cela se concrétise chez une compositrice, Florentine Mulsant, à qui le Quatuor Terpsycordes a passé commande d’une œuvre, intitulée sobrement Mythes et Mystères. Et comment cela se traduit-il dans les concerts et spectacles présentés ? Pour les mythes, il y a ce qui peut être lié à la comédie-ballet, aux grands motets, que l’on retrouve dans différents concerts. Par exemple dans le concert d’ouverture, avec Franco Fagioli, et nombre de symphonies de comédies-ballets. Nous donnons ensuite les deux Te Deum, de Lully et Charpentier, à l’Auditorium de Lyon avec le Poème Harmonique. Dans un caractère moins pompeux, viennent les grands motets de Dumont par Sébastien Daucé. La danse a aussi sa place, dans un spectacle qui s’intitule « Rigodon », avec un récitant faisant le lien entre les danseurs et les musiciens. l’on a retrouvées ou recréées. La première, c’est la Passion selon Saint Marc de Bach. Il y a deux versions du livret, de 1731 et 1744. On vient de remettre la main, dans une bibliothèque de Saint-Pétersbourg, sur ce deuxième livret. En recoupant cela avec ce que l’on sait de pages réutilisées par Bach, on a retrouvé grosso modo la musique qui correspondait au texte. La seule chose qui nous manque, ce sont les récits ; ils ont été réécrits par Freddy Eichelberger, à la demande d’Itay Jedlin, le chef qui dirige cette Passion selon Saint Marc. Le deuxième mystère, c’est cette partition qui s’appelle Missa per la nascita del gran Delfino. Louis XIII l’avait commandée, pour la naissance du futur Louis XIV, précisément. Cette commande avait été faite à un musicien vénitien, un certain Roberta. La Messe fut jouée 1638. Une autre recréation mondiale, donc, avec le Galilei Consort. Toujours dans le cadre des mystères, on interroge ce que l’on pouvait bien chanter dans les Ospedale vénitiens, qui étaient uniquement constitués de voix féminines. C’est que l’on a essayé de reconstituer, avec un enregistrement prévu pour l’occasion. Pour le label Ambronay, bien sûr. Et enfin, je voudrais citer Mistérios de Lisboa, avec un jeune chanteur de fado Duarte, qui chante avec beaucoup de sobriété, beaucoup d’intelligence et une rhétorique quasi baroque. Et les figures mythologiques ? Est-ce une première ? C’est une recréation et une création mondiales. Je souligne que l’ensemble le Concert Étranger et Itay Jedlin ne sont pas encore très connus. Mais nous avions déjà travaillé avec eux l’an passé, pour une Passion selon Saint Jean qui a ébouriffé les auditeurs. Nous reprenons l’aventure avec la Passion selon Saint Marc ; c’est un enjeu, où l’on met le public à contribution, invité à chanter un choral d’ouverture et un choral Et le mystère, qu’en est-il ? Il s’agit de ces partitions baroques qui ont disparu, que Week-end 1 : Franco Fagioli © Julian Laidig e s final, dans l’esprit d’un office de l’époque. Préparé bien entendu auparavant dans un atelier et soutenu par un chœur amateur. Premier mystère, donc. entretien avec daniel bizeray Quelles sont les orientations de la prochaine édition du festival ? l n t r e Ce troisième axe est illustré par l’Orfeo sous plusieurs formes : un spectacle jeune public intitulé le « Mythe d’Orphée », avec Nicolas Achten, à la fois baryton, claveciniste, théorbiste, harpiste ; spectacle décentralisé à Lagnieu. Et puis Leonardo García Alarcón, avec son épouse Marina Flores, pour des grands airs de Cavalli, tirés d’opéras inspirés de la mythologie : Ercole amante, La Calisto, Dafne. Et aussi, « Typhon », spectacle poético-drôle, utilisant des airs de musique baroque. Une espèce de pasticcio. Les Mysterien Kantaten de Biber, sonates du Rosaire, sont donnés par l’ensemble les Surprises, qui est un ensemble fétiche pour nous. À qui nous avions mis le pied à l’étrier en 2010, et qui maintenant ne cesse de grimper en renommée. En dehors de Mythes et Mystères de Florentine Muslant, que je mentionnais, il y a une œuvre assez mystérieuse du compositeur Thierry Pécou. Et pour conclure le festival, une messe, révélée il y a peu : la Messe à quarante voix de Striggio, avec quinze musiciens, réparti en cinq t i e n f e s t i v a l s Week end 2 : Leonardo García Alarcón © Jacques Verrees chœurs, par le Concert Spirituel et Hervé Niquet. Il faudrait aussi citer la Messe en si, de Bach, et sa genèse si particulière, avec le Collegium 1704 dirigé par Václav Luks. Et une autre recréation mondiale, le Magnificat de Galuppi par le Ghislieri Consort and Choir. En création pure et dure, enfin : une résidence de travail, qui mêle musique baroque, orientale, jazz. Cela s’appelle « Jasmin Toccata ». On peut parler de fidélité, du public comme aussi de vos artistes… Week end 3 : Jordi Savall © David Ignaszewski des spectacles surprenants pour tout public. Sans parler de visites d’ateliers, de concerts en plein-air… Que dire des dix ans de l’édition de disques ? Le label « Éditions Ambronay » a été créé en 2005 à l’initiative d’Alain Brunet et d’Isabelle Battioni. À la fin de 2015, il aura réalisé près de cinquante enregistrements. Rien de moins ! Sans compter les compilations. Plus de 100 000 disques vendus en physique, et beaucoup plus en dématérialisé ! notre part, nous faisons partie de ce que l’on appelle les festivals structurants, qui ont un enracinement géographique et régional extrêmement important, et en même temps une spécificité qui justifie le fait que l’État les prend en compte. Les tutelles nous suivent jusqu’à présent. 2016 annonce toutefois des changements de structure politique régionale et de gouvernance. Mais je crois que les instances locales sont très attachées à notre manifestation. On a deux points de stabilité : tous nos partenaires sont d’accord sur le fait que nous sommes un lieu très important pour l’émergence artistique des jeunes ensembles européens de musique ancienne ; et la solidarité de tous ces cercles concentriques que sont la ville d’Ambronay, la communauté de communes de la plaine de l’Ain, le Département de l’Ain, la région, l’État, l’Europe… Une reconnaissance mondiale, et beaucoup de visites furtives d’autres galaxies ! La nouveauté cette année, c’est notre saison à l’Auditorium de Lyon. Où l’on assure la partie baroque ; avec le Poème Harmonique, Philippe Herreweghe, Marc Minkowski… Une vitrine dans la capitale des Gaules ! Oui. García Alarcón, qui revient. Sébatien Daucé, associé depuis trois ans. Et les grands Comment se présente l’avenir du fesanciens, qui traversent le festival depuis ses 36 éditions : Jordi Savall pour les Goûts Réunis, les tival ? Arts Florissants avec Paul Agnew, cette fois Le Festival est une émanation du Centre pour des Madrigaux de Monteverdi. Et il y a l’é- Culturel de Rencontre. On a cette chance de ne mergence, l’autre grand point fort pas figurer sur la carte de crise des festivals, qui d’Ambronay : avec ce programme « eeemer- touche surtout les petits festivals. Mais c’est ging » que l’on a lancé l’an dernier, dans le préoccupant malgré tout, pour le tissu, les comcadre d’un vaste programme européen. pagnies, les musiciens, les ensembles... Pour Repérage et sélection de nouveaux artistes. Donc ainsi, six ensembles pour le dernier week-end, au cours de six concerts de trois quarts d’heure. Et nous avons les spectacles sous chapiteau, le samedi soir : jazz, musiques du monde et autres formes transversales. Et les « after » du samedi, après le grand concert dans l’abbatiale et l’autre sous chapiteau : un bœuf plus ou moins improvisé, gratuit, dans le logis abbatial. Les dimanches après-midis se consacWeek end 4 : Le Concert Spirituel et Hervé Niquet © Nicole Berge rent au public familial, pour e n t r e t i e Propos recueillis par Pierre-René Serna Festival d’Ambronay, du 11 septembre au 4 octobre. Rens. : 00 33 4 74 38 74 04 ; www.ambronay.org n 39 f e s t i v a l s Y être. Suivre les débats, argumenter, s'indigner, entendre hurler « c'est consternant ! » (Cour d'Honneur du Palais des Papes, vendredi 17 juillet), défendre, apprécier, réfléchir ou simplement écouter... avignon Y être ... ou ne pas y être ? C'est Avignon 2015 comme cela a été depuis des décennies et ce n'est pas près de se terminer. Chaque été, c'est un peu la même rengaine. Il fallait y être, bien sûr. Aimer ? Ou ne pas aimer ? Ce n'est pas vraiment le problème. Avignon In selon Olivier Py An II ne pouvait que provoquer des controverses tant il est vrai d'une part que le lieu s'y prête à merveille, et que l'on sait d’autre part que cela convient fort bien au tempérament du personnage. « Je suis l'autre », tel était l'intitulé de la programmation du Festival 2015. Vaste programme ! D'autant que cette exclamation entraînait une question, « avons-nous renoncé à un monde meilleur ? » Il y a toujours un risque à lancer de profonds sujets de réflexion, à chercher à créer un questionnement trop ambitieux auquel il semble difficile de pouvoir répondre. Ainsi, que peut bien nous dire un Roi Lear monté dans la Cour d'Honneur du Palais des Papes par rapport à une telle proposition ? Et la question n'est pas de savoir s'il s'agit d'un spectacle réussi ou non, même si l'on sait que de l'avis général, le résultat n'a certes pas suscité l'enthousiasme, c'est le moins que l'on puisse dire. 40 A contrario, Richard III monté par Thomas Ostermeier a été le must incontestable de l'édition 2015 du festival : critiques dithyrambiques, public se ruant sur le moindre strapontin – avec ou sans visibilité ! - mis en vente last minute, on s'attendait presque à voir un remake de la Tétralogie version Chéreau-Boulez, avec jeune femme promettant une agréable fin de soirée à quiconque offrirait une place. Que cette production très « rock and roll » ait pu séduire n'étonnera guère en un moment où « le bruit et la fureur » sont devenus des leitmotive incontournables. Enervé, ce Richard III très mode a frappé juste sans doute car il répond à une certaine attente. Reste à s'interroger sur la pertinence d'un travail laissant peu de place à la réflexion. Frank Fredenrich «Richard III» avec Lars Eidinger, Eva Meckbach © Arno Declair a c t u a l i t é Une première saison au TKM t h é â t r e 42 au TKM, renens Le théâtre en paroles et musique ce de rêver et d'inventer“, “le théâtre est pour moi une école, un laboratoire de théâtre citoyen“, “le théâtre est un miracle et me voici ici au coeur de ce miracle“… Paroxysme de cet amour pour le verbe, cette soirée poésies (Chappaz, Jaccottet et Gustave Roud), mises en lectures par Guillaume Chenevière. Du Théâtre Kléber-Méleau à TKM, acronyme de Te quiero mucho, en langage texto hispanique. Omar Porras assume ce rebaptème riche de sens : d'abord un langage en phase avec son temps, la volonté de dépoussiérer les classiques, voire de ne pas se départir d'un public qui communique aujourd'hui différemment ; ensuite une déclaration d'amour sans détour – au théâtre et à son public. Au programme Lors de la soirée de présentation de la saison, le nouveau directeur du Théâtre KléberMéleau a, de manière très directe et poétique, annoncé la couleur : accompagné par un très jeune pianiste, Porras a pris plaisir à cabotiner seul sur les planches, sous le halo d'une poursuite, tel Pierrot sous la lune. Exprimer sa joie d'être là et s'adresser directement à son public, ses amis et aux émigrés de Vidy. Ici, hommage au texte, aux bruits des mots, aux plaisirs du sens. Et cette envie tenace de redonner sa place aux artisans du théâtre (les petites mains de la décoration, des costumes, de la sonorisation, et cet appel du pied aux étudiants des Teintureries), comme s'il fallait sans cesse rappeler qu'avant d'être un art, le théâtre est un métier (“C'est dans la pratique que je me suis formé.“). Le Colombien n'oublie pas ses origines saltimbanques, lui qui, arrivé en Europe, a commencé par divertir les gens dans le métro pour quelques pièces, voire des sourires. Cette expérience ne l'a jamais quitté et l'a toujours rendu attentif au vulgus, à l'homme de la rue. D'où son aspiration à un théâtre populaire, rassembleur et universel. “Le théâtre doit être une entreprise d'utilité publique“. C'était aussi le rêve de son prédécesseur, Philippe Mentha, qui s'est battu pour bâtir son théâtre dans le quartier de l'usine à gaz et des abattoirs. “Il a construit ce théâtre avec ses propres mains [...]. Philippe Mentha est un poète“, rappelle Porras, qui assure s'insérer dans la continuité de son travail mi-chemin entre Pierre Dac et le quartier des bouchers… Et de ponctuer son discours de formules-clés : “au théâtre, l'invisible est visible“, “tout est possible au royaume de l'imaginaire […], c'est votre imaginaire qui me donne licen- Le premier spectacle à l'affiche de la nouvelle saison TKM est un pièce du patrimoine helvétique : La Visite de la vieille dame de Dürrenmatt. Réadaptation d'une œuvre qui a contribué au succès du metteur en scène Porras et de sa compagnie, le Teatro Malandro, il y a 22 ans : “Des masques pour démasquer la conscience“, résume-t-il. “Une des tâches nobles du théâtre est de stimuler l'imaginaire de la société, de l'inciter à s'interroger, à vouloir continuer à apprendre, à désapprendre, à se révéler, à se révolter.“ Ce texte est revisité pour la troisième Le texte, justement Depuis 1979, Philippe Mentha avait toujours lutté pour porter sur scène les grands classiques. Porras croit aussi à cette nécessité du texte (“On n'a qu'à lire le livre et on sait tout.“). Aussi convie-t-il en vrac Verlaine, les muses, Homère, le Roi Lear, mais aussi l'os à moelle, à a «La Tragédie Comique» d’Yves Hunstad @ Olivier Garros c t u a l i t é t h é â t r e fois par Porras (après 1993 et 2004), faute d'avoir pu présenter un spectacle de création cette année. En effet, Mentha n'ayant voulu lâcher les clés de son temple que le 30 juin, Porras n'est arrivé dans les murs que le 2 juillet ! On ne badine pas avec l'amour de Musset marquera la première création du TKM. Autre énergique cabotin, aussi poète qu'écorché, Musset est entré en résonance, aux yeux et aux oreilles de la metteuse en scène fribourgeoise Anne Schwaller, avec un fait de société récent : la surexposition pornographique consentante de quelques écoliers romands sur les réseaux sociaux. Comment dire le rapport amoureux, le rapport au corps ou l'estime de soi aujourd'hui ? Musset s'y serait-il pris différemment ? La Trilogie sur le théâtre que donne le tandem belge Eve Bonfanti et Yves Hunstad comprend La Tragédie comique (seul sur scène, un acteur dévoile et cache la magie de son métier de comédien), Du vent… des fantômes (réponse à la question : d'où vient le théâtre ?) et Au bord de l'eau (ou comment deux auteurs-interprètes écrivent une pièce de théâtre). A propos de La Vie que je t'ai donnée de Pirandello par Jean Lermier, Porras convoque ce bon mot de Louis Jouvet : “une pièce dont on n'a jamais fini de rendre la monnaie“. Dans la pièce Figaro divorce (1937), mis en scène par Christophe Rauck, le dramaturge et romancier austro-hongrois Odon von Horvath fait s'enfuir le barbier de Beaumarchais et son épouse Suzanne devant la révolution qui s'annonce. Le début de l'intrigue rejoint la préoccupation de von Horvath qui doit s'exiler hors d'Allemagne en 1936, devant la montée en puissance du nazisme et le pressentiment des horreurs que l'Europe va connaître. Bonnes notes Mentha avait un penchant pour la musique sensuelle, Porras l'entend aussi de cette oreille puisqu'il programme des récitals classiques (Schumann, Chopin, Schubert) et de la musique contemporaine (l'oudiste-interpète Dhafer Youssef, le contrebassiste Yves Rousseau, les pianistes Didier Puntos et Cédric Pescia - la complicité avec Kléber-Méleau se poursuit). Enfin, Porras importe d'Am Stram Gram le concept de bal littéraire de son ami Fabrice Melquiot. Les mots en musique, le théâtre d'Omar Porras fera tout pour nous faire rentrer dans la danse. Frank Dayen TKM, www.t-km.ch, billetterie : Payot Lausanne et Théâtre de Vidy. a c t u livres De grands écarts féconds Curieux, le rapport que le théâtre entretient avec le livre ! C’est comme s’il ne pouvait se passer de son plus fidèle traître ! Festif, coloré, débauche de mouvements et de sons, l’art d’Omar Porras semble impossible à enfermer entre des pages. Pourtant quatre ouvrages existent déjà sur son travail. Ils rendent compte à des titres divers d’un parcours d’une intensité rare, et selon toute probabilité loin d’être achevé. Ils montrent aussi à quel point cet homme de troupe (parmi les exemples qui l’inspirent : Grotowski, Mnouchkine, Barba, Suzuki…) pratique avec un bonheur fécond toutes sortes de grands écarts : entre une quête très intériorisée et une explosion formelle sur scène, entre ses racines colombiennes et la planète théâtre, entre une discipline stricte et une apparence de spontanéité, entre une réflexion approndie et une volonté farouche de laisser leur place à des dimensions telles que l’intuition ou la sensation. Et puis, il y a cette sorte de légende qui se tisse au fil des textes et des images : un jeune homme qui quitte Bogota avec en poche un billet aller simple pour l’Europe, la fréquentation des salles et des stages pour finalement se former « sur le tas », la pratique du théâtre de rue, les spectacles de marionnettes dans les métros, la vie dans les squats genevois, la création du Teatro Malandro (en 1990, avec Ubu Roi de Jarry), puis les créations qui se succèdent, les tournées de plus en plus vastes, jusqu’au choc de la découverte du Japon. Le premier livre qui reflète cette authentique épopée, le Teatro Malandro l’a publié luimême, à son image : inventif, foisonnant, fourmillant de photographies qui saisissent des moments de représentation. Là encore, l’on pourrait parler de grand écart, éditorial cette fois, si on compare cet album au modeste volume paru dans la précieuse collection « Mettre en scène » (Actes Sud – Papiers). Pourtant, c’est peut-être dans cet opuscule de quatre-vingt pages que l’on pénètre au mieux dans l’« atelier » du créateur. Là, il commente son rapport à la musique, sa manière d’accompagner les acteurs, l’importance qu’il accorde au masque, la nécessité de préserver une aptitude à l’émerveillement ou encore cette ferveur, cette passion quasi religieuse qui le lie au théâtre. a l i t Deux autres ouvrages documentent le parcours et la démarche d’Omar Porras. Ils sont collectifs et témoignent de la richesse des approches possibles. Philippe Coutant, alors directeur du Grand T à Nantes, a consacré au thème l’un des carnets de sa série, rassemblant pour l’occasion une quizaine de contributions. Quant au numéro de Mimos publié en 2014, à l’occasion de la remise du Grand Prix suisse de Théâtre / Anneau Hans-Reinhart à Omar Porras il excelle par le sérieux et la richesse de ses études (sous la direction de Joël Aguet, Anne Fournier, Paola Gilardi et Andreas Härter). Ce dont tous les livres témoignent, c’est à la fois de la cohérence du parcours de Porras et de son formidable désir de rester en « état de théâtre » (pour paraphraser l’expression de Georges Haldas) : c’est-à-dire d’être à l’écoute, en recherche, en exploration même, pour sans cesse revivifier sa pratique et rêver, pour ce public qui lui est si cher, de nouvelles fêtes de l’instant. René Zahnd A lire Teatro Malandro et Omar Porras, Genève et Bogota, Teatro Malandro/Villegas, 2007 Omar Porras & le Teatro Malandro, Nantes, les carnets du Grand T, 2010 Omar Porras, introduction et entretiens par Luz Maria Garcia, avec la collaboration de Béatrice Picon-Vallin, Arles, Actes Sud – Papiers, 2011 Omar Porras, Berne, Mimos, Annuaire suisse du théâtre, 2014 Roméo et Juliette no 1339, Avant-Scène Théâtre L'Eveil du Printemps no 1310, Avant-Scène Théâtre é 43 t h é â t r e entretien Odile Cornuz Odile Cornuz fait partie des artistes associés au Théâtre Kléber Méleau, dirigé par Omar Porras pour la saison 2015/2016. L’auteur a déjà écrit bon nombre d’œuvres réalisées pour le théâtre, comme la Saturnale, mise en scène par Anne Bisang à la Comédie de Genève ou encore L’Espace d’une nuit, mis en scène par Robert Sandoz au Pommier, ainsi que des œuvres au croisement des genres, avec son récent Biseaux reloaded, crée avec le musicien Maurizio Peretti. A l’occasion de son nouveau partenariat, nous lui avons posé quelques questions concernant sa pratique et ses projets avec le théâtre. propriation. Le travail de mise en scène et la conquête du texte par les comédiens composent des processus que je suis avec une grande curiosité, si la porte des répétitions me reste ouverte. Anne Bisang, Robert Sandoz ou Anne-Cécile Moser, avec lesquels j’ai collaboré, portent des univers contrastés desquels j’ai beaucoup appris. Avec la plasticienne Catherine Bolle et le pianiste Cédric Pescia, vous ferez partie des artistes associés pour la saison 2015-2016 de Kléber-Méleau sous la direction d’Omar Porras. Pouvez-vous nous renseigner sur la vocation qu’Omar Porras souhaite donner à votre fonction, et comment vous souhaiteriez la remplir ? Entretiendrez-vous des liens Quel a été le point de départ de votre démarche d’écriture ? Quelles ont été vos inspirations, vos envies et vos motivations ? 44 L’absence de parole constitue le point de départ. Se taire plutôt que de parler, mais avoir des choses à dire : alors écrire. Là s’ouvre l’abîme des possibles, narratifs ou dramatiques, du choix des mots, de leur agencement, de leur rythme. C’est une longue histoire. L’écriture représente une tentative d’explicitation du monde et des êtres, un arsenal de recherches identitaires, sociales, esthétiques. Lorsque je me trouve face à un être humain, un phénomène, une crise ou une œuvre d’art, j’ai besoin de comprendre quel sens cet être, ces événements ou cette œuvre peuvent revêtir pour moi, comment ils s’intègrent dans un paysage sensible et mouvant. L’écriture s’impose comme mode exploratoire, d’abord très protégé, dans une écriture à soi, comme un décodage secret, puis dans l’exposition de cette écriture, grâce à la publication ou au relais des arts vivants qui réinventent les textes en les incarnant. Bon nombre de vos textes ont été axés vers la perspective scénique. Comment en êtes-vous arrivée à l’écriture pour le théâtre ? D’abord il y eut les textes pour la voix, qui ont été enregistrés à la radio. Ce fut ma porte d’entrée vers le travail des comédiens et celui d’un metteur-en-ondes, Jean-Michel Meyer, s’invitant dans l’espace privé des auditeurs, dans leur intimité. De cette première expérience, je garde en moi cette envie de me glisser dans l’oreille de chaque spectateur. Puis ont suivi les corps, avec une première expérience du plateau à la Comédie e Odile Cornuz © Augustin Rebetez de Genève, où j’ai passé six mois de résidence en 2002. J’y ai écrit Saturnale, qui a été mise en lecture puis mise en scène par Anne Bisang. Par la suite, j’ai poursuivi l’élaboration d’écrits radiophoniques ou scéniques et également exploré la voie du récit. Toutes les formes m’intéressent, leurs frontières s’avèrent poreuses. Quels sont les enjeux d’une écriture pour la scène dans votre pratique ? Collaborez-vous avec les metteurs en scène de vos textes ? L’enjeu premier s’ancre dans le partage d’une émotion à travers une expérience forte du langage. Le texte doit transporter hors du monde connu, ou alors faire retour d’une manière inédite sur ce dernier. Il s’agit d’une opération de poétisation, de mise à distance, puis de réap- n t r e avec la saison en cours ? Placer l’auteur au centre du théâtre, lui en donner les clés, le laisser œuvrer, écrire, lire, rêver, faire des rencontres, lui offrir ce biotope qu’est un théâtre en activité, comme terrain de jeu et matière à textes : voici le désir, l’idée première. L’auteur joue un rôle de témoin créateur, un diapason d’éphémère résonnant avec les troupes occupant les lieux. Mon lien avec la saison sera organique, ce qui se traduira par des textes divers, ouverts, écrits avec/dans/pour le théâtre, se réjouissant de tous les mots qui rugissent dans les corps, des mots qui imprègnent les objets et les lieux. Bref, le TKM sera le creuset de mon écriture. Propos recueillis par Anouk Molendijk t i e n t h é â t r e ce tableau un fil rouge : appartenir (avec une intermittence de luciole) à cette troupe où il a joué Sancho Panza dans Ay Quichotte (en 2001), le rôle titre de El Don Juan (en 2005) ainsi que le narrateur de L’Histoire du soldat (en 2003 et en 2014) et Ill dans La Visite de la vieille dame (en 2004 et 2015) est pour lui une bénédiction, car il admire grandement Omar Porras, cet artiste qu’il définit comme un « homme qui a de la chair et du rythme » et qui le fait « entrer dans un monde acoustique où l’on perçoit tout. » Et d’ajouter que jouer avec lui, « c’est comme jouer avec un bon joueur de ping pong : on est porté. » portrait de philippe gouin en fauviste De la précision à l’improvisation … Philippe Gouin porte en lui le bourdonnement des cigales et l’univers de son enfance dont il se plaît à rappeler les odeurs du thym, du romarin et du basilic, des pins et des tilleuls, des abricotiers et des néfliers… Né en 1969 d’une mère couturière de formation et d’un père menuisier et électricien, un ouvrier dont il a hérité le don de danser « comme une flamme », Philippe Gouin a en effet grandi à Fos-sur-Mer, à deux kilomètres du port autonome de Marseille dans un paysage qui s’est massivement industrialisé, en pleine Petite Camargue du Golfe du Lion, où non loin des plages l’on aperçoit aujourd’hui d’immenses pétroliers et des enfilades de camions qui laissent derrière eux « une sainte odeur de fuel »… Dès 8 ans, il rentre dans le chœur de l’église de Fos-sur-Mer et pratique les chants de Provence à tous les Noëls, mais est aussi très vite sollicité pour son savoir de jeune organiste… Dans sa boîte à souvenirs colorés d’une gouaille toute méridionale et aux accents du Sud, il y a aussi un Bourgeois gentilhomme au collège et l’adaptation d’une chanson de Kiss : « I was made for lovin’you »… reté et de précision, avant de gagner Paris en 1992, de se former cahin-caha dans la classe de chant lyrique du CNSM et de suivre les Cours Florent avec pour Maîtres Michel Fau, puis Philippe Joiris – qui lui donnent ses premières leçons sur ce qu’est la présence quasi animale d’un acteur sur un plateau. Carrière S’ouvre alors une carrière théâtrale qui commence par des créations avec la Cie Les A ses côtés, il a appris à jouer masqué et à faire de l’improvisation où il excelle un mode d’écriture au plateau - notamment face à Joan Mompart avec lequel il forme, selon Omar Porras, « comme un piano à quatre mains dans un orchestre de jazz ». Cette saison 2015-2016, il l’ouvrira au TKM avec les villageois de Güllen, ces figures du peuple qui le fascinaient dès sa petite enfance à Fos-sur-Mer et auxquelles il espérait pou- Parcours Mais tout commence vraiment pour ce feu follet qu’est Philippe Gouin, lorsqu’avec l’objectif de devenir Ingénieur en eaux et forêts il entre à 17 ans à l’Université d’Aix-Marseille, pour des études d’économie financière et internationale - qu’il mènera jusqu’au DESS. Il découvre en effet alors, médusé, le monde du spectacle vivant, d’abord lors d’une représentation d’un Don Giovanni mis en scène par Gildas Bourdet qui le bouleverse, mais surtout lorsqu’il rencontre Sophie Rouch qui lui ouvre les portes de l’Aix City Ballet, lui enseigne durant cinq années le jazz, la danse classique et contemporaine et devient son indéfectible Mentor. C’est dans cette même période qu’il passe des auditions et intègre une troupe de cabaret une saison entière, une incroyable école de légè- a c t u Philippe Gouin Affamés et qui se poursuit avec la Cie La Rascasse, la Cie Tecem, Ivan Pommet, Isabelle Turschwell, Michel Froehly, Joan Mompart, Dominique Magloire, Jean Liermier et Philippe Calvario – et avec la Compagnie Kicekafessa qu’il a fondé il y a 13 ans avec notamment Marie-Laure Malric, sa compagne de vie. voir donner un jour vie, avec une palette de sentiments aux couleurs du fauvisme ! Brigitte Prost Du 22 septembre au 11 octobre : La Visite de la vieille dame de Friedrich Dürrenmatt, m.e.s. Omar Porras. Location : 021/625.84.29 Depuis 2001, son aventure au long cours avec le Teatro Malandro dessine cependant dans a l i t é 45 t h é â t r e rencontre avec anne schwaller On ne badine pas avec l'amour “La première création à Kléber-Méleau se veut un manifeste.“ Ainsi parle Omar Porras pour justifier sa programmation d'On ne badine pas avec l'amour. 46 Un triple manifeste en fait : en faveur du texte d'abord, parce que Musset est avant tout un poète ; de la jeunesse ensuite, parce que la reprise de Kléber-Méleau par Porras va de pair avec la vitalité et la passion qui caractérisent le théâtre de ce metteur en scène ; et enfin de l'implication politique et sociale des artistes, parce que la pièce (cf. encadré) est loin d'être une fiction et que son auteur, en avance sur son époque, par son propre témoignage d'une génération désillusionnée, a toujours souhaité que le jeune public trouve sa voie entre mélancolie et aspiration idéale. Et Porras de rendre hommage à Anne Schwaller, une artiste dont la mise en scène de Léonce et Léna en 2012 l'a, de ses propres mots, profondément ému : “Ce soir-là, j'ai vu briller cette incandescence propre à la jeunesse, cette audace qui fait avancer l'être humain dans le vertige de l'aventure et qui laisse des traces dans la peau de notre destin.“ Avant cette coproduction du Théâtre de Carouge et du Théâtre des Osses, la comédienne fribourgeoise issue de la Manufacture avait joué avec Julien Mages, Alexandre Doublet, mais aussi Gisèle Sallin qui l'a fait incarner Anna dans Les Bas-Fonds de Gorki, Antigone dans Jocaste Reine de Nancy Huston, et Marie Impie, dans la pièce éponyme de Denise Gouverneur. Anne Schwaller : C'est surtout avec Gisèle Sallin et sa troupe du Théâtre des Osses que j'ai pu découvrir les exigences de la mise en scène. Ces expériences, mais aussi celle du cinéma [Anne Schwaller a aussi joué dans des courtsmétrages et une série télévisée] m'ont confortée dans mon intérêt pour la mise en scène. Je viens e d'opéra et créé tout un univers pictural. Et j'ai donc beaucoup observé le travail de l'artiste, les heures de solitude, les pinceaux à laver, le fait d'en mettre partout… Après chaque exposition, mon père repeint entièrement son atelier en blanc, comme si tout était à recommencer. Son atelier doit avoir au moins 10 cm d'épaisseur de blanc aujourd'hui. (Rires) Donc j'ai été marquée par cet artisan. Si bien qu'on peut ressentir cet aspect de boîte à jeux dans ma mise en scène de Léonce et Léna : cet univers fait de tissu, de bois, de peinture, de toutes ces matières concrètes. C'est dans ce sens que Valère Girardin [concepteur de décors sur Léonce et On ne badine pas] dit qu’une bonne scénographie lui salit les mains. Donc je suis ici parce que cette visionlà du théâtre, artisanale et laborieuse, me semble en effet proche du travail du Teatro Malandro de Porras. Pourquoi monter Musset ? Je me suis replongée dans On ne badine pas avec l'amour suite à une affaire de mœurs singulière, l'an dernier dans mon canton de Fribourg. Dans une école, une dizaine de jeunes d'entre 13 et 15 ans se sont filmés dans des actes pornographiques et, consentants, les ont publiés sur le Net. Cette actualité m'a beaucoup interrogée : quel peut être le rapport aux corps de cette génération adolescente ? leur rapport aux sentiments (respect, estime de soi…), à la chair et à l'amour ? Le texte de Musset me paraissait suffisamment moderne pour interroger ces problèmes-là. Y trouvez-vous des réponses à ces interrogations ? d'ailleurs de collaborer à celle de l'opéra Blanche-Neige de Marius Felix Lange (Théâtre Equilibre-Nuithonie). Musset ne fournit aucune réponse. Mais n'oublions pas que le but du théâtre est de poser des questions, non d'y répondre. Parce que, si on a les réponses, il n'y a pas besoin de travailler. Omar Porras vous offre de mettre en scène Musset sur la nouvelle scène du TKM. Avez-vous gardé le texte de 1834 tel quel tellement il semble contemporain ? C'est un honneur ! J'ai 33 ans et je me pince encore régulièrement pour réaliser que je suis en train de créer à Kléber-Méleau. L'an dernier, Omar Porras m'a contactée pour me demander si j'avais un projet à lui proposer car il souhaitait travailler avec moi. J'ai répondu oui, parce que j'ai toujours des projets plein la tête et que, justement, ma conception du théâtre est très proche de celle de Porras, à savoir l'accent mis sur l'esprit de création et le travail en équipe. Mon père est artiste peintre, il a fait des décors Il n'y a pratiquement rien à y changer car Musset a, déjà à son époque, posé les questions que notre société se pose aujourd'hui. Mais le texte est avant tout un matériau. C'est pour cela que j'aime beaucoup le théâtre allemand, voire les mises en scène allemandes de pièces françaises, car on ne se sent pas étouffé par le poids de la tradition. La modernité de Musset se sent à chaque interligne. Donc le corps du texte restera comme il est. Rajoutera-t-on une poésie de Musset, ou une chanson ? Dans la construction Anne Schwaller n t r e t i e n t h é â t r e A gauche et ci-dessus : Deux croquis de Valère Girardin pour «On ne badine pas avec l’amour» de la pièce, il y a des contraintes de l'époque que je lis et qui ne me paraissent pas nécessaires ; je vais peut-être couper à cet endroit. Enfin, j'ai supprimé le choeur antique, pour me centrer sur les personnages. Ce sont surtout les comédiens qui priment sur le texte et la mise en scène. Léonce et Léna, que vous avez mis en scène, parle aussi des tourments amoureux de jeunes. Je sens une continuité entre Léonce et Léna et On ne badine pas avec l'amour. N'oublions pas que Büchner a lu Musset. Leur vision du monde des adultes est celle d'un espace décadant, mortifère, excessif, alcoolisé... dans lequel on ne peut pas s'identifier. Dans la biographie qu'il consacre au dramaturge, Gonzague Saint Bris prétend que Musset serait aujourd'hui un personnage trash. Mais cela vient-il du fait que Musset a mal grandi ? Cela lui vient-il d'une mélancolie ? ou alors d'une impossibilité à vivre dans ce monde-ci ? Musset sera là tour à tour dans chacun des jeunes personnages (Camille, Perdican et Rosette). Cela fait longtemps que vous connaissez la distribution de votre pièce. Depuis une année, oui. Il est important de réunir des comédiens assez tôt pour travailler dans cet e n t r esprit de création que je revendique. Nous n'avons pas fait tellement de mises en lectures mais plutôt des rencontres, pris du temps pour parler, pas seulement du théâtre mais aussi de notre conception de la vie, de notre société, du monde, de tout ce qui pourrait nourrir la situation d'On ne badine pas. Vous retrouvez des compagnons de route. J'ai rencontré Marie Ruchat sur Léonce et Léna en 2012, sur laquelle Valère Girardin avait aussi fait la scénographie. J'ai choisi Frank Michaux, Charlotte Dumartheray. Avec Marie, il forme le trio de tête, chacun très différent, et possédant un caractère très fort, très expressif, très fougueux. C'était important pour l'équilibre des forces. Je retrouve aussi Emmanuelle Ricci et Yves Jenny, compagnons de route du théâtre des Osses, et Frank Arnaudon, avec qui je souhaite travailler depuis longtemps. Quant à Jean-Luc Borgeat, il m'avait impressionnée dans la pièce Douze hommes en colère de Julien Schmutz. Je me réjouis de retrouver ces camarades de ce point de vue là, parce qu'on fait du théâtre avec des gens, pas avec des acteurs. Propos recueillis par Frank Dayen Du 1er au 23 décembre : On ne badine pas avec l’amour d’Alfred Musset, m.e.s. Anne Schwaller. Location : 021/625.84.29 e t i e Le drame amoureux Le titre sonne comme une mise en garde : On ne badine pas avec l'amour. Musset en sait quelque chose, lui qui vient de surprendre son égérie George Sand dans les bras de son médecin, à Venise. L'histoire d'une gondole qui prend l'eau, la confession d'un enfant du siècle. Cette expérience fait de Musset le romantique tourmenté qu'on connaît, à peine vient-il de publier son Lorenzaccio (1834), injoué jusqu'en 1896, et Fantasio, à peine autobiographique, qui sera aussi mis en scène posthume. On ne badine pas avec l'amour (publiée en 1834, représenté quatre ans après la mort de Musset) met ses deux héros, Camille et Perdican, aux prises avec l'orgueil. Pourtant amoureux depuis tout petits, les deux cousins ne parviennent pas à s'entendre sur une union décidée par le père de Perdican. Si ce dernier vient de finir ses études universitaires, Camille sort du couvent. Mais si lui déclare vouloir l'épouser, et respecter ainsi le projet de son baron de père, la jeune fille refuse qu'on décide pour elle et fait mine de préférer retourner chez les nonnes. Après une diatribe contre l'éducation religieuse, Perdican projette de rendre sa cousine jalouse, mais le stratagème, entraînant une troisième personne dans le jeu de l'amour, tourne au vinaigre : désillusionnée, la paysanne séduite se suicide. Et la culpabilité aura finalement raison de l'amour secrètement partagé. n 47 t h é â t r e les métiers du théâtre : scénographe Valère Girardin Quand le spectateur va au théâtre, il voit d’abord des personnages interprétés par des comédiens en costumes, puis la mise en scène et les décors, les éclairages. L’ensemble lui procure plaisir ou ennui, mais s’il a apprécié, il s’interrogera sur l’alchimie qui a conduit à cette réussite. Valère Girardin fait partie de ceux qui œuvrent à la réussite d’un spectacle théâtral. Ce jeune scénographe romand s’épanouit dans son métier et en parle avec beaucoup d’enthousiasme. Mais avec un prénom aussi prédestiné, pouvait-il travailler ailleurs que dans le milieu du théâtre…? Quel a été votre parcours avant d’arriver à la scénographie ? 48 Valère Girardin : J’habite au Locle et j’ai fait un apprentissage de menuisier. J’ai très tôt été fasciné par les décors de films et la poésie du théâtre. J’aimais la combinaison de la machinerie et de la construction qui fait le décor. Ma curiosité pour ce domaine m’a conduit à Montréal au Québec où j’ai suivi l’École Nationale du Théâtre en section scénographie. Nous étions cinq et j’étais le seul à avoir une expérience pratique. J’y ai passé trois années exceptionnelles et enrichissantes car mes condisciples avaient des approches différentes qui m’ont beaucoup apporté : l’une avait une formation littéraire, un autre de décoration d’intérieur, etc. décors : j’aime faire de la scénographie ET construire, j’ai besoin d’avoir les mains dans la peinture, dans les matériaux, j’ai besoin de l’atelier. Parlez-nous de votre collaboration avec Anne Schwaller et de On ne badine pas avec l’amour de Musset qu’elle montera en décembre au Théâtre Kléber-Méleau. Avant tout il faut dire qu’Omar Porras, qui reprend la direction de ce théâtre, avait commandé un classique à Anne, et comme nous avions Comment avez-vous mis à profit cette formation à votre retour en Suisse ? déjà collaboré à la satisfaction de chacun sur Léonce et Léna, Anne m’a demandé de concevoir un lieu unique chez le baron, qui ménage des petits coins permettant d’observer en se croyant cachés, dans l’esprit de la pièce où tout le monde s’épie, s’espionne. J’ai donc conçu quatre éléments qui se déplacent pour figurer ces endroits clos. Lors des nombreux apartés de la pièce, les personnages pourront voir par dessus ou par derrière ces éléments faits en matières brutes mais déglinguées, boiteuses. J’aime bien travailler par blocs et construire les décors à l’avance pour les tester, ce qui est le cas ici, contrairement à la tendance actuelle qui privilégie le travail collectif et en évolution constante, parfois jusqu’à la veille de la première. De plus en plus, le metteur en scène monte la pièce avec le scénographe, l’éclairagiste, la costumière. Anne Schwaller, elle, tient le projet et j’ai grand plaisir à travailler avec elle. Comment procédez-vous lors de la conception des décors ? Je peux dire que j’aime le mot de scénographe, plus dynamique que celui de décorateur. D’ailleurs je n’aime pas la décoration, ce qui est fait « pour faire beau ». Je préfère l’architecture. Les accessoires doivent servir l’histoire, les comédiens, les personnages. Si Anne Schwaller souhaite qu’il y ait de l’eau sur la scène, je vais réfléchir s’il faut juste la suggérer, ou la matérialiser sous la forme d’un verre d’eau, d’un bassin, etc. Quoiqu’il en soit, c’est chaque fois un défi, et une manière de travailler très différente selon les metteurs en scène, mais de manière générale je lis la pièce, je fais des croquis ou des collages, je parle beaucoup avec le ou la metteur/e en scène, c’est une partie de ping pong. Sans cela, ce serait comme faire un ace au tennis : efficace mais peu satisfaisant. Laurence Tièche Chavier J’ai commencé par créer des costumes à la demande d’Anne Schwaller qui montait sa première pièce Léonce et Lena de Büchner au Théâtre de Carouge, ensuite j’ai réalisé de nombreuses constructions pour le Théâtre Populaire Romand et pour le Théâtre Kléber-Méleau. Aujourd’hui je m’occupe des On ne badine pas avec l’amour de Musset, mise en scène d’Anne Schwaller, du 1er au 23 décembre, Théâtre TKM à Renens Valère Girardin e n t r e t i e n t h é â t r e de la saison théâtrale. On a simplement dialogué et confectionné comme un cahier de vœux. Sachant que c'était la première phase et que je ne serais pas la seule à participer. Finalement mon dossier a reçu l'approbation de la Fondation BCV en 2014. entretien Catherine Bolle Catherine Bolle est l'auteur de l'installation Phare qui sera inaugurée au Théâtre Kléber-Méleau ce 21 septembre. L'artiste lausannoise se pose en chercheuse plasticienne, mais n'hésite pas à s'entourer de quelques collaborations pour affirmer son art. En quoi consistent ces éléments de l'installation ? Ce sont de grands prismes triangulaires formés par des vitrages transparents de couleur rouge. Ils contiennent chacun des cellules photométriques à colorant, qu'on appelle Graetzel, qui sous l'excitation des photons de la lumière induit un courant électrique. C'est un système unique fabriqué en Suisse par Solaronix à Aubonne. Avec eux et les architectes RBR, j'avais déjà collaboré à la conception du vitrail pour le Centre de conférence de l'EPFL. Une première mondiale en 2014. Au TKM, les éléments de vitrage rouges seront rétro-éclairés la nuit. Vous avez l'intention de récolter cette électricité ? Je l'espère, mais la quantité sera faible. On récoltera le courant électrique produit par ces cellules pour au minimum éclairer la servante. La servante est cette lumière placée au milieu du plateau qui est allumée par la dernière personne qui quitte le théâtre et éteinte par le premier qui arrive le lendemain. C'est un peu l'âme du lieu, une tradition qui est partagée par toutes les troupes théâtrales. Butticaz - vitrail du Centre de conférence de l’EPFL A l'image d'un riche parcours, on découvre dans son atelier de la zone industriel de Sébeillon des toiles, des amorces d'installation, des œuvres sur papier, dont ces cartes topographiques où elle dessine sur le support fragile des chemins entre le rêve et l'écriture… Il y a aussi des obstacles à enjamber, notamment les plaques qui vont être montées sur le toit du TKM. Nous y voilà. En quoi consiste cette installation au TKM ? L'installation Le phare marquera l'entrée du théâtre. C'est un peu comme une guirlande formée par plusieurs prismes triangulaires placés à fleur du toit. Le rêve est que ça se déploie d'une façon apparemment chaotique, même si chaque élément pèse 150 kilos. Les prismes de couleur rouge seront à peine perceptibles depuis le sol. Mais ils seront très visibles depuis le train qui va à Genève et passe à la nouvelle gare, tout près de Prilly-Malley. Des petits réflecteurs en aluminium seront placés à la lisière du mur. Ceux-ci ont été découpés e n t r selon mon dessin et représentent des gouttes – un peu comme la mètis grecque, elles peuvent exprimer l'énergie, la ruse, la connaissance qui nous viennent du ciel. Elles ont aussi une certaine brillance qui reflète partiellement la lumière, et bien sûr elles bougent, ça fera un petit bruit. L'installation sera rétro-éclairée la nuit par des luminaires puissants et jouera ainsi pleinement son rôle de phare et de point de rencontre. Comment est né ce projet d'installation au TKM ? Omar Porras cherchait une œuvre d'art lumineuse pour signaler son lieu. Je connaissais ses spectacles, mais pas le personnage. Il a parlé de son désir à une personne qui connaissait bien mes œuvres, elle savait que je travaillais dans mon coin sur des prismes utilisant des cellules photovoltaïques. Elle a donc provoqué notre rencontre, et avec Omar on s'est tout de suite très bien entendu. On a beaucoup parlé de ce qui était intéressant, opportun, pour le lieu etc. Est-ce qu'Omar Porras vous a cadré ou posé des conditions ? Ce courant est symbolique ? Oui, c'est symbolique et métaphorique. Ce qui m'intéresse le plus c'est la confluence avec le lieu. Ce site était une fabrique de gaz de ville, ce qui était un progrès social en 1912. Alors voilà, quasi 100 ans plus tard, nous vivons un grand chambardement énergétique et c'est un nouveau progrès, une mutation, auquel j'adhère en tant qu'artiste et en tant que militante contre le nucléaire. Cette métaphore de l'énergie se retrouve dans la création théâtrale. Et puis le théâtre, comme l'art, ne porte-t-il pas les interrogations d'une société et de ses individus. Des projets ? Après avoir travaillé au millimètre l'immense installation à l'EPFL, autant pour le logement des étudiants que le centre des congrès, j'ai hâte de retrouver mes quartiers pour une création plus intime. C'est très intéressant, mais bien cartésien. Propos recueillis par Nadia El Beblawi Non, il souhaitait que ce soit prêt pour le début e t i e n 49 t h é â t r e entretien Jean Liermier Jean Liermier, le directeur du Théâtre de Carouge et Omar Porras, le tout nouveau directeur du Théâtre Kléber-Méleau, aiment mettre en scène des textes classiques forts, parfois de manière ludique pour mettre en lumière l’absurde ou le monstrueux, parfois en s’effaçant derrière la puissance du verbe seul. Dans le cadre de l’échange fécond entre les deux metteurs en scène, Jean Liermier exportera sa pièce à Renens en mars 2016, après l’avoir fait jouer chez lui à Carouge début 2016 (26.1-14.2). Cette pièce de Pirandello n'est pas très connue du public. Pourquoi ce choix ? 50 Jean Liermier : Mais moi je la connais !... Je garde une très forte impression de cette pièce que j’avais vue à Paris il y a une vingtaine d’année, avec Maria Casarès dans le personnage de Donna Anna, cette mère, qui alors qu’elle vient de perdre son fils, refuse de jouer le rôle que la société voudrait qu’elle joue. Elle bouscule tous les codes car elle ne pleure pas ! J’ai le souvenir d’avoir été chamboulé par ce personnage, car je ne voyais pas où Donna Anna se trompait ! Je suivais sa logique au point de me demander si ce n’était pas elle qui avait raison. C’est assez rare pour qu’aujourd’hui j’éprouve le besoin de partager ce vertige avec des spectateurs. Vous allez ensuite exporter cette pièce à Kléber-Méleau. Vous avez derrière vous une riche collaboration avec Omar Porras: quels en sont les points forts ? Comment la voyez-vous évoluer ? style, une réflexion sur l’art de l’acteur. Je suis fier que ces dernières années sa compagnie du Malandro ait été en résidence informelle à Carouge. En tant que nouveau directeur de KléberMéleau, il s’inscrit dans la continuité de Philippe Mentha, avec qui depuis quelques saisons nous avions développé une collaboration qui allait bien au-delà de l’exportation de spectacles. Je me réjouis qu’avec Omar nous puissions poursuivre concrètement ces réflexions qui font de nos deux institutions deux théâtres frères. Omar Porras va mettre en place une étroite collaboration avec les écoles de théâtre, comme vous le faites également. Cela vous semble-t-il un enrichissement mutuel ? Une contrainte ? Un air frais pour le théâtre en général ? Je partage avec lui l’amour de la pédagogie. Depuis toujours. Transmettre, tant aux futurs professionnels qu’aux spectateurs de demain, ne relève pas pour nous d’un cahier des charges imposé, mais d’une mission organique qui coule de source, d’une réflexion quotidienne sur la vie de nos « guignols ». Tout comme notre compère Fabrice Melquiot au théâtre AmStramGram, nous mettons en scène, jouons, et le fait que nous ne pratiquions pas « le même théâtre » est une force. Car il n’y a pas qu’un théâtre ! Qu’une manière de penser. Ce serait indigne de transmettre cela aux jeunes. Dans notre complémentarité, les synergies entre nos trois théâtres me paraissent très très prometteuses… C'est une pièce au contenu plus aride. Comment l'aborderez-vous ? Pensez-vous que son contenu soit plus aride que celui du Malade Imaginaire par exemple, où l’ombre de la mort de Molière plane en permanence ? Je ne trouve pas. Cette œuvre n’est faite que de Vie, de personnages qui se dépatouillent dans l’instant, comme vous et moi, pour appréhender des questions essentielles qui les taraudent, sans une pointe de pathos ou de misérabilisme. Et Pirandello ménage des surprises, qui non seulement vous tiennent en haleine, mais provoquent des coupsde théâtre-au cœur ! A jouer j’ai l’impression, ou l’intuition, que c’est jubilatoire. Et que cette jubilation peut se transmettre au public. e Propos recueillis par Laurence Tièche Jean Liermier © Marc Vanappelghem Porras est l’un des seuls hommes de théâtre aujourd’hui en Suisse, si ce n’est le seul, dont les créations tournent sur plusieurs continents. C’est un fait ! Ce n’est lié ni au hasard ni à une mode. C’est un travailleur acharné qui a développé depuis 25 ans une méthode de jeu, un n t r e La vie que je t’ai donnée de Pirandello, mise en scène de Jean Liermier, du 1er au 20 mars 2016, Théâtre KléberMéleau à Renens t i e n t h é â t r e la vie que je t’ai donnée / pirandello Clotilde Mollet Jean Liermier le sait bien qui l’a choisie pour jouer une femme au cœur du drame intime et volatile de Pirandello, Clotilde Mollet est une comédienne singulière et profonde qui n’a pas son pareil pour incarner toutes les nuances de l’apparente banalité. Capable de balancer sans peine entre gravité et humour, entre horreur et légèreté, Clotilde Mollet compte parmi les meilleures comédiennes du théâtre français. Rencontre. A l’occasion de sa présence dans la distribution savoureuse de Quand le diable s’en mêle, tryptique conçu et mis en scène par Didier Bezace d’après Feydeau pour les Fêtes nocturnes du Château de Grignan, il paraît naturel de saluer une grande comédienne, souvent trop discrète, mais dont les interprétations fines, sages, retenues et touchantes ne laissent jamais indifférent le spectateur, tant son énergie communicative peut susciter le rire ou l’effroi. Même lorsqu’on lui confie un second rôle au cinéma, elle excelle dans le registre comique ou dramatique avec la même aisance, impressionnante de vérité. Comment ne pas se souvenir d’Antoinette Poussin dans Le Violon rouge, de la Gina du Fabuleux destin d’Amélie Poulain, de la Marcelle des Intouchables et plus récemment de Madame Lanlaire du Journal d’une femme de chambre de Benoît Jacquot. Ce qui frappe dans votre jeu est cette énergie constante qui s’en dégage. De quel type d’énergie a-t-on besoin pour jouer au théâtre ? Clotilde Mollet : Elle est bien entendu différente en fonction des auteurs et du lieu dans lequel vous jouez. Lorsque l’on joue Feydeau et qui plus est sur un plateau en plein air, il faut déployer une énergie physique intense, afin de se faire entendre et d’être précise à chaque mouvement effectué. Le dispositif de Didier Bezace est comparable ici à une piste de cirque, avec en son centre comme un podium-tréteau sur lequel nous faisons notre numéro à tour de rôle. Une fois que le comédien a compris ce dispositif, il peut alors canaliser son énergie avec la plus grande justesse possible. Il est évident que pour le théâtre de Pirandello, l’énergie nécessaire et très intériorisée sera très différente. C’est passionnant. Quels sont les hommes ou les femmes de théâtre qui vous ont précisément permis de mieux comprendre comment une comédienne doit trouver le rythme juste pour que e n t r metteur en scène et que j’apprécie énormément. C’est un ami commun qui nous a présenté, Gilles Privat, un comédien que j’admire beaucoup. Ensuite, c’est le théâtre mystérieux et poignant de Pirandello ; cette noirceur, ce mélange déconcertant entre rêve et réalité, ce théâtre qui semble repousser à chaque fois les limites du comédien, autant d’éléments que j’avais pu constater quand j’avais joué dans le spectacle de Jean-Luc Boutté, La Volupté de l’honneur, il y a vingt ans déjà… Enfin, j’avoue que de retrouver une comédienne, une partenaire de jeu que j’apprécie comme Hélène Alexandridis est aussi une raison de me réjouir de ce projet. Lorsque vous acceptez un rôle, une partie de vous-même peut-elle toujours s’y exprimer ? C’est en effet ce que l’on s’efforce de trouver à chaque fois, mais ce n’est pas toujours possible. Parfois, on accepte un rôle par nécessité, parfois en pensant qu’il est fait pour nous, mais sans jamais parvenir à rencontrer véritablement le personnage en question. Mais quand vous réussissez à partiellement ou totalement à vous approprier le rôle, là on se régale et l’expérience est belle. Pourquoi vaut-il toujours la peine d’aller au théâtre aujourd’hui, d’après vous ? Clotilde Mollet le corps et la parole transmettent le texte de l’auteur ? J’ai eu je crois beaucoup de chance, dès le début, au Conservatoire d’art dramatique de Paris. J’ai pu bénéficier de guides tels que Jacques Lassalle et très vite j’ai joué sous la direction de metteurs en scène comme Louis-Charles Sirjacq, Jean Jourdheuil, Alain Olivier ou Jean-Louis Hourdin qui m’ont beaucoup apporté. Mais ce sont également les auteurs que j’ai interprétés qui m’ont toujours stimulé. J’aime passer d’un registre à un autre, jouer successivement Marivaux, Albert Cohen, Jean Genet, Bond, Valentin, Pessoa, Duras ou Grumberg ! Et puis, je suis toujours très touchée qu’un metteur en scène fasse appel à moi pour retravailler avec lui. J’ai pu compter sur la fidélité et l’amitié d’homme de théâtre comme Alain Milianti, Didier Bezace, Hervé Pierre, François Berreur ou Charles Tordjman. Quand je vous dis que j’ai eu beaucoup de chance tout au long de mon parcours. Il est évident pour moi que l’envie et le besoin d’aller au théâtre doivent rester intacts et qu’il ne faut jamais oublier que le théâtre peut être salutaire dans un monde difficile à vivre, dominé par un scepticisme et un pessimisme constants. Le contact des comédiens, de la scène, des auteurs est plus que jamais indispensable. Les gens ont besoin qu’on leur raconte des histoires et aiment se raconter des histoires. Le théâtre c’est aussi je crois un acte de résistance qui permet de rendre compte, de témoigner et même de survivre dans certaines régions du monde où la culture est malmenée. L’acte théâtral doit permettre à chacun de nous de rester en mouvement, de nous questionner sans cesse et de demeurer exigeant vis-à-vis de nous-mêmes. A l’occasion de cette coproduction du Théâtre de Carouge et du Théâtre KléberMéleau, vous serez de passage en Suisse. Quel rapport entretenez-vous avec ce pays ? Qu’est-ce qui vous plaît dans le projet de Liermier quand il vous propose La Vie que je t’ai donnée de Pirandello ? Je m’y sens bien et j’y ai des amis. J’ai aussi de merveilleux souvenirs lors de mes passages à Lausanne au Théâtre de Vidy. La qualité de l’accueil et du travail que nous offrait un homme comme René Gonzales resteront comme des souvenirs et des moments théâtraux inoubliables. Je me réjouis donc beaucoup de retrouver les rives du Léman. D’abord, le fait que je connaisse le travail de ce Propos recueillis par Jérôme Zanetta e t i e n 51 t h é â t r e vagabondage Figaro voyage ! Figaro sera de retour sur la scène du Théâtre Kléber Méleau, non pas dans la version bien connue imaginée par Beaumarchais, mais dans celle d'Ödön von Horvàt écrite en 1937 sur une trame plus mélancolique comme l'indique le titre : Figaro divorce. Lorsque le dramaturge allemand conçoit cette suite aux aventures des personnages de la comédie de Beaumarchais, l'humeur n'est guère à l'optimiste car il était considéré par le régime nazi comme un auteur « dégénéré », et ses ouvrages ont fait partie de la première liste des livres brûlés publiquement au même titre que ceux de Brecht, Toller, Kraus ou Tucholsky. 52 côté de Carouge, il a monté Têtes rondes et têtes pointues de Brecht en 2011. débouché sur une aventure humaine enrichissante. Sa première mise en scène sera consacrée à Brecht, avec Le Cercle de craie caucasien monté avec une majorité de comédiens de la troupe du Théâtre du Soleil. Cette production le fera connaître notamment en raison d'une invitation à la présenter au Berliner Ensemble en 1998, lors du centenaire de la naissance de Brecht. De 2003 à 2006, il a dirigé le Théâtre du Peuple de Bussang marquant ainsi une volonté de refuser une vision élitiste et hermétique du théâtre, mais visant plutôt à « éveiller l'esprit et poser des questions » tout en divertissant. Dès lors la question du répertoire ancien ou moderne reste ouverte, sans exclusive puisque Exil C'est donc en exil entre Vienne, Prague et Amsterdam qu'il publie plusieurs œuvres durant l'année 1937, un vagabondage forcé qui a sans doute inspiré l'idée du départ en Allemagne des protagonistes du Mariage de Figaro. Mêlant ainsi deux drames, la Révolution française et ses conséquences pour la noblesse et l'entourage ainsi que le temps de crise des années 1930, Figaro divorce met en scène les personnages fuyant un pays dans lequel les privilèges ont été abolis, mais l'espoir de temps meilleurs s'avérera illusoire aussi bien pour Almaviva que pour Figaro redevenu barbier. Et c'est Suzanne qui sera porteuse d'avenir, à travers une prise de conscience liée à son désir d'avoir un enfant. Retour sur les rives du Léman Si la pièce a déjà été montée en Suisse romande par Valentin Rossier en 2003 à la Comédie de Genève, c'est au tour de Christophe Rauck d'en proposer une version que l'on pourra découvrir au TKM du 14 au 24 avril avant une escale au Théâtre Forum Meyrin les 27 et 28 avril. Il s'agira d'un retour sur les rives du Léman pour le metteur en scène et professeur d'art dramatique désormais responsable du Théâtre du Nord à Lille depuis juin 2013. En effet, René Gonzalez l'avait invité à trois reprises, d'abord pour L'araignée de l'éternel, d'après des textes de Claude Nougaro, ensuite pour L'Affaire de la rue de Lourcine de Labiche en 2012, et Getting attention de Martin Crimp. Du a Christophe Rauck Parcours Après un début de formation du côté des arts décoratifs et du dessin, c'est du côté de la Cartoucherie de Vincennes, au Théâtre de l'Epée de bois fondé par Antonio Diaz-Florian que Christophe Rauck a fait ses débuts en tant que comédien dans les années 1980, époque durant laquelle il eut l'occasion de rencontrer Omar Porras. Dans les années 1990, on le retrouve dans la troupe du Théâtre du Soleil d'Ariane Mnouchkine, toujours à la Cartoucherie de Vincennes où il participe à plusieurs productions, Les Atrides et La Ville parjure d'Hélène Cixous. Sa formation auprès d'Ariane Mnouchkine lui a permis d'acquérir un « bagage artistique extraordinaire » qui a c t u a Christophe Rauck a monté aussi bien Le Mariage de Figaro à la Comédie Française que la Vie de Galilée ou le Révizor de Gogol à Bussang, mais aussi Phèdre ou encore Cassé de Rémi de Vos. Frank Fredenrich Du 14 au 24 avril : Figaro divorce d’Ödön Horváth, m.e.s. Christophe Rauck. Location : 021/625.84.29 l i t é t h é â t r e figaro divorce / von horvath Cécile Garcia-Fogel Qui n’a pas vu Cécile Garcia-Fogel en scène ne peut imaginer la présence forte et rayonnante de cette grande comédienne par l’art incomparable d’être habitée par son personnage, choisi toujours parmi les plus forts. Elle sera la Suzanne du Figaro divorce de von Horvath, mise en scène par Christophe Rauck. Portrait d’une figure majeure de la scène contemporaine. Bien entendu, le spectateur averti sera ravi de retrouver les protagonistes du Mariage de Figaro de Beaumarchais, monté avec brio par Rauck en 2007, afin de renouer avec cet esprit vif et insolent qui joue à distance avec les consciences révolutionnaires du siècle des Lumières, mais c’est d’abord l’occasion d’admirer le bel éclat des yeux sombres et du visage de Cécile Garcia-Fogel sur lequel s’inscrivent les passions et les émotions de ses héroïnes, merveilleusement lisibles. Capable de douceur aussi bien que de violence, exprimées par une voix aux nuances infinies, elle impose immanquablement sa personnalité forte et ombrageuse, son ultrasensibilité frémissante et sauvage. Portrait Guidée au Conservatoire national supérieur d’art dramatique par des maîtres inspirés tels que Catherine Hiégel, Stuart Seide ou JeanPierre Vincent, Cécile Garcia-Fogel semble d’abord affirmer son goût prononcé et sa fidélité jamais démentie pour les tragédies shakespeariennes sous la direction de Bernard Sobel et de Stuart Seide, précisément. En 1996, on ne peut rester indifférent à sa prestation dans Le Chanteur d’opéra de Wedekind, mis en scène par Louis-Do de Lencquesaing, ainsi que dans la vision étonnante que donne Eric Vigner de l’Illusion comique et par sa première mise en scène de fragments chantés de Phèdre de Racine, préfiguration de l’interprétation fulgurante du rôle-titre qu’elle a donné l’an dernier, portée par la lecture inspirée de Christophe Rauck (2014). Elle rencontre dans le même temps (1997) un autre homme de théâtre important de sa trajectoire scénique. Joël Jouanneau la dirige dans les Reines de Normand Chaurettes et fera de nouveau appel à son talent pour Dickie d’après Richard III de Shakespeare, et surtout dans la a c t u formidable pièce de Lagarce, J’étais dans ma maison et j’attendais que la pluie vienne en 2004. Elle marque alors de son empreinte le rôle de l’aînée, en insufflant à la jeune-femme une vibration obsessionnelle et froide qui subjugue. Mais entretemps, le spectateur privilégié qui avait pu l’entendre dans le rôle de Penthésilée de Kleist sur la scène du Théâtre de la Bastille (1998) ne s’en remettra plus. Dans la géniale mise en scène de Julie Brochen, elle forme avec Jeanne Balibar un duo inoubliable. Cécile Garcia-Fogel, revenue de la défaillance livide après une chute de cheval, a dans la voix toutes les couleurs de la passion, une intensité du regard et une fluidité de mouvements qui troublait et que l’on pourra revoir plus tard lorsqu’elle interprétera avec la même grâce vrillée la pauvre petite Marquise d’O, (Kleist), distribuée alors par Lukas Hemleb (2006). Cécile Garcia-Fogel dans le rôle-titre de «Phèdre» mis en scène par C. Rauck Talent On se remémore également avec émotion la prestation qu’elle fournit dans la mise en scène de Seide de Mary Stuart de Schiller (2009) où la comédienne, engoncée dans une robe pourpre d’apparât à grand col, sert le rôle de la reine Elizabeth avec un aplomb et un furie cynique sans pareil, pour ajouter encore une figure de femme moderne et déterminée à son répertoire. Cécile Garcia-Fogel a aussi montré de quoi elle était capable en concevant et en réalisant trois spectacles pour lesquels elle reste fidèle à a Ödon von Horvath avec Foi, amour, espérance (2003) et à William Shakespeare avec J’ai rencontré un fou dans la forêt… (2006) et Le Marchand de Venise (2010), avec toujours une faculté avérée à rendre séduisant cet univers poétique composite, irréel et qu’elle souhaite musical. Et comme elle a pu encore récemment nous le démontrer dans son incarnation de Phèdre qui fera date, Cécile Garcia-Fogel a cette capacité d’une diction parfaite et habitée par le souffle racinien qui nous rend la langue terriblement proche. Elle évolue aisément dans ce flot de mots, majestueuse malgré l’hystérie ambiante. Elle se révèle alors comme une tragédienne irrésistible et possédant l’un des timbres les plus mélodieux du théâtre actuel. Les choix artistiques toujours exigeants qui jalonnent son parcours déterminent un engagement constant, aussi bien lorsqu’elle s’associe à la Nouvelle lettre adressée par Jack Rallite à François Hollande afin d’alerter le Président de la situation délicate de la politique culturelle française (mars 2014), que lorsqu’elle accepte la même année de tourner dans le magnifique long-métrage d’Arnaud Desplechin, Trois sou- l i t venirs de ma jeunesse. Il était temps de dire tout le bien qu’il faut penser de cette comédienne remarquable et incontournable dans le paysage théâtral de notre temps. Jérôme Zanetta é 53 t h é â t r e Le 29 mai l’Académie vocale de Suisse romande dirigée par Dominique Tille offrira au public un voyage dans le répertoire des œuvres romantiques pour chœur et piano de Schubert, Mendelssohn et Schumann, accompagnée par Cédric Pescia qui jouera également en solo. Le pianiste n’accompagne pas souvent les chanteurs ou les chœurs. Il faudrait, dit-il, ne faire que ça. Conscient donc de ses limites, il est pourtant très heureux d’avoir accès à ce répertoire qu’il adore, de faire partie d’un tout. entretien Cédric Pescia Le pianiste franco-suisse Cédric Pescia organise depuis 2007 les Rencontres Musicales au Théâtre Kléber-Méleau de Renens. Nous lui avons posé quelques questions sur le programme de la saison prochaine. Cédric Pescia nous dit avoir eu immédiatement un bon contact avec Omar Porras, qui a pris la succession de Philippe Mentha en tant que directeur du théâtre, dès le 1er juillet 2015. Le choix de la collaboration s’est tout de suite imposé, avec l’idée d’instaurer un lien plus étroit entre musique et textes. mêmes !), ainsi que la Partita No 1 de Bach et les Moments musicaux de Schubert, le 27 mai. Cédric Pescia a une grande estime pour ce pianiste, lauréat du concours Clara Haskil, avec qui Philippe Cassard, ami et partenaire de concert de Cédric Pescia, terminera la série en ajoutant aux Trois Romances et à l’Humoresque de Schumann les Sept Fantaisies de Brahms et la Romance No1 de Clara Schumann. Dialogues 54 Ainsi, au mois de novembre Omar Porras mettra en scène un spectacle réunissant Musset (dont la pièce On ne badine pas avec l’amour sera représentée en décembre) et Chopin : deux comédiens diront les Nuits, grand chef-d’œuvre du romantisme où dialoguent le Poète et sa Muse, et les Nocturnes leur feront écho sous les doigts de Cedric Pescia. Au mois de mai, le même principe sera adopté, cette fois avec Schumann et Novalis. Omar Porras lui-même lira les Hymnes à la nuit, auxquelles répondront les Kreislenaria et les Fantasiestücke. A nouveau une forme dynamique sera recherchée, et non une simple juxtaposition des œuvres. Jusqu’à présent ce lien entre texte et musique n’existait pas dans la programmation et sera renforcé à l’avenir. Cédric Pescia se sent particulièrement proche de Schumann, de son humanité, de son caractère passionné. Pour son interprétation, il se dit inspiré surtout par Alfred Cortot et Wilhelm Kempff. Le compositeur allemand sera aussi mis à l’honneur dans chacun des concerts suivants. L’Irlandais Finghin Collins, qui a enregistré deux des six volumes de l’intégrale Schumann chez Claves, jouera les Waldszenen et trois Fantasiestücke (pas les e Cédric Pescia © Uwe Neumann il a occasionnellement joué à quatre mains, et dont il admire la délicatesse et la fougue. Le lendemain, le Trio Stark consacrera la soirée à l’intégrale des trios pour piano et cordes de Schumann. Il y en a quatre. Le Trio Stark a été formé en 2009 par Cédric Pescia, Nurit Stark et Valentin Erben, membre pendant trente-huit ans du quatuor Alban Berg, qui a quitté le trio après trois ans. Aujourd’hui la violoncelliste Monika Lescovar, que Cédric Pescia et Nurit Stark connaissent de longue date, l’a remplacé. Le trio est une formation gratifiante qui donne aux instrumentistes l’avantage de se sentir solistes, puisque chacun est très exposé, et chambristes à la fois. L’ensemble se réunit autour de projets et non de façon régulière. n t r e Cédric Pescia se produit en tant que soliste avec orchestre, chambriste ou récitaliste aux quatre coins du monde. Il est professeur à la HEM de Genève, membre fondateur de la série lausannoise de concerts de musique de chambre Ensemble enScène, mais il vit depuis longtemps à … Berlin. Ses enregistrements sont nombreux. Sa particularité ? Il ne joue jamais les œuvres en entier lorsqu’il travaille, afin de garder une certaîne fraîcheur. Le défi, dit-il, c’est de ne pas répéter ce qu’on a déjà fait. D’après de propos recueillis par Martine Duruz t i e n " scènes ! magazine Découvrez chaque mois dans nos pages : L’actualité culturelle d’ici et d’ailleurs Cinéma Concerts Expositions Théâtre Entretien Danse Livres Opéra Avant-Premières Critiques Mémento Le prix de l’abonnement annuel de 10 numéros de 96 pages se monte à CHF 100.-Abonnement France (10 numéros) à 100 euros Scènes Magazine - Case postale 48 - 1211 Genève 4 Tél. 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Mais il est important de rappeler que les deux pièces, si elles proviennent du même auteur, ne jouent pas sur le même terrain, que ce soit au niveau du format, de la théâtralité, et de la portée significative. Le théâtre et la parole : le silence comme machine de guerre… La mise en scène d’Olivier Py se veut relativement sobre - avec ses habituels décors à roulettes efficaces - en voulant respecter la physionomie du Palais des Papes. Mais elle accumule tout de même quelques artifices scéniques, parfois intéressants (les sentences écrites en néon, le trou de sable dans lequel disparaissent les personnages) et parfois laborieux (la déconstruction méthodique de chaque planche en bois de la scène, qui détourne l’attention des très marquantes scènes de Lear et du fou sur la lande). La lecture des rôles féminins frappe par le manichéisme, de la virginale Cordélia, croisement entre un cygne éploré et une chaste ballerine (à qui Py ôte la parole en lui scotchant la bouche), aux deux sœurs, barbies démoniaques et nymphomanes. Plus globalement, la direction d’acteur laisse une liberté qui aurait pu s’avérer bénéfique si cela n’avait pas conduit à lâcher les comédiens dans un espace qui les dépasse et qui les pousse à hurler et à gesticuler - rares sont ceux qui évitent ces récifs, à l’instar d’Eddie Chignara (Kent), voire de Jean-Damien Barbien (le Fou), tant son personnage profite de la démesure. Rien n’est proprement inintéressant ou inconséquent dans cette lecture. Mais si le doute installé sur la parole suite à la rupture sémantique impliquée par Cordélia peut se comprendre par l’interprétation d’une construction minée par la vacuité, on ne profite pas toujours comme spectateur du mode déclamatif tragique monocorde ou de la vocifération pour comprendre quels sont les enjeux de a c t u cette parole. Car de la bonne intention initiale, on perçoit des acteurs montrant la langue, plutôt qu’agissant à travers elle. …à la parole comme arme ultime… Richard III, qui part d’une autre réflexion langagière, est une réussite au niveau de la performativité du langage. La mise en scène profite pleinement de la salle du Théâtre municipal pour à la fois figurer le Globe et resserrer le rapport scène-salle. Richard III s’approprie non seulement le lieu mais aussi le public, lui adressant ses célèbres monologues en jouant ingénieusement avec un micro (avec lequel il voltigera sur le public puis à la toute fin s’y pendra Lars Eidinger est «Richard III» © Arno Declair par le pied…). Là où la mise en scène excelle, c’est dans le rythme. Les images sont taillées au couteau, et les interventions musicales, créées par Nils Ostendorf, installent une fonction de l’élément sonore comme un actant à part entière et non pas comme illustratif. La mise en scène se concentre sur l’évolution du plan du Richard III plutôt que sur une lecture particulièrement interprétative de celle-ci. Nous sommes donc happés dans la logique dramaturgique de a l i t a l la pièce, et Richard III séduit le public, qui suit ses manigances avec plaisir… jusqu’au moment où l’insoutenable surgit. Le décrochage moral est d’autant plus violent que Richard III était charismatique dans sa monstruosité. Le personnage bascule dans la paranoïa et masque son visage avec du vivant (de la crème) pour le déréaliser, et filmer sa (dé)composition. La construction de son identité mythique aboutit sur une scène finale où Richard délire, et où l’on ne distingue plus son rêve de la réalité de la guerre. Il se bat seul dans un espace vide, conre son plus grand ennemi: lui-même. L’effroi saisit les spectateurs avec son effet cathartique. Si l’on parle à juste titre de la véritable performance de Lars Eidinger en Richard III, il faut souligner la force cohésive de l’ensemble des acteurs, dont l’énergie commune est particulièrement efficace. Les cris et gestes sont remplacés par l’adresse constante, la précision rythmique et grammaticale. À aucun moment, la parole ne dépasse les acteurs: ils l’utilisent pour créer le drame. Ces qualités rythmiques et incisives se retrou-vent dans une autre spectacle signé Olivier Py, Hacia la alegrìa. Il s’agit de la mise au style direct d’un chapitre de son roman Excelsior, évitant ainsi ce qui pouvait être parfois trop commentatif dans l’oeuvre originale. La traduction en espagnol impose aussi, comme le relève Py avec pertinence, “une énergie poétique inhérante à la langue, à sa rythmique et à son accentuation, contrairement au français qui est “une langue métaphysique, qui éloigne les choses de leur dénomimation”. Py réussit donc ici un tour de force, réalisant son idéal d’incarnation de la parole dans la performativité, grâce à l’interprétation à la fois physique et transcendante de l’acteur Pedro Casablanc, au centre d’une mise en scène fonctionnelle et sobre. Quelles que soient leurs formes ou leurs esthétiques, ces spectacles de début de Festival participent à montrer le théâtre comme lieu de transformation, que ce soit de la parole comme de l’image, vers la réalité scénique. Anouk Molendjik é 57 f e s t i v a l compte-rendu Chorégies d’Orange Avec les deux ténors les plus courus de la planète, à savoir Jonas Kaufmann dans Carmen et Roberto Alagna dans Le Trouvère, le succès était attendu… et les stars n’ont pas déçu ! 58 scène et sanguine, mais le timbre riche et noble peine un peu plus à s’imposer dans le vaste volume du Théâtre Antique. Inva Mula (Micaëla) est en revanche très puissante mais pas toujours compréhensible sans effort, tandis que pour sa première apparition ici, Kyle Ketelsen (Escamillo) projette très vaillamment, en particulier dans l’aigu. La direction de Mikko Franck, aux commandes du Philharmonique de Radio France, est fort respectueuse de la partition et en fait entendre tous les détails, mais il ne s’autorise aucune accélération ni aucun alanguissement, trop peu de sentiments en somme. La production de Louis Désiré est bien moins enthousiasmante que les deux précédentes Carmen montées ces 10 dernières années aux Chorégies. Des cartes géantes sur le plateau, d’après le trio du même nom au 3ème acte, des lances de picadors en arc de cercle qui restreignent considérablement l’espace de jeu, même si la réalisation s’est débarrassée de la classique imagerie espagnole. La très belle séquence du début du IV où Carmen porte la veste du toréador Escamillo ne rattrape pas vraiment le sentiment d’une certaine économie et étroitesse de la mise en scène (pas de décors, ni même de grande suggestion de la présence de la taverne de Lilas Pastia au II, ou encore des montagnes du III), ni la frustration d’entendre un duo José – Escamillo significativement coupé au III. Le Trouvère Kate Aldrich et Jonas Kaufmann © Abadie Les Chorégies ont déjà accueilli Jonas Kaufmann dans le Requiem de Mozart, mais le ténor de 2006 est devenu aujourd’hui une vedette incontestable, et c’est d’abord lui qu’on vient voir cette année. Son Don José est remarquable – diction impeccable, timbre sombre dans le medium, qui éclate de brillance dans l’aigu –, et l’acteur est époustouflant de crédibilité et d’engagement. La Carmen de Kate Aldrich est aussi très belle en a c t Très aimé à Orange, Roberto Alagna est un grand habitué des lieux, mais sa participation à l’édition 2015 revêt un caractère certainement moins évènementiel que ses dernières venues dans Turandot (2012) et Otello (2014), où il effectuait des prises de rôles. Le ténor français, qui s’est produit dans ces lieux dans le Trouvère en 2007, assure son Manrico avec un phrasé et un legato toujours aussi appliqués, mais les passages plus spinto semblent plus périlleux, comme l’aigu plutôt confidentiel qui conclut la cabalette « Di quella pira ». Le timbre de Hui He (Leonora) est somptueux et de couleur finalement très verdienne, mais la soprano chinoise manque de précision dans l’extrême aigu, alors que Marie-Nicole Lemieux (Azucena) déploie avec force son timbre opulent. En première orangeoise, le baryton George Petean (Luna) fait entendre un exceptionnel grain de voix, sain et puissant, tandis que Nicolas Testé trouve en Ferrando un rôle à la mesure de ses beaux moyens. Malgré ces imperfections vocales, la distribution regagne une cohérence d’ensemble sous la baguette de Bertrand de Billy, un vrai chef d’opéra qui, au-delà de l’impeccable qualité de l’Orchestre National de France, insuffle vie et passion à la musique. On relève toutefois en début de soirée de petits décalages avec le plateau, peut-être dus au dispositif scénique imaginé par Charles Roubaud. Un praticable tout en largeur repousse en effet parfois les protagonistes en fond de scène, à bonne distance du chef… et des spectateurs. Agrémentée des projections vidéo (Camille Lebourges) d’arbres, de façade du couvent, etc, la production est une réussite et occupe intelligemment le vaste espace. Elle alterne entre moments intimistes et mouvements des masses cho- u a l i t é f e s t i v a l Marie-Nicole Lemieux et Roberto Alagna © Gromelle Marie-Nicole Lemieux et Roberto Alagna © Gromelle rales : entrées et sorties des soldats, des religieuses, des gitans et leur roulotte, … pour un dernier concert (le 10 juillet) aux commandes du Philharmonique de Radio France. Au cours d’un programme Berlioz, Saint-Saëns et Poulenc avec son concerto pour deux pianos associant Martha Argerich et Nicholas Angelich, les spectateurs auront pu apprécier une fois de plus la relation fusionnelle entre le chef et « son » orchestre dont il a été le directeur musical ces 15 dernières années. Ces deux productions d’opéra venaient après un concert lyrique en ouverture de la manifestation (le 7 juillet) réunissant Ekaterina Siurina et Joseph Calleja. Sous la baguette dynamique d’Enrique Mazzola, le ténor maltais se montre à son meilleur dans les passages lyriques de Verdi (comme l’air de Macduff du dernier acte de Macbeth), ainsi que dans un exceptionnel Lamento de Federico, tandis que la soprano russe remporte un franc succès dans le belcanto donizettien, ses Norina et Adina étant vives et espiègles à souhait. François Jestin Bizet : CARMEN – le 11 juillet 2015 au Théâtre Antique d’Orange Verdi : IL TROVATORE – le 1er août 2015 Concert Ekaterina SIURINA / Joseph CALLEJA – le 7 juillet 2015 Concert symphonique – le 10 juillet 2015 Enfin, le festival tenait absolument à inviter Myung Whun Chung, Concert symphonique eu Théâtre Antique © Gromelle a c t u a l i t é 59 f e s t i v a l compte-rendu Aix-en-Provence A Midsummer Night’s Dream de Britten dans la reprise de la désormais production historique de Robert Carsen, et la double affiche Iolanta / Perséphone vue par Peter Sellars, auront été les spectacles les plus excitants de la dernière édition du festival international d’art lyrique d’Aix-en-Provence. 60 «Alcina» © Berger Bats-moi Alcina ! L’excitation est aussi bien présente dans la mise en scène de Katie Mitchell, où dans un intérieur bourgeois début XXème siècle, on fait, défait, refait le lit… élément de mobilier très utilisé ! Ainsi Alcina vocalise à califourchon sur Ruggiero, Morgana se fait dépoussiérer le corps à l’aide d’un plumeau jusqu’à ses parties les plus intimes, mais on aurait peut-être pu s’économiser trois ou quatre coups de cravache lors des petits jeux sado-maso à répétition. Le dispositif scénique est du même type que celui utilisé ici pour la création de Written on Skin en 2012, à savoir des petits cabinets latéraux qu’Alcina et Morgana rejoignent en femmes vieillies, la magie qui leur donne la jeunesse opérant uniquement sur la partie centrale du plateau. Au premier étage est implantée une machine à transformer les humains en animaux, et de-ci de-là sont présentées des bêtes empaillées sous verres. Tous les chanteurs sont en prise de rôle ce soir, et les deux noms les plus connus dominent nettement la distribution. D’abord Patricia Petibon dans le rôle-titre, très investie, expressive et qui parvient lorsqu’il le faut à diminuer son volume pour produire un son plus baroque, puis Philippe Jarrousky (Ruggiero), élégiaque, délicat, doté d’une musicalité hors du commun, et suffisamment sonore dans cette salle. C’est bien un problème de puissance qui handicape malheureusement les interventions d’Anna Prohaska (Morgana) et Katarina Bradic (Bradamante), deux très beaux timbres, virtuoses dans les passages fleuris, mais il faut malheureusement souvent tendre l’oreille. Joli ténor d’Anthony Gregory (Oronte), basse superbement posée de Krzysztof Baczyk (Melisso), et superbe chant du garçon du Tölzer Knabenchor Elias Mädler (Oberto) ; on peut rappeler à ce propos que l’Opéra de Paris proposait une soprano dans ce rôle en 1999 et qu’Oberto était tout simplement a c t supprimé lors des dernières reprises du spectacle au Palais Garnier ! Pas de tel scandale à Aix, où le chef Andrea Marcon et le Freiburger Barokorchester – en résidence pour la deuxième année au festival – se montrent souverains : quelle énergie, quel mordant sur les attaques, et quelle qualité du continuo ! Une vraie traversée du désert Si c’est bien la nouvelle production de l’Enlèvement au Sérail réglée par Martin Kusej qui a fait le buzz cette saison au festival, il n’est pas certain que celle-ci ait servi au mieux Mozart et son œuvre. Il est vrai que notre période troublée par les nombreuses et diverses menaces et attaques terroristes rend plus que jamais très délicat tout traitement de cette Turquerie où le « monde musulman » est confronté au « monde occidental ». A la lumière des attentats de janvier dernier, puis de la récente affreuse décapitation en région Rhône-Alpes, le metteur en scène a dû revoir in extremis sa proposition, en présentant comme image finale des vêtements ensanglantés à la place des têtes sanguinolentes. Il n’empêche, après les furieux coups de sabre lancés auparavant sur d’innocentes pastèques, Kusej reçoit au rideau de franches huées de la part du public. Il faut dire que l’ennui commence à gagner au cours de la soirée : malgré le beau décor de désert de sable écrasé par la chaleur, le jeu est trop réduit et la conversation semble s’étirer indéfiniment, surtout dans cette version où les textes ont été « révisés » (par exemple un élégant « Stop fucking singing ! »). Dans ce contexte, c’est finalement le comédien Tobias Moretti (Selim Bassa) que l’on suit avec l’attention la plus soutenue. La soprano Rachele Gilmore (Blondchen) sonne plus fraîche et délicate que la Konstanze de Jane Archibald, mais celle-ci est une vraie colorature qui maîtrise la pyrotechnie de son grand air « Martern aller Artern ». La ligne de chant de Daniel Behle (Belmonte) est soignée mais le volume bien modeste, tandis que l’autre ténor David Portillo (Pedrillo) est plus en situation avec un timbre moins noble. C’est vocalement Franz-Josef Selig (Osmin), vraie basse profonde qui n’a pas besoin de vociférer, qui remporte la palme, l’ensemble étant placé sous la baguette alerte, attentive et plutôt rapide de Jérémie Rhorer aux commandes du Freiburger Barokorchester. Le songe aixois Etait-ce a priori un défi audacieux ou bien un pari gagné d’avance que de remonter la production créée dans la cour de l’Archevêché en 1991 par Robert Carsen du Songe d’une nuit d’été de Benjamin Britten, vue et revue depuis bientôt 25 ans sur de très nombreuses scènes ? L’ovation finale du public ne laisse aucun doute : la magie opère littéralement à chaque fois ! C’est aussi un sentiment d’un certain « retour à la maison » tant la communion entre un spectacle et son lieu de représentation paraît évidente : la lune sur le plateau et les étoiles dans le ciel aixois ! On ne reviendra pas en détails sur la mise en scène, dont il existe un témoignage vidéo disponible (DVD filmé en 2006 au Liceu de Barcelone), sinon pour confirmer qu’il s’agit d’un petit miracle d’élégance, d’humour sans grossièreté et d’équilibre qui colle au plus près de l’ouvrage, entre moments élégiaques et passages purement comiques. L’orchestre de l’Opéra National de Lyon, qui mettait encore en 2008 le titre à son programme de saison, est en fosse et son directeur musical Kazushi Ono est placé au pupitre. Les cordes sont absolument somptueuses et enveloppantes, et les cuivres impériaux pour ne citer que ces pupitres. Déjà titulaires de la repri- u a l i t é f e s t i v a l se lyonnaise, le contre-ténor Lawrence Zazzo (Oberon) et la soprano Sandrine Piau (Tytania) sont de la fête, tout comme l’extraordinairement bondissant et bidonnant Miltos Yerolemou (Puck). Les couples d’amoureux sont proches de l’idéal avec Rupert Charlesworth (Lysander), John Chest (Demetrius), Elizabeth DeShong (Hermia) et Layla Claire (Helena). Tous les protagonistes sont à saluer, des artisans truculents à Theseus et Hippolyta, mais il ne faut surtout pas oublier de remercier les enfants du Trinity Boys Choir dont chaque intervention participe à la magie de la soirée. déplacés à vue qui créent de beaux jeux d’ombre. Dans Perséphone, l’association de quatre danseurs traditionnels cambodgiens, totalement en osmose avec la progression musicale, est un trait de génie de Sellars. La comédienne Dominique Blanc (Perséphone), agréablement sonorisée comme au lointain, est une formidable diseuse et le ténor Paul Groves (Eumolpe) est en limite de stabilité dans les aigus, mais l’articulation de son texte est splendide Le Monstre du Labyrinthe © Beaume 61 Petites et autres formes Dominique Blanc (Perséphone) © Victor Deux enchantements Créé il y a trois ans au Teatro Real de Madrid dirigé alors par Gérard Mortier, la production de la double affiche Iolanta / Perséphone imaginée par Peter Sellars était accueillie par le festival pour sa première reprise. Un mot d’abord de la direction musicale de Teodor Currentzis qui est d’une qualité rare : beauté, ampleur, densité, relief, et quelques nuances absolument inouïes, il défend en particulier une très grande partition de Tchaïkovski. Avant que Iolanta ne recouvre finalement la vue, le chef et le metteur en scène ont tenu à insérer un extrait a capella de l’Hymne des Chérubins, où le temps semble suspendu. L’équipe artistique est exemplaire : la voix ronde et d’une grande pureté de Ekaterina Scherbachenko (Iolanta), le ténor aux accents héroïques Arnold Rutkowski qui soutient la tessiture tendue de Vaudémont, la grande basse profonde et puissante Dmitry Ulianov (René), jusqu’à Willard White (Ibn-Hakia) qui sonne très noblement. Le dispositif scénique commun aux deux œuvres est dépouillé et symbolique : masses noires en équilibre au-dessus de chambranles de portes, toiles peintes qui défilent en fond de plateau, et projecteurs simples a c t u a l Outre les grandes productions précédentes, Aix proposait de petites formes de spectacles, à commencer par Svadba de la compositrice Ana Sokolovic. Il s’agit d’une pièce vocale pour six femmes a capella, se réunissant à la veille du mariage de l’une d’elles. Dans la production de Ted Huffman et Zack Winokur, l’énergie sonore et visuelle dégagée par ce groupe envahit la salle. A l’auditorium Daris Milhaud, la pièce Be with me now laisse un souvenir moins impérissable, petit pot-pourri d’airs d’opéra sur une intrigue soutenue par la vidéo. Le Monstre du labyrinthe de Jonathan Dove est peut-être une petite forme par sa durée (une heure environ), mais certainement pas pour ce qui concerne les moyens déployés… avec ses 300 choristes amateurs sur scène ! Le résultat atteint un très haut niveau de professionnalisme, avec Simon Rattle dirigeant en fosse des musiciens du LSO et des instrumentistes de l’Orchestre des Jeunes de la Méditerranée. La mise en scène de Marie-Eve Signeyrole est à la fois bien réglée et militante lorsqu’elle illustre les drames des migrants fuyant leur pays. Un ballet était également proposé au Théâtre du Bois de l’Aune : Spectres, monté par la chorégraphe Josette Baïz et sa compagnie Grenade, sur des musiques jouées par le Quatuor Béla. François Jestin Haendel – ALCINA : le 2 juillet 2015 au Grand Théâtre de Provence Mozart – DIE ENTFÜHRUNG AUS DEM SERAIL : le 3 juillet 2015 au Théâtre de l’Archevêché Britten – A MIDSUMMER NIGHT’S DREAM : le 4 juillet 2015 au Théâtre de l’Archevêché Tchaïkovski / Stravinski – IOLANTA / PERSEPHONE : le 5 juillet 2015 au Grand Théâtre de Provence Sokolovic – SVADBA : le 3 juillet 2015 au Théâtre du Jeu de Paume Dove – LE MONSTRE DU LABYRINTHE : le 8 juillet 2015 au Grand Théâtre de Provence i t é f e s t i v a l radio france et montpellier languedoc-roussillon Edition 2015 Pour ses 30 ans, le festival Radio France et Montpellier LanguedocRoussillon a mis entre autres à son programme trois rares opéras français, dont un en version scénique. 62 Hervé Niquet et son orchestre Le Concert Spirituel ont une relation particulière à l’ouvrage de Boismortier. Ainsi que l’explique le chef qui débarque dans la salle portant armure, casque et lance de Don Quichotte, l’opéra fut le premier abordé par l’ensemble à ses débuts. Déjà proposé cette saison à Versailles et Metz, le spectacle réglé par Corinne et Gilles Benizio – les humoristes Shirley et Dino à la scène – ménage de nombreux passages loufoques bien dans le ton du livret écrit par Charles-Simon Favart. La représentation dure deux heures, mais si on fait abstraction des différents sketches – entre autres une apparition hilarante de Shirley en diva espagnole –, dialogues ajoutés, numéros comiques, il ne reste à peu près qu’une heure de musique, superbement interprétée par l’orchestre. Les solistes jouent et chantent, parfois avec quelques faiblesses. Ainsi le ténor Emiliano Rarement représenté, Fantasio de Jacques Offenbach a bénéficié récemment d’un enregistrement de qualité (2 CD Opera Rara), malheureusement handicapé par la diction très moyenne de la distribution vocale, à majorité britannique. Ceci n’est pas un problème ce soir, où les chanteurs sont français pour la plupart, dans cette version où les dialogues parlés sont supprimés et des textes d’introduction lus avec une intelligibilité maximale par la récitante Julie Depardieu. En pantalon, chemisier blanc et nœud papillon défait, Marianne Crebassa (Fantasio) se délecte de ce rôle travesti et nous fait admirer l’un des plus beaux timbres de mezzo qu’on puisse entendre actuellement. La voix de la soprano Omo Bello (Elsbeth), tout en conservant son agilité, semble s’être élargie ces dernières années, alors qu’on regrette que le rôle de Flamel soit si peu développé pour la splendide Marie Lenormand. JeanSébastien Bou (Prince de Mantoue) et Loïc Félix (Marinoni) défendent avec force et esprit leur personnage. L’autre baryton Michal Partyka est le plus sollicité dans le rôle de Sparck, sonore mais on ne comprend pas grand-chose à son français, Omo Bello, Marianne Crebassa et Friedemann Layer © Ginot tandis que la basse Renaud Gonzalez Toro (Don Quichotte) n’est pas tou- Delaigue (Roi de Bavière) montre une grande jours très assuré dans l’aigu alors que le baryton autorité. Le chef Friedemann Layer fait sonner Marc Labonette (Sancho Pança) déploie un volu- très généreusement l’Orchestre National de me considérable, parfois en limite de stabilité. La Montpellier, et les chœurs de la Radio Lettone soprano Chantal Santon Jeffery (Altisidore) fait sont à la hauteur de la tâche, surtout les femmes. entendre un joli timbre, et le baryton-basse Joao Fernandes (Montésinos) est sans problème. Au Décédé trois ans auparavant, Edouard Lalo final, un spectacle agréablement déjanté dans des n’eut pas le loisir d’assister à la création de La décors efficaces, colorés et naïfs. Jacquerie à l’Opéra de Monte-Carlo en 1895, opéra auquel le compositeur Arthur Coquard a c t u a contribua largement, bien au-delà de l’orchestration ou de l’achèvement de la pièce. Le résultat est une œuvre qui progresse dramatiquement et musicalement au cours de ses quatre actes. Cela démarre, sans ouverture, avec les chœurs de paysans extrêmement vindicatifs accompagnés par des cuivres très brillants, une pâte sonore qui frise le style pompier pendant les deux premiers actes assez courts. Au début du III, le Philharmonique de Radio France sous la direc- Véronique Gens et Patrick Davin © Ginot tion de Patrick Davin joue de splendides pages symphoniques, puis enchaîne entre plusieurs duos, des accents clairement wagnériens se faisant entendre en fin de III et on croit même déceler un peu du solo qui illustre l’attente finale de Tristan pendant l’acte suivant. Après la venue en 2006 d’Alagna et Uria-Monzon dans Fiesque, cette autre rareté de Lalo est à nouveau défendue par une distribution de haute qualité, à commencer par Véronique Gens (Blanche) dont la diction ciselée est encore exemplaire. Plus agressive dans la projection et l’intensité du vibrato, Nora Gubisch (Jeanne) chante avec conviction. Fils de Jeanne et amoureux de Blanche la fille du Comte, le chef des paysans rebelles Robert est interprété par le ténor Charles Castronovo, timbre de couleur sombre dans le medium mais qui soutient la ligne tendue de la partition. Boris Pinkhasovich (Guillaume) est un baryton surpuissant à la prononciation correcte, Jean-Sébastien Bou ne possède pas naturellement les graves du rôle du Comte, tandis que Patrick Bolleire (le Sénéchal) chante avec autorité. François Jestin De Boismortier – DON QUICHOTTE CHEZ LA DUCHESSE : le 17 juillet 2015 à l’Opéra Comédie Offenbach – FANTASIO : le 18 juillet 2015 au Corum Lalo – LA JACQUERIE : le 24 juillet 2015 au Corum l i t é f e s t i v a l montpellier danse Corps contraints et inconscients Le Festival Montpellier Danse a déployé des corps en états somatiques, ensevelis puis découverts dans leur liberté de danser et de performer leurs humeurs et vérités intimes. En guise de « fourmilière » (Ottof), voici des femmes aux physiques généreux que l’on retrouve dans le cadre de la présente édition de La Bâtie. Révélée par son combat féminin au détour de Madame Plaza créé à Montpellier Danse en 2010, le corps de la chorégraphe Bouchra Ouizguen se tourne lentement face public avec ses micromouvements imperceptibles et un regard qui fore le lointain à l’orée d’ Ottof. Femmes en résistance La pièce semble ainsi se développer, un temps, dans les parages du travail chorégraphique de la Franco-algérienne Nacera Belaza densifiant les intériorités et cheminant à la rencontre de sa propre disparition pour accueillir le monde en soi. Avec leur physique à la Eli Kakou dans ses sketches mettant en scène Madame Sarfati, les danseuses qui sont aussi chanteuses détonnent. L’opus rapatrie ici les corps désolés, désertés mettant en boucle des transes de cheveux agités façon chanteuse de Heavy Metal, là des figements rappelant le travail de présence plasticienne du tandem Jennifer Lacey et Nadia Lauro ouvrant sur une féminité paradoxale et réjouissante. Ou des corps disparaissant sous les vêtements chers notamment au chorégraphe français Boris Charmatz. La chorégraphe et danseuse explique : « Dans 'Ottof', on travaille des dialectes, on travaille la voix, des voix. Celles de nos mères, pères et sœurs. Les nôtres, celles de nos enfances. » Elle ajoute : « Il ne s’agit pas de l’évident, du visible. Mais de l’ineffable. De l’amour, du lien.» Echo de la richesse expressive de la danse orientale et de ses traditions modernisées, le final où les anatomies plantureuses se déhanchent sur le standard du jazz chanté notamment par Nina Simone emblématique de la plus haute des solitudes, My Baby Just Cares for me, résonne comme une vitale et douloureuse mélopée. Ottof donne un aperçu décalé autant que déroutant de ces Mères Courage combatives, qui assurent souvent seule la subsistance et la cohésion de leur famille. a c t u Princes tutélaires lessivés La scène est un tableau. Tour à tour morguelaboratoire incertaine, lieu d’exposition puis d’une grande lessive en métamorphose, la pièce pour cinq femmes et une dizaine de tuniques géantes et totémiques, un brin sacerdotales congelées en forme humaine, Belle d’hier signée Phia Ménard fait preuve d’une médusante plasticité et d’un sens aigu de l’écriture de plateau avec ses différents plans, perspectives et lumières. La chorégraphe offre au spectateur un immense espace pour la contemplation et la décélération des sensations jusqu’à l’hypnose qui peut faire écho, sur le plan formel, au travail de l’artiste transalpin Romeo Castellucci concevant la scène comme un lieu alchimique générant des poèmes visuels à l’inquiétante étrangeté. D’abord en combinaisons de protection intégrale d’intervenantes sur sites sensibles, type industrie chimique ou nucléaire, le sextuor féminin se mue en ouvrières de contes cruels lessivant au gré d’un mouvement métronomique, comme dans Les Temps modernes de Chaplin, les immenses vêtements dégelés, comme fondus sur place. Puis les foulant en tous sens dans des bassines avant de les suspendre comme dans une ancienne teinturerie. Elles prennent alors des poses martiales de défi d’héroïnes manga provocantes avant de se dévêtir dans un rire spasmodique continu que l’on avait guère croisé depuis l’installation-performance Laughing Hole de La Ribot et Ha ! Ha ! signé Maguy Marin, réflexions sur le rire comme cataclysme. Cet étonnant ballet d’automates ensauvagés harponne durablement l’imaginaire. Il met en lumière, jusqu’à l’épuisement corporel, la déconstruction d’illusions romantiques et le lessivage de figures archétypales masculines qui continuent à structurer les inconscients et les horizons d’attente dans les rapports entre genres. Festin cru «Urge». Photo Martin Colombet phique à 21 ans en découvrant Liqueurs de chair d’Anjelin Preljocaj, architecture et mécanique érotique arpentant ce que les corps distillent souvent malgré eux entre désir, tension, larmes et plaisir. Ce n’est pas peu dire que sa dernière création autour de la réalité taboue par excellence du cannibalisme prend littéralement de manière kinesthésique et intime dans le corps du regardeur. Une série de réactions corporelles en chaîne amènent des danseurs en combinaisons noires à régurgiter et saliver par spasmes sonores terrifiants. Proches des zombies de la série Walking Dead, ils dévorent littéralement l’espace et en mimographie les autres dans des roulements de regards fous, saccades de gestes rompus et coulées d’anatomies s’encastrant l’une dans l’autre. S’ils peuvent ramener à une forme exacerbée de l’expressionnisme germanique, ces corps convulsés, soufflants et grimaçants ramènent aux expressions de scènes d’anthropophagie dans des films gore décrivant des tribus amazoniennes appréciant la chair humaine, de Cannibal Holocaust à Green Inferno d’Eli Roth. Déployées sur fond d’un cyclo incurvé pailleté d’argent, possible témoignage d’une société du spectacle devenue spectrale, ces actions archaïques surmontées par deux derrières dénudés en guise de ligne d’horizon héraldique, nous rappelle combien l’humain qui pense et médite est doublé d’un animal qui renifle et goûte, comme le pose le philosophe français Michel Onfray. Bertrand Tappolet A la vision de Urge, on comprend mieux que David Wampach eut le déclic chorégra- a l i t é 63 f e s t i v a l festival de beaune Extases baroques La 33e édition du « Festival international d’opéra baroque et romantique de Beaune » s’ouvre avec éclat. Avec un premier week-end faisant succéder Armide de Lully, un vibrant concert par l’ensemble le Banquet Céleste et les Vêpres de Monteverdi par la Concerto Italiano. 64 Poursuivant son cycle des opéras de Lully entrepris édition après édition, c’est au tour d’Armide, l’ultime chef-d’œuvre (1686) de prendre place lors de la première soirée à la Basilique Notre-Dame (repli stratégique de la Cour des Hospices, approprié par sa fraîcheur en cette canicule). Christophe Rousset est à l’œuvre, efficace comme toujours face à un opéra pourléché dans les moindres recoins. Il est vrai que ce concert bénéficie d’une longue préparation, héritant de la fraîche série des représentations à l’Opéra de Nancy. Les exécutants s’y retrouvent au reste totalement (hormis le chœur), pour le meilleur. On ne change pas une équipe qui gagne. D’autant que tous les intervenants distillent une élocution qui rend justice à la belle prosodie de Philippe Quinault, à même de rendre les tourments exacerbés des amours de la magicienne Armide pour le Croisé Renaud. Et aussi, étonnamment, dans un cadre où on ne l’attend pas nécessairement : le chœur. Car c’est le Chœur de chambre de Namur, parmi les meilleurs ensembles choraux baroques actuels, qui est ici à pied d’œuvre – différence avec Nancy –, avec l’acuité et les sens des nuances qu’on lui sait. Mais à chacun des personnages revient pareillement d’être campé avec adéquation. À commencer par le rôle-titre, servi par une Marie-Adeline Henry idéale de ton, d’ardeur et de substance. Une chanteuse à suivre désormais. Julian Prégardien lui offre une vibrante réplique, Renaud souverainement projeté par ce ténor baroqueux au sommet de ses moyens. Judith van Wanroij, Marie-Claude Chappuis, Marc Mauillon et Fernando Guimarães se révèlent tout aussi en phase au sein d’une distribution vocale qui tient du miracle. L’orchestre des Talens Lyriques se fait « doux zéphire » ou s’ouvre « des antres et des abîmes », comme le réclament la musique et son livret, sous la direction méticuleuse d’un Rousset dont le talent n’est plus à chanter. Banquet et Vêpres La deuxième soirée du Festival réserve une surprise de taille. Avec un ensemble peu habituel mais de premier choix : le Banquet Céleste, mené par son mentor Damien Guillon. Ce der- nier n’est plus à présenter, contre-ténor reconnu dans les différents territoires de la planète baroque. Mais sa formation instrumentale le serait davantage, née en 2006, que l’on a peu souvent entendue en dehors de quelques festivals spécifiques. Le programme de ce concert parle déjà de l’originalité de l’entreprise ; réunissant des pages religieuses de Vivaldi (Filae maestae Jerusalem, Stabat Mater, Nisi Dominus) et d’Alessandro Scarlatti (Infirmata vulnerata), pour ainsi dire inconnues. Et qui méritent d’un retour de renommée. Guillon est le prêtre de cet office, lançant sa voix aérienne, d’une ductilité sans faille, comme un instrument de plus parmi ceux de l’ensemble qu’il dirige. Les sept instrumentistes stipulés jouent sur d’autres cordes, du clavecin au luth et quintette à cordes, dans un accord parfait. Baptiste Lopez, l’autre tête pensante du concert, s’offre même le luxe de troquer un instant son premier violon pour une viole d’amour (instrument proche de l’alto agrémenté de cordes sympathiques), dans le Gloria (si peu glorieux, mais plutôt intimiste) du Stabat Mater vivaldien, pour un mélancolique dialogue avec le contreténor. Page étonnante, chez un compositeur plus célèbre pour ses traits de virtuosité. Céleste, oui vraiment ! Le lendemain, en clôture de ce riche premier week-end, les Vespro della beate Vergine de Monteverdi exultent par la transmission du Concerto Italiano. Avec le savoir-faire de Rinaldo Alessandrini, qui n’est lui plus à présenter, et sa direction impeccable dans les grands moments d’ensemble. Même si les parties en solo du madrigalesque monteverdien conviennent parfois moins aux chanteurs de la troupe. Pierre-René Serna Lors du troisième weekend de l'édition 2015 du festival, trois grands noms de la musique ancienne se succédaient sur le podium érigé dans le choeur de la cathédrale. Ottavio Dantone Le chef italien est venu en Bourgogne avec l'Ensemble de l'Accademia Bizantina de Ravenne, une formation dont il est le directeur musical depuis maintenant presque vingt ans; au programme figurait l'oratorio biblique Jephtha de Haendel. La direction énergique de ce musicien a quelque chose de jubilatoire dans l'attention soutenue qu'elle porte aux amalgames de timbres comme aux grandioses progressions sonores qui précèdent ces moments intensément dramatiques que sont, par exemple, la découver- «Armide» © Phil Léglise a c t u a l i t é Chœur de Chambre de Namur © Jacques VERREES te de l'identité de la victime promise aux dieux par le héros (la propre fille de Jephtha!) ou l'apparition in extremis de l'ange salvateur qui demande simplement à la jeune femme sauvée de l'immolation de consacrer sa vie à Dieu. Le jeu des instrumentistes italiens, d'une extrême versatilité, rend de son côté toute leur variété de tons aux atmosphères contrastées de cet oratorio qui, par bien des aspects, s'apparente à un opéra religieux : les cordes s'accordent en effet de subtile façon aux dessins raffinés des vents pour tisser un décor d'une variété confondante qui donne littéralement à voir ce que le concert en église ne peut que suggérer par la magie des sons. Le Chœur de Chambre de Namur, enthousiasmant à tous les points de vue, s'impose dès la déploration initiale des Israélites comme un partenaire primordial car il sait, grâce à ses interventions admirablement charpentées, donner leur poids dramatique juste aux nombreuses scènes où leurs voix essaient d'implorer le secours divin. La distribution, comme presque toujours à Beaune, se révèle de premier ordre. Martin Vanberg est un Jephtha en tous points royal avec son timbre tour à tour éclatant et puissant qui semble subtilement se fêler lorsque prend naissance chez lui le soupçon de la vraie nature de son serment. Le soprano aérien de Katherine Watson dessine d'Iphis un profil tout en délicatesse tant sa voix reste bien projetée dans le pianissimo le plus ténu. Gaëlle Arquez, une Storgé impériale au timbre conquérant mais jamais cassant, Delphine Galou, un Hamor au chant pénétrant, doux et suffisamment 'viril' pour rendre le travesti crédible, et Caroline Weynants, un Ange aux séductions vocales limpides et solaires, complètent cet ensemble remarquablement équilibré. Paul McCreesh Changement radical d'atmosphère le lendemain soir avec un King Arthur de Purcell enlevé avec dynamisme et impétuosité par un ensemble a c t u de neuf chanteurs assumant également les passages choraux. La soirée bénéficiait en plus de la liberté que donnait aux interprètes la possibilité de chanter sans partition pour jouer et mimer les situations invraisemblables du livret avec une joie d'improviser qui faisait honneur au génie théâtral du compositeur anglais. Très vite, l'absence de décor ou de réel plateau était oubliée tant la verve des acteurs-chanteurs et leur connivence avec le chef et les instrumentistes, amenés également à prendre une part active au déroulement de la pièce, permettaient à la magie de ce théâtre imaginaire de déployer tous ses artifices. Le Gabrieli Consort and Players, fondé en 1982 par Paul McCreesh, est habitué à jouer en effectifs variables. La promptitude des musiciens à saisir l'atmosphère d'une scène particulière, alliée à leur rapidité à adapter l'inflexion sonore de leurs instruments au chant ou à la prosodie musicale des rôles incarnés par les chanteurs attestent l'impressionnant degré de perfection formelle atteint par cet ensemble où le chef agit plus comme un spiritus rector que comme un directeur musical imposant sa volonté à ses musiciens. Dans le même esprit, les neuf chanteurs engagés se partagent les rôles sans que leurs noms ne soient spécialement mentionnés dans le programme de soirée, comme s'il s'agissait avant tout pour eux d'incarner l'esprit de la musique plutôt que de se profiler comme le soprano ou la basse en charge de tel ou tel rôle. Le résultat est tout simplement ahurissant. L'aisance des chanteurs à se glisser dans la peau d'un personnage, puis d'un autre, tout en caractérisant exactement la personnalité de l'un et de l'autre, force l'admiration. La séduction érotique du chant des soprani dans le Duo des Sirènes, par exemple, ou les effets comiques que tire la basse du fameux Air du froid remis à la mode par le chanteur pop Klaus Nomi ne s'acquièrent jamais au détriment de la beauté formelle de ces numéros. De fait, rarement le terme d'opéra populaire, a l i t souvent accolé à ce titre, aura semblé plus adéquat dans la mesure où il définit un genre où sont satisfaites toutes les attentes du public, des plus terre-à-terre aux plus sublimes, par un ensemble de musiciens qui savent toujours trouver le juste milieu entre le badinage qui convient à ce genre de spectacle et une surprenante ascèse de l'idée musicale leur permettant d'élever cette suite d'airs et de ritournelles souvent trop brefs au rang de drame grandiose et finalement bouleversant. On se contentera ici de citer les noms des chanteurs parmi lesquels il serait injuste de faire un tri au vu de la qualité suprême de chacune de leurs interventions: Sophie Junker, Grace Davidson et Anna Denis pour les soprani, Nicholas Mulroy et Jeremy Budd dans le registre ténor, David Clegg et Daniel Collins, altistes, Marcus Farnsworth et Ashley Riches, basses. René Jacobs A l'ancien contre-ténor belge revenait l'honneur de diriger le concert Bach de cette édition du Festival. Le programme, très original, comprenait deux cantates assez rarement exécutées en concert : l'Ode Funèbre BWV 198 et le drame profane Hercules auf dem Scheidewege BWV 213. Curieusement, René Jacobs a semblé peu inspiré par ces pages. L'accompagnement qu'il dirigeait à la tête du Helsinki Baroque Orchestra paraissait lourd, indifférencié au point de rappeler ces exécutions qui faisait florès dans les années cinquante du siècle passé. De la Trauerode, solistes, chef et instrumentistes n'offraient qu'une exécution terne, de ton tristement égal à lui-même tout au long de cette petite demiheure de musique; les voix des instruments se mêlaient en effet en un bouillon informe qui rendait le continuo à la fois pesant et inexpressif alors que les voix des solistes se cantonnaient dans une tonalité doloriste peu excitante. Dans la cantate dramatique construite autour de la personnalité pusillanime d'un Hercule assez inattendu, les quatre solistes, qui assumaient également les courtes parties chorales, paraissaient plus à l'aise, malgré la banalité du contexte instrumental, sans pourtant parvenir à donner un profil accusé aux personnages qu'ils incarnaient. Et pourtant, le contre-ténor balsamique de Benno Schachtner en Hercule ou le soprano affûté de Sunhae Im avaient des atouts à faire valoir!... Plus réservés, le ténor Julian Prégardien et la basse Arttu Kataja complétaient le quatuor vocal qu'on eût souhaité mieux soutenu du côté du pupitre de direction. Eric Pousaz é 65 f e s t i v a l s festival de verbier Atmosphères contrastées Difficile de faire un choix dans la programmation pléthorique d'un festival qui offre, plusieurs fois pas jour, l'occasion de découvrir de nouveaux talents ou de retrouver ces têtes d'affiche que toutes les salles de concert du monde s'arrachent... Valery Gergiev 66 Hôte régulier du festival valaisan, le chef d'orchestre russe proposait cette année un programme éclectique où se côtoyaient des partitions de Mozart, Ravel et Tchaïkovski, toutes construites sur un intéressant principe de théâtralité. Le Concerto pour trois pianos de Mozart ouvrait les feux avec, en vedettes, trois pianistes russes aux talents confirmés : Denis Matsuev. Daniil Trifonov et ... Valery Gergiev. Dirigeant depuis le piano, où il s'était réservé la troisième partie soliste, la plus facile, le chef axait son interprétation sur les curieux effets de stéréophonie et d'échos dont joue ici le musicien salzbourgeois. Les envolées virtuoses des deux jeunes musiciens, secondés dans la partie rythmique par un instrumentiste plutôt discret au 3e piano, soulignaient l'insouciance bondissante de cette page solaire entre toutes. L'orchestre, au son souvent trop épais, peinait parfois à seconder efficacement le jeu volatil des solistes, mais faisait tout de même preuve d'une belle réactivité dans la mise en place d'un accompagnement qui ne se contentait pas de jouer les faire-valoir. Le Boléro de Ravel servait de bande-son à la projection d'un film réalisé à Moscou lorsque la danseuse Maïa Plissetskaïa, récemment disparue, y dansait le Boléro réglé par Maurice Béjart. Si le film décevait par la qualité trouble de ses images et par une concentration excessive sur les mouvements de la soliste au détriment de la montée en puissance des pas et des mouvements réglés pour la compagnie de danseurs qui l'accompagnent, l'interprétation de Gergiev séduisait par le soin mis à faire ressortir les étonnants amalgames de sonorités savantes qu'y déploie le compositeur. La Symphonie No 6 'Pathétique' de Tchaïkovski mettait un point final éblouissant à ce concert : habitée de contrastes offensifs, riche en disjonctions de rythmes et en violentes oppositions de climats, cette version semblait faite pour le théâtre et aurait pu irriter par son côté ostentatoire si le chef n'avait su en enrichir le débit de touches remarquablement légères pour en alléger le sentimentalisme oppressant. (23 juillet) Manfred Honeck Changement radical d'atmosphère quelques jours plus tard avec la venue de Manfred Honeck, un chef autrichien à la gestique plus mesurée mais aussi plus sensible à l'intériorisation du propos. Sa direction nerveuse et précise donnait toutes leurs chances aux phases plus élégiaques du robuste Concerto de piano No 3 de Prokofiev, souvent emportées dans le maelstrom continu de fortissimos qui envahissent cette page à la fougue plutôt tonique. L'Orchestre du festival fut parfait de bout en bout et donnait Valery Gergiev © Nicolas Brodard a c t u a une démonstration impressionnante de savoirfaire technique et d'impétuosité acérée qui eût pu en remontrer à bien des ensembles symphoniques réputés. Le jeune pianiste ouzbek Behzod Abduraimov s'attaquait à la partie soliste et faisait comprendre en quelques notes pourquoi il a enthousiasmé le public londonien lors de ses débuts dans la capitale anglaise où il y a empoché le premier prix du Concours International de piano et remporté un succès confondant lors du concert final au cours duquel il interprétait ce même ouvrage. Se jetant à corps perdu dans cette partition tumultueuse, il ne freinait que rarement ses élans pour s'offrir le luxe de quelques mesures où son jeu d'irisait soudain de nuances chatoyantes avant de se retrouver plongé dans un combat d'une puissance presque frénétique livré contre les impressionnants déluges de notes que le compositeur s'est plu à déchaîner. En deuxième partie de soirée, le chef proposait de la Huitième Symphonie Manfred Honeck © Aline Paley de Dvorak une vision fougueuse, mais toujours superbement construite, qui mettait tour à tour en valeur l'excellence de contributions des premiers pupitres. Le martèlement rythmique des mouvements extrêmes, la sobriété de la démarche subtilement syncopée du 3e mouvement, et la beauté fascinante des parties réservées aux bois et aux cuivres marquaient au sceau de l'excellence cette vision plutôt tourmentée du génie du compositeur tchèque. Une Suite de valses tirées du Chevalier à la Rose de Strauss servait d'amuse-bouche en ouverture de concert; bruyante, échevelée, elle avait tendance à niveler par le bas un art de la caractérisation que les connaisseurs de la partition lyrique originale ont tout de même eu quelque peine à déguster en l'état. (26 juillet) l i t é f e s t i v a l s ment à un déchaînement sonore d'une puissance dramatique exceptionnelle qui couvrait impitoyablement le soprano léger de Sunhae Im, une spécialiste de la musique baroque complètement perdue dans ce contexte. L'acoustique du lieu, généreuse mais peu précise, a certainement joué un tour ici aux talents de magicien sonore d'un chef qui n'en maîtrisait pas toutes les défaillances... (29 juillet) Zubin Mehta entouré de sunhae Im et Okka von der Damerau © Nicolas Brodard Zubin Mehta La 2e symphonie de Mahler, dite Résurrection, représente un défi pour tout orchestre, à plus forte raison pour une phalange composée de musiciens qui ne se connaissent que depuis peu. L'Orchestre du Festival s'y est montré étincelant, sans pourtant parvenir à ce degré de fusion des timbres qui, seul, eût permis une interprétation subtilement différenciée de ce véritable Everest symphonique. Le climat populaire des premiers mouvements convenait idéalement à cet ensemble virtuose, attentif aux moindres glissements de rythmes ou assombrissements de nuances, mais parfois en difficulté avec les épineux problèmes d'équilibre sonore que tentait de réaliser la direction concise et d'un flux plutôt retenu du chef indien. Dès les premières mesures, construites avec un art suprême de la progression sonore, l'orchestre se profilait comme une formation solide, aux registres équilibrés et au jeu d'une pétulance affichée. La transition révélait pourtant quelques défaillances non dans la technique mais dans l'aptitude des musiciens à joindre la fluidité à l'élégance du jeu. Des moments d'intensité poignante succédaient ainsi à d'autres où les instrumentistes semblaient se laisser porter par la musique au lieu d'en maîtriser avec énergie le lent et lourd développement. Gagnant progressivement en confiance, l'orchestre établissait ensuite un contact plus soutenu avec le chef et rendait, par exemple, avec tout l'éclat nécessaire l'apparition presque furtive du thème populaire de ländler du 2e mouvement ou l'ironie amère et incisive du 3e. Avec l'irruption de la voix chaleureuse mais déjà presque trop épaisse et vibrante d'Okka von der Damerau, la densité instrumentale des effets éthérés recherchés par le chef gagnait encore en efficacité et en cohésion pour aboutir, dans la lente montée d'adrénaline du dernier mouve- a c t u Joshua Bell Ne s'improvise pas chef d'orchestre qui le souhaite. La piètre démonstration du grand violoniste qu'est Joshua Bell est là pour le rappeler. La soirée débutait par un Exultate jubilate de Mozart où le virtuose avait pris la place du premier violon pour diriger un orchestre au jeu épais et indifférencié. La voix somptueuse de Pretty Yende sauvait de la banalité cette exécution plutôt sommaire, même si l'on avait parfois l'impression que la soprano, dans la seconde partie de l'air surtout, avait une conception trop opératique de cette partition. Dans le Concerto de violon de Max Bruch, dont Joshua Bell jouait également la partie soliste, l'absence de chef se faisait cruellement ressentir. Complaisant jusqu'à en devenir sucré et sentimental, l'accompagnement orchestral ressemblait à ces soupes mélodiques que nous servent les superproductions cinématographiques dans les moments de prétendus abandons amoureux alors que le violoniste, qui tournait le dos à ses musiciens, se démenait pour amener un peu de vie dans un accompagnement qui tournait sur lui-même. Son jeu léger et superbement affûté séduisait certes toujours autant, mais il peinait à se faire entendre dans un 3e mouvement franchement bâclé. Une 7e Symphonie de Beethoven, dirigée avec impulsivité mais sans différenciation aucune par un chef agité en diable, achevait de prouver que l'artiste n'est pas (encore ?) un chef avec lequel il faut compter. (1er août) l'on excepte la récitation bien scolaire du Prologue par une Marthe Keller qu'on a entendue plus inspirée qu'en ce moment de pénible théâtre à l'ancienne. Parfaitement à l'aise à la tête d'une formation dont il est le chef attitré depuis maintenant de nombreuses années mais qu'il dirigeait cette année pour la première fois, le chef lausannois faisait scintiller chacune des innombrables voix de cette partition fascinante dont on peine parfois à croire qu'elle a été écrite en 1922 déjà, soit deux ans avant celle du Sacre du Printemps de Stravinsky!.. L'Orchestre du Festival était littéralement soulevé par les pulsions visionnaires d'un chef sous la battue puissante duquel prenaient corps les inquiétants mystères que recèlent les sept portes de ce château aux sortilèges à la fois lugubres et attirants. Portés par une main qui sculptait une interprétation voulue tempétueuse sans jamais devenir chaotique, les chanteurs se sont surpassés: Ildikó Komlósi, qui interprétait le rôle par cœur (c'est sa cent-cinquantième incarnation de Judith sur le podium ou sur un plateau d'opéra!) disposait d'un mezzo-soprano aux teintes claires et aux aigus magnifiquement dégagés alors que Charles Dutoit © Aline Paley Matthias Goerne, avec des moyens moins ouvertement impressionnants, donnait une tournure torturée, prenante et presque affectueuse, aux tourments du châtelain. En première partie de concert, la pianiste Khatia Buniatishvili survolait avec une stupéfiante aisance le Deuxième concerto de piano de Lizst dont la virtuosité enflammait l'auditoire mais que l'absence de caractérisation rendait bassement superficielle. (2 août) Eric Pousaz Charles Dutoit Le Festival s'est terminé sur une fulgurante interprétation du Château de Barbe-Bleue de Béla Bartók, convaincante de bout en bout si a l i t é 67 m u s i q u e entretien : david greilsammer Une Pluie d’Etoiles Le chef d’orchestre et pianiste David Greilsammer commente la nouvelle saison du Geneva Camerata, ensemble prestigieux dont il assure la direction avec Céline Meyer. Le Geneva Camerata est aujourd’hui synonyme d’éclectisme, de croisements de répertoires et de rencontres d’artistes venus d’horizons différents. Votre itinéraire musical et artistique vous prédisposait-il à faire partie d’un projet de cette ampleur ? 68 Artistiquement, j’ai eu la chance de faire un grand nombre de belles rencontres ces quinze dernières années avec des personnalités fascinantes venant de tous les univers. Lorsque je vivais à New-York, mes amis jazzmen m’emmenaient dans les clubs pour écouter des légendes vivantes improviser toute la nuit; quand j’ai vécu à Paris, j’ai eu la chance de rencontrer des compositeurs et peintres issus de l’avant-garde et des cercles d’art contemporain. Lors de mes voyages en Europe, il y a également eu la rencontre avec les ensembles baroques et j’ai ainsi pu me familiariser avec les instruments d’é- poque. Et puis sont venus les amis avec lesquels j’ai eu le plaisir de jouer les musiques du monde : musiques balkaniques, tziganes, klezmer, orientales, celtiques… et avec mon frère violoniste qui joue des musiques folkloriques, de la pop et du reggae - j’ai également pu donner des concerts assez déjantés. Tout cela vous conduisait donc naturellement à une aventure comme le Geneva Camerata… La genèse de cette fabuleuse aventure commence tout d’abord par une rencontre déterminante avec Céline Meyer qui est non seulement la directrice de l’orchestre mais aussi la force derrière cette extraordinaire entreprise. Ensemble, nous avons décidé de créer cet orchestre car nous avions les mêmes convictions, les mêmes rêves artistiques et surtout cette même sensation que l’orchestre du XXIème siècle pouvait et devait être plus accessible à tous, plus moderne, plus ludique et plus ouvert. Au départ, notre idée était de créer une plateforme artistique qui permettrait à des artistes issus de tous les univers de se rencontrer et d’élaborer ensemble des projets singuliers. Notre envie était de décloisonner le monde classique et de proposer une expérience plus vivante, plus novatrice et surtout plus ancrée dans notre monde actuel ; aujourd’hui, je pense que le Geneva Camerata est un réel espace de création dans lequel les rencontres jouent un rôle primordial - c’est ainsi que dans le cadre d’un seul concert, vous pouvez écouter du baroque, du classique, du contemporain, des musiques du monde, ou de voir une performance de danse ou de théâtre! Venons-en à la saison prochaine, avec tout d’abord, la Emmanuelle Béart © Driu & Tiago e n t r e David Greilsammer © cabinetdecreation.com série des « Concerts Prestige » durant laquelle vous allez accueillir des artistes mondialement connus. Les cinq « Concerts Prestige », proposés à l’abonnement, sont la plus grande vitrine de l’orchestre car en effet, ils accueillent des artistes prestigieux venus du monde entier. Nous allons recevoir des stars comme l’actrice Emmanuelle Béart qui participera à une nouvelle création musicale et théâtrale basé sur un conte de Marguerite Yourcenar. La musique a été spécialement écrite pour cet événement par une talentueuse jeune compositrice suisse, Cécile Marti. Nous sommes très heureux de mettre trois femmes à l’honneur pour ce concert d’ouverture de saison : une écrivaine, une actrice et une compositrice ! Sans oublier que nous accueillerons lors de cette même soirée le célèbre violoniste italien Giuliano Carmignola, qui interprétera le Concerto pour violon de Beethoven. Toujours dans les « Concerts Prestige », nous offrirons une carte blanche à Jean-Guihen Queyras, prince du violoncelle que l’on ne présente plus. Ensuite, le désormais traditionnel concert « classique & jazz » recevra l’un des jazzmen les plus aventureux de la scène internationale, Stefano Bollani, qui a déjà joué avec plusieurs légendes comme Chick Corea, Richard Galliano et Michel Portal ; après avoir reçu les pianistes jazz Yaron Herman et Jacky Terrasson ces dernières saisons, le public nous a fait part de son enthousiasme pour ces rencontres entre différents univers musicaux, donc nous continuons ! Une autre tradition du Geneva Camerata est celle de collaborer avec t i e n m u s i q u e une compagnie de danse et cette saison, nous travaillerons avec la compagnie « 7273 », bien connue à Genève. Son chorégraphe et danseur Nicolas Cantillon nous a proposé « Climax », une pièce atypique pour un « orchestre dansant et danseur » ! Une partition originale sera créée spécialement pour l’occasion par Ofer Pelz, jeune compositeur vivant à Montréal. Ce même concert sera également l’occasion d’entendre la célèbre soprano Sandrine Piau dans Rameau, Mozart et Britten… une soirée déployant tout l’éclectisme que nous affectionnons. Le dernier Concert Prestige de la saison, en forme de feu d’artifice, permettra d’entendre la soliste russe Viktoria Mullova dans le Concerto pour violon en mi mineur de Mendelssohn et pour la première fois, l’orchestre interprètera la 5ème Symphonie de Beethoven. Les amateurs de mystères et de magie ne seront pas déçus Schumann. Le deuxième événement sera consacré au monde des Gaulois et à la musique celtique, avec des clins d’œil à Astérix et Obélix ! Le troisième spectacle de la saison présentera « Platée, reine des Grenouilles », un opéra pour enfants avec de magnifiques marionnettes construites spécialement pour l’occasion. Nous souhaitons ainsi faire découvrir aux enfants le monde de la musique et de l’opéra avec humour, convivialité et enthousiasme. Le Geneva Camerata est le seul orchestre à Genève qui propose des « Concerts Sauvages ». Pourriez-vous nous parler de cette série très populaire ? La série des « Concerts Sauvages » est la plus folle que nous proposons. Chaque spectacle, d’une durée de soixante minutes sans entracte, présente des rencontres inattendues entre le On retrouve également cette saison un « Marathon GECA » ! Oui, c’est le grand retour ! A vrai dire, lorsque nous avions programmé le premier « Marathon » en 2014, nous pensions le faire qu’une seule fois. L’idée était de programmer, en l’espace d’une seule soirée, une cinquantaine d’artistes internationaux issus de toutes les disciplines et styles artistiques, avec un enchaînement fou de performances originales les unes après les autres. Puis, le succès de cet événement a été tel que nous avons décidé de proposer un nouveau « Marathon GECA » qui aura lieu le 27 octobre prochain. L’orchestre va-t-il poursuivre sa mission humaniste et caritative ? Oui, car cette mission nous tient fortement à cœur, ainsi qu’à nos musiciens. Nous avons nommé cette série de concerts « La Musique du Cœur » et nous y proposons des manifestations dans les hôpitaux, cliniques psychiatriques et foyers de la région. Nos musiciens se déplacent dans ces lieux et offrent des moments de musique, de partage et de convivialité aux patients. Un petit mot sur vos tournées ? Le Geneva Camerata est fier de porter le nom de Genève à l’international - le nombre d’invitations à se produire dans les grands festivals et salles de concerts grandit considérablement de saison en saison. En deux ans, nous avons déjà pu donner des concerts à Paris, Berlin, Londres, Istanbul, Eilat, ainsi que dans de prestigieux festivals en Suisse comme le Montreux Jazz Festival ou les Sommets Musicaux de Gstaad. Cet automne, nous donnerons des concerts à travers l’Europe et en Amérique Latine ! Une chose toujours frappante lorsqu’on assiste à un concert du Geneva Camerata est l’engagement absolu des musiciens sur scène… Sandrine Piau © Sandrine Expilly puisque les musiciens de l’orchestre se faufileront dans le public pour interpréter « Autoportrait dans la nuit » du compositeur italien Salvatore Sciarrino, pièce de toute beauté qui devrait faire voyager les auditeurs dans le monde du rêve… Pourriez-vous nous parler également des « Concerts en Famille » ? Cette saison nous présentons trois nouveaux spectacles originaux pour les enfants : pour commencer, le « Carnaval des Magiciens », qui accueillera le prestidigitateur et comédien Pierric Tenthorey dans un spectacle autour de e n t r classique et les musiques du monde. Cette saison, nous allons accueillir des grands Maîtres de la « world music » comme Ammar Toumi, virtuose du oud qui proposera un voyage musical imaginaire entre l’Inde, l’Iran, le Pakistan, la Turquie… ou encore Robin Girod, joueur de banjo et guitare qui explore les musiques irlandaise, bretonnes, américaines et antillaises. Sans oublier le troisième « Concert Sauvage » avec le rappeur genevois David Granite qui nous offrira une rencontre renversante entre Jean-Sébastien Bach et l’univers du rap et du slam ! e t i e J’ai une grande admiration pour les musiciens du Geneva Camerata : ils sont non seulement des virtuoses remarquables, mais aussi des musiciens dévoués, sérieux, curieux, et dotés d’un professionnalisme sans faille. C’est un réel plaisir de voir ces virtuoses se donner corps et âme sur scène, avec une telle générosité et créativité. Lorsque le public nous dit à quel point il est ému par la complicité qui existe entre nos musiciens et par leur enthousiasme, c’est l’un des plus beaux compliments qu’on puisse nous faire ! Propos recueillis par Christian Bernard n 69 m u s i q u e de Musique de Zürich, ainsi qu'une carrière de liedersänger qui le mène du Wigmore Hall de Londres, à la Philharmonie de Cologne, jusqu'au Lincoln Center de New York ou bien à la Schubertiade de Schwarzenberg. Il se produit aussi bien aux côtés de pianistes que de pianofortistes, arpentant les trois grands cycles schubertiens, ainsi que les Mörike Lieder de Hugo Wolf ou le Liederkreis op.39 de Robert Schumann. le ténor werner güra au festival amadeus Le cinquième évangéliste Le 9 septembre prochain, à la Grange de la Touvière, le public pourra assister au récital du ténor Werner Güra, qui interprétera des airs de Schubert et Schumann accompagnés par le piano de Fabrizio Chiovetta. 70 Pour son récital du 9 septembre prochain à la Grange de la Touvière, il a proposé au jeune pianiste genevois Fabrizio Chiovetta de l'accom- Ce Munichois de naissance est avant tout l'héritier d'une tradition qui a su imposer l'art du lied comme passage obligé dans toute carrière lyrique. Rien d'étonnant à ce que le public l'ait découvert en 2000 dans une superbe Belle Meunière de Schubert, gravée avec le pianiste ! Jan Schultsz. Elevé d'emblée au rang de référence, cet enregistrement fut le déclencheur d'une carrière marquée par un répertoire très vaste. Formé au Mozarteum de Salzbourg, c'est successivement auprès de Kurt Widmer à Bâle et Margreet Honig à Amsterdam qu'il acquit la maîtrise du chant. Sa voix de ténor fut très tôt repérée par Daniel Barenboim au Staastoper de Berlin ainsi que par le Semperoper de Dresde, qui l'engagea aussitôt. De 1994 à 1999, il fit ses premiers pas sur scène dans des rôles de Tamino, Ferrando et Don Ottavio et dans plusieurs opéras de Rossini - rôles qu'il chanta avec succès au Teatro Carlo Felice de Gênes, l'Opéra de Lille, La Monnaie de Bruxelles et de l'Opéra National de Paris, ainsi qu'au Festival für Alte Musik d'Inns! bruck. Philippe Herreweghe lui offrira la possibilité de chanter à Salzbourg dans Elias de Mendelssohn. Cette orientation vers un répertoire d'œuvres vocales-symphoniques et d'oratorios ne fit que se confirmer grâce à la collaboration avec Nikolaus Harnoncourt, sous la direction duquel il interpréta le Messie de Haendel et le Requiem de Mozart lors d'une tournée japonaise, ainsi que l'Oratorio de Noël de Bach au Musikverein de Vienne, les Saisons de Haydn et la Création au Festival Styriarte de Graz, ainsi que la Messe en mi bémol majeur de Schubert, a Amadeus-Gura, Werner_c_MonikaRitterhaus - copie Scènes de Faust de Schumann et la Missa Solemnis de Beethoven avec le Concertgebouw d'Amsterdam. Familier aussi bien des formations sur instruments modernes que sur instruments anciens, Werner Güra avoue une prédilection pour le rôle de l'évangéliste dans les deux Passions de Jean-Sébastien Bach. À mi-course entre l'expressivité théâtrale et l'introversion du lied, cette partie de narrateur offre à son timbre clair et une palette de couleurs très étendue, un cadre dans lequel il prend ses marques avec un naturel confondant. Que ce soit avec le RIAS Kammerchor, le Collegium Vocale Gent ou le Concentus Musicus Wien, ses apparitions à la scène comme en studio emportent immédiatement l'adhésion de l'auditeur. pagner dans une sélection de lieder de Schubert et dans le cycle des Amours du poète de Schumann. Entre gris-clair et vert nocturne, la voix de Werner Güra saura avec certitude se frayer un chemin jusqu'au cœur du public du Festival Amadeus. David Verdier Mercredi 9 septembre 2015 Festival Amadeus, Grange de la Touvière - Genève WERNER GÜRA ténor FABRIZIO CHIOVETTA piano Franz Schubert : Der Wanderer / Wandrers Nachtlied I / Sehnsucht / Der Einsame / Winterabend / Bei Dir allein / Willkommen und Abschied Robert Schumann : Dichterliebe op.48 Souvent comparé à Peter Schreier, il mène de front des activités d'enseignant à l'Académie c t u a l i t é m u s i q u e valery gergiev et l'orchestre du mariinsky à genève Un homme pressé Le directeur artistique du Théâtre Mariinsky de Saint-Pétersbourg est un véritable 'fou' du travail. Son agenda pour le mois de septembre signale sa montée sur le podium quasiment chaque soir dans une longue tournée qui le mènera d'Italie en Allemagne en passant par la Suisse et les Pays-Bas avant que le maestro ne se retrouve dans la fosse et sur le podium de son théâtre pour deux concerts et quatre représentations d'opéra avant la fin de ce même mois (Lohengrin, Khovantchina, La dame de Pique et Le Gaucher de Chtchédrine... Excusez du peu!). Qu'est-ce que l'âme russe Dans une interview accordée au journaliste Bruce Duffie avant une série de concerts donnés à Chicago, Valery Gergiev est amené à parler de la différence de sonorités entre les orchestres américains ou européens et les ensembles russes. Sa réponse, dans un premier temps, étonne. Pour lui, en effet, tous les orchestres peuvent exceller dans le répertoire russe s'ils trouvent la clef de ce qu'il appelle l'âme russe. Pour citer l'artiste, celle-ci s'exprime au travers d'une qualité particulière de brillance et de mordant dans le jeu des musiciens qui permet à la musique de 'parler' directement à la sensibilité de l'auditeur. Cette faculté n'a donc rien à voir avec le passeport des musiciens!... Au contraire, selon lui, il est réjouissant d'entendre que la musique des compositeurs russes, abordée par des formations de sensibilités et de traditions différentes, révèle à chaque audition des qualités restées voilées dans d'autres approches qui n'étaient pas nécessairement moins 'bonnes' ou moins 'justes'. Ces différences se retrouvent d'ailleurs entre les divers orchestres de son pays, et il va même jusqu'à dire qu'il y a parfois moins de différence entre le jeu de son orchestre et celui de certains musiciens européens ou américains qu'entre les interprétations entendues à Moscou et Sat-Pétersbourg! Interrogé sur ce qu'il considère comme le plus juste au regard de sa propre culture, le chef répond qu'il ne lui appartient pas de formuler un jugement définitif dans ce domaine, et que le plus important reste de trouver un axe interprétatif qui émeuve directement l'auditoire auquel il s'adresse. Lorsque le journaliste tente de lui faire définir ce qui différencie le travail de mise au point d'une symphonie de Tchaïkovski avec un orchestre russe ou un orchestre européen, Valery Gergiev mentionne d'abord les conditions de travail qui diffèrent grandement. En Europe ou en Amérique, le temps de répétitions est calculé au a c t u plus juste. Et comme, malgré leur célébrité, les partitions de Tchaïkovski sont tout de même moins souvent inscrites au répertoire de ces formations que les pages de Debussy, Beethoven ou Mahler, la préparation d'un concert doit s'articuler sur d'autres critères. Dans le répertoire romantique, il faut pouvoir faire confiance à son instinct et laisser une part de l'interprétation à l'inspiration de l'instant. La prise de risque, en concert, est en effet un des facteurs essentiels à rendre excitante l'expérience du 'live'. Ce qui se fait presque spontanément en Russie demande ainsi un travail plus détaillé et parfois plus lent et chronophage en Europe ou en Amérique. Mais. de son côté, le musicien russe doit parfois lutter contre une forme pernicieuse d'habitude, qui vire facilement au bâclage ou à la négligence du détail par manque de fraîcheur dans l'instant. A final, il est heureusement impossible de dire si l'une ou l'autre approche est la meilleure car par des chemins détournés, chaque ensemble peut prétendre à une forme de perfection, ici comme ailleurs! Retour à la 'Pathétique' En juillet dernier, dans le cadre du Festival de Verbier, Valery Gergiev interprétait la Symphonie no 6 de Tchaïkovski avec la complicité des jeunes musiciens du Verbier Festival Orchestra. A Genève, il dirigera ce même ouvra- a l i t ge avec son orchestre du Théâtre Mariinsky. La comparaison promet d'être enrichissante. Sa conception d'une telle musique a en effet évolué au fil des ans et reste magnifiquement documentée, avec notamment deux CDs enregistrés l'un à Vienne et l'autre à Saint-Pétersbourg. Divers concerts comprenant cet ouvrage ont en outre été diffusés par la radio notamment avec le concours des musiciens de l'Orchestre philharmonique de Rotterdam, dont il fut le chef principal de 1995 à 2008 et du London Symphony Orchestra, aux destinées duquel il préside depuis 2007. Une écoute en parallèle de ces témoignages montre un chef toujours plus attentif à acérer le trait au risque parfois d'enlever une certaine théâtralité à ces pages où le tempérament dramatique du compositeur est superbement mis en évidence. Les tempi choisis ont également tendance à s'assouplir, voire à se ralentir comme dans le 2e mouvement ou dans le final qui se termine quasiment en point d'interrogation sur un lent retour au silence. Gageons qu'à Genève, où le chef pourra bénéficier de la présence d'un orchestre dont il a façonné la sonorité depuis de si nombreuses années, cette Symphonie Pathétique permettra de faire le Valery Gergiev point sur la conception actuelle que se fait cet immense artiste d'une des partitions qui lui tient le plus à cœur à en juger par le nombre de fois qu'il l'inscrit à ses programmes de concert. Eric Pousaz Genève, Victoria Hall me. 9 sept, 20 h : Valery Gergiev dirige l'orchestre du Théâtre Mariinsky. Au programme: Roméo et Juliette, suite tirée du ballet de Prokofiev, et Symphonie no 6 de Tchaïkovski dite 'Pathétique' Location : Service culturel Migros, 022/319.61.11 é 71 m u s i q u e saison Contrechamps Lors sa première saison (2013-2014) en tant que directeur artistique, Brice Pauset appelait de ses vœux une “redéfinition des axes trop étroits définis par l’histoire musicale récente, par l’emprunt de chemins laissés en jachère; pour enfin, “hors piste”, dessiner une nouvelle carte de la situation de la création musicale actuelle, plus en accord avec la réalité foisonnante de notre temps et de notre rapport à l’Histoire”. 72 Le “hors piste” de sa saison initiale s’est mué en une “tectonique des plaques” pour cette saison 2015-2016, soit une redéfinition d’une cartographie qui se polarise en convergences et décrochements, qui eux-mêmes se situent autant à l’intérieur des œuvres, que dans leur inscription esthétique et temporelle, et leur réception intellectuelle ou sociale. Ainsi la programmation tend à mettre en lumière les différentes esthétiques apparemment contradictoires desquelles sont nées certaines œuvres, et leurs possibles dépassements. Le premier concert dirigé de la saison, le 29 septembre, proposera notamment la collision de l’icône rock Franck Zappa avec le jazzman John Zorn, lui-même au centre d’une diversité esthétique remarquable. Dialogueront avec ces deux pôles une œuvre de Conlon Nancarrow et la création commandée par l’Ensemble de Lisa Lim Speak, be silent. Ce premier événement passé, l’Ensemble se lancera dans une série de concerts qui l’amènera à explorer d’autres contrées que sa terre genevoise originelle. Le 17 octobre, il se produira pour la première fois dans les Donaueschinger Musiktage dans un programme (Patrick Franck: Freiheit-La société utopique) repris le 13 février à Zürich. Le concert “Nouvelles de Ljubljana” sera ainsi d’abord donné à la Philharmonie Slovène le 25 octobre avant d’être repris à Genève le 27 octobre, puis en Allemagne le 29 avril. A partir du 30 octobre les Romands pourront assister à la reprise de l’Histoire du soldat par le Teatro Malandro avec des dates à Fribourg (30-31 octobre), Yverdon (4-5 novembre) et Vevey (7-8 novembre), et par la suite ce spectacle atteindra aussi la France (Belfort les 12-13 novembre et Caen les 2-3 décembre). Ces tournées comprendront également la reprise du programme “Inventiones latinas”, donné le 23 mai à l’Alhambra le 24 mai à la Tonhalle de Zürich. Multiples voyages Cette exploration littérale de la cartographie européenne se fera de façon plus suggestive et minimale dans les habituels rendez-vous de musique de chambre. Le premier, le 8 novembre, proposera une réflexion sur le Surréalisme, avec un intérêt particulier autour de la figure d’Antonin Artaud (John Zorn, “Le Mômo”, et une improvisation autour de “Jet de sang”). Le 6 décembre offrira un regard original sur un aspect folklorique de la ville de Genève, avec des détournements d’éléments caractéristiques de la fête de l’Escalade : piccolo et percussion offriront une alternative intéressante aux fifres et tambours! On trouvera également des détournements d’hymnes et de chants traditionnels dans les œuvres d’Holliger, de Galina Ustvolskaya et de Le violoniste David Grimal participera au premier concert dirigé de la saison, celui du 29 septembre © Gilles Abegg a c t u a Lachenmann. La figure de Gervasoni sera convoquée à travers la parution d’un nouvel ouvrage et d’un concert le 7 février, puis l’on pourra réentendre une œuvre majeure de Grisey, Vortex temporum, le 6 mars au Musée d’Ethnographie. Le 17 avril verra se juxtaposer des pièces de Schütz et Lachenmann, avec la participation de l’Ensemble vocal Séquence, puis le 1er mai contribuera à une réflexion sur la musique électronique et la provenance des sons, avec des oeuvres de Chiyoko Szlavnics, Steven Kazuo Takasugi et Karlheinz Stockhausen. Le mouvement, actif comme interne, sera à l’honneur du concert du 17 novembre, où l’on pourra entre autre, entendre les Improvisations I et II sur Mallarmé de Boulez avec la soprano Yeree Suh. Les concerts du 26 janvier et du 18 mars offriront des passarelles vers les nouvelles générations de musiciens, grâce à la collaboration avec le CMgo et l’Académie d’orchestre de la Haute Ecole de musique de Genève. La voix sera aussi à l’honneur le 14 juin avec Kai Wessel dans Beiseit de Holliger et le 23 février avec la présence de la grande mezzo-soprano dramatique Yvonne Naef, qui interprètera aux côtés de Stephan Rügamer une version pour ensemble de Das Lied von der Erde de Mahler, en parallèle à l’exécution de Funérailles de Ferneyhough. Lors du dernier concert de la saison, nous aurons l’occasion d’entendre deux commandes de l’Ensemble Contrechamps, des créations de Clemens Gadenstätter et de Marta Gentilucci. Comme chaque année, Contrechamps proposera des activités de médiation diverses, et continuera son travail de diffusion d’écrits sur la musique contemporaine, avec la parution à venir d’ouvrages sur Ives, Gervasoni, et des essais sur Webern, Debussy et Boulez. Ainsi cette saison nous proposera de multiples voyages, nous invitant non seulement à la découverte de nouveaux horizons, mais aussi à explorer des géographies plus discrètes. Le terme de direction, pour parler de la fonction de Brice Pauset à Contrechamps, implique donc plus que jamais sa signification première : celle qui sous-entend l’orientation. La direction, qui éclaire donc plus qu’elle n’impose, est évidemment issue d’une subjectivité profonde; c’est en cela que l’on rejoint le coeur du vivant. Anouk Molendijk Informations et réservation: www.contrechamps.ch, +41 22 329 24 00 l i t é m u s i q u e festival amadeus Le programme du 8 septembre Ensemble vocal de poche L’Ensemble vocal de poche, dont Frederik Sjollema est le cofondateur, a vu le jour en 2007. Il est formé de chanteurs qui se sont côtoyés dans l’Ensemble vocal de Michel Corboz, puis dans d’autres ensembles, et qui donc se connaissaient de longue date. L’intention était de se réunir pour interpréter, sans chef, des œuvres choisies en fonction des affinités musicales du groupe. La musique de Byrd, tout comme celle de Pärt, est raffinée et bien écrite. Il est essentiel pour l’Ensemble vocal de poche de choisir des œuvres fortes et émouvantes, et aussi d’avoir l’occasion de confronter des époques différentes. Il doit y avoir un fil conducteur, une cohérence, mais les ruptures, les surprises sont indispensables. A la Renaissance on ne présentait évidemment pas la Messe pour quatre voix de Byrd sous la forme que le public découvrira au Festival Amadeus. Mais l’époque n’était pas sans se livrer aussi à des pratiques surprenantes ; par exemple celle qui consistait à écrire des messes sur la musique des chansons populaires. Ensemble Vocal de Poche Le groupe fonctionne sur l’écoute de l’autre, et non sur l’obéissance à un chef qui imposerait ses conceptions. Bien sûr il n’est pas toujours aisé de se mettre d’accord : il faut savoir ce que l’on peut se dire et surtout comment on le dit. La solution trouvée est l’enregistrement des répétitions, qui permet à chacun de se contrôler d’une oreille critique. Cela évite les vexations provoquées par les remarques des uns ou des autres, et les réactions qui pourraient être explosives. Le travail commence par un projet issu d’une idée de l’un des membres ; on décide alors à qui incombera la mission de porter le projet, de chercher les partitions notamment. Une deuxième personne se charge ensuite de la a c t u cohérence du concept, de l’ordre des pièces. Enfin on procède à des essais pour s’assurer que le tout est convaincant. Les répétitions ne sont ni simples à organiser, ni régulières ; leur fréquence dépend des concerts à préparer. Le plus souvent l’effectif est de huit chanteurs, parfois six, choisis selon leurs disponibilités. Frederik Sjollema, avec l’aide de Philip Nielsen, s’occupe de l’administration et des contacts. Il a de l’expérience dans ce domaine, puisqu’il a rempli le même rôle pour Michel Corboz, Laurent Gay (Ensemble vocal Séquence) et Stephan MacLeod (Gli Angeli). La participation d’un instrumentiste, qui enrichit la palette sonore des voix, est le plus souvent requise. a Il s’agit du même programme que celui du concert inaugural de l’Ensemble vocal de poche en 2007 : la Messe pour quatre voix de William Byrd et le Magnificat d’Arvo Pärt. Ces œuvres seront présentées d’une façon originale, à savoir entrecoupées par les interventions de Margaret Harmer, qui improvisera sur des cloches médiévales, l’orgue n’étant plus sollicité comme au premier concert. Ces cloches, sur lesquelles la percussionniste frappe, sont suspendues à un rail métallique. Elles ont été fondues à Londres sur la demande de Margaret Harmer et ne sont pas tout à fait « accordées » du point de vue harmonique, ce qui leur donne justement un côté « médiéval ». Elles sont en résonance avec le style tintinnabuli (cloches ou clochettes) d’Arvo Pärt, procédé de composition musicale se référant aux tintinnabules utilisées dans la liturgie catholique. Le Magnificat sera également entrecoupé par d’autres pièces de Pärt : Summa et Da Pacem Domine. l i t Les chanteurs de l’Ensemble qui participeront au concert : Gyslaine Waelchli, et MarieHélène Essade, sopranos, Josquin Gest et Christelle Monney, altos, Simon Jordan et Tristan Blanchet, ténors, Frederik Sjollema et Philip Nielsen, basses Le programme du 8 septembre a fait l’objet d’un enregistrement paru en décembre 2014 qui peut être commandé sur le site : www.evpoche.com D’après des propos recueillis par Martine Duruz é 73 m u s i q u e septembre Agenda romand Le 70e Septembre Musical de Montreux-Vevey, le week-end des Vibrations de Bonmont et la grande fête organisée à La Chaux-de-Fonds autour de la réouverture de la célèbre Salle de Musique constituent, avec à Bienne la Schubertiade d’Espace 2, les événements les plus marquants du mois. Ajoutons-y deux manifestations très prisées des Romands en terre alémanique, le Festival Menuhin de Gstaad, qui jette ses derniers feux, et le Zermatt Festival, qui se tiendra du 11 au 20 septembre dans la belle station valaisanne. 74 A Lausanne, à la Cathédrale, le Chœur Pro Arte et le Chœur de Chambre de l’Université de Fribourg, préparés par Pascal Mayer, se joindront au Sinfonietta de Lausanne pour interpréter en première suisse, sous la conduite d’Alexander Mayer, la cantate Prayers of Kierkegaard (1942-1954) de Samuel Barber, ainsi que la Symphonie No 2 « Lobgesang » de Mendelssohn. (je 24) A la Salle Paderewski, en ouverture de sa 35e saison, les Concerts de Montbenon lon et cordes de Mendelsshon et le Carnaval des animaux de Saint-Saëns. (ve 25) Au Théâtre de Beaulieu, le prestigieux Mikhailovsky Ballet de Saint-Pétersbourg dansera sur des musiques de Schubert, Debussy et Arvo Pärt, en ouverture de saison de l’Opéra de Lausanne. (me 30 sept. et je 1er oct.) A l’Eglise St-François, les vingt-six chanteuses du Mystère des Voix Bulgares présenteront des œuvres de leur répertoire, en hommage à l’ethnomusicologue Marcel Cellier. (di 6) A Martigny : Cecilia Bartoli © Ueli Weber / DECCA accueillent l’Orchestre des Variations Symphoniques, conduit par Luc Baghdassarian, directeur artistique de cette formation fondée en janvier 2014, ainsi que les pianistes Sylviane Deferne, Brigitte Meyer et le violoniste Mario Hossen dans le Concerto pour deux pianos K.365 de Mozart, le Concerto pour piano, vio- a A Ecublens, à la Galerie du Pressoir, la pianiste polonaise Dominika Szlezynger, diplômée du Conservatoire de Genève, se produira en récital. (di 6) A Chéserex, à l’Abbaye de Bonmont, cinq concerts sont programmés du vendredi 25 au dimanche 27 à l’enseigne des « Vibrations de c t u a Bonmont ». Se produiront successivement le Chœur d’hommes basque Oldarra (signifiant élan, impulsion) de Biarritz (ve 25), un quatuor instrumental varié qui mettra en valeur des « Résonances d’Est en Ouest », puis un chœur féminin qui fera entendre des chants polyphoniques de monastères de femmes, ainsi que les Voix de Lausanne, ensemble fondé en 2012 par Dominique Tille, dans les poignantes Vêpres pour chœur mixte a capella (1915) de Serguei Rachmaninov. (sa 26) Suivront le lendemain l’Ensemble vocal Amaryllis de Rolle, conduit par Christine Mayencourt, qui mettra son talent au service de « Chants de louange au cours des siècles », et enfin, Sœur Marie Keyrouz et son ensemble chanteront « La Passion selon les Eglises orientales ». (di 27) A Sainte-Croix, à la Salle communale, l’Ensemble vocal L’Auberson présentera l’opéra comique L’île de Merlin ou Le Monde renversé de C.W. Gluck. (sa 26) A Mézières, au Théâtre du Jorat, est annoncée une « Fête aux chœurs », par deux chœurs dirigés par Dominique Tille, avec le Trio Nørn et le Boulouris 3+3. (di 13) A Montreux-Vevey, le 70e Septembre Musical, commencé le 27 août, se poursuit dans diverses salles jusqu’au jeudi 10 septembre. Informations sur : www.septmus.ch A Martigny, à la Fondation Gianadda, concert hors abonnement de la mezzo-soprano Cecilia Bartoli et d’I Barocchisti, conduits par Diego Fasolis, pour une soirée « De Venise à Saint-Pétersbourg » (me 2). Les mêmes interprètes seront à l’Eglise de Saanen à l’enseigne de « A la cour des tsars ». (ve 4) Au même endroit, concert décentralisé du Festival de Zermatt, par Christian Zacharias et le Scharun Ensemble de la Philharmonie de Berlin. Au programme figurent des œuvres de Mozart, Scarlatti et Beethoven. (ma 15) A Sion, à la Fondation de Wolff, le Quatuor Beethoven jouera des œuvres de Mendelssohn et de Brahms (ve 4), et au Glarier, les vingt accordéonistes de Bulle donneront un concert de musique classique sous la direction de leur chef Lionel Chapuis. (sa 19) A Zermatt, le festival accueille du 11 au 20 le Scharun Ensemble Berlin et le Zermatt Festival Orchestra, les pianistes Christian Zacharias (également comme chef), Joachim Carr, Fabrizio Chiovetta, Cédric Pescia avec la violoniste Nurit Stark, Michel Dalberto avec le baryton Stephen Genz, la soprano Regula Mühlemenn, le violoniste Shmuel Ashkenasi, l’altiste Blythe Engstroem et le Trio Nota Bene. l i t é m u s i q u e Symphonies No 31 « Paris » et No 36 « Linz » de Mozart compléteront le programme. (sa 5 et di 6) Au Palais des Congrès, l’Orchestre Symphonique Bienne Soleure donne son premier concert d’abonnement de la saison, sous la direction de Kaspar Zehnder, avec le Chœur TOBS. Au programme figure une rareté, la Suite « Genesis » (1945), qui réunit des pages de Schönberg, de Shilkret, de Tansman, de Milhaud, de Castelnuovo-Tedesco, de Toch et de Stravinsky. (me 9) Au Stadttheater, Première du Comte Ory de Rossini, conduit par Marco Zambelli, avec une mise en scène, des décors et des costumes réalisés par Pierre-Emmanuel Rousseau. (ve 25) A l’Abbatiale de Bellelay, l’Ensemble baroque Eloquence présentera des « Dialogues à deux chœurs », avec des pages de Schein, Schütz, Scheidt et du Graduel de Bellelay. (di 20) A Martigny et Zermatt : Scharun Ensemble Berlin © Ghandtsch Rens : www.zermattfestival.com A Gstaad, sous la tente du festival, concert de clôture du Menuhin Festival, avec les Wiener Symphoniker conduits par Philippe Jordan, chef attitré de cette formation depuis le début de la saison 2014-15. Au programme figurent le Concerto pour violon de Brahms, avec Nikolaj Znaider en soliste, et la Symphonie No 8 (ex-9e) « La Grande » de Schubert. (sa 5) Rens : www.gstaadmenuhinfestival.ch A La Chaux-de-Fonds, un week-end de fête est annoncé du vendredi 11 au dimanche 13 pour la réouverture et les 60 ans de l’emblématique Salle de musique, qui vient de subir d’importants travaux de rénovation. Le Nouvel 75 A La Chaux-de-Fonds : Gautier Capuçon © Gregory Batardon Ensemble Contemporain et l’Ensemble Symphonique Neuchâtel, conduit par Alexander Mayer, avec le violoncelliste Gautier Capuçon et l’organiste Philippe Laubscher en solistes, ouvriront les feux le vendredi soir. Tous les concerts sont gratuits. Rens : www.tpr.ch A Bienne, pour la 19e Schubertiade d’Espace 2, près de 150 concerts seront donnés durant le premier week-end de septembre dans une quinzaine de lieux au cœur de la ville. Bertrand de Billy sera à la tête de l’Orchestre de Chambre de Lausanne pour le concert de gala du samedi soir, avec le pianiste Pascal Rogé, soliste du Concerto No 2 de Saint-Saëns. Les A Bienne : Pascal Rogé a c t u a l i t A Porrentruy, à l’Eglise des Jésuites, à l’enseigne de « Vers le style galant », des pièces de J.S. Bach et de ses fils, ainsi que de Vivaldi, seront proposées par l’organiste Michael Radulescu, qui termine par ailleurs l’enregistrement d’une intégrale Bach d’une trentaine de CD sur le fameux orgue Ahrend de l’édifice jurassien. (di 6) A Fribourg, au Théâtre Equilibre, le Ballet Preljocaj présente Spectral Evidence sur une musique de John Cage et La Stravaganza sur des musiques de Vivaldi et de comédies musicales chorégraphiées par Angelin Preljocaj. (ve 25) Yves Allaz é e x p o s i t i o n s figures dominantes du paysage artistique du XXème siècle, à savoir le Français et son meilleur ennemi, Picasso ? Elle eut été d’autant plus fructueuse que l’on a déjà naturellement tendance à les mettre en résonance. fondation gianadda Matisse et son temps Pour son affiche estivale, la Fondation Gianadda resserre les liens étroits et amicaux déjà tissés avec le Centre Pompidou en reprenant l’une de ses expositions, enrichie pour l’occasion d’œuvres de collections suisses. Matisse et son temps vise à replacer l’immense figure du XXème siècle dans son contexte artistique, au fil de ses évolutions successives, et à faire dialoguer ses œuvres avec celles de ses contemporains et même suiveurs, afin de démontrer que la production du Français ne naquit pas d’un cerveau isolé, aussi génial fut-il. 76 Si le concept de l’exposition, qui se veut prolixe et éclairant, s’articule autour d’un dialogue entre le peintre et ses confrères, il se révèle aussi à double tranchant. En effet, les forces d’une telle approche se révèlent a priori limpides : elle permet de dégager lisiblement les éventuels liens d’influence mutuelle entre un artiste et ses pairs, ou au contraire peut agir tel un coup de projecteur sur une singularité affirmée dont la production semble fonctionner en autarcie. Elle donne en outre souvent à voir l’esprit d’une époque, ou alors son contraire, un art hors du temps et des repères connus. Une telle exposition se veut aussi, en principe, plus riche et variée, et enfin, la temporalité plus étendue permet d’englober les précurseurs et descendants. Une voie propre A contrario, les faiblesses d’une telle approche thématique ne font qu’exacerber ses risques inhérents : cessant d’être monographique, l’impact d’une telle exposition peut s’en voir singulièrement dilué, et le spectateur, venu pour admirer Matisse, peut logiquement rester sur sa faim et se plaindre de voir le grand peintre littéralement noyé au milieu des autres toiles. La lecture autant que la lisibilité du parcours du chantre du soleil méridional risque aussi de s’en trouver altérée, et l’on pourrait passer à côté soit d’une linéarité construite, étapes par étapes, soit de points de rupture successifs. Last but not least, l’intitulé de l’affiche en réalité collective serait-il une tromperie sur la marchandise ? Pourquoi ne pas proposer alors une éblouissante bataille de titans entre les deux L’ambivalence de Matisse en tant qu’objet d’étude dans l’histoire de l’art permet de faire un premier pas moins frustrant en direction de l’exposition du Centre Pompidou. Le Français reste en effet un artiste intellectualisant réellement sa discipline, réfléchissant aux concepts et écrivant beaucoup. Mais sans ce dialogue avec ses contemporains, et avant lui ses maîtres tel Gustave Moreau, qui l’affranchissent des carcans académiques, Matisse n’aurait probablement pas pu oser autant qu’il a par exemple osé lors de sa période Fauve, où la couleur explose les barrières du réel : l’audace ne se définit en fin de compte que par rapport aux autres. La force des très grands artistes, c’est aussi de dépasser cette double barrière faite de réflexion et de confrontation : l’évolution de leur production ne faiblit pas qualitativement, et c’est particulièrement vrai pour Matisse, qui à chaque étape semble aller plus loin. Ainsi, entre cubisme et abstraction, les deux révolutions artistiques du siècle dernier, Matisse poursuit sa propre voie tout en s’y intéressant avec un intérêt particulièrement vif. Il entretint ainsi une fidèle amitié avec le cubiste de la première heure Juan Gris, et sa Porte-fenêtre à Collioure (1914), qui fait presque figure d’ovni dans sa production, traduit un écho certain sans jamais franchir le pas. Par contre, les sculptures du Français se rapprochent beaucoup plus des œuvres cubistes de certains de ses pairs. Mais Matisse ne cède pas plus à l’abstraction qu’au cubisme, et dans l’immédiat entredeux guerres, il se replie comme Picasso ou Derain dans un classicisme évident, fait de figures féminines, d’odalisques, et vers un goût pour l’ornementation aux antipodes de l’abstraction. Et comme les plus grands avant lui, le crépuscule de la vie du peintre livre une intensité d’expression maximale en un minimum de moyens, la série de papiers colorés découpés Jazz sonnant comme un point d’orgue simple, précis, lumineux, où la symbiose de la couleur et du graphisme des formes se mêle à celle de la poésie des intitulés. Sarah Clar-Boson Henri Matisse «Jazz ( Le cheval, L'écuyère et le clown)», 1947. Planche gravée en couleur exécutée au pochoir, 42,5 x 65,5 cm. Centre George s Pompidou, Musée national d’art moderne, AM 10894 GR (1-20) © Succession H. Matisse / 2015, ProLitteris, Zurich / Photo © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / Jean-Claude Planchet a c t u a Matisse et son temps, Fondation Pierre Gianadda, Martigny, jusqu’au 22 novembre 2015 l i t é [ CONCERTS DU DIMANCHE ORCHESTRAL ] 17 HEURES 0 4 10 2015 S in f o n i e t t a Sinfonietta Hong H on g Kong K on g YIP WING-SIE DIRECTION PAUL MEYER CLARINETTE Joyce T Joyce Tang ang W Wai-Chung ai-Chung ((Hong Hong K Kong) ong) Clear Light C lear L ight Wolfgang Mozart W olfgang Amadeus Amadeus M ozart Concerto pour majeur K.. 6 622 C oncerto p our clarinette clarinette een n lla a maj ma jeur K 22 Félix Mendelssohn F élix M endelssohn Symphonie n°° 3 een mineur 56 Ecossaise S ymphonie n n lla am ineur oop. p. 5 6 Ec ossaise Genève, ville de culture www.ville-geneve.ch www .ville-geneve.ch S C ÈN E SCÈNE CULTURELLE C ULTURELLE DE D E LA L A VILLE V ILL E DE D E GENÈVE G EN È V E BILLETTERIE: B ILLET TERIE: Espace Esp ace V Ville ille de de Genève, Genève, Maison Ma ison des arts du Tourisme, des a r ts d u Grütli, Grütli, Genève G e n ève T ourisme, Cité Cité Seniors, S e n i o r s, Victoria Hall heure V i c to r i a H all (une (une h eure avant avant le le concert). concer t). RENSEIGNEMENTS: 418 RENSEIGNEMENTS: 0800 080 0 418 418 4 18 (Suisse) (Suisse) +41 + 41 22 22 418 418 36 36 18 18 ((Etranger) Etranger) BILLETTERIE B I L L E T T ER I E EN EN LIGNE: LIGNE: http://billetterie-culture.ville-ge.ch http://billetterie-culture.ville-ge.ch PRIX: PRIX: plein plein tarif tarif CHF CHF 25.25.- CHF CHF 15.-, 15.-, Tarifs Tarifs réduits r é d uits CHF CHF 13.-, 13.-, CHF CHF 10.-, 10.-, CHF CHF 8.8.- Abonnements A b o n n e m e nt s CHF 144.144.- et et CHF CHF 96.-Chèques 96.-Chèques culture culture acceptés. acceptés. CHF Salle d’une Salle équipée équipée d ’une boucle boucle magnétique magnétique pour pour malentendants. malentendants. Accès Accès pour pour handicapé handicapé expos itions Aix Caumont en FRANCE Chantilly Centre d’Art : Canaletto - Rome, Londres, Vienne. Jusqu’au 20 septembre. l Annemasse Villa du Parc : Constellation. l Jusqu’au 20 septembre. Arles Divers lieux : Les Rencontres l photographiques - premier festival international de photographie. Jusqu’au 20 septembre. Avignon Collection Lambert : Patrice l Chéreau, un musée imaginaire. Jusqu’au 11 octobre. Bastia Musée : 130 ans de création l joaillière à Bastia - l’atelier Filippi. Jusqu’au 19 juillet 2016 78 Bordeaux Galerie des Beaux-Arts : Bordeaux – Italie. Echanges & visions artistiques - XVIIe-XXe siècles. Jusqu’au 7 septembre l LeMuséeCateau Matisse : Geneviève l Claisse. Jusqu’au 20 septembre franc e Jusqu’au 21 mars 2016 Domaine de Chantilly : Le siècle de François Ier. Du 7 septembre au 7 décembre. l Limoges Galerie des Hospices : L’amour, la mort, le diable. Jusqu’au 18 octobre l Ornans Musée Courbet : Sensations de l nature - Courbet, Pissaro, Cézanne, Van Gogh, Bonnard, Hartung, Pénone. Jusqu’au 12 octobre. Enghien Centre des arts : Orlan - Strip- Marseille Rodez tease, des cellules jusqu’à l’os. Du MuCEM : Traces - Fragments Musee Soulages l l 16 septembre au 13 décembre Evian Palais Lumière : Jacques-Emile l Blanche. Jusqu’au 6 sept. Giverny l Musée des impressionnismes : Photographier les jardins de Monet. Cinq regards contemporains. Jusqu’au 1er novembre d’une tunisie contemporaine. Jusqu’au 28 sept. Migrations divines. Jusqu’au 16 novembre. l Musée Cantini : Hervé Télémaque. Jusqu’au 20 sept. Metz Centre Pompidou-Metz : Rétrospective Tania Mouraud. Jusqu’au 5 octobre. Leiris & Co. Picasso, Masson, Miró, Giacometti, Lam, Bacon…. Jusqu’au 14 sept. l Landerneau Fonds H. et E. Leclerc : Alberto Meudon Musée Rodin : Robert Doisneau l Giacometti. Jusqu’au 25 octobre. Le Cannet Musée Bonnard : Henri Manguin l - Un Fauve chez Bonnard. Jusqu’au 31 octobre. Lens Le Louvre : D’Or et d’ivoire l relations artistiques entre Paris et la Toscane, 2e moitié du 13e s. Jusqu’au 28 sept. Métamorphoses. Carte blanche à Bruno Gaudichon. Narcisse, Arachné et les autres.... l (1912-1994). Sculpteurs et sculptures. Jusqu’au 19 novembre Montpellier Musée Fabre : L’Âge d’or de la l Peinture à Naples - de Ribera à Giordano. Jusqu’au 11 octobre Nice Musée national Marc Chagall : l Nice, soleil, fleurs - Marc Chagall et la Baie des Anges. Jusqu’au 21 sept. : Claude Leveque, Le Bleu de l’œil. Jusqu’au 28 septembre l Strasbourg Musée d'art moderne : Tristan l Tzara (1896-1963). Du 24 septembre au 17 janvier Wingen Musée Lalique : 1715 - 2015 : les l 300 ans du Hochberg. Jusqu’au 1er novembre AILLEURS Amsterdam Van Gogh Museum : Much / Van l Gogh. Du 24 septembre 2015 au 17 janvier 2016 Aoste Centre Saint-Bénin : Antonio l Canova. Jusqu’au 11 octobre. Bilbao Musée Guggenheim : Jeff Koons, l rétrospective. Jusqu’au 27 sept. Fonds Hélène & Edouard Leclerc pour la culture, Landerneau Alberto Giacometti Il s’agit d’un réel événement culturel que cette exposition organisée à Landerneau ! Consacrée à l’œuvre d’Alberto Giacometti, cette exposition permettra au public de découvrir la collection de la Fondation et de l’atelier de l’artiste, grâce à des œuvres exceptionnelles illustrant les différentes périodes de création de Giacometti, en particulier la période surréaliste et celle des figures minuscules des années de guerre, moins connues du public. L’approche choisie, à la fois chronologique et thématique, confrontera les visiteurs à une œuvre protéiforme, aux composantes nombreuses, où l’artiste jongle avec différents médiums (peinture, dessin, sculpture) et varie d’échelle en fonction des « crises de la représentation » qu’il traverse au cours de sa carrière, oscillant entre l’infiniment petit (pendant la guerre), et une échelle plus monumentale (à partir des années 1960). Parmi les 150 œuvres exposées, les visiteurs pourront approcher l’ «Homme qui marche», la si célèbre icône de Giacometti qui sera incontestablement la pièce maîtresse de cette exposition exceptionnelle. à découvrir aussi, outre des plâtres rarement sortis des collections, une œuvre rendue à la vie par Martial Raysse : l’ «Objet surréaliste», 1932. Alberto Giacometti «Le Nez», 19, version 1949 Bronze, 80,9 x 70,5 x 40,6 cm © Succession Giacometti (Fondation Giavometti + ADAGP), Paris, 2015 a g . Jusqu’au 25 octobre 2015 e n d a expos itions en europe Château de Miramare, Trieste Ippolito Caffi Né à Belluno en 1809 et formé à l’Académie de Venise, ce peintre italien a connu une carrière mouvementée qui l’a conduit à séjourner à Paris, Naples, Londres, ainsi qu’en Espagne, tout en revenant régulièrement à Rome et Venise, et en accomplissant un grand voyage en Orient en 1843. Ippolito Caffi rapporta de nombreux dessins de ses différents voyages et, fort renommé, il reçut des commandes du pape tout en exposant avec succès à Venise, Milan, Rome et Trieste, ainsi qu’à Paris et Londres. Il était connu pour être un paysagiste précis dont les œuvres, claires et rigoureusement construites - prétextes parfois à de curieux effets d’éclairage artificiel mais aussi à des délicatesses dignes de Corot - continuent la tradition du paysage urbain d’un Canaletto. Une fascinante exposition lui est consacrée au Château de Miramare à Trieste, en guise de prologue à la célébration des 150 ans de la mort de l’artiste vénitien. Une exposition qui démontre sa passion pour les voyages, son enthousiasme lors de la découverte d’un Orient fascinant et inconnu, mais également pour les environnements, les monuments et les couleurs des villes italiennes (Venise, Rome, Naples), et ce désir de fixer les émotions, les paysages, les rencontres... Ippolito Caffi, «Egypte, Isthme de Suez», 1844. Huile sur toile, 55 x 85 cm. Venezia, Fondazione Musei Civici di Venezia - Galleria Internazionale d’Arte Moderna di Ca’ Pesaro Ippolito Caffi fut un extraordinaire interprète et novateur du védutisme vénitien du XIXe siècle, mais aussi un patriote qui participa activement aux batailles du Risorgimento, convaincu que l’Italie avait droit à la liberté ; ce qui, hélas, lui valu de mourir lors de la bataille navale de Lissa en 1866. . Jusqu’au 8 décembre 2015 Jean-Michel Basquiat - Le moment est venu. Jusqu’au 1er nov. Brescia Musée de Sainte Julie : Brixia l - Rome et les gens du Po. Une rencontre de la culture - 3e au Ier s. av JC. Jusqu’au 17 janvier. Bruxelles Bozar : Les Belges. Une histoire l de mode inattendue. Jusqu’au 13 septembre. Cologne Wallraf-Richartz-Museum : Godfried Schalcken (1643-1706) : la séduction peinte. Du 25 septembre au 24 janvier 2016 l Ferrare Palazzo dei Diamanti : Art vidéo l au Palais des Diamants - 1973/1979 - Reconstitution. Du 26 septembre au 18 octobre. Florence Galleria Palatina : Carlo Dolci l Florence 1616-1687. Jusqu’au 15 nov. Francfort Städelmuseum : William Hogarth. l Jusqu’au 6 septembre. a g Londres Milan British Museum : Du Figuratif à Palazzo Reale : Giotto, l’Italie. l l l’Abstraction - L’Art moderne dans le monde arabe. Jusqu’au 8 novembre. Le dessin dans l’argent et l’or De Leonardo à Jasper Johns. Du 10 septembre au 6 décembre. l Courtauld Gallery : Jonathan Richardson par lui-même. Jusqu’au 20 septembre. l National Gallery : Frames in Focus - Sansovino Frames. Jusqu’au 13 septembre. l National Portrait Gallery : BP Portrait Award 2015. Jusqu’au 20 septembre. D’Assise à Milan. Du 2 septembre au 10 janvier Parme Fondazione Magnani l Rocca, Mamiano di Traversetolo : “Vues de France“ - Renoir, Monet, Cézanne, Matisse, De Staël. Jusqu’au 13 sept. Possagno Museo Gipsoteca Canova : Antonio Canova - L’art profanateur dans la Grande Guerre. Jusqu’au 28 février. l Lucques Rome Villa Le Pianore, Camaiore : This Chiostro del Bramante : James l l is Picasso, photographies de David Douglas Duncan. Jusqu’au 13 sept. Tissot. Du 26 septembre au 21 février. l Musée Capitolin : L’âge de l’angoisse. De Commode à Dioclétien. Jusqu’au 4 octobre. Madrid Fondation Mapfre : Pierre l Bonnard. Peindre l’Arcadie. Du 10 septembre au 6 janvier. l Musée du Prado : Monumental Views of Spanish Cities. The Romantic Painter Genaro Pérez Villaamil. Jusqu’au 6 septembre. l Musée Thyssen-Bornemisza : Zurbaran. Jusqu’au 13 septembre. e n Venise Giardino di Palazzo Soranzo l Cappello : Roberto Sebastian Matta, sculpture. Jusqu’au 15 octobre. l Le Stanze del Vetro : Fulvio Bianconi at Venini. Du 13 septembre au 10 janvier. d a Palazzo Falier : Sean Scully. Jusqu’au 27 septembre. l Palazzo Grassi : Martial Raysse. Jusqu’au 30 novembre. l Peggy Guggenheim Collection: Charles Pollock - une rétrospective. Jusqu’au 14 septembre l Punta della Dogana : Slip of the Tongue. Jusqu’au 31 décembre. l Scoletta dei Battioro : Antoni Clavé. Jusqu’au 31 octobre. l Vincenza l Basilica Palladiana : Flow_1 - arte contemporain italien et chinois e dialogue. Du 17 septembre au 1er novembre. l Palladio Museum : Thomas Jefferson et Palladio - Comment construire un monde nouveau. Du 19 septembre au 28 mars. Vienne Albertina (Albertinapl.) Black & l White. Jusqu’au 17 janvier. Edard Munch. Du 25 septembre au 24 janvier. l Osterreichische Galerie Belvedere : Rembrandt, Titien, Bellotto : esprit et splendeurs de la Gemäldegalerie de Dresde. Jusqu’au 11 octobre. 79 expos itions Genève Art Bärtschi & Cie : Antoine l 80 Roegiers. Du 3 sept. au 31 octobre & Laurie Anderson. Du 17 sept. au 31 octobre. l Blondeau & Cie (Muse 5) Martin Szekely & Louise Lawler. Du 17 sept. au 31 octobre. l Centre d'art Contemporain (VieuxGrenadiers 10) Steven Claydon. Jusqu’au 22 novembre. l Centre d'édition contemporaine (Saint-Léger 18) Jason Dodge, David Hominal, Raphaël Julliard, David Maljkovic avec Konstantin Grcic, Victor Man. Du 17 sept. au 14 novembre. l Centre de la Photographie (Bains 28) Manon. Du 17 sept. au 29 novembre. l Espace Ami Lullin - Bibliothèque de Genève (Promenade des Bastions) De l’argile au nuage. Du 18 septembre au 21 novembre l Espace L (rte Jeunes 43) Niura Bellavinha, Frederic Post, Caroline Valansi et Vasilis Zografos. Du 17 sept. au 8 novembre. l Ferme de la Chapelle, GrandLancy (39, rte de la Chapelle) MarieHoëlle Leppens, Charlotte Nordin, Céline Salamin, Delphine Sandoz Mémoire du vivant. Du 12 septembre au 25 octobre. l Fondation Bodmer (Cologny) Les livres de la liberté. Jusqu’au 13 septembre. l Galerie Patrick Cramer (Vieux- en Billard 2) André du Besset. Du 7 au 15 sept. & Kira Weber. Du 17 sept. au 5 novembre. l Galerie Anton Meier (Athénée 2) "Hommage" - Philippe Deléglise, Keith Donovan, Tito Honegger, Charles de Montaigu. Du 3 sept. au 17 octobre. l Galerie Mezzanin (63, Maraîchers) Elfie Semotan. Du 17 sept. au 31 octobre. l Galerie Skopia (Vieux-Grenadiers 9) Simone Schardt & Thomas Huber. Du 17 sept. au 31 octobre. l Galerie Turetsky (25, Grand-Rue) Aliska Lahusen. Du 24 sept. au 31 octobre. l Maison Tavel (Puits-St-Pierre 6) Devenir Suisse – GE 200. Jusqu’au 10 janvier 2016. l Mamco (Vieux-Granadiers 10) Cycle Des histoires sans fin, été 2015. Jusqu’au 20 septembre. l Musée Ariana (Av. Paix 10) Anna Dickinson - Harmonies de verre & Luxe, calme et volupté - Concours swissceramics. Jusqu’au 1er nov. l Musée d’art et d’histoire (Ch.Galland 2) Peintures italiennes et espagnoles & Aimer la matière. Un regard mis à l'honneur. Jusqu’au 31 déc. Jean-Pierre Saint-Ours. Un peintre dans l’Europe des Lumières. Du 24 septembre au 31 décembre. l Musée de Carouge (pl. Sardaigne) Concours international de céramique - la lampe céramique. Du 19 septembre au 6 décembre. s uis s e Musée international de la CroixRouge (Paix 17) Expériences de vérité - Gandhi et l’art de la nonviolence. Jusqu’au 3 janvier 2016 l Musée Rath (pl. Neuve) ‘J’aime les panoramas’. Appropriations du monde. Jusqu’au 27 septembre. l Musée de la Réforme (Maison Mallet) Le ciel devant soi. Jusqu’au 25 octobre. l Musée des Suisses dans le monde: Suisse-Arménie. Jusqu’au 20 sept. l Théâtre Saint-Gervais (Salle Käthe Kollwitz de 12h à 18h) Fragments Le Génocide des Arméniens et l’œuvre suisse vus par la presse. Du 15 septembre au 25 octobre l Red Zone Arts (r. Bains 40) “Espaces du Rêve“, expositon solo de Leng Hong. Du 9 sept. au 31 octobre. l Xippas Art Contemporain (Sablons 6) Ian Davenport & Robert Irwin. Du 17 sept. au 31 octobre. l se. Du 18 septembre au 3 janvier. Fribourg Espace Tinguely - Saint-Phalle : l Sculpture et architecture dans l’oeuvre de Niki de Saint Phalle. Jusqu’au 31 décembre Lens / Crans Fondation Pierre Arnaud : Homme l blanc - Homme noir. Impressions d’Afrique. Jusqu’au 25 oct. Mézières Musée du papier peint : Fusions l - œuvres en verre contemporaines. Jusqu’au 3 novembre. Martigny Fondation Pierre Gianadda : l Matisse en son siècle. Jusqu’au 22 novembre. l Fondation Louis Moret (Barrières 33) Aloïs Dubach. Du 12 septembre au 18 octobre. Lausanne Fondation de l’Hermitage (2, rte Neuchâtel Signal) Marius Borgeaud. Jusqu’au Centre Dürrenmatt (Pertuis du Saut l l 25 octobre. l Mudac (pl. Cathédrale 6) Le verre vivant II. Jusqu’au 1er nov. L'Eloge de l'heure. Jusqu’au 27 septembre. l Musée cantonal des beaux-arts (pl. Riponne) Giuseppe Penone. Regards croisés. Du 25 septembre au 3 janvier. l Musée de l’Elysée (Elysée 18) La mémoire des images - Autour de la collection iconographique vaudoi- 74) Dürrenmatt à Neuchâtel. Jusqu’au 6 septembre l Musée d'art et d'histoire (espl. Léopold-Robert 1) 14/18 La Suisse et la Grande Guerre. Jusqu’au 18 oct. l Musée d'ethnographie (St Nicolas 4 ) Secrets. Jusqu’au 18 octobre. Vevey Musée Jenisch : L'infini du geste l - Ferdinand Hodler dans la collec- Musée de Carouge Concours international de céramique Le Concours international de céramique, dont la particularité est d’exiger des artistes qu’ils travaillent sur un thème donné, généralement un objet fonctionnel dans la tradition de la production historique de faïence carougeoise, a porté son choix, cette année, sur la lampe céramique, précisant qu’il devait s’agir d’un appareil d’éclairage fonctionnant à l’électricité, et d’une taille maximale de 50 centimètres. Quant au type de lampe (lampe de plafond, applique murale, lampe sur pied, lampe de table ou de chevet, veilleuse, etc.), il est laissé au choix des candidats. Le Musée de Carouge, organisateur du Concours, a ainsi reçu plus de 450 propositions provenant du monde entier, et un jury a évalué les œuvres à partir de critères d’originalité, d’esthétique et de qualité du travail céramique, sélectionnant ainsi 58 lampes. Ce sont ces œuvres qui forment l’exposition proposée au public. Signalons encore que le même jury se réunira le 18 septembre pour juger les propositions sur pièces en respectant l’anonymat des candidats, pour finalement octroyer trois prix : le Prix de la Ville de Carouge, doté de 10'000.- francs, Le Prix de la Fondation Bruckner pour la promotion de la céramique de 2'000.- francs ainsi que le prix de swissceramics – Association Céramique Suisse de 1'000.- francs. Une des lampes sélectionnées tous droits réservés a . Du 19 septembre au 6 décembre 2015 g e n d a expos itions en s uis s e Bienne Journées photographiques 2015 Sous la thématique de l’adaptation, les 19es Journées photographiques de Bienne exposent une vingtaine de photographes suisses et internationaux, dans les musées et la vieille ville de Bienne, parmi lesquels Laurence Bonvin, Jeanne Chevalier, Alicja Dobrucka Lucas Foglia, Richard Gilligan, Yoshinori Mizutani, Henning Rogge et Joël Tettamanti. L’édition 2015 offre à voir les tendances de la jeune photographie suisse et internationale à travers le prisme d’un sujet parti-culièrement actuel : l’adaptation. Du Japon aux Etats-Unis en passant par l’Ukraine ou le Lesotho, sans Yoshinori Mizutani, « Tokyo Parrots », 2013 © Yoshinori Mizutani [Importees des tropiques comme animaux domestiques, les perruches ont envahi l’espace urbain de Tokyo.] oublier la Suisse naturellement, la vingtaine de photographes sélectionnés rendent compte d’une actualité très proche. Ils ont exploré cette capacité formidable que possède le vivant de s’adapter à de nouvelles conditions. Ils ont enregistré comment l’humain, l’animal, mais aussi le territoire se transforment en réagissant à un milieu changeant, transformé naturellement mais surtout de la main de l’homme. En effet, au XXIe siècle, les défis ne sont plus uniquement naturels, ils sont aussi provoqués par les sociétés humaines elles- mêmes. Ces dernières sont confrontées à des situations inédites, pour lesquelles elles cherchent des solutions d’adaptation, ou entrent Joel Tettamanti, « Kobo, Lesotho », 2013 © Joel Tettamanti [Evolution et adaptation de parfois en résistance. la tenue vestimentaire typique des habitants du Lesotho] Les Journées photographiques de Bienne ont retenu des travaux qui traitent de domaines qui questionnent le futur de nos sociétés actuelles comme l’exploitation intensive des ressources énergétiques, la démographie, les nécessités économiques, les changements politiques récents, la religion, le climat ou les modifications génétiques. Certains photographes questionnent eux le médium photographique et sa capacité d’adaptation en exploitant les potentialités de l’archive et en inventant de nouvelles solutions de présentation de l’image photographique. . Jusqu’au 20 septembre 2015 tion Rudolf Schindler & Wallpaper Liberation - Les carnets de JeanLuc Manz. Jusqu’au 4 octobre. Impressions en noir - A propos de l’estampe et du dessin chez Jean Otth (1940-2013). Jusqu’au 1er novembre. OUTRE SARINE Bâle Cartoon Museum (St. Albanl Vorstadt 28) Atak (Georg Barber). Spécial, la collection de caricatures et de bandes dessinées - le nouvel accrochage signé Atak. Jusqu’au 25 octobre. l Fondation Beyeler (Riehen) Alexander Calder Gallery III. Jusqu’au 6 sept. Marlene Dumas. Jusqu’au 6 septembre. l Kunsthalle : Maryam Jafri Generic Corner. Jusqu’au 1er novembre. Andra Ursuta - Whites. a g Du 4 sept. au 1er novembre. Musée des cultures : Holbein. Cranach. Grünewald. Chefs-d'œuvre du Kunstmuseum Basel - invité du MKB. Jusqu’au 28 février l Museum für Gegenwartskunst (St. Alban-Rheinweg 60) De Cézanne à Richter. Jusqu’au 21 février. l Musée Tinguely (Paul SacherAnlage 1) Haroon Mirza/hrm199 Ltd. Jusqu’au 6 septembre. l Schaulager (Ruchfeldstr. 19, Münchenstein) The Collection of the Emanuel Hoffmann Foundation. Jusqu’au 31 janvier. Bienne Winterthur CentrePasqu’Art (fbg Lac 71-75) Fotomuseum : Beastly / Tierisch. l l l l Michael Sailstorfer. Jusqu’au 13 sept. Riggisberg Abegg-Stiftung : Le triomphe l des ornements. Tissus de soie du XVe siècle italien. Jusqu’au 8 nov. Saint-Gall Kunstmuseum : Gerard Byrne. l Jusqu’au 13 septembre. Que la lumière soit.... Des impressionnistes à Thomas Alva Edison. Jusqu’au 25 octobre. Berne Spiez Centre Paul Klee (Monument im Schloss : Picasso Fruchtland 3) Klee à Berne. Jusqu’au 17 janvier. Klee & Kandinsky. Jusqu’au 27 sept. l Musée des Beaux-Arts (Hodlerstr. 8-12) Toulouse-Lautrec et la photographie. Jusqu’au 13 décembre. Pierre de lumière. Visions du cristal dans l'art. Jusqu’au 6 septembre e n Des arlequins, des femmes et des corridas. Jusqu’au 27 septembre. Weil / Rhein Vitra Design Museum : Making l Africa. A Continent of Contemporary Design. Jusqu’au 13 septembre. d a l Jusqu’au 4 octobre. Kunstmuseum (Museumstr. 52) Richard Deaco - On the Other Side. Jusqu’au 15 novembre. l Zurich Kunsthaus (Heimpl.1) Europe ... l l’avenir de l’histoire. Jusqu’au 6 septembre. Incertitude de la conscience - une collection privée. Jusqu’au 4 octobre. John Waters How much can you take ? Jusqu’au 1er novembre. Un âge d’or. Jusqu’au 29 novembre. l Museum Bellerive (Augustinergasse 9) Cose fragili - Verre de Murano. Jusqu’au 13 septembre. l Museum Rietberg (Gablerstr. 15) Un monde chatoyant - la photographie en couleurs avant 1915. Jusqu’au 27 septembre. SEPIK - Art de Papouasie - Nouvelle Guinée. Jusqu’au 4 octobre. 81 expos itions musée rath, genève S'approprier le monde Qui ne s'est pas un jour émerveillé devant un beau panorama et même laissé aller à un sentiment de domination. Certains lieux offrent évidemment des points de vue privilégiés et amorcent plus facilement ce jeu d'appropriation. C'est cette notion que souligne l'exposition J'aime les panoramas. Un genre qu'elle trace au fil du temps et de ses transgressions sur un parcours de près de 400 œuvres. 82 La popularité du panorama a nourri nombre de pratiques artistiques, autant celles des beaux-arts que des arts populaires. D'ailleurs le musée Rath s'est associé au musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée de Marseille pour élaborer cette exposition. La photographie et le cinéma ne sont bien sûr pas en reste puisque le titre de l'exposition s'inspire d'une réplique de Jean Dujardin, dans le film Le Caire. Nid d’espions (2006). En prononçant “J'aime les panoramas“ devant le Canal de Suez en 1955, un an avant sa nationalisation, OSS 117 souligne non seulement la contemplation du paysage mais aussi l'idée d’appropriation, de domination, voire d’aliénation. L’expérience panoramique pose alors, pour les commissaires de l'exposition, la question de notre rapport au monde. L'histoire si particulière de cette représentation de la réalité se confond avec la naissance de la société industrielle. D'abord issu d’une logique scientifique et militaire, le panorama a été rapidement accaparé par la société du spectacle. Il triomphe à la fin du XVIIIème siècle, avec un premier grand succès à Londres, où l'on édifie un bâtiment circulaire pour abriter une représentation de La flotte anglaise ancrée entre Portsmouth et l'île de Wight. La scène reproduite de façon illusionniste sur 360° se découvrait en se plaçant au centre, légèrement en hauteur, un peu comme si le spectateur se tenait au milieu de la mer, sur le pont supérieur d'une frégate. Ce paysage maritime enchanta le public et enthousiasma rapidement les capitales européennes. Engouement De cette période faste, il ne reste bien souvent que des maquettes, des fragments ou des affiches pour témoigner de l'engouement populaire du XIXème siècle pour les panoramas. Face à l'histoire du dispositif, la premières salle propose une œuvre de T.J. Wilcox (2013) qui nous offre sur un écran circulaire une vision hybride, hors du temps; alors que l'impressionnante photographie de Jeff Wall joue du décalage entre la réalité et la fiction face au Panorama Bourbaki, peu avant sa restauration. L'ensemble de l'exposition oscille ainsi constamment entre les époques, multipliant les exemples historiques et contemporains au point de nous égarer sur cette notion de panorama. Par contre ce parcours éclectique offre parfois de très beaux rapprochements et quelques retrouvailles comme les délicats paysages miniatures de Michel Grillet ou les Stairs conçus par Peter Greenaway, en 1994, qui nous placent directement face au paysage, sans oublier La Prose du transsibérien illustrée par Sonia Delaunay. Quant à l'œuvre A Closer Grand Canyon, 1988, de David Hockney, elle constitue pour les concepteurs de l'exposition un condensé du genre, une façon contemporaine de poser la réflexion sur le point de vue, de nous positionner entre cette sensation de domination et de fusion avec l'immensité d'un paysage. Nadia El Beblawi Musée Rath, Genève. "J'aime les panoramas". S'approprier le monde, jusqu'au 27 septembre 2015 ; puis au MuCEM, Marseille, du 4 novembre 2015 au 29 février 2016 Auguste Baud-Bovy «Maquette du Panorama, Vallee de Lauterbrunnen et Schwarzhorn et L’Eiger, le Monch, la Jungfrau», 1891 © Commune d’Aeschi, Berne a c t u a l i t é expos itions Johan Christian Dahl «View from Bastei», 1819. Huile sur toile, 86 x 101 cm © Drammens Museum, Drammen (Norvege) T.J. Wilcox «In the Air», 2013. Film super 8 transfere sur video, projete sur ecran 8 metres de diametre © Courtesy T.J. Wilcox p a r i entretien Stéphane Lissner C’est fort d’un parcours de directeur lyrique des plus prestigieux, du Châtelet au Festival d’Aix-en-Provence, du Teatro Real de Madrid à la Scala de Milan, que Stéphane Lissner prend en main les destinées de l’Opéra de Paris. Le nouveau directeur se confie sur les axes d’une programmation appelée à se prolonger durant six ans. Bien au-delà de la saison 2015-2016, la première conçue par lui et d’ores et déjà annoncée, avec quelques primeurs pour les lecteurs de Scènes Magazine. Vous venez à l’Opéra de Paris avec votre propre conception artistique, on l’imagine volontiers. Quelle serait-elle ? 84 J’ai toujours travaillé dans l’idée qu’une saison en soi n’a pas beaucoup de sens. Même si elle prend un sens pour le public, qui s’abonne, achète des billets. En même temps, je pense que c’est à moi de lui proposer sur une période plus longue, un parcours dans lequel il va pouvoir retrouver soit des lignes musicales, soit des compositeurs, des chanteurs, des metteurs en scène, des chefs d’orchestre. Donc, j’essaye d’inventer une cohérence dans la programmation, des chemins avec un certain nombre d’artistes que je choisis et avec lesquels je tente d’écrire les pages des années qui suivent. Parfois il peut s’agir de compositeurs disparus ; c’est le cas de Schœnberg, mais seulement pour la première année, un cycle sur la saison 15-16. Mais ce sera aussi le cas avec Berlioz, avec là un projet sur quatre ans, avec quatre opéras, dont un seul, Béatrice et Bénédict en version concert, et les trois autres, la Damnation de Faust, Benvenuto Cellini et les Troyens en versions scéniques. Ce sera aussi le cas avec la littérature : puisque j’entends faire un cycle sur le thème de la littérature française à partir de commandes à des compositeurs, italiens, français et suisse, Michael Jarrell pour ce dernier. Ils vont ainsi chacun travailler sur un sujet littéraire, au cours des prochaines années. Mais cela peut être aussi des artistes lyriques, comme Bryan Hymel, Jonas Kaufmann, madame Yoncheva, madame Netrebko… Des artistes avec lesquels j’invente un parcours à travers les œuvres. Cela peut être aussi des metteurs en scène, comme Claus Guth, Calixto Bieito, Warlikowski, Alex Ollé… Mais tout cela se raccorde. Et tout cela fait un projet. Et la recherche d’une continuité. Y aurait-il de votre part une fidélité à des artistes avec qui vous avez pris vos marques, vos habitudes de travail ? Oui, d’une certaine manière. On retrouve le chef Pekka Salonen, avec qui je travaillais déjà au Châtelet, Philippe Jordan, venu à Aix-enProvence il y a quinze ans ou plus tard à la Scala, par exemple. De même pour les metteurs en scène, comme Peter Brook, ou le regretté Patrice Chéreau, ou Castellucci. Parfois il y a aussi des œuvres qui me tiennent à cœur, comme Moïse et Aaron, que j’avais déjà produit au Châtelet. Pensez-vous vous inscrire dans une continuité, ou voyez-vous votre nouvelle politique artistique comme une rupture, par rapport à un passé récent ou plus ancien ? Je pense que la continuité, c’est les 350 ans de l’Académie nationale de musique ! L’ancêtre fondateur de l’Opéra de Paris, poursuivi par Garnier, l’Opéra-Comique, la Bastille… Et j’inclus dans cette riche Histoire aussi bien l’art lyrique que l’art chorégraphique. Puisque je défends l’un comme l’autre. On possède à l’Opéra de Paris une compagnie de danse exceptionnelle, et c’est une Stephane Lissner © Elisa Haberer - Opera national de Paris e n t r e s grande chance. On a aussi la chance d’avoir deux salles, qui permettent de pouvoir varier ; Mozart et Rossini à Garnier, les XIXe siècle et les spectacles plus lourds à Bastille, Wagner, Verdi, etc. C’est cela la continuité. Cela étant, on sait que les directeurs qui se sont succédés ont été très différents les uns des autres. Il n’y a pas pour autant de rupture. La maison continue. Il y a les goûts, les choix, les idées, ou une idée de l’opéra au XXIe siècle... Je pense que l’opéra au XXIe siècle s’inscrit dans le temps, les grandes interrogations de l’humanité, des questionnements, et une certaine forme de réflexion. C’est l’idée que je me fais de l’opéra. Mais je respecte, d’ailleurs, ceux qui ne penseraient pas comme moi… Je posais cette question, parce que l’on avait avancé, à tort, que Nicolas Joel constituait une rupture par rapport à la gestion précédente de Gerard Mortier… Et que l’on pouvait penser, à tort aussi certainement, qu’il en est de même avec votre arrivée succédant à l’ère Joel… Je ne pense pas qu’il y ait de rupture. Il y a simplement des directions différentes, au sens artistique. On peut privilégier les voix, le théâtre, la musique à travers la direction d’orchestre… On peut, comme moi, chercher la globalité de l’opéra ; c’est-à-dire réunir les arts plastiques, le livret à travers la littérature, les chanteurs qui interprètent, les chefs etc. Il y a des gens qui extraient la voix dans l’opéra. Ce ne serait pas ma démarche. Mon émotion passe davantage par le personnage et la théâtralité de la voix. Et c’est pour moi plus important que les prouesses d’une voix. J’ai presque davantage d’affection pour un chanteur qui aurait raté son si bémol, que pour celui qui l’aurait réussi mais sans expression. L’artiste est de chair et de sang. Certains peuvent considérer aussi que le théâtre a pris trop de place ces dernières années dans l’opéra. Je le concèderais volontiers… L’opéra doit être un tout. Il faut savoir en trouver la globalité. Le texte, la musique, le chant, le théâtre… L’opéra n’est beau que parce que c’est un ensemble de composantes artistiques réunies. L’Opéra de Paris est une grande maison internationale, certes. Malgré tout, pensez-vous que l’Opéra de Paris, subventionné par le ministère de la culture français, se doive de défendre le répertoire français ? Là-dessus, je suis très clair. J’ai travaillé à Paris au Châtelet, à Aix, à Madrid, en Autriche, à Milan… Partout où j’ai été, j’ai considéré que l’Histoire du théâtre, sa tradition, son passé au sens noble, devaient être pris en compte. Et ce n’est pas un hasard si je fais ici à Paris un des t i e n p compositeurs que je considère comme l’un des plus grands de l’Histoire de l’opéra, qui est Berlioz, pour lequel je prévois un grand cycle. Et c’est pourquoi j’ai aussi inscrit, dans les programmes futurs, Meyerbeer et Saint-Saëns. Parce que je crois que l’Opéra de Paris n’aurait pas dû attendre si longtemps pour monter les Huguenots. C’est vrai aussi pour Samson et Dalila… Que faire de mieux que les Troyens pour marquer les trente ans de la Bastille et les 350 ans de l’Académie nationale de musique ! Et dans un même contexte, qu’en estil des créations ? Quant aux créations d’opéras, je les ai toutes orientées autour de la littérature française. J’ai défendu l’idée que Balzac, Claudel et Racine, pour ne pas les nommer, seraient les trois dramaturges sur lesquels je m’appuierai. Et les commandes que je passerai seront sur ces auteurs, et sur la littérature française. Dans le cas de Michael Jarrell par exemple, le sujet sera Bérénice de Racine. Prévu pour la saison 18-19. Je précise que les trois créations déjà commandées, le sont avec le compositeur et le librettiste, bien entendu, mais aussi avec le metteur en scène et le chef d’orchestre. Il s’agira donc d’un travail d’ensemble. Vous avez lancé des projets nouveaux, comme la « Troisième scène » sur écran, et l’Académie. Qu’en est-il pour l’Académie ? Partout où je suis passé, j’ai lancé le principe d’une académie. L’Académie européenne de musique à Aix, qui se poursuit, l’Académie de la Scala que j’ai développée, avec 1200 élèves, très importante en Italie… Et en venant à l’Opéra de Paris, j’ai souhaité auprès de la ministre quand j’ai été nommé, m’engager sur l’idée de créer l’Académie de l’Opéra national de Paris. Pour l’instant avec quatre secteurs, qui pourront toutefois par la suite s’étoffer : le chant, avec l’Atelier lyrique, qui continue sous la direction de Christian Schirm ; la chorégraphie, sous l’autorité de Benjamin Millepied et William Forsythe ; le théâtre, avec un metteur en scène dans l’immédiat, mais plusieurs par la suite ; et enfin, sous l’impulsion de Philippe Jordan, les musiciens, sous la tutelle des musiciens de l’orchestre de l’Opéra de Paris, la première année avec les cordes ; ces musiciens seront amenés à travailler dans la fosse, en supplémentaires. Ces quatre secteurs seront mis en place dès le 1er septembre. Ce sera le début de l’Académie de l’Opéra national de Paris. Cette Académie ayant pour mission et vocation d’augmenter et de se diversifier : composition, différents métiers, etc. Propos recueillis par Pierre-René Serna e n t r a r i s entretien Christian Schirm Peu après des premières armes au Grand Théâtre de Genève, Christian Schirm avait fondé en 2005 l’Atelier lyrique de l’Opéra de Paris, dont il préside depuis aux destinées. Dix ans de succès et un bel anniversaire. Après dix ans sous trois directeurs successifs, Gerard Mortier, Nicolas Joel et maintenant Stéphane Lissner, quel serait le bilan de l’Atelier lyrique de l’Opéra de Paris et ses perspectives ? Nous sommes désormais intégrés à l’Académie de l’Opéra de Paris que vient de lancer Stéphane Lissner. L’insertion va de soi, bien que l’Académie aura peu à peu à préciser ses modalités plus en détail. Nous poursuivons donc l’Atelier lyrique dans un nouveau contexte. Quant au bilan, on peut déjà avancer des chiffres. Au cours de ces dix ans, nous ont suivi 100 artistes ; des chanteurs bien entendu, mais aussi des chefs de chant et accompagnateurs. Nous avons donc lancé de nouveaux artistes. Avec trois axes : un début de carrière ; une consolidation de leurs acquis ; une projection auprès des professionnels de la musique. Sur le plan pratique, cela s’est traduit par des concerts et productions lyriques où ces jeunes artistes étaient appelés à participer, mais aussi la distribution de ces artistes au sein des grandes productions de l’Opéra de Paris. Gerard Mortier, à qui j’avais proposé ce projet d’atelier, l’avait d’emblée immédiatement accepté, et était devenu très présent. C’était, donc, il y a dix ans. Nicolas Joel a pris le relai, lui-même très concerné par l’enseignement que nous apportions à tous ces jeunes. Depuis, nos participants au fil de ce temps sont à la tête de belles carrières internationales. Il n’est que de citer Marianne Crebassa, Stanislas de Barbeyrac, Florian Sempey, Ciryl Dubois, Alisa Kolosova… Ils ont été aidés en cela par des metteurs en scène, à qui nous avions fait appel, de grand renom : comme Dominique Pitoiset, Christophe Perton, David Lescot, JeanYves Ruf, Jean Liermier, directeur du Théâtre de Carouge. Puisqu’il s’agit avant tout d’un travail d’équipe. Le résultat se lit dans les débouchés : tous nos jeunes artistes ont trouvé des débouchés. Ils travaillent tous, et gagnent leur vie par leur activité musicale. Je précise aussi qu’au cours de ce périple avec notre atelier, aucun de nos participants n’a jamais claqué la e t i e 85 Christian Schirm © Eric Mahoudeau / Opera national de Paris porte ! Un joli bilan, en quelque sorte. Le recrutement est resté depuis sur le même principe : des auditions. Il faut compter 350 auditions par an, pour sélectionner 20 candidats, et au final ne garder que deux, trois ou quatre, suivant les postes à pourvoir. Il y a seize postes, dont douze chanteurs et quatre pianistes accompagnateurs. Le principe est aussi celui d’un recrutement le plus international possible. D’où le répertoire que nous cultivons, lui aussi des plus international. D’où aussi, puisqu’il faut savoir parfois émettre des réserves, un répertoire lyrique français que nous défendons mais avec certaines précautions. C’est ainsi que nous n’avons encore jamais fait d’Offenbach. Qui nécessiterait une élocution parfaite de tous, dans le chant évidemment, mais aussi dans les dialogues parlés. Avec le bagout nécessaire… Mais ce genre de projet reste toujours ouvert. L’avenir ? Désormais, il sera au sein de l’Académie. Dans laquelle l’Atelier trouve sa place naturelle, encouragé fortement par le nouveau directeur de l’Opéra de Paris, Stéphane Lissner. Propos recueillis par Pierre-René Serna n p a r i s opéra Adriana sans histoires Nouvelle production qui clôt la saison de l’Opéra de Paris, Adriana Lecouvreur constitue aussi l’ultime production programmée par Nicolas Joel, le précédent directeur de l’institution. Désormais, à partir de la mi-septembre, on devrait pouvoir mieux juger de la politique artistique de l’actuel directeur, Stéphane Lissner. ardeur et valeur la partition de Francesco Cilèa (créée en 1902, avec ses relents de vérisme), soufflant la tempête sur l’orchestre et les chanteurs. Le grand triomphateur de la soirée. Angela Gheorghiu plante le rôle-titre, comme précédemment à Covent Garden, parfaitement crédible avec la belle allure de sa prestance et de sa voix, qui, il est vrai, s’affirme mieux passés des premiers flottements. De son côté, Marcelo Álvarez ne représente pas un Maurizio très subtil (avec, qui plus est, les bras constamment ouverts, ce tic de ténor que ne pallie pas une direction d’acteurs absente) ; mais le rôle est ainsi fait et se satisfait d’une projection pleine et en force. Luciana D’Intino donne toute la noirceur de la Princesse de Bouillon, la rivale de l’héroïne, avec une émission sans faille. Et c’est ainsi que tout est en place pour une œuvre et production de répertoire. Stuarda bien située 86 «Adriana Lecouvreur» © Vincent Pontet/Opéra national de Paris Dans ce cas, celui d’Adriana Lecouvreur, il s’agit plus exactement d’une coproduction, nouvelle à Paris mais déjà vue dans d’autres villes. La réalisation David McVicar a ainsi été étrennée en 2010 au Covent Garden de Londres, avant de voyager dans d’autres temples lyriques. La représentation à la Bastille se distinguant essentiellement par l’interprétation musicale. Le temps passant, il est possible que le travail de McVicar ait perdu de sa substance. À la Bastille, il se limite à de beaux décors et costumes, bien illuminés, dans le style luxueux de l’époque de l’intrigue, celle de la cour française au temps de Louis XIV et de ses falbalas de théâtre (théâtre dans le théâtre, pour cette trame inspirée du destin tragique d’une actrice célèbre). Une illustration au premier degré du livret, qui correspond d’une certaine manière à l’image stéréotypée que l’on se fait hors de France, de l’époque de « grandeur » du pays. Ce qui à Paris même, prête plutôt à sourire. Sachant qu’il n’y a guère plus dans la mise en scène, a dont les mouvements et gestes se réduisent au strict minimal conventionnel et syndical. Reste la musique. Daniel Oren défend avec Coproduction internationale, une fois encore, Maria Stuarda triomphe au Théâtre des Champs-Élysées. On sait que cet opéra, créé en 1835, doit son retour à partir des années 1990 à la compétition vocale à laquelle se livrent les deux héroïnes principales. Une espèce d’exploit sportif, fréquent dans beaucoup d’œuvres de bel canto, et qui dans ce cas a fait que les divas ont contribué à la remise à jour en nos temps modernes du 43e opéra de Donizetti (accompagné d’une nouvelle édition critique de la partition). S’il ne s’agit pas «Maria Stuarda» © Vincent Pontet/Opéra national de Paris c t u a l i t é p d’un opéra de la valeur de Lucia di Lamermoor, il recèle bien des charmes, en particulier dans la grande scène finale de la mort de Maria, en dehors de quelques arias et duos (duels ?) attendus. Donc, deux héroïnes rivales, comme le demande le livret et ainsi que tel sur scène. Au Théâtre de l’avenue Montaigne : la Elisabetta (reine d’Angleterre) de Carmen Giannasttasio, et la Maria Stuarda (reine d’Écosse) d’Aleksandra Kurzak (dans la vie civile, nouvelle compagne de Roberto Alagna). On ne saurait rencontrer voix plus différentes, de style et de timbre, malgré le fait qu’il s’agisse de deux sopranos. La première chante à tout volume, avec une projection franche, mais parfois dure et imprécise ; ce qui convient, d’une certaine difficulté particulière, comme le chœur du théâtre, tous aux ordres de Daniele Callegari. Le montage scénique de Moshe Leiser et Patrice Caurier, déjà présenté auparavant au Covent Garden londonien ou au Liceo de Barcelone, sait éviter les pièges d’un livret simpliste où tout est dit d’entrée : le conflit des deux reines et la fin tragique de la pauvre Écossaise. Le décor mêle, comme les costumes, les références historiques et modernes, dans un jeu d’acteurs précis. Le suffisant pour illustrer la trame, sans la caricaturer. Ce qui, au final, avec la restitution musicale, séduit. Mousquetaires de clôture L’Opéra-Comique ferme pendant dix-huit mois pour cause de travaux. L’avenir dira ce 6 Les Mousquetaires au couvent DR Pierre Grosbois.jpg manière, à son personnage de méchante. Pendant que la seconde distille les nuances à travers sa voix légère ; comme le veut son rôle de triste gentille. Mais les deux s’unissent idéalement lors de leurs confrontations partagées. En ce sens, une distribution parfaitement élue. Les autres composants du plateau se font discrets, comme le requiert l’œuvre ; y compris pour le ténor Francesco Demuro (Leicester), qui possède une technique sûre, depuis ses pianissimos jusqu’à ses passages de lyrisme, à défaut de posséder un air propre. L’Orchestre de chambre de Paris les accompagne avec adéquation dans sa partie bien rythmée, qui ne présente pas de a c t u qu’il en est du futur de la salle historique. La dernière production a ainsi tout d’une fête et de regrets. Les Mousquetaires au couvent, l’opérette de Louis Varney, qui a charmé nos aïeux depuis sa création en 1880, fait donc sa réapparition. Enlevée avec bagout par l’illustration scénique de Jérôme Deschamps, entre costumes faux Louis XIII et joyeux délire. C’est animé, drôle souvent. En phase avec cette histoire fantaisiste de truculents mousquetaires faisant irruption chez les prudes bonnes-sœurs (un sujet similaire à celui du Comte Ory de Rossini, cela dit en passant, mais sur une tout autre musique). Car il n’y a pas ici à chercher trop loin. De a l i t a r i s même pour la musique, qui, hormis deux ou trois ensembles finement tournés, verse le plus souvent dans les tambours et trompettes. Entre Sébastien Guèze, Franck Leguérinel, AnneCatherine Gillet, Anne-Marine Suire et Antoinette Dennefeld, les chanteurs se révèlent des mieux appropriés pour défendre leurs rôles, voire leurs musiques, avec une verve communicative. Le chœur des Cris de Paris et l’Orchestre de l’Opéra de Toulon s’affirment tout autant de circonstance, sous la baguette avisée de Laurent Campellone. C’était le dernier spectacle de Jérôme Deschamps à l’Opéra-Comique. Après huit saisons de glorieux mandat directorial et un bilan exemplaire. Un ultime concert, de clôture sinon d’adieu, précède la fermeture des portes, récapitulant trois cents ans de l’institution (fondée en 1715). Hérold, Berlioz, Messager et Bizet, voisinent avec Chabrier, Offenbach et Delibes, pour des extraits de cet opéra-comique dit romantique. Melody Louledjian, que l’on a appréciée dans le rôle-titre de Ciboulette en ce même lieu, remplace au pied levé Julie Fuchs initialement prévue, avec allant dans un extrait de L’Amour masqué de Chabrier. Mais Nicky Spence constitue la belle surprise de la soirée : ténor d’une technique confondante, jouant de nuances diaphanes et de changements de regis-tres souverainement dominés, dans des pages des Pêcheurs de perles et de Lakmé. Le Cercle de l’Harmonie bénéficie de la belle énergie (un peu trop énergique parfois) de son chef Jérémie Rhorer. Il ne reste plus qu’à souhaiter bonne chance à Olivier Mantei, appelé à reprendre les destinées de la maison. Così cristolien On ne saurait trop louer la politique de l’Atelier lyrique de l’Opéra de Paris, qui porte la bonne parole de l’opéra dans des territoires éloignés, géographiquement et culturellement. C’est ainsi que la nouvelle production de Così fan tutte se glisse dans la programmation de la Maison des Arts de Créteil. La grande salle possède une vaste scène, un peu trop vaste, face à un amphithéâtre en moquette et velours, et une fosse d’orchestre un peu enterrée. L’acoustique s’en ressent, mais l’alchimie mozartienne prend. é 87 p a r i s L’orchestre et le chœur des Musiciens du Louvre-Grenoble excellent tout autant, et davantage en seconde partie où ils sont exposés sur scène, que dans une première partie qui les dilue parfois dans les effets de scène. Te Deum fastueux «Cosi fan tutte» © Mirco Magliocca / Opera national de Paris 88 Le sextuor vocal réuni par l’Atelier lyrique trouve vite ses marques, dans des caractérisations individuelles claires et une conjonction d’ensemble. Gemma Ní Bhriain (Dorabella) et Andriy Gnatiuk (Don Alfonso) bénéficient davantage de vertus collectives. Quand Ruzan Mantashyan, Adriana Gonzalez et Tomasz Kumięga s’emparent avec éclat des personnages de Fiordiligi, Despina et Guglielmo. Oleksiy Palchykov constituant un état intermédiaire, pour un Ferrando blessé sans excès démonstratif. L’Orchestre-Atelier OstinatO (constitué de premiers Prix de conservatoires se formant au jeu d’orchestre), réalise un sans faute : dans une belle couleur générale et des ponctuations instrumentales bien piquées. Et ce, en dépit des conditions : l’acoustique éteinte de sa fosse, mais aussi la direction à laquelle il est soumis. Jean-François Verdier prend en effet, d’emblée, des tempos acerbes, sous une battue aride, brusque, mais précise. Si l’orchestre répond présent à ces ordres impitoyables, quelques flottements pour les ensembles vocaux disséminés sur la large scène, à la fin du premier acte, s’expliquent ainsi. Il est vrai que la mise en scène de Dominique Pitoiset ne les favorise guère sur ce plan. On aurait pu imaginer un décor qui enserre les protagonistes. Mais ceux-ci vont et viennent dans un espace vide au milieu de mobiliers éparses, censés situer l’action dans une arrièreboutique de mode (ou un plateau de télé réalité, on ne sait). Mais la sauce prend. En raison d’un jeu d’acteurs net et bien campé, et de la symbiose du tout, chants et instruments. a Alceste au sommet La mise en scène d’Alceste d’Olivier Py revient, après deux ans, au palais Garnier. Elle n’a guère changé, entre son décor de panneaux noirs griffés en direct de coups de craie (tags ?), et des praticables métalliques qui reçoivent les Pour le Te Deum de Berlioz dans la grande salle de la Philharmonie de Paris, FrançoisXavier Roth emploie les grands moyens : un orchestre combinant Les Siècles et le Jeune Orchestre Européen Hector-Berlioz (émanation du Festival Berlioz), les uns et les autres sur instruments d’époque (saxhorns et ophicléides inclus), et des choristes réunissant les Cris de Paris, les ensembles vocaux Otrente et Stella Maris, le Chœur de la Philharmonie du Coge (issu des Grandes Écoles), la Maîtrise de Radio France, le Singapore Symphony Children’s Choir et des chorales venues de collèges de Seine-Saint-Denis, Créteil et Paris. Il fallait ainsi, devant cette foule, savoir jauger les balances, tout en maintenant les arrêtes. Roth est à son affaire, avec l’aide de Michel Tranchant, chef de chœur, dans une direction sans cesse «Alceste» © Julien-Benhamou / Opera national de Paris protagonistes. Une façon de relecture du drame de Gluck, réduit à l’essentiel, mais qui lui conserve tout son impact. Marc Minkowski revient, lui aussi. Avec sa battue impétueuse. Mais cette fois face à un plateau vocal renouvelé. Stanislas de Barbeyrac, ténor de style glorieux et subtil comme il est en est peu, convoque triomphalement le rôle d’Admète. Véronique Gens reste la grande tragédienne que l’on attend, conférant au rôle-titre son ampleur et son aura. Stéphane Degout complète un trio vocal de première volée (nettement préférable, dans notre souvenir, à celui de 2013). c t u a maîtrisée, des plus sublimes débordements hymniques jusqu’aux infinies délicatesses en prières de cette œuvre faite d’amples figures contrastées. L’orgue électronique, sous les doigts de Daniel Roth (père de FrançoisXavier), sonne un peu rêche et dru, avec sa couleur synthétique. Mais l’ensemble emporte tout. Jean-François Borras parvient à lancer son timbre élégiaque du Te ergo quæsumus face à des voix et instruments rassemblés comme un seul chant. Pierre-René Serna l i t é p a r i s Hamburg, le WDR Rundfunkchor Köln et le NDR Chor Hamburg. Le 21 septembre place à Mozart et à L’Enlèvement au sérail (en concert) avec Jérémie Rhorer à la tête du Cercle de l’Harmonie et la distribution suivante : Jane Archibald (Constance), Norman Reinhardt (Belmonte), Mischa Schelomianski (Osmin), David Portillo (Pedrillo), Rachele Gilmore (Blonde) et Tobias Moretti (Pacha Selim). Parmi les nombreux concerts proposés à la Philharmonie, celui du 22 septembre permettra de retrouver Nathalie Stutzmann qui chantera des extraits du Knaben Wunderhorn de Mahler accompagnés par Douglas Boyd à la tête de l'Orchestre de chambre de Paris (Haydn, Webern et Schönberg en complément). Jessye Normann «Don Giovanni», vue d’ensemble, janvier-février 2015 © Vincent Pontet/Opéra national de Paris qui avait du annuler sa présence en mai dernier, sera là le 23 avec un programme intitulé « Hooray for love » constitué par Sélection musicale de septembre : La nouvelle saison de l'Opéra National de Paris placée sous la direction un florilège d'airs et de musicals accompagnés par le pianiste Mark artistique de Stéphane Lissner, débutera le 5 septembre à la Bastille, avec Markham. une reprise de la désormais célèbre Madama Butterfly de Puccini, mise en Le 24, Laurence Equilbey dirigera Les Vêpres solennelles d'un confesscène par Bob Wilson. Distribution évidemment renouvelée avec, dans le seur de Mozart puis le Magnificat de Carl Philipp Emanuel Bach avec le rôle-titre, Ermonela Jaho en alternance avec Oskana Dyka, Annalisa Chœur Accentus et l'Insula Orchestra et les solistes Judith van Wanroij, Stroppa (Suzuki), Piero Pretti (Pinkerton) et Gabriele Viviani (Sharpless), et Wiebke Lehmkuhl, Reinoud Van Mechelen et Andreas Wolf. dans la fosse Daniele Rustioni à la tête de l'orchestre de l'opéra, dernière le Le 30, concert Korngold (Concerto pour violon) et Mahler Le Chant 13 octobre. Le Palais Garnier ouvrira quant à lui ses portes le 7 avec une de la terre proposé par l'Orchestre Philharmonique de Radio France dirigé reprise, celle de Platée de Rameau, imaginée il y a bien longtemps par par Mikko Franck, avec Vilde Frang (violon) et les chanteurs Alisa Laurent Pelly : sur le plateau, Frédéric Antoun, Alexandre Duhamel, Florain Kolosova et Christian Elsner. A noter également les 30 septembre et 1er Sempey et Julie Fuchs placés sous la direction de Marc Minkowski (derniè- octobre, un concert de l'Orchestre de Paris dirigé par Jesus Lopez Cobos : re le 8 octobre). La Bastille proposera également pour la dernière fois du 12 au programme la symphonie n°49 de Haydn suivie par le Stabat Mater de septembre au 18 octobre une reprise du Rossini interprété par Maria Agresta, Don Giovanni de Mozart dans la version Varduhi Abrahamyan, Paolo Fanale et de Michaele Haneke : pour défendre une Michele Pertusi. nouvelle fois cette mise en scène coup de A l'Opéra de Versailles, concert poing, Arthur Rucinski (Don Giovanni), Mozart (Vêpres solennelles, voir plus Maria Bengtsson (Anna), Mattheuw haut au TCE) le 26 septembre par le Polenzani (Ottavio), Karine Deshayes Chœur Accentus, l'Insula Orchestra diri(Elvira), Alessio Arduini (Leporello) et gés par Laurence Equilbey avec les solisGaëlle Arquez (Zerlina) dirigés par Patrick tes Judith Van Wanroij, Wiebke Lange et Marius Stieghorst jusqu'au 18 Lehmkuhl, Reinoud Van Mechelen et octobre. Andreas Wolff. Le cycle Schönberg commencera le 16 septembre avec un concert dirigé par Vu et entendu : triomphe personnel Philippe Jordan donné à la Philharmonie : mérité pour la magnifique Véronique au programme Les Variations pour orchesGens qui débutait au Palais Garnier dans le tre de Schönberg et la 4ème symphonie de rôle d'Alceste de Gluck, une reprise de la Mahler avec en soliste la soprano Genia production d'Olivier Py dirigée par Marc Kühmeier. Minkowski (16 juin). Le TCE lèvera son rideau le 14 septembre avec une version concertante du Ailleurs en France : à ne pas manFreischütz de Weber conduite par Thomas quer du 29 septembre au 7 octobre, la Hengelbrock avec Véronique Gens Manon de Massenet interprétée par (Agathe), Nikolai Schukoff (Max), Patrizia Ciofi dans une mise en scène Christina Landshamer (Annette), Yorck signée Renée Auphan et Yves Coudray. Felix Speer (Kouno) et Miljenko Turk «Alceste» © Julien-Benhamou/Opéra national de Paris François Lesueur (Ottokar), le NDR Sinfonieorchester a c t u a l i t é 89 p a r i s t Bouffes du Nord Battlefield «Battlefield» © Victor Tonelli Peter Brook, Jean-Claude Carrière et Marie-Hélène Estienne se laissent inspirer par une épopée millénaire, celle que relate le Mahabharata. Grâce à la richesse du langage de ce texte (de ces textes...), et à ses histoires étonnantes où se trouvent les questions essentielles qui concernent notre vie, ils font revivre pour le public, sous une forme théâtrale, cette histoire qui, bien qu’appartenant au passé, reflète en même temps les très durs et innombrables conflits qui déchirent notre monde, aujourd’hui. 90 . Du 15 septembre au 17 octobre 2015 Réservations : 01.46.07.34.50 ATELIER (loc. 01.46.06.49.24) Hyacinthe et Rose de et avec François Morel - du 8 septembre au 11 décembre u Danser à la Lughnasa de Brian Friel - m.e.s. Didier Long - du 22 septembre au 9 janvier BOUFFES PARISIENS (01.42.96.92.42) u Avanti de Samuel Taylor - m.e.s. Steve Suissa - avec Francis Huster et Ingrid Chauvin - du 17 septembre au 3 janvier COLLINE (rés. 01.44.62.52.52) u Les Géants de la montagne de Luigi Pirandello - m.e.s. Stéphane Braunschweig - du 2 sept. au 16 oct. u Ce ne andiamo per non darvi altre preoccupazioni de Pétros Márkaris un spectacle de et avec Antonio Tagliarini et Daria Deflorian - du 18 au 27 septembre u Reality de de Mariusz Szczygieł du 30 septembre au 11 octobre COMÉDIE BASTILLE (rés. 01.48.07.52.07) u Bon anniversaire mon amour de Corinne Hyafil et Thierry Raguenau m.e.s. Christian François - du 13 sepu tembre au 2 novembre COMÉDIE FRANÇAISE SALLE RICHELIEU (01.44.58.15.15) u Père d'August Strindberg - m.e.s. Arnaud Desplechin - du 19 septembre au 4 janvier u Le Misanthrope de Molière m.e.s. Clément Hervieu-Léger - du 24 septembre au 8 décembre STUDIO-THÉÂTRE (01.44.58.98.98) u Comme une pierre qui... de Greil Marcus - m.e.s. Marie Rémond et Sébastien Pouderoux - du 15 septembre au 25 octobre VIEUX-COLOMBIER (01.44.39.87.00) u 20 000 lieues sous les mers de Jules Verne - m.e.s. Christian Hecq et Valérie Lesort - du 26 septembre au 8 novembre COMÉDIE SAINT-MICHEL (loc. 01.55.42.92.97) u Le Mensonge de Florian Zeller m.e.s. Bernard Murat - avec Pierre Arditi et Evelyne Bouix - du 4 septembre au 31 octobre HÉBERTOT (loc. 01.43.87.23.23) u Victor de Henri Bernstein - m.e.s. Rachida Brakni - avec Caroline Silhol et Eric Cantona - dès le 2 sept. a g h é â t MADELEINE (loc. 01.42.65.07.09) u Le Roi Lear de Shakespeare - m.e.s. Jean-Luc Revol - avec Michel Aumont - du 11 septembre au 11 oct. POCHE-MONTPARNASSE (01.45.48.92.97) u The Servant de Robin Maugham m.e.s. Thierry Harcourt - avec Maxime d’Aboville - du 1er septembre au 8 novembre - Molières 2015 PORTE SAINT-MARTIN (01.42.08.00.32) u Irma la douce de Alexandre Breffort, Marguerite Monnot - m.e.s. Nicolas Briançon - du 15 septembre au 10 octobre RENAISSANCE (loc. 01.42.08.18.50) u Conseil de famille de Amanda Sthers - m.e.s. Eric Civanyan - dès le 9 septembre RIVE GAUCHE (01 43 35 32 31) u 24 heures de la vie d’une femme de Stefan Zweig - m.e.s. Steve Suissa - avec Clémentarine Céarié jusqu’au 29 novembre r e Oscar et la Dame rose d’ EricEmmanuel Schmitt - m.e.s. Steve Suissa - avec Judith Magre - du 23 septembre au 1er décembre STUDIO DES CHAMPS ELYSÉES (01.53.23.99.19) u Le porteur d’Histoire de et m.e.s. Alexis Michalik - du 4 septembre au 30 décembre THÉÂTRE DE PARIS (01.48.74.25.37) u Momo de Sébastien Thiéry - m.e.s. Ladislas Chollat - avec Muriel Robin et François Berléand - de 1er septembre au 28 octobre THÉÂTRE DES VARIÉTÉS (01.42.33.09.92) u Ne me regardez pas comme ça ! de Isabelle Mergault - m.e.s. Christophe Duthuron - avec Isabelle Mergault et Sylvie Vartan - du 18 septembre au 11 octobre. u Les réservations de billets peuvent être effectuées par l’intermédiaire du site : theatreonline.com Poche-Montparnasse The Servant à Londres, Tony, un jeune aristocrate paresseux emménage dans une confortable maison de ville, il engage Barrett comme domestique. Ce dernier se révèle être un valet modèle, travailleur et intelligent. Une certaine complicité s’établit peu à peu mais rapidement les rôles s’inversent et le maître se retrouve l’esclave de son serviteur. Ce chef-d’œuvre de manipulation, mis en scène de manière fine et sensible, est «The Servant» © Brigitte Enguerand repris pour 60 représentations. A ne pas manquer, d’autant que Maxime d’Aboville y reprend le rôle qui lui a permis d’obtenir un ‘Molière du comédien dans un spectacle de théâtre privé’. . Du 1er septembre au 8 novembre 2015 Relâches exceptionnelles les 6 et 23 septembre - Réservations : 01.45.44.50.21 e n d a p a r i s b e a u x - a r t s Institut du Monde Arabe Osiris, mystères engloutis d’Égypte Osiris. Le plus humain des dieux égyptiens. Immobile et emmailloté dans ses bandelettes de momie, le dieu se distinguait de ces êtres surnaturels, puissances élémentaires mi-hommes mianimaux quelque peu extravagantes du panthéon de l’Égypte pharaonique. La légende racontait qu’il fut engendré par le Ciel (la déesse Nout) et la Terre (le dieu Geb) et hérita de la royauté terrestre. Il enseigna aux hommes l’agriculture, leur donna des lois, leur apprit à adorer les dieux, leur apporta la civilisation. Exposition événement de la rentrée, « Osiris, mystères engloutis d’Égypte » dévoilera 250 objets retrouvés lors de fouilles sous-marines, dont les découvertes récentes de ces 7 dernières années menées par Franck Goddio. Viendront s’y ajouter une quarantaine d’œuvres provenant des musées du Caire et d’Alexandrie dont certaines sortiront d’Égypte pour la première fois. Ces découvertes, à la signification historique hors du commun, permettront d’illustrer la « légende d’Osiris », l’un des mythes fondateurs de la civilisation égyptienne. La célébration des « Mystères d’Osiris », grande cérémonie de l’Égypte antique commémorait, perpétuait et renouvelait annuellement cette légende divine. Trois séquences composent le parcours. La première séquence met en exergue le mythe et ses protagonistes. La deuxième, la plus importante, est celle consacrée au rite. Enfin, dans la troisième et dernière séquence, on reviendra sur le mythe, sa postérité et la diversité de ses représentations. . Du 8 septembre 20154 au 31 janvier 2016 Dieu Bès. Terre cuite. Époque ptolémaique, probablement IIIe ou IIe siècle av. J.-C., Thônis-Héracléion, Baie d'Aboukir, Égypte : Photo : Christoph Gerigk © Franck Goddio/Hilti Foundation. Centre Pompidou l UNE HISTOIRE, art, architecture et design, des années 80 à aujourd'hui – jusqu’au 11 janvier l ANNA ET BERNHARD BLUME : LA PHOTOGRAPHIE TRANSCENDANTALE – jusqu’au 28 septembre. l VALÉRIE BELIN - Les images intranquilles – jusqu’au 14 sept. Château de Versailles l ANISH KAPOOR – jusqu’au 1er novembre Cité de l’Architecture l CHAGALL, SOULAGES, BENZAKEN… LE VITRAIL CONTEMPORAIN – jusqu’au 21 septembre. Espace Dali l DAUM, VARIATIONS D’ARTISTES – du 11 septembre au 3 janvier Fondation Cartier l BEAUTÉ CONGO – 1926-2015 – CONGO KITOKO – jusqu’au 15 nov. Galerie des Gobelins l L’ESPRIT ET LA MAIN. Héritage et savoir-faire des ateliers du Mobilier national – jusqu’au 17 janvier l LE GARDE-MEUBLE EN VOYAGE. Luxe et ingéniosité du bivouac de Napoléen - du 18 septembre au 13 décembre. Grand Palais l ELISABETH LOUISE VIGÉE LE BRUN – a g du 23 septembre au 11 janvier Institut du Monde arabe l OSIRIS, MYSTÈRES ENGLOUTIS D’EGYPTE – du 8 septembre au 31 janvier Jeu de Paume l KHVAY SAMNANG, L’homme-caoutchouc / VALÉRIE JOUVE, Corps en résistance / GERMAINE KRULL (18971985), un destin de photographe – jusqu’au 27 septembre. Maison de l'Amérique latine l PABLO REINOSO – jusqu’au 5 sept. Maison de la Photographie l JOHN EDWARD HEATON Guatemala / PIERRE REIMER – du 9 septembre au 31 octobre Maison Rouge l MY BUENOS AIRES – jusqu’au 20 septembre. Monnaie de Paris l TAKE ME (I’M YOURS) – du 16 septembre au 25 octobre. Musée des arts décoratifs l TRÉSORS DE SABLE ET DE FEU Verre et cristal aux Arts Décoratifs - XIVe au XXIe siècle – jusqu’au 15 novembre. l CORÉE : DESIGN ET MÉTIER D'ART – du 19 septembre au 7 février Musée d’art moderne l HENRY DARGER – jusqu’au 11 oct. l APARTÉS 2015 Isabelle e n Cornaro, Alain Della Negra, Kaori Kinoshita et Gyan Panchal – jusqu’au 13 décembre. Musée Cognacq-Jay l THÉ, CAFÉ OU CHOCOLAT ? L’essor des boissons exotiques au XVIIIe siècle – jusqu’au 27 septembre Musée Guimet l ART BONPO DE L’ANCIEN TIBET – jusqu’au 12 octobre l INTÉRIEUR CORÉEN, OEUVRES DE INSOOK SON – du 18 septembre au 14 mars l CARTE BLANCHE À LEE BAE – du 18 septembre au 25 janvier Musée Jacquemart-André l SPLENDEUR DU PORTRAIT À LA COUR DES MÉDICIS – du 11 septembre au 25 janvier Musée du Louvre l UNE BRÈVE HISTOIRE DE L’AVENIR – du 24 septembre au 4 janvier Musée du Luxembourg l FRAGONARD AMOUREUX – du 16 septembre au 24 janvier Musée Marmottan-Monet l VILLA FLORA. Les temps enchantés – du 10 septembre au 7 février Musée de Montmartre l L’ESPRIT DE MONTMARTRE ET L’ART MODERNE 1875-1910 – jusqu’au 13 septembre d a Musée d’Orsay l DOLCE VITA - Art décoratif italien 1900-1940 – jusqu’au 13 sept. l SPLENDEURS ET MISÈRES DES COURTISANES. Images de la prostitution en France 1850-1910 – du 22 septembre au 20 janvier Musée du Quai Branly l TATOUEUR, TATOUÉS – jusqu’au 18 octobre l L’INCA ET LE CONQUISTADOR – jusqu’au 20 septembre. l PHOTOQUAI - biennale des images du monde – du 22 septembre au 22 novembre Musée Rodin l RODIN, le laboratoire de la création – jusqu’au 27 septembre Palais de Tokyo l CÉLESTE BOURSIER-MOUGENOT : Acquaalta / PATRICK NEU / JESPER JUST: Servitudes / TIANZHUO CHEN – jusqu’au 13 septembre Pinacothèque l LE PRESSIONNISME 1970 - 1990, les chefs-d’œuvre du graffiti sur toile de Basquiat à Bando – jusqu’au 13 septembre. 91 m é m e n t o GENEVE concerts 92 u 1.9. : « BALKAN-BAROQUE ! », GENEVA CAMERATA, dir. David Greilsammer, GILAD HAREL, clarinette. Salle Opéra - Hôpital cantonal de Genève à 19h30 (billetterie sur http://genevacamerata.com/rates) u 3.9. : La Bâtie - Festival de Genève. GLI ANGELI GENÈVE, dir. Stephan MacLeod (Oeuvres de Thomas Tallis, Motets & Lamentations de Jérémie). Cathédrale Saint-Pierre à 21h (loc. La Bâtie) u 3.9. : Concert caritatif - orphelins de SOS Village-Kfarhay, Liban. ELIZABETH SOMBART, pianiste, FABRICE EULRY, pianiste improvisateur & QUATUOR RÉSONNANCDE (Chopin, Bach, Rimsky-Korsakov). Victoria Hall à 20h (loc. Espace Ville de Genève, Grütli, Genève Tourisme Centrale Billetterie T 0800 418 418) u 9.9. : Migros-pour-cent-culturelclassics. ORCHESTRE DU THÉÂTRE MARIINSKI, dir. Valery Gergiev (Prokofiev, Tchaïkovski). Victoria Hall à 20h (loc. SCM 022/319.61.11) u 13.9. : AURÉLIE MATTHEY, violon et LAURENT NICOUD, piano (Hommage à Lucien Durosoir). Musée d'Art et d'Histoire, salle principale, à 16h (rés. 032 717 79 25) u 14.9. : GLI ANGELI GENÈVE - Stephan MacLeod baryton-basse et direction. Aleksandra Lewandowska soprano. Marianne Beate Kielland alto. Carlos Mena contre-ténor. Valerio Contaldo ténor (JS Bach). Victoria Hall à 20h (loc. Espace Ville de Genève, Grütli, Genève Tourisme - Centrale Billetterie T 0800 418 418) u 17.9. : Concert Prestige n°1 - Le Chant du Monde. GENEVA CAMERATA, dir. David Greilsammer, EMMANUELLE BÉART, comédienne, GIULIANO CARMIGNOLA, violon (Debussy, Beethoven, Marti, Schubert). Bâtiment des Forces Motrices à 20h (billetterie sur http://genevacamerata.com/rates) u 25 et 26.9. : Ciné-Concert. OSR, LE MOTET DE GENÈVE & MAÎTRISE DU CONSERVATOIRE POPULAIRE DE MUSIQUE DE GENÈVE, dir. Ludwig Wicki. KAITLYN LUSK soprano (Le Seigneur des Anneaux). Victoria Hall à 19h30 (loc. Billetterie OSR, www.osr.ch, T +41 (0)22 807 00 00) u 28.9. : Les Grands Interprètes. RENAUD CAPUÇON, violon, NICHOLAS ANGELICH, piano (Brahms). Victoria Hall à 20h (loc. Service culturel Migros Genève, 022 319 61 11, Stand Info Balexert, Migros Nyon-La Combe) opéra u 6.9. : Récital ANNA CATERINA ANTONACCI, soprano, DONALD SULZEN, piano (Ravel, Poulenc, Chausson). Grand Théâtre (billette- Salle Centrale de La Madeleine Quatuor de Genève + Quatuor Terpsychordes Le 3ème concert de la saison 2015 sera marqué par le passage à la Salle Centrale de la Madeleine, le Musée d’Art et d’Histoire, traditionnel lieu d’accueil de la formation, devant faire l’objet d’importants travaux de rénovation. Le Quatuor Terpsychordes (Girolamo Bottiglieri et Raya Raytcheva, violons, Caroline Cohen-Adad, alto, François Grin, violoncelle) est invité par le Quatuor de Genève pour donner l’octuor de Mendelssohn. Autres invités de marQuatuor Terpsychordes que: Frédéric Kirch et © bülp.ch_Patrick Bühler. François Guye, qui se joindront au Quatuor de Genève, pour le 2nd sextuor de Brahms, l’opus 36. Rappelons qu’ils avaient donné ensemble le 1er sextuor de Brahms en 2011, ainsi qu’une belle «Nuit transfigurée» en 2013. . Dimanche 20 septembre 2015 à 11 heures Billets à l’entrée rie en ligne sur le site du Grand Théâtre) u 11, 13, 15, 17, 19, 21.9. : GUILLAUME TELL de Gioacchino Rossini, dir. Jesús López-Cobos, Orchestre de la Suisse Romande, Théâtre Alchimic, Genève Ombres sur Molière Victoria Hall Messe en Si Johann Sebastian Bach sera à l’honneur au Victoria Hall en septembre grâce à l’ensemble Gli Angeli Genève, placé sous la direction de la basse Stephan MacLeod, ainsi qu’aux solistes Aleksandra Lewandowska, soprano, Marianne Beate Kielland, alto, Carlos Mena, contreténor, et Valerio Contaldo, ténor. Pour le plus grand plaisir du public, ils interpréteront la plus célèbre des Alexis Kossenko messes de l’histoire de la musique, à savoir la ‘Messe en si mineur BWV 232’ . Signalons que pour cette ‘Messe’, l’ensemble est comme à son habitude formé de plusieurs des plus fins spécialistes au monde de cette musique : ainsi du cor de Thomas Müller, de la trompette de Guy Ferber ou du traverso d’Alexis Kossenko... associés à une distribution vocale exceptionnelle. . le 14 septembre 2015 à 20h Lors de la première représentation de Tartuffe, Molière, victime d'un complot politico-religieux, tombe en disgrâce et sa pièce est interdite. Il faut dire que celle-ci se permet de remettre en question l'Eglise qui avait plein pouvoir à cette époque. La nouvelle création de Dominique Ziegler, fiction historique basée sur l' « Affaire Tartuffe », raconte le duel entre Molière et le pouvoir afin d'obtenir l'autorisation de jouer Tartuffe. Ecrite en alexandrins et récompensée par le Prix Plume d'Or, cette pièce s'intéresse à la liberté d’expression, sujet, malheureusement, plus que jamais d’actualité. Dans le rôle-titre, le comédien Yves Jenny © Bobby C Alkabes Yves Jenny, que l’on a déjà pu apprécier sur les scènes romandes. . Du 8 septembre au 4 octobre 2015 Réservations : [email protected] ou +41 22 301 68 38 Location : billetterie Ville de Genève a m.e.s. David Pounthey. Grand Théâtre à 19h30, le 13.9. à 15h (billetterie en ligne) g e n d a m Théâtre du Loup, Genève Eldorado Avec ‘Eldorado’, c’est depuis les pays d’origine que l’on suit l’épopée de ceux qui au péril de leur vie quittent leurs terres natales pour tenter d’atteindre la terre promise. C’est avec une grande intelligence et un sens consommé de la narration que Laurent Gaudé tisse les destins croisés de ces multiples émigrants clandestins confrontés à l’imperméabilité de la citadelle Europe. Ce texte résonne en nous comme un cri sourd de colère rentrée et de désespoir, il s’ancre dans une actualité qui depuis plus de dix ans ne cesse de prendre de l’ampleur et devient un véritable phénomène de société, mais en hissant les personnages qui incarnent cet affrontement au rang d’icônes, de figures mythologiques d’une tragédie contemporaine. La comédienne cubaine Amanda Le metteur en scène Patrick Cepero fait partie de la distribution Mohr et le Théâtre Spirale travaillent régulièrement sur la thématique des migrations avec des intervenants d’ici et d’ailleurs, et ils ne pouvaient qu’être interpelés par ce texte. . Du 15 au 27 septembre 2015 Réservations : par email, [email protected] / par téléphone, +41 22 301 31 00 théâtre u 3.9. : Festival de La Bâtie. LA CONVENTION DES VENTRILOQUES de Dennis Cooper, m.e.s. Gisèle Vienne. La Comédie à 21h (loc. La Bâtie) u Les 5 et 6.9. : DÄMONEN de Lars Nóren, m.e.s. Thomas Ostermeier. Théâtre de Carouge, salle François-Simon, sam à 21h, dim à 17 (billetterie : 022/343.43.43 [email protected]) u Du 8.9. : Festival de La Bâtie. ESTA BREVE TRAGEDIA DE LA CARNE de et m.e.s. Angélica Liddell. Salle des fêtes du Lignon à 21h (loc. La Bâtie) u Du 8 au 11.9. : Festival de La Bâtie. LETTRES DE NON-MOTIVATION de Julien Prévieux, m.e.s. Vincent Thomosset. Théâtre Saint-Gervais, grande salle, Mar 8: 19h / Mer 9: 21h / Je 10: 21h / Ve 11: 19h (loc. 022/908.20.20 ou www.saint-gervais.ch) u Du 8 au 12.9. : Festival de La Bâtie. NOUS SOMMES TOUS DES PORNSTARS de et m.e.s. Jérôme Richer. Le Grütli, salle du 2e, mar-ven à 21h, mer-jeu-sam à 19h (022/888.44.88, [email protected] / ) a g u Du 8.9. au 4.10. : OMBRES SUR MOLIÈRE de et m.e.s. Dominique Ziegler, création., mar+ven à 20h30, mer-jeu-sam-dim à 19h (rés. 022/301.68.38 / [email protected]) u Du 9 au 20.9. : LE RUISSEAU NOIR de et m.e.s. Elsa Rook. Opéra inspiré de la vie et de l’œuvre d’Annemarie Schwarzenbach. Le Grütli, salle du sous-sol, mar-jeusam à 19h, mer-ven à 20h, dim à 18h ([email protected] / 022/888.44.88) u Du 15 au 20.9. : SEMIANYKI EXPRESS par le Teatr Semianyki, m.e.s. Yana Tumina. Théâtre de Carouge, salle François-Simon, marmer-jeu et sam à 19h, ven à 20h, dim à 17 (billetterie : 022/343.43.43 [email protected]) u Du 15 au 27.9. : ELDORADO de Laurent Gaudé, m.e.s. Patrick Mohr. Création du Théâtre Spirale. Théâtre du Loup, mar-jeu-sam à 19h, mer-ven à 20h, dim à 17h (rés. 022/301.31.00) u Du 15.9. au 11.10. : 84, CHARING CROSS ROAD d’Hélène Hanff, m.e.s. Pierre Bauer, création. Théâtre des Amis, Carouge, mar-ven à 20h, mer-jeu-sam à 19h, dim à 18h (rens. 022/342.28.74) e n é m e u 19 et 20.9. : FAIM DE LOUP d’après les Frères Grimm, m.e.s. Ilka Schönbein, dès 8 ans. Théâtre des Marionnettes, sam à 19h, dim à 17h (rés. 022/807.31.07) u Du 21 au 27.9. : CASSANDRE d’après Christa Wolf, m.e.s. Hervé Loichemol. Avec Fanny Ardant. La Comédie de Genève, lun-mar-jeusam à 19h, ven à 20h, dim à 17h, relâche mercredi 23 (loc. 022/320.50.01 / [email protected]) u Du 22 au 29.9. : PIERRE À PIERRE de et m.e.s. Rosa Diaz, dès 2 ans. Théâtre des Marionnettes (rés. 022/807.31.07) u Du 22.9. au 10.10. : RETALK – LE POINT SUR LES TENDANCES ÉROTICOEXOTIQUES DU FOUND FOOTAGE, m.e.s. Julia Perazzini et Valerio Scamuffa. Théâtre Saint-Gervais, salle Isidore Isou, mar-jeu-sam à 20h30, mer-ven à 19h (loc. 022/908.20.20 ou www.saint-gervais.ch) u Du 22.9. au 18.10. : MALGRÉ LES APPARENCES. Spectacle musical par Maria Mettral et Aliose, m.e.s. Christian Gregori, création. Théâtre du Crève-Cœur, ch. de Ruth, Cologny (rés. 022/786.86.00) u Du 22.9. au 1.11. : LES ACTEURS DE BONNE FOI de Marivaux, m.e.s. Geneviève Pasquier et Nicolas Rossier. Théâtre de Carouge, salle Gérard-Carrat, mar-mer-jeu et sam à 19h, ven à 20h, dim à 17 (billetterie : 022/343.43.43 - [email protected]) u Du 29.9. au 18.10. : VOYAGE AU BOUT DE LA NUIT de LouisFerdinand Céline, m.e.s. Philippe Sireuil. Studio André Steiger, mar- n t o mer-jeu-sam à 19h, ven à 20h, dim à 17h, relâche lun + dim 4.10. (loc. 022/320.50.01 / [email protected]) danse u Du 30.9. au 11.10. : NARSARSUAQ de Maud Liardon, création. Salle des Eaux-Vives, 82-84 r. Eaux-Vives, à 20h30 / sa 19h, di 18h30 (rés. et billetterie en ligne sur www.adcgeneve.ch) LAUSANNE concerts u 24.9. : CHŒUR PRO ARTE DE LAUSANNE & CHŒUR DE CHAMBRE DE L’UNIVERSITÉ DE FRIBOURG, dir. Alexander Mayer, avec LÉONIE RENAUD & CAROLE MEYER, sopranos, RUDOLF SCHASCHING, ténor (Barber, Mendelssohn). Cathédrale à 20h (rés. 021/316 71 60 ou http://www.sinfonietta.ch) u 25.9. : REQUIEM de Gounod. Ensemble vocal Arpège & Quatuor 4elles; Petya Todorova, contrebasse; Julie Sicre, harpe; Benjamin Righetti, orgue; Sabina Fulgosi, Véronique Rossier, Jonathan Spicher, Jean-Luc Waeber, solistes; Julien Laloux, direction. Eglise St-François à 20h30 (Billetterie: www.monbillet.ch) u 26.9. : Vibrations de Bonmont. LES VÊPRES de Rachmaninov, Ensemble choral Voix de Lausanne, dir. Dominique Tille. Abbaye de Salle Paderewski, Lausanne Sylviane Deferne Sylviane Deferne © Sébastien Goyon La pianiste Sylviane Deferne sera en concert en septembre avec sa consœur Brigitte Meyer, ainsi qu’avec l’Orchestre des Variations symphoniques dirigé par Luc Badhassarian. Au programme : - Mozart : Concerto pour deux pianos, interprété par Brigitte Meyer et Sylviane Deferne - Mendelssohn : Concerto pour violon et piano ; au violon Mario Hossen, piano Sylviane Deferne - Saint Saens : « Carnaval des animaux » avec Brigitte Meyer et Sylviane Deferne . le 25 septembre 2015 à 20h d a 93 m é m Bonmont, Chéserex, à 20h15 (rés. 022 557 52 75) théâtre 94 u Du 8 au 12.9. : THE ENCOUNTER d’après Petru Popescu, m.e.s. Simon McBurney. Vidy-Lausanne, salle Charles Apothéloz, mar-jeu à 19h, mer-ven à 20h, sam à 17h (rés. 021/619.45.45 - www.billetterievidy.ch) u Du 10 au 26.9. : B.L.A.S.T.E.D d’après Anéantis de Sarah Kane, m.e.s. Karim Bel Kacem. Vidy-Lausanne, salle René Gonzalez, mar-mer-jeu à 19h30, ven à 21hsam-dim à 20h (loc. 021/619.45.45) u Du 11 au 26.9. : GULLIVER d’après Les Voyages de Gulliver de Jonathan Swift, m.e.s. Karim Bel Kacem. VidyLausanne, salle René Gonzalez, nombreuses séances (loc. 021/619.45.45) u Du 22.9. au 4.10. : HOME-MADE de et m.e.s. Magali Tosato. VidyLausanne, La Passerelle (loc. 021/619.45.45) u Du 24 au 25.9. : THE DARK AGES de et m.e.s. Milo Rau. Vidy-Lausanne, salle Charles Apothéloz, jeu à 19h, ven à 20h (rés. 021/619.45.45 www.billetterie-vidy.ch) u Du 30.9. au 4.10. : CLÔTURE DE L’AMOUR de et m.e.s. Pascal Rambert. Vidy-Lausanne, salle Charles Apothéloz, mer-ven-sam à 20h, jeu à 19h, dim à 15h (rés. 021/619.45.45 www.billetterie-vidy.ch) danse u 30.9. et 1.10. : MIKHAILOVSKY BALLET, Without Words, Duende, Nunc Dimittis, chor. Nacho Duato. Opéra de Lausanne (Billetterie : 021/315.40.20, lun-ven de 12h à 18h / en ligne et infos : www.opera-lausanne.ch) AILLEURS annemasse RELAIS CHÂTEAU-ROUGE à 20h30 sauf mention contraire (loc. +33/450.43.24.24) u 9.9. : SEHNSUCHT, LIMITED EDITION, chor. Koen Augustijnen u 11.9. : MOUNTAIN MEN u 16.9. : FIREHEAD + LISZTOMANIA + ARES u 18 et 19.9. : BIGRE par la Cie le Fils du Grand Réseau u 23.9. : FAADA FREDDY u 30.9. : THIBAULT CAUVIN e n t fribourg THÉÂTRE EQUILIBRE Salle Equilibre à 20h, sauf mention contraire (billetterie : Fribourg Tourisme 026/350.11.00 / [email protected]) Equilibre: +41 26 350 11 00 u 25.9. : LES PIÈCES DE NEW YORK, Ballet Preljocaj, chor. Angelin Preljocaj givisiez THÉÂTRE DES OSSES, 20h, di à 17h (loc. 026/469.70.00) u Du 30.9. au 11.10. : LE REVIZOR de Nicolas Gogol, m.e.s. Evelyne Castellino martigny FONDATION GIANADDA, à 20h, dim à 17h sauf mention contraire (rés. +41 27 722 39 78) u 15.9. : CHRISTIAN ZACHARIAS, piano, SCHAROUN ENSEMBLE DE LA PHILHARMONIE DE BERLIN (Mozart, Scarlatti, Beethoven) meinier FESTIVAL AMADEUS. Grange de la Touvière (billetterie : Très Classic, 022 781 57 60 / Grange de la Touvière dès le 21.8. au 022 750 20 20 / tous les soirs, 2 h avant le concert) u 1.9. à 20h30 : ENSEMBLE LES DISSONANCES & DAVID GRIMAL violon (Mozart) u 2.9. à 20h30 : RAPHAËL SÉVÈRE clarinette, JEAN-FRÉDÉRIC NEUBURGER piano, FRANÇOIS SALQUE violoncelle (Beethoven, Berg, Bernstein) u 3.9. à 20h30 : ENSEMBLE RARO & OLIVIER DARBELLAY cor (Schreker, Brahms) u 4.9. à 20h30 : GENEVA PERCUSSIONS CENTER (Reich) u 5.9. à 20h30 : ECHOA. Cie Arcosm u 6.9. à 12h : CHŒUR DE MEINIER & MICHEL TIRABOSCO flûte de pan (Antonio Vivaldi / Manuel de Sumaya) u 6.9. à 17h : CABARET FRIMOUSSE u 8.9. à 20h30 : ENSEMBLE VOCAL DE POCHE, MARGARET HARMER cloches médiévales (Dialogue musical William Byrd et Arvo Pärt) u 9.9. à 20h30 : WERNER GÜRA ténor & FABRIZIO CHIOVETTA, piano (Schubert, Schumann) u 10.9. à 17h : LEMANIC MODERN ENSEMBLE, dir. William Blank. MATTHIAS ARTER hautbois (Antignani, Blank, Riparbelli, Benjamin) a g o u 10.9. à 20h30 : TRIO WANDERER (Schubert) u 11.9. à 20h30 : JAN LUNDGREN TRIO & GRÉGOIRE MARET harmonica. Jazz u 12.9. à 20h30 : CAMERATA ARMIN JORDAN, dir. Benoît Willman, PHILIPPE CASSARD piano (Ibert, Mozart, Schubert) meyrin THÉÂTRE FORUM MEYRIN (loc. 022/989.34.34) u 29 et 30.9. : LES PIÈCES DE NEW YORK, chor. Angelin Preljocaj u 29 et 30.9. : HISTOIRE SPRIRITUELLE DE LA DANSE par David Wahl mézières THÉÂTRE DU JORAT à 20h, dim à 17h (loc. 021/903.07.55 ou [email protected]) u 4 et 5.9. : EN AVANT, MARCHE !, m.e.s. Alain Platel et Frank van Laecke, dir. musicale Steven Prengels u 13.9. : LA FÊTE AUX CHŒURS. Deux spectacles dirigés par Dominique Tille, l’un avec le Trio Nørn et l'Ensemble vocal féminin Callirhoé, l’autre avec le Boulouris 3+3 et le chœur Voix de Lausanne u 25.9. : YAEL NAIM, chanson monthey THÉÂTRE DU CROCHETAN à 20h (loc. 024/471.62.67) u Du 9 au 20.9. : POUR EN FINIR AVEC LE JUGEMENT DE DIEU, m.e.s. RenéClaude Emery u Du 25 au 27.9. : LA VERITÀ de et m.e.s. Daniele Finzi Pasca montreux SEPTEMBRE MUSICAL 2015 Jusqu’au 10 septembre (Réservation : 021/962.80.05, ou TicketCorner, Fnac, ou réservation en ligne : www.septmus.ch/fr/billetterie/) u 1.9. : EUROPEAN PHILHARMONIC OF SWITZERLAND, dir. John Fiore. ALEKSANDR SHAIKIN, lauréat Concours Géza Anda 2015, piano (Bernstein, Gershwin, Schönberg). Auditorium Stravinski à 19h30 u 2.9. : ALEKSANDR SHAIKIN, lauréat Concours Géza Anda 2015, piano (Mozart, Beethoven, Prokofiev). Hôtel des Trois-Couronnes à 19h30 u 3.9. : EUROPEAN PHILHARMONIC OF SWITZERLAND, dir. John Fiore. LUKAS GENIUŠAS, lauréat XV Concours Tchaikovsky, piano, GÉRARD CAUSSÉ, e n alto (Dvo ák, Tchaikovski). Auditorium Stravinski à 19h30 u 5.9. : EUROPEAN PHILHARMONIC OF SWITZERLAND, dir. John Fiore. ANDREY BARANOV, lauréat Concours Reine Elisabeth 2012, violon (Mendelssohn-Bartholdy, Elgar). Salle del Castillo à 19h30 u 6.9. : ORCHESTRE NATIONAL DE FRANCE, dir. Emmanuel Krivine, piano BERTRAND CHAMAYOU, (Humperdinck, Saint-Saëns, Berlioz). Auditorium Stravinski à 18h u 7.9. : EUROPEAN PHILHARMONIC OF SWITZERLAND, dir. et présentation Philippe Béran, JOAN MOMPART, narrateur (Mendelssohn-Bartholdy, Prokofiev). Auditorium Stravinski à 11h u 7.9. : FRANK DUPREE, piano (Schubert, Gershwin, Ravel). Château de Chillon à 19h30 u 8.9. : ORCHESTRE FRANÇAIS DES JEUNES, dir. David Zinman, JEANFRÉDÉRIC NEUBURGER, piano (Berlioz, Beethoven, Brahms). Auditorium Stravinski à 19h30 u 9.9. : FRANK DUPREE, piano, EDGAR MOREAU, violoncelle (Brahms, Schumann, Chostakovitch). Château de Chillon à 19h30 u 10.9. : IVO POGORELICH, piano (Liszt, Schumann, Stravinski, Brahms). Salle del Castillo à 19h30 morges THÉÂTRE DE BEAUSOBRE à 20h sauf mention contraire (loc. 024/471.62.67) u 2.9. : L’ELIXIR D’AMOUR AVEC LE LIVRE SUR LES QUAIS d’Eric-Emmanuel Schmitt, m.e.s. Steve Suissa u 29 et 30.9. : JEFF PANACLOC, m.e.s. Jarry thonon-évian MAISON DES ARTS DU LÉMAN, Espace Maurice Novarina à 20h30, sauf mention contraire (loc. 04.50.71.39.47 ou en ligne : billetterie.mal-thonon.org) u Jeudi 24 sept. à 20h à Cervens, salle polyvalente & Vendredi 25 sept. à 20h à Messery, salle polyvalente : LE PLEURE-MISÈRE de Flann O’Brien, m.e.s. Clara Simpson / Jeu : Gilles Fisseau, Davog Rynne u Mercredi 30 sept. à 20h : LA DANSE DU DIABLE. Texte, m.e.s. et jeu Philippe Caubère. Histoire comique et fantastique d a Saison musicale à la Grange au Lac Evian-les-Bains Saison musicale à la Grange au Lac Evian-les-Bains Saison mus Evian-les-B Musique classique à la Grange Orchestre Philharmonique de Baden-Baden Musique classique à la Grange Judith Kubitz, direction Maria Solozobova, violon Tchaikovski, Sibelius, Beethoven Orchestre Philhar de Baden-Baden Nathalie Stutzmann - Orfeo 55 Tchaikovski, Sibelius, Beethoven Lumière et romantisme Nicolas Chalvin, direction Mozart, Schubert Samedi 17 octobre à 20h Nathalie Stutzmann Orchestre des Pays de Savoie Samedi 14 novembre à 20h Choeurs et Solistes de Lyon Samedi 2 avril à 20h Samedi 14 novem Samedi 12 décembre à 20h Orchestre des Pays de Savoie Samedi 16 jan janvier vier à 20h Roger Muraro, piano Samedi maià à20h 20h Samedi 21 4 juin Mahler, Fauré, Brahms Varsovie vie romantique Nicolas olas Chalvin, Chalvin, direction direction Mendelssohn, Weinberg endelssohn, Chopin, Weinber W einbergg einber Varsovie romantique Nicolas Chalvin, direction Mendelssohn, Chopin, Weinberg Stephan Eicher Les Arie antiche Choeurs et Solist Nathalie Stutzmann,, contralto et direction Gary Hoffmann violoncelle Orfeo 55, orchestre de chambre Lumière et romantism Claire Scarlatti,Désert Giordani,, piano Caldara, Carissimi,... Nicolas Chalvin, direct Beethoven, Mozart, Schubert Samedi 5Brahms, mars Schumann, à 20h Bach Gary Hoffmann, violoncelle Orchestre des Pays de Savoie Adrien La Marca, Claire Désert, piano Orchestre Symphonique de Mulhouse L Christian-Pierre Beethoven, Brahms, Schumann, Bach Nicolas Nic olas Chalvin et P Patrick atrick Da Davin, vinChristian , direction direction Danowi Samedi 2¢Navril à 20h %DUW´N'YRĔ¢N %DUW ´N'YRĔ RĔ¢N David Kadouch, pi Samedi 21 mai à 20h Entre Wroclaw et Evia Orchestre des Pays de Savoie Mahler, Fauré, Brahms Orchestre Symphonique de Mulhouse HUMOUR / MUSIQUE Samedi Nicolas MnozilChalvin Brasset Patrick Davin, direction 12 décem Samedi 12Danowicz décembre déc embre à 20h Christian , violon David Kadouch, piano Orchestre Pays e des P ays de Savoie Savoie Entre Wroclaw et Evian... Rencontres Roger Muraro oger Murar o, piano 0 450 71 39 47 Nathalie 55 Samedi 5Stutzmann mars à 20h- Orfeo Orchestre des Pa Nathalie Stutzmann Lumière Adrien et Laromantisme Marca, alto Nicolas Chalvin, direction Christian-Pierre La Marca, violoncelle Mozart, Schubert Christian Danowicz, violon Samedi 14 novembre à 20h David Kadouch, piano Entre Wroclaw et Evian... , alto Rencontres Adrien La Marca Mahler, Fauré, Brahms Christian-Pierre La Marca, violoncelle S tephan Eicher Stephan Maria Solozobova, vio Les Arie antiche Judith Kubitz, direction Nathalie Stutzmann, contralto et direction Tchaikovski, Sibelius, Be Orfeo 55, orchestre de chambre Samedi 17 octob Scarlatti, Giordani, Caldara, Carissimi,... %DUW´N'YRĔ¢N Yes Y es Yes Yes Y Yes es Orchestre des Pa Roger Muraro, pia Chanson, jazz à la GrangeYes Yes Yes Varsovie romantique Nicolas Chalvin, direct Mendelssohn, Chopin, W Chanson, jazz à la Grange Chanson, jaz HUMOUR / MUSIQUE Mnozil Brass Samedi janvier à 20h 5 déc Samedi 16 janvie Samedi 4 juin à 20h Gregory16 Porter . Samedi décembre embre à 20h30 vril à 20h30 Stephan Eicher . Samedi 16 aavril Stephan Vendredi endredi 28 mai à 20h30 Chucho Valdés Valdés and the A fro-Cuban Messenger Messenger . V Afro-Cuban ch © Armando Simon F Fowler owler / Roch Roch Armando Nathalie Stutzmann Orchestre Samedi 17Philharmonique octobre à 20h de Baden-Baden Maria Solozobova, violon de Savoie Orchestre des Pays Judith Kubitz, direction Choeurs et Solistes de Lyon Musique cla Gregory Porter . Samedi 5 décembre à 20h30 Gregory Porter . Stephan Eicher . Samedi 16 avril à 20h30 Stephan Eicher . mai à 20h30 Chucho Valdés and the Afro-Cuban Messenger . Vendredi 28Chucho Valdés a Stephan Eicher